CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 mars 2020, n° 18-17869
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
B. Automobiles (SARL), Selarl AJRS (ès qual.)
Défendeur :
Phenix Automobiles (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Bodard-Hermant, M. Gilles
FAITS ET PROCÉDURE
La société B. Automobiles est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de voitures et de véhicules automobiles légers. Elle fait partie du réseau Ford en qualité d'Agent depuis 2006, notamment à Plaisir, au terme d'un contrat de 'service- réparateur agréé' conclu avec la société P. cette année-là.
La société Phénix Automobiles était également spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de voitures et de véhicules automobiles légers. Sans activité depuis le 1er janvier 2017, elle a fait partie du réseau Ford en qualité de concessionnaire à Coignières depuis 2009, suite au rachat en 2006, du fonds de commerce de la société P..
La société B. Automobiles et la société Phénix Automobiles ont signé un contrat d'agent le 9 juillet 2009 puis un autre le 28 avril 2012, qui s'est substitué au contrat initial au 1er juin 2013 pour une durée indéterminée et résiliable à tout moment moyennant un préavis de deux ans, encadrant une activité principale de service et une activité accessoire d'apporteur d'affaires concernant la vente de véhicules neufs au nom et pour le compte de la société Phénix Automobiles.
La société B. Automobiles a résilié le contrat quant à l'activité d'apporteur d'affaires par lettre RAR du 30 octobre 2014 avec un préavis de trois mois.
Chacune des parties impute à l'autre la rupture, prétendument brutale, de leurs relations commerciales, la société Phénix Automobiles revendiquant un préavis manquant de 10 mois et la société B. Automobiles un préavis de 2 ans.
Vu le jugement du 12 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris qui a :
- donné acte à la Selarl AJRS prise en la personne de Me Philippe J. ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL B. Automobiles et à la Selarl SMJ prise en la personne de Me Olivier C. de D. ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL B. Automobiles de leur intervention volontaire,
- débouté la SARL B. Automobiles ainsi que la Selarl AJRS prise en la personne de Me Philippe J. ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL B. Automobiles et à la Selarl SMJ prise en la personne de Me Olivier C. de D. ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL B. Automobiles de leur demande d'irrecevabilité,
- condamné la SARL B. Automobiles ainsi que la Selarl AJRS prise en la personne de Me Philippe J. ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL B. Automobiles et à la Selarl SMJ prise en la personne de Me Olivier C. de D. ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL B. Automobiles à payer à la Sasu Phenix Automobiles la somme de 30 724 euros pour rupture brutale de relations commerciales établies concernant le contrat d'apporteur d'affaires et 11 102 euros concernant le contrat de service,
- débouté la Sasu Phénix Automobiles de ses demandes pour préjudice matériel,
- débouté la Sasu Phénix Automobiles de ses demandes pour préjudice moral,
- débouté la Sasu Phénix Automobiles de sa demande de 10 000 euros pour non-restitution des éléments matériels et signe distinctifs,
- condamné la SARL B. Automobiles à payer à la Sasu Phénix Automobiles la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et prétentions, non contradictoires avec le présent jugement,
- condamné la SARL B. Automobiles aux dépens.
Par jugement rectificatif du 6 novembre 2018, rendu sur requête du 31 juillet 2018, le tribunal de commerce de Paris a substitué la fixation de la créance de la société Phénix Automobiles au passif de la société B. Automobiles au paiement de dommages-intérêts.
Le 24 juillet 2018, la Cour est saisie de l'appel de ce jugement interjeté par les sociétés B. Automobiles, AJRS et SMJ.
Vu les dernières conclusions des sociétés B. Automobiles, AJRS et SMJ, appelantes, déposées et notifiées le 30 décembre 2019 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- débouter la société Phénix Automobiles de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- déclarer l'appel recevable et fondé
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau
- mettre hors de cause la Selarl AJRS, prise en la personne de Maître Philippe J., dont la mission a pris fin avec la cession des actifs de la société B. Automobiles,
Vu les dispositions de l'article L. 442-6. I. 5° du Code de commerce,
- Dire et juger qu'en modifiant unilatéralement les conditions de rémunération de l'apporteur d'affaires, la société Phénix Automobiles a pour partie brutalement rompu la relation nouée avec son agent, en conséquence, condamner la société Phénix Automobiles à payer à la société SMJ ès qualité de liquidateur de la société B. Automobiles, une somme de 179 933 euros à titre de dommages et intérêts,
Vu les dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil,
- dire et juger que la société Phénix Automobiles a fautivement compromis l'exécution normale du contrat d'agent, y compris de son annexe 7 relative à l'activité d'apporteur d'affaires, en conséquence, condamner la société Phénix Automobiles à payer à la société SMJ ès qualité de liquidateur de la société B. Automobiles, une somme de 344 899 euros à titre de dommages et intérêts,
- en application des dispositions des articles 1153.1 et 1154 du Code civil, assortir ces différentes condamnations de la production d'intérêts et de leur capitalisation, à compter de la date de l'exploit introductif d'instance,
- condamner la société Phénix Automobiles à payer aux appelants une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Phénix Automobiles, intimée, déposées et notifiées le 6 janvier 2020 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du Code de commerce,
Vu les articles 1153, 1154, 1184, 1147, 1382 et 1383 (anciens) du Code civil,
Vu les articles 31, 32, 696 et 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces,
Vu le contrat d'agent du 18 avril 2012,
Vu la requête et l'ordonnance du 9 mars 2015
- recevoir la société Phénix Automobiles en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- débouter la société B. de ses demandes, fins et conclusions.
- prendre acte de l'échec de la médiation conventionnelle du fait de la société B..
A titre principal,
- dire que les demandes de la société Phénix Automobiles sont aussi bien fondées que recevables ;
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reconnu que la société B. Automobile :
A rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Phénix Automobiles au titre de l'activité d'apporteur d'affaires en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
A rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Phénix Automobiles au titre de l'activité de services en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
Retenu comme date de début de relations commerciales le 9 juin 2009 et une durée de relations contractuelles de 5 ans et 4 mois ;
Estimé à trois mois la durée de préavis de rupture concernant les activités d'apporteur d'affaires et de services ;
Limité les préjudices subis par Phénix Automobiles liés à la perte de marge brute pour la rupture brutale du contrat d'apporteur d'affaires à 30 724 euros.
Limité les préjudices subis par Phénix Automobiles liés à la perte de marge brute pour la rupture brutale de l'activité de services à 11 102 euros.
Débouté Phénix Automobiles de ses demandes en réparation de préjudices matériels complémentaires ;
Débouté Phénix Automobiles de ses demandes en réparation de préjudice moral
Statuant à nouveau :
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 142 888 euros en réparation du préjudice de Phénix Automobiles lié à la perte de la marge brute qu'elle aurait pu réaliser pendant la durée du préavis raisonnable qui aurait dû lui être accordé pour l'activité d'apporteur d'affaires, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir ;
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 45 101,08 euros (40 000 + 5 101,08) en réparation du préjudice matériel (pertes subies et des gains maqués) de Phénix Automobiles causé par la brutalité de la rupture des relations commerciales pour l'activité d'apporteur d'affaires, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir ;
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral de Phénix Automobiles causé par la brutalité de la rupture des relations commerciales au titre de l'activité d'apporteur d'affaires, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir ;
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 41 193 euros en réparation du préjudice de Phénix Automobiles lié à la perte de la marge brute qu'elle aurait pu réaliser pendant la durée du préavis raisonnable qui aurait dû lui être accordé pour l'activité de service, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir ;
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 120 000 euros en réparation du préjudice matériel (gains manqués) de Phénix Automobiles causé par la rupture brutale des relations commerciales au titre de l'activité de services, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir ;
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral de Phénix Automobiles causé par la rupture des relations commerciales au titre de l'activité de services, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir.
A titre subsidiaire
- dire que les demandes de la société Phénix Automobiles sont aussi bien fondées que recevables ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu que la société B. Automobiles n'avait pas commis de fautes contractuelles dans le cadre du contrat d'apporteur d'affaires en ne restituant pas les éléments matériels et signes distinctifs qui avaient été mis à sa disposition pendant la durée du contrat d'apporteur d'affaires et ce en violation des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il n'a pas retenu que la société B. Automobiles avait commis des fautes contractuelles dans le cadre du contrat service et résilié unilatéralement ce contrat sans respecter le préavis contractuel de deux ans en violation des articles 1134, 1184 et 1147 du Code civil ;
- prendre acte de la résiliation du contrat service aux torts exclusifs de la société B. Automobiles.
Statuant à nouveau
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice de Phénix Automobiles résultant du non-respect de l'obligation de restitution des éléments matériels et signes distinctifs à l'expiration du contrat d'apporteur d'affaires, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir ;
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 78 200 euros en réparation du préjudice de Phénix Automobiles résultant du non-respect du contrat et du préavis de deux ans préalable à la résiliation du contrat service, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir ;
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles la somme de 120 000 euros en réparation du préjudice matériel (gains manqués) de Phénix Automobiles causé par le non- respect et la résiliation abusive du contrat service sans respect du préavis contractuel, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la décision à intervenir.
En tout état de cause
- rejeter purement et simplement toutes prétentions adverses.
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a imputé à la société B. Automobiles une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile mais fixer le montant au passif de la procédure collective de cette dernière à la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- admettre et fixer au passif de la procédure collective de B. la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques B., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La cour renvoie aux décisions susvisées et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
La Selarl AJRS, prise en la personne de Maître Philippe J., dont il n'est pas contesté que la mission a pris fin avec la cession des actifs de la société B. Automobiles, doit être mise hors de cause.
D'autre part, la demande de la société B. Automobiles tendant à l'infirmation du jugement entrepris, n'étant pas soutenue du chef de l'irrecevabilité prononcée, la Cour ne peut que confirmer ce chef du dispositif, étant observé que les motifs le concernant ne comporte aucune disposition contraire à l'ordre public.
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.
Une relation commerciale " établie " présente un caractère " suivi, stable et habituel " et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
Enfin, la brutalité de la rupture, seule indemnisable, est réparée par l'octroi d'une indemnité égale à la marge brute sur coûts variables qui aurait pu être réalisée pendant la durée de préavis manquante.
Sur la durée de la relation commerciale établie entre les parties
Il est constant que la société B. Automobiles était, suivant contrat du 2 novembre 2006, en relation en qualité d'agent Ford avec la société P. dont le fonds de commerce a été cédé à la société Phénix Automobiles en 2009 et qu'elle a signé un contrat d'agent avec la société Phénix Automobiles le 9 juillet 2009, auquel s'est substitué à compter du 1er juin 2013, celui du 28 avril 2012.
Et il résulte du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 30 juin 2009 que ce contrat du 2 novembre 2006 a été repris par cette dernière dans le cadre du plan de cession (pièce intimée 31), avec l'accord de la société B. Automobiles, peu important l'abandon du nom de P., étant relevé au surplus que M. B. était salarié de la société P. en qualité de directeur commercial.
Il s'en déduit une relation commerciale établie entre les parties à compter du 2 novembre 2006 jusqu'à la rupture de l'activité d'apporteur d'affaires notifiée par la société B. Automobiles à la société Phénix Automobiles par lettre RAR du 30 octobre 2014.
Le préavis de 3 mois alors accordé importe peu dès lors qu'il n'a pas été effectif, ce que la société B. Automobiles ne conteste pas, soutenant qu'elle était fondée à rompre cette activité accessoire dont la société Phénix Automobiles a sciemment cherché à l'évincer et que la rupture de l'autre activité est imputable à la société Phénix Automobiles qui aurait 'saboté' l'exécution de l'activité de services par divers manquements contractuels.
La durée de leurs relations commerciales peut donc être fixée à huit ans.
Sur l'imputabilité de la rupture quant à l'activité d'apporteur d'affaires
La société B. Automobiles qui a notifié la rupture de cette activité sans motif ne peut utilement prétendre à l'occasion du litige initié par la société Phénix Automobiles qu'elle est imputable à celle-ci qui l'aurait délibérément évincée compte tenu de la réduction unilatérale, drastique et insupportable de sa rémunération en violation des stipulations de l'annexe 7 de leur contrat d'agent.
En effet, elle n'établit pas le caractère substantiel de cette baisse, en juillet 2014, de sa rémunération fixe de 2 à 0,5 % et de sa rémunération variable de 70 à 50 %, dès lors que les seuls documents comptables objectifs qu'elle produit ne font pas apparaître la marge qu'elle a réalisé avec la société Phénix Automobiles au titre de l'activité d'apporteur d'affaires, étant relevé :
- que sa pièce 63, établie par son responsable des ventes, n'est pas certifiée
- et que la baisse de ses rémunérations telle résulte de la pièce 25 produite par la société Phénix Automobiles, qu'elle reprend à son compte, ne saurait se comprendre sans référence à la baisse du nombre de véhicules vendus sur la même période, passé de 232 en 2011 à 174 en 2012, 92 en 2013 et 85 en 2014, dégradant d'autant les résultats de la société Phénix Automobiles (V. cette pièce et conclusions intimée p. 36).
Ce d'autant que :
- la cessation des paiements de la société B. Automobiles, le 11 janvier 2018, est postérieure de plusieurs années à la rupture en examen datée du 30 octobre 2014
- la société Phénix Automobiles prétend que la société B. Automobiles a signé un nouveau contrat d'agent le 9 février 2017 avec la société Motorcar, repreneur de son fonds de commerce en litige, à des conditions sensément identiques à celles qu'elle conteste aujourd'hui quant à ses taux de commission Ford et aux objectifs d'achat des pièces de rechange Ford dans le cadre de ce contrat et qu'elle n'a pas utilement répondu aux sommations des 23 juin et 15 septembre 2017 d'avoir à en justifier, sa pièces 71 ne fournissant aucun détail sur la composition de sa rémunération.
Il n'est donc pas établi que la baisse incriminée de la rémunération de la société B. Automobiles, en qualité d'apporteur d'affaires est suffisamment grave pour justifier la rupture qu'elle a notifiée le 30 octobre 2014 sans motif ni préavis effectif. Cette rupture, que l'absence de motif et de préavis rend brutale, lui est donc imputable.
Sur l'imputabilité de la rupture quant à l'activité de services
Il est constant que cette rupture n'a fait l'objet d'aucun écrit ni préavis de la part de la société B. qui en impute la responsabilité à la société Phénix Automobiles, arguant des six griefs suivants :
- mise en œuvre de conditions tarifaires non compétitives,
- suppression de son crédit fournisseur,
- fixation d'objectifs unilatérale en violation de l'article 3 du contrat qui en prévoit la négociation,
- retards de paiement abusifs,
- absence d'appui commercial tel que prévu à l'article 2.2) a) du contrat,
- détournement de clientèle au mépris de l'article 1.3) de contrat selon lequel les parties agissent en qualité de commerçants indépendants et de l'invitation du concessionnaire à la prudence dans l'exploitation des données de l'agent telle que prévue à l'annexe 2 de ce contrat.
Toutefois, aucun de ces griefs ni même leur accumulation ne permet de justifier une rupture sans préavis ni motif de l'activité de services, peu important qu'elle soit interdépendante de l'activité d'apporteur d'affaires elle-même rompue, pour les raisons qui suivent.
La société B. ne justifie par aucune pièce de ses allégations quant au premier grief. Elle n'en établit donc pas le bien fondé.
La suppression du crédit fournisseur de la société B. Automobiles par la société Phénix Automobiles, après la rupture brutale de l'activité d'apporteur d'affaires et la diminution des commandes de pièces détachées hors garantie, ne revêt pas, dans le contexte du climat empreint de perte de confiance qui s'en est suivi, de caractère parfaitement anormal ou malveillant. En effet, le contrat d'agent prévoit les conditions de règlement incriminées et, en particulier, la possibilité pour la société Phénix Automobiles de solliciter de la société B. Automobiles une garantie financière à proportion de ses engagements. Ce d'autant que celle-ci ne justifie pas avoir communiqué ses comptes conformément à l'article 7 (a) et (b) du contrat, malgré relances, avant que la société Phénix Automobiles ne sollicite le 8 décembre 2014, la garantie à première demande querellée à hauteur de 30 000 euros, correspondant à 60 jours d'achats de pièces de rechanges (pièce intimée 19).
Quant au troisième grief, il est invalidé par les contrats de croissance annuelle concernant les objectifs signés par la société B. Automobiles pour la période 2011 - 2014 (pièce 26 intimée), nonobstant l'échange de mails du 7 février 2014 (pièce appelant 34). Il est en outre observé que la lettre de la société Phénix Automobiles du 7 avril 2015 notifiant les objectifs 2015 (pièce appelante 35) est postérieure à la rupture qu'elle ne saurait donc justifier et que la société B. Automobiles procède par affirmation quant à son absence d'alternative à la signature de ces objectifs d'achats des pièces de rechange Ford, eu égard notamment à ce qui en a été dit au point précédent.
Quant aux retards de paiement pour des sommes modestes recensés en trois ans sur les huit voire les cinq de cette relation commerciale - soit deux en 2012, un en 2013 et deux en 2014 (pièce 62, 63 et 36 -39) - ils ne sont pas suffisamment graves pour présenter un caractère abusif.
Enfin, la société B. Automobiles ne justifie pas avoir vainement sollicité l'appui commercial incriminé et, en sa qualité d'agent, elle n'intervient pas dans la conclusion du contrat de vente de véhicule et ne peut prétendre à la propriété de la clientèle. En tout état de cause, elle recense six manquements allégués de la société Phénix Automobiles à la prudence requise, de mars 2011 à juin 2012 qui sont trop anciens pour pouvoir justifier la rupture de fin 2014, alors même qu'il n'est justifié d'aucune réclamation postérieure à ce titre et elle soutient sans offre de preuve (conclusions p.36) qu'elle ne pouvait résilier l'activité de services faute d'agrément de la société Ford France pour lui permettre de renouveler ses liens avec un autre concessionnaire.
La rupture partielle et sans préavis écrit ni motif, non contestée, de l'activité de services du contrat d'agent litigieux n'est donc pas imputable à la société Phénix Automobiles de sorte qu'il appartient à la société B. Automobiles d'en répondre dans les conditions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce rappelées ci-dessus, s'agissant d'une rupture que l'absence de préavis comme de motif rend brutale.
Sur les préjudices allégués s'agissant de l'activité d'apporteur d'affaires
La société Phénix Automobiles sollicite un préavis de 10 mois eu égard à la durée des relations commerciales rompues et aux circonstances de l'espèce liées à sa part de chiffre d'affaires avec la société B. Automobiles qu'elle évalue à 27,74 % en moyenne et d'une situation d'exclusivité de fait.
La Cour retient cependant un préavis manquant de cinq mois compte tenu :
- de la durée de huit ans de la relation commerciale des parties,
- de la part relative de la société B. Automobiles dans le chiffre d'affaires de la société Phénix Automobiles, soit 27,74 % en moyenne, en hausse de quatre points de 2013 à 2014 (sa pièce 25)
- de la substituabilité du marché de la région parisienne,
- de ce que l'exclusivité de fait alléguée n'est pas imposée à la société Phénix Automobiles,
- de ce qu'elle ne démontre pas avoir vainement recherché un partenaire équivalent à la société B. Automobiles.
Au vu de l'attestation de KPMG, commissaire aux comptes (pièce 28), la société Phénix Automobiles justifie d'une marge brute mensuelle moyenne sur les trois derniers exercices précédents la rupture de 11 814 euros.
Son préjudice s'élève donc à cinq fois cette somme soit 59 070 euros sauf à tenir compte des coûts variables économisés pendant cette période de préavis manquant du fait de la rupture dont la société Phénix Automobiles ne justifie pas.
La Cour retiendra en conséquence la somme de 35 000 euros qu'elle fixera au passif de la liquidation judiciaire de la société B. Automobiles.
Le surplus des demandes de la société Phénix Automobiles ne relève pas de la brutalité de la rupture et ne peut donc être accueilli.
Au demeurant, le préjudice moral allégué n'est étayé d'aucun argumentaire relatif aux circonstances prétendument dévalorisantes et dégradantes de la rupture qui le fondent et la désorganisation alléguée de la société Phénix Automobiles tout comme la non-réalisation des objectifs imposés par la marque du seul fait de la rupture ne résultent d'aucun élément en débat, ainsi que la société B. Automobiles le fait justement valoir.
Sur les préjudices allégués s'agissant de l'activité de services
La Cour retient un préavis manquant de trois mois en lieu et place de celui de 10 mois sollicité par la société Phénix Automobiles pour l'activité de services, retenant les mêmes motifs qu'au point précédent sauf quant à la part de son chiffre d'affaires avec la société B. Automobiles, limitée à 11,2 *% en moyenne sur les trois derniers exercices et en forte baisse en 2014 (9,6 % au lieu de 13,1 en 2013) ce que l'arrêt des commandes en novembre 2014 ne suffit pas à expliquer et sauf à préciser que la société Phénix Automobiles admet que la rupture n'est que partielle.
Au vu de l'attestation de KPMG, commissaire aux comptes (pièce 30), la société Phénix Automobiles justifie d'une marge brute mensuelle moyenne sur les trois derniers exercices précédents la rupture de 4 119,29 euros.
Son préjudice s'élève donc à trois fois cette somme soit 12 357, 87 euros sauf à tenir compte des coûts variables non engagés du fait de la rupture dont la société Phénix Automobiles ne justifie pas.
La Cour retiendra en conséquence la somme de 7 415 euros qu'elle fixera au passif de la liquidation judiciaire de la société B. Automobiles.
Le surplus des demandes de la société Phénix Automobiles ne relève pas de la brutalité de la rupture et ne peut donc être accueillie.
Au demeurant, et de même qu'au point précédent, le préjudice moral allégué n'est étayé d'aucun argumentaire relatif aux circonstances prétendument dévalorisantes et dégradantes de la rupture qui le fondent et la non-réalisation des objectifs imposés par la marque du seul fait de la rupture ne résulte d'aucun élément en débat, ainsi que la société B. Automobiles le fait justement valoir.
Sur les autres demandes
La Cour retenant que les conditions de l'article L442-6 I 5° sont réunies, la demande présentée subsidiairement par la société Phénix Automobiles est sans objet.
Conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la société B. Automobiles, partie perdante doit supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif qui suit.
Par ces motifs LA COUR, Met hors de cause la Selarl AJRS, prise en la personne de Maître Philippe J. ; Infirme le jugement entrepris mais seulement des chefs de la rupture brutale de relations commerciales établies concernant le contrat d'apporteur d'affaires et de la rupture brutale de relations commerciales établies concernant le contrat de service ; Statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant, Fixe la somme de 35 000 euros au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles, en réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture de l'activité d'apporteur d'affaires du contrat d'agent litigieux ; Fixe la somme de 7 415 euros au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles, en réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture de l'activité de service du contrat d'agent litigieux ; Fixe les dépens d'appel au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles, dont distraction au profit de Maître Jacques B., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Fixe la somme de 5 000 euros au passif de la procédure collective de la société B. Automobiles, à titre d'indemnité de procédure en appel ; Rejette toute autre demande.