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Décisions

TUE, 9e ch., 12 mars 2020, n° T-531/18

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LL-Carpenter s. r. o.

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gervasoni

Juges :

Mme Kowalik Banczyk, M. Mac Eochaidh (rapporteur)

Avocat :

Me Nedelka

TUE n° T-531/18

12 mars 2020

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

Antécédents du litige

1 La requérante, LL Carpenter s. r. o., est une entreprise tchèque faisant office d'intermédiaire indépendant pour l'achat à l'étranger de véhicules automobiles des marques Subaru et Daihatsu, pour le compte de clients finaux en République tchèque. La requérante exerce également une activité de réparateur indépendant pour les véhicules de ces mêmes marques en République tchèque. À ces fins, la requérante exploite notamment un hall d'exposition à Prague (République tchèque).

2 La requérante a déposé une plainte (ci-après la " première plainte ") auprès de l'Úrad pro ochranu hospodárské souteže (autorité tchèque de la concurrence, ci-après l'" ÚOHS "), parvenue à cette dernière le 19 mai 2010, concernant trois pratiques qui auraient prétendument été mises en œuvre par la société Subaru CR, s.r.o. (ci-après " Subaru CZ ") et qui seraient contraires au droit de la concurrence tchèque et de l'Union européenne.

3 La première pratique dénoncée dans la première plainte était relative au fait que Subaru CZ, en tant qu'importateur exclusif des véhicules de la marque Subaru en République tchèque, aurait prétendument rejeté la demande de la requérante d'intégrer son réseau de distribution agréée en République tchèque.

4 La deuxième pratique dénoncée dans la première plainte était relative au fait que les distributeurs agréés du réseau de Subaru CZ auraient prétendument refusé de fournir leurs services de garantie prolongée aux clients ayant acheté leur véhicule par l'intermédiaire de la requérante.

5 La troisième pratique dénoncée dans la première plainte était relative au fait que Subaru CZ aurait prétendument refusé de livrer à la requérante des pièces de rechange pour les véhicules de la marque Subaru et ne lui aurait prétendument pas fourni certaines informations techniques nécessaires à la vente et au service après-vente de ces véhicules.

6 Le 6 septembre 2012, la requérante a déposé une seconde plainte (ci-après la " seconde plainte ") auprès de la Commission européenne concernant cinq pratiques mises en œuvre par plusieurs entreprises, dans le domaine de la distribution de véhicules automobiles, qu'elle considérait comme contraires aux articles 101 et 102 TFUE.

7 Les entreprises concernées par la seconde plainte étaient les entreprises suivantes : d'une part, Subaru Europe NV/SA (ci-après " Subaru "), sa société-mère Fuji Heavy Industries (ci-après " FHI ") et ses filiales Subaru Benelux et Subaru Italia et, d'autre part, Subaru CZ, Subaru Germany (ci-après " Subaru DE ") et Subaru Nordic. Subaru CZ et Subaru DE ne font pas partie du groupe FHI/Subaru, mais sont des filiales de l'entreprise Emil Frey AG. Subaru Nordic est, quant à elle, une filiale de IM Group Ltd.

8 La première pratique dénoncée dans la seconde plainte était relative au fait que Subaru CZ, en tant qu'importateur exclusif des véhicules de la marque Subaru en République tchèque, aurait rejeté la demande de la requérante d'être agréée en tant que distributrice de véhicules automobiles de la marque Subaru en République tchèque. Selon la requérante, les accords conclus entre Subaru CZ et ses distributeurs agréés constitueraient des " accords interdits " au sens de l'article 101 TFUE.

9 La deuxième pratique dénoncée dans la seconde plainte était relative au fait que Subaru CZ, Subaru DE, Subaru Italia, Subaru Nordic, Emil Frey AG et FHI entraveraient l'activité des intermédiaires, tels que la requérante, en agissant, de manière concertée, pour faire pression sur les distributeurs agréés de véhicules automobiles de la marque Subaru situés en dehors de la République tchèque pour qu'ils ne vendent pas de véhicules Subaru à des clients situés en République tchèque et qui utiliseraient les services d'intermédiaires, tels que la requérante. Selon la requérante, un tel comportement serait contraire à l'article 101 TFUE.

10 La troisième pratique dénoncée dans la seconde plainte était relative au fait que Subaru CZ, Subaru DE, Subaru Nordic et Subaru Benelux coordonneraient leurs prix de vente en Lituanie, au Danemark, en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en République tchèque, avec l'accord de FHI. Selon la requérante, un tel comportement serait contraire à l'article 101 TFUE.

11 La quatrième pratique dénoncée dans la seconde plainte était relative au fait que, en Allemagne et en République tchèque, les distributeurs agréés qui appartiennent au réseau de Subaru CZ et Subaru DE refuseraient de proposer leurs services de garantie prolongée aux clients ayant acheté leur véhicule Subaru par l'intermédiaire de la requérante. Selon cette dernière, un tel comportement serait contraire à l'article 101 TFUE.

12 La cinquième pratique dénoncée dans la seconde plainte était relative au fait que Subaru CZ ne livrerait pas de pièces de rechange pour les véhicules automobiles de la marque Subaru et ne fournirait pas les informations techniques nécessaires à la vente et au service après-vente de ces véhicules ni à la requérante, ni aux autres intermédiaires, ni aux clients finaux. Selon la requérante, un tel comportement serait contraire aux articles 101 et 102 TFUE.

13 À la suite du dépôt de la seconde plainte, la requérante a présenté, à plusieurs reprises, des observations visant à compléter sa plainte.

14 Le 4 juin 2013, la Commission a envoyé une version de la seconde plainte, expurgée des données confidentielles, à Subaru, laquelle a présenté ses observations le 12 juillet 2013, dans lesquelles elle réfutait les allégations de la requérante.

15 Par lettre du 11 décembre 2014 (ci-après la " lettre du 11 décembre 2014 "), l'ÚOHS a informé la requérante qu'elle mettait fin à l'enquête procédant de la première plainte au motif que les informations dont elle disposait ne lui permettaient pas de conclure à l'existence d'une infraction au droit de la concurrence tchèque ni non plus à celui de l'Union.

16 Par lettre du 16 mars 2015, la Commission a informé la requérante qu'elle avait l'intention de rejeter l'ensemble des allégations formulées par la requérante dans la seconde plainte, en application de l'article 7 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission, en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18 à 24).

17 Le 14 mai 2015, la requérante a transmis à la Commission ses observations en réponse à la lettre du 16 mars 2015. Dans lesdites observations, elle y dénonçait également, pour la première fois, une sixième pratique prétendument anticoncurrentielle en ce que Subaru Nordic entravait le commerce parallèle des véhicules automobiles de la marque Subaru, en violation de l'article 101 TFUE.

18 Par lettre du 18 décembre 2015 (ci-après la " lettre du 18 décembre 2015 "), la Commission a informé la requérante qu'elle avait l'intention de rejeter, en vertu de l'article 13 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), les allégations visées aux points 8, 11 (pour les pratiques mises en œuvre en République tchèque) et 12 ci-dessus, dans la mesure où l'ÚOHS s'était déjà prononcée à leur sujet.

19 Le 22 février 2016, la requérante a transmis à la Commission ses observations en réponse à la lettre du 18 décembre 2015. Dans lesdites observations, elle y dénonçait également, pour la première fois, une septième pratique prétendument anticoncurrentielle en ce que Subaru Nordic entravait le commerce parallèle en surveillant la vente de véhicules par ses distributeurs agréés du Danemark vers les autres pays.

20 Le 29 septembre 2016, la requérante a transmis à la Commission des observations complémentaires sur les allégations résumées aux points 8, 11 (pour les pratiques mises en œuvre en République tchèque) et 12 ci-dessus.

21 Par lettre du 26 juillet 2017, la Commission a informé la requérante qu'elle avait l'intention de rejeter, en application de l'article 7 du règlement n° 773/2004, les allégations supplémentaires exposées pour la première fois le 14 mai 2015 et le 22 février 2016.

22 Le 14 novembre 2017, la requérante a transmis à la Commission ses observations en réponse à la lettre du 26 juillet 2017.

23 Par la décision C(2018) 4138 final de la Commission du 26 juin 2018 (ci-après la " décision attaquée "), la Commission a rejeté la seconde plainte, en application de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004.

Procédure et conclusions des parties

24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er septembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

25 Le 27 novembre 2018, la Commission a produit le mémoire en défense.

26 Le 28 novembre 2018, la requérante a transmis au greffe du Tribunal un courriel dans lequel elle déclarait s'opposer à la publication de la décision attaquée.

27 Par décision du 20 décembre 2018, le Tribunal a décidé, conformément à l'article 83, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, qu'un deuxième échange de mémoire n'était pas nécessaire.

28 Le 11 janvier 2019, la requérante a sollicité, en substance, au titre des mesures d'instruction visées à l'article 91 du règlement de procédure, l'audition comme témoin de son gérant.

29 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 mars 2019, la requérante a demandé la prorogation du délai pour présenter la demande d'audience de plaidoiries.

30 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d'ouvrir la phase orale de la procédure.

31 Par lettre du 31 mai 2019, la requérante a demandé le report de l'audience fixée au 26 juin 2019. Le 13 juin 2019, le président de la neuvième chambre du Tribunal a accueilli cette demande et a décidé de reporter l'audience au 23 septembre 2019.

32 Le 11 juin 2019, la requérante a présenté une demande tendant à ce que l'audience soit tenue à huis clos, laquelle demande a été rejetée par le Tribunal le 24 juillet 2019.

33 Le 27 juin 2019, la Commission a présenté une demande tendant à la possibilité, lors de l'audience, le cas échéant, de répondre à des questions du Tribunal en anglais ou en français, laquelle demande a été rejetée par le Tribunal le 24 juillet 2019, au motif qu'une dérogation au régime linguistique ne pouvait être autorisée par le Tribunal en l'absence de demande conjointe des parties, conformément à l'article 45, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

34 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l'audience du 23 septembre 2019.

35 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée ;

- condamner la Commission aux dépens.

36 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur les conclusions en annulation

37 À l'appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens, tirés, premièrement, de ce que la Commission a rejeté, à tort, la seconde plainte et, deuxièmement, d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée. En outre, elle invoque une violation de certains de ses droits procéduraux.

Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a rejeté, à tort, la seconde plainte

38 Ce moyen peut être analysé comme comportant deux branches, dans la mesure où la requérante soutient que la Commission a rejeté, à tort, la seconde plainte, d'une part, en ce qui concerne les première, quatrième (s'agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques et, d'autre part, en ce qui concerne les deuxième, troisième, quatrième (s'agissant de l'Allemagne), sixième et septième pratiques.

- Sur la première branche, tirée de ce que la Commission a rejeté, à tort, la seconde plainte en ce qui concerne les première, quatrième (s'agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques

39 Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante considère que la Commission a rejeté, à tort, la seconde plainte en ce qui concerne les première, quatrième (s'agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques. Elle soutient, par ailleurs, que le considérant 20 du règlement (UE) n° 461/2010 de la Commission, du 27 mai 2010, concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité [FUE] à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile (JO 2010, L 129, p. 52), s'opposait à ce que la Commission se fonde sur l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, dans la mesure où lesdites pratiques étaient de nature à nuire aux consommateurs.

40 La Commission conteste l'argumentation de la requérante.

41 Aux termes de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, lorsqu'une autorité de concurrence d'un État membre ou la Commission est saisie d'une plainte au titre des articles 101 ou 102 TFUE contre un accord, une décision d'association ou une pratique " qui a déjà été traitée par une autre autorité de concurrence ", elle peut la rejeter.

42 Il y a lieu de rappeler que la Commission, investie par l'article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission consistant à veiller à l'application des articles 101 et 102 TFUE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de la concurrence de l'Union et dispose à cet effet d'un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes (voir arrêt du 16 octobre 2013, Vivendi/Commission, T-432/10, non publié, EU:T:2013:538, point 22 et jurisprudence citée). La Cour a également rappelé que l'article 13 et le considérant 18 du règlement n° 1/2003 traduisaient le large pouvoir d'appréciation dont jouissaient les autorités nationales réunies dans le réseau des autorités de concurrence afin d'assurer une attribution optimale des affaires au sein de ce dernier (arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C-17/10, EU:C:2012:72, point 90). Compte tenu du rôle attribué à la Commission par le traité FUE pour définir et mettre en œuvre la politique de la concurrence, la Commission dispose, ainsi, d'une large marge d'appréciation lorsqu'elle applique l'article 13 du règlement n° 1/2003 (arrêt du 21 janvier 2015, easyJet Airline/Commission, T-355/13, EU:T:2015:36, point 17).

43 À cet égard, il ressort d'une jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation, le respect des garanties conférées par l'ordre juridique de l'Union dans les procédures administratives revêt une importance d'autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figure notamment l'obligation, pour l'institution compétente, d'examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce (voir arrêt du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T-462/04, EU:T:2008:586, point 68 et jurisprudence citée). Toutefois, le contrôle du juge de l'Union sur l'exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu'elle n'est entachée d'aucune erreur de droit, ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T-427/08, EU:T:2010:517, point 65 et jurisprudence citée).

44 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que le considérant 20 du règlement n° 461/2010 ne s'opposait pas à ce que la Commission se fondât, en l'espèce, sur l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

45 En effet, selon ledit considérant, la Commission surveille, de manière continue, l'évolution du secteur automobile et prend les mesures correctrices qui s'imposent si des dysfonctionnements de la concurrence risquant de nuire aux consommateurs se produisaient, soit sur le marché de la distribution de véhicules automobiles neufs, soit sur celui de la vente de pièces de rechange ou des services après-vente des véhicules automobiles. Or, il suffit de constater que ce considérant ne s'oppose pas à ce que les autorités de concurrence nationales, d'une part, soient saisies de plaintes relatives à ces marchés et, d'autre part, prennent, le cas échéant, des mesures correctrices. Par conséquent, afin d'atteindre l'objectif, rappelé au considérant 18 du règlement n° 1/2003, visant à ce que chaque affaire ne soit traitée que par une seule autorité de concurrence, il importe que la Commission puisse, y compris s'agissant de pratiques susceptibles de nuire aux consommateurs dans lesdits marchés, rejeter sur le fondement de l'article 13, paragraphe 2, de ce règlement, les plaintes dont elle aurait été saisie.

46 En deuxième lieu, il convient de noter que la Commission a relevé, à juste titre, au considérant 18 de la décision attaquée, que l'ÚOHS avait " traité " la seconde plainte, en ce qui concerne les première, quatrième (s'agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques, au sens de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

47 Le terme " traiter " ne saurait certes signifier simplement qu'une autre autorité a été saisie d'une plainte ou bien qu'elle s'est saisie d'office d'une affaire. En effet, une saisine par un plaignant ou une saisine d'office par une autorité de concurrence d'un État membre est un acte qui, considéré en lui-même, n'atteste ni de l'utilisation de ses pouvoirs par l'autorité de concurrence d'un État membre ni, a fortiori, d'un examen des éléments de fait et de droit afférents à l'affaire en cause. Ainsi, la Commission ne remplirait pas sa mission générale de surveillance découlant de l'article 105, paragraphe 1, TFUE si elle était autorisée à rejeter une plainte au seul motif qu'une autorité de concurrence d'un État membre était saisie d'une plainte ou qu'elle s'était autosaisie sans que ces actes donnent lieu à un quelconque traitement de l'affaire en cause au sens de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, par analogie, arrêt du 17 décembre 2014, Si.mobil/Commission, T-201/11, EU:T:2014:1096, point 48).

48 Toutefois, il apparaît que l'expression " plainte [...] qui a déjà été traitée par une autre autorité de concurrence " mentionnée à l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 a une large portée en ce qu'elle est de nature à englober tous les cas de plaintes ayant été examinées par une autre autorité de concurrence au regard des règles du droit de la concurrence de l'Union, quelle qu'en ait été l'issue. Le législateur a ainsi fait le choix de ne pas limiter le champ d'application de cet article aux seuls cas de plaintes ayant déjà fait l'objet d'une décision d'une autre autorité de concurrence. Il apparaît en effet que ce qui importe n'est pas l'issue de l'examen de la plainte par ladite autorité de concurrence, mais le fait qu'elle ait été examinée par cette dernière. En d'autres termes, l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 prévoit uniquement que la plainte doit avoir été traitée par une autre autorité de concurrence, et non qu'elle ait nécessairement fait l'objet d'une décision. Dès lors, cette disposition n'impose pas nécessairement l'adoption d'une décision par l'autorité de concurrence d'un État membre ayant déjà rejeté la plainte (arrêt du 21 janvier 2015, easyJet Airline/Commission, T-355/13, EU:T:2015:36, points 26, 27 et 33).

49 Premièrement, il convient de relever que, à la lumière de cette jurisprudence, afin d'invoquer une violation de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la requérante doit démontrer que les première, quatrième (s'agissant de la République tchèque) ou cinquième pratiques dénoncées dans la seconde plainte n'ont pas déjà fait l'objet d'un examen par l'ÚOHS, à la suite de la première plainte, ou que l'ÚOHS n'a pas examiné ces pratiques au regard des règles de la concurrence de l'Union.

50 Or, il convient, à cet égard, de relever que la requérante ne conteste pas les appréciations de la Commission selon lesquelles les première, quatrième (s'agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques dénoncées dans la seconde plainte ont déjà fait l'objet d'un examen par l'ÚOHS, à la suite de la première plainte, ni que ces pratiques ont été examinées par l'ÚOHS au regard des règles de la concurrence de l'Union.

51 En tout état de cause, il n'est pas contesté que l'ÚOHS a invité Subaru CZ, notamment, à soumettre des observations concernant les pratiques alléguées. De plus, comme il a été relevé au point 15 ci-dessus, l'ÚOHS avait, par la lettre du 11 décembre 2014, informé la requérante des conclusions de l'enquête procédant de la première plainte et, en particulier, du fait que les informations en sa possession ne lui permettaient pas de conclure qu'une infraction aux règles de la concurrence européennes ou tchèques avait été commise en l'espèce. Il découle de ces éléments qu'un examen effectif des pratiques dénoncées par la requérante a été conduit par l'ÚOHS.

52 Deuxièmement, contrairement à ce qu'avance la requérante, il n'appartenait pas à la Commission, aux fins d'appliquer l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de vérifier préalablement si l'ÚOHS avait ou non commis un certain nombre d'erreurs matérielles dans l'analyse des pratiques alléguées, si elle avait ou non procédé à l'ouverture d'une procédure administrative, si elle avait clos l'enquête en adoptant une décision formelle ou si la lettre du 11 décembre 2014 était attaquable devant les juridictions tchèques.

53 En effet, il découle de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus que la Commission pouvait se limiter à vérifier qu'un examen effectif desdites pratiques avait été conduit par l'ÚOHS au regard des règles de la concurrence de l'Union, lequel examen a bien eu lieu, comme il a été mentionné au point 51 ci-dessus.

54 En particulier, en vertu de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, la circonstance qu'aucune décision formelle n'ait été adoptée par l'ÚOHS pour clôturer la procédure d'examen de la première plainte ne s'opposait pas à ce que la Commission constate que ladite plainte pouvait être considérée comme " traitée " au sens de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

55 Il découle de ce qui précède que, en estimant que les première, quatrième (s'agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques dénoncées dans la seconde plainte avaient déjà fait l'objet d'un examen par l'ÚOHS au regard des règles de la concurrence de l'Union, la Commission n'a ni commis d'erreur de droit en se fondant sur l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application dudit article.

56 La première branche du premier moyen doit, partant, être écartée.

- Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission a rejeté, à tort, la seconde plainte en ce qui concerne les deuxième, troisième, quatrième (s'agissant de l'Allemagne), sixième et septième pratiques

57 Dans la seconde branche du premier moyen, la requérante soutient que c'est à tort que la Commission a rejeté la seconde plainte en ce qui concerne les deuxième, troisième, quatrième (s'agissant de l'Allemagne), sixième et septième pratiques.

58 La requérante soulève, en substance, trois griefs.

59 Dans un premier grief, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des éléments de preuve qu'elle lui avait fournis concernant le fait que Subaru et FHI limitaient le commerce parallèle de véhicules en interdisant aux distributeurs agréés de vendre des véhicules à d'autres sociétés, telles que la requérante. À cet égard, la requérante reproche à la Commission d'avoir commis des erreurs en mentionnant qu'il existerait plusieurs litiges pendants devant les juridictions tchèques entre Subaru CZ et la requérante, que celle-ci ne serait pas un intermédiaire indépendant, que des représentants de Subaru lui auraient rendu visite, le 10 février 2011, visant à attester le fait que la requérante tentait de se faire passer pour un concessionnaire agréé. Par ailleurs, la Commission aurait omis de définir la notion de " véhicule neuf ".

60 Dans un deuxième grief, la requérante reproche à la Commission d'avoir conduit une procédure administrative excessivement longue et d'avoir tardé, d'une part, à répondre aux différentes communications de la requérante et, d'autre part, à lui demander des preuves permettant d'étayer les pratiques dénoncées, ce qui serait un signe qu'elle n'aurait pas dûment traité l'affaire.

61 Dans un troisième grief, la requérante mentionne que c'est à tort que la Commission a évoqué, dans la décision attaquée, que les pratiques dénoncées se déroulaient notamment en Allemagne.

62 La Commission conteste l'argumentation de la requérante.

63 En vertu de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, lorsque la Commission considère que, sur la base des informations dont elle dispose, il n'existe pas de motifs suffisants pour donner suite à une plainte, elle informe le plaignant de ses raisons et lui impartit un délai pour faire connaître son point de vue par écrit. L'article 7, paragraphe 2, de ce règlement précise que si le plaignant fait connaître son point de vue dans le délai fixé par la Commission et que ses observations écrites ne mènent pas à une appréciation différente de la plainte, la Commission rejette la plainte par voie de décision.

64 Selon une jurisprudence constante, la Commission est appelée à définir et à mettre en œuvre l'orientation de la politique de la concurrence de l'Union. Afin de s'acquitter efficacement de cette tâche, elle est en droit d'accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie (voir, par analogie, arrêt du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C-119/97 P, EU:C:1999:116, point 88 et jurisprudence citée).

65 À cet égard, il convient de rappeler que l'article 7 du règlement n° 773/2004 ne confère pas au plaignant le droit d'exiger de la Commission une décision définitive quant à l'existence ou à l'inexistence de l'infraction alléguée et n'oblige pas la Commission à poursuivre en tout état de cause la procédure jusqu'au stade d'une décision finale (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2013, EFIM/Commission, C-56/12 P, EU:C:2013:575, points 57 et 82, et ordonnance du 31 mars 2011, EMC-Development/Commission, C-367/10 P, EU:C:2011:203, point 73).

66 Toutefois, le pouvoir dont dispose la Commission d'accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie n'est pas sans limites.

67 En effet, lorsqu'elle examine une plainte, la Commission est d'abord tenue de prendre en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents portés à sa connaissance par le plaignant (voir arrêt du 17 mai 2001, IECC/Commission, C-449/98 P, EU:C:2001:275, point 45 et jurisprudence citée).

68 De plus, il appartient à la Commission, après avoir évalué les éléments de fait et de droit avancés par la partie plaignante, de mettre en balance l'importance de l'infraction alléguée pour le fonctionnement du marché intérieur, la probabilité de pouvoir établir son existence et l'étendue des mesures d'investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect de l'article 101 TFUE (arrêt du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T-427/08, EU:T:2010:517, point 158).

69 Il s'ensuit qu'il est inhérent à la procédure des plaintes que la charge de la preuve de l'infraction alléguée revienne au plaignant. De même, dans le cadre d'un recours tendant à l'annulation d'une décision de la Commission rejetant une plainte, il incombe au requérant de présenter aux juridictions de l'Union des arguments et des éléments de preuve afin de démontrer l'illégalité de cette décision (arrêt du 19 septembre 2013, EFIM/Commission, C-56/12 P, non publié, EU:C:2013:575, points 72 et 73).

70 Enfin, comme il a été mentionné au point 43 ci-dessus, le contrôle du juge de l'Union sur l'exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu'elle n'est entachée d'aucune erreur de droit ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir.

71 C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner si c'est à tort que la Commission a rejeté la seconde plainte en ce qui concerne les deuxième, troisième, quatrième (s'agissant de l'Allemagne), sixième et septième pratiques.

72 S'agissant du premier grief, le Tribunal constate que c'est dans le cadre de l'analyse de la deuxième pratique que la Commission a examiné si Subaru et FHI limitaient le commerce parallèle de véhicules en interdisant aux distributeurs agréés de vendre des véhicules à d'autres sociétés, telles que la requérante, que la Commission a fait référence à l'existence d'un contentieux commercial opposant la requérante à Subaru CZ, qu'elle a émis un doute concernant la question de savoir si la requérante était un intermédiaire indépendant et qu'elle a mentionné la visite de représentants de Subaru dans les locaux de la requérante. C'est également dans le cadre de la deuxième pratique que la Commission s'est vu reprocher de ne pas avoir défini la notion de " véhicule neuf ".

73 Premièrement, à la suite de la Commission, il convient de relever que ni l'article 101 TFUE, ni le règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission, du 20 avril 2010, concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité [FUE] à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JO 2010, L 102, p. 1), ni le règlement n° 461/2010 n'empêchent Subaru d'interdire à ses distributeurs agréés la vente de véhicules Subaru à des entités non agréées.

74 En particulier, il convient de mentionner que, aux termes de l'article 4, sous b), iii), du règlement n° 330/2010, un fournisseur de véhicules automobiles peut restreindre les ventes par les membres d'un système de distribution sélective à des entités non agréées. En effet, selon l'article 2 dudit règlement, conformément à l'article 101, paragraphe 3, TFUE, et sous réserve des dispositions du présent règlement, l'article 101, paragraphe 1, TFUE est déclaré inapplicable aux accords verticaux, dans la mesure où ces accords contiennent des restrictions verticales. De plus, selon l'article 4, sous b), iii), de ce règlement, l'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet de restreindre le territoire sur lequel, ou la clientèle à laquelle, un acheteur partie à l'accord, peut vendre les biens ou les services contractuels sans préjudice d'une restriction quant à son lieu d'établissement, sauf s'il s'agit de restreindre les ventes par les membres d'un système de distribution sélective à des distributeurs non agréés, dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce système.

75 Force est de constater que la requérante ne parvient pas à contredire cette analyse et donc, a fortiori, à démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation lorsqu'elle a constaté que la probabilité d'établir l'existence d'une infraction à l'article 101 TFUE serait limitée, s'agissant de la deuxième pratique.

76 Deuxièmement, s'agissant des autres arguments soulevés dans le premier grief et portant sur des erreurs et des omissions que la Commission aurait prétendument commises dans le cadre de l'analyse de la deuxième pratique, il convient de constater que, à supposer que lesdits arguments soient fondés, ceux-ci ne sont pas en mesure de contredire le fait que le droit de la concurrence de l'Union ne s'oppose pas à ce qu'un fournisseur de véhicules automobiles restreigne les ventes des membres de son système de distribution sélective à des entités non agréées, comme il a été mentionné aux points 73 et 74 ci-dessus. Partant, la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation lorsqu'elle a constaté que la probabilité d'établir l'existence d'une infraction à l'article 101 TFUE serait limitée, s'agissant de la deuxième pratique.

77 Le premier grief doit donc être écarté.

78 S'agissant du deuxième grief, concernant la durée présumée excessive de la procédure, il convient, d'abord, de relever que la requérante a déposé la seconde plainte, dans laquelle elle dénonçait les cinq premières pratiques, le 12 septembre 2012. Dans le cadre de ses observations à la Commission, elle a ensuite dénoncé la sixième pratique le 14 mai 2015, puis la septième pratique le 22 février 2016, soit un peu plus de deux ans avant la décision attaquée qui date du 26 juin 2018.

79 À cet égard, le Tribunal constate que, si la procédure administrative a duré près de six années, cela est notamment lié au fait que la requérante a dénoncé les sixième et septième pratiques plus de deux ans après les autres pratiques. Par ailleurs, un délai d'un peu plus de deux ans entre la date de la dénonciation de la septième pratique et la date de la décision attaquée n'apparaît pas manifestement excessif dans la mesure où, dans ce laps de temps, la Commission a examiné la pratique dénoncée, informé la requérante des raisons pour lesquelles elle souhaitait rejeter la plainte en lui demandant ses propres observations, analysé lesdites observations et rédigé la décision attaquée.

80 Partant, nul reproche se saurait être adressé à la Commission s'agissant d'une longueur excessive de la procédure administrative.

81 De plus, concernant le laps de temps trop important entre les communications de la requérante et les réponses de la Commission, il y a lieu de souligner que la requérante n'a pas suffisamment identifié les communications concernées, les preuves complémentaires qui étaient demandées par la Commission et les raisons précises pour lesquelles il lui était difficile de rassembler lesdites preuves.

82 Partant, cet argument n'est pas suffisamment étayé et doit donc être écarté, ainsi que le deuxième grief dans sa totalité.

83 S'agissant du troisième grief, il convient de rappeler que, comme cela a été mentionné au point 11 ci-dessus, selon la seconde plainte, la pratique alléguée aurait eu lieu à la fois en République tchèque et en Allemagne. C'est donc, à juste titre que la Commission mentionne que, eu égard au fait que l'ÚOHS avait déjà examiné les allégations de la requérante portant sur le marché tchèque, il revenait à la Commission d'analyser ladite pratique sur le seul marché allemand, ce qui a été exposé aux points 39 à 45 de la décision attaquée.

84 Le troisième grief doit donc être écarté et, partant, le premier moyen dans sa totalité.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

85 Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante affirme que la décision attaquée n'est pas dûment motivée.

86 En particulier, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir indiqué les priorités qu'elle s'était fixée lorsqu'elle a décidé de ne pas mener d'investigations complémentaires dans la présente affaire.

87 En outre, la requérante affirme que la Commission n'a pas suffisamment motivé la manière dont elle avait apprécié les éléments de preuve et qu'elle n'a pas justifié sa conclusion selon laquelle, sur la base des éléments fournis, il était peu probable qu'une violation des règles de la concurrence soit constatée.

88 La Commission conteste l'argumentation de la requérante.

89 L'obligation de motivation prévue à l'article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l'acte litigieux. En effet, la motivation d'une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d'erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C-154/14 P, EU:C:2016:445, point 39 et jurisprudence citée).

90 De plus, la motivation d'un acte doit être adaptée à sa nature et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C-521/09 P, EU:C:2011:620, point 147 et jurisprudence citée). À cet égard, la Commission est astreinte à une obligation de motivation lorsqu'elle refuse de poursuivre l'examen d'une plainte. La motivation doit être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d'exercer un contrôle effectif sur l'exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités (arrêt du 21 janvier 2015, easyJet Airline/Commission, T-355/13, EU:T:2015:36, point 70). Enfin, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments que les intéressés ont soumis à l'appui de leur plainte. Il suffit qu'elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (arrêt du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387/94, EU:T:1996:120, point 104).

91 Premièrement, il ressort de l'examen de la décision attaquée que la Commission a mentionné les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision attaquée, conformément à la jurisprudence citée au point 90 ci-dessus.

92 Ainsi, s'agissant de la motivation portant sur le rejet des allégations de la requérante au titre de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, le Tribunal constate que la Commission a dûment expliqué que la requérante avait déposé une plainte auprès de l'ÚOHS, parvenue à cette dernière le 19 mai 2010, portant sur les pratiques résumées aux points 3 à 5 ci-dessus (points 6 à 8 de la décision attaquée), que l'ÚOHS avait informé la requérante, le 11 décembre 2014, qu'elle avait clos son investigation portant sur lesdites pratiques en raison du fait que les éléments en sa possession ne lui permettaient pas de conclure à l'existence d'une violation des règles de la concurrence (point 8 de la décision attaquée), qu'elle estimait que la première pratique, la quatrième pratique concernant la République tchèque et la cinquième pratique de la seconde plainte devaient être considérées comme ayant déjà été traitées par l'ÚOHS et qu'elle était donc en mesure de rejeter les parties de la plainte concernant lesdites pratiques en vertu de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (points 17 à 20 de la décision attaquée).

93 De même, s'agissant de la motivation portant sur le rejet des allégations de la requérante au titre de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004, la Commission a dûment expliqué que la probabilité d'établir l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence était faible s'agissant des autres pratiques de la seconde plainte qui n'avaient pas fait l'objet d'un examen par l'ÚOHS (point 29 de la décision attaquée). En particulier, la Commission a mentionné qu'il ne semblait pas que les entreprises mises en cause aient exercé une pression sur les distributeurs agréés pour qu'ils ne vendent pas de véhicules à des entités telles que la requérante (points 30 à 35 de la décision attaquée), qu'il n'était pas suffisamment étayé que les entreprises mises en cause aient coordonné les prix de vente en Belgique, en République tchèque, au Danemark, en Lituanie, au Luxembourg et aux Pays-Bas (points 36 à 38 de la décision attaquée), qu'il n'était pas suffisamment étayé que les distributeurs agréés appartenant au réseau de Subaru DE aient refusé de fournir des services de garantie prolongée aux consommateurs ayant acheté leur véhicule par l'intermédiaire de la requérante (points 39 à 43 de la décision attaquée) et qu'il n'était pas suffisamment étayé que Subaru Nordic ait entravé le commerce parallèle de véhicules (points 44 à 50 de la décision attaquée).

94 Par ailleurs, la Commission a expliqué qu'une enquête plus approfondie de ces pratiques aurait nécessité des ressources considérables, la mise en œuvre d'inspections dans les locaux des entreprises mises en cause, l'envoi de nombreuses demandes d'information et l'analyse d'un nombre substantiel de documents, ce qui serait disproportionné, eu égard à la faible probabilité d'établir l'existence d'une infraction (points 51 à 53 de la décision attaquée).

95 Il découle des constatations figurant aux points 91 à 94 ci-dessus que la décision attaquée énonce clairement et sans équivoque les motifs pour lesquels la Commission a conclu au rejet de la seconde plainte, de sorte que nulle violation de l'obligation de motivation ne peut lui être reprochée.

96 Deuxièmement, il n'était pas exigé de la Commission qu'elle spécifiât les priorités qu'elle s'était fixée lorsqu'elle a décidé de ne pas mener d'investigations complémentaires dans la présente affaire dans la mesure où celles-ci pouvaient revêtir, en règle générale, un caractère confidentiel.

97 Troisièmement, s'agissant du reproche formulé par la requérante selon lequel la Commission n'a pas suffisamment motivé la manière dont elle avait apprécié les éléments de preuve et qu'elle n'a pas justifié sa conclusion selon laquelle, sur la base des éléments fournis, il était peu probable qu'une violation des règles de la concurrence soit constatée, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 89 ci-dessus, l'argumentation développée par la requérante est relative au bien-fondé de la motivation, et donc à la légalité au fond de la décision attaquée, et est, dès lors, étrangère au respect de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE. En outre, comme il a été rappelé aux points 72 à 77, la requérante n'est pas parvenue à démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d'appréciation à cet égard.

98 Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

Sur la violation de certains des droits procéduraux de la requérante

99 La requérante invoque, en plus des deux moyens soulevés, une violation de certains de ses droits procéduraux.

100 Dans un premier grief, la requérante soutient que, au cours de la procédure administrative, la Commission n'a pas assuré une protection adéquate des informations confidentielles et des secrets d'affaires de la requérante. En particulier, selon la requérante, la Commission a communiqué à Subaru la lettre du 18 décembre 2015, en dépit du fait que la requérante avait expressément demandé à la Commission de ne pas transmettre cette lettre à Subaru.

101 Dans un deuxième grief, la requérante affirme que la Commission lui a fait parvenir " toutes les communications écrites importantes dans l'affaire ", dont la décision attaquée et la lettre du 18 décembre 2015, à des périodes de l'année où les congés sont plus nombreux, où il est donc difficile de répondre rapidement et où il est difficile de contacter un avocat pour prendre en charge l'affaire.

102 Dans un troisième grief, la requérante reproche à la Commission d'avoir tardé à lui envoyer une traduction en langue tchèque de la décision attaquée.

103 La Commission conteste cette argumentation.

104 S'agissant du premier grief, la requérante n'établit pas que la Commission n'aurait pas correctement assuré une protection adéquate des informations confidentielles et des secrets d'affaires transmis par la requérante.

105 En particulier, il ressort du dossier que la transmission, par la Commission, de la lettre du 18 décembre 2015 à Subaru est démentie par la Commission et que la requérante n'apporte aucune preuve de cette transmission.

106 En outre, selon un courriel daté du 14 janvier 2016 dont il est fait mention dans la requête et qui a été fourni par la Commission dans le cadre de son mémoire en défense, la requérante n'aurait pas signalé à la Commission l'existence d'éléments confidentiels dans ladite lettre.

107 Le premier grief doit donc, en tout état de cause, être écarté.

108 S'agissant du deuxième grief, la requérante n'explique pas dans quelle mesure cet élément a pu porter atteinte à ses droits procéduraux.

109 En particulier, s'agissant de la lettre du 18 décembre 2015, il ressort du dossier que la Commission a prorogé le délai de réponse à cette lettre, laissant au total huit semaines et demie de délai pour répondre. À cet égard, la requérante n'apporte aucune preuve que cette durée était insuffisante pour lui permettre d'apporter une réponse, qu'elle a rencontré des difficultés pour répondre à la lettre ou qu'elle était dans l'impossibilité de contacter ses avocats dans le temps imparti.

110 En outre, le Tribunal rappelle que, pour que la notification d'une décision soit régulière, il suffit que cette décision soit communiquée à son destinataire et que ce dernier soit mis en mesure d'en prendre connaissance (arrêt du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, EU:C:1973:22, point 10), étant précisé, au surplus, que les irrégularités éventuelles affectant les modalités de notification ne vicient pas la légalité ou la régularité de l'acte notifié lui-même (arrêt du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, EU:C:1972:70, points 39 et 40).

111 Partant, une éventuelle erreur de la Commission s'agissant de la date de la notification de la décision attaquée n'est pas susceptible de remettre en cause la légalité de ladite décision et donc de conduire à une annulation de celle-ci.

112 Le deuxième grief doit donc être écarté.

113 S'agissant du troisième grief, force est de constater que, comme la Commission l'a mentionné au cours de l'audience sans être contredite sur ce point par la requérante, cette dernière avait fait le choix de déposer la seconde plainte en langue anglaise, et ce alors qu'elle avait la possibilité de rédiger ladite plainte en langue tchèque. Dès lors, la Commission a mentionné que la procédure s'était poursuivie en langue anglaise. La requérante a rétorqué que, à partir de 2017, elle a commencé à s'exprimer en tchèque et que donc, à partir de cette date, la Commission avait l'obligation de transmettre ses documents en tchèque, et en particulier la décision attaquée. Ensuite, la Commission a souligné le fait que, à partir du moment où elle avait reçu une demande formelle de la requérante d'avoir une traduction tchèque de la décision attaquée, celle-ci lui avait été transmise dès que possible.

114 À cet égard, il convient de souligner qu'une éventuelle erreur de la Commission n'est pas susceptible de remettre en cause la légalité de la décision attaquée et donc de conduire à une annulation de celle-ci.

115 En tout état de cause, la requérante n'a pas fourni de preuve qu'elle avait fait une demande formelle à la Commission visant à ce que celle-ci lui transmette la décision attaquée en tchèque, ni que la traduction en tchèque de la décision attaquée lui avait été transmise dans un délai l'empêchant d'introduire son recours. En l'occurrence, force est de constater que la requérante a été en mesure d'introduire son recours dans les temps.

116 Le troisième grief doit donc être rejeté comme inopérant.

117 Partant, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur totalité.

Sur la demande tendant à " s'opposer à la publication de la décision attaquée "

118 Comme il a été relevé au point 26 ci-dessus, la requérante a transmis au greffe du Tribunal, le 28 novembre 2018, un courriel dans lequel elle a déclaré s'opposer à la publication de la décision attaquée.

119 Dans cette lettre, la requérante précise que cette publication pourrait influencer négativement la procédure devant le Tribunal et lui être défavorable. Elle invoque, en outre, le fait qu'il n'existe aucune disposition légale obligeant la Commission à publier cette décision. Par ailleurs, selon la requérante, la Commission aurait dû procéder à sa publication uniquement après la décision mettant fin à la présente instance. Par conséquent, elle invite le Tribunal à " tenir compte de ses objections ".

120 À cet égard, à supposer que cette demande puisse être interprétée comme tendant à ce que le Tribunal enjoigne à la Commission de ne pas publier la décision attaquée, il convient de rappeler que, dans le cadre du contrôle de la légalité des actes des institutions, organes et organismes de l'Union, il n'appartient pas au Tribunal de leur adresser des injonctions ou de se substituer à ces derniers (arrêt du 10 octobre 2012, Grèce/Commission, T-158/09, non publié, EU:T:2012:530, point 219 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T-60/06 RENV II et T-62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 43 et jurisprudence citée).

121 La demande tendant à l'adoption d'une injonction à l'égard de la Commission formulée par la requérante est donc manifestement irrecevable.

122 En tout état de cause, la demande est devenue sans objet dans la mesure où la décision attaquée a déjà été publiée, comme l'a précisé la Commission lors de l'audience, sans être démentie par la requérante qui a d'ailleurs renoncé à ladite demande, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d'audience.

Sur la demande de mesures d'instruction visant à l'audition comme témoin du gérant de la requérante

123 Comme il a été relevé au point 28 ci-dessus et ainsi qu'il ressort également de plusieurs points de la requête, la requérante demande, en substance, au Tribunal d'ordonner une mesure d'instruction visant à l'audition de son gérant comme témoin.

124 À cet égard, il convient de rappeler que c'est au Tribunal qu'il appartient d'apprécier l'utilité de mesures d'instruction (voir, par analogie, arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T-175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 417 et jurisprudence citée).

125 En l'espèce, les éléments contenus dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d'instance et eu égard aux documents déposés par les parties.

126 Il s'ensuit que la demande de mesures d'instruction doit être rejetée ainsi que le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

127 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) LL-Carpenter s. r. o. est condamnée aux dépens.