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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 février 2020, n° 18-08633

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Simonin TPVF (SARL)

Défendeur :

SNCF Mobilités (EPIC), SNCF Réseau (EPIC), Ferro-Tech (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Mes Olszakowski, Vignes, Delfini

T. com. Paris, du 5 mars 2018

5 mars 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Simonin TPVF, créée en 1983, exerçait une activité de travaux ferroviaires, travaux publics, travaux paysagers, élagages, terrassement et génie civil.

La société Ferro-Tech est une entreprise de travaux de droit luxembourgeois, qui a été attributaire de marchés de la SNCF, notamment à partir de 2011 et dans l'Est de la France, région où intervenait principalement la SARL Simonin TPVF, qui a parfois opéré avec elle.

La société Simonin TPVF a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Metz du 26 février 2014, décision transformée en liquidation judiciaire par jugement du 23 avril 2014, qui a désigné Me X ès-qualités de liquidateur judiciaire.

Par actes extrajudiciaires des 11, 14 et 16 décembre 2015, la Selarl X, en ses qualités d'administrateur judiciaire et de liquidateur de la SARL Simonin TPVF, a assigné SNCF Réseau, SNCF Mobilités et la société Ferro-Tech, sur le fondement des articles 1134 du Code civil et de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en dommages-intérêts pour rupture fautive, brutale et vexatoire des relations contractuelles.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 5 mars 2018, a :

- dit l'exception d'incompétence formulée par l'EPIC de l'État SNCF Réseau et l'EPIC de l'État SNCF Mobilités recevable ;

- dit cette exception d'incompétence mal fondée en ce qui concerne l'action délictuelle en rupture brutale d'une relation commerciale établie engagée à titre principal, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, contre l'EPIC de l'État SNCF Réseau et l'EPIC de l'État SNCF Mobilités par la Selarl X ès qualités, les a déboutés de cette exception et s'est déclaré compétent ;

- dit à toutes fins utiles l'exception d'incompétence bien fondée en ce qui concerne l'action contractuelle engagée à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil, contre l'EPIC de l'État SNCF Réseau et l'EPIC de l'État SNCF Mobilités par la Selarl X ès qualités, ces demandes relevant de la compétence du juge administratif ;

- mais, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ces demandes subsidiaires et donc pas lieu d'inviter la partie demanderesse à se mieux pourvoir ;

- dit l'exception d'incompétence formulée par la société Ferro-Tech recevable mais mal fondée ; l'a déboutée de son exception et s'est déclaré compétent ;

- mis hors de cause l'EPIC de l'État SNCF Mobilités ;

- dit que l'EPIC de l'État SNCF Réseau et la société Simonin TPVF étaient dans les liens d'une relation commerciale établie depuis plus de trente ans, mais que la rupture intervenue partiellement en 2011/2012 n'est pas imputable à l'EPIC de l'État SNCF Réseau et que la fin de la relation début 2014 ne constitue pas une rupture du fait de cet établissement ;

- débouté la Selarl X ès qualités de sa demande tendant à voir l'EPIC de l'État SNCF Réseau condamné à l'indemnisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- débouté en conséquence la Selarl X ès qualités de ses demandes en dommages-intérêts dirigées contre la société de droit luxembourgeois Ferro-Tech au titre de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et, subsidiairement, au titre des articles 1134, 1119 et 1147 du Code civil ;

- condamné la société Ferro-Tech à payer à La Selarl X ès qualités la somme de 4 748,18 euros, à majorer des intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2016 ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Ferro-Tech aux dépens.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 11 octobre 2019, la Selarl X, en ses qualités de mandataire judiciaire et de liquidateur de la société Simonin TPVF, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel ;

Et jugeant à nouveau ;

À titre principal :

- condamner solidairement SNCF Mobilités et SNCF Réseau à lui payer une somme de 2 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations contractuelles en application des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- condamner la société Ferro-Tech à lui payer une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutales des relations contractuelles, en application des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- condamner la société Ferro-Tech à lui payer une somme de 6 604,18 euros au titre d'un solde de factures, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 6 mai 2014, outre la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour sa résistance abusive, en application des articles 1134, 147 et 1149 du Code civil ;

À titre subsidiaire ;

- condamner solidairement SNCF Mobilités et SNCF Réseau à lui payer une somme de 2 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir abusivement et de manière vexatoire mis un terme aux relations contractuelles entre les parties, en application des articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil ;

- condamner la société Ferro-Tech à lui payer une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations contractuelles, en application des dispositions des articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil ;

En tout état de cause ;

- dire tant irrecevables qu'injustifiées et infondées les prétentions de SNCF Mobilités, SNCF Réseau et de la société Ferro-Tech et les rejeter ;

- condamner in solidum SNCF Mobilités, SNCF Réseau et la société Ferro-Tech à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mars 2019, SNCF Mobilités et SNCF Réseau demandent à la cour de :

Vu les articles 74 et 75 du Code de procédure civile ;

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Vu l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

Vu le décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 ;

À titre principal :

- annuler à tout le moins réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par SNCF Réseau ;

- décliner sa compétence au profit de celle du tribunal administratif de Paris, sis 7 rue de Jouy, 75004 Paris ;

- renvoyer la société Simonin TPVF à mieux se pourvoir ;

À titre subsidiaire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il débouté la société Simonin TPVF de ses demandes ;

En toute hypothèse :

- rejeter, en conséquence, l'ensemble des demandes de la société Simonin TPVF ;

- condamner la société Simonin TPVF à verser à SNCF Réseau une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 9 janvier 2019, la société Ferro-Tech demande à la cour de :

À titre liminaire sur la compétence du juge de première instance :

- confirmer la mise hors de cause de SNCF Mobilités ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré comme mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par SNCF Réseau ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré comme mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société Ferro-Tech ;

Statuant à nouveau :

- juger irrecevable la demande de la Selarl X ès qualités en ce qu'elle est présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- constater la compétence du tribunal d'arrondissement de Luxembourg : bâtiments TL, CO, JT Cite judiciaire 2080 Luxembourg ;

En tout état de cause

- prononcer une fin de non-recevoir à l'encontre de l'action du liquidateur, en ce qu'elle a été engagée en violation du principe de spécialisation prévue à l'article D. 442-3 du Code de commerce ;

À titre subsidiaire, sur le fond :

- sur la demande relative à l'indemnisation du préjudice subi fondée sur la rupture brutale de relation commerciale établie :

À titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le liquidateur de ses demandes de dommages et intérêts dirigées contre elle au titre de l'article L. 442-6 1 5° du Code du commerce et, subsidiairement, au titre des articles 1134, 1119 et 1147 du Code civil ;

Sur la demande relative au paiement du solde de 6 604,18 euros :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 4 748,18 euros à majorer des intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2016 ;

Statuant à nouveau :

- débouter le liquidateur de sa demande relative au paiement de la somme de 6 604,18 euros ;

En tout état de cause :

- débouter le liquidateur de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- le condamner à lui payer une somme de 8 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif et l'excès de pouvoir, s'agissant de l'action fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce

En droit, depuis les dispositions du décret du 6 mai 2017 ayant modifié l'article 75 du Code de procédure civile et s'appliquant aux décisions rendues à compter du 1er septembre 2017, s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.

SNCF Réseau et SNCF Mobilités soutiennent, au visa des articles 74 et 75 du Code de procédure civile, qu'en raison du caractère administratif des contrats en cause, seul le tribunal administratif était compétent pour connaître du litige introduit par la société Simonin. Ces établissements publics à caractère industriel et commercial précisent que l'article 86 du cahier des clauses et conditions générales applicable aux marchés de travaux passés par la société SNCF Réseau confie aux juridictions parisiennes compétence pour connaître de ces marchés, de sorte que seul le tribunal administratif de Paris aurait été compétent en première instance.

C'est vainement que le liquidateur soutient l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence, qui est formée avant toute défense au fond depuis les premières conclusions d'intimés du 23 décembre 2018, qui est motivée et qui précise l'éventuelle juridiction de renvoi.

Cependant, il résulte de la décision du 4 mai 2009 n° 3714 du Tribunal des conflits que " [...] En matière de marchés public, lesquels ne traduisent pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, la compétence du juge administratif [...] ne fait pas obstacle à la compétence [...] des juridictions de l'ordre judiciaire, pour statuer sur les litiges fondés sur des pratiques anticoncurrentielles [...] ".

Si cette règle reçoit exception (cf. Tribunal des conflits, 16 novembre 2015, n° C4035) concernant les litiges relatifs à la responsabilité de personnes auxquelles sont imputés des comportements susceptibles d'avoir altéré les stipulations d'un contrat administratif, notamment ses clauses financières, dont la connaissance relève de la juridiction administrative, et d'avoir ainsi causé un préjudice à la personne publique qui a conclu ce contrat, tel n'est pas le cas en l'espèce, dans la mesure de ce qui suit.

En effet, l'action principale non contractuelle, mais délictuelle, du liquidateur de la société Simonin TVPF en réparation du préjudice qui serait résulté de la rupture brutale des relations commerciales établies, est fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, tandis que le paragraphe III de ce même article attribue compétence exclusive aux juridictions civiles ou commerciales pour en connaître.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit, par de justes motifs que la cour adopte et auxquels elle n'a fait qu'ajouter ce qui précède, que l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative était mal fondée s'agissant de cette action principale.

Par conséquent, les demandes en annulation et en réformation du jugement entrepris, fondées sur l'exception d'incompétence soulevée par SNCF Réseau et SNCF Mobilités, également soutenue par la société Ferro-Tech, seront rejetées.

Sur l'exception d'incompétence soulevée au profit de la juridiction étrangère par la société Ferro-Tech

La société Ferro-Tech soutient l'incompétence du juge de première instance, aux motifs qu'elle est de droit luxembourgeois et ne dispose d'aucun établissement en France, que le droit de l'Union européenne considère que l'action indemnitaire pour rupture brutale de relations commerciales établies ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens du règlement 44/2001, mais de la matière contractuelle, tandis que la majorité des prestations fournies par la société Simonin TPVF se sont situées sur le territoire luxembourgeois.

Cependant, le moyen d'incompétence soutenu par la société Ferro-Tech précise qu'il ne vaut que pour le cas où la cour, confirmant sur la mise hors de cause de SNCF Mobilités, ferait droit à l'exception d'incompétence au profit du juge administratif, ce qui n'a pas été le cas.

En effet, l'article 8 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale précise qu'en présence de plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d'un état membre peut aussi être attraite devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps, afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

Après avoir textuellement mis dans le débat ces mêmes dispositions, le tribunal de commerce a exactement retenu que le litige opposant la société Simonin TPVF à la société Ferro-Tech, était caractérisé par les circonstances :

- que la société Simonin TPVF était sous-traitante de la société Ferro-Tech pour l'exécution d'un marché confié par la SNCF ;

- que les conditions de la rupture étaient susceptibles d'être étroitement liées à une intervention de la SNCF.

Le tribunal de commerce en a exactement déduit qu'il y avait un intérêt manifeste à juger ce litige en même temps que celui opposant la société Simonin TPVF à SNCF Réseau et SNCF Mobilités.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'exception d'incompétence au profit de la juridiction luxembourgeoise était mal fondée.

Sur la fin de non-recevoir prise de la méconnaissance de la compétence spécialisée du Tribunal de commerce de Nancy

La société Ferro-Tech conteste la compétence du tribunal de commerce de Paris quant à la rupture brutale alléguée, au motif que les prétendues relations commerciales établies évoquées par la demanderesse sur le fondement de l'article L. 442-6, I,5° du Code de commerce ont eu lieu exclusivement dans la région Grand Est comme en témoignent les commandes passées par la société Ferro-Tech, de sorte que selon le moyen, seul le tribunal de commerce de Nancy était compétent en première instance, en vertu de l'article D. 442-3 du Code de commerce, ce qui constituerait une fin de non-recevoir.

Toutefois, il est constant que le tribunal de commerce de Paris était bien la juridiction spécialisée de première instance territorialement compétente en vertu de l'article D. 442-3 du Code de commerce pour connaître de l'action en rupture brutale de relations commerciales établies dirigée contre SNCF Réseau et SNCF Mobilités, dont les sièges sociaux sont à Bobigny.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit mal fondée l'exception d'incompétence de la société Ferro-Tech, la présente fin de non-recevoir étant, par conséquent, nécessairement mal fondée.

Sur l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies du fait de la SNCF

Les moyens soutenus par le liquidateur au soutien de son appel contestant le défaut de caractérisation d'une rupture brutale de relations commerciales établies entre la SARL Simonin TPVF, d'une part, et la SNCF, d'autre part, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il sera seulement ajouté ce qui suit.

Le liquidateur soutient que la SARL Simonin TPVF a subi une rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies survenue après la signature du dernier marché avec la SNCF le 8 juillet 2013, dont le prestataire aurait pris connaissance en octobre 2013 seulement.

Toutefois, par lettre recommandée datée du 18 novembre 2010 adressée à la SARL Simonin TPVF, avec accusé de réception signé par le destinataire le 22 novembre 2010, la SNCF, faisait le point sur la situation de l'entreprise au regard des marchés qui lui étaient confiés et indiquait l'insatisfaction causée par des dysfonctionnements de chantier, par l'utilisation de matériels vieillissants et par la défaillance du prestataire pour la réalisation des projets de décompte ou de métrés requis par le CCGP applicable aux travaux.

Surtout, la SNCF invitait l'entreprise à diversifier ses clients, compte tenu de la dépendance économique née de la part trop importante du chiffre d'affaires réalisé avec la SNCF et de la " nécessité impérieuse " d'y remédier.

Par lettre recommandée datée du 9 mars 2011, adressée à la SARL Simonin TPVF, avec accusé de réception signé par le destinataire, la Direction des Achats de la SNCF a notifié à l'entreprise que ses qualifications étaient arrivées à expiration et que si elle souhaitait une mise à jour, il fallait constituer et adresser un dossier selon une procédure disponible sur internet, précisant que sans réponse sous un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre, les qualifications seraient supprimées des fichiers de la SNCF.

Si le liquidateur affirme que cette lettre ne comporte pas d'adresse d'envoi, que l'accusé de réception ne mentionne pas concerner la société Simonin TPVF, ne contient ni date de présentation ni de distribution et comporte une signature inconnue, la cour retient néanmoins que si l'accusé de réception est illisible quant au destinataire de la lettre et aux dates de présentation et de distribution du pli, il n'en demeure pas moins que par lettre du 28 septembre 2011 (pièce n° 10) dont rien n'indique qu'elle n'a pas été reçue, ce même service écrivait à la société Simonin TPVF que, faute d'avoir établi un dossier malgré les rappels effectués, dont la lettre du 9 mars 2011 ci-dessus, l'entreprise ne pouvait plus prétendre à la qualification.

Il est donc établi que la SNCF, en 2011, a averti la société Simonin TPVF de ce qu'elle avait perdu sa qualification, et que cette entreprise n'a rien fait pour la recouvrer.

Par lettre recommandée datée du 8 avril 2013, avec accusé de réception signé du 12 avril 2013, la SNCF rappelait de nouveau à la SARL Simonin TPVF, prise à l'adresse de son établissement principal jusqu'au 15 janvier 2013 confirmé par l'extrait Kbis du RCS (116 route de Thionville à Woippy), la nécessité impérieuse de diversifier ses clients et sources de revenus, soulignant que la qualification avait été perdue, ce qui l'empêchait d'être attributaire de marchés sur lesquelles elle était jusqu'alors positionnée.

La SNCF rappelait à cette occasion que l'entreprise était alors attributaire de certains marchés de montant limité, mais sans être assurée de les conserver dans le cadre de leur renouvellement, à cause de l'obligation de mise en concurrence de ses prestataires.

La Cour observe que si le liquidateur relève que cette lettre n'a pas été adressée au siège social de l'entreprise malgré l'avertissement du changement d'adresse donné par courriel à un préposé de la SNCF le 25 février 2013, la fonction de ce préposé n'est nullement précisée et le caractère officiel allégué de cet avis n'est nullement établi.

Par suite, si le liquidateur prétend que la signature apposée sur l'accusé de réception est inconnue, il n'en demeure pas moins que le défaut d'acheminement allégué ne peut être valablement reproché à l'expéditeur, qui doit être regardé comme ayant valablement avisé la société Simonin TPVF au moyen de cette lettre.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société Simonin TPVF, malgré les avertissements de la SNCF, n'avait pas fait ce qui dépendait d'elle pour conserver ou retrouver sa qualification pour les travaux d'infrastructure.

La fin de la relation commerciale établie avec la SNCF, ainsi que l'a retenu le tribunal de commerce, s'est donc faite après qu'elle se fut elle-même placée dans la situation de ne pas pouvoir signer seule de marché avec mise en concurrence, même si elle a été par la suite cotraitante avec une autre entreprise mandataire, la dernière commande produite datant de septembre 2013.

Le liquidateur ne peut valablement nier ni le fait de la perte de qualification, ni les conséquences de celle-ci ayant réduit, par la faute de l'entreprise, les possibilités de travailler avec la SNCF, alors qu'il suffit de se reporter au tableau récapitulatif des commandes directement passées avec la société Simonin TPVF dans le cadre de marchés pour lesquelles elle était titulaire, tel que communiqué par la SNCF et contre lequel rien n'est valablement produit, pour vérifier que le chiffre d'affaires est passé de 313 492 euros en 2009 à 185 449 euros en 2010, 165 554 euros en 2011, 113 555 euros en 2012 et 146 152 en 2013 incluant une commande de 13 390 euros en 2014, portant la référence ... remplacement, notamment de traverses en recherche selon l'offre de prix " gare de Hagondage ".

Cette forte diminution à compter de 2010 est donc imputable à l'entreprise et non à la SNCF.

Le liquidateur allègue sans rien prouver contre la SNCF que la relation commerciale s'est brutalement interrompue à l'automne 2013, et rien ne permet de retenir que la SNCF n'a pas passé de commande en 2014, alors que la procédure collective est intervenue au cours de cette même année.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que nulle rupture brutale de relations commerciales établies n'était imputable à la SNCF.

Sur l'existence d'une rupture brutale de relations commerciales établies imputable à la société Ferro-Tech

Les pièces essentiellement invoquées par le liquidateur (24 à 31, 54, 57, 58 et 61) à l'appui de l'appel sont :

- des courriels de septembre 2011 échangés entre les deux entreprises au sujet de demandes de prestations par la société Ferro-Tech à la société Simonin TPVF ;

- des commandes de la société Ferro-Tech à la société Simonin TPVF de mars 2013, juin 2013 ;

- une lettre à débiteur du liquidateur judiciaire faisant état de trois factures d'avril et mai 2013 restant due par la société Ferro-Tech ;

- des factures des 15 et 30 avril 2013 et 24 mai 2013 pour deux marchés différents (Conflans Jarny et Arras Ostricourt) ;

- le courriel adressé par la société Ferro-Tech à la société Simonin TPVF le 12 novembre 2013, annonçant l'arrêt immédiat des travaux confiés à celle-ci, à cause d'un courriel de la SNCF du même jour indiquant que la société Simonin TPVF ne possédait aucune qualification ;

- le tableau de 2005 de ses qualifications, adressé par la société Simonin TPVF à M. Y (Ferro-Tech) en novembre 2013 ;

- quelques situations de travaux adressées pour règlement à la société Ferro-Tech en 2012 et 2013, incluant des travaux à Belval, Audun le Roman, Conflans Jarny, Arras Ostricourt, Onville et des chantiers SNCF divers.

A supposer que ces éléments soient suffisants pour caractériser une relation commerciale établie, ils révèlent surtout que la rupture est intervenue parce que la société Simonin TPVF avait fait état de qualifications SNCF qu'elle n'avait plus, ce qui constitue un manquement contractuel grave ayant justifié une rupture immédiate des contrats en cours, imputable à la seule société Simonin TPVF.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le liquidateur de sa demande en dommages-intérêts contre la société Ferro-Tech fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

Sur la demande en paiement du liquidateur contre la société Ferro-Tech à hauteur de 6 604,18 euros

S'agissant du solde de factures réclamé par le liquidateur, la lettre de réponse à celui-ci du 6 juin 2014 démontre que le paiement des factures en cause a bien été bloqué par la société Ferro-Tech, pour un montant de 6 604,81 euros.

Le tribunal de commerce a exactement déduit de cette somme une amende de marché pour un montant de 1 856 euros, à la suite d'un incident de chantier dont la société Simonin TPVF s'était reconnue responsable, tout en précisant que l'accord des parties n'était pas établi pour de plus amples déductions.

La SARL Simonin TPVF a considéré en effet que les sommes que voulait déduire la société Ferro-Tech ne constituaient que de provisions.

Or, les montants que veut déduire la société Ferro-Tech : 1 445,82 euros au titre des dommages SNCF outre des coûts de personnel, ne sont pas justifiés et ne peuvent pas être considérés comme étant certains, liquides ni exigibles.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur le montant de la créance due à la société TPVF, soit la somme de 4 748,18 euros (6 604,18 - 1 856 = 4 748,18) outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

La résistance abusive de la société Ferro-Tech n'est pas caractérisée et le liquidateur sera débouté de sa demande en dommages-intérêts à ce titre.

Sur les demandes subsidiaires en dommages-intérêts du liquidateur pour responsabilité contractuelle pour rupture abusive des relations avec la SNCF et la société Ferro-Tech

S'agissant de la demande dirigée contre SNCF Réseau et SNCF Mobilités, dès lors que le liquidateur prétend agir en dommages-intérêts d'une relation contractuelle rompue par la SNCF, il résulte de ce qui a déjà été dit sur la compétence administrative s'agissant des litiges relatifs à la responsabilité de personnes auxquelles sont imputés des comportements susceptibles d'avoir altéré les stipulations d'un contrat administratif, que le tribunal doit être approuvé de s'être déclaré incompétent sur ce point.

En effet, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont relevé que les travaux portaient sur des travaux publics et que les cahiers des conditions générales que la SNCF Réseau et SNCF Mobilités prétendent applicables contenaient des clauses exorbitantes du droit commun.

Il en va ainsi, en particulier, des clauses portant sur les conditions de résiliation unilatérale par le donneur d'ordre pour motif d'intérêt général.

La décision de première instance sera donc seulement réformée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur ces demandes subsidiaires et a dit qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer le liquidateur à mieux se pourvoir, puisque, d'une part, après avoir rejeté la demande principale, il convenait d'envisager la demande subsidiaire et que, d'autre part, l'article 81 du Code de procédure civile demande de renvoyer à mieux se pourvoir la partie ayant formé une prétention relevant de la juridiction administrative.

S'agissant de la demande subsidiaire dirigée contre la société Ferro-Tech sur le fondement contractuel, il résulte de ce qui a déjà été dit sur l'imputabilité de la rupture à la seule entreprise que cette demande est mal fondée, le jugement devant donc être confirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens

Le jugement entrepris, qui a exactement statué sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, sera confirmé de ces chefs.

En appel, dès lors que chaque partie succombe partiellement en ses demandes, chacune conservera la charge des dépens d'appel qu'elle aura exposés.

En équité, il convient de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en appel.

Par ces motifs : LA COUR, Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce que il a dit qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer la partie demanderesse à mieux se pourvoir, Statuant de nouveau sur ce point, Renvoie la Selarl Schamming-Fidry & Chapelle à mieux se pourvoir, pour ce qui concerne son action en responsabilité contractuelle contre SNCF Réseau et SNCF Mobilités, Pour le surplus, Confirme le jugement entrepris, Dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel qu'elle aura exposés, Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande.