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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 17 février 2020, n° 17-04877

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blume

Conseillers :

MM. Garrigues, Arriudarre

TI Toulouse, du 12 sept. 2017

12 septembre 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme D. s'est rendue le 13 avril 2016 à la Foire internationale de Toulouse, a signé un bon de commande pour un montant de 18 600 euros TTC et remis un chèque d'acompte de 7 440 euros pour un aménagement de salle de bains au stand tenu par M. Maxime M. exerçant sous la dénomination sociale " Maxime M. Agencement " et sous l'enseigne " Maxime Home Design ".

Le 21 avril 2016, M. M. s'est rendu à son domicile pour prendre les mesures de la salle de bains et lui a proposé de nouveaux plans qui lui ont été communiqués.

Le 11 septembre 2016, Mme D. a adressé une lettre recommandée à M. M. pour lui demander d'exécuter le contrat initial ou, à défaut, de l'annuler avec restitution du prix.

M. M. a refusé l'annulation et proposé l'application de l'article 2-4 des conditions générales de vente disposant qu'en cas d'annulation par le client, l'acompte versé sera retenu et que passé le délai de 10 jours après sa commande, l'intégralité du montant de la commande sera dû.

Par acte d'huissier de justice délivré le 6 mars 2017, Mme D. a fait assigner M. M. exerçant sous la dénomination sociale Maxime M. Agencement devant le tribunal d'instance de Toulouse aux fins de voir prononcer la nullité en raison de l'irrégularité du paiement exigé et encaissé par M. M. à titre principal et subsidiairement en raison de la non-conformité de l'objet du contrat et de le voir condamner à lui restituer la somme de 7 440 euros et à l'indemniser de ses préjudices financier et moral.

Par jugement contradictoire en date du 12 septembre 2017, le tribunal a :

- prononcé la résolution de la vente passée entre Mme D. et M. M. exerçant sous la dénomination Maxime M. Agencement,

- condamné M. M. exerçant sous la dénomination Maxime M. Agencement à rembourser à Mme D. la somme de 7 440 euros,

- rejeté les autres demandes,

- prononcé l'exécution provisoire,

- condamné M. M. exerçant sous la dénomination Maxime M. Agencement à verser 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Le tribunal a considéré que Mme D. ne pouvait pas se prévaloir d'un droit de rétractation en raison de l'information qui lui avait été délivrée en ce sens et en application de l'article L. 121-97 du Code de la consommation et à défaut de souscription d'un prêt pour financer son achat.

Il a prononcé la résolution du contrat en raison de l'absence de conformité au projet initial, à défaut de pouvoir respecter le coloris choisi par Mme D. pour les meubles, et condamné M. M. à restituer la somme de 7 440 versée au moment de la commande.

M. Maxime M. exerçant sous la dénomination Maxime M. Agencement a interjeté appel total de cette décision par déclaration en date du 10 et du 11 octobre 2017. Ces deux déclarations d'appel ont été enregistrées, l'une sous le n° RG 17-04877 et l'autre sous le n° RG 17-04888.

Par ordonnance rendue le 4 mai 2018, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction de ces procédures et dit que ces instances sont désormais appelées sous le seul numéro 17-4877.

Par ailleurs, par acte du 9 janvier 2018, M. M. a fait assigner Mme D. devant le Premier président de la cour d'appel de Toulouse statuant en référé, en vue d'être autorisé à consigner les sommes qu'il était condamné à régler.

Par ordonnance du 7 février 2018, le Premier président de la cour d'appel de Toulouse a déclaré le recours recevable, mais a débouté M. M. de sa demande de consignation et l'a condamné à payer 800 euros à Mme D. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique en date du 9 avril 2018, M. M. exerçant sous l'enseigne Maxime M. Agencement, appelant, demande à la cour, au visa des articles 1582 et suivants du Code civil, de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

- prononcer la jonction des procédures RG n° 17-04877 et RG n° 17-04888,

- infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la vente est parfaite,

- dire que seules sont applicables les dispositions des articles L. 224-59 du Code de la consommation relatives aux contrats conclus dans les foires,

En conséquence,

- débouter purement et simplement Mme D. de l'intégralité de ses demandes,

- à titre reconventionnel, condamner Mme D. à payer le solde restant dû de 11 160 euros (18 600 euros - 7 440 euros) au moment de la livraison de la salle de bains, telle qu'elle a été initialement prévue au bon de commande du 13 avril 2016,

- condamner Mme D. à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Rappelant que seul l'article L. 224-59 du Code de la consommation est applicable aux contrats conclus dans les foires, il soutient principalement que :

- le contrat signé le 13 avril 2016 est parfait, que le bon de commande contient accord des parties sur les éléments essentiels du contrat, le prix et la chose, que les meubles composant la salle de bains sont détaillés sur quatre pages et contiennent les dimensions des meubles, leurs accessoires et le prix de chaque élément,

- que Mme D. lui a communiqué les mesures de la pièce destinée à accueillir ce projet, qu'elle a signé le plan d'implantation établi sur la base de ces données, que la nécessité de réaliser postérieurement une prise de mesures sur place n'a aucune incidence sur la détermination de la chose vendue et n'est pas de nature à remettre en cause la validité du contrat de vente alors que la possibilité de réaliser des modifications ont été acceptées par Mme D.,

- le projet initial était réalisable mais qu'il a été amendé suite aux demandes de modifications de Mme D. qui ont entraîné une hausse du coût, que le coloris Wengué n'était pas un élément déterminant de la vente contrairement à ce qu'a pu affirmer le tribunal pour prononcer la résolution et que le coloris Wengué est toujours fabriqué et disponible de sorte que l'absence de non-conformité, qui s'apprécie au jour de la délivrance, n'est pas caractérisée,

- le solde restant dû au moment de la livraison de la salle de bains reste dû.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique en date du 4 avril 2018, Mme D., intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 221-1/2/10, L. 242-7, L. 217-4/5/8/10 du Code de la consommation et 1134 et 1108 (anciens) du Code civil, de :

- déclarer recevable sa constitution en appel,

- confirmer pour l'essentiel le jugement du tribunal d'instance de Toulouse,

A titre principal,

- constater l'irrégularité du paiement exigé et encaissé par M. M. et prononcer la nullité du contrat,

A titre subsidiaire,

- constater la non-conformité de l'objet du contrat et prononcer sa résolution,

A titre infiniment subsidiaire,

- prononcer la caducité du contrat et son inexécution,

En tout état de cause,

- condamner M. M. à lui payer la somme de :

1 000 euros pour le préjudice financier et pratique,

1 000 euros pour le préjudice moral,

1 000 euros pour l'abus de droit de faire appel,

- condamner M. M. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- statuer s'il y a lieu sur l'amende civile,

- condamner M. M. à tous les dépens.

Elle fait valoir en substance que :

- le règlement d'un acompte le jour de la signature du contrat est contraire aux dispositions de l'article L. 121-18-2 du Code de la consommation qui interdit tout règlement durant un délai de 7 jours pour les contrats conclus hors établissements, que les contrats conclus dans les foires ne sont pas une des 12 exceptions visées à l'article L. 221-2 qui permet de déroger à l'article L. 221-1, que ce délai ne doit pas être confondu avec un délai de rétractation qui n'existe pas pour les contrats conclus dans les foires et que la nullité du contrat doit être prononcée à titre de sanction,

- qu'en application des dispositions des articles L. 217-1 et suivants du Code de la consommation, les projets établis par M. M. ne sont pas conformes à son devis initial, ne respectent pas le coloris qu'elle a choisi et que le montant est passé à 30 698 euros,

- subsidiairement, les différentes modifications apportées au projet initial démontrent la disparition de l'objet du contrat, ce qui le rend nul ou caduc et se prévaut d'une exception d'inexécution puisque le contrat n'a pas été exécuté depuis plus de deux ans.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 novembre 2019.

L'affaire a été examinée à l'audience du 19 novembre 2019.

MOTIFS :

Selon l'article L. 121-18-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement.

Contrairement à ce que soutient Mme D., ces dispositions ne sont pas applicables aux ventes conclues dans une foire ou un salon, ces lieux destinés au commerce devant être appréhendés comme des extensions de l'établissement du professionnel en cause.

Elle ne peut pas davantage se prévaloir des dispositions des articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 qui prévoit que le vendeur a l'obligation de délivrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance à défaut d'exécution du contrat et par suite, de délivrance des biens. Si Mme D. a passé commande d'un ensemble de meubles destiné à équiper sa salle de bains, d'un coloris " Brésil Wengé ", aucun meuble n'a été posé, ce qui n'est contesté par aucune des parties.

Reste l'article L. 111-1 du Code de la consommation évoqué par Mme D. dans ses conclusions au soutien de sa demande d'annulation du contrat et l'article 1583 du Code civil évoqué par M. M. pour fonder ses prétentions.

En vertu de l'article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Aux termes de l'article L. 111-1 1° du Code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Il est considéré qu'à défaut de métré précis des lieux destinés à recevoir l'agencement commandé et de vérification des sujétions techniques du projet, l'objet de la commande d'un agencement de salle de bains demeure insuffisamment déterminé.

M. M. ne démontre pas avoir satisfait à l'obligation d'information qui pèse sur lui concernant les caractéristiques essentielles de l'agencement de salle de bains proposé à Mme D..

Le bon de commande n° 42894, établi le 13 avril 2016, signé de Mme D. et de M. M. porte sur un receveur, une colonne de douche, une vasque et un mitigeur ainsi que sur divers meubles et plans de travail pour lesquels il est renvoyé au " descriptif " n° 193/1/1, le tout pour un montant de 18 600 euros TTC devant être payé sous la forme d'un acompte de 40 % à la commande, soit 7 440 euros et le solde à la livraison, soit 11 160 euros.

Sont joints le bon de commande n° 193/1/1 sur lequel figurent, après les détails relatifs aux divers coloris des éléments à poser, les meubles et leurs dimensions, les plans de travail, les composants relatifs à la douche ainsi que les références d'un miroir double et de diverses lampes, signé des parties ainsi que deux devis l'un nommé " Silestone " précisant les travaux à réaliser pour la pose du plan de travail et l'autre relatif à des appareils électro-ménagers de cuisine (four, hotte, évier...).

Le plan, établi également le 13 avril 2016, représente la salle de bains de Mme D. avec mention, pour les cotes de la pièce, d'une longueur de 3 200 mm et d'une largeur de 2 200 mm, d'une échelle 1/20ème et la référence des choix de carrelage pour le sol et de faïence pour les murs. Sont dessinés un meuble central, vu du dessus, accolé à une douche et un rectangle mentionnant " radiateur client ". Y figure une mention manuscrite " bon pour implantation sous réserve du passage du métreur " suivie de la date et de la signature de Mme D..

Ces indications sont insuffisantes à considérer à la fois que M. M. a rempli son obligation d'information et que la vente était parfaite en raison d'un accord sur la chose et le prix. Au contraire, ce projet s'est révélé irréalisable à défaut de métré précis des lieux et de vérification des sujétions techniques avant toute signature du bon de commande.

M. M. ne peut pas utilement soutenir que ce projet a été établi suivant les dimensions communiquées par Mme D. au titre de sa salle de bains alors que celle-ci a précisé leur caractère incertain, n'a donné son accord à l'implantation proposée que sous réserve expresse du passage d'un métreur et qu'il lui appartient, en qualité de professionnel, de s'assurer de la dimension des pièces dans lesquelles l'agencement est destiné à être réalisé, au besoin en sollicitant tout document utile à ce titre, sans pouvoir transférer cette obligation sur sa cliente.

Il ressort des différents échanges entre les parties, versés aux débats, que le projet d'aménagement a été réalisé sur la base de cotes qui étaient fausses, avec un écart allant de 130 à 180 mm selon le courriel envoyé par M. M. le 20 septembre 2016, que cela a entraîné la modification du projet initial ainsi que le prix prévu dans le bon de commande. En réponse à la demande de Mme D. d'exécuter le projet initial pour le montant initialement prévu ou d'annuler le contrat, formulée par courrier du 11 septembre 2016, M. M. répond dans ce même mail " comme je vous l'ai dit, je suis vraiment désireux de ne pas bloquer, pour ma part, votre projet. Mais demander un plan central de 900 dans un espace de 2050 de largeur moyenne relèverait de l'ânerie si j'acceptais ". Cet élément de réponse, confronté au devis de pose du plan de travail mentionnant une largeur de 0,9 m établit l'impossibilité de réaliser l'aménagement objet des bons de commande signés le 13 avril 2016 par les parties en raison des manquements de M. M. à son obligation d'information qui pèse sur lui en qualité de professionnel.

Il en résulte que le contrat de vente et d'installation de cet aménagement de salle de bains doit être annulé faute pour M. M. d'avoir exécuté son obligation d'information en permettant à Mme D. d'y consentir en toute connaissance de cause après avoir proposé un aménagement adapté aux dimensions réelles de sa salle de bains et aux sujétions techniques de cette pièce mais également faute de porter sur un objet déterminé en l'absence de dimensions exactes de la pièce ayant nécessité de telles modifications au bon de commande initial qu'elles n'ont pas pu aboutir.

L'anéantissement du contrat emportant une remise en l'état des parties, M. M. doit être condamné à restituer à Mme D. l'acompte de 7 440 euros qu'elle a versé et le jugement doit être confirmé de ce chef, par substitution de motifs.

En l'absence de tout moyen exposé par Mme D. au soutien de ses demandes indemnitaires, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'en a déboutée.

M. M., partie perdante, supportera la charge des dépens d'appel, le jugement méritant confirmation en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Mme D. est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure. M. M. sera donc tenu de lui payer la somme globale de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 alinéa 1er 1° du Code de procédure civile en complément de la somme déjà allouée à ce titre par le premier juge et sans qu'il puisse lui-même se prévaloir de ces dispositions.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement par substitution de motifs, Y ajoutant, Condamne M. Maxime M. exerçant sous la dénomination sociale Maxime M. Agencement à payer à Mme Christiane D. la somme complémentaire de 1 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Le déboute de sa propre demande de ce chef, Le condamne aux dépens d'appel.