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Décisions

Cass. com., 18 mars 2020, n° 18-20.256

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Back-Holding GmbH (Sté), Backwarenvertriebs GmbH (Sté)

Défendeur :

Atlantique productions (SAS), Biscuiterie pâtisserie carrée (SAS), Régals de Bretagne (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SCP Colin-Stoclet, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois

T. com. Rennes, du 22 mars 2016

22 mars 2016

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2018), les sociétés de droit allemand Back-Holding, venant aux droits de la société Pro Back Handelsgesellschaft, et Ibis Backwarenvertrieb (les sociétés Ibis), ayant pour activité la distribution de produits de boulangerie et de pâtisserie, ont, à compter de la fin de l'année 2002, entretenu des relations commerciales suivies avec la société Régals de Bretagne (la société Régals) en vue de la distribution en Allemagne de produits de boulangerie industrielle, de viennoiserie, de biscuiterie et pâtisserie fabriqués par les sociétés Atlantique productions et Biscuiterie pâtisserie carrée (la société BPC), appartenant au même groupe que la société Régals.

2. Ces relations ont été formalisées par la signature, à compter du 17 octobre 2008, de contrats successifs.

3. Le dernier, signé le 2 juillet 2013, qui portait sur une période contractuelle s'achevant le 28 février 2014, prévoyait que les parties s'engageaient à négocier avant le 30 novembre 2013, le prix des produits applicable à compter du 1er mars 2014.

4. Aucun accord n'ayant pu être trouvé à cette date, les négociations se sont poursuivies durant l'année 2014 et les relations commerciales ont perduré jusqu'en juin 2015, date à laquelle elles ont définitivement cessé.

5. Reprochant aux sociétés Ibis une baisse substantielle du volume des commandes à compter de mars 2014, la société Régals les a assignées devant le tribunal de commerce de Rennes en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

6. Les sociétés Atlantique productions et BPC sont intervenues volontairement à l'instance pour demander réparation de leur préjudice résultant de la rupture brutale totale de la relation commerciale établie entre la société Régals et les sociétés Ibis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit Enoncé du moyen

7. Les sociétés Ibis font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme à chacune des sociétés Atlantique productions et BPC pour rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société Régals alors " que seul le partenaire commercial direct de l'auteur de la rupture brutale peut former une demande sur le fondement de la responsabilité délictuelle spéciale prévue à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; qu'un tiers ne peut demander réparation du préjudice subi du fait de cette rupture que sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun ; qu'en faisant droit à la demande des sociétés Atlantique productions et Biscuiterie pâtisserie carrée, fondée exclusivement sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que ces sociétés n'étaient que tiers à la relation commerciale invoquée à l'appui de leur demande, et a violé, par fausse application, l'article susvisé. "

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

8. Seule la partie qui entretient directement une relation commerciale établie avec l'autre partie pouvant, sur le fondement de ce texte, rechercher la responsabilité de cette dernière dans le cas où elle aurait, brutalement et sans préavis écrit, rompu cette relation, même partiellement les tiers ne peuvent demander l'indemnisation du préjudice personnel que leur cause une telle rupture que sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle.

9. Pour condamner les sociétés Ibis à réparer le préjudice subi par les sociétés Atlantique productions et BPC, l'arrêt retient qu'en rompant brutalement leurs relations commerciales avec la société Régals, les sociétés Ibis ont commis une faute de nature à entraîner un préjudice immédiat à chacune des sociétés Atlantique productions et BPC, qui assuraient la fabrication des produits distribués par la société Régals et n'ont pas ainsi bénéficié du temps nécessaire à leur reconversion, subissant dès lors une perte de marge en lien direct avec ce manquement.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les sociétés Atlantique productions et BPC n'entretenaient pas directement de relation commerciale avec les sociétés Ibis, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : casse et annule, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts des sociétés Back-Holding et Ibis Backwarenvertrieb pour rupture partielle de la relation commerciale établie, l'arrêt rendu le 30 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.