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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 13 février 2020, n° 18-00210

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Kjibi Déco (SARL)

Défendeur :

Bowling de Bourgogne (SAS), Genesi International Srl (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vautrain

Conseillers :

Mmes Brugère, Dumurgier

Avocats :

Me Soulard, SCP Sotty-Marchand, Mes Kovac, Berthat

T. com. Dijon, du 21 déc. 2017

21 décembre 2017

À la suite d'un devis daté du 1er mai 2012 portant sur une somme totale de 19 040 hors taxes la société Kjibi Déco qui exerce l'activité de conseil aux entreprises, a vendu 140 chaises à la SAS Bowling de Bourgogne.

La société Kjibi Déco a elle-même acheté ces chaises à la société Genesi International par l'intermédiaire de son représentant local.

Suivant factures des 25 juillet 2012, et 21 septembre 2012 établies par la société Genesi International, les chaises ont été livrées en France, une partie à la société Kjibi Déco et l'autre partie directement à la SAS Bowling de Bourgogne.

La facture concernant la vente réalisée par la société Kjibi Déco à la société Bowling de Bourgogne est datée du 16 juillet 2012 et porte sur une somme de 19 040 hors-taxes, après déduction d'un premier acompte de 13 328 hors-taxes. Cette facture précise qu'il s'agit de 140 chaises Eames réédition-copie composées d'une coque en polypropylène noire et de pieds en bois de hêtre clair, livraison en kit, chaises à monter par les soins du client.

Les chaises livrées en kit par le fabricant ont été assemblées sur place par la société Kjibi Déco.

La société Bowling de Bourgogne indique qu'elle s'est aperçue au bout de quelques mois que les vis de fixation entre la coque et les pieds se dévissaient ; qu'à sa demande, la SARL Kjibi Déco est intervenue en octobre-novembre 2012 pour réparer ces anomalies, en collant les vis.

Qu'ultérieurement début 2013, elle a constaté que les pattes de fixation entre la coque et les pieds se déformaient et s'affaissaient sous le poids des personnes.

Que faute d'avoir obtenu de la société Kjibi Déco la résolution de la vente et la restitution du prix de vente, outre le paiement du procès-verbal de constat de l'huissier réalisé le 1er octobre 2013, elle a fait citer la SARL Kjibi Déco par acte du 16 juillet 2014 aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

Cette dernière a fait citer en intervention forcée la société Genesi International, fabricant des chaises.

Par une ordonnance du 21 janvier 2015 le président du tribunal de commerce de Dijon a fait droit à cette demande et désigné Monsieur Monsieur C. en qualité d'expert.

S'appuyant sur le rapport d'expertise déposé le 21 octobre 2015, la SAS Bowling de Bourgogne a fait citer la SARL Kjibi Déco par acte de l'huissier du 4 mars 2016 devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins suivantes :

Vu les articles 1641 et 1604 et suivants du Code civil :

À titre principal :

Dire et juger qu'elle est recevable et bien-fondée en son action sur le fondement de la garantie des vices cachés,

À titre subsidiaire,

Dire et juger qu'elle est recevable bien-fondé à rechercher la responsabilité de la société Kjibi Déco sur le fondement du défaut de conformité

En tout état de cause,

Condamné la société Kjibi Déco à lui payer les sommes suivantes 22 771,84 TTC au titre du prix de vente, 5 000 à titre de préjudice de jouissance avec exécution provisoire, 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance comprenant la procédure de référé et les frais et honoraires de l'expert judiciaire

Sur cette demande, la SARL Kjibi Déco a fait valoir que l'existence d'un vice de fabrication, non décelable par un non-professionnel, à l'origine des désordres signalés par la SAS Bowling de Bourgogne et constatés par huissier, n'était pas contestable au regard des conclusions de l'expert ; que les chaises n'étaient pas conformes au contrat, car elles étaient impropres à l'usage pour lequel elles servaient habituellement ; que conformément aux dispositions de la convention de Vienne du 11 avril 1980, relative à la vente internationale de marchandises, elle avait dénoncé dans un délai raisonnable au sens de l'article 39 de cette convention l'existence des vices à son fabricant ; qu'en tant que fabricant et vendeur professionnel la société Genesi International était responsable de ce défaut de conformité, qui avait contraint la SAS Bowling de Bourgogne à racheter du mobilier pour remplacer les chaises devenues inutilisables ;

En conséquence, la SARL Kjibi Déco a demandé au tribunal de prononcer la résolution de la vente intervenue avec la SARL Genesi International aux torts de cette dernière, de la condamner à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre du chef de la SAS Bowling de Bourgogne ;

A titre subsidiaire, la société Kjibi Déco a prétendu qu'elle était fondée à être garantie par la société Genesi International, en qualité de fabricant en faisant application de la loi française, et en particulier des dispositions de l'article 1641 du Code civil, la commande ayant été passée auprès du représentant français de la société Genesi International, Monsieur X, résidant à Herimoncourt.

La société Kjibi Déco a conclu par ailleurs au débouté de toutes les demandes formulées par la société Genesi International et à sa condamnation à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise.

La société Genesi International assignée en intervention forcée par acte du 6 juin 2016 a conclu au débouté des demandes dirigées contre elle et à la condamnation de la société Kjibi Déco à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance de référé et au fond.

Les procédures ont été jointes par jugement du 8 septembre 2016.

Par un jugement rendu le 21 décembre 2017, le tribunal de commerce de Dijon a :

- condamné la société Kjibi Déco à payer à la société Bowling de Bourgogne la somme de 19 040 au titre du prix de vente des 240 chaises " sic ", ainsi que 5 000 au titre du préjudice de jouissance,

- dit que la société Kjibi Déco fera son affaire personnelle de la restitution des chaises,

- dit et jugé que la société Kjibi Déco est recevable en sa demande d'intervention forcée la société Genesi International,

- prononcé la résolution de la vente intervenue entre la société Kjibi Déco et la société Genesi International aux torts de cette dernière,

- condamné la société Genesi International à garantir la société Kjibi Déco de toutes les condamnations de prononcées à son encontre au profit de la société Bowling de Bourgogne,

- condamné la société Kjibi déco à payer à la société Bowling de Bourgogne la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société Genesi International en tous les dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu conformément aux conclusions de l'expert que les chaises étaient impropres à leur destination en raison d'un vice caché de fabrication non décelable par un profane ; que la société Bowling de Bourgogne était par conséquent fondée à rechercher la responsabilité de la société Kjibi Déco sur le fondement de la garantie légale des vices cachés ; que cette dernière ne contestait pas sa responsabilité ; que la société Bowling de Bourgogne a été contrainte de racheter du mobilier et a subi un trouble de jouissance qui devait être indemnisé par l'allocation d'une somme de 5 000 à titre de dommages-intérêts ;

Sur l'action en garantie dirigée par la société Kjibi Déco contre la société Genesi International, le tribunal a considéré conformément aux conclusions de l'expert qu'aucun défaut de montage des chaises ne pouvait être imputé à la société Kjibi Déco ; que la société Genesi International invoquait vainement un dépassement du délai raisonnable au sens de la convention de Vienne relative à la vente internationale de marchandises, pour dénoncer le vice de fabrication, alors qu'elle avait été informée des anomalies affectant les vis de fixation en octobre 2012, puis de l'affaissement des pattes de fixation révélée après l'usage des marchandises en 2013, par mail de 4 juin 2013.

Considérant que la société Genesi International en qualité de vendeur était responsable d'un défaut de conformité existant au moment du transfert des risques à l'acheteur, même si ce défaut n'était apparu qu'ultérieurement et que le manquement à ses obligations contractuelles constituait une contravention essentielle au contrat, le tribunal a prononcé la résolution de la vente intervenue entre la société Kjibi Déco et la société Genesi international aux torts de cette dernière, et condamné la société Genesi International à garantir la société Kjibi Déco de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Bowling de Bourgogne.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel le 13 février 2018 la SARL Kjibi Déco a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- condamné la société Kjibi Déco à payer à la société Bowling de Bourgogne la somme de 19 040 au titre du prix de vente des 240 chaises, ainsi que 5 000 au titre du préjudice de jouissance,

- dit que la société Kjibi Déco fera son affaire personnelle de la restitution des chaises,

- dit et jugé que la société Kjibi Déco est recevable en sa demande d'intervention forcée la société Genesi International,

- condamné la société Kjibi Déco à payer à la société Bowling de Bourgogne la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

Par ordonnance du 27 mars 2018 le premier président de la cour d'appel a donné acte de son désistement d'instance à l'égard de la société Genesi International, ordonné la suspension de l'exécution provisoire jugement appelé et condamné la société Bowling de Bourgogne aux dépens du référé ;

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 mai 2018, la société Kjibi Déco demande à la cour :

- de réformer pour partie le jugement dont appel,

- de débouter la société Bowling de Bourgogne de sa demande de dommages-intérêts,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

Prononcé la résolution de la vente intervenue entre la société Kjibi Déco et la société Genesi international aux torts de cette dernière,

Condamné la société Genesi International à garantir la société Kjibi Déco de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Bowling de Bourgogne,

Ajoutant au jugement,

- de condamner la société Bowling de Bourgogne et la société Genesi International à lui payer la somme de 3 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la société Genesi International aux entiers dépens, comprenant les dépens de référé de la présente instance et les frais d'expertise

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 octobre 2018 la SAS Bowling de Bourgogne demande à la cour :

Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

De déclarer la société Kjibi déco mal fondée en son appel,

En conséquence,

De confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce 21 décembre 2017 en ce qu'il a condamné la société Kjibo Déco à lui payer la somme de 5 000 au titre du préjudice de jouissance,

De la condamner avec la société Genesi International au paiement de la somme de 19 040 au titre du prix de vente des 140 chaises et 5 000 au titre du préjudice de jouissance ou à tout le moins confirmer le jugement rendu en 1re instance en ce qu'il a condamné la société Genesi International à garantir la société Kjibi Déco de toutes les condamnations prononcées à son encontre à son profit,

Y ajoutant,

De condamner in solidum la société Kjibi Déco et la société Genesi International à lui payer une somme de 3 500 pour la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de condamner les mêmes aux entiers dépens de 1re instance comprenant les frais d'expertise et d'appel ;

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 23 juillet 2018 la société Genesi International demande à la cour :

D'infirmer le jugement rendu le 21 décembre 2017 tribunal de commerce de Dijon en ce qu'il a jugé la société Kjibi Déco recevable contre elle,

Subsidiairement infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu'il a jugé la société fondée à recourir contre elle,

D'infirmer le jugement du 21 décembre 2017 et débouter la société Kjibi Déco de toutes ses demandes contre elle,

Condamné la société Kjibi Déco à lui payer une somme de 3 000 en application de l'article 700 du Code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais qu'elle a engagés dans l'instance de référé expertise, l'instance au fond devant le tribunal et devant la cour d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2019

Vu les dernières conclusions échangées entre les parties auxquelles la cour se réfère, vu les pièces

SUR CE

Sur la garantie due par la société Kjibi Déco à l'égard de la société Bowling de Bourgogne

Selon l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le tribunal a retenu que les chaises achetées par la société Bowling de Bourgogne à la société Kjibi Deco, étaient impropres à leur utilisation en raison d'un vice de fabrication, non apparent et que la société Kjibi Deco ne contestait pas sa responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés.

En condamnant la société Kjibi Deco à payer à la société Bowling de Bourgogne la somme de 19 040 euros correspondant au prix d'achat des 140 chaises et en disant que la société Kjibi Déco fera son affaire personnelle de la restitution des chaises, le tribunal de commerce a implicitement prononcé la résolution de la vente.

Dans leurs écritures, la société Bowling de Bourgogne, et la société Kjibi Déco concluent à la confirmation du jugement sauf du chef de la condamnation à des dommages-intérêts.

La cour qui est saisie par le dispositif des écritures des parties lesquelles ne remettent pas en cause la restitution du prix de vente des chaises, ne peut que confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur le quantum du préjudice

Aux termes de l'article 1644 du Code civil, dans le cas de garantie du vice caché due par le vendeur, l'acheteur a le droit de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Par application des dispositions de l'article 1645 du Code civil, le vendeur professionnel, réputé connaître les vices de la chose vendue, est tenu de tous les dommages et intérêts à l'égard de l'acheteur.

Outre la restitution du prix de vente, la société Bowling de Bourgogne réclame une somme de 5 000 euros prétendant que compte tenu de son activité, elle a nécessairement subi un préjudice de jouissance, ayant fait l'acquisition de chaises dans le cadre d'une opération de rénovation globale de l'établissement, qu'elle n'a jamais été en mesure d'utiliser, et qu'en outre elle a été confrontée à la difficulté de racheter en urgence du nouveau mobilier auprès d'une autre société, générant un surcoût à hauteur de 10 000 euros.

La société Kjibi Deco s'oppose à cette demande estimant que l'intimé ne justifie d'aucun préjudice de jouissance.

Dans son rapport, l'expert a estimé que le préjudice subi par la société Bowling de Bourgogne, correspondait à la seule valeur des produits vendus, soit 19 040 euros, et ses conclusions n'ont pas fait l'objet sur ce point de dires de la part des parties ;

Par ailleurs, non seulement la société Bowling de Bourgogne, ne justifie pas de l'achat de nouveaux sièges ayant généré un surcoût de 10 000 euros, mais elle ne fournit aucun document permettant de caractériser un préjudice distinct de celui réparé par la restitution du prix de vente. Par conséquent, cette demande sera rejetée et la décision infirmée de ce chef.

La décision sera en revanche confirmée en ce qu'elle a condamné la société Kjibi Déco à payer à la société Bowling de Bourgogne la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Y ajoutant à hauteur d'appel la société Bowling de Bourgogne partie succombante sera condamnée à payer à la société Kjibi Déco une somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Sur la responsabilité de la société Genesi International

Dans ses écritures d'appel, la société Kjibi Déco entend engager la responsabilité de la société Genesi International en sa qualité de fabricant des chaises sur le fondement des dispositions de la convention de Vienne applicable au litige s'agissant d'une vente internationale.

Elle expose qu'au sens de l'article 35 de la convention précitée, la société Genesi International a manqué à son obligation de conformité matérielle, ce qui constitue une contravention essentielle du contrat, à laquelle il ne peut être remédié, puisque les chaises ont été remplacées, faute de pouvoir être réparées, de nature à justifier la résolution de la vente aux torts de la société Genesi international, de même que sa condamnation au regard des dispositions de l'article 74 de la convention de Vienne, à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de la société Bowling de Bourgogne.

Subsidiairement, compte tenu de l'existence d'un vice caché, elle s'estime recevable et bien fondée à rechercher la garantie de la société Genesi International, sur le fondement du droit français et de l'article 1641 du Code civil.

Dans ses écritures d'appel, la société Genesi International observe que s'agissant d'une vente internationale, la convention de Vienne doit effectivement recevoir application. Elle soutient qu'en exerçant son action au-delà d'un " délai raisonnable ", courant à compter du jour où elle a eu connaissance du vice, la société Kjibi Deco a méconnu les dispositions des article 38 et 39-1 de cette convention, et est irrecevable en son action, sans qu'elle puisse lui opposer une quelconque renonciation à invoquer le retard de la dénonciation du vice, à raison de son geste commercial, ni les désordres différents affectant des sièges d'une autre modèle.

Subsidiairement la société Genesi International, considère que la société Kjibi Déco ne rapporte pas la preuve d'un vice de la chose vendue existant à sa livraison.

En l'espèce, il est constant que Genesi International, vendeur avait sa résidence habituelle en Italie au moment où elle a reçu les commandes de la société Kjibi Déco dont le siège social était à la même époque en France à Brazey en Plaine ;

Selon l'article 1er de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, cette convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des états différents lorsque ces Etats sont des Etats contractants ; que les parties aux contrats de vente ont leur établissement en France et en Italie et que ces Etats sont tous deux signataires de la convention de Vienne.

Dès lors, cette convention doit recevoir application ;

La Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandise dispose en son

- Article 35

Le vendeur doit livrer des marchandises dont la qualité, la quantité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat (...).

- Article 38 :

L'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances,

- Article 39 - 1 :

L'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater.

Au sens de la Convention de Vienne, les marchandises vendues sont conformes au contrat si, notamment, " elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type ", ce qui correspond en droit français interne à l'absence d'un vice caché tel que l'article 1641 du Code civil le définit.

Dans son rapport, l'expert distingue deux sortes de désordres :

" Les premiers désordres " : apparus très rapidement après l'utilisation des chaises par les clients et qui se sont manifestés par le fait que les vis de fixation des pieds sur la coque se dévissaient toutes seules.

L'expert relève que la SARL Kjibi Déco est intervenue en octobre/novembre 2012, pour réparer ces anomalies en collant les vis.

" Le second problème " survenu dès le début de l'année 2013 qui s'est manifesté par la déformation des pattes métalliques de fixation, sous forme d'équerre, sous le poids des utilisateurs.

Il y a donc lieu de considérer au vu de ces éléments, qu'il y a deux types d'anomalies qui affectent les chaises, d'une part le dévissage des vis, auquel il a été remédié par la société Kjibi Déco, sans aucune intervention à ce stade de la société Genesi International, et dans un second temps l'affaissement des pattes de fixation.

A la question " rechercher si les chaises Eames présentent des défauts ", l'expert indique qu'elles présentent des déformations importantes, qui rendent les chaises impropres à leur destination ; qu'il s'agit de vices indécelables, qui proviennent, sauf défaut dans le montage par Kjibi Déco, de la qualité des pièces en provenance du fabricant la société Genesi International ;

La société Genesi International s'empare de la partie de la phrase de l'expert évoquant la possibilité "d'un défaut de montage de la société Kjibi Deco", pour s'exonérer de sa responsabilité, mais force est de relever d'une part, que l'expert répond au chapitre des responsabilités, de manière définitive, qu'au vu de ces observations, les problèmes de déformations proviennent de la qualité du matériel fourni par le fabricant Genesi International, d'autre part, que les essais mécaniques que l'expert avait projeté de faire réaliser, n'ont pas pu avoir lieu et enfin que la société Genesi International, ne fournit aucun avis de technicien, permettant de retenir que les déformations ont pour origine certaine et exclusive, le montage des chaises par la société Kjibi déco et non la qualité des pattes métalliques.

Il s'ensuit que les chaises sont bien affectées d'un défaut de conformité au sens de la convention de Vienne ;

L'article 40 de la convention de Vienne prévoit que le vendeur ne peut se prévaloir de la déchéance de l'article 39 lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qu'il n'a pas révélés à l'acheteur.

Or, le seul fait que la société Genesi international soit le fabricant des chaises ne suffit pas à laisser présumer la connaissance des défauts affectant les chaises vendues.

A cet égard, il ressort des mails échangés entre Monsieur X, tapissier qui a acheté pour le compte de son client un lot de chaises de modèle Zig zag, en mars 2012 et la société Genesi International, qui sont produits et de l'attestation de Monsieur A. que ces chaises ont présenté principalement des défauts au niveau du système de vissage et du rêvetement.

Ces mêmes documents évoquent à la marge un défaut de qualité des piètements, et l'envoi par la société Genesi international de plusieurs jeux de pattes en métal pour assemblage de la coque avec le pied (plusieurs ont cassé), à la demande du client formulée pour la première fois par mail du 11 mars 2013.

Par conséquent, ces défauts n'étaient pas encore signalés à la société Genesi International au moment où elle a livré la société Kjibi Deco en juillet 2012 et par ailleurs, les documents précités sont imprécis et trop peu étayés sur le plan technique, notamment en ce qui concerne la structure des chaises et la nature exacte des défauts pour que l'on puisse considérer que les chaises Zig zag présentaient les mêmes défauts, que ceux constatés sur les chaises Eames.

Il n'est donc pas établi que le défaut de conformité qui affectait les chaises Eames portait sur des faits connus de la société Genesi international au moment de la livraison qu'elle n'a pas révélés à la société Kjibi Déco

La société Genesi International est donc en droit de se prévaloir de l'article 39 précité.

A partir des explications et documents fournis par les parties au cours des opérations d'expertise, l'expert a reconstitué l'historique des relations des parties se rapportant à la défaillance des pattes de fixation comme suit :

- la société Kjibi Deco s'est adressée à la société Genesi international pour signaler ce problème,

- le fabricant aurait renvoyé plusieurs équerres, identiques aux précédentes, ne réglant pas le problème,

- la société Kjibi Deco aurait proposé une solution de réparation refusée par la société Bowling de Bourgogne,

- le vendeur aurait indiqué qu'il se retournerait auprès du fabricant, (proposition non connue de l'expert) ;

- par lettre recommandée avec AR du 9 décembre 2013 le conseil de la société Bowling de Bourgogne a demandé le retrait des chaises et leur remboursement ;

- par un courrier du 14 janvier 2014 (non communiqué à l'expert), puis courriel du 4 juin 2014 la société Kjibi Deco a informé la société Genesi International.

La référence à l'apparition " au début de l'année 2013 " de l'affaissement des cornières de fixation évoqué par l'expert, figure dans les mêmes termes dans le constat d'huissier que la société Bowling de Bourgogne a fait établir en octobre 2013.

La société Bowling de Bourgogne indique avoir signalé immédiatement ces déformations à la société Kjibi Déco qui lui a fait une proposition de réparation qu'elle a refusée, avant d'envisager de se retourner contre le fabricant.

Les pièces du dossier permettent de retenir que la dénonciation de ces anomalies a été effectuée pour la première fois par courriel du 4 juin 2013 par la société Kjibi Deco à Monsieur X représentant local de la société Génesi International.

Compte tenu du contexte dans lequel la déformation des pattes de fixation est apparue, " après quelques mois d'utilisation des chaises, et à la suite d' une première intervention réalisée par la société Kjibi déco pour remédier à un défaut de vissage ", et alors qu'il importait de répondre aux nouvelles anomalies signalées par son acheteur à très bref délai, la société Kjibi Déco n'a pas dénoncé cette seconde série d'anomalies dans un délai raisonnable à partir du moment où elle disposait des éléments lui permettant de le constater.

Au regard des documents échangés par les parties il n'est pas possible de préciser la date à laquelle la société Genesis International a fourni des pièces de rechange, ni de les identifier, et de définir dans quel contexte ces pièces ont été fournies, de sorte qu'il ne saurait être tiré de cet élément factuel, un argument en faveur d'une renonciation de la société Genesi International à invoquer la notion de délai raisonnable, dans le cadre d'une action judiciaire.

Par conséquent, pour avoir attendu le 4 juin 2013 pour dénoncer cette non-conformité et par application de l'alinéa 1 de l'article 39 précité, la société Kjibi Déco doit être déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité et déboutée de ses demandes dirigées contre la société Genesi International, le jugement étant infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue entre la société Kjibi Déco, et la société Genesi International et condamné cette dernière à garantir la société Kjibi Déco de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Bowling de Bourgogne, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur l'action en responsabilité de la société Bowling de Bourgogne contre la société Genesi International

A hauteur d'appel, la société Bowling de Bourgogne sollicite sur le fondement de la garantie des vices cachés, la condamnation in solidum de la société Kjibi Déco et de la société Genesi International à l'indemniser de son entier préjudice.

Cette demande relève d'un recours fondé sur le contrat de vente, et dès lors, la société Bowling de Bourgogne ne peut dans la chaîne des contrats avoir plus de droit que son vendeur direct, la société Kjibi Deco laquelle est déchue de son action et déboutée de ses demandes contre la société Genesi International, sa demande à l'encontre de celle-ci doit également être rejetée comme n'étant pas recevable.

Les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Genesi International.

La SARL Kjibi Déco qui succombe en première instance sur l'assignation de la SAS Bowling de Bourgogne et la mise en cause de la société Genesi International, supportera les dépens de la procédure de référé expertise et de première instance au fond, comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

A hauteur d'appel, les sociétés Bowling de Bourgogne, et Kjibi Déco échouent pour partie dans leurs demandes, et seront condamnées in solidum aux dépens de la procédure d'appel au fond

Par ces motifs : Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 21 décembre 2017, sauf en ce qu'il a condamné la société Kjibi Deco à payer à la société Bowling de Bourgogne la somme de 19 040 euros au titre du prix de vente des 140 chaises, et dit que la société Kjibi Déco fera son affaire personnelle de la restitution des chaises, Statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute la SAS Bowling de Bourgogne de sa demande en paiement d'une indemnité au titre d'un préjudice de jouissance. Déclare la SAS Bowling de Bourgogne irrecevable à solliciter la condamnation in solidum de la SARL Kjibi Déco et de la société Genesi International au paiement, de la somme de 19 040 euros au titre du prix de vente des 140 chaises, d'une indemnité de 3 500 euros pour la procédure d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel. Dit que la SARL Kjibi Déco est déchue de son droit de se prévaloir des défauts de conformité allégués, consistant en un affaissement des pattes métalliques de fixation des chaises Eames vendues par la société Genesi International. En conséquence déboute, la SARL Kjibi Déco de ses demandes formulées contre la société Genesi International. Déboute la société Genesi International de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SARL Kjibi Déco aux dépens de la procédure de référé expertise et de première instance au fond, comprenant le coût de l'expertise judiciaire. Condamne in solidum, la SAS Bowling de Bourgogne et la SARL Kjibi Déco aux dépens de la procédure d'appel au fond.