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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 27 février 2020, n° 18-00277

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Simac (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruyere

Conseillers :

Mmes Toulouse, Sakri

TI Aubenas, du 19 déc. 2017

19 décembre 2017

M. Keid J. a commandé 178,50 m² de carrelage " Kale vieilli " et 100 mètres linéaires de plinthes " Kale vieilli " auprès de la Sasu Simac.

Alléguant une différence de couleur entre le carrelage et les plinthes, M. Keid J. a saisi la juridiction de proximité d'Aubenas par déclaration enregistrée au greffe le 05 avril 2017, sollicitant la résolution du contrat et la restitution de la somme de 3.710 euros correspondant au coût des plinthes.

Par jugement contradictoire du 19 décembre 2017, le tribunal d'instance d'Aubenas, pour l'essentiel, a condamné M. Keid J. à restituer à la Sasu Simac les 100 mètres linéaires de plinthes, a condamné la Sasu Simac à restituer à M. Keid J. la somme de 3 710 euros, a débouté M. Keid J. de sa demande de dommages et intérêts.

La Sasu Simac a interjeté appel de cette décision par déclaration du 19 janvier 2018.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 avril 2018, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que l'action de M. J. se heurte à la prescription biennale édictée par l'article L. 217-12 du Code de la consommation et en conséquence de le débouter de l'intégralité de ses prétentions.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater que M. Keid J. a accepté sans réserve les matériaux livrés le 20 mars 2015, de dire qu'il ne rapporte pas la preuve d'un défaut de conformité de la marchandise vendue à sa destination finale, de le déclarer en conséquence irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et de le débouter de l'intégralité de ses prétentions.

Dans tous les cas, elle réclame sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoirM. J. a réceptionné sans réserve et procédé au règlement la commande passée le 20 mars 2015, qu'il disposait donc d'un délai de 2 ans pour saisir une juridiction, soit jusqu'au 20 mars 2017.

Elle indique qu'il s'est manifesté plus de 24 mois après avoir réceptionné les matériaux, qu'il a accepté la marchandise après vérification complète de chaque palette sans manifester la moindre réserve.

Elle conclut qu'il n'est absolument pas démontré que la chose vendue souffrirait d'un quelconque défaut de conformité à sa destination normale, et qu'en réalité aucun désordre n'existe, la différence de teinte étant de tout à fait normale sur le matériau commandé par M. J. qui est de la pierre naturelle.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2018, M. Keid J. demande à la cour de confirmer le jugement du 19 décembre 2017 en ce qu'il a condamné la Sasu Simac à lui restituer la somme de 3 170 euros lui-même à restituer à la Sasu Simac les plinthes mais de l'infirmer pour le surplus et ainsi de condamner la Sasu Simac à lui payer à M. Keid J. la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral, outre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en déboutant la Sasu Simac de toutes ses demandes.

Il estime que l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par 5 ans à compter de la délivrance du bien et que les plinthes ayant été livrées le 20 mars 2015, son action n'est pas prescrite.

Il indique que les plinthes et le carrelage ont été livrés dans leur emballage sur des palettes, et n'étaient pas visibles jusqu'au mois de juillet 2016, date à laquelle le carreleur a posé les plinthes.

Il affirme que la Sasu Simac ne démontre pas que M. J. a vérifié les produits lors de la livraison et que la réception sans réserve ne couvre que les défauts apparents.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur la prescription

La société SIMAC prétend que l'action intentée par M. J., le 5 avril 2017, est prescrite pour avoir été introduite plus de 2 ans à compter de la délivrance du bien, soit le 20 mars 2015, en visant l'article L. 217-12 du Code de la consommation.

Si M. J., comparant en personne, sans être assisté d'un avocat, avait fondé son action devant le tribunal d'instance sur les règles régissant le droit de la consommation, le juge de première instance, au visa de l'article 12 du Code de procédure civile, a statué en référence à l'article 1604 du Code civil et à l'obligation de délivrance.

Cependant, d'une part, il n'a pas motivé sa décision sur ce changement de fondement juridique et d'autre part, n'a pas répondu sur l'exception de prescription.

Or, ce point avait été débattu par les parties, comme en témoignent les écritures de M. J. déposées en première instance.

Enfin, en modifiant la qualification juridique du litige, le juge de première instance a, par là même également modifié les prescriptions applicables et a retenu implicitement celle de l'article 2224 du Code civil, prévoyant que les actions mobilières ou personnelles se prescrivent par cinq ans.

Or, l'action résultant du défaut de conformité, fondement de l'action de M. J. se prescrit par 2 ans à compter de la délivrance du bien.

C'est en vain que M. J. indique qu'il n'a eu connaissance du défaut qu'il invoque qu'en juillet 2016, au moment de la pose des plinthes litigieuses, et que dès lors c'est à cette date que doit être fixé le point de départ de la prescription.

En effet, il aurait pu constater dès la livraison le défaut de conformité, s'il avait vérifié les produits qu'il recevait, ce qu'il n'a fait que plus d'un an après la réception sans qu'il établisse une impossibilité absolue pour lui de le faire auparavant.

Enfin, s'agissant d'une simple différence de couleur, qui pouvait être facilement visible, s'il avait déballé la marchandise, ce qu'il prétend n'avoir fait que tardivement, il ne saurait considérer que ce défaut n'était pas apparent.

En conséquence, le jugement doit être infirmé en toutes des dispositions, M. J. étant irrecevable en ses demandes, sans qu'aucune considération tirée de l'équité ou de l'ordre économique n'impose l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Simac.

En revanche, M. J., succombant en ses demandes doit être condamné aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

LA COUR, après en avoir délibéré, conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Statuant à nouveau Déclare irrecevables les demandes de M. Keld J. ; Rejette les demandes de la société SIMAC ; Condamne M. Keld J. aux entiers dépens de première instance et d'appel.