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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 13 février 2020, n° 17-01716

DIJON

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Beaunimmo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vautrain

Conseillers :

Mmes Brugère, Dumurgier

Avocats :

Mes Manhouli, Sirandre

TGI Dijon, du 2 oct. 2017

2 octobre 2017

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon acte sous seing privé signé le 5 avril 2011, la société Y, exploitant une agence immobilière sous l'enseigne Century 21 à Beaune, a conclu avec Monsieur X un contrat de mandat d'agent commercial immobilier.

L'agence a été reprise le 17 décembre 2012, à effet du 1er janvier 2013, par la SARL Beaunimmo, ayant pour gérant Monsieur Z et, au terme d'une assemblée générale extraordinaire du 17 décembre 2012, la SARL Y a changé de dénomination sociale pour devenir société Immo 21 Conseils.

Les relations entre Monsieur X et Monsieur Z étant conflictuelles, Monsieur X a, par courrier du 27 août 2013 adressé à la SARL Beaunimmo, rapporté la situation et dénoncé le comportement de Monsieur Z à son égard, qualifié de discriminatoire. En l'absence de réponse à ce courrier, M. X a adressé une seconde lettre datée du 30 septembre 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2013, Monsieur Z a notifié à M. X la cessation de son contrat d'agent commercial pour faute grave, le privant de tout préavis et droit à indemnité de rupture.

Par acte du 6 février 2014, Monsieur X a fait assigner la SARL Beaunimmo devant le tribunal de grande instance de Dijon, afin de voir constater l'absence de faute grave commise par l'agent commercial, constater la faute de Monsieur Z par une exécution de mauvaise foi du contrat les liant, et, en conséquence, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, condamner la défenderesse au paiement d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et d'une indemnité de procédure, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par acte du 28 mai 2014, la SARL Beaunimmo a fait assigner les sociétés Immo 21 Conseils et Y en intervention forcée, afin de les voir condamner à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge.

La procédure a été jointe à l'instance principale par ordonnance du 30 juin 2014.

Au terme de ses dernières écritures saisissant le tribunal, M. X a demandé à la juridiction saisie de :

- écarter les exceptions d'incompétence et fins de non-recevoir opposées par la SARL Beaunimmo,

- constater l'absence de faute grave commise par Monsieur X,

- constater la faute de Monsieur Z par une exécution de mauvaise foi du contrat le liant au demandeur,

- condamner la SARL Beaunimmo à lui payer les sommes suivantes :

12 411 au titre des trois mois de préavis,

99 290 à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial,

5 000 à titre de préjudice moral distinct,

2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SARL Beaunimmo aux entiers dépens.

La SARL Beaunimmo a demandé au tribunal, au visa des articles 50 et 75 du Code de procédure civile, des articles 122 et suivants du Code civil, de :

A titre liminaire,

- se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Dijon,

- se déclarer incompétent au profit de la 2e chambre civile du tribunal de grande instance,

- dire et juger que le demandeur est irrecevable en toutes ses demandes car il n'a pas qualité pour agir ni droit d'agir contre elle,

- constater qu'il ne justifie pas de son inscription au registre spécial des agents commerciaux au 1er janvier 2013,

- dire et juger que l'article 97 de la loi du 13 juillet 2006 qui a modifié l'article 4 de la Loi Hoguet de janvier 1970 s'applique,

- dire et juger que les articles L. 134-1 du Code de commerce, R. 134-1, L. 441-3 du Code de commerce et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 s'appliquent,

A titre subsidiaire et au fond,

- constater l'absence de préjudice de Monsieur X et le dire et juger irrecevable et non fondé

En toutes ses demandes,

- dire et juger que l'article L. 134-13 I du Code de commerce est applicable,

- dire et juger Monsieur X irrecevable et non fondé en toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner le demandeur à lui payer les sommes suivantes :

10 000 de dommages-intérêts pour procédure abusive,

20 000 de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues notamment sur la base des articles 1134 et 1147 du Code civil,

519,97 de trop perçu sur les commissions,

Si par impossible il était mis une quelconque somme à sa charge,

- dire que la société Immo 21 Conseil et la société Y seront condamnées à en garantir le paiement,

- dire et juger irrecevables et non fondées la société Immo 21 Conseil et la société Y en toutes leurs demandes formées à son encontre, compte tenu du comportement déloyal du représentant légal, Monsieur W,

- condamner solidairement Monsieur X, la société Immo 21 Conseil et la société Y à lui payer la somme de 10 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement Monsieur X, la société Immo 21 Conseil et la société Y aux entiers dépens.

Au terme de ses dernières écritures, la SARL Immo 21 Conseils a conclu au rejet des exceptions d'incompétence et des fins de non-recevoir opposées par la SARL Beaunimmo et au rejet de l'ensemble des demandes formées par cette dernière, en sollicitant sa condamnation au paiement d'une somme de 5 000 à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de procédure de 2 500.

Par jugement rendu le 2 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Dijon a :

- débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes,

- constaté que l'appel en garantie dirigé à l'encontre de la SARL Immo 21 Conseils est sans objet,

- condamné Monsieur X à payer à la SARL Beaunimmo la somme de 516,97 au titre d'un trop perçu,

- condamné Monsieur X à payer à la SARL Beaunimmo la somme de 1 500 en application des dispositions de 1'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Beaunimmo à payer à la SARL Immo 21 Conseils la somme de 1 500 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le Tribunal, sans statuer sur les exceptions d'incompétence dans le dispositif du jugement, a considéré, d'une part, que le litige était de nature civile, peu important que l'inscription de l'agent commercial au registre spécial des agents commerciaux soit intervenue plus de deux années après la signature du contrat et qu'il ait pu être inscrit au répertoire national des entreprises en qualité de marchand de biens, et, d'autre part, que l'ordonnance fixant le service des audiences et la répartition des services du tribunal avait une valeur administrative et qu'une chambre du tribunal ne pouvait se déclarer incompétente au profit d'une autre.

Il a considéré que M. X avait qualité pour agir, sans pour autant statuer sur la fin de non-recevoir dans le dispositif du jugement, la preuve du lien contractuel entre celui-ci et la société Beaunimmo étant rapportée par l'acte de cession de fonds de commerce signé entre cette société et la société Y, mais également par la lettre de rupture du contrat adressée par la défenderesse à M. X.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial, le tribunal a retenu que, dès le 26 juillet 2013, la SARL Beaunimmo avait convoqué M. X à un entretien pour faire un bilan de leur collaboration des six premiers mois de l'année, en faisant état de manquements imputables à l'agent causant préjudice à la société, notamment de retards lors de rendez-vous, de difficulté à collaborer avec l'équipe en place, de non-respect de la méthode de l'enseigne et d'une attitude agressive et peu respectueuse envers les clients et les prospects.

Il a ensuite relevé que la lettre de rupture du 8 novembre 2013 faisait état de faits qualifiés de faute grave consistant en des menaces verbales et des gestes déplacés envers un collègue ayant motivé une procédure pénale, mais également en l'absence de remise d'un certain nombre de documents qui lui avaient été demandés pour la validation de son dossier administratif, et il a estimé que les attestations produites par la SARL Beaunimmo confirmaient l'attitude agressive, provocante et insultante de l'agent commercial, alors que les témoignages produits par ce dernier ne permettaient pas de justifier son comportement ni de convaincre le tribunal de la volonté du gérant de la société défenderesse de rompre le contrat pour des motifs étrangers au comportement de l'agent, et ne mettaient pas en exergue la pression psychologique dont le demandeur se plaignait.

Il a considéré que, si l'absence de remise des documents administratifs ne pouvait constituer une faute grave dès lors que le contrat avait été signé le 5 avril 2011 et qu'il n'était justifié d'aucune mise en demeure avant celle du 17 octobre 2013, l'attitude arrogante, provocante, insultante et agressive dans le cadre du travail était une faute grave justifiant l'absence d'indemnisation.

Il a enfin rejeté les demandes indemnitaires formées contre M. X et la société Immo 21 Conseils au motif que la SARL Beaunimmo ne démontrait pas le comportement déloyal reproché à ces derniers.

Monsieur X a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 23 novembre 2017, en intimant exclusivement la SARL Beaunimmo.

Par ordonnance rendue le 22 janvier 2019, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné à l'appelant de communiquer à l'intimée la copie des arrêts suivants : CA Paris 3 juillet 1972, CA Metz ch 1 12 mars 2003, cités dans ses conclusions au fond, en déboutant la SARL Beaunimmo du surplus de sa requête aux fins de communication de l'ensemble des décisions citées dans les conclusions de M X.

Par écritures récapitulatives notifiées le 2 août 2018, l'appelant demande à la cour, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, 1154 du Code civil (article 1343-2 nouveau), de :

- réformer partiellement le jugement attaqué,

En conséquence,

- constater la rupture abusive du contrat d'agent commercial par la SARL Beaunimmo,

- condamner la SARL Beaunimmo à lui payer la somme de 12 411 au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- condamner la SARL Beaunimmo à lui payer la somme de 99 290 au titre de l'indemnité de rupture,

- dire et juger que ces indemnités porteront intérêts de droit à compter du 8 novembre 2013, date de la rupture, outre leur capitalisation à chaque date anniversaire,

- condamner la SARL Beaunimmo à lui payer la somme de 5 000 au titre de son préjudice moral,

- condamner la SARL Beaunimmo à lui payer la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Sur l'appel incident,

- dire et juger la demande indemnitaire de la SARL Beaunimmo irrecevable,

A titre subsidiaire,

- débouter la SARL Beaunimmo de sa demande indemnitaire.

Par conclusions notifiées le 7 octobre 2019, la SARL Beaunimmo demande à la cour, au visa des articles L. 134-13 1° du Code de commerce, 1134 et 1147 anciens du Code civil, L. 4121-1 du Code du travail, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré sur la faute grave de Monsieur X et le débouté de toutes ses demandes,

- juger aussi que l'absence de production de la part de Monsieur X de documents administratifs visés par le contrat est aussi constitutive de faute grave comme prévue par ledit contrat d'agent commercial,

Vu les fautes graves,

- dire et juger que l'article L. 134-13 1° du Code de commerce est applicable,

- dire et juger Monsieur X irrecevable et non fondé en toutes ses demandes,

En tous les cas, en réformant partiellement le jugement déféré,

- condamner Monsieur X à lui payer :

La somme de 20 000 de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues, moral et autres, notamment sur la base des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil,

La somme de 516,97 de trop perçu sur commissions, le jugement déféré étant confirmé sur ce poste,

A titre subsidiaire, si la faute grave n'était pas retenue,

Vu les articles 792 alinéa 3 du Code de procédure civile et les articles 133 et 134 du même Code,

Vu les sommations de communiquer restées quasiment sans réponse,

Vu les articles 378 et 379 du Code de procédure civile,

Vu la requête en incident de communication de pièces déposée et l'ordonnance rendue,

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du Code civil,

Vu la présence de quelques mois et épisodiquement de l'appelant dans la société,

Vu l'absence de clientèle créée par Monsieur X,

- constater l'absence de préjudice de Monsieur X et le dire et juger irrecevable et non fondé

En toutes ses demandes,

En tous les cas,

- condamner Monsieur X à lui payer, compte tenu de la gestion du dossier et des échanges,

La somme de 4 800 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance,

La même somme de 6 000 au titre de la procédure d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur X aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 8 octobre 2019.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est référé, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

SUR QUOI

Attendu que l'appelant relève que la SARL Beaunimmo reconnait, dans ses écritures, avoir projeté, dès le 1er semestre 2013, de l'évincer au second semestre de l'année et reproche au tribunal d'avoir inversé la charge de la preuve au prix d'une compréhension erronée, voire contradictoire, de son argumentation ;

Qu'il rappelle que la preuve de la faute grave repose sur le mandant qui est tenu par les termes de la lettre de rupture et que ladite faute grave est définie comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ;

Qu'il prétend que la SARL Beaunimmo devait se tenir aux termes de la lettre de rupture et que tout autre grief n'y figurant pas est inopérant, le mandant échouant ainsi dans la preuve de la faute et de son lien de causalité avec la cessation du contrat ;

Qu'il considère que la lettre de rupture qui lui a été adressée s'attache davantage à qualifier péremptoirement l'existence d'une faute grave, en termes généraux et vagues, sans désigner précisément les faits ainsi qualifiés ;

Qu'il relève que seuls deux manquements sont allégués avec précision, le défaut de communication de document pour la validation du dossier administratif et la menace proférée à l'encontre de son collègue M. A ;

Qu'il fait valoir que l'absence à son dossier de l'attestation préfectorale des agents commerciaux ne mettait pas en péril les relations contractuelles puisque ce document ne lui a été réclamé que le 17 octobre 2013, précisant que son dossier administratif a été constitué dans sa quasi-totalité dans les 15 jours suivant cette réclamation ;

Qu'il soutient, d'autre part, que la menace qui lui est reprochée dans la lettre de rupture n'est pas établie, indiquant n'avoir fait l'objet d'aucune poursuite pénale et considérant que l'attestation de M. B qui est un salarié de la société Beaunimmo est dépourvue de force probante ;

Qu'il ajoute que les faits relatés par cette attestation et par les autres témoignages produits par l'intimée sont distincts de la menace reprochée et qu'ils n'étaient pas évoqués dans la lettre de rupture, de sorte qu'ils ne peuvent justifier a posteriori son éviction immédiate ;

Qu'il souligne qu'aucune attitude arrogante, provocante, insultante et agressive dans le cadre du travail ne lui a été reprochée dans la lettre du 8 novembre 2013 et que le jugement entrepris n'a pas retenu le comportement menaçant allégué ;

Qu'enfin, il fait valoir que le non-respect de la charte de l'entreprise que lui reproche pour les besoins de la cause l'intimée ne figurait pas davantage dans la lettre de rupture, en relevant que cette charte signée le 2 janvier 2013 n'était pas visée par le contrat d'agent commercial et qu'elle ne pouvait donc lui être opposée sans recueillir son accord, et que la prétendue violation de la clause de non concurrence qui est également un nouveau grief n'est établie par aucune des pièces de l'intimée ;

Attendu que la SARL Beaunimmo prétend que les fautes de M. X portent atteinte à la finalité commune du mandat et rendent impossible le maintien du lien contractuel, faisant valoir que l'agent commercial a manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat ;

Qu'elle soutient que les fautes graves de l'appelant sont multiples, qu'elles n'ont d'ailleurs jamais été contestées par celui-ci, et qu'elles sont établies par l'attestation de M. B, son collègue de travail, qui témoigne l'avoir vu insulter, en public et à proximité de l'entreprise, M. Z, en précisant avoir sollicité et mis en garde en vain M. X, dès le deuxième semestre de l'année 2013, pour qu'il applique les règles d'entreprise et respecte ses obligations légales, fiscales et sociales ;

Qu'elle lui reproche un non-respect des règles de l'agence et des notes de service, un refus de s'intégrer à l'équipe et une attitude déloyale, voire violente et menaçante à l'encontre de ses collègues et de son représentant légal, en se prévalant des attestations de Mme C, de M. A, de M. B, de Mme D, de M. E et de la fille de M. Z ;

Qu'elle lui fait également grief de n'avoir pas communiqué, dans le mois suivant la conclusion du contrat, les différents justificatifs de sa situation administrative, sociale et fiscale et considère que c'est à tort que le tribunal a jugé que l'absence de production des documents administratifs ne constituaient pas une faute grave, alors que le contrat stipulait qu'une telle infraction entraînait la rupture immédiate des relations contractuelles ;

Qu'elle affirme que, contrairement à ce que soutient l'appelant, ces griefs ne sont pas nouveaux puisque la lettre de rupture du 8 novembre 2013 fait état de violences physiques et de menaces verbales sur un collègue, à l'intérieur de l'agence et en présence de clients, et précise qu'un seul fait suffit pour caractériser la faute grave, en l'occurrence l'épisode de violences contre M. A qui a déposé plainte pour ces faits ;

Qu'elle ajoute qu'il était nécessaire qu'elle explicite et contextualise les attestations sur lesquelles elle s'appuie et qui font état du comportement insupportable de M. X ;

Attendu que, selon l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ;

Que, selon l'article L. 134-13 du même Code, l'indemnité compensatrice n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

Attendu qu'aux termes d'une lettre adressée le 8 novembre 2013 à M. X, la SARL Beaunimmo a mis fin au contrat d'agent commercial la liant à ce dernier dans les termes suivants :

" Nous vous avons alerté à plusieurs reprises sur une exécution de mauvaise foi de votre part en ce qui concerne vos obligations et un certain nombre de faits graves qui se cumulent et qui affectent la bonne marche de l'entreprise mettant même en péril notre activité, vous sont reprochables. La présente est la notification de la cessation du contrat d'agent commercial vous liant à notre entreprise en application de l'article L. 134-13 du Code de commerce.

En effet, les faits graves qui vous sont reprochés portent gravement atteinte aux intérêts de notre entreprise et la gravité des fautes rendent impossible le maintien de la poursuite du contrat d'agent commercial, ceci dès que vous serez avisé de la présente par la poste.

Notamment, le 14 octobre 2013, votre collègue, Monsieur A, a subi de votre part des menaces verbales, à savoir : " cela se réglera dans la rue, sors si tu es un homme, je t'aurai ".

Ceci se passe dans notre entreprise et vous avez également eu des gestes déplacés à son encontre.

Une procédure pénale est en cours.

Également, nous attendons depuis des mois les documents suivants pour valider votre dossier administratif :

- Extrait d'acte de naissance de - de 3 mois,

- Extrait de casier judiciaire,

- justificatifs des déclarations fiscales et sociales 2012-2013,

- Attestations de DGFP et du RSI que vous êtes à jour de votre situation fiscale et sociale,

- Justificatifs préfectoral du nombre de points de votre permis de conduire,

- Assurance à jour de votre véhicule automobile,

- K-Bis de votre société,

- Justificatif de votre domicile,

- Souscription d'une RCP (sachant que les parties ont reconnu que ces obligations sont un élément substantiel de l'accord réciproque.),

Malgré les mises en demeures nous n'avons toujours pas reçu ces documents.

Par conséquent, le contrat d'agent commercial passé entre nous cesse à compter de la date à laquelle vous serez avisé de la présente notification par la poste.

Cette rupture ne donne pas lieu à préavis en application de l'article L. 131-11 alinéa 5 du Code de commerce et par conséquent le contrat est rompu dès la date de l'avis précité.

Vous n'avez plus à venir à l'entreprise " ;

Attendu que la faute grave visée à l'article L. 134-13 du Code de commerce est celle qui porte atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel et il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute ;

Que la lettre du 8 novembre 2013 justifie la rupture du contrat, d'une part, par le comportement menaçant et les gestes déplacés de M. X envers un de ses collègues, et, d'autre part, par le défaut de communication de documents administratifs ;

Que les griefs reprochés ultérieurement tenant au non-respect des règles de l'agence et des notes de service sont donc inopérants pour caractériser la faute grave ;

Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le défaut de communication par l'agent commercial des documents justificatifs de sa situation administrative, sociale et fiscale n'était pas constitutif d'une faute grave, dès lors que le contrat d'agent commercial avait été signé au mois d'avril 2011 et exécuté pendant plus de deux ans avant que le mandant ne lui réclame ces documents au mois d'octobre 2013, ce qui démontre que cette faute ne portait pas atteinte à la finalité du mandat et qu'elle ne rendait pas impossible le maintien du lien contractuel ;

Attendu que le comportement menaçant de l'agent commercial envers M. A est établi par l'attestation de M. B qui déclare avoir vu, à plusieurs reprises, M. X provoquer M. A en le bousculant d'un coup d'épaule au passage et l'insulter de dégonflé qui " n'a pas les couilles " de sortir s'expliquer entre hommes, mais également par la main courante déposée le 14 octobre 2013 par M. A, qui se plaint de menaces verbales et de petits coups bas tels que des coups de coude lorsque M. X passe à côté de lui ;

Que le fait que M. B soit également agent commercial de la SARL Beaunimmo n'est pas de nature à priver ce témoignage de force probante, étant observé que les faits reprochés à M. X se sont produits sur le lieu de travail et que les témoins des faits sont nécessairement des salariés ou agents commerciaux de la société intimée ;

Que ces témoignages ne sont contredits par aucun élément de preuve contraire produit par l'appelant ;

Attendu que les attestations de Messieurs E et B et celles de Mesdames C et D, démontrent que le comportement menaçant et injurieux de M. X était habituel et qu'il n'était pas réservé à M. A mais concernait plusieurs des collaborateurs de l'agence immobilière, y compris le gérant de la SARL Beaunimmo, les témoins faisant état de gestes déplacés de M. X envers ses collègues de travail, de propos injurieux, insolents et provocateurs, d'une attitude agressive avec " l'intention d'en venir aux mains " ;

Qu'il est à cet égard utile de relever que l'agent commercial avait été convoqué le 1er août 2013 pour un entretien prévu le 6 août suivant, à la suite de manquements de sa part causant préjudice à la société, le compte rendu d'entretien faisant notamment état de son attitude agressive et peu respectueuse envers les clients et les prospects et des difficultés de collaboration avec l'équipe en place ;

Que le Tribunal a donc justement considéré que ces attitudes injurieuses, agressives et menaçantes de l'agent commercial, répétées et persistantes en dépit des rappels à l'ordre qu'il avait reçus au cours de l'été 2013, constituaient, par leur accumulation, une faute grave justifiant l'absence d'indemnisation de M. X à la suite de la rupture du contrat d'agent commercial ;

Qu'ainsi, il n'y a pas lieu d'examiner les manquements contractuels reprochés au mandant par l'appelant au soutien de sa demande d'indemnisation des conséquences de la rupture du mandat et le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il a débouté M. X de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

Attendu que l'appelant conclut également à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la SARL Beaunimmo la somme de 516,97 au titre d'un trop perçu de commissions, considérant que l'intimée ne rapporte pas la preuve de ce trop perçu ;

Que le tableau récapitulatif des factures établies par M. X, les rémunérations versées par la société mandante et les modalités de calcul des commissions, desquels résulte le trop-perçu de commissions, n'ayant toutefois fait l'objet d'aucune contestation, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X à payer la somme de 516,97 à la SARL Beaunimmo ;

Attendu que l'intimée, appelante incidente, sollicite l'allocation d'une somme de 20 000 à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, notamment moral, en faisant valoir que les insultes de M. X ont indéniablement causé un préjudice à M. Z ;

Que la SARL Beaunimmo, personne morale, ne peut se prévaloir d'un préjudice moral et n'invoque aucune atteinte portée à son image par le comportement de M. X ;

Qu'elle n'a par ailleurs pas qualité pour solliciter la réparation du préjudice subi personnellement par son gérant ;

Que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Beaunimmo de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts ;

Attendu que l'appelant qui succombe supportera la charge des dépens d'appel ;

Qu'il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de l'intimée l'intégralité des frais qu'elle a exposés à hauteur de Cour et non compris dans les dépens ;

Qu'il lui sera ainsi alloué la somme de 1 500 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée en première instance au titre des frais irrépétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare Monsieur X recevable mais mal fondé en son appel principal, Déclare la SARL Beaunimmo recevable mais mal fondée en son appel incident, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Dijon, Y ajoutant, Condamne Monsieur X à payer à la SARL Beaunimmo la somme de 1 500 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur X aux dépens d'appel.