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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 mars 2020, n° 18-15532

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Brandstorming (SARL)

Défendeur :

Yves Saint Laurent (SAS), Balenciaga (SA), Yves Saint Laurent Parfums (SAS), Kering (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocat :

Me Hardouin

T. com. Paris, du 16 avr. 2018

16 avril 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Brandstorming a été fondée en 2001 par Madame X, ancienne salariée du groupe Yves Saint Laurent Beauté et a pour activité, en France et à l'étranger, le conseil en propriété industrielle.

La société Kering a pour activité la vente directe ou indirecte de toutes marchandises, prestation de services, et la prise de participations dans toutes sociétés commerciales. Elle a pour filiales les sociétés Yves Saint Laurent, Balenciaga et Yves Saint Laurent Parfums (ci-après dénommées " le groupe Kering ")

La société Yves Saint Laurent a pour activités la conception, la production, la réalisation, la vente et l'achat sous toutes leurs formes de vêtements et de tous accessoires vestimentaires dits " de haute couture " et toutes activité annexes, comprenant l'organisation et l'exploitation de tous spectacles ou expositions.

La société Balenciaga a pour activité la prestation de service dans le domaine de luxe.

La société Yves Saint Laurent Parfums a pour activité la fabrication, la vente de parfums et de produits de toilette, articles de parfumerie, ainsi que l'importation et l'exportation se rapportant auxdits objets.

Entre 2001 et 2017, la société Brandstorming a assuré la gestion et la défense des droits de propriété intellectuelle des sociétés Yves Saint Laurent et Balenciaga.

En juin 2014, le groupe Kering a lancé un processus de réorganisation générale de la gestion des droits de propriété intellectuelle, au terme duquel il a confié la gestion de ses droits de propriété intellectuelle à la société Santarelli.

Par lettre du 26 octobre 2015, la société Kering a confirmé à la société Brandstorming qu'elle-même et les maisons Yves Saint Laurent et Balenciaga transféraient au Cabinet Santarelli la gestion du portefeuille de marques, la gestion des oppositions portant sur le portefeuille de marques, à l'exception de certains dossiers complexes à voir au cas par cas, tel le dossier Binlu d'Yves Saint Laurent et, enfin, la gestion du portefeuille de dessins et modèles.

Il était précisé dans cette lettre que des missions pourraient continuer à être confiées à la société Brandstorming, au cas par cas et sans exclusivité :

- s'agissant du copyright : pour chacun des défilés et présentations dites showroom ;

- pour des missions de conseil en propriété intellectuelle ;

- pour la surveillance douanière en Europe ;

- pour la veille sur les produits, les collections et les campagnes des concurrents et des marques dites de " fast fashion ".

Les relations ne s'étant pas poursuivies pour autant entre les sociétés du groupe Kering et la société Brandstorming, celle-ci s'estime victime de rupture brutale des relations commerciales établies ; elle a mis en demeure le groupe Kering de l'indemniser de son préjudice, par lettre du 24 juillet 2017.

Par lettres du 6 octobre 2017, les sociétés Yves Saint Laurent et Balenciaga ont mis un terme, à effet au 30 novembre 2017, au mandat de la société Brandstorming pour toutes les missions que celle-ci assurait encore pour leur compte.

Par acte extrajudiciaire du 13 décembre 2017, la société Brandstorming a assigné en responsabilité les sociétés Kering, Saint Laurent, Balenciaga, et Yves Saint Laurent Parfums devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce et sur celui pris de la mauvaise foi contractuelle.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 16 avril 2018, a :

- condamné la SAS Yves Saint Laurent à payer, en deniers ou quittances valables, à la SARL Brandstorming, en règlement des factures n° 550/16, 84/17, 164/17, 356/17 et 516/17, la somme de 16 800 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du jour du jugement et, en règlement de la facture n° 465/17, la somme de 8 451 euros TTC majorée de l'indemnité pour frais de recouvrement de 40 euros et des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2017,

- dit qu'il n'y a pas lieu, en l'état, de faire droit à la demande de la SARL Brandstorming en paiement des facture n° 537/17 du 30 septembre 2017 de 7 722 euros TTC et n° 612/17 du 31 octobre 2017 de 3 474,90 euros TTC non dissociables d'autres factures qui ne sont pas dans la cause, l'invitant le cas échéant à la justifier et la reprendre dans le cadre d'une éventuelle instance relative à l'ensemble des dernières factures non réglées,

- débouté la SARL Brandstorming de ses autres demandes en règlement de factures formulées contre les différentes sociétés défenderesses,

- débouté la SARL Brandstorming de ses autres demandes indemnitaires en rapport avec les conditions de rémunération et de facturation comme avec les retards prétendus des règlements,

- débouté la SARL Brandstorming de ses demandes en réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations l'ayant liée aux différentes sociétés défenderesses, fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce inapplicable en l'espèce,

- débouté la SARL Brandstorming de ses demandes tendant à obtenir des dommages-intérêts au titre des investissements réalisés en vain à hauteur de 129 310 euros,

- débouté la SARL Brandstorming de sa demande tendant à obtenir une somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

- débouté la SA Kering, la SAS Yves Saint Laurent, la SA Balenciaga et la SAS Yves Saint Laurent Parfums de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la SARL Bandstorming de sa demande tendant à voir ordonner la publication du jugement,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement la SA Kering, la SAS Yves Saint Laurent, la SA Balenciaga et la SAS Yves Saint Laurent Parfums aux dépens.

La société Brandstorming a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 juin 2018.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 29 octobre 2019, la société Brandstorming demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

Vu l'article 1104 du Code civil,

Vu l'article 2004 du Code civil,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a :

Déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires en rapport avec les conditions de rémunération et de facturation comme avec les retards de règlement,

Déboutée de ses demandes en réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations l'ayant liée aux sociétés intimées,

Déboutée de ses demandes tendant à obtenir une somme de 129 310 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à des investissements qu'elle a réalisés en vain,

Déboutée de sa demande tendant à obtenir une somme de 250 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral,

Débouté la société Brandstorming de sa demande en publication du jugement,

Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum sociétés Kering SA, Yves Saint Laurent SAS, Balenciaga SA et Yves Saint Laurent Parfums SAS à lui verser les sommes respectivement de 1 779,97 euros, 15 014,53 euros, 18 637,11 euros, et 678,73 euros au titre des intérêts de retard et pénalités eu égard aux factures payées avec retard, et la somme de 9 600 euros HT en réparation du préjudice lié aux contestations injustifiées et intempestive de ses factures,

- dire que les sociétés Kering SA, Yves Saint Laurent SAS, Balenciaga SA et Yves Saint Laurent Parfums SAS ont manqué au devoir de loyauté présidant les relations contractuelles, au vu de l'article 1104 du Code civil,

En conséquence,

- condamner in solidum sociétés Kering SA, Yves Saint Laurent SAS, Balenciaga SA et Yves Saint Laurent Parfums SAS à lui verser la somme de 129 310 euros HT au titre des investissements qu'elle a réalisés à leur demande en pure perte, au vu de l'article 1104 du Code civil,

En outre,

- à titre principal, dire que les sociétés Kering SA, Yves Saint Laurent SAS, Balenciaga SA et Yves Saint Laurent Parfums SAS ont abusivement et brutalement rompu les relations les liant avec elle, par application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- à titre subsidiaire, dire que les sociétés Kering SA, Yves Saint Laurent SAS, Balenciaga SA et Yves Saint Laurent Parfums SAS ont commis un abus dans la rupture des contrats de mandat qui les liaient avec elle, par application des articles 1104 et 2004 du Code civil,

En conséquence,

- condamner les sociétés défenderesses à lui verser les sommes ci-après précisées, au titre du préjudice que lui a causé la rupture brutale des relations établies :

Yves Saint Laurent : 1 305 894 euros HT,

Balenciaga : 699 361 euros HT,

Kering : 134 955 euros HT,

Yves Saint Laurent Parfums : 31 238 euros HT,

- condamner in solidum les sociétés Kering, Yves Saint Laurent, Balenciaga et Yves Saint Laurent Parfums à lui verser la somme de 250 000 euros au titre de son très important préjudice moral,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans Le Monde, Les Echos et le Financial Times, aux frais exclusifs des sociétés intimées,

En toute hypothèse,

- débouter les intimées de leur appel incident sur leur demande d'indemnisation pour procédure abusive,

- condamner in solidum sociétés Kering, Yves Saint Laurent, Balenciaga et Yves Saint Laurent Parfums à lui verser une somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 4 décembre 2019, les sociétés Kering, Yves

Saint Laurent, Balenciaga et Yves Saint Laurent Parfums demandent à la cour de :

Vu l'article L.441-9 du Code de commerce,

Vu l'ancien article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, devenu 442-1 du Code de commerce,

Vu l'article 1241 du Code civil,

Vu l'article 1343-1 du Code civil,

Vu l'article 2004 du Code civil,

Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Débouté la société Brandstorming de toute demande indemnitaire liée à des délais de paiement ou contestation de facture,

Débouté la société Brandstorming de ses demandes indemnitaires en réparation du préjudice causé par la rupture brutale de relations commerciales établies, l'ancien article 442-6 I, 5° du Code de commerce étant inapplicable en l'espèce,

Débouté la société Brandstorming de ses demandes tendant à obtenir des dommages et intérêts au titre d'investissements réalisés en vain à hauteur de 129 310 euros,

Débouté la société Brandstorming de sa demande tendant à obtenir une somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Débouté les sociétés concluantes de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

- dire que les sociétés concluantes n'ont commis aucune faute ou abus en mettant un terme à leur relation avec la société Brandstorming et que la société Brandstorming n'a subi aucun préjudice indemnisable à ce titre,

- dire que les demandes indemnitaires formées par la société Brandstorming au visa de l'article 1104 du Code civil sont mal fondées,

En conséquence,

- débouter la société Brandstorming de toutes ses demandes,

- condamner la société Brandstorming à leur payer la somme d'un euro pour procédure abusive ;

- condamner la société Brandstorming à payer solidairement aux sociétés concluantes la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Brandstorming aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur l'indemnisation des retards de paiement et les pénalités

Réclamant au titre de l'indemnisation de retards de paiements 18 637,11 euros à la SAS Yves Saint Laurent (y compris Luxury Goods International, dite LGI), 15 014,53 euros à la SA Balenciaga, 1 779,97 euros à la SA Kering SA et 678,73 euros à la SAS Yves Saint Laurent Parfums, la SARL Brandstorming soutient que bien que les factures émises par elle aient été payables à réception et malgré de nombreuses relances pour impayés, les sociétés intimées - outre la société LGI dont la SAS Saint Laurent se chargeait du règlement des factures - se sont rendues coupables à son égard d'importants retards dans les délais de paiement de ces factures et ont ainsi commis des fautes dans l'exécution de leurs obligations de paiement.

Elle conteste le fait que le conseil de la société Brandstorming aurait indiqué à l'audience du tribunal de commerce que les factures étaient généralement payées à 60 jours.

Elle se fonde sur le tableau de calcul des intérêts de retard et pénalités qu'elle produit (sa pièce n° 81), dont elle affirme qu'il recense chacune de ses factures à l'adresse des intimées avec l'indication de la date de règlement, et donc le délai de paiement, et qu'il a été réalisé " suite à l'extraction de l'ensemble des écritures comptables, des comptes clients des sociétés du groupe Kering, en format Excel, sur les toutes dernières années 2014, 2015, 2016 et 2017 avec un classement par année au cours de laquelle le règlement est intervenu ".

Elle indique avoir ainsi mis en évidence les retards de paiement allégués, et surtout les retards de paiement excessifs dont elle a été victime, allant jusqu'à plus de 200 jours.

Elle affirme ainsi sur la foi du tableau comptable que les intimées payaient en moyenne, en 2017, à 148 jours pour la SAS Kering, à 51 jours pour la SAS Yves Saint Laurent (7646 jours/150 factures), à 69 jours pour la SA Balenciaga (8201 jours/119 factures) et à 154 jours pour la société suisse Luxury Goods International (LGI) (1386 jours/6 factures).

Elle expose que ces retards de paiement lui ont causé des problèmes de trésorerie dès lors que son chiffre d'affaires était en grande partie réalisé avec les sociétés intimées.

Elle sollicite en conséquence l'allocation d'intérêts de retard correspondant à trois fois le taux légal ainsi que des pénalités de retard de 40 euros par facture, en indemnisation de ses problèmes de trésorerie et du temps passé à procéder aux nombreuses relances qui ont été nécessaires.

Toutefois, la cour relève, en présence des contestations de preuve élevées par les sociétés intimées, que les tableaux constituant la pièce n° 81 de l'appelante, par laquelle celle-ci entend démontrer les créances qu'elle allègue et qui, outre le tableau de synthèse, recensent prétendument chacune de ses factures à l'adresse des intimées, avec l'indication de la date de règlement et du délai de paiement, ne sont ni signés ni corroborés d'aucune sorte par un homme de l'art indépendant, de sorte qu'ils doivent être tenus pour avoir été établis par l'appelante elle-même.

Or, les factures ainsi prétendument recensées ne sont nullement produites, ce qui prive les intimées de discuter la base même des calculs de l'appelante et, partant, empêche la cour de se livrer aux vérifications permettant de s'assurer de la certitude des créances alléguées.

L'appelante invoque d'autres pièces à l'appui de sa demande, à savoir essentiellement :

- sa pièce n° 146, qu'elle décrit ainsi : " Exemples de factures, accompagnées de la preuve du règlement, démontrant les délais de paiement avec lesquels les sociétés du groupe Kering payaient les factures " mais qui est lacunaire en ce qu'elle ne contient qu'une faible partie des factures alléguées ;

- sa pièce n° 125, décrite comme des exemples de factures qu'elle a émises depuis 2001, mais qui sont toutes antérieures à la période 2014-2017 ;

- ses pièces n° 71 bis, 35 et 142, consistant en des échanges de courriels relatifs à des difficultés de l'appelante à se faire régler certaines prestations, qui tendent à mettre en évidence le caractère contesté de certaines factures, ou encore des lettres de relances pour obtenir certains paiements ;

- sa pièce n° 33, un audit interne sans rapport direct avec les créances alléguées ;

- sa pièce n° 55, une lettre précontentieuse adressée par son conseil au président directeur général de Kering, sans rapport direct non plus avec les créances alléguées au titre des retards de paiement.

Il en résulte que l'appelante ne satisfait pas à son obligation de prouver conformément à la loi les faits utiles au succès de sa prétention.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande au titre des intérêts de retard et pénalités.

Sur la demande de 9 600 euros en réparation du préjudice lié aux contestations injustifiées et intempestive de ses factures

La société Brandstorming soutient que la contestation injustifiée et de surcroît intempestive de factures " alors même que le mode de calcul de la rémunération était convenu entre les parties " constitue un manquement grave au devoir de bonne foi dont chacun des cocontractants doit être animé vis-à-vis de son partenaire, en vertu de l'article 1134 devenu l'article 1104 du Code civil.

Elle affirme que depuis l'annonce en juin 2014 par le Directeur Juridique du groupe Kering de son projet de réorganisation des activités propriété intellectuelle du groupe, les factures émises par elle étaient systématiquement contestées de façon injustifiée par les sociétés du groupe Kering.

Le groupe Kering a ainsi, selon elle, commis un abus caractérisé à son égard, qui l'a obligée à passer du temps en pure perte pour répondre à ces contestations.

Elle évalue cette perte de temps à 30 heures de travail, soit la somme de 9 600 euros.

Les sociétés Kering, Yves Saint Laurent, Balenciaga, et Yves Saint Laurent Parfums répondent qu'aucune faute ne saurait leur être reprochée sur le fait d'avoir interrogé leurs prestataires sur les factures émises.

Elles reprochent au contraire à la société Brandstorming de s'être livrée à des facturations obscures nécessitant des précisions.

La cour relève sur ce point que par des dispositions non critiquées du jugement entrepris, par conséquent définitives, la SAS Yves Saint Laurent a été condamnée à payer à la société Brandstorming 16 800 euros en principal, outre 8 451 euros, correspondant à 6 factures seulement, le surplus des demandes en paiement de 3 autres factures ayant été rejeté, tandis que toute autre demande au titre des factures dirigées contre toute autre société intimée a été également rejetée.

Dans le cadre du présent appel, il résulte de ce qui précède que les retards systématiques de paiement de factures, tels qu'allégués à l'appui de la demande au titre de l'abus, ne sont pas davantage établis.

Si la société Brandstorming, au titre de sa pièce n° 94, évalue à 30 heures le temps passé à répondre aux contestations intempestives des directrices juridiques de sociétés Yves Saint Laurent et Balenciaga et à les relancer pendant des mois, malgré les tarifs préférentiels qu'elle prétend avoir pratiqués après le transfert de la gestion, il incombe à l'appelante de démontrer un abus du droit de contester, ce qui requiert de prouver l'intention malicieuse ou la légèreté blâmable.

Or, un tel abus n'est pas démontré en ce qu'il n'est pas établi en l'espèce que les contestations en cause aient été formées par des donneurs d'ordre de mauvaise foi qui n'auraient pas eu matière à discuter le mode facturation qui venait de changer.

Il n'est pas établi, en particulier, que ces donneurs d'ordre auraient préalablement reçu du prestataire toutes les informations leur ayant permis de comprendre les facturations et, par suite, de vérifier que le mode de facturation avait été appliqué selon les accords des parties et selon la réalité du travail fourni.

Les échanges de courriels produits entre Mmes X et Y, notamment en mars 2016, septembre et octobre 2016, novembre et décembre 2016 attestent de véritables incompréhensions de la part du donneur d'ordre.

Par conséquent, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté de la demande formée à ce titre.

Sur l'applicabilité de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce

La société Brandstorming soutient que si les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce précisent que l'auteur de la rupture dont la responsabilité est susceptible d'être engagée doit être " producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ", elles n'énoncent aucune exigence en ce qui concerne la qualité de la victime.

Elle expose que la relation en cause est bien une " relation commerciale " au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code commerce dans la mesure où la notion de " relation commerciale " visée par le texte ne s'identifie pas à la notion d'acte de commerce et peut être ainsi appliquée à des relations de nature civile (pour la victime).

Elle fait valoir que l'article L. 422-12 du Code de la propriété intellectuelle ne dispose aucunement que la relation nouée entre le conseil en propriété industrielle et son client ne pourrait être qualifiée de commerciale, mais uniquement que le conseil en propriété industrielle ne peut, en sus ou à côté de son activité de conseil en propriété industrielle, exercer, directement ou indirectement, " toute activité de caractère commercial ".

Elle souligne qu'en toute hypothèse, dans la mesure où l'article L. 442-6 I 5° du Code commerce a été appliqué à plusieurs reprises à des relations purement civiles, reconnaissant en particulier la qualité de victime à l'architecte, la question de l'incompatibilité du statut de la victime avec toute activité commerciale est nécessairement inopérante.

Elle estime par ailleurs que la société Brandstorming revêt la qualité de partenaire commercial, puisqu'elle est un agent économique opérant dans le cadre d'une relation d'affaires.

Elle fait valoir que la société Brandstorming a pu se constituer en société commerciale et qu'elle est désormais autorisée, depuis la loi dite " Macron " du 8 août 2015 et le décret du 22 avril 2016, à faire de la publicité, pratique commerciale par excellence.

Elle en déduit qu'il est artificiel sur un plan économique et, surtout, contraire tant à la lettre et à l'esprit de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce, d'exclure les conseils en propriété industrielle du bénéfice de ces dispositions, dès lors qu'il serait désormais illusoire et erroné de considérer que les sociétés de conseil en propriété industrielle ne lieraient avec leurs clients aucune relation de nature commerciale, d'autant que même les avocats, depuis un décret du 29 juin 2016, ne sont plus soumis à l'impossibilité d'exercer toute autre activité à caractère commercial, puisqu'ils sont désormais autorisés à le faire à titre accessoire.

Les sociétés Kering, Yves Saint Laurent, Balenciaga, et Yves Saint Laurent Parfums, soutiennent au contraire que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sont inapplicables, au moyen que la profession exercée par la société Brandstorming est incompatible avec toute activité commerciale. Par conséquent, la société Brandstorming ne peut se prévaloir de telles dispositions et solliciter une indemnisation à ce titre à l'encontre de son mandant, qui est libre de mettre un terme à son mandat civil quand il le souhaite sauf abus de droit.

La cour rappelle, d'une part, que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce protège les partenaires de relations commerciales et, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 422-12 du Code de la propriété intellectuelle, la profession de conseil en propriété industrielle est incompatible avec toute activité de caractère commercial.

Il s'en déduit que si cette profession peut, par exemple, être exercée sous forme de société commerciale, voire être désormais autorisée à faire de la publicité, ces facultés, dont aucune ne constitue d'ailleurs un critère de commercialité de l'activité exercée, ne permettent pas de déroger à cette incompatibilité.

L'activité de conseil en propriété industrielle n'est donc pas une activité commerciale et la société Brandstorming n'entretenait donc de relation commerciale avec aucune des sociétés intimées.

Par conséquent, le tribunal de commerce doit être approuvé d'avoir dit que les conditions d'application de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce n'étaient pas réunies.

Sur la révocation abusive des mandats

La société Brandstorming soutient, à titre subsidiaire, que dans le cas où la brutalité de la rupture ne serait pas indemnisable sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, les sociétés intimées ont commis, à tout le moins, un abus de droit dans la rupture des mandats les liant à la société Brandstorming en rompant sans préavis et dans des circonstances vexatoires, toutes conditions sanctionnables, selon elle, sur le fondement des articles 1104 et 2004 du Code civil.

Elle expose en ce sens que chacune des ruptures opérées a été à la fois brutale, au regard de l'absence de préavis suffisant ' et vexatoire, eu égard aux circonstances dans lesquelles ces ruptures sont intervenues l'une après l'autre, et ce de manière injustifiée.

Elle réclame, au regard de la durée de la collaboration, de l'importance du volume des relations entre les parties avec la gestion de plusieurs milliers de dossiers, de l'équipe de 6 personnes dédiées aux sociétés du groupe Kering pendant une quinzaine d'années et la dépendance économique, les mêmes sommes que celles réclamées sur le fondement de la rupture brutale de relations commerciales établies.

Les sociétés Kering, Yves Saint Laurent, Balenciaga, et Yves Saint Laurent Parfums répondent qu'elles étaient, en tant que mandantes, libres de révoquer le mandat à tout moment, sans besoin de justifier d'une faute de la société Brandstorming pour mettre un terme à son mandat.

Elles exposent que ces ruptures ont été réalisées dans des conditions respectueuses et sans abus.

Elles font valoir que société Brandstorming a été informée très tôt de la réorganisation de la gestion de la propriété intellectuelle du groupe et a été mise en position de présenter, à maintes reprises, diverses offres de collaboration qui lui auraient permis de poursuivre des mandats de conseil en propriété intellectuelle.

La cour rappelle que ce n'est pas parce que le groupe Kering s'est engagé à l'égard du cabinet Santarelli pour une durée de cinq années que, pour autant, cela affecte l'appréciation des circonstances de la rupture des mandats qui avaient été confiés à la société Brandstorming.

En effet, la preuve n'est pas rapportée d'une quelconque stipulation de durée de mandat en vigueur à la date des révocations, ce en dépit d'une attestation de 2001 de la directrice générale de la SAS Yves Saint Laurent faisant état d'une convention initiale " d'une durée de deux années, renouvelable ".

Les mandats en cause étant donc à durée indéterminée, et s'agissant pour la cour de rechercher si, en l'espèce, la société Brandstorming est fondée ou non à se prévaloir de circonstances de révocation abusives ou vexatoires, il sera retenu ce qui suit.

Il n'est pas établi que les sociétés intimées auraient fait croire à l'appelante que des perspectives de poursuite de missions existaient alors qu'en réalité le contrat signé avec Santarelli aurait rendu ces perspectives illusoires.

En effet, si un contrat a bien été signé entre les sociétés Santarelli et Kering, cette dernière ayant accepté en date du 3 juillet 2014, la cour ne peut s'assurer du contenu de ce contrat qui n'est produit que partiellement (pages 1 et 21), alors qu'il est rédigé en anglais et n'a pas été traduit (pièce appelante n° 122).

En revanche, il est établi, non seulement que le contrat était toujours en phase de négociation jusqu'au 3 juillet 2014 et qu'une réunion de travail a eu lieu le 24 juillet 2014 entre la société Kering et la société Bandstorming, au cours de laquelle a été discutée l'articulation du nouveau contrat signé avec la société Santarelli et les perspectives de nouvelles missions envisagées pour la société Brandstrorming.

Rien ne prouve que n'ait pas été sincère l'offre faite à cette époque par la société Kering à la société Brandstorming d'entrer en négociation pour lui confier de nouvelles missions distinctes de celles qui avaient été dévolues à la société Santarelli pour les portefeuilles Balenciaga et Yves Saint Laurent et susceptibles de porter sur toutes les marques du groupe.

Il est également constant que la société Brandstorming avait été mise au courant dès le mois de juin 2014 de la nouvelle politique du groupe ayant conduit à transférer à la société Santarelli la gestion des portefeuilles de marques et modèles jusqu'alors assurée par l'appelante.

Il ne se peut tirer aucune conséquence de ce que le 13 juin 2014, l'appelante avait transmis à la direction juridique de Kering un premier projet de contrat qui n'a pas convenu.

Il ne se peut tirer aucune conséquence non plus que la société Kering n'ait pas validé le travail préparatoire de l'appelante pour constituer une base dite " DAM " (Digital Asset Management), l'appelante soulignant elle-même que si un tel outil lui est apparu indispensable, " aucun groupe ne dispose d'une telle banque d'images à l'échelle du groupe entier ".

La société Brandstorming ne soutient pas valablement (ses conclusions page 25 §38) que M. Z, de la société Kering, aurait écrit par courriel du 16 septembre 2014 qu'à cette date le contrat avec la société Santarelli était toujours en négociation (sa pièce n°118) ; c'est précisément le contraire qui est mentionné :

" a) notre réunion du 24 juillet tenue avec Mme Y chez Kering [a] permis beaucoup d'éclaircissements et de pouvoir travailler, je l'espère à un projet d'accord à long terme du groupe avec votre Cabinet, sur les aspects autres que ceux confiés, d'ores et déjà, au Cabinet Santarelli et qui portent sur une exclusivité des prestations de portfolio management en matière de marques et dessins et modèles, avec un principe de substitution de votre Cabinet concernant les portefeuilles Saint Laurent et Balenciaga.

Il s'agit d'une nouvelle politique groupe qui vous est connue et vous a été clairement annoncée depuis juin et correspond à un besoin d'amélioration, à tous points de vue et sans que bien évidemment et tout au contraire, la qualité des prestations de Brandstorming, dans ce scope d'activité et au-delà ne soit en cause.

b) il a été proposé à votre Cabinet d'entrer en négociation pour lui confier, pour un temps comparable à l'accord avec la Cabinet Santarelli, un rôle leader d'intervention en matière de copyright et droits d'auteurs (conseil ; recherches ; études et support) auprès de toutes nos marques.

Cette réorientation de votre activité auprès du groupe correspond matériellement à l'extension et au redimensionnement des activités que vous [prêtez] auprès de Saint Laurent et Balenciaga jusqu'à présent et que nous apprécions particulièrement du fait de l'excellence de votre expertise dans les domaines de création de mode et de luxe, tous produits confondus (protection des créations ; inventaires des créations aux défilés ; conseil, veille et surveillance de l'originalité et intégrité de nos créations sur leurs marchés ; assistance contentieuse ou de défense amiable ou précontentieuse ; assistance au contentieux administratif ou tiers en matière de dessins, modèles, droits d'auteur ou copyright).

Votre mail d'aujourd'hui m'apparaît donc excessivement conclusif quant à un accord qui n'en est pas à ce stade même écrit en projet de contrat [...]

L'aspect économique en est notamment totalement absent, alors même que comme je vous l'ai dit, nous sommes désireux pour ajuster l'amplitude et l'ambition de ce qui pourrait être votre mission nouvelle pour le groupe en termes d'apports d'efficacité et de résultats, qu'un accord entre nous permette à votre Cabinet d'y réussir pleinement dans la durée.

Votre mail de ce soir me paraît, permettez-moi d'être comme à l'accoutumée, direct et clair, en retrait sur l'essentiel et matérialisant un retard que nous prenons effectivement sur nos prévisions, en particulier de passation des dossiers à votre confrère et d'activation et montée en puissance effective de votre rôle pour nos marques.

Cela me préoccupe beaucoup car je ne voudrais y lire l'échec de la perspective sur laquelle nous avions précisément échangé depuis juin. [...]

Voici les raisons pour lesquelles il est urgent que nous puissions nous rencontrer sur un projet de contrat de votre part, comme j'avais cru comprendre que nous en avions convenu de la perspective claire et concrète en juillet dernier. Ou que nous évoquions, si telle est votre préférence, d'y renoncer pour ce qui concerne votre Cabinet. "

S'agissant de l'appréciation d'un abus de la rupture de l'ensemble des mandats jusqu'alors confiés à la société Brandstorming et qui ont été transférés à la société Santarelli, ce qui a été valablement précisé au 16 septembre 2014, si l'appelante a adressé un projet de nouveau contrat le 26 septembre 2014, pour d'autres missions, il n'est pas démontré que la société Kering a commis un abus en n'y donnant pas de suite et ce malgré le fait, ainsi qu'en atteste la pièce n° 121 de l'appelante, que la société Kering se soit abstenue de lui communiquer par écrit ses observations sur ce projet de nouveau contrat et ait repoussé à plusieurs reprises des réunions programmées pour en parler.

Aucune conséquence ne peut être tirée de la comparaison faite par la société Brandstorming entre les conditions financières proposées par elle, d'une part, et celles qui ont été accordées à son concurrent, qu'elle juge excessivement lucratives.

En outre, il est également établi qu'après l'annonce de la révocation des mandats les sociétés intimées ont laissé perdurer un flux d'affaires continu substantiel, selon les indications mêmes de la société appelante et son tableau d'honoraires objet de sa pièce n° 96, que ce soit pour :

- la gestion des noms de domaine, pour lesquels le dessaisissement est intervenu le 3 mars 2015 : les honoraires de 2015, dernière année, sont quasi-égaux à ceux de 2014 ;

- la gestion des marques et modèles et oppositions transférées le 1er avril 2016 : les honoraires ont été supérieurs en 2015 à ceux qu'ils ont été en 2014, et ont été substantiels dur le premier trimestre 2016 ;

- le dossier H&M : des honoraires ont été versés jusqu'en 2016, cette dernière année étant supérieure aux deux précédentes ;

- les dossiers " Réseau Binlu " : pour un dessaisissement au 15 décembre 2016 des honoraires ayant été versés jusqu'en 2016, étant observé que nul abus ou circonstance vexatoire n'est établi pour ce qui concerne ce dessaisissement et qu'il est encore prouvé ce fut la société Brandstorming qui a décidé de ce calendrier afin de limiter son éventuelle responsabilité dans le cadre des procédures en cours en Chine (pièce n° 48 des intimées), et ce dès l'annonce de son dessaisissement.

Il n'est pas établi que les courriels échangés entre la société Brandstorming et la SAS Yves Saint Laurent, qui manifestent des désaccords et des remises en question de la manière de travailler de la société Brandstorming, de ses correspondants, ou de ses tarifs aient été vexatoires pour l'appelante, que ce soit en octobre 2016, mars 2016 et mars 2017 ou novembre 2017.

Il n'est pas non plus établi que les retards de paiement ni les contestations de factures aient été vexatoires.

Il n'est pas établi non plus que les sociétés intimées se soient comportées de manière abusive, que ce soit en exerçant des pressions insupportables sur les équipes de l'appelante, en contestant ces tarifs ou en les négociant, en intervenant directement sans son accord dans les relations entre la société Brandstorming, en exigeant des mises à jour de dossiers, y compris dans des dossiers prétendument transférés.

Si la société Brandstorming allègue avoir été victime d'un pillage auprès de ses correspondants, elle ne l'établit pas.

Les dessaisissements successifs, opérés à compter d'une lettre officielle du 26 octobre 2015, ne sont, pour l'essentiel, que la conséquence de la décision stratégique du groupe Kering qui n'est pas critiquable en elle-même et, pour certains contrats particuliers tels le dossier Binlu d'Yves Saint Laurent, comme pour l'échec des négociations pour de nouvelles missions, par la dégradation des relations entre les parties, qui n'est imputable ni à un abus ni à une attitude vexatoire de la part du groupe Kering.

Sur la demande d'indemnisation d'un préjudice matériel à hauteur de 129 310 euros et d'un préjudice moral à hauteur de 250 000 euros

La demande au titre du préjudice matériel, destinée à compenser des prétendus investissements réalisés à la demande des intimés, est fondée sur le manquement de celles-ci à leur obligation de bonne foi contractuelle ayant entraîné, selon le moyen soutenu, la société Brandstorming, à conduire un travail inutile pour répondre aux sollicitations des intimées, alors que l'appelante aurait été maintenue de mauvaise foi dans la croyance erronée qu'elle allait pouvoir continuer à travailler avec le groupe Kering.

Toutefois, la circonstance que les sociétés Yves Saint Laurent et Balenciaga aient provisionné une certaine somme dans leurs comptes eu égard au présent litige ne constitue nullement l'aveu d'un fait conduisant à retenir leur responsabilité.

En outre, ainsi qu'il a été dit, la preuve de l'attitude mensongère alléguée du groupe Kering dans l'exécution des relations contractuelles existant au moment où il a été proposé à l'appelante de faire une offre de contrat pour de nouvelles missions n'est nullement rapportée.

Il n'est pas établi que la société Kering ait, de mauvaise foi, sollicité un plan stratégique de protection du patrimoine créatif ayant conduit au projet de contrat du 26 septembre 2014.

Il n'est pas établi que les investissements en vue de concevoir la DAM ni, malgré les courriels invoqués établis par la société Brandstorming, pour élaborer un " term sheet " en décembre 2015 aient été sollicités par la société Kering.

La société appelante affirme sans le prouver que la mauvaise foi des sociétés intimées a causé la mise en place par ses soins d'une " base de données customisée intégrant toutes les affaires de contrefaçon accessibles à distance ".

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Brandstorming de ce chef de demande.

S'agissant de la demande au titre du préjudice moral, il convient également de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Brandstorming de cette demande.

En effet, outre les motifs déjà indiqués, il convient d'ajouter que la réalité du préjudice moral allégué n'est nullement établie s'agissant :

- de l'abus non établi de négociation ou de contestation des honoraires ;

- de la prétendue décrédibilisation fautive ou du dénigrement, non établis, du travail de l'appelante ;

- de la multiplication des impayés par l'effet d'une mauvaise foi non établie ;

- des sollicitations à bref délais malgré l'absence d'urgence réelle, par l'effet d'une mauvaise foi non établie ;

- du ton inacceptable prétendu mais non démontré des courriels ;

- des prétendues mises en cause injustifiées du travail de l'appelante par la SAS Yves Saint Laurent, dont le caractère fautif n'est nullement établi ;

- du fait des prétendus agissements inappropriés et non prouvés de Mme Y ainsi que d'une " cascade de collaborateurs " de celle-ci ;

- du mode de communication des notifications de dessaisissement, que ce soit par des collaborateurs de directeurs juridiques au lieu des directeurs eux-mêmes ou par des correspondants étrangers (surveillance douanière et Jeanne Heller) ;

- du dénigrement non établi prétendument causé auprès du directeur de la propriété intellectuelle du groupe Kering par l'équipe de la direction juridique de la SAS Yves saint Laurent aux fins de justifier de la démarche visant à la dessaisir au profit de la société REACT s'agissant de la lutte contre la contrefaçon ;

- des conditions de la rupture concernant la lutte anti-contrefaçon pour laquelle le préavis annoncé n'aurait pas été respecté ; en réalité nul préjudice moral n'a pu résulter du fait que la SAS Yves Saint Laurent ait décidé en juin 2017, dans le cadre du dessaisissement et alors que la décision avait été prise de recourir pour l'avenir à la société REACT, de ne pas donner instruction à l'appelante pour s'engager avec effet au-delà du transfert avec un de ses correspondant en Russie et en Bulgarie pour la surveillance douanière dans ces pays ;

- des conditions dans lesquelles la société Balenciaga, dans le cadre du dessaisissement, a décidé de traiter en interne le dépôt de collection Femme SS2018, comme indiqué à l'appelante par courriel du mois de novembre 2017 ; en réalité, ce choix du donneur d'ordre engageait la période postérieure au transfert ;

- des conditions dans lesquelles la société Balenciaga a traité en direct avec le correspondant américain Collen IP de l'appelante et s'est enquis auprès de l'appelante du sort des factures de ce prestataire ; en réalité ce fut la SAS Yves Saint Laurent et non la SA Balenciaga qui avait indiqué qu'elle n'allait pas recourir aux correspondants de l'appelante ;

- de l'absence de reconnaissance et de remerciements pour le travail accompli pour les besoins du dessaisissement dans l'intérêt des sociétés du groupe Kering.

Sur la procédure abusive

La société Brandstorming, malgré les erreurs qu'elle a commises sur ses droits, ne peut se voir imputer en l'espèce d'avoir agi par intention de nuire, légèreté blâmable ou toute autre attitude caractérisant un abus du droit d'ester en justice.

Les sociétés intimées seront donc déboutées de leurs demandes en dommages-intérêts à ce titre.

Sur la confirmation du jugement entrepris

Le jugement entrepris ayant exactement statué en toutes ses dispositions, y compris les dépens et les frais, il sera entièrement confirmé.

Sur les frais en appel

Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, elle conservera la charge de ses dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu à indemnité de procédure en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant dans les limites de l'appel, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute la SARL Brandstorming de toutes ses demandes, Déboute les sociétés Kering, Yves Saint Laurent, Balenciaga et Yves Saint Laurent Parfums de leur demande reconventionnelle, Dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel par elle exposés, Dit n'y avoir lieu en appel à indemnité de procédure en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande.