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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 6 février 2020, n° 18-04690

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Agence PY (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gregori

Conseillers :

M. Jouve, Mme Sarret

Avocats :

Mes Fita, Romano, Auche Hedou

T. com. Perpignan, prés., du 3 sept. 201…

3 septembre 2018

EXPOSE DU LITIGE :

Le 1er juillet 2001, Madame X a conclu un contrat d'agent commercial avec la SARL Agence PY.

Elle a dû interrompre son activité à compter du 1er juillet 2014, en raison d'un grave problème de santé.

Le 29 novembre 2017, elle a notifié à la société son intention de mettre fin au contrat et a demandé une copie de la comptabilité des ventes intervenues depuis le 1er juillet 2014 afin de vérifier l'existence de commissions lui étant éventuellement dues et ce, conformément aux clauses de son contrat qui prévoient cette communication.

La SARL Agence PY lui a fourni un état récapitulatif des commissions dues et les comptes annuels de fin d'exercice de 2014 à 2017 mais a refusé de lui transmettre la comptabilité des ventes.

Estimant ce refus injustifié, Madame X a, par exploit en date du 13 juin 2018, saisi le président du tribunal de commerce statuant en référé aux fins de voir condamner la défenderesse à lui communiquer les documents comptables concernés sous astreinte.

Parallèlement et par un second acte du même jour, elle a attrait son adversaire, au fond, devant la juridiction consulaire.

Par ordonnance du 3 septembre 2018, le juge des référés a :

- débouté la SARL Agence PY de toutes ses demandes,

- condamné la SARL Agence PY à transmettre à la requérante tous les documents comptables détaillant les ventes intervenues depuis le 1er juillet 2014, et ce, sous astreinte de 200 par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance,

- condamné la SARL Agence PY à lui verser la somme de 1 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Agence PY aux dépens.

APPEL

La SARL Agence PY a interjeté appel de cette décision le 17 septembre 2018.

Par arrêt en date du 6 juin 2019, la cour a notamment :

Reçu intégralement l'appel de la SARL Agence PY,

Invoqué d'office le moyen de droit consistant en la requalification du fondement de la demande de communication de pièces comptables formée sur la base de l'article 872 du Code de procédure civile en demande de mise en œuvre d'une mesure d'instruction prévue par l'article 145 du même Code et partant, la question de sa recevabilité, l'instance au fond ayant déjà été engagée,

Ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 28 novembre 2019 à 09h00,

La société appelante a notifié ses dernières conclusions par voie électronique le 20 novembre 2019.

Madame X a notifié ses dernières conclusions par voie électronique le 15 novembre 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SARL Agence PY sollicite :

A titre principal,

- qu'il soit dit et jugé que la demande de communication forcée de documents formulée par l'intimée est en réalité fondée sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile,

En conséquence,

- qu'il soit dit et jugé la demande irrecevable tenant l'existence d'une instance pendante au fond,

A titre subsidiaire,

- infirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Tenant les dispositions des articles 872 et 873 du Code de procédure civile,

- le rejet de l'ensemble des prétentions adverses,

- la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 3 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame X sollicite :

A titre principal, vu l'article 872 du Code de procédure civile,

- la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions,

- le rejet de la totalité des demandes adverses,

A titre subsidiaire, vu l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile,

- la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions,

- le rejet de la totalité des demandes adverses,

A titre très subsidiaire, vu l'article 145 du Code de procédure civile,

- la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions,

- le rejet de la totalité des demandes adverses,

En tout état de cause,

- la condamnation de la SARL Agence PY à lui payer la somme de 3 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel.

MOTIFS :

Sur le positionnement du litige :

L'article 7 du contrat d'agent commercial immobilier qui lie les parties, stipule :

En rémunération de ses services, l'agent commercial percevra des commissions dont le montant est fixé à 30 % calculé sur les honoraires TTC de l'agence. Les commissions ne sont acquises qu'après la conclusion définitive de l'affaire que l'agent commercial aura personnellement négociée et conclue, c'est-à-dire après la levée des éventuelles conditions suspensives prévues au contrat soit généralement lorsque l'agence aura perçu sa propre rémunération.

L'article 8 prévoit : En cas de cessation du présent contrat quelle qu'en soit la cause, l'agent commercial aura droit aux commissions dans les conditions définies à l'article 7 ci-dessus sur toutes les affaires qui seront définitivement conclues dans le délai raisonnable de six mois suivant la date de cessation définitive et qui seront la suite du travail de prospection effectuée par lui pendant l'exécution de son contrat.

L'article R. 134-3 du Code de commerce dispose : Le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé. L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

Dans le cadre de la décision querellée, le juge des référés a ordonné sous astreinte, à la SARL Agence PY la transmission à Madame X de tous les documents comptables détaillant les ventes intervenues depuis le 1er juillet 2014, date à laquelle l'intéressée a été placée en arrêt-maladie.

La société appelante qui a remis à son ancienne collaboratrice un récapitulatif des commissions dues établi par ses soins, s'oppose, notamment pour des raisons de confidentialité, à la transmission des documents comptables relatifs à l'ensemble des actes de cessions passés après cette date.

L'intimée sollicite la confirmation de la décision qui a fait droit à sa demande.

Sur l'injonction demandée :

Madame X fonde tout d'abord sa prétention sur les dispositions de l'article 872 du Code de procédure civile.

Outre la discutable question de l'urgence, la cour relève que ce texte n'est pas applicable dans la mesure où en premier lieu, il existe une contestation sérieuse sur le périmètre de l'obligation de communiquer qui a été demandée puis accordée de façon extensive à tous les documents comptables concernant les actes de cession postérieurs au 1er juillet 2014, sans aucune restriction alors que la requérante qui a forcément travaillé sur la base précise des mandats donnés par les clients de l'agence, ne fournit absolument aucun élément permettant de localiser ou d'identifier les transactions qu'elle aurait personnellement négociées et conclues et qui seules, ouvrent droit à commission. De surcroît, l'absence de limite dans le temps contrarie dans son esprit le délai raisonnable, prévu au contrat, d'une durée de six mois suivant la cessation d'activité, effective en l'espèce depuis le 1er juillet 2014.

En second lieu, l'existence du différend ne saurait à lui seul justifier la grave atteinte à la confidentialité que constitue l'obligation de communiquer l'ensemble de la comptabilité des ventes de l'agence, telle que sollicitée.

À titre subsidiaire, l'agent commercial base sa prétention sur les dispositions de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile.

Du fait de la contestation sérieuse ci-dessus caractérisée, le fondement de ce texte ne peut être retenu.

À titre très subsidiaire, Madame X soutient que sa demande est également recevable sur la base de l'article 145 du Code de procédure civile préconisé par la cour.

Dans ce cadre néanmoins, la recevabilité de la requête est conditionnée par le fait que l'instance au fond ne soit pas pendante devant le juge compétent au moment où la juridiction des référés statue sur la mesure d'instruction sollicitée. Telle est pourtant la chronologie de l'espèce, tant devant le premier juge qu'a fortiori devant la cour.

L'opportunité de cette prohibition réside dans le fait que le juge du fond est particulièrement avisé à ordonner les mesures utiles à la décision qu'il va être amené à rendre.

Cette position n'était manifestement pas partagée par le conseil de Madame X qui a estimé pertinent, de faire délivrer le même jour une assignation au fond et une en référé, en prenant inutilement soin d'enrôler devant le même greffe de la juridiction consulaire, la seconde avant la première.

En toute hypothèse donc, il n'y a pas lieu à faire droit, en référé, à la demande de communication de pièces telle que présentée.

L'ordonnance déférée sera infirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Aucune considération d'équité n'impose qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Succombant Madame X supportera les dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs LA COUR, Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, Dit n'y avoir lieu, en référé, à ordonner la communication de pièces sollicitée, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Madame X D. aux entiers dépens de première instance et d'appel.