CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 21 février 2020, n° 17-05105
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sony Europe Limited (Sté), Sony Europe BV (Sté)
Défendeur :
Xefi Lyon (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes Vignes, Brasier Porterie, Hecquet, Roy
Exposé des faits et de la procédure :
La société CFI maintenance informatique (ci-après la société CFI), devenue la société Xefi Lyon, a pour activité le commerce en gros d'ordinateurs, d'équipements informatiques, périphériques et de logiciels.
La société Sony Europe Limited, filiale de la société Sony corp., commercialise et fabrique des produits audio, vidéo, téléviseurs, appareils photos, camescopes, hifi et ordinateurs. De 1999 à juin 2014, la société Sony corp. a fabriqué des ordinateurs sous la marque Vaio, commercialisés en France par l'intermédiaire de la société Sony France devenue Sony Europe Limited.
Des accords ont été conclus depuis 2001 entre les sociétés Sony Europe Limited et CFI, notamment un premier contrat Vaio compétence center le 28 septembre 2001 et des accords-cadres de prestations de service.
Par lettre du 10 février 2014, la société Sony France devenue Sony Europe Limited a informé la société CFI de la cession de sa branche d'activité portant sur les ordinateurs Sony opérant sous le nom de Vaio, au bénéfice d'un fonds d'investissement Japan Industrial Partner, qu'elle arrêtait la planification, le design et le développement d'ordinateurs, que la production et les ventes seraient interrompues après le lancement de la gamme de printemps 2014 et qu'elle commercialiserait les ordinateurs sur le territoire français jusqu'à fin juin 2014. Elle a informé la société CFI de l'arrêt du Challenge du Vaio Premium Club annoncé lors de la société [sic] du 14 janvier 2014.
La société CFI maintenance informatique, considérant être victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies nouées avec la société Sony Europe Limited, l'a assignée devant le tribunal de commerce de Lyon par acte du 2 juillet 2015, sur le fondement des dispositions des articles 1382 du Code civil et L. 442-6 I.5° du Code de commerce, en réparation de son préjudice.
Par jugement du 20 février 2017, le tribunal de commerce de Lyon a :
- Dit que la rupture des relations commerciales établies engage la responsabilité de la société Sony France au sens de l'article L. 442-6 du Code du commerce,
- Rejeté la demande de désignation d'un expert,
- Rejeté la demande de retrait de la pièce n° 25 produite par la société CFI maintenance informatique,
- Condamné la société Sony Europe Limited à payer à la société CFI maintenance informatique la somme de 220 000 euros au titre du non-respect d'un préavis d'une durée suffisante,
- Condamné la société Sony Europe Limited à payer à la société CFI maintenance informatique la somme de 200 000 euros pour dommages et intérêts,
- Débouté la société CFI maintenance informatique de sa demande en réparation du préjudice moral,
- Débouté la société CFI maintenance informatique de sa demande en réparation du préjudice commercial lié à la désorganisation de l'équipe,
- Condamné la société Sony Europe Limited à payer à la société CFI maintenance informatique la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Dit les parties mal fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions contraires,
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans caution,
- Condamné la société Sony Europe Limited aux entiers dépens de l'instance.
Le tribunal a retenu l'existence de relations commerciales établies nouées entre les parties depuis 2001, par la conclusion d'un premier contrat Vaio compétence center le 28 septembre 2001 suivi d'autres contrats. Il a estimé cette rupture " abusive ", le délai de préavis de quatre mois notifié par courrier du 14 février 2014 étant trop court au vu des 13 années de relations commerciales établies. Il a fixé le délai de préavis raisonnable à 13 mois, rejeté la demande d'expertise et évalué le préjudice de la société CFI maintenance informatique à la somme de 220 000 euros au titre des neuf mois de préavis non respectés.
Il a rejeté la demande de retrait des débats de la pièce 25 de la société CFI maintenance informatique, dont la production n'est pas contraire au principe du contradictoire.
Usant de son pouvoir souverain d'appréciation et compte tenu des pièces produites, des échanges et de sa connaissance du contexte et des usages, il a fixé à la somme de 200 000 euros le préjudice de la société CFI maintenance informatique au titre du coût des investissements de réhabilitation pour les agences Vendôme, Presqu'Ile et Mâcon.
Il a débouté ladite société de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et du préjudice commercial lié à la désorganisation de l'équipe dirigeante, considérant ces préjudices nullement justifiés.
Par déclaration du 9 mars 2017, la société Sony Europe Limited a interjeté appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions notifiées et déposées le 17 avril 2019, la société Sony Europe BV venant aux droits de la société Sony Europe Limited en suite de la fusion-absorption avec transfert universel du patrimoine en date du 28 mars 2019, demande à la cour, au visa des articles 4, 5, 9, 132 et suivants, 455, 458, 699 et 700 du Code de procédure civile, de l'article 1315 du Code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, et de l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, de :
- La recevoir en son intervention volontaire, venant aux droits de Sony Europe Limited suite à sa fusion absorption avec une transmission universelle de patrimoine,
- La dire bien fondée en son intervention volontaire et comme telle appelante,
- Donner acte à Me Marie-Catherine Vignes, avocat au barreau de Paris de sa constitution pour elle,
- La dire et juger recevable et bien fondée en ses présentes écritures et demandes,
Sur l'appel incident formé par la société Xefi Lyon anciennement dénommée CFI maintenance informatique :
- Débouter la société Xefi Lyon anciennement dénommée CFI maintenance informatique de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à titre incident à l'encontre de la société Sony Europe Limited,
A titre principal :
- Constater que le jugement entrepris n'est pas motivé,
- Prononcer la nullité du jugement entrepris,
Statuant :
- Débouter la société Xefi Lyon anciennement dénommée CFI maintenance informatique de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, si la nullité du jugement n'était pas prononcée, l'infirmer et statuant à nouveau,
- Débouter la société Xefi Lyon anciennement dénommée CFI maintenance informatique de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
- Condamner la société Xefi Lyon anciennement dénommée CFI maintenance informatique au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel,
- Condamner la société Xefi Lyon anciennement dénommée CFI maintenance informatique aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Sur la nullité du jugement, elle fait valoir l'absence de motivation de celui-ci rendant impossible la compréhension des condamnations prononcées. Elle relève que la relation contractuelle entre les parties n'a pas été analysée ni dans sa nature ni dans son contenu, alors qu'elle reposait non pas sur des contrats de distribution exclusifs mais sur des accords de promotion et de coopération commerciale dépourvus d'exclusivité et que la détermination de la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie dépend de l'importance de celle-ci dans l'activité de la victime de ladite rupture et du temps nécessaire à sa réorganisation. Elle souligne que le tribunal n'a pas motivé que la rupture était " abusive " du fait d'un préavis trop court et a statué ultra petita en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile, les demandes étant fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies. Elle indique que le jugement n'est pas davantage motivé quant à la durée de préavis supplémentaire accordé, ni sur les condamnations prononcées par le tribunal en application de son pouvoir souverain d'appréciation et de sa " connaissance du contexte ", alors qu'elle faisait valoir que contrairement aux allégations de la société CFI maintenance informatique, celle-ci ne réalisait pas avec elle un chiffre d'affaires représentant 99 % mais 10 à 15 % de son chiffre d'affaires global. Elle ajoute qu'elle a été condamnée au paiement d'une somme forfaitaire au titre de travaux des magasins de la société CFI maintenance informatique, sans que soit motivée la mise à sa charge de ces travaux qu'elle contestait, notamment en faisant valoir l'absence de Carré Vaio à Mâcon. Enfin, elle relève que le prononcé de l'exécution provisoire n'est pas plus motivé.
Elle soutient qu'en jugeant que la rupture était " abusive " alors qu'il était saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, le tribunal a statué ultra petita.
Au fond, elle conteste la brutalité de la rupture, le délai de préavis de 9 mois accordé à l'intimée étant suffisant.
Elle fait valoir à ce titre l'existence d'une relation commerciale nouée entre 2001 et 2013 et limitée à de la coopération, à l'exclusion de tout accord de distribution exclusive, les seuls flux financiers entre elle et l'intimée consistant en des " ristournes et aides marketing accordées " portant sur des montants de 43 369 euros HT pour l'exercice 2012 et 37 972 euros HT pour l'exercice 2013, les échanges commerciaux entre l'intimée et les tiers grossistes n'étant pas à prendre en considération s'agissant de la relation commerciale liant les parties, et ces montants étant sans commune mesure avec le chiffre d'affaires total de 9 millions d'euros environ réalisé par la société CFI en 2012 et 2013.
Elle soutient que le préavis de 9 mois notifié par lettre du 14 février 2014 a bien été respecté, l'arrêt de la fabrication des ordinateurs n'ayant pas entraîné l'arrêt de leur vente, toute la gamme printemps 2014 Vaio ayant bien été lancée au mois de mars 2014 et les produits ayant pu être distribués jusqu'à l'écoulement des stocks soit environ jusqu'au 4e trimestre 2014. Elle précise que l'annonce de l'arrêt de la commercialisation des produits Vaio fin juin 2014 ne concerne que les relations de la société Sony avec ses grossistes, et ne signifie pas que ceux-ci ne pourront plus commercialiser les stocks constitués, dont la vente a perduré au-delà de juin 2014. Elle souligne que ses stocks étaient disponibles de février à août 2014, que l'intimée a poursuivi ses commandes de produits Vaio auprès des grossistes en 2014 et réalisé sur ces produits un chiffre d'affaires supérieur à celui de 2013 sur la même période, son chiffre d'affaires global en 2014 augmentant par ailleurs considérablement.
Elle ajoute que la marque Vaio existant depuis 15 ans ne correspondait plus aux nouvelles tendances et arrivait à son échéance naturelle, ce que pouvait anticiper l'intimée à moyen terme.
Elle considère que l'arrêt de la commercialisation de la gamme de produits Vaio en fin de vie ne saurait être constitutif d'une rupture brutale des relations commerciales établies, la durée du préavis étant fonction des perspectives du marché de la gamme distribuée.
Elle soutient qu'en tout état de cause, la société CFI a, de sa propre initiative, mis un terme anticipé à la relation commerciale en refusant de poursuivre les commandes de produits Sony dès juin 2014 en raison d'un nouvel accord conclu avec la société HP applicable au 1er juillet 2014, rompant ainsi les relations commerciales avec elle le 30 juin 2014 quatre mois après l'annonce de la rupture, délai qui correspond au temps nécessaire à sa réorganisation.
Elle relève l'augmentation du chiffre d'affaires de l'intimée consécutivement à l'annonce de l'arrêt de la fabrication des ordinateurs Vaio et postérieurement à la fin de la relation commerciale, ce qui démontre l'absence de dépendance économique de l'intimée et la suffisance du délai de préavis accordé.
Elle soutient que le délai de préavis de 9 mois qu'elle a accordé est conforme à la jurisprudence en la matière s'agissant d'une relation commerciale non exclusive de 12 ans, d'intensité et d'importance similaires.
En tout état de cause, elle s'oppose aux demandes indemnitaires formées par l'intimée.
Elle soutient que la marge perdue doit être calculée sur les seuls chiffre d'affaires et marge réalisés avec elle, et non pas celui afférent à la vente de produits Sony à l'ensemble des clients de l'intimée. Elle conteste toute situation de dépendance économique de la société CFI, dont le chiffre d'affaires global a augmenté en 2014 et qui a rapidement su trouver d'autres débouchés, étant rappelé que le contrat d'agréation Viao imposait à la société CFI de réaliser un pourcentage minimum de 80 % de son chiffre d'affaires au titre de la vente de micro-ordinateurs toutes marques confondues et que l'intimée ne s'explique pas, le cas échéant, sur son choix de ne pas diversifier son activité. Elle conteste également le calcul de la marge retenu pas l'intimée, effectué en prenant en compte le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci au titre de produits Sony avec l'ensemble de ses clients, sans déduction des charges variables et sur la base de trois agences de la société CFI alors que seules deux agences disposaient d'un carré Vaio.
Elle considère infondée la demande de réparation au titre des investissements et agencements réalisés dans trois magasins de la société CFI, ces postes de préjudice n'étant pas indemnisables au titre de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce et n'étant pas démontré que les travaux effectués seraient en lien direct avec la brutalité de la rupture. Elle rappelle que le magasin de Mâcon n'a pas fait l'objet d'un accord entre les parties quant à l'installation d'un Carré Vaio, cette agence n'étant visée par aucun contrat et les audits effectués par l'intimée ne visant que les magasins situés rue Vendôme et de la Presqu'île. Elle souligne que la création des Carrés Vaio n'impliquait pas des aménagements architecturaux particuliers et qu'elle n'a jamais sollicité d'investissements à ce titre, que les magasins étaient multimarques et que les travaux ont été prétendument réalisés après l'annonce de la rupture.
Enfin, elle estime le préjudice moral et commercial d'atteinte à l'image nullement justifié, cette demande faisant notamment doublon avec la demande au titre de la perte de marge, et s'oppose à la demande d'expertise judiciaire.
Par conclusions notifiées le 9 mai 2019, la société Xefi Lyon anciennement dénommée CFI Maintenance informatique, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, 1240 du Code civil, 455 du Code de procédure civile, de :
- Constater que le jugement du tribunal de commerce de Lyon rendu le 20 février 2017 est motivé,
- Débouter en conséquence la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited de son appel en nullité,
A titre subsidiaire, de par l'effet dévolutif de l'appel,
- Statuer à nouveau sur le fond,
En tout état de cause,
- Dire et juger que la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited a rompu brutalement la relation commerciale établie avec elle,
- Condamner la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited à lui verser la somme de 619 573 euros, représentant la marge brute qui aurait dû être réalisée par elle pendant le préavis non effectué,
- Condamner la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited à lui verser la somme de 676 338 euros à titre de dommages-intérêts, représentant le coût des investissements non amortis du fait de la brutalité de la rupture et des travaux de réhabilitation nécessités, réalisés pour les agences Vendôme, Presqu'île et Mâcon,
- Condamner la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited à lui verser la somme de 136 431 euros en réparation du préjudice commercial et d'atteinte à son image,
A titre subsidiaire,
- Désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de déterminer son préjudice résultant de la rupture des relations commerciales établies avec la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited,
En toute hypothèse,
- Débouter la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited de l'intégralité de ses demandes,
- Condamner la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société Sony Europe BV venant aux droits de Sony Europe Limited aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Sur l'appel-nullité du jugement, elle soutient que celui-ci n'encourt aucune nullité, étant motivé. Elle relève que le tribunal a recensé les différents contrats formant la relation contractuelle intervenue depuis 2001 entre les parties, qualifié la nature de la relation intervenue entre les parties et jugé celle-ci brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce en raison du préavis trop court accordé, le terme " rupture abusive ", qui s'entend comme constituant un abus du fait de sa brutalité au regard des 13 années de relations commerciales, ne signifiant nullement que le tribunal aurait statué ultra petita. Elle ajoute que le tribunal a souverainement, d'une part, apprécié la durée du préavis supplémentaire jugée nécessaire au regard des critères applicables et calculé la marge qu'elle aurait dû réaliser en se fondant sur l'attestation de son expert-comptable, d'autre part, évalué son préjudice au titre des investissements en tenant compte des pièces produites, des échanges, de sa connaissance du contexte et des usages.
Au fond, elle fait valoir la rupture brutale des relations commerciales établies par l'intimée.
Elle invoque l'existence de relations commerciales établies nouées entre les parties depuis 2001, celles-ci ayant conclu le 28 septembre 2001 un premier contrat dit " Vaio competence center " portant sur la distribution d'ordinateurs et accessoires sous la marque Vaio, ce pour une durée d'un an, lequel contrat a été reconduit tacitement et s'est transformé en contrat à durée déterminée. Elle ajoute que les parties ont ensuite conclu divers accords-cadres de prestations de services l'incitant à se spécialiser au détriment d'autres marques concurrentes et ayant pour objet de développer dans son point de vente la distribution des produits informatiques de la société Sony Europe Limited, les annexes de ces contrats-cadre fixant des objectifs de chiffre d'affaires à atteindre et impossibles à réaliser à défaut d'être revendeur exclusif. Elle précise que les parties ont également conclu des accords d'accréditation de revendeur spécialisé, en vertu desquels elle s'est spécialisée, à travers ses surfaces de vente et son personnel, dans la vente de produits Sony. Enfin, elle indique avoir conclu avec l'intimée des accords d'agréation " Carré Vaio ", par lesquels elle est devenue le distributeur agréé de la marque Vaio au sein de magasins dédiés aux produits Sony Vaio, le concept " Carré Vaio " consistant en des surfaces de vente exclusivement réservées aux produits Sony au sein de magasins exploitant sous l'enseigne Sony, et ayant été mis en œuvre dans ses trois magasins Vendôme (Lyon), Presqu'île (Lyon) et Mâcon, exclusivement dédiés aux produits Sony et dans lesquels elle a réalisé des investissements.
Elle fait valoir l'envergure des relations commerciales, dès lors qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 1 432 271 euros en 2013 pour cette activité spécifique de vente au sein de ses trois magasins, exercée à titre exclusif avec la société Sony Europe Limited et qu'elle avait la qualité de distributeur agréé des produits de l'intimée.
Elle soutient qu'aucun préavis écrit de rupture ne lui a été adressé. Elle considère que le courrier circulaire du 14 février 2014 ne constitue pas la notification du préavis de rupture, aucun délai de préavis n'étant déterminé ni envisagé, la société Sony Europe Limited se bornant à l'informer de l'arrêt de la commercialisation des ordinateurs Vaio sur le territoire français fin juin 2014.
Elle précise que compte tenu de cette annonce de la cession de la branche d'activité et de la cessation sur le territoire français de la commercialisation des ordinateurs Vaio à compter de fin juin 2014, elle ne pouvait plus commercialiser d'ordinateurs Vaio à compter de cette date. Elle en déduit que l'appelante prétend vainement qu'elle aurait bénéficié d'un préavis de 9 mois grâce au lancement de la nouvelle gamme d'ordinateurs au printemps, la pièce présentant l'état prétendu des stocks des produits Sony n'ayant aucune valeur probante et ledit état étant dérisoire.
Elle considère que la rupture est donc intervenue brutalement à réception du courrier du 14 février 2014, sans être précédée d'un préavis écrit. Elle soutient à ce titre que le préavis n'a pu s'exécuter dans les mêmes conditions que le contrat compte tenu de l'annonce de l'arrêt de la commercialisation des produits alors qu'elle était le revendeur spécialement agréé par la société Sony Europe Limited distribuant ses produits dans des magasins exclusivement dédiés dans la région Rhône-Alpes. Elle ajoute qu'elle a perdu dès le 14 février 2014 l'intégralité de ses droits quant à l'exploitation de ses magasins dédiés, tels que l'utilisation du concept d'aménagement des magasins " Carré Vaio " et de la dénomination " Vaio ". Elle réfute avoir eu la possibilité de poursuivre les commandes auprès des grossistes.
Elle conteste avoir, de son initiative, interrompu la relation commerciale de manière anticipée en se réorganisant dans l'urgence par la conclusion d'un accord avec le fournisseur Hewlett Packard, limité au magasin Vendôme.
Elle invoque son état de dépendance économique envers l'appelante quant à l'exploitation de ses magasins dédiés, exclusivement affectés aux produits Sony et devant être commercialisées selon les conditions dictées par la société Sony Europe Limited, de sorte que la rupture des relations commerciales établies a entraîné l'arrêt brutal de l'exploitation normale de ces magasins.
Elle soutient que le prétendu caractère obsolète de la marque Vaio, nullement démontré et que rien ne laissait présager, ne saurait justifier la réduction du délai de préavis dont elle aurait dû bénéficier, compte tenu de la notoriété de la société Sony Europe Limited et de la marque Sony, ainsi que de son engagement envers l'appelante en considération du potentiel de ladite marque, mise en avant par la stratégie commerciale de ladite société.
Sur la durée du préavis dont elle aurait dû bénéficier, elle soutient que celle-ci doit tenir compte de la durée de la relation commerciale tout en respectant la durée minimale déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels, laquelle durée minimale est le double s'agissant de la fourniture de produits sous marque de distributeur. Elle considère que doivent être pris en compte les investissements auxquels elle a procédé pour le développement de ses trois magasins mais également l'absence pour elle d'une solution équivalente, la marque Hewlett Packard dédiée au grand public n'ayant pas de stratégie de points de vente spécialisés à l'attention du grand public , de sorte que contrairement aux allégations de l'appelante, elle n'est pas parvenue à se réorganiser en instaurant un partenariat avec la société Hewlett Packard, son magasin situé en presqu'île de Lyon ayant été fermé et celui de Mâcon étant devenu un distributeur multimarques.
Au vu de ces éléments, étant revendeur agréé Sony et réalisant 99 % de son chiffre d'affaires relatif à la vente d'ordinateurs portables grâce à la marque Sony ce qui la mettait, pour cette activité, dans une situation de dépendance économique envers l'appelante, elle considère qu'elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de 2 ans.
Elle souligne que son expert-comptable atteste de la perte de chiffre d'affaires subie dans cette activité de vente d'ordinateurs portables du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies, étant précisé que 18 mois avant celle-ci, elle a ouvert un de ses magasins lyonnais dont elle n'a pas eu le temps d'amortir le coût d'investissement.
S'agissant de la perte de marge brute escomptée durant la période de préavis non respectée, elle fait valoir que ladite perte doit être calculée sur le chiffre d'affaires au titre de son activité de vente de PC portables, intégralement réalisée avec la société Sony Europe Limited. Elle considère que le chiffre d'affaires à prendre en compte ne saurait être limité aux seuls flux financiers entre les parties dès lors que l'objet des contrats conclus avec l'appelante était de développer les ventes de produits Sony et Vaio. Se fondant sur le calcul de la marge retenu par son expert-comptable, elle fait valoir un taux de marge moyen de 22,31 % portant spécifiquement sur l'activité de vente d'ordinateurs portables et les prestations de services associées, et invoque ainsi un préjudice de 619 573,24 euros au vu de son chiffre d'affaires afférent les trois dernières années précédant la rupture. Elle précise que son expert-comptable a retenu la méthode classique d'évaluation de marge brute et qu'il ne saurait être déduit des marges variables inexistantes. Elle ajoute que l'augmentation de son chiffre d'affaires global grâce à ses autres activités est indifférente.
Elle invoque également, comme conséquences de la brutalité de la rupture, la perte d'investissements liés à l'installation de ses trois magasins dédiés à la société Sony Europe Limited selon les contraintes imposées par celle-ci, précisant que l'agence de Mâcon a bien été aménagée sous la forme de " Carré Vaio " à destination des consommateurs des produits Sony et sur initiative de l'appelante, ainsi que la perte liée à la réhabilitation des dits magasins à la suite de leur désorganisation subséquente à la rupture brutale, et fait valoir à ce titre une préjudice de 676 338 euros.
Elle allègue, en outre, d'un préjudice commercial eu égard à l'image et la notoriété de la marque Sony, dont elle était le revendeur agréé et le référent dans la région Rhône-Alpes et en particulier à Lyon. Elle précise à ce titre qu'elle a vendu deux fois moins d'ordinateurs sur l'année 2015, correspondant à 46% de son chiffre d'affaires sur ladite année au titre de l'activité de vente d'ordinateurs, et ainsi perdu sa clientèle.
A titre subsidiaire, elle sollicite une mesure d'expertise afin d'évaluer son préjudice.
Motifs
Sur l'intervention volontaire de la société Sony Europe BV :
Il n'est pas discuté de la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Sony Europe BV venant aux droits de la société Sony Europe Limited en suite de la fusion absorption avec transfert universel du patrimoine en date du 28 mars 2019. Cette intervention volontaire est donc recevable.
Sur la nullité du jugement :
Selon l'article 455 du Code de procédure civile " Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé ".
L'article 458 du Code de procédure civile dispose que " Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.
Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations, dont il est fait mention au registre d'audience ".
Dans le jugement entrepris, le tribunal a :
- caractérisé l'existence de relations commerciales établies nouées entre les parties depuis 2001 en se fondant sur la conclusion par les parties de contrats successifs qu'il a au préalable énumérés, soit un premier contrat Vaio compétence center le 28 septembre 2001, des accords " cadre de prestations de services " des 8 novembre 2006, 25 avril 2007, 13 mai 2008, 18 mai 2010, 3 juin 2011 et 29 mai 2013, outre un " contrat d'agréation " " Carré Vaio " du 6 octobre 2008, ainsi que les " pièces et échanges lors des débats ",
- jugé " abusive " la rupture des relations commerciales établies par courrier du 14 février 2014 par lequel la société Sony France a informé la société CFI qu'elle arrêtait la planification, le design, le développement d'ordinateurs et que les ordinateurs Vaio étaient commercialisés par la société Sony France jusqu'à fin 2014, estimant que ce préavis était trop court au vu des treize années de relations commerciales et que le délai aurait dû être de 13 mois, et non pas des 4 mois accordés, et s'est estimé suffisamment informé sans qu'il y ait lieu de recourir à une expertise judiciaire,
- évalué le préjudice de la société CFI à la somme de 220 000 euros au titre des neuf mois de préavis non respectés, en " faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation et compte tenu des pièces produites, des échanges, de sa connaissance du contexte et des usages ",
- rejeté la demande de retrait des débats de la pièce 25 de la société CFI, dont la production n'est pas contraire au principe du contradictoire,
- évalué le préjudice de la société CFI au titre du coût des investissements de réhabilitation pour les agences Vendôme Presqu'Ile et Mâcon, en usant de " son pouvoir souverain d'appréciation ",
- débouté ladite société de ses demandes de dommages et intérêts au titre, d'une part, du préjudice moral d'atteinte à l'image et commercial, d'autre part, du préjudice commercial lié à la désorganisation de l'équipe dirigeante, considérant ces préjudices nullement justifiés,
- prononcé l'exécution provisoire sur le fondement des dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile et en " considérant les circonstances du présent litige ".
Il résulte de ces éléments que la relation commerciale des parties a été caractérisée au vu de la succession de contrats conclus entre les parties et succinctement analysée dans sa nature et son contenu, le tribunal ayant énuméré chacun des contrats en précisant leur date et leur objet. La qualification de " rupture abusive " des relations commerciales en lieu et place de " rupture brutale " des relations commerciales établies relève d'une erreur de plume et n'établit nullement que les premiers juges auraient statué ultra petita, ceux-ci retenant la rupture des relations commerciales établies en appliquant les critères de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce qui prévoit la rupture " brutale " des relations commerciales établies en l'absence de préavis écrit suffisant. Les premiers juges ont retenu le caractère brutal de ladite rupture, improprement qualifié d'abusif, au vu de l'ancienneté des relations commerciales établies, dont la nature et le contenu ont été succinctement analysés ainsi que précisé ci-avant. Le tribunal a analysé les préjudices invoqués par la société CFI, ne retenant que le préjudice des investissements de réhabilitation pour les agences Vendôme, Presqu'Ile et Mâcon, en usant de " son pouvoir souverain d'appréciation ", étant rappelé que l'appréciation du préjudice relève du pouvoir souverain des juges du fond au vu des éléments produits aux débats, et sans qu'il puisse en être déduit qu'il a évalué celui-ci à un montant forfaitaire. Il a prononcé l'exécution provisoire en se référant explicitement aux dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile et aux circonstances du litige.
Ce jugement est donc motivé. La circonstance que l'appelante estime cette motivation insuffisante au vu des moyens développés par elle n'établit pas l'absence de motivation.
L'appelante est donc déboutée de sa demande de nullité du jugement entrepris.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :
Selon l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la duré minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure (...) ".
La rupture, pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, doit être brutale c'est-à-dire effectuée sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords professionnels.
Sur l'ampleur de la relation commerciale :
Pour être établie, la relation commerciale doit revêtir un caractère suivi, stable et habituel de sorte que la victime de la rupture pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie.
Les parties ne discutent ni de l'existence d'une relation commerciale établie, ni de son ancienneté mais de son ampleur, soit son importance dans le chiffre d'affaires de l'intimée et la situation de dépendance économique de celle-ci envers l'appelante.
L'intimée se fonde en effet sur la succession des contrats suivants conclus entre les parties :
- le contrat " Vaio compétence center " conclu le 28 septembre 2001 entre la société CFI et la société Sony France, pour une durée déterminée expirant au 31 mars 2002, puis tacitement renouvelable par périodes d'un an, ayant pour objet le développement des opérations promotionnelles relatives aux produits et accessoires Vaio dans le magasin du revendeur (la société CFI), prévoyant que celui-ci doit réaliser avec les grossistes auprès desquels il s'approvisionne un chiffre d'affaires en produits et accessoires Vaio supérieurs à 600 000 francs par an, présenter aux consommateurs les produits et accessoires Vaio, avoir des vendeurs qualifiés à cette fin ainsi qu'un show-room ouvert au public et exposant les produits Vaio. Il est expressément précisé à l'article 6 de ce contrat l'absence d'exclusivité, pour le revendeur comme pour la société Sony Limited Europe. Il n'est pas démontré par les pièces produites aux débats que ce contrat, qui ne constitue pas un contrat de distribution mais un contrat permettant la promotion des produits Sony, aurait été renouvelé par tacite reconduction ;
- des accords-cadre de prestations de services ou accords de prestations de services conclus pour une durée déterminée d'un an, les 2 décembre 2006, 25 avril 2007, 13 mai 2008, 18 mai 2010, 3 juin 2011, 5 septembre 2012 et 25 avril 2013 entre la société Sony France ou la société Sony Europe Limited, d'une part, et la société CFI, d'autre part. Ces contrats conclus intuitu personae ont pour objet une coopération commerciale entre le revendeur (la société CFI) et la société Sony France ou la société Sony Europe Limited afin de développer, dans son point de vente, les ventes de produits informatique Sony, le revendeur s'engageant à informer la société Sony France ou Sony Europe Limited de l'évolution des ventes de produits Sony en effectuant trimestriellement un état des achats produits Sony réalisés auprès des distributeurs et en présentant à la société Sony un plan de commercialisation et de promotion annuel. Ces contrats ne contiennent aucune clause d'exclusivité ;
- des " accord[s] d'accréditation pour revendeur indirect Sony professionnal solutions Europe " signés le 3 septembre 2008 entre la société Sony France et la société CFI, pour une durée d'un an, par lequel la société Sony France donne accréditation au revendeur indirect (la société CFI) de produits commercialisés par la division Sony professionnal Europe qui s'approvisionne auprès de grossistes agréés et en compte chez la société Sony France (distributeurs), ladite accréditation autorisant la société CFI à utiliser exclusivement pour promouvoir les produits, la marque et le logo Sony, à charge pour la société CFI, notamment, d'entretenir les locaux adaptés à la commercialisation des produits et services de la société Sony France, à promouvoir et vendre lesdits produits, employer du personnel compétent dédié à la vente de ceux-ci, lequel doit être en nombre suffisant et suivre une formation régulière, et maintenir un courant régulier et minimal d'affaires. Ces contrats ne prévoient aucune exclusivité et précisent chacun qu'ils ne constituent en aucune façon un contrat de vente ou d'approvisionnement de produits ou services par la société Sony France vers le revendeur ;
- un " accord d'accréditation pour revendeur indirect Sony professionnal solutions Europe supplément spécialiste " signé le 3 septembre 2009 entre la société Sony France et la société CFI, pour une durée d'un an, conférant à la société CFI la qualité de revendeur spécialiste Sony Professionnal solutions Europe, à charge pour celle-ci disposer d'un personnel qualifié dédié et formé à la vente des produits Sony, en particulier disposer dans chacune de ses agences d'au moins un employé permanent ayant assisté aux cours de formation technique pertinents de Sony et capable d'effectuer un diagnostic préliminaire aux produits étant prévu dans le second contrat, de se concentrer sur le développement d'activités de promotion auprès du marché cible en coopération avec la société Sony France et les distributeurs auxquels il s'approvisionne. Par ces contrats d'accréditation, la société CFI s'est spécialisée dans la vente de produits Sony, en s'engageant à maintenir un chiffre d'affaires minimal de vente desdits produits et à employer du personnel qualifié ;
- un contrat d'agréation Carré Vaio conclu le 6 octobre 2008 entre la société Sony France et la société CFI Agence CFI Grand-Lyon, ce jusqu'au 31 mars 2010 puis renouvelable par tacite reconduction, rappelant à titre liminaire que la société Sony France souhaite mettre en place, dans la surface de vente des distributeurs qui répondront aux conditions définies, des espaces de vente exclusivement réservés aux produits Sony. Ce contrat a pour objet l'utilisation du concept " Carré Vaio " dans le local commercial de la société CFI situé 108 rue de Vendôme à Lyon, dont les conditions sont la mise en place, dans la surface de vente de la société CFI Agence CFI Grand-Lyon, d'une surface totale de vente supérieure à 130 m2 dédiée à la vente de produits informatiques comprenant une surface minimum de 100 m2 dédiée à l'exposition de ces produits avec la possibilité d'un espace de vente réservé à l'espace Carré Vaio d'un seul tenant de 17m2 minimum et en moyenne de 20 m2, la réalisation d'un pourcentage minimum de 80 % de chiffre d'affaires au titre de la vente de micro-ordinateurs accessoires et services associés de quelque marque que ce soit, et la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel minimum de deux millions d'euros au titre de la vente de micro-ordinateurs, accessoires et services associés, de quelque marque que ce soit, la mise en valeur et une bonne visibilité de produits de marque Sony. Par ce contrat, la société Sony France concède à la société CFI, distributeur, le droits d'utiliser la dénomination " Carré Vaio " et le distributeur s'engage à distribuer les produits Sony dans les conditions définies : enseigne Vaio disposée à l'extérieur du magasin conjointement à l'enseigne de la CFI, espace " Carré Vaio " exclusivement dédié à la commercialisation des produits Sony, personnel compétent, présentation de la gamme de produits selon un assortiment spécifique, communication d'indicateurs de performance à la société Sony France. La rémunération du distributeur est annuelle, forfaitaire, globale et définitive et s'élève à 9 000 euros ;
- un avenant au contrat d'agréation " Carré Vaio ", non daté, prévoyant l'aménagement d'un concept de vente " Carré Vaio " dans un second point de vente de la société CFI, situé 41 rue Paul Chevenard à Lyon, pour lequel ladite société souhaitait bénéficier des mêmes droits et avantages liés au concept " Carré Vaio " pour son premier point de vente. Ce contrat entre en vigueur à compter de la date, non précisée, de l'installation du second point de vente. L'avenant précise que l'annexe 1 vise les deux magasins de la société CFI bénéficiaires du concept Carré Vaio, et l'attestation d'agrément et de compétence dressée par la société Sony France le 26 juin 2012 certifie que seul le magasin de la société CFI situé à Lyon comprend un espace Vaio, à l'exclusion des autres magasins de la société CFI, dont celui de Mâcon.
Il ne ressort pas de l'annexe 1 portant sur les " Adresses et localisations des Magasins " produite par l'intimée et comprenant la liste des magasins de la société CFI, soit les deux boutiques situées à Lyon, celle à Bourg, celle à Bourgoin, celle à Mâcon et celle à Vienne, que cette annexe serait afférente à l'avenant susvisé, cette annexe, produite sur papier libre n'étant ni datée, ni signée, ne reproduisant aucun tampon des parties à l'avenant et ne visant nullement celui-ci. Cette annexe est donc inopérante à démontrer que la société CFI se serait engagée contractuellement pour avoir un point de vente de concept " Vaio " à Mâcon, au titre duquel elle ne justifie d'aucun agrément. Il est ainsi justifié que la société CFI disposaient de deux, et non pas trois, espaces Vaio dans ses magasins, situés à Lyon.
Il résulte de l'ensemble des contrats réguliers et successifs conclus entre la société CFI et la société Sony France ou la société Sony Europe Limited, ci-avant décrits, que celles-ci étaient en relations d'affaires depuis 2001 et que leur coopération s'est étendue, se transformant en partenariat privilégié, la société CFI devenant revendeur indirect des produits Sony en 2008 puis revendeur spécialiste des produits Sony en septembre 2009, mais également, au vu du contrat d'agréation Carré Vaio conclu le 6 octobre 2008, distributeur des produits Sony au sein d'espaces de vente " Carré Vaio " dédiés à la distribution des produits Sony.
Il n'est pas discuté que par la succession de ces contrats, les parties ont ainsi noué une relation commerciale stable et durable depuis 2001, et que l'intimée pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial, même si l'intimée ne produit aucun document comptable portant sur le chiffre d'affaires réalisé chaque année avec l'appelante depuis 2001, ni les extraits de son livre client afférent à celle-ci.
- Sur l'importance du chiffre d'affaires réalisé :
L'ampleur de la relation commerciale doit être analysée en référence au flux d'affaires entre les parties et déterminée en fonction de la part que représente le chiffre d'affaires réalisé entre elles sur la part du chiffre d'affaires total de l'intimée.
Le chiffre d'affaires au titre des ventes de matériel Sony et de prestations afférentes à du matériel Sony, réalisé par la société CFI auprès de sa clientèle et qui concerne exclusivement ses relations commerciales avec celle-ci, n'a pas à être pris en compte pour déterminer l'ampleur de la relation commerciale établie nouée entre les parties.
La seule circonstance que les contrats conclus entre les sociétés CFI et Sony tendent au développement des ventes de produits Sony et Vaio ne justifie pas que le chiffre d'affaires à prendre en compte pour la détermination de l'importance de la relation commerciale nouée entre les parties excède les flux financiers entre celles-ci.
Il importe peu, à ce titre, que les accords-cadre de prestations de services ou accords de prestations de services conclus entre les parties portent sur le développement des ventes de produits Sony et que la rémunération de la société CFI en sa qualité de revendeur soit fonction dudit développement, les échanges de flux financiers entre les parties au titre de ces contrats se limitant aux seules rémunérations de la société CFI, et le chiffre d'affaires de celle-ci au titre de la vente de produits Sony concernant exclusivement ses relations commerciales avec les grossistes.
Au vu des attestations de l'expert-comptable de la société CFI, conformément aux allégations de l'appelante et à défaut de tout élément contraire produit par l'intimée, seules les " ristournes et aides marketing accordées " par la société Sony correspondent au chiffre d'affaires réalisé par l'intimée avec l'appelante. Ces ristournes et aides s'élèvent en 2012 à la somme de 43 369 euros HT représentant 0,46 % du chiffre d'affaires total de la société CFI, de 9 262 904 euros HT, et en 2013 à la somme de 37 972 euros HT représentant 0,42 % du chiffre d'affaires total de la société CFI, de 9 014 843 euros HT.
- Sur la situation de dépendance économique :
L'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise. L'existence d'un état de dépendance économique s'apprécie en tenant compte de la notoriété de la marque de l'entreprise, de l'importance de sa part dans le marché considéré et dans le chiffre d'affaires de l'entreprise cliente, mais également de l'impossibilité pour cette dernière d'obtenir d'autres partenaires des conditions équivalentes.
La situation de dépendance économique s'analyse au regard de la relation commerciale prise en son ensemble, et non pas en fonction d'une partie de l'activité de la partie qui l'invoque.
L'intimée est donc mal fondée à faire valoir une situation de dépendance économique pour sa seule activité de vente d'ordinateurs PC portables au sein de ses magasins avec espaces de vente dédiés à la marque, à l'exclusion du surplus de son activité, notamment de réparation et de maintenance d'ordinateurs mais également de l'activité de vente déployée dans ses boutiques ne contenant pas de carré Vaio.
La faible importance du chiffre d'affaires réalisé par la société CFI auprès de l'appelante, au regard de son chiffre d'affaires total, exclut sa situation de dépendance économique envers cette dernière.
En outre, si les contrats susvisés entre les parties revêtent un caractère intuitu personae, aucun d'entre eux ne contient de clause d'exclusivité.
La seule circonstance qu'il soit prévu, en préliminaire des accords-cadre de prestations de services ou accords de prestations de services conclus, que " Les produits informatiques Sony sont commercialisés en France notamment au travers d'un réseau de grossistes (ci-après dénommés " distributeur " auprès desquels s'approvisionnent des détaillants spécialisés (ci-après dénommés " revendeur ") dans la revente de matériels informatiques. Sony qui n'a pas de lien commercial direct avec les détaillants souhaite néanmoins les inciter à promouvoir les produits informatiques Sony auprès de leurs clientèles. Le revendeur [la société CFI] est intéressé par le potentiel de développement de la marque Sony Europe Limited dans le monde des produits informatiques " n'établit nullement, contrairement à ce que prétend l'intimée, que la société Sony Europe Limited l'aurait fortement incitée à se spécialiser dans la revente de ses produits au détriment d'autres marques concurrentes en faisant valoir le potentiel économique de sa marque, aucune clause d'exclusivité n'étant stipulée.
Si ces accords-cadres prévoient pour trois d'entre eux (2 décembre 2006, 24 avril 2007, 13 mai 2008) que la société CFI " adhère à la stratégie commerciale adoptée par Sony " et dans tous les cas que la société CFI s'engage à coopérer commercialement avec la société Sony Europe Limited et fixent les modalités de la coopération commerciale entre les parties, permettant à la société Sony Europe Limited d'être informée des états des achats trimestriels des produits Sony et des plans de commercialisation annuels de la société CFI pour la commercialisation des produits Sony, au titre desquels " la société Sony s'engage à transmettre au distributeur dans le délai de 15 jours son acceptation ou son refus ", ces seuls éléments ne suffisent pas, en l'absence de clause d'exclusivité, à caractériser la situation de dépendance économique de la société CFI envers la société Sony Europe Limited.
Il ne ressort nullement des modalités de rémunération de la société CFI prévues dans ces accords-cadres, variant en fonction de paliers de chiffre d'affaires réalisés, que celle-ci aurait des objectifs précis de chiffre d'affaires à atteindre, croissants chaque année, pour pouvoir être rémunérée. La rémunération de la société CFI est en effet proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé, sans devoir atteindre nécessairement, ainsi que le prétend l'intimée, la somme de 750 000 euros en 2007 puis celle de 1 200 000 euros en 2013, ces paliers maximums étant afférents aux rémunérations maximales de la société CFI, elles-mêmes en croissance en comparaison avec celles prévues dans le premier accord-cadre. La précision des paliers à réaliser, ainsi qu'il ressort des échanges de courriels entre les parties, n'est que le rappel des dispositions contractuelles incitant à la réalisation d'un chiffre d'affaires meilleur sans toutefois l'imposer. L'intimée ne justifie pas ses allégations selon lesquelles elle devait dépasser un chiffre d'affaires de 1 300 000 euros réalisé exclusivement avec la société Sony Europe Limited pour son activité de vente d'ordinateurs portables, ni de l'impossibilité pour elle de réaliser les paliers de chiffre d'affaires prévus, conditionnant sa rémunération, sauf à être un revendeur exclusif.
La circonstance que les deux boutiques de Lyon de la société CFI disposeraient d'espaces Vaio exclusivement réservés à la vente de produits Sony, ne démontre pas une situation de dépendance économique de l'appelante, ces boutiques ne représentant qu'une partie de son activité et aucune obligation contractuelle de réserver la totalité de la surface de ces boutiques à la seule vente des produits Sony n'étant en outre établie. En effet, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'espace de vente " Vaio " prévu au contrat d'agréation Carré Vaio conclu entre la société Sony France et la société CFI Agence CFI Grand-Lyon le 6 octobre 2008, ne représente pas la totalité de la surface de son magasin, mais une surface d'en moyenne 20 m2 sur une surface de 100 m2 dédiée à la vente de produits informatiques, non exclusivement réservée aux produits Sony, la société CFI ayant toute liberté d'aménager son magasin hormis cet espace dédié de 20 m2. Le plan produit dans l'annexe 2 du contrat d'agréation Carré Vaio conclu le 6 octobre 2008, et qui a été validé par la société Sony France n'établit pas que la totalité de la surface du magasin est dédiée à l'espace Vaio. A considérer que les seuls clichés photographiques produits aux débats suffisent à établir que l'espace de ce magasin serait exclusivement dédié aux produits Sony et que la société Sony France ait participé à l'inauguration de ce magasin, aucune obligation contractuelle de cet ordre n'est démontrée. De même, les seuls clichés produits aux débats ne suffisent pas à établir que l'espace Vaio occupait l'intégralité du magasin de la CFI situé rue Paul Chevenard à Lyon en exécution des obligations contractuelles de la société CFI.
La circonstance que l'intimée assure la distribution des produits Sony dans les espaces de vente réservés " Carré Vaio " ne suffit pas à caractériser sa situation de dépendance économique.
En l'absence de clause d'exclusivité, l'appelante ne démontre nullement l'impossibilité pour elle d'obtenir d'autres partenaires des conditions équivalentes.
Aucune situation de dépendance économique de l'intimée envers l'appelante n'est donc caractérisée.
Sur la rupture des relations commerciales établies :
Par lettre du 10 février 2014, la société Sony France devenue Sony Europe Limited a informé la société CFI de la cession de sa branche d'activité portant sur les ordinateurs Sony opérant sous le nom de Vaio, au bénéfice d'un fond d'investissement Japan Industrial Partner, qu'elle arrêtait la planification, le design et le développement d'ordinateurs, que la production et les ventes seront interrompues après le lancement de la gamme de printemps 2014 et qu'elle commercialisera les ordinateurs sur le territoire français jusqu'à fin juin 2014. Elle a indiqué à la société CFI l'arrêt du Challenge du Vaio Premium Club annoncé lors de la société [sic] du 14 janvier 2014.
Par cet écrit informant de l'arrêt de la commercialisation des ordinateurs Sony opérant sous le nom de Vaio sur le territoire français fin juin 2014, la société Sony France a annoncé de manière non univoque à la société CFI la fin de leurs relations commerciales fondées sur cette activité. La circonstance que ce courrier soit ou non un courrier circulaire adressé à l'ensemble des partenaires de la société Sony France est indifférente quant à sa qualification de préavis écrit. La société Sony France qui a adressé un préavis écrit à la société CFI est donc à l'initiative de la rupture des relations commerciales établies.
Cet écrit en date du 10 février 2014, qui manifeste la volonté de la société Sony France de mettre fin aux relations commerciales établies nouées avec la société CFI fin juin 2014, caractérise un préavis écrit d'une durée de quatre mois et demi, et non pas de neuf mois comme le prétend l'appelante, le courrier ne mentionnant nullement que les produits pourront être distribués jusqu'à l'écoulement des stocks soit jusqu'au 4e trimestre 2014.
Il n'est pas démontré que ce préavis n'a pas été respecté, le chiffre d'affaires réalisé par les parties en 2013 étant proportionnellement supérieur à celui de 2012, au prorata des mois de la relation commerciale qui s'est achevée en juin 2014.
Compte tenu du faible chiffre d'affaires réalisé par la société CFI avec la société Sony, représentant 0,46 % de son activité au moment de l'envoi de ce préavis et de l'absence de dépendance économique de l'intimée, le préavis de quatre mois et demi est suffisant pour lui permettre de trouver d'autres débouchés, ce quand bien même la société CFI était distributeur de produits Sony dans des espaces de vente " Carré Vaio " aménagés dans deux boutiques situées à Lyon.
La rupture brutale des relations commerciales établies n'est donc pas caractérisée, le jugement entrepris étant infirmé.
Il convient, en conséquence, de débouter l'intimée de l'ensemble de ses chefs de demandes.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Les dispositions du jugement entrepris, relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile, sont infirmées.
L'intimée échouant en ses prétentions, sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel et à payer à l'appelante une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à la somme de 12 000 euros.
Par ces motifs : LA COUR, Reçoit l'intervention volontaire de la société Sony Europe BV venant aux droits de la société Sony Europe Limited, Déboute la société Sony Europe BV de sa demande de nullité du jugement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Déboute la société Xefi Lyon venant aux droits de la société CFI maintenance informatique de l'ensemble de ses demandes, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne société Xefi Lyon venant aux droits de la société CFI maintenance informatique à payer à la société Sony Europe BV venant aux droits de la société Sony Europe Limited la somme de 12 000 euros, Condamne société Xefi Lyon venant aux droits de la société CFI maintenance informatique aux dépens.