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Décisions

Cass. com., 5 février 2020, n° 18-21.689

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

TVPI (SNC)

Défendeur :

LB Construction (Sasu), Suez RV Lourches (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Kass-Danno

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

Me Le Prado, SCP Ortscheidt, SCP Gatineau, Fattaccini

Douai, 1re ch. sect. 1, du 26 oct. 2017

26 octobre 2017

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Traitement et valorisation de produits industriels que sur le pourvoi incident relevé par la société Suez RV Lourches ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 octobre 2017), que la société LB construction, devenue la société Sylvagreg, (la société Sylvagreg) a commandé des remblais recyclés auprès de la société Traitement et valorisation de produits industriels (la société TVPI) afin de réaliser une piste de chantier ; que ces remblais, livrés les 12 avril et 9 mai 2011, contenant de l'amiante, la société Sylvagreg a assigné la société TVPI et le fournisseur de cette dernière, la société Recydem, devenue la société Suez RV Lourches, en garantie des vices cachés ; que la société TVPI a exercé une action récursoire contre celle-ci ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, qui est préalable : - Attendu que la société Suez RV Lourches fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société TVPI à payer à la société Sylvagreg la somme de 37 172,60 euros alors, selon le moyen, que l'action contractuelle fondée sur l'existence d'un vice caché dont dispose le sous-acquéreur à l'égard du vendeur initial est celle qui appartenait au vendeur intermédiaire qui la lui a transmise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la société Suez RV Lourches, vendeur initial, à indemniser la société Sylvagreg, sous-acquéreur, des conséquences du vice caché affectant les remblais que celle-ci avait acquis auprès de la société TVPI ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle retenait que la société TVPI ne disposait d'aucune action fondée sur l'existence d'un vice caché à l'égard de la société Suez RV Lourches, la cour d'appel a violé les articles 1641, 1643 et 1645 du Code civil ;

Mais attendu que la société Suez RV Lourches ayant soutenu devant la cour d'appel que, dès lors que la société TVPI était présumée avoir eu connaissance du vice, le jugement devait être confirmé en ce qu'il avait constaté la responsabilité in solidum des sociétés Suez RV Lourches et TVPI, elle n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec cette position ; que le moyen est irrecevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le quatrième moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que la société TVPI et la société Suez RV Lourches font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Sylvagreg la somme de 6 000 euros au titre des pertes d'exploitation alors, selon le moyen : 1°) que le juge ne peut accorder des dommages-intérêts qu'en présence d'un préjudice dont il constate l'existence ; qu'en l'espèce, en condamnant la société TVPI in solidum avec la société Suez RV Lourches à payer à la société Sylvagreg la somme forfaitaire de 6 000 euros en réparation d'un préjudice d'exploitation, tout en constatant que la réalité de ce préjudice n'était pas prouvée, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) que le préjudice soumis à réparation ne peut être apprécié de manière forfaitaire ; qu'en l'espèce, en évaluant de façon forfaitaire à la somme de 6 000 euros le préjudice d'exploitation invoqué par la société Sylvagreg, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 et 1149 du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que trois employés de la société Sylvagreg avaient dû participer aux cinq réunions d'expertise organisées dans le cadre du litige et qu'il en était résulté un préjudice d'exploitation certain, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, estimé concrètement le montant de l'indemnité propre à assurer la réparation intégrale de ce préjudice, abstraction faite de la qualification de forfaitaire, erronée mais surabondante, donnée à cette évaluation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société TVPI fait grief à l'arrêt de rejeter son action récursoire en garantie des vices cachés contre la société Suez RV Lourches alors, selon le moyen : 1°) que le vendeur initial d'une chose affectée d'un vice caché engage sa garantie au titre des vices cachés à l'égard du vendeur intermédiaire, sauf faute de ce dernier tenant à ce qu'il a eu connaissance du vice avant de la revendre ; et qu'une telle faute du vendeur intermédiaire est nécessairement exclue lorsqu'il n'a pas eu la chose entre les mains ; qu'en l'espèce, ainsi que la cour d'appel l'a constaté, la société TVPI n'avait pas eu entre les mains les remblais litigieux, alors qu'elle les avait achetés à la société Suez RV Lourches pour les revendre immédiatement après à la société Sylvagreg, sans en prendre possession ni assurer elle-même leur livraison ; qu'en rejetant l'appel en garantie formé par la société TVPI à l'encontre de la société Suez RV Lourches, sur le fondement de la garantie des vices cachés, en ce qu'il lui aurait appartenu d'accomplir les diligences minimales pour vérifier que les remblais revendus à la société Sylvagreg n'étaient affectés d'aucun vice et étaient conformes aux stipulations contractuelles et à la réglementation applicable, la cour d'appel a statué par des motifs impropres en violation de l'article 1641 du Code civil ; 2°) que le caractère apparent du vice suppose qu'il était décelable par l'acheteur, fût-il professionnel ; qu'en l'espèce, en rejetant l'appel en garantie formé par la société TVPI à l'encontre de la société Suez RV Lourches, sur le fondement de la garantie des vices cachés, en ce qu'il lui aurait appartenu d'accomplir les diligences minimales pour vérifier que les remblais revendus à la société Sylvagreg n'étaient affectés d'aucun vice et étaient conformes aux stipulations contractuelles et à la réglementation applicable, sans constater que le vice aurait été décelable à l'occasion de telles diligences minimales, la cour d'appel a violé les articles 1641 et 1642 du Code civil ; 3°) que le juge ne peut méconnaître les termes du litige dont il est saisi ; qu'en l'espèce, la société TVPI demandait à la cour d'appel, à titre principal de débouter la société Sylvagreg de l'ensemble de ses demandes à son égard et, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Suez RV Lourches à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ; que si on considérait que la cour d'appel a retenu que la société TVPI ne pouvait valablement invoquer le caractère caché du vice dans le cadre de son action récursoire à l'encontre de la société Suez RV Lourches, en ce qu'elle avait opposé son caractère apparent à la société Sylvagreg, elle aurait alors méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que le vendeur n'est pas tenu à la garantie des vices cachés, dès lors que l'acheteur, vendeur de matériaux identiques à ceux qui lui avaient été livrés, était à même d'en découvrir les défauts et qu'il ne s'agissait donc pas pour lui de vices cachés ; que la cour d'appel a constaté, par motifs propres, que la société TVPI et la société Suez RV Lourches étaient spécialisées dans le recyclage, la production et la vente de matériaux utilisés pour les travaux publics, faisant ainsi ressortir que la société TVPI avait la qualité d'acquéreur professionnel de la même spécialité que le vendeur ; qu'elle a encore relevé, par motifs propres et adoptés, que la société TVPI n'avait pas vérifié l'état de la marchandise vendue par la société Suez RV Lourches ; qu'elle a enfin retenu, par motifs adoptés, que des indicateurs visuels, tels qu'un aspect de surface alvéolée, une forme cylindrique ou concave, et une connaissance des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante permettaient de déceler un tel vice, ce dont il s'évinçait que le vice était décelable par un professionnel averti dans le domaine des matériaux utilisés pour les travaux publics ; que de ces seules constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le vendeur n'était pas tenu à la garantie des vices cachés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs, LA COUR : Rejette les pourvois tant principal qu'incident.