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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 14 février 2020, n° 17-20830

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

La Française des Jeux (SA)

Défendeur :

Marketluck (SAS), Gifi (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bel

Conseillers :

Mmes Cochet Marcade, Moreau

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Benichou, Bouchara, Guerre, Simonet, Barandas, Etevenard, Dejean

T. com. Paris, du 9 oct. 2017

9 octobre 2017

Faits et procédure :

La société La Française des jeux (ci-après FDJ), gère le jeu du Loto en France. Elle est détenue à 72 % par l'Etat français et a le monopole des jeux de loterie non gratuits sur le territoire national et à Monaco.

La société Marketluck, créée en 2014, est une société spécialisée en informatique développant, pour le compte de tiers, des offres de jeux en partenariat pour différentes marques, des centrales d'achat ou encore des casinos.

La société Gifi est spécialisée dans la vente de produits de grande diffusion pour l'équipement de la maison et de la famille.

À l'occasion des 35 ans de la société Gifi, la société Marketluck a créé en 2016 une loterie dénommée Bravoloto (ci-après, le jeu Bravoloto version 1).

Considérant notamment que par cette loterie, la société Gifi avait copié ses jeux Loto et Euromillions, cherché à créer une confusion avec ceux-ci et à tirer profit de ses investissements, la société FDJ a fait procéder les 28 septembre 2016, 3 octobre 2016, 9 et 13 janvier 2017 à différents constats d'huissier sur le site internet et l'application Facebook de la société Gifi.

Par lettres du 27 septembre 2016, la société FDJ a mis en demeure les sociétés Marketluck et Gifi notamment aux fins de cesser de reprendre ses éléments d'identification.

Par acte du 26 octobre 2016, la société FDJ a assigné la société Marketluck et la société Gifi à bref délai devant le tribunal de commerce de Paris afin de faire cesser les agissements qu'elle considère comme des actes de concurrence déloyale et parasitaire et obtenir la réparation de son préjudice.

Courant 2017, la version du jeu Bravoloto a été modifiée (ci-après, le jeu Bravoloto version 2).

Par jugement en date du 9 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris, après s'être déclaré compétent pour connaître de l'affaire, a :

- Débouté la société Marketluck de sa demande de nullité de l'assignation ;

- Dit recevables les constats d'huissier produits par la société FDJ,

- Dit que la société FDJ a intérêt à agir vis à vis de la société Gifi,

- Dit que la société FDJ a intérêt à agir pour défendre le jeu Euromillions, - Débouté la société FDJ de sa demande pour concurrence déloyale par confusion, - Dit que les sociétés Marketluck et Gifi ont commis des actes de concurrence parasitaire au détriment de la société FDJ,

- Condamné les sociétés Marketluck et Gifi à verser solidairement à la société FDJ une somme de 50 000 euros au titre de la concurrence parasitaire,

- Débouté la société FDJ de sa demande d'interdiction sous astreinte, aux sociétés Marketluck et Gifi de représenter, d'offrir à la vente et de vendre un jeu reprenant le mécanisme développé par la société FDJ et/ou ses éléments graphiques et visuels, ainsi que d'en faire toute publicité ;

- Débouté la société FDJ de sa demande de publication du jugement dans 5 journaux ou revues, ainsi que sur la page d'accueil des sites http://www.gifi.fr et http://www.marketluck.com et de l'application mobile Bravoloto ;

- Débouté la société Marketluck de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Débouté la société Gifi de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné solidairement les sociétés Marketluck et Gifi à payer à la société FDJ la somme de 10 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en toutes ses dispositions nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- Condamné solidairement les sociétés Marketluck et Gifi aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,59 dont 16,55 euros de TVA.

Le tribunal de commerce a jugé mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société Marketluck en ce que la société FDJ ne revendiquait aucune atteinte à un droit d'auteur ni aucun droit privatif et formait des demandes au visa de l'article 1240 et suivants du Code civil et sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire relevant de la compétence du tribunal. Il a relevé, en tout état de cause, que l'exception d'incompétence était tardivement soulevée par conclusions du 24 février 2017 alors qu'elle doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Il a débouté la société Marketluck de sa demande de nullité de l'assignation pour contradiction entre les moyens, en ce que l'assignation délivrée par la société FDJ exposait précisément l'objet de la demande, que les griefs et moyens étaient correctement identifiés en fait et en droit conformément à l'article 56 du Code de procédure civile, portant distinctement sur des actes de concurrence déloyale et des actes de parasitisme, et que les défenderesses avaient pu faire valoir leurs moyens de défense.

Il a déclaré recevables les constats d'huissiers produits par la société FDJ faute pour la société Marketluck de démontrer que des irrégularités affecteraient ces constats.

Il a jugé que la société FDJ avait un intérêt à agir à l'encontre de la société Gifi, laquelle est directement ou indirectement bénéficiaire du jeu lancé par la société Marketluck, la promotion du jeu se faisant au travers de la marque Gifi et les lots principaux étant principalement représentés par des bons d'achat ou des bons de réduction ne pouvant être utilisés que dans les magasins de l'enseigne, tout en notant que le dirigeant de la société Gifi était actionnaire de la société Marketluck à hauteur de 25 %.

Il a également retenu que la société FDJ avait un intérêt à agir pour défendre le jeu Euromillions dès lors qu'il était reproché à la société Marketluck de reprendre les éléments d'identification se retrouvant dans ce jeu créé par la société FDJ.

Sur le fond, le tribunal a débouté la société FDJ de sa demande indemnitaire au titre de la concurrence déloyale par confusion. Il a relevé que la société Marketluck avait repris le même mécanisme de jeu que ceux de la société FDJ, des éléments visuels et de communication quasi semblables alors qu'aucun impératif ne l'imposait, qu'ainsi les sociétés Marketluck et Gifi avaient manifestement copié les éléments essentiels des jeux de la FDJ. Il a toutefois considéré que la FDJ ne démontrait pas que les jeux litigieux visaient les mêmes profils de joueurs, ni que l'arrivée du jeu Bravoloto lui avait fait perdre des parts de marché, avait entraîné une baisse de ses résultats ou lui avait causé un quelconque préjudice, et qu'ainsi, la société Marketluck s'était mise en position de concurrence déloyale par confusion et captation de clientèle.

Sur le parasitisme, le tribunal a retenu que les sociétés Marketluck et Gifi, qui ne justifiaient d'aucun investissement pour la conception du jeu Bravoloto qui constitue une copie quasi servile de l'identité visuelle créée et diffusée par la société FDJ, avaient profité indûment des investissements, de la notoriété et du succès commercial de la société FDJ sans bourse délier. Il a considéré qu'étaient associés à ces actes de parasitisme des éléments de communication, tels que la publicité faite par la société Marketluck, à connotation sexuelle, apparaissant décalée par rapport à l'image que souhaite se donner la société FDJ et qui étaient de nature à créer un préjudice d'image, ensemble de préjudices que le tribunal a évalué à la somme de 50 000 euros.

Le tribunal a débouté la société FDJ de sa demande d'interdiction sous astreinte, mesure qu'il a jugée non nécessaire, insuffisamment limitée dans le temps et précise dans son périmètre, et de sa demande de publication, qu'il a considérée injustifiée.

Il a également rejeté les demandes reconventionnelles de la société Marketluck à défaut de démontrer, d'une part, que la société FDJ aurait commis une faute en faisant un historique erroné de la création du jeu du loto et en revendiquant des droits sur un jeu dont elle ne serait pas propriétaire, d'autre part, son préjudice. Il a retenu que la société FDJ qui se présentait comme " héritière de la loterie nationale " utilisait le terme " héritière " au sens générique, et que la demande de ce chef de la société Marketluck n'était pas davantage fondée.

Par déclaration enregistrée au greffe en date du 13 novembre 2017, la société FDJ a interjeté appel de la décision.

Prétentions et moyens des parties :

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 20 novembre 2019, la société Française des jeux demande à la cour, au visa des articles 1240 du Code civil, L. 121-1 et L. 121-4 du Code de la consommation, de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 octobre 2017 en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande pour concurrence déloyale par confusion,

- a limité à 50 000 euros la condamnation des sociétés Marketluck et Gifi au titre de la concurrence parasitaire,

- l'a déboutée de sa demande d'interdiction sous astreinte, aux sociétés Marketluck et Gifi, de représenter, d'offrir à la vente et de vendre un jeu reprenant le mécanisme développé par elle et/ou ses éléments graphiques et visuels, ainsi que d'en faire toute publicité,

- l'a déboutée de sa demande de publication du jugement dans 5 journaux ou revues, ainsi que sur la page d'accueil des sites http://www.gifi.fr et http://www.marketluck.com et de l'application mobile Bravoloto ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 octobre 2017 en ce qu'il a :

- rejeté l'exception d'incompétence de la société Marketluck,

- dit que les sociétés Marketluck et Gifi ont commis des actes de concurrence parasitaire à son détriment,

Statuant à nouveau,

- Donner acte à la société Marketluck de ce qu'elle s'est engagée à ne plus communiquer autour de la Saint-Valentin, du vendredi 13 et/ou d'un fac-similé de chèque de taille géant,

- Dire et juger que les sociétés Marketluck et Gifi ont commis des actes de concurrence déloyale à son détriment en imitant le mécanisme de jeux, la présentation de ses jeux et en se livrant à des pratiques commerciales trompeuses, tant sur la nature du gain que sur les modalités de son versement,

- Condamner les sociétés Marketluck et Gifi à lui verser solidairement une somme de 100 000 euros au titre de la concurrence déloyale,

- Condamner les sociétés Marketluck et Gifi à lui verser solidairement une somme de 100 000 euros au titre de la concurrence parasitaire,

- Interdire aux sociétés Marketluk et Gifi de représenter d'offrir à la vente et de vendre le jeu Bravoloto reprenant le mécanisme développé par elle et/ou ses éléments graphiques, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- Interdire, en conséquence, toute communication relative au jeu Bravoloto reprenant le mécanisme développé par elle et/ou ses éléments graphiques et visuels,

- Ordonner la publication de la décision à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix, aux frais des sociétés Marketluck et Gifi, à concurrence de 6 000 euros hors taxes par insertion, au besoin condamner à titre de dommages et intérêts complémentaires,

- Ordonner la publication de la décision à intervenir en page d'accueil des sites http://www.gifi.fr/ et http://www.marketluck.com et de l'application mobile Bravoloto,

- Débouter les sociétés Marketluck et Gifi de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner solidairement les sociétés Marketluck et Gifi à lui payer la somme de 20 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner solidairement les sociétés Marketluck et Gifi aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur les exceptions de fin de non-recevoir soulevées par les intimées, elle fait tout d'abord valoir la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître du litige, dès lors qu'elle ne fonde ses demandes sur aucun droit privatif mais des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

Elle s'estime recevable à agir à l'encontre de la société Gifi qui a pleinement participé à la mise en œuvre et au développement du jeu Bravoloto et communique à ce titre.

Sur la concurrence déloyale, elle soutient que les intimées ont repris l'ensemble du mécanisme unique de son jeu Loto, distinct du mécanisme de la loterie traditionnelle, ainsi que le démontre la comparaison des grilles, du tirage et des modalités de détermination du gagnant, alors qu'aucune contrainte technique ne l'imposait.

Elle fait également valoir la reprise, par les intimées, de ses éléments visuels tels que les couleurs bleu et rouge constituant ses marqueurs d'identité, le fond bleu du jeu Euromillions et un bandeau similaire à celui du jeu My Million associé au jeu Euromillions. Elle invoque aussi l'usage similaire des signes astrologiques en lien avec le jeu proposé, la reprise de boules de couleurs similaires et présentant les mêmes caractéristiques, la reprise d'une sphère de tirage similaire, de gains en jeu similaires, du vocabulaire utilisé par ses soins dans l'exploitation de ses jeux phares, ainsi que du concept de présentation par une personnalité célèbre.

Elle argue également de la reprise de ses éléments de communication, le fac-similé du chèque remporté par le gagnant du jeu Bravoloto reprenant les éléments caractéristiques de celui du jeu Loto, et la société Marketluck ayant organisé des loteries spéciales le vendredi 13 janvier 2017 avec un gain exceptionnel associé au chiffre 13, et le 14 février 2017.

Elle fait valoir qu'en reprenant l'ensemble des éléments caractéristiques de ses jeux phares et connus du public, les intimées ont reproduit son identité visuelle et ses produits et volontairement créé un risque de confusion avec ceux-ci auprès du consommateur d'attention moyenne qui pourra légitimement penser que le jeu Bravoloto ne constitue qu'une variante supplémentaire de ses jeux. Elle relève que les commentaires publiés sur les réseaux sociaux confirment l'association, par les consommateurs, des jeux en litige et que ceux-ci sont destinés à un même public. Elle indique que les services proposés par elle et les intimées sont similaires nonobstant le fait que le Bravoloto litigieux soit gratuit et que le Loto soit payant. Elle ajoute que le Bravoloto n'est pas réservé à la seule clientèle de la société Gifi, l'application associée étant destinée au grand public, et que le jeu litigieux affiche régulièrement des lots similaires aux siens, de sorte que les profils des joueurs susceptibles de jouer aux Loto et Bravoloto sont identiques, ce qui renforce le risque de confusion.

Elle fait en outre valoir des pratiques commerciales trompeuses commises par les sociétés Marketluck et Gifi. Elle souligne ainsi que le jeu litigieux est présenté, d'une part, comme effectué sous contrôle d'huissier de justice alors qu'il n'offre aucune garantie de sécurité et de fiabilité, d'autre part, comme étant 100 % gratuit alors que l'éventuel gagnant doit procéder à l'achat préalable d'un bien d'un montant quatre fois supérieur au montant du lot et s'acquitter de frais. Elle ajoute que les participants sont trompés quant à la nature du gain qu'ils sont susceptibles de remporter, qui ne constitue pas un gros lot sous forme de gains numéraires mais de bons d'achats, ainsi que sur la durée du jeu proposé, n'étant pas en mesure de savoir quand celui-ci s'arrêtera. Elle considère que l'ensemble de ces présentations trompeuses a eu pour effet d'altérer le comportement économique du consommateur à son détriment.

Enfin, elle fait valoir des actes de parasitisme commis par les intimées. Elle soutient qu'en imitant délibérément ses jeux phares, tant dans leurs éléments graphiques que dans leur mécanisme, les intimées ont copié sa valeur économique individualisée résultant d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements humains et financiers considérables, se sont clairement positionnées dans son sillage afin de profiter de sa notoriété et de ses investissements et ont fait l'économie de dépenses liées à la création et au développement de leur jeu, ce qui leur a procuré un avantage anti-concurrentiel.

S'agissant du préjudice au titre de la concurrence déloyale qu'elle chiffre à 100 000 euros, elle souligne la reprise des éléments caractéristiques et identifiant du Loto, y compris dans la campagne publicitaire massive du jeu litigieux, et le " buzz " réalisé autour du Bravoloto en l'associant à des actes sexuels ou à l'enfermement d'un individu dans une cage de la SPA. Elle fait valoir un préjudice financier compte tenu de la captation de sa clientèle par la société Marketluck dont le chiffre d'affaires a augmenté, et de la perte de chance d'augmenter ses ventes et son propre chiffre d'affaires. Elle invoque un préjudice d'image au vu de la banalisation des éléments sur lesquels elle engage d'importants investissements, de l'image très négative donnée des jeux onéreux, de la confusion entre les jeux en litige et de la publicité osée voire à connotation sexuelle faite autour du Bravoloto.

Au titre de la concurrence parasitaire, elle argue d'un préjudice commercial compte tenu de la perte de rentabilité de ses investissements, du profit immédiat tiré de ses investissements par les intimées qui ont bénéficié d'un avantage anti-concurrentiel, ainsi qu'un préjudice moral compte tenu de la banalisation de sa valeur économique, préjudices qu'elle évalue à la somme de 100 000 euros.

Elle estime justifiées ses demandes d'interdiction d'exploitation du jeu Bravoloto, nécessaire pour faire cesser les agissements déloyaux et parasitaires, et de publication de la décision à intervenir, afin de clarifier les différences entre les jeux en litige dans l'esprit des consommateurs.

Enfin, elle s'oppose aux demandes formées par la société Marketluck, contestant le caractère abusif de la procédure à bref délai diligentée par ses soins et tout comportement déloyal dans sa communication sur le jeu du Loto, ainsi qu'un quelconque préjudice subi par l'intimée.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 27 novembre 2019, la société Marketluck demande à la cour de :

- Constater l'incompétence du tribunal de commerce de Paris et d'annuler en conséquence le jugement qu'il a rendu le 9 octobre 2017,

- Constater que la procédure à bref délai initiée par la société FDJ est abusive,

- Condamner en conséquence la société FDJ à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire :

- Confirmer qu'elle est autorisée à exploiter un " jeu de loto à l'allemande ",

- Confirmer qu'elle n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale ;

- Infirmer le jugement du 9 octobre 2017 en ses autres dispositions :

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée pour parasitisme à verser une somme de 50 000 euros au profit de la société FDJ,

- Constater la nullité des procès-verbaux communiqués par la société FDJ ou à tout le moins le rejet de ces procès-verbaux,

- Constater que la société FDJ n'apporte pas la preuve qu'elle dispose d'un intérêt à agir pour défendre le jeu " Euromillion ",

- Constater que la société FDJ s'est rendue coupable d'acte de concurrence déloyale,

- Condamner en conséquence la société FDJ à lui verser la somme de 137 873 euros à titre de dommages et intérêts,

- Ordonner à la société FDJ, sur tous ces supports de communication, l'ajout du mot " symbolique " après le mot " héritière " dans l'expression " héritière de la Loterie Nationale ",

- Ordonner la publication du communiqué ci-dessous, au frais de la société FDJ sur une pleine page, dans 5 quotidiens nationaux de son choix, sur son site internet en première page pendant un mois étant précisé que ce texte devra occuper au minimum 50 % de l'espace de la page d'accueil et sur toute campagne publicitaire, y compris télévisée, diffusée dans le mois qui suivra la signification de la décision à intervenir, étant précisé que le texte devra occuper au minimum 20 % de l'espace de chaque espace publicitaire concerné, et ce sous astreinte, par jour de retard, de 1 % du chiffre d'affaires journalier de FDJ réalisé en 2017, à compter du 15e jour de la signification de la décision à intervenir :

" Le jeu du Loto, qui consiste à choisir des numéros sur une grille de 49 numéros n'a pas été créée par la Française des Jeux ni par la Loterie Nationale créée en 1933. De même, la Française des Jeux n'est nullement à l'origine du concept qui consiste à jouer au Loto en brassant des boules à l'intérieur d'une sphère. La Française des Jeux, par une assignation délivrée à la société Marketluck en date du 25 octobre 2016, a volontairement menti pour tenter de faire croire qu'elle était à l'origine de ce jeu " ;

A titre subsidiaire, dire que ce communiqué sera rédigé ainsi :

" Le jeu du Loto, qui consiste à choisir des numéros sur une grille de 49 numéros n'a pas été créée par la Française des Jeux ni par la Loterie Nationale créée en 1933. De même, la Française des Jeux n'est nullement à l'origine du concept qui consiste à jouer au Loto en brassant des boules à l'intérieur d'une sphère. La Française des Jeux, par une assignation délivrée en date du 25 octobre 2016, a volontairement menti pour tenter de faire croire qu'elle était à l'origine de ce jeu " ;

A titre infiniment subsidiaire, dire que ce communiqué sera rédigé par toute autre formulation équivalente ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater que seule la première version du jeu Bravoloto (version de 2016) constitue un acte de concurrence déloyale et/ou de parasitisme,

- Constater en conséquence que la version actualisée du jeu Bravoloto (version de 2017) ne constitue ni un acte de concurrence déloyale ni un acte de parasitisme,

A titre infiniment subsidiaire, si elle est condamnée pour parasitisme pour son jeu Bravoloto (y compris dans sa version actualisée), préciser à quelles conditions elle est autorisée à poursuivre l'exploitation d'un jeu de loto à l'allemande gratuit ;

Dans tous les cas :

- Condamner la société FDJ à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société FDJ aux entiers dépens.

Elle soulève l'incompétence du tribunal de commerce de Paris dès lors que le litige est né d'une contestation par la société FDJ d'une atteinte à sa marque Loto et de la contrefaçon de ses droits d'auteur, que dans son assignation, la société FDJ faisait valoir la reprise des caractéristiques originales de son jeu et que l'exception d'incompétence peut être soulevée jusqu'au jour de l'audience. Elle ajoute qu'accéder à la demande d'interdiction formée au titre de la concurrence déloyale et parasitaire est de nature à affecter ses droits sur la marque Bravoloto et sur ceux qu'elle pourrait revendiquer sur les éléments originaux de son jeu, et que la commercialisation de copies serviles relève de la contrefaçon.

Elle soulève l'absence d'intérêt légitime à agir de la société FDJ dont l'action vise à tenter illicitement d'étendre son monopole légal aux formes de jeux sans mise. Elle ajoute que les allégations de l'appelante ne sont pas fondées, que celle-ci n'a engagé aucune action à l'encontre d'autres sociétés organisant des jeux de loto gratuits, notamment les jeux Banalotto et Kingoloto, et que l'appelante entretient volontairement le flou sur la mesure d'interdiction sollicitée afin de contourner l'impossibilité juridique d'interdire les jeux de loto gratuits.

Elle soutient que la version 2017 du jeu Bravoloto qu'elle propose désormais, après modifications, ne reprend ni les caractéristiques formelles du Loto ni les éléments de communication invoqués par l'appelante. Elle indique que la mécanique des jeux en litige ne relève pas du loto traditionnel mais du loto à l'allemande, dont les boules sont colorées, se positionnent dans un tube, leur numéro s'affichant sur un écran. Elle soutient qu'elle est fondée à exploiter le loto à l'allemande par la nouvelle version du jeu Bravoloto, et que la reprise de ces éléments d'une banalité extrême ne caractérise pas des actes de concurrence déloyale ni de parasitisme.

Elle conteste tout acte de concurrence déloyale au titre de l'ancienne version du jeu Bravoloto ainsi que l'ont jugé les premiers juges. Elle fait valoir une différence de publics, les joueurs ayant des typologies distinctes et les jeux répondant à des enjeux et plaisirs différents. Elle souligne l'absence de préjudice de l'appelante, dont le chiffre d'affaires n'a pas baissé en 2016 corrélativement à l'augmentation de son propre chiffre d'affaires et a même progressé en 2017 et 2018. Enfin, elle invoque l'absence de risque de confusion, les commentaires des internautes démentant un tel risque. Elle considère que les procès-verbaux de constat d'huissier de justice sont irréguliers car rédigés de manière impartiale et doivent être écartés des débats, et qu'ils sont en tout état de cause inopérants à démontrer un tel risque, aucune comparaison n'étant faite entre le Loto et le Bravoloto, ni entre celui-ci et l'Euromillions. Elle ajoute que la société FDJ n'a pas intérêt à agir au titre de l'Euromillions, sur lequel elle ne dispose d'aucun droit privatif.

Elle réfute également tout acte de parasitime au titre de l'ancienne version du Bravoloto. Elle soutient qu'elle a conçu ce jeu et la communication de celui-ci sans copier ni le Loto, ni l'Euromillions et qu'elle a engagé des investissements à cette fin. Elle précise qu'il était nécessaire de faire deux tirages, dont le premier devait comporter un certain nombre de boules et porter sur 5 ou 6 numéros, et qu'elle a réalisé le second tirage sur la base de 12 signes astrologiques, ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Elle relève que la société FDJ échoue à démontrer avoir développé une valeur économique individualisée, fruit d'un effort intellectuel et d'investissement, qui lui aurait procuré un avantage anti-concurrentiel, dès lors que ni le mécanisme du jeu invoqué, ni sa communication ne relèvent d'un savoir-faire particulier, ces éléments banals étant antérieurs au Loto, notamment empruntés au loto allemand de 1954, et l'appelante ne disposant d'aucun droit privatif sur le mécanisme du loto ni sur les éléments graphiques banals ou dictés par la technique. Elle ajoute que l'usage ancien, intensif et de notoriété que la société FDJ invoque est dû au monopole dont elle bénéficie et non pas à des frais de création, et que ladite société ne justifie pas de ses frais d'investissements. Elle souligne que la société FDJ ne démontre pas en quoi elle aurait bénéficié de ses prétendus investissements, alors qu'elle a le droit d'exploiter, dans le cadre de l'organisation d'une loterie gratuite, le principe du loto qui n'appartient pas à l'appelante et que la communication décalée qu'elle a faite sur son jeu montre qu'elle ne s'est pas située dans le sillage de l'appelante mais a souhaité s'en éloigner.

Elle conteste, en outre, toutes pratiques commerciales trompeuses. Elle soutient à ce titre que la pratique consistant à proposer des bons de réduction à titre de lots ne confère pas à une loterie un caractère payant, qu'il est précisé que le lot à gagner est sous forme de coupons, ainsi que la date maximale de fin du jeu qui varie en fonction des gains remportés, de sorte qu'un consommateur moyen et normalement attentif n'a pu être induit en erreur.

Sur les préjudices allégués par l'appelante, elle considère que les premiers juges ont à bon droit relevé l'absence de démonstration d'une perte de clientèle, le chiffre d'affaires de l'appelante sur l'exercice 2016/2017 n'étant pas communiqué et aucun impact du jeu Bravoloto n'étant établi. Elle indique que le tribunal a retenu à tort une indemnisation globale et forfaitaire du préjudice lié au parasitisme, englobant un préjudice financier et un préjudice moral nullement démontrés, les trois commentaires d'internautes retenus mentionnant seulement leur satisfaction de voir exister un loto à l'allemande gratuit et les autres commentaires étant dérisoires en comparaison avec les millions d'utilisateurs de jeux de loto. Elle ajoute que le public ciblé par les parties est distinct, l'application et le modèle de jeu Bravoloto ne convenant pas à tous les utilisateurs.

Elle fait valoir le caractère abusif de la procédure à bref délai diligentée par l'appelante dès lors que celle-ci ne disposait pas des conditions posées par l'ordonnance du 24 octobre 2016 qui l'a autorisée à assigner. Elle soutient que cette procédure lui a causé un préjudice compte tenu de l'interdiction sollicitée d'exploiter son jeu.

Elle ajoute que la société FDJ a adopté un comportement déloyal en revendiquant, sous prétexte du monopole dont elle bénéficie, des droits sur le jeu Loto dont elle n'est nullement propriétaire, qu'elle n'a pas crée et dans lequel elle n'a pas investi.

Elle considère que ce comportement déloyal justifie une mesure de publication judiciaire. Enfin, elle fait valoir un préjudice total de 137 873 euros au titre des modifications de l'application imposées par la société FDJ, du préjudice statistique dû au passage de 49 à 48 boules, de son préjudice d'image et du ralentissement de son développement.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 30 septembre 2019, la société Gifi demande à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du Code civil, L. 121-1 et L. 121-4 du Code de la consommation de :

- Déclarer mal fondée la société FDJ au titre de l'ensemble de ses demandes formulées par voie d'appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 9 octobre 2017,

En conséquence,

- Débouter la société FDJ de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions formulées à l'encontre de la société Gifi,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 octobre 2017 en ce qu'il a débouté la société FDJ de sa demande pour concurrence déloyale par confusion, d'interdiction sous astreinte à la société Gifi de représenter, d'offrir à la vente et de vendre un jeu reprenant le mécanisme développé par la FDJ et/ou ses éléments graphiques et visuels, ainsi que d'en faire toute publicité, de sa demande de publication du jugement dans cinq journaux ou revues, ainsi que la page d'accueil du site de la société Gifi,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 octobre 2017 en ce qu'il a dit qu'elle aurait commis en concours avec la société Marketluck des actes de concurrence parasitaire au détriment de la société FDJ et l'a condamnée solidairement au versement solidaire avec la société Marketluck d'une somme de 50 000 euros au titre de la concurrence parasitaire,

- Condamner la société FDJ à lui verser la somme d'un montant de 50 000 euros sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamner la société FDJ au versement d'une somme d'un montant de 20 000 euros sauf à parfaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société FDJ aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir l'irrecevabilité à agir de l'appelante à son encontre, faute d'intérêt, sinon le mal fondé des demandes, dès lors qu'elle n'est ni l'auteur ni l'exploitant du jeu Bravoloto. Elle soutient que le fait que la société Marketluck soit un de ses actionnaires ne suffit pas à démontrer l'intérêt à agir de l'appelante à son endroit, compte tenu du principe de l'autonomie des personnes morales. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait directement ou indirectement bénéficié du jeu litigieux, dès lors que les faits allégués ne sont pas caractérisés.

Au fond, elle soutient que l'appelante n'est pas à l'origine de la création du jeu Loto ni de son concept qui sont une duplication servile du loto allemand développé en 1954, et dont la version actuelle est inspirée de la loterie historique de Gênes datant du 18e siècle. Elle ajoute que le mécanisme du jeu, le fait de proposer plusieurs rangs de gagnants, les éléments graphiques du loto sont des éléments banals et que l'appelante n'est titulaire d'aucun droit privatif à ce titre, ayant limité son entreprise à la reconstitution de l'ensemble des éléments caractéristiques du loto allemand.

Elle relève l'absence de risque de confusion dans l'esprit du public entre elle et la société Marketluck. Elle conteste également tout risque de confusion entre les jeux en litige, dont le mécanisme de jeu est différent, l'un étant payant, l'autre gratuit et ne portant que sur des bons d'achat, dont la communication est distincte et qui ne s'adressent pas à une même clientèle, le témoignage d'un seul consommateur pour prouver le risque de confusion n'étant pas probant. Elle souligne que son activité et celle de l'appelante ne sont pas concurrentes et que les jeux en litige ne le sont pas davantage.

Elle souligne l'absence de démonstration des investissements allégués et d'un avantage anti-concurrentiel procuré, la société Marketluk rapportant pour sa part la preuve qu'elle a conçu le jeu Bravoloto de manière autonome.

Elle en conclut que l'appelante, outrepassant le principe de la liberté de commerce et d'industrie, échoue à démontrer les actes de concurrence déloyale et de parasitisme allégués à son encontre.

Elle relève également l'absence de démonstration du préjudice de l'appelante, compte tenu de la distorsion importante existant entre l'activité de celle-ci et celle de la société Marketluck, du défaut de justification de droits privatifs et d'une valeur économique individualisée, de la banalité des éléments repris invoqués, de l'absence de risque de confusion, et du défaut de production aux débats d'éléments matériels au soutien des allégations de l'appelante. Elle rappelle que la société FDJ ne bénéficie d'un monopole qu'en matière de jeux d'argent non gratuits et que la nouvelle version du jeu Bravoloto a été substantiellement modifiée.

Elle conteste également une quelconque présentation trompeuse du jeu Bravoloto.

Enfin, elle fait valoir le caractère abusif de la procédure visant à conférer à la société FDJ un monopole d'état sur l'usage du loto et de façon plus générale des jeux, et qui est exercée au mépris de l'interdiction du cumul d'une action en contrefaçon et en parasitisme ou concurrence déloyale, l'appelante invoquant la reprise d'identifiants caractéristiques d'une œuvre originale sans reprendre l'œuvre d'origine, alors qu'elle ne dispose d'aucun droit privatif. Elle ajoute que l'appelante ne fait la démonstration d'aucune de ses allégations et ne produit aux débats aucun élément justifiant l'exercice de l'action à son encontre. Elle invoque un préjudice de 50 000 euros au titre du caractère manifestement abusif de la procédure et des allégations vexatoires entretenues par l'appelante à son encontre.

SUR CE

Sur la compétence du tribunal de commerce de Paris :

Selon l'article L. 721-3 du Code de commerce, " Les tribunaux de commerce connaissent :

1°) Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2°) De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3°) De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées ".

L'article L. 331-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

" Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.

Les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués ont qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge.

Le bénéficiaire valablement investi à titre exclusif, conformément aux dispositions du livre II, d'un droit exclusif d'exploitation appartenant à un producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes peut, sauf stipulation contraire du contrat de licence, exercer l'action en justice au titre de ce droit.

L'exercice de l'action est notifié au producteur.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle au recours à l'arbitrage, dans les conditions prévues aux articles 2059 et 2060 du Code civil ".

Il résulte de ces dispositions que le tribunal de commerce est compétent pour connaître des litiges en concurrence déloyale et parasitaire, à l'exclusion des actions fondées sur un droit privatif.

Dans le cadre d'une procédure orale, l'exception d'incompétence peut être soulevée jusqu'au jour de l'audience, sous réserve qu'elle soit soulevée avant tout débat au fond et qu'aucun appel en garantie ne soit intervenu avant la date des plaidoiries.

Il n'est pas contesté que la société Marketluck a soulevé, au cours de l'audience de plaidoiries devant le tribunal de commerce, l'incompétence de ladite juridiction avant tout débat au fond. Son exception d'incompétence est donc recevable.

Le tribunal de commerce de Paris a été saisi par assignation délivrée le 26 octobre 2016 par la société FDJ, sur le fondement des dispositions des articles 1240 et suivants du Code civil et des articles L. 121-1 et L. 121-4 du Code de commerce [sic], aux fins de voir juger notamment, que les sociétés Marketluck et Gifi ont commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale par confusion en imitant le mécanisme et la présentation de ses jeux, ainsi que des actes de concurrence parasitaire en reprenant ses valeurs économiques.

Au vu des articles visés et des demandes formées, l'appelante n'invoque aucun droit privatif au soutien de son action.

Il importe peu que préalablement à la délivrance de cette assignation, l'appelante ait engagé devant l'Institut national de la propriété industrielle plusieurs procédures d'opposition aux dépôts des marques françaises semi-figurative Bravoloto n° 16 4 257 696 et n° 16 4 280 883 et informé la société Marketluck de ses oppositions par courrier du 27 septembre 2016 en invoquant une atteinte à sa marque antérieure et notoire Loto n° 3592807 déposée le 1er août 2008 notamment en classe 41 pour désigner des services de jeux d'argent ainsi que le risque de confusion créé par la reprise des éléments distinctifs de ses jeux Loto et Euromillions, le tribunal de commerce de Paris n'ayant pas été saisi de cette procédure portant sur l'atteinte à un droit privatif antérieur.

La circonstance que dans son assignation, l'appelante fasse valoir les éléments d'identification propres à ses jeux, véritables marqueurs d'identité, chaque jeu présentant des règles spécifiques, des Codes couleurs, des éléments graphiques particuliers et un concept unique, qu'elle explique que " les jeux qu'elle conçoit font donc l'objet d'un développement minutieux et onéreux " et qu'elle précise qu'" Il en va ainsi du jeu du Loto, qui présente des éléments et règles caractéristiques et individuelles, mais également du jeu de loto Euromillions dont FDJ est l'opérateur en France ", ne suffit pas à établir qu'elle revendique un droit privatif et invoque une atteinte au droit d'auteur. Ces développements fondent en effet la demande de l'appelante au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, et nullement au titre d'une atteinte au droit d'auteur.

La juridiction saisie n'est pas, afin de se prononcer sur les actes de concurrence déloyale par confusion et de parasitisme allégués, dans l'obligation d'apprécier la contrefaçon de jeux dont les caractéristiques pourraient être protégées par le droit d'auteur, de tels droits n'étant pas invoqués. Seule la comparaison entre les éléments techniques, visuels et de communication entre les jeux en litige invoqués par l'appelante est nécessaire afin notamment d'apprécier si, comme cette dernière le prétend, les intimées ont repris, dans le jeu Bravoloto, les éléments de ses jeux Loto et Euromillions afin de créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur et de capter sa clientèle, ou de se situer dans son sillage et d'en tirer un avantage anti-concurrentiel. Il n'y a donc pas lieu de requalifier les demandes en contrefaçon de droit d'auteur.

La circonstance que la société FDJ a formé une demande d'interdiction d'exploiter le jeu Bravoloto sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, à considérer qu'elle puisse être de nature à affecter les droits de la société Bravoloto sur sa marque éponyme ou les droits qu'elle pourrait revendiquer sur les éléments originaux de son jeu Bravoloto, ne suffit pas à fonder la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître du litige, aucun droit privatif n'étant allégué par l'appelante.

Le fait que le tribunal de commerce ait retenu, au titre des actes de concurrence déloyale par confusion invoqués, que la société Marketluck avait réalisé, sans nécessité, une copie quasi servile de l'identité créée et diffusée par la société FDJ sur ses jeux, repris le même mécanisme de jeu que ceux de la société FDJ, des éléments visuels et de communication quasi semblables, et manifestement copié les éléments essentiels des jeux de la société FDJ, ne suffit pas à exclure la compétence dudit tribunal au motif erroné que la commercialisation de copies serviles relève nécessairement d'actes de contrefaçon et non pas de concurrence déloyale. En effet, la société FDJ ne fonde pas ses demandes sur la titularité de droits de propriété intellectuelle, mais sur des actes de concurrence déloyale caractérisés, selon elle, par la reprise par le jeu Bravoloto du mécanisme du jeu Loto, ainsi que l'imitation des éléments visuels de ses jeux phares Loto et Euromillions et de sa communication, résultats de ses investissements, de nature à créer un risque de confusion avec ses jeux et permettant à la société Marketluck de se placer dans son sillage sans bourse délier.

Le tribunal de commerce de Paris était donc compétent pour connaître du litige en concurrence déloyale par confusion et parasitisme.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur l'intérêt à agir de la société FDJ :

Sur l'intérêt à agir au titre du jeu Loto :

Selon l'article 122 du Code de procédure civile, " Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ".

L'article 31 du même Code énonce que " L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ".

L'appelante, qui a le monopole des jeux de loterie non gratuits sur le territoire national et à Monaco et qui exploite le jeu Loto, a un intérêt à agir en concurrence déloyale contre les entités qui ont mis en place et utilisent le jeu Bravoloto qu'elle considère imiter le mécanisme et le visuel de son jeu Loto et la communication faite autour de celui-ci, et indûment tirer profit de ses investissements.

L'action de l'appelante, fondée sur la concurrence déloyale par confusion et parasitisme, vise à protéger ses produits et ses investissements, dont elle assure l'intégrité et le développement équilibré en vertu des dispositions de l'article 3 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, et non pas à lui conférer un monopole, qu'elle ne détient pas, sur les jeux de loterie gratuits, ni à poursuivre un objectif économique contraire à sa mission et consistant à conquérir des parts de marché, ni à écarter un concurrent.

Ni la reprise des éléments invoqués par l'appelante, qui ne vise pas à lui arroger un droit exclusif sur des éléments non protégeables au titre de la propriété intellectuelle, mais à protéger ses jeux et investissements, ni la mesure d'interdiction sollicitée, à supposer que le périmètre et la durée n'en soient pas suffisamment définis ainsi que le soutient la société Marketluck, ne suffisent à démontrer la poursuite par l'appelante du but illégitime d'étendre son monopole à des formes de jeux sans mise.

La société Marketluck fait donc vainement valoir un intérêt illégitime de la société FDJ à agir de ces chefs.

L'intérêt à agir n'étant pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l'action, la société Marketluck oppose vainement à l'appelante le mal fondé de ses prétentions, en particulier l'absence de droit exclusif sur la mise en ligne gratuite du loto à l'allemande, l'absence de démonstration de la perte de clientèle et de reprise du travail de l'appelante, le défaut d'investissements propres permettant d'ériger les jeux de loto en " valeur économique individualisée " et l'absence de préjudice.

La circonstance que l'appelante n'a engagé aucune poursuite à l'égard de sociétés tierces organisant des jeux de loto gratuits qui, selon la société Marketluck, seraient similaires à ceux de l'appelante et reprendraient les signes distinctifs revendiqués par celle-ci, est sans incidence sur son intérêt à agir envers les intimées.

Le fait que le choix de l'appelante d'exercer l'action serait prétendument lié au succès du jeu Bravoloto, à le considérer établi, participe de son intérêt à agir en concurrence déloyale par confusion et parasitisme.

La circonstance que l'action soit ou non abusive et préjudiciable aux intimées, notamment quant à la nature de l'interdiction sollicitée, aux contours prétendument insuffisamment délimités selon la société Marketluck qui invoque être déstabilisée à ce titre, est indifférente quant à l'intérêt à agir de l'appelante.

Sur l'intérêt à agir au titre du jeu Euromillions :

L'action en concurrence déloyale est ouverte à toute personne qui, ne bénéficiant d'aucun droit privatif, est victime d'un dommage concurrentiel causé par une activité déloyale ou parasitaire.

L'appelante exploitant le jeu Euromillions en France, dont elle organise les tirages et dont elle valide les grilles de jeux, justifie d'un intérêt à agir en concurrence déloyale par confusion, tromperie et parasitisme au titre de l'exploitation illicite de ce jeu sur le territoire national par les intimées au travers du jeu Bravoloto.

La circonstance qu'elle ne bénéficie d'aucun droit privatif sur le jeu Euromillions, n'étant que la représentante en France de ce jeu et non pas la créatrice de celui-ci, est impropre à écarter son intérêt à agir au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis en France, la recevabilité de l'action en concurrence déloyale étant distincte de la recevabilité de l'action en contrefaçon, l'action en concurrence déloyale pouvant être mise en œuvre par celui qui n'est pas titulaire d'un droit privatif ou par celui qui ne remplit pas les conditions pour exercer l'action fondée sur son droit privatif.

Sur l'intérêt à agir à l'encontre de la société Gifi :

Dès lors que la société Gifi participe à l'exploitation du jeu Bravoloto, qui a été créé à l'occasion de ses 35 ans, qui est exploité au travers de la marque Gifi et sur son site internet pour développer sa clientèle et dont les gains sont notamment des bons d'achats ou de réduction utilisables dans les magasins de son enseigne, la société FDJ a intérêt à agir à l'encontre de la société Gifi.

Celle-ci a qualité à défendre, peu important que le jeu Bravoloto qu'elle exploite ait été créé, organisé et développé par la société Marketluck qui constitue une personne morale distincte de la société Gifi.

La recevabilité de l'action n'étant pas subordonnée au bienfondé de celle-ci, la société Gifi, qui exploite le jeu incriminé, invoque vainement l'absence de démonstration de sa responsabilité dans les actes poursuivis.

Il s'ensuit la recevabilité de l'action, le jugement étant confirmé de l'ensemble de ces chefs.

Sur la nullité ou le défaut de caractère probatoire des procès-verbaux de constat d'huissier :

Selon l'article 648 du Code de procédure civile, " Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ;

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité ".

L'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers prévoit que : " Les huissiers de justice peuvent [...], commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Est une constatation purement matérielle toute situation personnellement constatée par l'huissier de justice au moyen de ses sens, et qu'il n'a pas provoquée par une opération intellectuelle de nature à troubler sa qualité de tiers neutre, indépendant et impartial ".

Sous peine d'être écarté des débats, le procès-verbal de constat ne doit contenir aucun avis de conséquence de fait ou de droit, ni même d'interprétation ou de tentative d'explication des éléments constatés.

L'appelante a fait procéder, les 28 septembre 2016, 3 octobre 2016, 9 et 13 janvier 2017 à différents constats d'huissier sur le site internet et l'application Facebook de la société Gifi.

La société Marketluck fait valoir l'irrégularité de ces constats, en ce qu'ils n'ont pas été rédigés par un huissier de justice resté impartial, et renvoie la cour à l'examen de sa pièce 12 dans laquelle elle critique :

- le constat objet de la pièce 8-1 de l'appelante (en réalité le constat du 28 septembre 2016 objet de la pièce 20 de l'appelante, effectué sur le site gifi.fr), en ce que l'huissier de justice qui " constate la reproduction des boules de couleur numérotées et d'un fond bleu habituellement utilisés par la requérante. La police de caractère utilisée, ainsi que la couleur dorée évoquent le graphisme des jeux de La Française des jeux ", ne s'est pas borné à établir un constat neutre mais a pris position, en estimant que les boules du jeu Bravoloto étaient identiques à celles du jeu Loto, que les fonds de couleur bleu étaient identiques, que la police de caractère et la couleur dorée étaient similaires, alors que des différences existent, l'huissier de justice cherchant ainsi à influencer les magistrats.

- le constat objet de la pièce 8-2 de l'appelante (en réalité le constat du 3 octobre 2016 objet de la pièce 21 de l'appelante), en ce que l'huissier de justice " constate la reproduction des boules de couleur numérotées et d'un fond bleu habituellement utilisés ainsi que le boulier lors des tirages télévisés. La police de caractère utilisée ainsi que la couleur dorée évoquent de graphisme des jeux de la Française des jeux ", et méconnaît ainsi de nouveau son devoir de neutralité,

- le constat objet de la pièce 11 de l'appelante (en réalité le constat du 7 octobre 2016 pièce 42 de l'appelante), en ce que l'huissier de justice mentionne " que la requérante a constaté que la société Marketluck proposait une application reprenant le même mécanisme de son jeu phare Loto et plusieurs éléments graphiques similaires. Les avis sur internet font immédiatement le lien avec la Française des jeux et les jeux qu'elle développe et organise ", lequel passage correspond à un avis de l'huissier de justice prenant position, peu important que, comme le souligne l'appelante, cet avis intervient avant les constatations de l'huissier de justice.

La société Marketluck ne critiquant que les constats ci-dessus énoncés, sa demande tendant à voir déclarer nuls ou écarter des débats les procès-verbaux communiqués par la société FDJ sera rejetée s'agissant du surplus des constats produits par l'appelante et non discutés.

Les constats critiqués mentionnent chacun les prescriptions requises à l'article 648 du Code de procédure civile et n'encourent donc aucune nullité à ce titre.

En revanche, il apparaît, dans le premier constat d'huissier de justice critiqué par la société Marketluck, produit aux débats en noir et blanc, que l'huissier de justice, après avoir saisi l'adresse http://www.gifi.fr/reglement-bravoloto.html dans la barre de son navigateur et fait défiler les pages s'affichant, indiquant que " Pour ses 35 ans, Gifi vous offre 35 millions à gagner " et invitant au téléchargement du jeu Bravoloto, des illustrations de boules de jeu accompagnant cette annonce, l'huissier de justice ne s'est pas borné à constater les images s'affichant, mais a commenté la similarité entre les boules, le fond bleu, le boulier et la police de caractère du jeu Loto de la société FDJ n'apparaissant pas à l'écran.

Ce constat ne se bornant pas à de simples constatations mais contenant un avis de l'huissier de justice sur des éléments de comparaison avec les jeux de la société FDJ qu'il n'a pas personnellement constatés, de nature à appuyer la thèse de l'appelante l'ayant requis afin de constater que le jeu Bravoloto présente le même mécanisme et le même graphisme que le jeu Loto, est dépourvu de la neutralité nécessaire et doit donc être écarté des débats comme ne constituant pas une preuve objective des faits constatés.

Dans le second constat d'huissier de justice critiqué par la société Marketluck, l'huissier de justice, après avoir saisi les adresses https://itunes.apple.co/fr/app/bravoloto:id 1110046250'mt=8 puis https://play.google.com/store/apps/details'id=com.marketluck.bravoloto, et fait défiler les éléments apparaissant à l'écran, tous relatifs au jeu Bravoloto, commente ces pages en mentionnant constater la reproduction des boules de couleur numérotées et d'un fond bleu habituellement utilisés par la requérante, ainsi que le boulier lors des tirages télévisés, et que la police de caractère utilisée évoque les marques et logos de la requérante. Ce faisant, l'huissier de justice ne se borne pas à constater et décrire objectivement les éléments apparaissant à l'écran à l'issue de ses opérations, mais les compare avec d'autres éléments afférents à la requérante, non issus de ses constatations, laquelle comparaison procède d'un avis de l'huissier de justice outrepassant sa mission. Ce constat, dépourvu d'objectivité, doit également être écarté des débats.

En revanche, le 3e constat discuté par la société Marketluck n'encourt aucune critique en ce que l'huissier de justice a rappelé les motifs de la requête de la société FDJ l'ayant requis aux fins de constat, lequel propos précède, se distingue des constatations de l'huissier de justice et ne contient aucun avis personnel.

Les constats d'huissier de justice des 28 septembre 2016 (pièce 20 de l'appelante) et 3 octobre 2016 (pièce 21 de l'appelante) doivent donc écartés des débats, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la concurrence déloyale par confusion :

Si la liberté du commerce et de l'industrie, avec en corollaire la libre concurrence, ne peut, comme toute liberté, s'exercer que dans le respect de celle d'autrui, la théorie jurisprudentielle de la concurrence déloyale, fondée sur le droit commun de la responsabilité civile issu des articles 1382 et 1383 anciens du Code civil, permet de sanctionner les actes contraires à la loyauté commerciale, qu'ils interviennent entre concurrents ou entre non-concurrents. Il appartient à l'appelante, à l'appui de son action, de faire la démonstration de comportements fautifs des intimées constitutifs d'actes de concurrence déloyale.

La création d'un risque de confusion avec l'entreprise ou les produits d'un concurrent est un cas d'ouverture de l'action en concurrence déloyale. Dans ce cas, le demandeur doit établir la similitude existant entre ses propres produits et ceux du prétendu imitateur, et apporter la preuve que cette similitude a eu pour effet, en l'absence d'intention de nuire, de créer dans l'esprit du public une confusion entre les produits en litige, en référence à l'impression d'ensemble conférée auprès du consommateur moyen par les ressemblances qui ne sont dues à aucune nécessité.

Pour caractériser des actes de concurrence déloyale par confusion, l'appelante invoque l'imitation de ses jeux Loto et Euromillions et la création d'un risque de confusion dans l'esprit du public.

Sur la reprise du mécanisme des jeux :

L'appelante fait tout d'abord valoir l'imitation de ses jeux Loto et Euromillions par la reprise du mécanisme desdits jeux, dès lors que :

- le mécanisme des jeux Loto et Euromillions se distingue du mécanisme du jeu de la loterie traditionnelle ; les jeux en litige présentent des similitudes s'agissant des grilles, des numéros qu'il convient de sélectionner pour gagner, des modalités de tirage et de détermination du gagnant ; le tribunal a retenu avec pertinence les similitudes suivantes entre les jeux en litige : la combinaison gagnante résidant dans le choix de 5 numéros gagnants sur 49 (ce nombre étant passé à 48 numéros dans la nouvelle version du jeu Bravoloto), et de 2 symboles supplémentaires parmi les 12 proposés ; le choix des numéros et symboles pouvant être réalisé par le même joueur de manière individuelle ou aléatoire ; le tirage fait sous contrôle d'huissier de justice ; une sphère transparente contenant des boules de couleur composées de plusieurs rectangles blancs fermés par des demi-cercles dans lesquels sont représentés des numéros, les boules étant extraites une par une, roulant sur un tube et stationnant à l'extrémité de celui-ci ; la sélection de deux symboles supplémentaires suivant le même procédé ; le partage du gros lot entre le ou les joueurs obtenant la combinaison gagnante, ceux n'ayant coché qu'une partie des numéros et signes astrologiques tirés pouvant remporter des gains de niveau inférieur ;

- cette reprise combinée d'éléments, qui doit s'analyser au regard des similitudes constatées et non pas en fonction de chaque élément pris séparément, porte sur les Codes d'identification propres à ses jeux ;

- aucun impératif technique n'impose une telle reprise, notamment les considérations statistiques alléguées par les intimées,

- le mécanisme du Loto et de l'Euromillions diffère, d'une part, du mécanisme du loto à l'allemande, dont la combinaison est différente, à savoir 6 chiffres sur 49 et non pas 5 chiffres sur 49, combinaison unique du Loto et de l'Euromillions et nullement banale, d'autre part, des autres loteries étrangères proposant également des combinaisons différentes.

Les intimées répliquent que la nouvelle version du jeu Bravoloto comprend des boules de forme cylindrique et non plus sphérique, a supprimé les couleur rouge et bleu, devenues jaune et grise, et porte sur une combinaison de 5 numéros sur 48 au lieu de 49. Elles ajoutent que :

- le mécanisme commun aux jeux Loto et Bravoloto correspond à la mécanique du loto à l'allemande,

- l'usage d'une grille, la possibilité ou non de choisir ses numéros, le nombre de lignes ou de colonnes et l'enregistrement ou non préalable du jeu, le choix de 5 numéros sur 48 à sélectionner, dans la nouvelle version du jeu Bravoloto, la présence de boules colorées et numérotées, le positionnement des boules numérotées, tirées à partir de sphères et sélectionnées dans un tube dont les numéros correspondant s'affichent, relèvent d'éléments banals en lien avec les éléments graphiques et les règles du jeu de loto allemand utilisés dans le monde entier et ne pouvant faire l'objet d'une appropriation par l'appelante, le tirage de 5 numéros étant notamment commun à 33 % des pays listés,

- l'organisation de deux tirages, le choix de la combinaison pour le premier tirage de 5/48 numéros dans la nouvelle version du jeu Bravoloto et de 5/49 dans l'ancienne version du jeu Bravoloto, de la combinaison pour le second tirage de 2/12 relèvent d'impératifs statistiques, étant relevé que celle du Loto est de 1/10 et de l'Euromillions de 2/11 au moment de la création du jeu Bravoloto, étant passée à 2/12 postérieurement, les probabilités de chance de remporter le gros lot dans ces jeu étant distinctes,

- l'appelante ne dispose pas de droits spécifiques, en particulier privatifs, sur le mécanisme d'un loto à l'allemande basé sur une combinaison de 5/49.

Sur la comparaison entre les " mécanismes " des jeux Loto et Bravoloto :

Il résulte de la comparaison des " mécanismes " des jeux de Loto et Bravoloto tels qu'invoqués par l'appelante et notamment du tableau de comparaison produit par celle-ci, que ceux-ci ont en commun :

- l'usage de grilles de numéros, celle du jeu Loto portant sur une combinaison de nombres 5/49 + de chiffres 1/10, celle du Bravoloto version 1 sur une combinaison de nombres 5/49 + 2/12 symboles astrologiques et celle du Bravoloto version 2 sur une combinaison de nombres 5/48 + 2/12 symboles astrologiques, la présentation de ces grilles étant similaire (couleurs bleu et rouge, numéros à sélectionner sous forme de pastilles alignées en colonnes, possibilité de faire un choix volontaire ou aléatoire des numéros),

- l'utilisation d'une sphère de tirage automatique de forme cylindrique et transparente, pour chacun des deux tirages du Loto et le Bravoloto version 1,

- l'utilisation, dans les jeux Loto et Bravoloto version 1, de boules de couleur composées de plusieurs rectangles blancs fermés par des demi-cercles dans lesquels sont représentés des numéros,

- l'usage de la couleur bleue comme fond des boules du premier tirage du Loto sur lequel est apposé un rectangle blanc fermé par des demi-cercles dans lequel est représenté un numéro, ou comme couleur uniforme des boules du Bravoloto version 2 sur lesquelles ne figurent plus les rectangles blancs fermés par des demi-cercles mais seulement un numéro,

- l'extraction des boules une par une, roulant sur une rigole et stationnant à l'extrémité de celle-ci dans l'ordre du tirage,

- le tirage effectué sous contrôle d'huissier de justice et rediffusé à une heure similaire, soit 20h40 sur une chaîne télévisée de grande écoute pour le Loto et à 20h45 sur l'application mobile pour le Bravoloto,

- la présentation des jeux par un animateur de télévision ayant une certaine notoriété,

- la possibilité de plusieurs gagnants et la répartition des lots selon les rangs.

Ainsi que le font valoir avec pertinence les intimées, le mécanisme des jeux Loto et Euromillions et du jeu Bravoloto ne correspond pas au loto traditionnel, mais à la mécanique du loto à l'allemande apparu en 1954, dont les règles sont de proposer aux joueurs de choisir une combinaison de 6 numéros sur 49, le tirage se faisant dans une " sphère de tirage " transparente dans laquelle sont brassées des boules de couleur comportant chacune un numéro, lesquelles, une fois sélectionnées, sont acheminées vers un tube puis alignées dans l'ordre du tirage, lequel fait l'objet d'une présentation au public.

L'appelante n'agissant pas sur le fondement de droits privatifs, les développements des parties inhérents à l'absence de démonstration de tels droits sur le mécanisme du jeu du Loto sont inopérants.

En revanche, la reprise des éléments susvisés du loto à l'allemande, qui sont du domaine public, sont communément utilisés et constituent donc des éléments banals, ne relève pas de l'imitation de caractéristiques propres au jeu Loto de l'appelante.

La possibilité de faire un choix volontaire ou aléatoire des numéros qui doivent être enregistrés avant le tirage, l'utilisation d'une sphère de tirage automatique, la détermination du gagnant comme étant celui ayant sélectionné les numéros gagnants, la possibilité de plusieurs gagnants et la répartition des lots selon les rangs sont des caractéristiques communes aux lotos, dont la reprise est licite.

Seuls doivent donc être retenus comme éléments pertinents communs aux Loto et Bravoloto le recours à des grilles de présentations similaires, le contrôle du tirage par un huissier de justice, sa présentation par un présentateur de télévision bénéficiant d'une certaine notoriété, à une heure similaire, et, s'agissant du Bravoloto version 1, la combinaison 5/49 et l'usage de boules de couleur dont certaines sont bleues et rouges et qui sont chacune composées de plusieurs rectangles blancs fermés par des demi-cercles dans lesquels sont représentés des numéros, lesquels éléments ne relèvent pas du mécanisme des jeux, mais de leur présentation.

Sur la comparaison entre les " mécanismes " des jeux Euromillions et Bravoloto :

Il résulte de la comparaison des " mécanismes " des jeux Euromillions et Bravoloto, tels qu'invoqués par l'appelante, et notamment du tableau de comparaison produit par celle-ci, que ceux-ci ont en commun, comme éléments d'identification revendiqués par l'appelante :

- l'usage de grilles de numéros, celle du jeu Euromillions portant sur une combinaison de nombres 5/50 et de numéros étoiles 2/11 au moment de la création du jeu Bravoloto, et désormais de 5/50 + 2/12, celle du Bravoloto version 1 portant sur une combinaison de nombres 5/49 et de 2/12 signes astrologiques et celle du jeu Bravoloto version 2 sur une combinaison 5/48 + 2/12, la présentation de ces grilles étant similaire (couleurs bleu et jaune, numéros à sélectionner sous forme de pastilles alignées en colonnes, possibilité de faire un choix volontaire ou aléatoire des numéros),

- l'utilisation d'une sphère de tirage automatique de forme cylindrique et transparente dans laquelle les boules sont brassées par des barres métalliques, pour chacun des deux tirages l'Euro milions et le Bravoloto version 1,

- l'utilisation, dans les jeux Euromillions et Bravoloto version 1, de boules de couleur rouge composées de plusieurs rectangles blancs fermés par des demi-cercles dans lesquels sont représentés des numéros,

- l'extraction des boules une par une, roulant sur une rigole et stationnant à l'extrémité de celle-ci dans l'ordre du tirage,

- le tirage effectué sous contrôle d'huissier de justice,

- la présentation des jeux par un animateur de télévision ayant une certaine notoriété et à une heure de grande écoute,

- la possibilité de plusieurs gagnants et la répartition des lots selon les rangs.

Au vu des développements susvisés, et compte tenu de la banalité de divers éléments communs relevant de l'emprunt au jeu de loto à l'allemande, doivent être retenus comme éléments pertinents communs aux jeux Euromillions et Bravoloto l'usage de grilles de couleur et de présentation similaires, l'utilisation d'une " sphère de tirage " similaire pour les jeux Euromillions et Bravoloto version 1, l'organisation de deux tirages, le contrôle du tirage par un huissier de justice, sa présentation en direct par un présentateur de télévision bénéficiant d'une certaine notoriété et à une heure de grande écoute et, s'agissant du Bravoloto version 1, l'usage de boules de couleur dont certaines sont rouges et chacune composées de plusieurs rectangles blancs fermés par des demi-cercles dans lesquels sont représentés des numéros, lesquels éléments communs ne relèvent pas du mécanisme des jeux en litige, mais de leur présentation.

Sur la reprise d'éléments graphiques et de communication :

L'appelante fait valoir, en outre, la reprise de ses éléments graphiques d'identification tels que :

- l'usage de couleurs bleu, blanc et rouge qui sont les marqueurs de son identité, des couleurs bleues et jaunes qui sont les couleurs du jeu Euromillions et sont désormais celles des boules du Bravoloto version 2,

- un bandeau similaire de couleur rouge pour les jeux My million et Bravoloto,

- l'usage de signes astrologiques en lien avec le jeu proposé,

- la reprise de boules de couleurs similaires et présentant les mêmes caractéristiques,

- la reprise d'une sphère de tirage quasi similaire et d'une rigole quasiment identique,

- la reprise de montants similaires à ceux proposés par ses soins,

- la reprise de son vocabulaire,

- la reprise du concept de présentation par une personnalité célèbre remettant les facs-similés des chèques comportant le gain remporté et présentant des similitudes,

- l'organisation d'opérations spéciales de tirage le vendredi 13 et le 14 février, portant sur des montants similaires.

Sur la comparaison entre les éléments graphiques et de communication des jeux Loto et Bravoloto :

Hormis les éléments sur lesquels la cour s'est prononcée ci-avant, les jeux Loto et Bravoloto présentent les similitudes suivantes : l'utilisation commune du vocabulaire " grille " et " jackpot ", l'annonce de gains s'élevant à des millions, la remise commune au gagnant des jeux Loto et Bravoloto d'un chèque facsimilé géant comportant les gains remportés, de couleur jaune et blanc s'agissant du Loto et du Bravoloto version 2, et reproduisant les boules de tirage similaires, ainsi que l'organisation de loteries spéciales le vendredi 13 et le jour de la St Valentin.

Sur la comparaison entre les éléments graphiques et de communication des jeux Euromillions et Bravoloto :

Hormis les éléments sur lesquels la cour s'est prononcée ci-avant, les jeux Euromillions et Bravoloto présentent les similitudes suivantes : l'utilisation commune du vocabulaire " grille " et " jackpot ", l'usage des couleurs bleu et jaune en particulier dans l'annonce des gains en jeu pour le Bravoloto et le My Million, jeu dérivé de l'Euromillions, ou des couleurs bleu et rouge dans le bandeau d'annonce des gains en jeu Bravoloto ou le bandeau " My Million ", l'organisation de loteries spéciales le vendredi 13 et le jour de la St Valentin, l'annonce de gains analogues s'élevant à des millions ou comportant des chiffres similaires (130 000 euros pour le Bravoloto, 13 millions d'euros pour l'Euromillions le vendredi 13), et des similitudes dans les phrases promotionnelles des jeux (" Et si c'était vous " pour le Bravoloto et " Euro millions : " le gagnant " Et si c'était vous " pour l'Euromillions).

S'il est en outre démontré l'usage de signes astrologiques dans les grilles de jeux Bravoloto et le jeu de loterie Astro Vierge également exploité par la société FDJ, ces éléments ne sont toutefois pas pertinents pour caractériser les actes de concurrence déloyale au titre du Loto et de l'Euromillions, qui s'apprécient produit par produit.

Il résulte de l'ensemble de ces développements des éléments pertinents communs entre les jeux Bravoloto et Loto, d'une part, et Bravoloto et Euromillions, d'autre part, en particulier, l'usage de grilles similaires, la combinaison 1/49 dans les jeux Loto, Euromillions et Bravoloto version 1, l'utilisation d'une " sphère de tirage " d'apparence similaire dans les jeux Euromillions et Bravoloto version 1, l'utilisation de boules de couleur et de caractéristiques similaires s'agissant du jeu Bravoloto version 1, le tirage présenté par un animateur de télévision à une heure stratégique de grande écoute en présence d'un huissier de justice, la remise au gagnant d'un chèque fascimilé géant, de taille similaire et reproduisant des boules semblables, l'annonce de gains s'élevant à des millions, l'organisation de loteries spéciales avec des gains aux chiffres similaires les vendredi 13 et 14 février, et des similitudes dans les phrases promotionnelles des jeux Bravoloto et Euromillions par l'emploi de l'expression commune " Et si c'était vous ".

Il est ainsi démontré la reprise par le jeu Bravoloto d'éléments visuels, de présentation et de communication des jeux Loto et Euromillions.

Les intimées n'établissent pas que ces similitudes seraient justifiées par des impératifs techniques, et notamment statistiques, la société Marketluck ne démontrant pas, en particulier, qu'elle a déterminé les paramètres qu'elle allègue avant le lancement du jeu Bravoloto, ni que ceux-ci imposaient la reprise de combinaisons identiques à celles des jeux de l'appelante, la nouvelle version du Bravoloto ne reposant d'ailleurs plus sur la combinaison 5/49. En outre et contrairement à ce qu'allègue la société Marketluck, aucun impératif de communication sur le jeu et la chance du joueur n'impose qu'une personnalité soit associée au tirage se déroulant lors d'une forte audience et en présence d'un huissier de justice, que le gagnant soit mis en scène avec un chèque facsimilé géant, ni qu'il soit communiqué sur les signes habituellement associés aux jeux de hasard, notamment le vendredi 13. Si l'organisation d'un jeu de loto requiert le tirage avec des sphères de tirage et l'utilisation de boules numérotées sélectionnées une à une, aucun impératif lié aux éléments graphiques et aux règles du jeu de loto n'impose l'usage d'une sphère et de boules aux caractéristiques visuelles similaires.

Les similitudes présentées relèvent donc de choix opérés dans la conception et l'exploitation du jeu Bravoloto et non pas d'une quelconque nécessité.

Sur le risque de confusion :

La reprise, par le jeu Bravoloto, des éléments portant sur la présentation, le visuel et la communication des jeux Loto et Euromillions de notoriété importante et qui constituent des éléments d'identification forts de ceux-ci auprès du public, crée un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, qui peut associer le jeu Bravoloto versions 1 et 2 aux jeux Loto et Euromillions ou le percevoir comme étant un dérivé de ceux-ci, au vu de l'impression globale d'ensemble similaire que confèrent ces ressemblances entre les jeux en litige.

Le risque de confusion s'appréciant au vu de l'impression d'ensemble conférée par les similitudes des produits, les intimées invoquent vainement les différences résiduelles entre ceux-ci et qui ne sont pas de nature à exclure la même impression d'ensemble produite.

Les intimées arguent vainement de la banalité de certaines des similitudes entre les jeux et l'absence de droit exclusif de l'appelante sur les caractéristiques communes, dès lors que ces éléments, à les considérer banals pris individuellement, sont associés dans l'esprit du consommateur aux jeux Loto et Euromillions et que leur reprise globale ou partielle crée un risque de confusion dans l'esprit du consommateur au vu de l'impression d'ensemble similaire conférée par les ressemblances des jeux Bravoloto, Loto et Euromillions.

L'appelante justifie d'ailleurs de plusieurs avis d'internautes associant le jeu Bravoloto aux jeux Loto et Euromillions, plusieurs commentaires précisant que le jeu Bravoloto est comme le jeu du Loto ou Euromillions mais gratuit, ou encore que " le loto Gifi est pompé sur @FDJ ", que le Bravoloto constitue " l'euromillions de Gifi ", et " propose un loto digne d'une des plus belles cagnottes de la FDJ ".

Quand bien même le nombre de ces avis est peu important au regard du nombre conséquent d'utilisateurs des jeux Loto et Euromillions, et ces internautes distinguent le jeu Bravoloto des jeux Loto et Euromillions, le fait qu'ils associent les jeux en litige et que le jeu Bravoloto puisse donc être conçu comme un jeu dérivé et gratuit des jeux Loto et Euromillions suffit à établir le risque de confusion.

La circonstance que le jeu Bravoloto version 2 ne reprenne qu'une partie des éléments des jeux Loto et Euromillions, ne comprenant notamment plus la combinaison 2/49 ni une " sphère de tirage " similaire, de forme cylindrique et non plus sphérique, que la communication sur les tirages spéciaux organisés pour la Saint-Valentin ainsi que le vendredi 13 et que le chèque facsimilé géant présentent des différences avec ceux des jeux Loto et Euromillions, ne suffit pas à écarter le risque de confusion entre le jeu Bravoloto version 2 et les jeux Loto et Euromillions compte tenu des fortes similitudes existant encore entre les jeux en cause, en particulier la similarité des grilles, la présentation des jeux à une heure de grande audience par un animateur de télévision et en présence d'un huissier de justice et la remise au gagnant d'un chèque facsimilé géant, l'usage similaire de couleurs, de vocabulaire, d'annonces publicitaires et l'organisation de tirages spéciaux les vendredi 13 et 14 février, lesquels éléments renvoient à l'univers graphique et de communication des jeux Loto et Euromillions et sont donc des éléments d'identification de ceux-ci dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne.

Le fait que les jeux en litige ne visent pas des profils de joueurs identiques en tous points, les jeux Loto et Euromillions étant de grande diffusion, payants et proposant des lots de plusieurs millions d'euros, et le jeu Bravoloto étant présenté comme étant gratuit et proposant des lots sous forme de " cash ", de bons d'achat et de bons de réduction dans l'enseigne Gifi et d'un montant plus modeste, hormis le jackpot de 35 millions d'euros mis en jeu à l'occasion de l'opération spéciale des 35 ans de la société Gifi, n'est pas de nature à écarter la qualification de concurrence déloyale par confusion. En effet, ces jeux de loterie sont de fonctionnement et de présentation similaires et sont destinés à une clientèle commune de jeux de loterie proposant d'importants gains, le jeu Bravoloto proposant, outre des bons d'achat et de réduction, des gains en cash allant de 20 000 à 100 000 euros et ayant proposé plusieurs " jackpots " d'un million d'euros et un de 35 millions d'euros, lesquels lots sont donc de nature à intéresser les clients des jeux de Loto et Euromillions mettant en jeu régulièrement des jackpots, et non pas exclusivement la clientèle de la société Gifi. La société Marketluck invoque donc vainement la différence de publics des jeux, dont la typologie, les enjeux et les plaisirs de jouer seraient distincts, la communication faite autour des gains conséquents proposés par le jeu Bravoloto démontrant la volonté de toucher le public recourant aux jeux de loterie proposant des jackpots, en particulier les jeux Loto et Euromillions notoirement connus à ce titre. En outre, le public de la société FDJ est également composé d'internautes, auxquels est également destiné le jeu en ligne Bravoloto.

La circonstance que la campagne de communication sur le jeu Bravoloto se situe dans un registre de provocation éloigné de l'univers de la société FDJ ne suffit pas à exclure le risque de confusion entre les jeux en litige au vu de la même impression d'ensemble conférée par les fortes similitudes constatées entre ceux-ci et de l'association faite entre le jeu Bravoloto et les jeux de l'appelante par les internautes destinataires de cette campagne.

Le fait que la société FDJ ne dispose d'aucun droit privatif sur les éléments d'identification de ses jeux et que la société Marketluck aurait engagé des frais pour mettre en œuvre le jeu Bravoloto dans ses versions 1 et 2 n'est pas de nature à écarter ni à justifier la reprise illicite des éléments d'identification, dans l'esprit du consommateur, des jeux Loto et Euromillions.

Il est également indifférent que l'appelante n'ait pas poursuivi les exploitants des jeux Banalotto et Kingoloto qui présenteraient des similarités avec ses jeux, ces éléments étant inopérants quant à l'engagement de la responsabilité des intimées.

Le fait que la société Gifi ne soit pas le concepteur du jeu Bravoloto et que son activité diffère de celle de la société Marketluck n'est pas de nature à exclure sa responsabilité, dès lors que ce jeu, spécifiquement créé à l'occasion de ses 35 ans et pour ses seuls besoins, est associé à son nom commercial, est accessible sur ses moyens de communication et a été mis sur le marché pour promouvoir son activité, les gains étant constitués notamment de bons d'achats et de bons de réduction dans les magasins de son enseigne, de sorte qu'elle tire un bénéfice de l'exploitation illicite du jeu Bravoloto.

De même, outre le fait que la caractérisation de faits de concurrence déloyale ne nécessite pas une situation de concurrence directe, la société Gifi, dont certes l'activité diffère de celle de l'appelante, s'est mise en situation de concurrence directe avec celle-ci en exploitant le jeu de loterie Bravoloto.

En copiant sciemment les éléments d'identification des jeux Lotos et Euromillions et en créant ainsi un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne au vu de l'impression d'ensemble conférée par les fortes ressemblances des jeux Bravoloto, Loto et Euromillions qui ne sont dues à aucune nécessité, ce afin de capter la clientèle de la société FDJ la société Marketluck, conceptrice du jeu Bravoloto, et la société Gifi, exploitante dudit jeu, ont donc commis des actes de concurrence déloyale par confusion.

Sur la concurrence déloyale du fait de pratiques commerciales trompeuses :

Selon l'article L. 120-1 alinéa 1 du Code de la consommation, " Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ".

Selon l'article L. 121-2 du Code de la consommation, sont considérées comme trompeuses les pratiques commerciales qui :

" 1°) crée[nt] une confusion avec un autre bien ou un service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2°) repose[nt] sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ".

L'allégation consiste dans le fait de laisser croire, sans affirmer, à une proposition relative aux produits ou aux services, qui s'avère inexacte.

L'indication fausse, ou de nature à induire en erreur, vise l'attribution de qualités au produit ou service : sont mentionnées des qualités qui n'existent pas ou qui se révèlent inexactes.

La caractérisation d'actes de concurrence déloyale en raison de pratiques commerciales trompeuses pour le consommateur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation nécessite la démonstration de l'altération ou du risque d'altération, de manière substantielle, du comportement économique du consommateur.

Le fait que la société Marketluck indique que le jeu Bravoloto se déroule sous contrôle d'huissier de justice, ce qui n'est pas discuté, ne constitue pas une tromperie du consommateur sur la qualité et la sécurité dudit jeu, peu important que celui-ci ne présenterait pas, selon l'appelante, les mêmes garanties que les jeux Loto et Euromillions s'agissant du contrôle du calibrage des boules et que le tirage du jeu Bravoloto se déroulerait selon une programmation informatique dont l'huissier de justice méconnaîtrait prétendument les paramètres.

La présentation du jeu Bravoloto dans les documents de communication comme étant " gratuit ", " 100 % gratuit " et sans qu'il n'y ait " rien à dépenser ", alors que la perception des bons d'achats Gifi remportés est soumise à un montant d'achats minimum dans les magasins de l'enseigne, ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse dès lors que le consommateur ne doit engager aucun frais préalable conditionnant sa participation à la loterie, qui rendrait le jeu Bravoloto payant.

La circonstance que la perception de gains sous forme de bons d'achats ou de réduction soit subordonnée à la réalisation d'achats pour des montants pouvant excéder celui du gain remporté ne rend pas payant le jeu Bravoloto, le bénéficiaire du lot n'ayant engagé préalablement aucune contribution financière et demeurant libre de procéder, ou non, aux achats nécessaires au bénéfice du bon.

Contrairement à ce qu'allègue l'appelante, les dispositions de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, relatives à l'affichage ou la diffusion d'une partie ou de la décision de condamnation pour des pratiques commerciales trompeuses n'imposent pas la gratuité du jeu au moment du versement du gain.

Si, ainsi que le relève l'appelante, il est mentionné dans le règlement que " le paiement se fera après vérification de l'identité du gagnant dans le respect des clauses de ce règlement ", il est également précisé que les gains peuvent être sous forme de bons d'achat et que le jackpot de 35 millions d'euros est réglé sous cette forme avec un montant minimum d'achats. La circonstance que des internautes aient manifesté leur déception quant à la nécessité de procéder à des achats afin de pouvoir bénéficier du bon de réduction ou d'achat remporté ne suffit pas à caractériser la tromperie sur la gratuité du jeu.

En outre, s'agissant de la nature des gains en jeu, le jeu Bravoloto propose à la fois des gains en cash, ainsi que des bons d'achat et de réduction. Si la communication du jeu Bravoloto met en évidence le montant du gros lot en jeu à l'occasion des 35 ans de la société Gifi, s'élevant à 35 millions d'euros, ainsi qu'en justifie le bandeau publicitaire " 35 millions à gagner ", une telle présentation n'est pas de nature à tromper les consommateurs sur la nature réelle de ce jackpot de 35 millions d'euros, qui consiste non pas en une somme d'argent en nature mais en des bons d'achats ou de réduction, dès lors que dans ce même bandeau, il est renvoyé par astérisque visible et figurant au-dessus du terme " à gagner " à la mention suivante, écrite en termes lisibles " 35 millions d'euros à gagner sous forme de cadeaux (de 10 à 250 ) ou de bons d'achat (de 5 à 100 ) à valoir sur un montant minimum d'achats. Somme minimum de 10 000 euros cash mise à jour chaque jour ".

En outre, l'annonce de l'organisation du jeu Bravoloto à l'occasion des 35 ans de la société Gifi précise expressément et sans renvoi par astérisque, que les 35 millions d'euros à gagner sont " en bons d'achats Gifi ".

De même, le règlement du jeu Bravoloto mentionne que les lots sont sous forme de bons d'achat, que s'agissant du jackpot, tout montant inférieur à 100 000 euros sera adressé par virement unique et tout montant supérieur à cette somme sera adressé par échéances égales pendant 24 mois et que, s'agissant de l'opération spéciale du jackpot de 35 millions d'euros, ledit montant correspond à des bons d'achats dont certains sont conditionnés à un montant minimum d'achat.

Ces dispositions claires suffisent à informer le consommateur d'attention moyenne sur la nature du gain à remporter, quand bien même figurent, sur l'application du jeu Bravoloto, des représentations de jackpots remportés en cash ou non et des illustrations de billets de banque, et n'emportent donc aucune tromperie du consommateur.

Le fait qu'il soit prévu que des gros lots, supérieurs à 100 000 euros soient versés sous forme de rente pendant 24 mois et non pas en un seul règlement n'emporte aucune tromperie dès lors que ces dispositions sont clairement spécifiées dans le règlement du jeu.

La circonstance que des internautes aient manifesté leur déception quant à la consistance des lots ne suffit pas à caractériser la tromperie sur la nature du gain à remporter.

Enfin, l'appelante fait vainement valoir une tromperie du consommateur quant à la durée du jeu Bravoloto, qui aurait dû s'achever au plus tard le 31 décembre 2016, ou antérieurement au cas où le jackpot de 35 millions d'euros serait remporté, laquelle date est indéterminée, et qui se serait prolongé au-delà du 31 décembre 2016, le jeu étant accessible sur les applications iPhone et Google Play Store au-delà de cette date. En effet, il résulte des dispositions du règlement du jeu que l'opération spéciale des 35 millions d'euros et non pas le jeu Bravoloto lui-même, prendra fin lorsque ce gain sera remporté, dont la date est par définition inconnue s'agissant de jeux de hasard, ou au plus tard le 31 décembre 2016. Il n'est donc démontré aucune allégation, indication ou présentation fausse ou de nature à induire le consommateur en erreur par le fait que ce jeu soit toujours en ligne sans poursuite de ladite opération spéciale.

Il s'ensuit que l'appelante échoue à caractériser des actes de concurrence déloyale du fait de pratiques commerciales trompeuses.

Sur le parasitisme :

Le parasitisme consiste à se placer volontairement dans le sillage d'un agent économique afin de s'approprier, sans bourse délier, les fruits des efforts et investissements de ce dernier, peu important qu'il soit un concurrent ou non.

Ainsi que l'ont retenu avec pertinence les premiers juges, quand bien même l'appelante ne dispose d'aucun droit privatif sur le mécanisme du jeu du loto et que certains des éléments d'identification des jeux Loto et Euromillions, pris individuellement, sont banals, la société FDJ a engagé des investissements pour déployer ses jeux Loto et Euromillions, les faire évoluer dans le temps et les rendre attractifs auprès d'une population de joueurs qui n'a cessé d'augmenter. Elle justifie ainsi d'un budget publicitaire significatif et régulier consacré à la promotion de ses jeux (15 millions d'euros pour le Loto en 2015, puis 6,3 millions d'euros entre janvier 2016 et septembre 2016, et 12 millions d'euros pour l'Euromillions en 2015), étant relevé qu'en 2015, l'appelante a lancé un projet de passage à l'ère numérique et qu'en septembre 2015, a été commercialisé le nouveau jeu My Million, dérivé du jeu Euromillions. Il ressort également de l'attestation de sa directrice finance, non discutée, l'engagement de divers frais de personnel, de marketing, de graphisme et de développement informatique et de communication au développement des jeux Loto et Euromillions.

Lesdits jeux, qui sont relativement anciens même si postérieurs au loto allemand, le Loto ayant fêté ses 40 ans en 2016, concernent chacun plus d'une dizaine de millions de joueurs et intéressent des millions de téléspectateurs, ont acquis une forte notoriété et constituent les services phares de l'appelante.

Ces jeux sont donc constitutifs d'une valeur économique individualisée tant au vu des investissements que des efforts consacrés par l'appelante pour les développer et leur conférer un caractère attractif croissant, que de la notoriété qu'ils ont acquise, fruits de ces efforts et non pas du seul monopole de la société FDJ comme le prétend la société Marketluck.

Si la société Marketluck justifie de l'engagement d'investissements, notamment publicitaires, les fortes similarités de présentation, visuelles et de communication du jeu Bravoloto avec les jeux phares de l'appelante établissent qu'elle s'est volontairement placée dans le sillage de celle-ci afin d'exploiter son savoir-faire, de capter ses efforts et investissements et de faire ainsi, dans des circonstances déloyales, l'économie de frais de conception, développement et promotion de son jeu plus conséquents qu'elle aurait dû engager et de bénéficier ainsi d'un avantage anti-concurrentiel.

En se situant volontairement dans le sillage de l'appelante par la reprise des éléments d'identification de ses jeux phares et notoires Loto et Euromillions résultant de ses efforts et investissements, afin de s'approprier déloyalement des retombées du succès commercial de ces jeux, sans bourse délier, faits qui ne sont nullement justifiés ni par l'antériorité du loto à l'allemande, ni par le caractère licite des loteries gratuites, les sociétés Marketluck et Gifi, respectivement conceptrice et exploitante du jeu Bravoloto, ont commis des actes de parasitisme au préjudice de l'appelante.

La communication décalée du jeu Bravoloto, en lien avec la campagne de la SPA ou à connotation sexuelle, et que les intimés indiquent être destinée aux internautes qui se distingueraient du public traditionnel des jeux de l'appelante, ne contrevient pas au fait que les intimées se soient situées dans le sillage de l'appelante, mais démontre seulement une volonté de cibler, outre les joueurs traditionnels des jeux de Loto et Euromillions, le public d'internautes, lequel n'est pas exclusif des consommateurs desdits jeux, étant à ce titre relevé que le rapport financier de 2015 insiste sur les objectifs pour la société FDJ de cibler davantage les internautes et les efforts consacrés à ce titre.

La société Marketluck ne justifie pas, ainsi qu'elle l'allègue, qu'elle a souhaité s'éloigner de l'univers des jeux Loto et Euromillions, les similitudes persistantes de la version n° 2 du jeu Bravoloto démontrant qu'elle s'est maintenue dans le sillage de l'appelante afin de profiter de ses efforts et investissements sans bourse délier.

Sur le préjudice de la société FDJ :

- Sur les faits de concurrence déloyale par confusion :

Il appartient à l'appelante qui invoque un préjudice commercial d'établir le détournement de sa clientèle, lequel ne saurait résulter de la seule caractérisation des actes de concurrence déloyale.

Ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, si le jeu Bravoloto présente de fortes similitudes avec les jeux Loto et Euromillions de la FDJ, créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, l'appelante ne justifie ni de la perte de parts de marché, ni de la baisse de résultat consécutive au lancement du jeu Bravoloto, à compter de septembre 2016, et donc nullement de la perte de clientèle. La production par l'appelante de ses bilans relatifs aux exercices clos aux 30 septembre 2015 et 30 septembre 2016, à l'exclusion de son bilan de l'exercice clos au 30 septembre 2017, est inopérante pour démontrer la perte de clientèle alléguée. En outre, il ressort du document portant sur les chiffres clés de l'appelante en 2017 que celle-ci a réalisé plus de 800 millions d'euros de ventes par rapport à 2016, que 1,1 millions de téléchargements de la nouvelle application de la société FDJ ont été réalisés et que 1,7 millions d'euros de vente numérisées ont été enregistrées. L'appelante ne discute pas qu'en 2017, le chiffre d'affaires du Loto a augmenté de 6,2 % par rapport à 2016.

L'appelante, qui n'agit pas sur le fondement de la contrefaçon de droits privatifs mais en concurrence déloyale, est mal fondée à faire valoir, au titre de son préjudice commercial, le chiffre d'affaires réalisé par la société Marketluck et qui aurait connu une forte croissance entre 2015 et 2017.

Le préjudice commercial allégué par l'appelante au titre de la concurrence déloyale par confusion n'est donc pas démontré ainsi que l'ont retenu avec exactitude les premiers juges.

S'agissant du préjudice moral, l'appelante fait valoir avec pertinence qu'en reprenant les marqueurs d'identification du Loto et de l'Euromillions dans l'esprit du public pour concevoir, développer et exploiter le jeu Bravoloto, les intimées ont banalisé ses investissements et efforts consacrés audits jeux, peu important que lesdits marqueurs soient en partie constitués d'éléments banals.

L'appelante ne démontre cependant pas, ainsi qu'elle le soutient, que la reprise de ces marqueurs mettrait en doute sa capacité à créer des jeux innovants et spécifiques et causerait une perte de confiance du public envers elle.

Les trois commentaires des internautes visés par l'appelante, louant pour l'essentiel la gratuité du jeu Bravoloto et dont l'un précise que ledit jeu lui a fait prendre conscience " qu'un ticket de loto classique à 2 euros est une belle arnaque " ne suffisent pas à démontrer que la diffusion du jeu Bravoloto aurait donné une image négative des jeux de l'appelante notamment en ce qu'ils seraient onéreux et ne permettraient aucun gain réel.

En revanche, la publicité décalée, à connotation sexuelle, portant sur le jeu Bravoloto et qui a fait l'objet d'un commentaire désapprobateur de la part d'un internaute, confère une image négative aux jeux Loto et Euromillions dont l'univers est beaucoup plus classique ainsi qu'à la société FDJ qui les exploite en communiquant sur son sérieux, en raison du risque d'association, par le consommateur d'attention moyenne, du jeu Bravoloto aux jeux de l'appelante, pouvant être perçu comme un dérivé de ceux-ci au vu de l'impression d'ensemble commune conférée par les similitudes des jeux intéressant un public commun, ainsi qu'il résulte des développements ci-avant. La différence d'univers de communication invoquée par les intimées et le fait que le commentaire désapprobateur émanant d'un internaute, susvisé, ne cite pas le nom de l'appelante, ne sont pas de nature à exclure un tel risque d'association. L'atteinte à l'image de l'appelante et de ses produits est donc caractérisée.

Cependant, le succès des jeux de l'appelante étant croissant et touchant toujours 26,1 millions de joueurs en 2017, dont des nouveaux internautes, ainsi qu'il ressort du document portant sur les chiffres clés de l'appelante au cours de l'année 2017, et la société FDJ ayant vu ses bénéfices quasiment multiplier par deux au cours de la dernière décennie, ainsi qu'il ressort de l'article de presse du magazine Express du 17 avril 2018 qu'elle produit, la banalisation de ses jeux et l'image négative conférée par le lancement du jeu digital Bravoloto et la campagne autour de celui-ci ont eu peu d'impact sur les consommateurs.

L'appelante justifie ainsi d'un préjudice moral qu'il convient d'évaluer, au vu des éléments produits aux débats, à la somme de 5 000 euros.

- Sur le parasitisme :

En s'appropriant sans bourse délier des efforts et investissements de l'appelante, en particulier des importants investissements publicitaires consacrés à la promotion de ses jeux, qui ont permis au jeu Bravoloto de rencontrer un certain succès, auprès de 100 000 joueurs par jour en moyenne, les intimées lui ont causé un préjudice.

L'appelante ne justifie cependant pas d'une perte de rentabilité de ses investissements à hauteur de 100 000 euros correspondant à un forfait, pourcentage de ses investissements, alors que ses jeux Loto et Euromillions connaissent un succès croissant auprès des consommateurs, notamment des internautes, lesquels constituent nécessairement le public du jeu Bravoloto qui est proposé en ligne.

Il n'est pas démontré que l'appropriation des efforts et investissements de l'appelante, générant une certaine banalisation de ceux-ci, lui aurait causé un préjudice moral distinct de celui déjà allégué au titre de la concurrence déloyale par confusion.

Le préjudice de l'appelante au titre des actes de parasitisme doit donc être évalué, au vu des éléments dont dispose la cour, à la somme de 50 000 euros.

Sur les demandes d'interdiction et de publication :

Les actes de concurrence déloyale étant caractérisés, s'agissant de la commercialisation du jeu Bravoloto dans ses versions 1 et 2, il convient de faire interdiction aux intimées d'exploiter lesdites versions, d'en faire la publicité ou communication du jeu Bravoloto dans ses versions 1 et 2, laquelle interdiction qui concerne les versions 1 et 2 dont les éléments fautifs ont été décrits, est précise dans son périmètre, le jugement étant infirmé de ce chef.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette interdiction d'une astreinte en l'absence d'éléments actualisés établissant que ces versions sont toujours en ligne.

Il n'appartient pas à la cour de préciser sous quelle forme licite le jeu Bravoloto pourrait être exploité, la société Marketluck étant déboutée de ce chef de demande.

La demande de publication d'un communiqué judiciaire n'est pas nécessaire au vu de la nature des faits et du préjudice causé, ainsi que de l'absence d'éléments établissant qu'ils seraient encore d'actualité et la nécessité d'informer le public, le jugement devant être confirmé à ce titre.

La société Gifi ayant participé, avec la société Marketluck, aux actes de concurrence déloyale en exploitant le jeu Bravoloto, notamment sur son site internet, afin de promouvoir son activité et développer sa clientèle, doit être condamnée in solidum, avec ladite société, à réparer le préjudice de l'appelante, peu important qu'elle ait, ou non, pris part à la conception dudit jeu.

La demande de " donner acte à la société Marketluck de ce qu'elle s'est engagée à ne plus communiquer autour de la Saint-Valentin, du vendredi 13 et/ou d'un fac-similé de chèque de taille géant " ne constituant pas une demande au sens des dispositions de l'article 53 du Code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer à ce titre.

Sur la déloyauté procédurale de la société FDJ :

- Sur les demandes de la société Marketluck :

Sur le caractère abusif de la procédure à bref délai :

Une action en justice ne peut dégénérer en abus de droit que si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.

Ni la requête de la société FDJ aux fins d'assignation à bref délai, ni l'ordonnance du 24 février 2016 par laquelle cette autorisation lui a été accordée, ne sont produites aux débats. Les courriels et écritures que la société Marketluck a adressés au tribunal de commerce sont inopérants à établir le caractère abusif d'une telle procédure. En l'état des éléments dont dispose la cour, le bénéfice d'un bref délai était justifié au regard de la commercialisation, alors en cours, du jeu Bravoloto que la société FDJ estimait procéder d'actes de concurrence déloyale. En outre, la société Marketluck invoque sans le démontrer ne pas avoir bénéficié d'un temps suffisant pour répondre aux écritures de l'appelante, alors que la procédure en première instance s'est poursuivie durant plusieurs mois et qu'elle a sollicité, avec succès, plusieurs demandes de renvoi afin de conclure.

Sur le comportement déloyal de l'appelante :

La société Marketluck ne rapporte pas la preuve que l'appelante aurait prétendu avoir été créée en 1976, avoir " inventé " le jeu du Loto dès lors qu'il ressort des conclusions de celle-ci en première instance, la requête en assignation à jour fixe n'étant pas versée aux débats, qu'elle faisait valoir avoir acquis les droits d'exploitation sur le loto national de 1976, dont les émetteurs sont à l'origine et qui s'est substitué à la loterie nationale de 1933. Il n'est pas démontré le caractère mensonger de telles affirmations.

La circonstance que la société FDJ se présente dans ses documents de communication comme étant " l'héritière de la loterie nationale ", qui s'entend au sens symbolique du terme et non pas en termes de droits d'auteur, n'est pas fautive.

Le fait que les procès-verbaux de constat d'huissier de justice ne présentent pas les garanties de neutralité exigées en la matière n'est pas imputable à une faute de l'appelante ayant produit lesdits constats aux débats.

La circonstance que l'appelante ait fait valoir des droits privatifs dans des procédures distinctes, en particulier engagées auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, est indifférente à caractériser le comportement procédural déloyal de l'appelante qui, dans le cadre de la présente procédure, a toujours agi sur le fondement de la concurrence déloyale.

Enfin, il n'est pas démontré que l'appelante aurait toléré le jeu Bravoloto durant plusieurs semaines et qu'ainsi sa requête en assignation à jour fixe, non produite aux débats, révélerait un comportement procédural déloyal.

La circonstance que l'appelante bénéficie d'un monopole restreint aux jeux de loterie payants et ne revendique pas de droit privatif au titre des jeux de Loto et Euromillions ne lui interdit pas d'exercer une action en concurrence déloyale au titre du jeu de loterie gratuit Bravoloto sur le fondement de la concurrence déloyale.

La société Marketluck ne démontre aucun acte de concurrence déloyal de la part de la société FDJ au titre duquel elle formule sa demande indemnitaire dans le dispositif de ses écritures.

La société Marketluck est donc déboutée de l'ensemble de ses demandes, tant indemnitaire, qu'en ajout du mot " Symbolique " après le mot " héritière " dans l'expression " héritière de la Loterie nationale ", que de publication d'un communiqué judiciaire.

- Sur les demandes de la société Gifi :

Les faits de concurrence déloyale étant caractérisés et les demandes de l'appelante partiellement fondées, la société Gifi ne justifie pas d'un abus d'ester en justice ni d'allégations vexatoires de la part de l'appelante à son encontre et doit donc être déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Les dispositions du jugement entrepris, relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile, sont confirmées.

Il convient, en outre, de condamner in solidum les sociétés Marketluck et Gifi, échouant, aux dépens exposés en cause d'appel et à payer à l'appelante une indemnité de 10 000 euros chacune.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a : - Dit recevables les constats d'huissier de justice produits par la société La française des jeux, - Débouté la société La française des jeux de sa demande de concurrence déloyale par confusion, - Débouté la société FDJ de sa demande d'interdiction sous astreinte, aux sociétés Marketluck et Gifi de représenter, d'offrir à la vente et de vendre un jeu reprenant le mécanisme développé par la société FDJ et/ou ses éléments graphiques et visuels, ainsi que d'en faire toute publicité, Statuant de nouveau, Ecarte des débats les constats d'huissier de justice des 28 septembre 2016 (pièce 20 de l'appelante) et 3 octobre 2016 (pièce 21 de l'appelante) produits par la société La française des jeux, Condamne in solidum la société Marketluck et la société Gifi à payer à la société La française des jeux une somme de 5 000 euros au titre de la concurrence déloyale par confusion, Fait interdiction à la société Marketluck et à la société Gifi de commercialiser, d'exploiter et de faire toute publicité ou communication du jeu Bravoloto dans ses versions 1 (2016) et 2 (2017), Y ajoutant, Déboute la société Marketluck de sa demande tendant à voir préciser à quelles conditions elle est autorisée à poursuivre l'exploitation d'un jeu de loto à l'allemande gratuit, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum la société Marketluck et la société Gifi, chacune, à payer à la société La française des jeux une somme de 10 000 euros, Condamne in solidum la société Marketluck et la société Gifi aux dépens.