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Décisions

ADLC, 2 avril 2020, n° 20-D-06

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la livraison de colis

ADLC n° 20-D-06

2 avril 2020

L'Autorité de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 27 septembre 2010, sous le numéro 10/0088 F par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre sur le marché de la livraison de colis aux consommateurs et plus particulièrement en points de retrait ;

Vu la lettre enregistrée le 28 octobre 2010, sous le numéro 10/0097 F, complétée par des courriers des 20 septembre 2012, 16 novembre 2012, 29 mars 2013 et 17 mars 2014, par lesquels les sociétés Kiala France et Kiala SA ont saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe La Poste sur le marché de la livraison de colis ;

Vu la décision du 17 novembre 2010, par laquelle le rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence a procédé à la jonction de l'instruction des affaires n° 10/0088 F et 10/0097 F ;

Vu l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le live IV du code de commerce ;

Vu la décision n° 11-MC-01 du 12 mai 2011 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés Kiala France et Kiala SA dans le secteur de la livraison de colis ;

Vu les décisions de secret d'affaires n° 13-DSA-58 du 15 février 2013, n° 13-DSA-59 du 15 février 2013, n° 13-DSA-60 du 15 février 2013, n° 13-DSA-61 du 15 février 2013, n° 13-DSA-62 du 15 février 2013 , n° 13-DSA-66 du 15 février 2013, n° 13-DSA-186 du 19 juin 2013, n° 13-DSA-193 du 27 juin 2013, n° 14-DSA-75 du 01 avril 2014, n° 14-DSA-76 du 01 avril 2014, n° 14-DSA-178 du 24 juin 2014, n° 14-DSA-179 du 24 juin 2014, n° 14-DSA-287 du 09 octobre 2014, n° 14-DSA-288 du 09 octobre 2014, n° 15-DSA-203 du 29 mai 2015, n° 15-DSA-418 du 07 décembre 2015, n° 16-DSA-30 du 03 février 2016, n° 17-DSA-376 du 13 septembre 2017, n° 17-DSA-378 du 13 septembre 2017, n° 17-DSA-379 du 13 septembre 2017, n° 17-DSA-539 du 12 décembre 2017, n° 17-DSA-540 du 12 décembre 2017, n° 17-DSA-554 du 18 décembre 2017, n° 17-DSA-556 du 19 décembre 2017, n° 17-DSA-558 du 19 décembre 2017, n° 17-DSA-559 du 19 décembre 2017, n° 17-DSA-560 du 20 décembre 2017, n° 17-DSA-562 du 20 décembre 2017, n° 17-DSA-564 du 20 décembre 2017, n° 18-DSA-132 du 27 avril 2018, n° 18-DSA-146 du 28 mai 2018, n° 18-DSA-150 du 29 mai 2018, n° 18-DSA-155 du 29 mai 2018, n° 18-DSA-156 du 30 mai 2018, n° 18-DSA-157 du 30 mai 2018, n° 18-DSA-158 du 30 mai 2018, n° 18-DSA-159 du 31 mai 2018, n° 18-DSA-160 du 31 mai 2018, n° 18-DSA-161 du 31 mai 2018, n° 18-DSA-164 du 04 juin 2018, n° 18-DSA-165 du 04 juin 2018, n° 18-DSA-166 du 04 juin 2018, n° 18-DSA-167 du 04 juin 2018, n° 18-DSA-168 du 04 juin 2018, n° 18-DSA-169 du 04 juin 2018, n° 18-DSA-171 du 05 juin 2018, n° 18-DSA-174 du 06 juin 2018, n° 18-DSA-176 du 07 juin 2018, n° 18-DSA-179 du 11 juin 2018, n° 18-DSA-181 du 12 juin 2018, n° 18-DSA-186 du 14 juin 2018, n° 18-DSA-187 du 14 juin 2018, n° 18-DSA-190 du 14 juin 2018, n° 18-DSA-192 du 14 juin 2018, n° 18-DSA-193 du 14 juin 2018, n° 18-DSA-197 du 19 juin 2018, n° 18-DSA-198 du 19 juin 2018, n° 18-DSA-204 du 03 juillet 2018, n° 18-DSA-290 du 10 septembre 2018, n° 19-DSA-232 du 01 juillet 2019, n° 19-DSA-279 du 30 juillet 2019, n° 19-DSA-626 du 4 novembre 2019, 19-DSA-642 du 5 novembre 2019, n°19-DSA-695 du 28 novembre 2019, n° 19-DEC-170 du 14 mai 2019, n° 19-DEC-179 du 16 mai 2019, n° 19-DEC-181 du 17 mai 2019, n° 19-DEC-188 du 3 juin 2019, n° 19-DEC-191 du 27 mai 2019, n° 19-DECR-146 du 09 mai 2019, n° 19-DECR-149 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-150 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-151 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-152 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-153 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-154 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-156 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-157 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-158 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-159 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-160 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-161 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-162 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-163 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-164 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-165 du 10 mai 2019, n° 19-DECR-171 du 15 mai 2019, n° 19-DECR-173 du 15 mai 2019, n° 19-DECR-174 du 15 mai 2019, n° 19-DECR-177 du 16 mai 2019, n° 19-DECR-178 du 16 mai 2019 ;

Vu l'évaluation préliminaire des préoccupations de concurrence du 4 juillet 2019 transmise aux parties et au commissaire du gouvernement le 5 juillet 2019 ;

Vu la proposition d'engagements de La Poste du 25 juillet 2019, modifiée le 31 octobre, le 27 novembre et le 12 décembre 2019 ;

Vu les observations du 16 septembre 2019 présentées par Colis privé, les sociétés UPS et le commissaire du Gouvernement dans le cadre du test de marché ;

Vu les avis n° 2011-1353 et n° 2015-1315 du 29 novembre 2011 et du 3 novembre 2015 de l'ARCEP ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de La Poste SA et des sociétés UPS France et UPS Inc. entendus lors de la séance du 3 décembre 2019 ;

Le représentant de la société Cdiscount, entendus sur le fondement de l'article L. 463-7 du code de commerce ;

Adopte la décision suivante :

Résumé(1)

Dans la décision ci-après, l'Autorité de la concurrence accepte les engagements de la Poste SA et clôt la procédure au fond engagée par Kiala France, Kiala SA, UPS France et UPS Inc., portant sur des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la livraison de colis.

Historiquement, La Poste SA est un opérateur de livraison traditionnelle de colis à domicile.

Depuis 2010, La Poste SA propose également des prestations de livraison de colis hors domicile, notamment en bureau de poste et points relais.

Dans leur évaluation préliminaire, les services d'instruction ont identifié des préoccupations de concurrence relatives à des remises de couplage entre les livraisons à domicile et hors domicile ainsi qu'à des remises rétroactives sur les livraisons à domicile.

Pour répondre à ces préoccupations de concurrence, La Poste SA s'est notamment engagée à :

1) calculer séparément les remises portant sur les livraisons à domicile et celles portant sur les livraisons hors domicile ;

2) construire une grille de prix nets sur la base d'une grille incrémentale ;

3) mettre en place des formations en droit de la concurrence, un outil permettant la conservation des données contractuelles, un comité de pilotage en charge du suivi de l'application des engagements et la nomination d'un mandataire.

La durée des engagements est de 5 ans avec une période de déploiement.

I. Constatations

A. LES SAISINES

1. Par lettre enregistrée le 27 septembre 2010, sous le numéro 10/0088 F, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (ci-après : " le ministre ") a saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après : " l'Autorité ") de pratiques mises en œuvre sur le marché de la livraison de colis aux consommateurs et plus particulièrement en points de retrait(2).

2. Par lettre enregistrée le 28 octobre 2010, sous le numéro 10/0097 F, les sociétés Kiala France et Kiala SA (ci-après : " Kiala ") ont saisi l'Autorité de pratiques mises en œuvre par le groupe La Poste sur le marché de la livraison de colis(3).

3. Par décision du 17 novembre 2010, le rapporteur général adjoint de l'Autorité a décidé de joindre l'instruction des affaires n° 10/0088 F et 10/0097 F.

4. Par lettre enregistrée le 13 janvier 2011, sous le numéro 11/0004 M, Kiala a sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires.

5. Par décision n° 11-MC-01 du 12 mai 2011, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par Kiala dans le secteur de la livraison de colis, l'Autorité a considéré la saisine de Kiala comme recevable et prononcé des mesures conservatoires. Dans cette décision, " L'Autorité de la concurrence prend acte de l'engagement pris par le président de La Poste, dans son courrier du 12 janvier 2011, de " suspendre la signature du contrat avec Mondial Relay jusqu'à ce que l'Autorité ait statué " et enjoint au groupe La Poste de maintenir cette suspension jusqu'à ce qu'intervienne la décision au fond de l'Autorité dans cette affaire "(4).

6. Par courriers du 20 septembre 2012, du 16 novembre 2012, du 29 mars 2013 et du 17 mars 2014, la société Kiala a complété sa saisine initiale(5).

7. Par courrier du 3 avril 2014, la société Kiala SA s'est désistée partiellement de ses saisines en ce qu'elles concernaient des griefs formulés à l'encontre de la société Mondial Relay(6).

8. Consultée dans le cadre de la présente affaire sur le fondement des dispositions de l'article R. 463-9 du code de commerce, l'ARCEP a rendu, le 29 novembre 2011 et le 3 novembre 2015, les avis n° 2011-1353 et n° 2015-1315(7).

B. LES PARTIES CONCERNEES

1. LES SAISISSANTS : KIALA SA, KIALA FRANCE, UPS FRANCE ET UPS INC.

9. Créée en 2001, Kiala SA est une société de droit belge spécialisée dans la mise en place de services de livraison de colis, principalement des entreprises vers les particuliers, via des points de livraison situés chez des commerçants (buralistes, fleuristes, etc.). Kiala France est une société de droit français. Kiala est active en Europe, notamment en France, en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Espagne.

10. En février 2012, Kiala a été rachetée par le groupe américain UPS (" United Parcel Service "), basé à Atlanta. La société Kiala France a été radiée du RCS le 23 juin 2016.

11. Depuis, le modèle Kiala a également été développé sous le nom de " UPS Access Point " en France, en Europe et dans le reste du monde. En France, à partir du rachat et jusqu'en 2017 environ, les points relais portaient les deux marques UPS et Kiala. Depuis, les points Kiala sont devenus les points relais " UPS Access Point ". En 2016, ce réseau comptait environ 4 270 " Points Relais Kiala " en France(8) et plus de 15 000 points de collecte en Europe(9).

12. Les saisissants sont Kiala SA, UPS Inc. et UPS France (ci-après : " UPS ").

2. LA PARTIE MISE EN CAUSE : LA POSTE SA

13. La Poste SA (" La Poste ") est l'opérateur historique postal français. Depuis le 23 mars 2010, La Poste est une société anonyme à capitaux publics.

14. La Poste fait partie du Groupe La Poste. Ce groupe est organisé en cinq branches : Service-Courrier-Colis, Banque Postale, GeoPost, Réseau La Poste, Numérique et Poste Immo(10).

15. En 2013, concernant son activité de livraison de colis hors domicile traditionnelle d'entreprises à particuliers et d'entreprises à entreprises, La Poste a généré un chiffre d'affaires d'environ [25-35] millions d'euros en 2013, et, en 2016, d'environ [55-65] millions d'euros(11). En 2013, environ [5-15] millions de colis d'entreprises à particuliers et d'entreprises à entreprises ont été livrés chez les commerçants, et, en 2016, environ [12-20] millions(12).

C. LES PRATIQUES DENONCEES

16. Le ministre dénonce, dans sa saisine, l'accord de partenariat entre La Poste et Mondial Relay conclu en mai 2003 par lequel Le Groupe La Poste aurait pu accéder au réseau de points relais de Mondial Relay.

17. Kiala et UPS dénoncent une série de comportements qu'aurait adoptés le Groupe La Poste et qui peuvent être synthétisés comme suit :

- L'accord de partenariat conclu entre La Poste et Mondial Relay, qui précisait les conditions dans lesquelles Mondial Relay devait assurer, pour le compte de La Poste, un service de mise à disposition et de dépôt de colis pour les particuliers, en mettant en œuvre des moyens physiques et techniques ;

- L'incitation et la participation par La Poste à la violation d'une exclusivité et à la rupture de relations commerciales par Mondial Relay de son contrat de partenariat avec Kiala ;

- Le refus d'accès à Kiala par La Poste à son infrastructure terminale de livraison, notamment les bureaux de poste ;

- La mise en œuvre par La Poste de pratiques de prédation : Kiala dénonce plus particulièrement " la mise à disposition d'un réseau financé par une subvention publique au bénéfice d'une activité concurrentielle à des conditions préférentielles et les éventuelles pratiques de prix prédateurs en résultant "(13) ;

- Le surdimensionnement du réseau Pick-up Services (i) " par l'adjonction de nouveaux points ou de réseau préconstitué ", (ii) par la sur-rémunération par La Poste de ses points relais " en tant que pratique de prédation et d'augmentation artificielle des coûts des concurrents ", (iii) par le détournement abusif (et par des pratiques dénigrantes) par La Poste des points relais au sein de réseaux déjà constitués par d'autres opérateurs (dont Kiala). Cette extension illicite par La Poste de son réseau de points relais serait " une extension illicite en tant que pratique d'overbuying(14) et en soi, indépendamment des moyens mis en œuvre ".

- La proposition par La Poste d'une offre commercialement et techniquement liée (l'offre So Colissimo qui proposait sous une seule et même marque cinq types de livraisons : livraison à domicile sans rendez-vous, livraison à domicile avec rendez-vous, livraison en consignes, livraison en points relais et livraison en bureaux de poste) ;

- Le détournement abusif par La Poste de clients de Kiala par le biais de " remises fidélisantes " ;

- L'exploitation par La Poste d'une " confusion systématique entre les activités de service public de La Poste et celles exercées par Pick-Up "(15).

18. Selon Kiala et UPS, chacune de ces huit pratiques serait constitutive d'un abus de position dominante, prohibé par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

D. LA PRATIQUE CONSTATEE : LES REMISES DE LA POSTE

19. Historiquement, La Poste propose des prestations de livraison de colis traditionnelle à domicile par le biais de ses offres " Colissimo ", " Profil " ou " Coliéco ".

20. Depuis juin 2010, La Poste propose, en sus des offres de livraisons traditionnelles à domicile, des offres de livraisons de colis traditionnelles hors domicile (livraison en relais commerce, en bureau de poste et Cityssimo)(16) qui sont commercialisées par La Poste dans le cadre de deux offres dites " So Colissimo " et " Profil So Colissimo "(17). Ces offres visent à permettre aux clients-chargeurs de bénéficier des différentes modalités de livraison à domicile et hors domicile.

21. Depuis 2016, La Poste a fusionné l'offre " Colissimo " et l'offre " So Colissimo " en une seule offre " Colissimo " permettant de bénéficier de livraisons à domicile et hors domicile. La Poste explique que " les clients ont désormais la possibilité, en fonction de la solution technique pour laquelle ils optent, de ne référencer qu'un seul mode de livraison s'ils le souhaitent "(18).

22. Trois catégories de clients sont définies par La Poste :

- La force de vente généralisée (FDVG), qui se voit appliquer un tarif général par tranche de poids établi chaque année. Cette catégorie de clients représente plusieurs milliers de clients ;

- Les clients [à tarification standardisée] pour lesquels les remises sont calculées à partir d'un outil de cotation [confidentiel] ;

- Les clients pour lesquels les remises sont individualisées mais dont le prix est fixé à l'aide d'un outil nommé [outil de modélisation des coûts(19)](20) (" les clients à tarification spécifique "). Cette catégorie de clients représente plus de la moitié du chiffre d'affaires.

23. Les conditions tarifaires des clients en produits " Colissimo ", " Profil ", " So Colissimo " et " So Colissimo Profil " sont généralement formulées contractuellement sous la forme d'un ou plusieurs taux de remise sur les tarifs généraux, taux croissants avec le volume ou le chiffre d'affaires de livraisons confié à La Poste :

- Pour les produits " Colissimo " et " So Colissimo ", ce taux de remise applicable aux clients dont le chiffre d'affaires annuel en produits " Colissimo " dépasse [10 000 - 30 000] euros hors taxe est calculé par l'intermédiaire d'un outil de cotation appelé [confidentiel](21).

- Pour les contrats " Profil ", " So Colissimo Profil " et " Coliéco "(22), les remises octroyées ne sont pas basées sur cet outil de cotation et résultent d'une négociation avec les clients concernés(23). La Poste vérifie la rentabilité des prix proposés aux clients " Profil " et " Profil So Colissimo " à l'aide d'un logiciel de modélisation des coûts baptisé [de modélisation des coûts].

- Certains clients " Profil " et " So Colissimo Profil " bénéficient par ailleurs d'un prix unitaire individualisé, en fonction de la répartition prévisionnelle des poids des colis, auquel peut être ensuite appliqué un taux de remise ou une grille de prix nets.

24. Pour les Clients [à tarification standardisée], la détermination des taux de remise définis par l'outil de cotation [confidentiel] a connu plusieurs modifications au cours du temps(24) :

- Entre 2010 et 2012, ces taux de remises s'appliquaient à la totalité des colis ayant transité par les différentes modalités de livraisons achetées par un client, tant ceux excédant le seuil d'obtention des remises que ceux inférieurs à ce seuil. Les quantités ou le chiffre d'affaires pris en compte pour déterminer le montant de la remise consistaient en un cumul des quantités ou du chiffre d'affaires sur l'ensemble des modalités de livraison. De plus, les volumes associés à différentes modalités de livraisons commercialisées dans le cadre de Colissimo se voyaient appliquer un même taux de remise. Ainsi, entre 2010 et 2012, un client bénéficiait de la même remise pour la totalité de ses livraisons à domicile et hors domicile.

- Entre 2013 et 2016, La Poste distingue un taux de remise applicable aux flux destinés à une livraison en relais commerçant, et un taux de remise applicable aux volumes cumulés des livraisons à domicile, en bureau de poste et Cityssimo. Les volumes pris en compte pour déterminer le taux de remise applicable à chacune de ces deux catégories de livraison sont également distincts. Les remises ainsi calculées s'appliquent à nouveau à la totalité des flux au sein de chaque catégorie de livraison (i.e., remises " rétroactives ").

- Enfin, à partir de 2016, les livraisons à domicile d'un client bénéficient de leur propre taux de remise, calculé uniquement en fonction de l'activité livraison à domicile, distinct du taux de remise applicable aux trois modalités de livraison hors domicile. Dès lors, il existe une remise portant sur les trois modalités de livraisons hors domicile (livraison en relais commerçant, en bureau de poste et en consigne), déterminée à partir du volume prévisionnel cumulé de ces trois modalités de livraison, et une autre remise pour les livraisons à domicile, déterminée uniquement à partir du volume prévisionnel de celles-ci. Les remises sont également calculées de manière rétroactive, c'est-à-dire s'appliquent à la totalité des colis livrés au sein de chaque catégorie de livraison.

25. Pour les Clients à tarification spécifique, qui concluent des contrats " Colissimo Profil " ou " Profil So Colissimo ", La Poste explique qu' " entre 2010 et 2016, il n'existe pas de règle permettant de définir à l'avance si les remises sont calculées sur la base d'un cumul des volumes "(25) domicile et hors domicile et que pour les contrats " Profil " ou " Coliéco ", " il n'existe pas de barème de prix, ni de grille de référence "(26). La Poste précise également qu'il n'existe pas de document décrivant le déroulement des négociations avec les clients relevant exclusivement de l'outil [de modélisation des coûts](27) et que le mode de calcul du prix net ou des remises par rapport à un prix brut n'est pas connu. L'examen des contrats transmis à la demande des services d'instruction montre que les niveaux de remises accordés dans le cadre des contrats Profil pouvaient être, selon les cas, déterminés en cumulant ou en dissociant les volumes prévisionnels de livraisons à domicile et hors domicile, comme le déclarait La Poste(28). Par ailleurs, certains contrats comprenaient les tarifs qui seraient appliqués en cas de non-respect des engagements prévisionnels quant au nombre de colis livrés, d'autres non. Enfin, certains des contrats transmis pour des clients de ce type ne font état d'aucune remise et ne spécifient qu'un prix net ; ces contrats indiquent cependant explicitement que le prix net fixé dépend d'un engagement de volume ou de chiffre d'affaires susceptible d'être révisé de façon trimestrielle, par exemple si les volumes/chiffre d'affaires constatés sont inférieurs d'au moins 10 % à ceux annoncés, sans pour autant que le prix net renégocié en cas de non-respect des engagements soit connu. Les offres " Profil " sont destinées à de grands clients, qui représenteraient, selon les années, entre 39 % et 51 % des colis livrés (toutes modalités de livraison confondues) et entre 53 % et 71 % des colis livrés hors domicile(29).

26. Enfin, La Poste a indiqué : " Lorsque le client-chargeur décide de référencer un autre opérateur que La Poste pour les mêmes prestations, ce dont nous ne sommes pas toujours informés, nous ne modifions pas le prix convenu préalablement. Il en sera tenu compte lors du renouvellement du contrat, le cas échéant, dans la prévision de volume faite par le client pour l'année suivante comme déjà précisé plus haut. La durée des contrats est annuelle. Une modification des volumes en cours d'année a surtout pour effet de modifier les prévisions de volumes pour l'année suivante et le prix qui sera obtenu. Il en va de même en cas de modification des autres paramètres en cours d'année "(30). La Poste indique également : " La Poste communique en Annexe 4.2 une liste de 7 cas identifiés par les commerciaux de ColiPoste pour 2010. En pratique, lorsque les prévisions de volumes et de poids moyen d'un client ne sont pas réalisées, l'ajustement de prix intervient l'année suivante (sans effet rétroactif) si le client reste client de ColiPoste "(31). La Poste a également indiqué ne pas sanctionner les clients qui ne respecteraient pas leurs engagements, les clients n'étant cependant pas informés de cette absence de sanction(32).

II. La mise en œuvre de la procédure d'engagements

A. L'EVALUATION PRELIMINAIRE

27. Le 4 juillet 2019, les services d'instruction ont envoyé une évaluation préliminaire au Groupe La Poste. Les principaux éléments figurant dans ce document sont repris ci-dessous.

28. Seront successivement abordées ci-après, l'application du droit de l'Union européenne (1), la libéralisation du secteur des services postaux (2), la délimitation du marché pertinent et la position des entreprises visées (3), et les préoccupations de concurrence identifiées par les services d'instruction (4).

1. L'APPLICABILITE DU DROIT DE L'UNION EUROPEENNE

29. Trois éléments doivent être réunis pour établir que des pratiques sont susceptibles d'avoir sensiblement affecté le commerce entre États membres (cf. lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité [articles 101 et 102 du TFUE]) :

- L'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits faisant l'objet de la pratique ;

- L'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges ;

- Le caractère sensible de cette affectation.

30. En l'espèce, les pratiques dénoncées concernent le marché des activités postales qui s'est ouvert entièrement à la concurrence le 1er janvier 2011 à la suite de la transposition en droit interne de la directive 97/67 modifiée.

31. La Poste offre des services de livraison de colis sur l'ensemble du territoire national et est susceptible de détenir une position dominante sur le marché de la livraison de colis traditionnelle d'entreprise à particulier.

32. UPS opère dans d'autres États membres de l'Union européenne. Les pratiques concernées sont donc également susceptibles d'avoir des répercussions sur la structure de la concurrence existant sur les marchés européens de la livraison de colis d'entreprises à particuliers.

33. Au surplus, doit être prise en compte la circonstance que les services de livraison de colis en points de retrait s'adressent aux entreprises pratiquant la vente à distance, en particulier par Internet. Or, certaines de ces entreprises opèrent sur le territoire français depuis d'autres États membres de l'Union européenne, comme le groupe Amazon qui est implanté au Luxembourg(33), ou encore la société Zalando implantée en Allemagne(34), de sorte que les pratiques dénoncées sont également susceptibles d'affecter indirectement l'activité de ces entreprises et, partant, le commerce entre États membres.

34. Les pratiques alléguées sont donc susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres et doivent être examinées au regard des articles 101 et 102 du TFUE.

2. LA LIBERALISATION DU SECTEUR DES SERVICES POSTAUX

35. Autrefois monopole public en France et considéré comme un service d'intérêt économique général au sein de l'Union européenne, le secteur des services postaux a fait l'objet d'une ouverture progressive à la concurrence.

36. Cette ouverture à la concurrence s'effectue dans le cadre réglementaire défini par les " directives postales " du Parlement européen et du Conseil, à savoir la directive 97/67/CE, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service(35), modifiée par les directives 2002/39/CE du 10 juin 2002(36) et la directive 2008/6/CE du 20 février 2008(37) en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (ci-après, ensemble, la " directive 97/67 modifiée ").

37. Conformément à la directive 2008/06/CE du 20 février 2008 précitée, le marché des services postaux est totalement ouvert à la concurrence depuis le 31 décembre 2010(38).

38. Les dispositions de la directive 97/67 modifiée ont été transposées en France, en dernier lieu, par la loi n° 2010-123 du 10 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales(39).

39. Les États membres conservent la faculté de désigner un ou plusieurs prestataires du service universel. L'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques (ci-après le " CPCE ") désigne La Poste en tant que seul prestataire du service universel postal pour une durée de quinze ans à compter du 1er janvier 2011.

40. En outre, La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations d'accessibilité du service universel.

3. LES MARCHES ET LA POSITION DE LA POSTE SA

41. Seront successivement examinées ci-après la définition du marché pertinent (a) et la position occupée par La Poste sur ce dernier (b).

a) Le secteur de la livraison de colis

42. Le secteur de la livraison de colis comprend différents segments :

- la livraison de colis entreprises à entreprises (" BtoB ") ;

- la livraison de colis entreprises à particuliers (" BtoC ") ;

- la livraison de colis particuliers à entreprises (" CtoB ") ;

- la livraison de colis particuliers à particuliers (" CtoC ")(40).

43. Le présent dossier concerne plus spécifiquement la livraison de colis d'entreprises à particuliers.

44. L'essentiel des flux de livraison de colis d'entreprises à particuliers est généré par les entreprises de vente à distance, notamment les sites de vente par Internet (ou " e-commerçants " ou " clients-chargeurs "). Ce secteur connait des évolutions importantes : la vente à distance traditionnelle qui fonctionnait historiquement via l'envoi de catalogues papier connaît un recul marqué (- 45 % en chiffre d'affaires entre 2006 et 2014) ; en revanche, le commerce en ligne montre une progression très importante (près de 400 % sur la même période). En 2019, plus de 1.7 milliard de transactions ont été enregistrées sur les sites de e-commerce. Le chiffre d'affaires de l'activité des cybermarchands en France a dépassé les 100 Md € en 2019(41).

45. Au sein du marché de la livraison de colis, une distinction est classiquement opérée en fonction des délais d'acheminement entre :

- le colis express (délais inférieurs ou égaux à un jour, J+1) ; et

- le colis hors express (délais généralement supérieurs à un jour, J+2 à J+5).

46. Le processus de livraison de colis se décompose en plusieurs étapes :

- la collecte chez l'entreprise (ou " client-chargeur ") ou le dépôt par le client ;

- le tri ;

- l'acheminement (en principe, dans le cadre d'une desserte quotidienne) ; et

- la remise ou la distribution au destinataire.

47. Selon les cas, une ou plusieurs de ces étapes peut être confiée à un prestataire extérieur, comme l'acheminement qui peut être accompli par une ou plusieurs entreprises de transport.

48. Les activités de livraison de colis peuvent être distinguées en fonction du point d'arrivée des colis, à savoir le " domicile " et le " hors domicile ". La livraison de colis hors domicile comprend :

- la livraison directe en bureaux de poste : il faut distinguer la remise en instance en bureau de poste et la livraison directe en bureau de poste. La remise en instance en bureau de poste consiste pour le facteur à déposer le colis après un passage infructueux à domicile ; en revanche la livraison directe en bureau de poste consiste à livrer directement le colis en bureau de poste, en tant que point de retrait. Tous les bureaux de poste ne sont cependant pas éligibles à être un point de retrait ;

- la livraison en point relais : la livraison de colis en points relais consiste à acheminer le colis vers un commerce de proximité auprès duquel le destinataire viendra le récupérer, le commerçant se chargeant alors de le lui remettre, tout en étant rémunéré par le prestataire de livraison pour cette activité ;

- la remise en consigne : ce mode de livraison consiste à mettre à la disposition des consommateurs des consignes automatiques, disponibles 24h/24, où ils pourront venir retirer leur colis (La Poste proposait anciennement l'Offre " Cityssimo ", désormais appelée " Pickup Station ").

b) Le marché pertinent

49. La livraison de colis d'entreprises à particuliers ne relève pas du champ du service universel. En effet, l'article R. 1, d), du CPCE précise qu'en sont exclus les services d'envois proposés à des entreprises en exécution de contrats portant sur plusieurs envois.

50. Sur le marché de la messagerie de colis, l'Autorité a rappelé, dans sa décision de mesures conservatoires n° 11-MC-01, que " [l]e secteur du colis est traditionnellement segmenté selon les catégories d'envois : les monocolis, qui sont des colis de 0 à 30 kg traités individuellement, et les expéditions, pour lesquelles les envois sont traités par lots. L'acheminement en express est traditionnellement considéré comme un critère de segmentation car il exige des compétences spécifiques " (§ 138).

51. L'Autorité distingue trois types de services : (i) la messagerie traditionnelle (livraison de 24 à 72 heures sur le territoire national), (ii) la messagerie rapide (enlèvement avant 18 heures pour une livraison en principe le lendemain avant 18 heures sur le territoire national, les délais n'étant pas garantis) et (iii) la messagerie express (enlèvement avant 18 heures pour une livraison le lendemain avant 12 ou 13 heures sur le territoire national avec différents niveaux de garantie sur les délais et une possibilité de suivi par le client).

52. Une segmentation supplémentaire au sein du marché de la livraison traditionnelle d'entreprises à particuliers, entre, d'une part, le marché de la livraison de colis à domicile, et, d'autre part, le marché de la livraison de colis hors domicile a été envisagée par l'Autorité dans sa décision de mesures conservatoires n° 11-MC-01.

53. Lors de l'instruction au fond, un test de marché(42) a été effectué, qui conduit à relativiser la substituabilité entre livraison hors domicile et livraison à domicile. En particulier, sur 63 clients chargeurs [répondant(43) à la question 3 du test de marché], 18 considèrent que leurs clients ne se reporteraient pas vers la livraison hors domicile en cas de hausse des prix de 5 à 10 % de la livraison à domicile. En tenant compte des taux de report exprimés par 20 des 45 répondants restants(44), le taux de report pondéré par les colis livrés à domicile(45) est alors très bas, de 11 %. De même, si le prix des services de livraison hors domicile augmentait de façon permanente de 5 à 10 %, 23 des 58 clients chargeurs [répondant à la question 10 du test de marché] ont indiqué que leurs consommateurs ne se reporteraient pas vers la livraison à domicile. En tenant compte des reports indiqués par 13 des 35 répondants restants, le taux de report pondéré par les colis livrés hors domicile s'élève à environ 9 %. Ainsi, les transferts entre les deux modes de livraison semblent limités, ce qui relativise significativement la pression concurrentielle réciproque entre ces deux modes de livraison.

54. Par ailleurs, il peut également être constaté que seule une faible part des clients chargeurs utilise le prix obtenu pour l'un des deux modes de livraison pour négocier le prix de livraison de l'autre mode (questions 5 et 11 du test de marché).

55. De tels constats laissent à penser que deux marchés distincts de livraison de colis traditionnelle d'entreprises à particuliers pourraient être définis : la livraison de colis à domicile et la livraison de colis hors domicile.

56. Cette question peut néanmoins être laissée ouverte en l'espèce, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue. En effet, quand bien même deux marchés distincts seraient identifiés, l'un de la livraison traditionnelle de colis à domicile, l'autre de la livraison traditionnelle de colis hors domicile, un lien de connexité existe entre le marché de la livraison à domicile et le marché de la livraison hors domicile(46). Tout d'abord, sur les deux marchés, les demandeurs sont identiques. En effet, sur le marché de livraison à domicile et hors domicile, les demandeurs sont les clients-chargeurs et leurs consommateurs (acheteurs sur les sites en ligne). La Poste intervient sur ces deux marchés, et est donc un concurrent direct des livreurs de prestations de livraison hors domicile. La stratégie même de La Poste, de proposer un contrat unique pour les deux prestations de livraison à domicile et hors domicile, confirme un lien de connexité entre les deux marchés.

57. Enfin, la pratique décisionnelle européenne et nationale considère que la dimension géographique du marché de la livraison traditionnelle de colis d'entreprises à particuliers est nationale(47). Une sous-segmentation éventuelle du marché de la livraison traditionnelle de colis d'entreprises à particuliers entre le domicile et le hors domicile ne modifie pas la délimitation nationale du marché.

4. LA POSITION DE LA POSTE

a) Sur le marché de la livraison de colis traditionnelle d'entreprises à particuliers à domicile

58. Le Tribunal de l'Union européenne a pu juger que, " si la signification des parts de marché peut différer d'un marché à l'autre, des parts extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante " (TPICE, 30 janv. 2007, aff. T-340/03, France Télécom c/ Commission, EU:T:2007:22 ; v. aussi Trib. UE, 1er juill. 2010, aff. T-321/05, AstraZeneca AB c/ Commission, EU:T:2010:266 ; CJUE, 6 déc. 2012, aff. C-457/10 P, EU:C:2012:770).

59. Le tableau suivant présente les parts de marché estimées de La Poste sur la livraison à domicile traditionnelle pour la période 2010-2016(48). Quelle que soit l'année considérée, la part de marché de La Poste est toujours supérieure à 85 %. La Poste est donc susceptible d'occuper une position dominante sur le marché de la livraison de colis traditionnelle d'entreprises à particuliers à domicile.

Parts de marché / 2010 / 2011 / 2012 / 2013 / 2014 / 2015 / 2016

La Poste / 93 % / 94 % / 92 % / 92 % / 90 % / 85 % / 86 %(49)

b) Sur le marché de la livraison de colis traditionnelle d'entreprises à particuliers hors domicile

60. Sur le marché de livraison hors domicile, les parts de marché en volume de La Poste sont les suivantes(50) :

[TABLEAU]

61. Sur ce même marché, les parts de marché en valeur de La Poste sont les suivantes(51) :

[TABLEAU]

62. Au vu de ce tableau, il apparaît que La Poste ne soit pas le premier opérateur sur le marché de la livraison hors domicile : ses parts de marché en volume ne dépassent pas 22 % (29 % en valeur) contre 47 % pour Mondial Relay. La Poste a néanmoins connu une forte progression de ses parts de marché et est aujourd'hui un opérateur important de ce marché.

c) Sur le marché éventuel de la livraison de colis traditionnelle d'entreprises à particuliers à domicile et hors domicile

63. Sur un éventuel marché de la livraison de colis traditionnelle à domicile et hors domicile, les parts de marché en volume de La Poste sont les suivantes(52) :

[TABLEAU]

64. Au vu de ce tableau, il apparaît que La Poste est susceptible d'être en position dominante sur un éventuel marché de la livraison de colis traditionnelle (incluant domicile et hors domicile) avec des parts de marché en volume comprises entre 70 % et 80 % sur la période 2010-2016 alors que les parts de marché individuelles de ses concurrents n'excèdent pas 12 %.

5. LES PREOCCUPATIONS DE CONCURRENCE RELEVEES PAR LES SERVICES D'INSTRUCTION

65. Aux termes du communiqué de procédure du 2 mars 2009 précité, l'objectif d'une procédure d'engagements est, d'une part, " d'obtenir que l'entreprise cesse ou modifie de son plein gré, pour l'avenir, des comportements ayant suscité des préoccupations de concurrence, à la différence d'une décision de condamnation, qui constate le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause, en impose la cessation ou la modification, et le sanctionne le cas échéant " et, d'autre part, de représenter " une économie de ressources pour l'Autorité " en permettant " d'accélérer la résolution des affaires ne portant pas sur des pratiques dont la nature ou les effets sont tels qu'ils appellent a priori le prononcé d'une sanction ".

66. C'est dans ce cadre que les services d'instruction sont conduits, le cas échéant, à retenir des préoccupations de concurrence portant sur des comportements susceptibles de se traduire par la mise en œuvre d'une pratique, sans qu'il soit besoin d'en établir le caractère anticoncurrentiel.

67. En l'espèce, certaines pratiques dénoncées par les saisissants n'ont pas suscité de préoccupations de concurrence. Il s'agit des pratiques relatives (i) à l'accord de partenariat conclu entre La Poste et Mondial Relay, qui a été suspendu par la mesure conservatoire, (ii) l'incitation et la participation par La Poste à la violation d'une exclusivité et à la rupture de relations commerciales, (iii) l'accès à l'infrastructure de livraison de La Poste, (iv) aux subventions croisées et prédation tarifaire, (v) à la proposition par La Poste d'une vente liée, et (vi) à la confusion et au bénéfice de l'image de La Poste.

68. En effet, les éléments apportés par les saisissants au soutien des pratiques dénoncées et les éléments recueillis par l'instruction n'ont pas permis de confirmer leur existence.

69. En revanche, la pratique de remises de La Poste a suscité des préoccupations de concurrence.

70. Selon la pratique décisionnelle de l'Autorité et de la Commission européenne, peut être considérée comme abusive l'application d' " un système de rabais lorsque, au vu de l'ensemble des circonstances - notamment les critères et modalités d'octroi du rabais - il apparaît que ce dernier tend, par un avantage qui ne repose sur aucune prestation économique qui le justifie, à ôter ou limiter la possibilité de choix des acheteurs entre les différentes sources d'approvisionnement, à barrer l'accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée (par ex. arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2015, Post Danmark, aff. C-23/14 P, point 29) " (p. 43). À cet égard, ainsi que l'a rappelé la CJUE, dans l'affaire Post Danmark, " il ressort de la jurisprudence que les obligations contractuelles qui pèsent sur les cocontractants de l'entreprise en position dominante et la pression exercée sur eux peuvent être particulièrement fortes lorsqu'un rabais ne se rapporte pas seulement à l'accroissement des achats des produits de cette entreprise réalisés par ces cocontractants durant la période prise en considération, mais s'étend également à l'ensemble de ces achats. De cette manière, des variations proportionnellement modestes des ventes des produits de l'entreprise en position dominante produisent des effets disproportionnés sur les cocontractants (voir, en ce sens, arrêt British Airways/Commission, C-95/04 P, EU:C:2007:166, point 73) " (§33).

71. L'Autorité a distingué, dans sa pratique contentieuse, trois grands types de remises(53) :

1. les remises de volume, qui sont des remises de quantité, réputées conformes au droit de la concurrence ;

2. les remises d'exclusivité, qui sont soumises à une présomption de nocivité (voir arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, point 89). Pour autant, dans son arrêt Intel, la Cour a également jugé que " dans le cas où l'entreprise concernée soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l'appui, que son comportement n'a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d'éviction reprochés (...), la Commission est non seulement tenue d'analyser, d'une part, l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent et, d'autre part, le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais elle est également tenue d'apprécier l'existence éventuelle d'une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces "(54) ;et,

3. les remises intermédiaires, qui doivent faire l'objet d'une analyse au cas par cas, au vu des circonstances de l'espèce, notamment " les critères et les modalités de l'octroi du rabais "(55).

72. Le système de remises décrit supra (§ 19 et suivants) suscite les préoccupations de concurrence suivantes.

73. À titre liminaire, la part de marché de La Poste sur les livraisons de colis effectuées à domicile, quoique décroissante, est restée très forte sur l'ensemble de la période 2010-2016, passant de 91 % en 2010 à 84 % en 2015(56). Plus spécifiquement, la livraison à domicile demeure jusqu'à aujourd'hui un vecteur très important d'activité : elle représentait encore environ 77 % du total des livraisons en 2015(57). 97 des 104 clients-chargeurs les plus importants des quatre opérateurs de livraisons en relais commerçant(58) interrogés en 2017 considèrent également qu'il est indispensable de proposer la livraison à domicile à leurs clients finaux, étant précisé que cinq clients-chargeurs n'ont pas répondu à la question. Or, 78 des 104 clients-chargeurs interrogés considèrent La Poste comme un opérateur indispensable pour les livraisons à domicile, étant précisé que deux des 104 clients-chargeurs n'ont pas répondu à la question et que deux autres répondants ne se sentent pas concernés par la question. Cette position incontournable de La Poste sur la livraison à domicile se reflète également au travers de ses parts de marché, qui, comme précisé supra, sont encore de 84 % en 2015.

74. Ainsi, tant au regard de ses parts de marché sur la livraison à domicile que des déclarations et réponses au test de marché, La Poste apparaît comme un opérateur incontournable de la livraison à domicile aux yeux des clients-chargeurs.

75. La Poste dispose donc d'une part non-contestable pour les livraisons à domicile.

76. De plus, la part des livraisons hors domicile de colis réalisée par La Poste, si elle est demeurée relativement faible jusqu'en 2012, a par la suite connu une progression significative. Elle est ainsi supérieure à 20 % depuis 2013(59) et s'établit à 26 % en valeur en 2016.

Sur le couplage des remises entre livraisons à domicile et hors domicile

77. Dans ce contexte, des remises rétroactives dont les seuils sont définis à partir du cumul de livraisons à domicile et hors domicile pourraient inciter les clients-chargeurs à privilégier les services de La Poste afin de bénéficier des remises octroyées pour la livraison à domicile, sans que les opérateurs de la livraison en points relais puissent nécessairement riposter avec le même taux de remises que La Poste, du fait de leur absence sur le marché des livraisons à domicile et de la position dominante qu'y occupe La Poste. De même, des remises rétroactives dont les seuils sont définis à partir du volume ou du montant des livraisons à domicile pourraient, en raison de la part non-contestable que détient La Poste sur ce mode de livraison, inciter les clients-chargeurs à privilégier La Poste pour leurs livraisons à domicile, afin de bénéficier des remises accrues sur la part des livraisons qui seront inévitablement confiées à La Poste.

78. Plus précisément, s'agissant du cumul des flux de livraisons à domicile et hors domicile, comme vu supra, pour les remises octroyées aux clients relevant de l'outil de cotation [confidentiel], avant 2013, les seuils d'obtention des remises pour la livraison hors domicile dépendaient des volumes du hors domicile mais également du volume de livraison à domicile. À partir de 2013, les seuils d'obtention des remises pour les livraisons à domicile ne dépendent plus que du cumul des livraisons effectuées à domicile, en bureaux de poste et en points Cityssimo, à l'exclusion des livraisons en points relais. À partir de 2016, les remises [confidentiel] octroyées pour les livraisons traditionnelles à domicile ne dépendent que du volume prévisionnel de ce seul mode de livraison. Ainsi, les remises définies pour les clients [clients à tarification standardisée] ne sont plus aujourd'hui basées sur un cumul des volumes livrés à domicile et hors domicile. Il peut par ailleurs être relevé que, principalement à partir de 2013, certains contrats Profil So Colissimo ne comprennent plus de couplage entre les livraisons à domicile et la livraison en points relais(60).

79. Cependant, dans les contrats Profil, cet abandon du couplage semble avoir été réalisé au cas par cas par La Poste et n'a donc pas été systématique, comme en témoigne le contrat signé entre La Poste et un client grands comptes en 2016, lequel repose toujours sur un cumul des nombres de colis livrés à domicile et hors domicile(61).

80. La Poste elle-même est dans l'incapacité d'indiquer le nombre ou le poids des contrats ayant découplé, pour le calcul du montant des remises, l'activité de livraison à domicile et celle en point relais(62). À ce jour, la part des livraisons hors domicile que La Poste aurait pu conquérir grâce à ce mécanisme de couplage est, compte tenu de la part de marché de La Poste sur les livraisons hors domicile et du poids des clients [à tarification spécifique] dans cette activité, relativement limitée. Néanmoins, les contrats Profil étant destinés aux clients les plus importants (réservés aux clients prenant un engagement de volume d'au moins un million de colis par an), la poursuite ou le développement de la prise en compte du cumul des livraisons à domicile et hors domicile pour la définition des remises octroyées sur les livraisons à domicile est susceptible de fausser la concurrence entre La Poste et les opérateurs de livraisons hors domicile.

81. Enfin, il peut être relevé que les remises de couplage utilisées par La Poste ne semblent pas être à l'origine du choix de certains clients de ne pas utiliser Kiala ou de moins faire appel aux services de cette dernière(63). Certains clients chargeurs interrogés tendent également à minorer à ce jour le rôle des remises dans leur choix de référencer La Poste(64). Néanmoins, d'autres indiquent que ces remises ont pu influer sur leur décision(65), minorer à ce jour le rôle des remises dans leur choix de référencer La Poste(66).

Sur les remises rétroactives sur la livraison de colis à domicile

82. Par ailleurs, même pour les clients dont les remises ne sont plus définies par référence à un cumul de l'activité de livraison à domicile et hors domicile, des remises rétroactives continuent d'être appliquées pour les livraisons à domicile. Elles peuvent alors inciter des clients à privilégier des livraisons à domicile avec La Poste plutôt que des livraisons domicile (ou éventuellement hors domicile) avec des concurrents. Il est également apparu, s'agissant des contrats " Profil " transmis par La Poste, que pour certains d'entre eux, le seuil de remise unique ou maximal correspond à une part importante des besoins de livraison du client, évalués au travers des volumes totaux livrés par le client étudié(67). Les remises octroyées peuvent de plus être substantielles, et ce d'autant plus qu'elles s'appliquent à l'ensemble des colis livrés et non uniquement aux nombres de colis excédant le seuil d'obtention de la remise(68).

83. Il convient de relever que La Poste n'a pas transmis au cours de l'instruction de tests du concurrent aussi efficace qu'elle aurait pu réaliser afin d'évaluer si son dispositif de remises permettait à des concurrents aussi efficaces de rivaliser avec elle. La Poste ne disposait d'ailleurs pas d'une base exhaustive de ses clients permettant de réaliser un tel test(69).

84. Pour les clients [à tarification standardisée], les tests du concurrent aussi efficace réalisés par les services d'instruction tendent à indiquer que, pour la livraison hors domicile et domicile, des concurrents aussi efficaces auraient été en mesure de rivaliser avec les remises de La Poste, excepté sur une part très marginale des contrats(70). Cependant, en raison de l'impossibilité de La Poste de communiquer des données suffisamment détaillées, les services d'instruction n'ont pu réaliser des tests que pour des échantillons de clients, seulement pour les années 2010 et 2016(71) et en effectuant plusieurs approximations(72), ce qui réduit donc la pertinence des résultats obtenus. Par ailleurs, l'importance des coûts fixes de l'activité de livraison implique que les coûts unitaires de livraison sont susceptibles de dépendre des volumes livrés, ce qui pourrait également limiter la pertinence de l'utilisation d'un test du concurrent aussi efficace.

85. Dans le cas des contrats " Profils ", si tous n'ont pu être transmis par La Poste, une part significative d'entre eux ne comportait pas de grille de remises ou ne permettait pas la réalisation d'un test du concurrent aussi efficace (du fait par exemple de l'absence de poids moyen de colis figurant dans le contrat, variable nécessaire pour le calcul des prix). Pour certains autres contrats, des hypothèses devaient être formulées sur la répartition des poids des colis et sur les coûts de livraison pour apprécier l'effet incitatif des remises et la capacité des concurrents à riposter profitablement aux remises(73).

86. Il peut cependant être relevé qu'en 2012, La Poste a réalisé une marge sur coûts évitables négative pour ses livraisons en relais commerçant auprès des Clients à tarification spécifique(74). Compte tenu des remises rétroactives employées par La Poste, cette marge négative suggère qu'un concurrent aussi efficace que La Poste qui chercherait à concurrencer La Poste auprès de grands clients était susceptible de devoir réaliser des pertes significatives pour être choisi : en présence de remises rétroactives, le prix effectif que doit proposer le concurrent pour être compétitif est inférieur au prix net de remise de l'opérateur jouissant d'une part non contestable. La Poste a réalisé également une marge négative sur son coût incrémental auprès des clients à tarification spécifique en 2014(75), suggérant à nouveau qu'un concurrent aussi efficace que La Poste pourrait faire des pertes s'il cherchait à concurrencer La Poste auprès de ces clients.

87. Les tests réalisés sur les contrats individualisés transmis par La Poste et présentant suffisamment d'informations pour réaliser un test du concurrent aussi efficace conduisent à des résultats contrastés.

88. Ainsi, le contrat signé entre La Poste et un client à tarification spécifique(76) pour la période 2010-2011 prévoit la livraison d'un million de colis à domicile annuellement au prix brut unitaire de 6,3 € et incorpore pour ce niveau de volume une remise de 31,5 % (soit un prix net de 4,32 €). Cependant, si le nombre de colis livrés est inférieur à un million, par exemple 900 000, le taux de remise chute à 30 %, le prix net passe donc à 4,41 €. Le coût pour ce client d'une diminution du nombre de colis livrés par La Poste sur les colis continuant d'être livrés par La Poste est donc de 81 000 € et le concurrent, pour pouvoir livrer les 100 000 colis en lieu et place de La Poste, devra proposer un tarif inférieur à 3,51 € par colis, soit un prix inférieur de plus de 81 cts (18 %) à celui de La Poste. Malgré l'importance de cet effort tarifaire, les données transmises par La Poste montrent qu'un concurrent aussi efficace qu'elle, pourrait profitablement proposer ce prix qui est supérieur aux coûts évitables et incrémentaux moyens de livraison domicile ou hors domicile de La Poste des clients à tarification spécifique.

89. Dans d'autres cas, en revanche, les résultats du test du concurrent aussi efficace montrent que les efforts demandés au concurrent sont trop importants pour que celui-ci puisse profitablement concurrencer La Poste. C'est par exemple le cas du contrat signé entre La Poste et un Client à tarification spécifique(77) pour la période 2012-2013. Pour l'année 2012, ce contrat prévoit l'envoi de 4,24 M de colis à domicile et hors domicile à un prix net de 3,362 € net par colis (prix unitaire brut de 5,4 €, soit un taux de remise de 37,75 %). Mais si ce client souhaitait confier 10 % de ces colis à un livreur concurrent, le prix net par colis de La Poste augmenterait et passerait à 3,551 € par colis (taux de remise de 34,25 %) pour les 3 816 000 colis qui resteraient livrés par La Poste, soit un surcoût de près de 19 centimes par colis. Pour être attractif et assurer 10 % des besoins de livraison, le concurrent devra donc proposer un prix de 1,66 € par colis, soit un effort représentant une baisse de prix de 50,6 % par rapport au prix proposé par La Poste pour 4,24 M de colis. Ce prix ne pourrait pas être proposé par un concurrent aussi efficace que La Poste puisqu'il est très significativement inférieur aux coûts incrémentaux et évitables moyens de La Poste pour son activité de livraison domicile ou hors domicile des clients grands comptes.

90. Enfin, sur une activité de réseau telle que celle de la livraison de colis, la qualité de service comme les niveaux de coûts des opérateurs dépendent des volumes livrés. Or, en octroyant un avantage tarifaire significatif à La Poste, le système de remise employé a pu contraindre les concurrents dans leurs recherches de volumes et donc dans leur compétitivité à moyen terme.

91. Par conséquent, à la fois du fait de l'absence de données suffisamment détaillées, de l'absence de contrôle effectué par La Poste sur les possibles effets d'éviction suscités par son dispositif de remises, des approximations nécessaires dans la mise en œuvre du test de concurrent aussi efficace, des résultats des tests du concurrent aussi efficace obtenus sur certains contrats " Profils " et des spécificités du secteur de la livraison à domicile, le test du concurrent aussi efficace ne permet pas de démontrer à ce stade de la procédure que les remises employées par La Poste sont insusceptibles d'entrainer un effet anticoncurrentiel.

92. En conclusion, il apparait que les pratiques de couplage des remises et de remises rétroactives de La Poste suscitent des préoccupations de concurrence et sont susceptibles, au terme d'une procédure contradictoire, d'être qualifiées d'anticoncurrentielles au regard des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce, et son équivalent européen, l'article 102 du TFUE.

B. LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LA POSTE LE 26 JUILLET 2019

93. Faisant suite à l'envoi par les services d'instruction d'une évaluation préliminaire, La Poste a communiqué une offre d'engagements le 26 juillet 2019.

94. La Poste a proposé quatre types d'engagements visant à répondre, selon elle, aux préoccupations de concurrence soulevées :

1. des engagements visant à répondre aux préoccupations de concurrence relatives au couplage des remises applicables aux livraisons de colis à domicile et aux livraisons de colis hors domicile ;

2. des engagements visant à répondre aux préoccupations de concurrence relatives à l'utilisation de remises rétroactives sur les livraisons de colis à domicile ;

3. des engagements visant à assurer l'effectivité des deux précédents engagements ;

4. des engagements sur la période de déploiement et leur durée.

1. LES ENGAGEMENTS RELATIFS AU DECOUPLAGE DES REMISES APPLICABLES AUX LIVRAISONS DE COLIS A DOMICILE ET AUX LIVRAISONS DE COLIS HORS DOMICILE

95. L'engagement n°1 met fin à tout lien entre la fixation des prix d'une prestation de livraison de colis à domicile et ceux d'une prestation de livraison de colis hors domicile.

96. Plus précisément, la Poste s'engage à :

- supprimer dans la construction de ses offres commerciales (tant dans les devis que dans les contrats) toute remise reposant sur un cumul ou toute autre combinaison des flux de livraison à domicile et hors domicile confiés à La Poste ;

- construire des propositions tarifaires distinctes pour la livraison à domicile et pour la livraison hors domicile ne reposant sur aucun cumul de ces flux ;

- en conséquence, négocier sur la base d'une offre commerciale (devis, proposition de contrat) construite sans aucun cumul des flux, ou toute autre combinaison entre ces deux modes de livraison confiés à La Poste ;

- signer des contrats ne comportant aucune condition tarifaire reposant sur un cumul des flux de livraisons à domicile et hors domicile, ou toute autre combinaison entre ces deux modes de livraison ; et

- ne pas remettre en place des remises calculées sur un cumul des volumes des flux de livraisons à domicile et hors domicile, ou toute autre combinaison entre ces deux modes de livraison.

2. LES ENGAGEMENTS RELATIFS A LA DETERMINATION DU PRIX DES LIVRAISONS DE COLIS A DOMICILE

97. Comme rappelé précédemment, le prix des livraisons à domicile dépend notamment du volume de colis prévisionnel du client sur une période d'une année ainsi que du poids de ces colis.

98. Dans ce cadre, l'engagement n° 2 fixe les modalités de construction du prix des livraisons à domicile par La Poste afin d'en supprimer les effets de fidélisation susceptibles de nuire au développement de la concurrence.

99. Les deux catégories de clients auxquelles La Poste appliquait des conditions tarifaires différentes identifiées dans les préoccupations de concurrence sont reprises dans les engagements de La Poste. Les modalités de mise en œuvre du dispositif de remise proposées par La Poste pour chacune de ces deux catégories de clients sont décrites ci-dessous :

a) Pour les clients [à tarification standardisée]

100. Pour cette catégorie de clients, des grilles de remises incrémentales sont construites. Les niveaux de remise de ces grilles sont applicables aux tarifs généraux, grilles de prix bruts communes à l'ensemble des clients Colissimo, et notamment les clients FDVG.

101. Pour la construction des grilles de remises incrémentales destinées aux clients [à tarification standardisée], La Poste s'engage (i) à ce que les grilles de remises incrémentales soient construites à partir de valeurs de paliers de volumes fixes et identiques pour tous les clients et (ii) à ce que les niveaux de remise applicables à chaque palier soient également identiques pour tous les clients [à tarification standardisée] de sorte que ceux-ci se verront appliquer exactement les mêmes grilles de remises incrémentales.

Au sein de chaque tranche de volumes définie par ces grilles de remises incrémentales, plusieurs prix existent en fonction du poids des colis. À partir des niveaux de remises incrémentales et des tarifs généraux, une grille de prix incrémentaux est construite. Cette dernière est ensuite utilisée pour construire une grille de prix nets (voir le détail de la construction de cette grille infra) qui sera appliquée aux clients.

102. Les grilles de prix nets et incrémentaux ainsi construites comportent les mêmes paliers de volume que la grille de remises incrémentales initialement construite, ces paliers étant communs à l'ensemble des clients [clients à tarification standardisée].

103. Pour le passage des grilles de prix incrémentaux aux grilles de prix nets, le prix net correspondant à la tranche de volume contenant le volume prévisionnel du client (" Tranche de référence ") est défini comme le prix moyen de vente calculé à partir de l'application des grilles de prix incrémentaux au niveau du volume exact de l'engagement du client. Pour les tranches situées immédiatement au-dessus ou en-deçà de celle correspondant à l'engagement prévisionnel du client (" Tranches supplémentaires ", voir infra), les prix nets qui s'appliqueront sont définis comme les prix moyens de vente calculés à partir de l'application de la grille de prix incrémentaux au niveau du volume de colis situé au milieu de chacune de ces tranches.

104. Les grilles de remises incrémentales, les grilles de prix incrémentaux et les grilles de prix nets sont des documents internes à la Poste et ne sont pas communiquées aux clients. Les tarifs généraux, en revanche, sont publics.

105. Ainsi, lors de la négociation avec un client potentiel, en fonction du volume prévisionnel en discussion, La Poste lui communiquera uniquement le prix net associé au palier de volume dans lequel se situe son volume prévisionnel (appelé " Tranche de référence ") et les tranches immédiatement supérieures et inférieures (appelés " Tranches supplémentaires ") à la tranche de référence, lesquelles incluent l'ensemble des tranches contenant au minimum 20 % des volumes au-dessus et en dessous de l'engagement de volume du client. Cette Tranche de référence et les Tranches supplémentaires seront contractualisées avec le client.

106. En cas de non-respect du volume annuel contractualisé, deux types de clients sont distingués :

- pour les clients s'engageant sur un volume strictement inférieur à [80 000 - 130 000] colis par an, " l'engagement de volume sera renégocié à la date anniversaire du contrat pour tenir compte des colis effectivement confiés à La Poste, et, le cas échéant, des perspectives d'évolution de l'activité du client pour l'année à venir ". En d'autres termes, pour ces clients, en cas de non-respect du volume annuel contractualisé, La Poste propose de ne pas réviser rétrospectivement le prix net défini pour le volume prévisionnel. Le volume de colis effectivement confié à La Poste par le client pourra être utilisé pour définir la révision du volume prévisionnel du client sur l'année suivante ;

- pour les clients s'engageant sur un volume supérieur à [80 000 - 130 000] colis par an, trois cas sont distingués :

? le volume effectivement confié à la Poste est dans la Tranche de référence, auquel cas le prix net ne sera pas modifié ;

? le volume effectivement confié à la Poste se trouve dans les Tranches supplémentaires contractualisées, auquel cas la régularisation s'effectue en fonction des prix indiqués dans ces tranches contractualisées ;

? le volume effectivement confié à la Poste se situe en dehors de la Tranche de référence et des Tranches supplémentaires, auquel cas une négociation " de bonne foi " est prévue entre le client et la Poste pour régulariser le prix net qui sera appliqué. Cette négociation de bonne foi se fera " en respectant les principes de tarification incrémentale prévus dans les présents engagements ".

b) Pour les clients à tarification spécifique

107. Pour les clients à tarification spécifique, les prix nets sont négociés entre La Poste et chaque client potentiel en fonction, des volumes et des caractéristiques des flux du client et sont donc individualisés par La Poste vis-à-vis de chaque client. La Poste a précisé que " à partir de l'engagement de volume et des caractéristiques opérationnelles annoncées par le client (tels que le profil de fret ou les modalités de dépôt), La Poste réalise une modélisation des coûts à partir de son outil de costing (le [confidentiel]) afin d'estimer les coûts associés aux volumes prévisionnels du client. A partir des résultats du [confidentiel] et en fonction de ses objectifs commerciaux, La Poste établira au cas par cas un prix par tranche de poids pour l'engagement de volume exact du client qui servira de base à la négociation commerciale (et pourra être modifié en cours de négociation) "(78).

108. Les prix nets ainsi négociés, fixés par poids de colis, constituent les prix applicables à la Tranche de référence dans lequel se situe le volume prévisionnel. Une grille de prix incrémentaux est ensuite construite pour servir de base à la détermination des prix correspondant aux Tranches supplémentaires (i.e., ensemble des tranches contenant au minimum 20 % des volumes au-dessus et en dessous de l'engagement de volume du client).

109. Les paliers de la grille de prix incrémentaux sont construits à partir de valeur de paliers de volumes fixes et identiques. La Poste s'engage ainsi à ce que " la taille de paliers soit limitée à 10 % des volumes sous-jacents pour les paliers ne figurant pas dans les grilles de remises incrémentales pour les clients à tarification spécifique (au-delà de 3 millions de colis) " et à ce que la progressivité du niveau des prix incrémentaux ne puisse générer une évolution de plus de 2 % du prix moyen net de vente entre deux paliers consécutifs.

110. À partir de cette grille de prix incrémentaux, la grille de prix nets est construite, les prix nets moyens des Tranches supplémentaires étant calculés à partir des grilles de prix incrémentaux appliquées au volume de colis situé au milieu de chacune des Tranches supplémentaires.

111. Enfin, la contractualisation des grilles tarifaires et la sanction en cas de non-respect du volume prévisionnel sont identiques pour les clients [à tarification standardisée] et pour les clients à tarification spécifique.

3. DES ENGAGEMENTS VISANT A ASSURER LE RESPECT DES DEUX PRECEDENTS ENGAGEMENTS

112. La Poste s'engage à mettre en place des formations spécifiques sur le respect du droit de la concurrence par ses commerciaux (a), un outil informatique permettant de conserver les données contractuelles (b), un comité de pilotage du déploiement des engagements (c) et la nomination d'un mandataire indépendant pour le suivi et la vérification du respect des engagements (d).

a) Mise en place de formation spécifique sur le respect du droit de la concurrence des commerciaux

113. La formation portera sur les pratiques concernées par les préoccupations de concurrence, les pratiques tarifaires et les standards de coût, et la décision de l'Autorité.

114. La formation est prévue tous les ans et les membres des services visés dans les engagements devront la suivre tous les deux ans.

115. Les membres des services visés dans les engagements devront également signer un engagement individuel portant sur le respect du droit de la concurrence, notamment s'agissant des engagements n° 1 et 2.

b) Mise en place d'un outil informatique permettant de conserver les données contractuelles

116. Afin de garantir l'efficacité du travail du mandataire, La Poste s'engage à mettre en place un outil informatique pour archiver les contrats et différentes données relatives à la négociation et aux contrats.

117. La Poste s'engage à archiver :

- les contrats signés avec les clients (ou à défaut de contrat, les éléments permettant de procéder à la facturation : durée du contrat, volume prévisionnel, volume réalisé, distribution du poids des colis livrés, tarifs bruts selon les poids, grilles tarifaires contractualisées) ;

- les grilles de remises incrémentales des Clients [à tarification standardisée] et des Clients à tarification spécifique ;

- les factures adressées aux clients ; et

- les programmes et logiciels informatiques utilisés par les commerciaux pour le calcul des remises ou participant au calcul de celles-ci.

c) Mise en place d'un comité de pilotage de déploiement des engagements et contrôle par un mandataire indépendant

i. Comité de pilotage

118. La Poste s'engage à mettre en place un comité chargé du déploiement des engagements disposant de missions élargies afin de vérifier au fur et à mesure la bonne exécution des engagements. Ainsi, le comité effectuera les missions suivantes :

- identifier les contrats non conformes aux engagements n° 1 et 2 ;

- suivre la mise en conformité progressive des nouveaux contrats et des contrats en cours ;

- suivre l'évolution du nombre de contrats conformes aux engagements ;

- mettre en place une procédure permettant de dénoncer les contrats à tacite reconduction pour les clients s'engageant sur un volume de plus de [80 000 - 130 000] colis par an à leur première échéance contractuelle possible ;

- mettre en place une procédure permettant de vérifier l'absence de tout cumul des volumes domicile et hors domicile dans la construction des offres et des remises ;

- mettre en place une procédure permettant de vérifier l'état d'avancement du déploiement des engagements ;

- mettre en place une procédure permettant d'actualiser annuellement la liste des clients s'engageant sur un volume de plus de [80 000 - 130 000] colis par an ;

- mettre en place une procédure permettant de collecter les contrats signés ou, à défaut, le support écrit qui sert à la facturation avec les clients s'engageant sur un volume de plus de [80 000 - 130 000] colis par an ;

- suivre l'avancement de la construction et de la mise en production de l'outil informatique permettant la conservation des données contractuelles ; et

- superviser les actions engagées pour mettre en œuvre l'engagement de formation.

119. L'existence de ce comité, qui a vocation à se réunir très régulièrement (tous les mois pendant la première année, puis tous les trimestres), permet de s'assurer au fur et à mesure de la bonne exécution des engagements.

120. Ce comité de pilotage se réunit depuis novembre 2018 afin de préparer la mise en œuvre des engagements.

ii. Désignation du mandataire

121. Les engagements prévoient également les modalités de désignation d'un mandataire indépendant pour assurer le suivi du respect des engagements :

- procédure de désignation du mandataire : La Poste propose trois mandataires à l'Autorité qu'elle doit approuver ;

- rédaction d'un projet de mandat et d'une ébauche d'un plan de travail soumis à l'Autorité pour approbation.

122. Le mandataire a pour mission de suivre la mise en œuvre par La Poste de l'ensemble des engagements.

123. La Poste s'engage à ce que pendant la première année, La Poste informe, chaque mois, le mandataire de l'état d'avancement de la mise en œuvre des engagements et, à l'issue de la première année, chaque trimestre.

124. En outre, les engagements prévoient que " le Mandataire exerce les missions et possède les prérogatives suivantes :

- il se fait communiquer à sa demande par La Poste toute information relative à la mise en œuvre des engagements ;

- il établit un rapport annuel qu'il communique à l'Autorité au plus tard le 31 juillet de chaque année sur l'avancement de sa mission, et une version de ce rapport est communiquée à La Poste ;

- il établit un rapport à l'Autorité de son initiative, à chaque fois que les circonstances le justifient ".

4. LA PERIODE DE DEPLOIEMENT ET LA DUREE DES ENGAGEMENTS

125. La Poste s'engage à mettre en place le calendrier de déploiement suivant :

- pour les clients s'engageant sur un volume inférieur à [80 000-130 000] colis par an et dont le contrat contient une clause de tacite reconduction, à appliquer les engagements à l'expiration de la première période contractuelle et des périodes de tacite reconduction (dans une limite de deux ans supplémentaires) ;

- pour les clients s'engageant sur un volume supérieur à [80 000-130 000] colis par an, à dénoncer ces contrats à l'issue de leur première échéance contractuelle annuelle possible (1 an) ;

- pour l'ensemble des clients, à ne plus signer de nouveaux contrats pluriannuels jusqu'à la notification de la décision de l'Autorité.

126. À compter de la notification de la décision de l'Autorité, les engagements seront mis en œuvre de manière échelonnée et pour une durée de cinq ans.

C. LE TEST DE MARCHE

127. Conformément à l'article R. 464-2 du code de commerce, les engagements ont fait l'objet d'une communication aux parties à la procédure et au commissaire du Gouvernement et ont fait par ailleurs l'objet d'une consultation des tiers.

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128. Dans le cadre de la présente procédure et après avoir rappelé que les préoccupations de concurrence relevées pourraient être considérées comme étant constitutives d'abus de position dominante - pratiques contraires aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE -, le test de marché a soumis, entre le 30 juillet 2019 et le 16 septembre 2019, les engagements proposés aux parties et aux tiers concernés.

129. La proposition d'engagements de La Poste a fait l'objet d'observations de la part du ministre de l'économie et des finances, d'UPS et de Colis Privé.

130. Le ministre considère que les engagements proposés par La Poste sont de nature à répondre aux préoccupations de concurrence soulevées, sous réserve de modifications mineures alors qu'UPS et Colis Privé les considèrent insuffisants.

131. Les différentes observations portent principalement sur les thématiques suivantes : la pertinence de recourir à la procédure d'engagements (1), le périmètre des engagements (2), le recours au test du concurrent aussi efficace (3), l'engagement relatif aux modalités de calcul séparé des remises appliquées aux flux de livraison à domicile et hors domicile (4), l'engagement portant sur la nature des remises proposées pour les services de livraison à domicile (5), la période de déploiement des engagements et leur durée (6).

1. SUR LA PERTINENCE DU RECOURS A LA PROCEDURE D'ENGAGEMENTS

132. UPS a exprimé " ses doutes quant à l'opportunité de recourir à une procédure d'engagements pour résoudre les nombreux problèmes mis en évidence depuis sa première plainte en 2010 ".

133. Elle considère notamment que l'Autorité minimise le dommage effectif et/ou potentiel causé aux concurrents de La Poste, et en particulier à Kiala dont les parts de marché sur la livraison hors domicile ont fortement diminué entre 2010 et 2016.

134. Au surplus, elle soulève plusieurs autres éléments qui rendraient inappropriée la procédure d'engagements dans le cadre de ce dossier : la durée de l'instruction, la récidive du comportement anticoncurrentiel de La Poste dans la mise en place d'un système de remises fidélisantes, la gravité de l'infraction et l'incapacité des engagements à mettre fin aux préoccupations de concurrence soulevées (cf. infra).

2. SUR LE PERIMETRE DES ENGAGEMENTS

135. Le ministre a soulevé la nécessité de clarifier l'entité (Groupe La Poste ou La Poste SA) qui sera soumise aux engagements et préconise que les engagements s'appliquent au Groupe La Poste et non uniquement à La Poste SA.

3. SUR LE RECOURS AU TEST DU CONCURRENT AUSSI EFFICACE

136. UPS critique l'une des méthodes utilisées par les services d'instruction pour mesurer l'effet anticoncurrentiel des rabais. Elle considère que les services d'instruction n'auraient pas dû procéder au test " AEC " (" As-efficient competitor ") pour apprécier le caractère anticoncurrentiel des remises en raison (i) d'une absence d'obligation d'y avoir recours compte tenu des pratiques décisionnelles européenne et nationale et (ii) des données lacunaires et peu fiables transmises par La Poste(79).

4. SUR LES MODALITES DE CALCUL SEPAREES DES REMISES APPLIQUEES AUX FLUX DE LIVRAISON A DOMICILE ET HORS DOMICILE

137. Colis Privé souligne que la possibilité qu'aurait La Poste, pour les clients à tarification spécifique, de leur proposer des tarifications sur mesure, lui permettrait de contourner l'interdiction de couplage. La Poste pourrait par exemple proposer des remises plus importantes aux livraisons à domicile des clients à tarification spécifique faisant également appel aux services de La Poste pour tout ou partie de leurs livraisons hors domicile.

138. Pour remédier à cela, Colis Privé propose deux pistes :

- séparer les équipes en charge de la livraison de colis à domicile et celles en charge de la livraison de colis hors domicile ;

- exiger que " toute tarification, y compris sur-mesure, repos[e] sur une grille tarifaire préétablie (le prix net final pouvant être légèrement modulé, selon des critères objectifs, pour tenir compte de la spécificité du profil de fret du client) " ; pour surveiller La Poste, Colis Privé souligne que le mandataire devrait avoir pour rôle de vérifier que " les écarts de prix net proposés aux différents clients sont économiquement justifiés ".

5. SUR LA NATURE DES REMISES PROPOSEES POUR LES SERVICES DE LIVRAISON DE COLIS A DOMICILE

139. UPS et Colis Privé soulignent le manque de transparence du système de remises proposé par La Poste.

140. UPS considère le système de remises proposé par La Poste trop flou pour être apprécié. Elle met en avant un manque d'éléments d'appréciation de la méthode de construction des prix nets, s'agissant notamment des seuils et des niveaux de remises, et de ses effets potentiels.

141. UPS souligne ainsi que même des seuils standardisés peuvent, s'ils sont proches des besoins d'une large part des clients, entraîner des effets de fidélisation.

142. Par ailleurs, après avoir critiqué l'analyse de l'évaluation préliminaire concernant le rejet du grief de prix prédateurs, UPS souhaite que le système de remises soit soumis au test de coût-prix pour vérifier que les prix issus du nouveau système couvrent les coûts évitables et/ou incrémentaux de La Poste.

143. Comme indiqué précédemment, Colis Privé considère que la possibilité pour La Poste de proposer des offres sur-mesure à une partie de ses clients réduit l'efficacité des engagements. Elle souhaite que la tarification des clients à tarification spécifique repose entièrement sur des grilles préétablies et que La Poste justifie, le cas échéant, tout écart de prix par rapport à ces grilles par des critères objectifs. Elle propose aussi que soit prévu également pour les clients à tarification standardisée un taux de progressivité maximal des remises entre les paliers de la grille incrémentale, tel que prévu pour les clients à tarification spécifique.

144. Par ailleurs, Colis Privé souligne que la " négociation de bonne foi " entre le client et le groupe La Poste, prévue en cas de non-respect du volume prévisionnel du contrat, n'est pas satisfaisante et qu'une obligation de régularisation et de facturation doit être imposée.

6. SUR LE CALENDRIER DE DEPLOIEMENT DES ENGAGEMENTS ET LEUR DUREE

145. UPS et Colis Privé souhaitent une application plus rapide des engagements.

146. Colis Privé propose que les engagements s'appliquent dès la fin de la première période contractuelle en faisant échec à toute tacite reconduction des contrats.

147. UPS indique que " dans la mesure où La Poste fait dépendre le calendrier de déploiement des engagements de catégories distinctes de clients, il semble nécessaire de communiquer des éléments afin de mesurer le poids de chacune de ces catégories et l'impact qu'un traitement distinct aura sur la mise en œuvre des engagements ".

148. UPS soulève le caractère trop court des engagements. Elle préconise un engagement à durée indéterminée.

149. Le ministre souligne que l'Autorité doit s'assurer que la durée de cinq ans est suffisante pour permettre le transfert effectif au nouveau régime de tous les contrats concernés et leur contrôle.

150. Après avoir pris connaissance des résultats du test de marché, La Poste a communiqué aux services d'instruction deux nouvelles versions de ses engagements, le 31 octobre 2019 et le 27 novembre 2019, qui ont été débattues et améliorées lors de la séance devant le Collège de l'Autorité du 3 décembre.

D. LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LA POSTE LE 31 OCTOBRE 2019 ET LE 27 NOVEMBRE 2019

151. Pour répondre aux critiques émises par les répondants au test de marché de 2019 et aux observations des services d'instruction, les modifications ou ajouts suivants ont été apportés.

152. Pour le périmètre des engagements, La Poste a précisé que les engagements s'appliquaient également en cas de création par une filiale du groupe La Poste d'un service de livraison de colis à domicile.

153. Pour les engagements n° 1 et 2, les deux principales critiques se dégageant des contributions au test de marché étaient, d'une part, que les modalités de construction des prix dans l'engagement n° 2 manquaient de transparence et, d'autre part, qu'un contournement des engagements n°1 et n°2 était possible. Plus précisément, s'agissant des possibilités de contournement, les réponses au test de marché soulignaient qu'en dépit des engagements, La Poste pourrait appliquer aux clients lui confiant des volumes de livraisons plus élevés une grille de prix présentant des niveaux de prix inférieurs à ceux proposés aux clients ne lui confiant qu'une moindre part de leurs besoins. Informés de cela lors des négociations avec La Poste, les clients seraient donc incités à confier une part importante de leurs besoins à La Poste sans que les concurrents puissent rivaliser avec ces baisses de prix et sans pour autant que La Poste viole ses engagements.

154. Pour apporter plus de clarté à l'engagement n° 2, La Poste a explicité la partie relative à la construction des prix. Les engagements présentent ainsi, dans deux parties différentes, la construction des prix pour les clients [à tarification standardisée] et celle pour les clients à tarification spécifique.

155. Pour les clients [à tarification standardisée], la Poste a précisé que les remises seront des remises maximales applicables à chaque palier, " modulo les remises dérogatoires pouvant être acceptées au cas par cas par le manager des ventes ou la direction commerciale de La Poste. Ces modulations des taux de remise calculés par l'outil de cotation [confidentiel], à la hausse ou à la baisse, s'appliqueront uniformément pour toutes les tranches de référence et, de même, pour toutes les tranches de poids dans les Tranches supplémentaires ".

156. Pour les clients à tarification spécifique, les étapes de construction des prix ont été explicitées et précisées :

- étape 1 : construction des paliers de volume ;

- étape 2 : détermination des prix de vente dans la Tranche de référence ;

- étape 3 : principe de construction de la grille des prix incrémentaux ;

- étape 4 : détermination des prix de vente des tranches supplémentaires.

157. De plus, pour limiter les possibilités de contournement envisagées par les contributions au test de marché, les engagements du 27 novembre 2019 renforcent les modalités de construction des grilles de volume ainsi que l'encadrement des modalités de la négociation du contrat et de la sanction du client en cas de non-respect du volume prévisionnel contractualisé.

158. D'une part, pour renoncer à toute marge discrétionnaire dans la construction de ces paliers de volume des grilles, La Poste s'engage à ce que les valeurs de paliers de volume des grilles soient de 10 % des volumes à partir du 10 0000ème colis.

159. D'autre part, en plus de l'encadrement à un maximum de 2 % des écarts de prix nets entre deux paliers de volumes consécutifs dans la construction des tranches de volume qui seront contractualisées avec le client, La Poste a ajouté un encadrement des négociations avec le client. Ainsi, les engagements prévoient que lors de la négociation du contrat, à chaque nouvelle cotation, c'est-à-dire à chaque devis établi par La Poste au cours de la négociation, La Poste s'engage à ce que, pour les clients s'engageant sur un volume de plus de [80 000 - 130 000] colis par an, l'évolution des prix moyens de vente entre deux paliers de volume, à la hausse comme à la baisse, soit au maximum de 2 %, sauf modification substantielle des caractéristiques de ses flux.

160. Lors de l'exécution du contrat, si le volume annuel réalisé par le client est en deçà des tranches de volume contractualisées (Tranche de référence et Tranches supplémentaires), les engagements prévoient toujours qu'une négociation " de bonne foi " sera engagée entre le client et La Poste. Cependant, en cas d'échec de cette négociation et si le volume effectif est en deçà du volume prévisionnel contractualisé, La Poste a ajouté un mécanisme d'encadrement de l'augmentation des prix moyens qui pourra être appliquée à ses clients, cette augmentation étant limitée à un maximum de 2 % par palier franchi.

161. Enfin, compte tenu des discussions intervenues en séance, une nouvelle version des engagements a été transmise à l'Autorité le 12 décembre 2019, laquelle figure en annexe de la présente décision. Les ultimes modifications effectuées dans cette version sont explicitées ci-dessous.

III. Discussion

162. En vertu des dispositions de l'article L. 464-2, I, du code de commerce, l'Autorité a le pouvoir d' " accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 ".

A. SUR LA PERTINENCE DU RECOURS A LA PROCEDURE D'ENGAGEMENTS

163. La cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 19 décembre 2013, société Cogent Communications France, a relevé que " la procédure d'engagements constitue l'un des outils qui permet à une autorité de concurrence d'exécuter sa mission consistant à garantir le fonctionnement de la concurrence sur les marchés, cette mission de défense de l'ordre public économique habilitant ladite autorité à rendre des décisions d'engagements, non pour satisfaire la demande d'une partie plaignante mais pour mettre fin à des situations susceptibles d'être préjudiciables à la concurrence ".

164. Dans son communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, l'Autorité a rappelé : " Le code de commerce ne précise pas la typologie des comportements susceptibles de faire l'objet d'engagements. Pour autant, la pratique décisionnelle a permis d'identifier des comportements ou des situations en présence desquels le recours à cette procédure s'avère particulièrement adapté. L'Autorité n'applique pas la procédure d'engagements dans les cas où, en tout état de cause, l'atteinte à l'ordre public économique impose le prononcé de sanctions pécuniaires, ce qui exclut notamment a priori les ententes particulièrement graves comme les cartels et certains abus de position dominante ayant déjà causé un dommage à l'économie important " (points 10 et 11). Elle a précisé en outre que " les pratiques concernées par les décisions d'engagements rendues à ce jour sont essentiellement certaines pratiques unilatérales ou verticales dont l'effet serait de nature à restreindre l'accès à un marché " (point 12).

165. Au paragraphe 20, l'Autorité a souligné sa faculté d'apprécier en opportunité le fait d'enclencher une procédure d'engagements.

166. Par ailleurs, l'article 5 du règlement n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] prévoit que les autorités de concurrence des États membres sont compétentes pour " accepter des engagements ".

167. Le code de commerce et le règlement n° 1/2003 n'interdisent pas le recours à la procédure d'engagements pour certaines catégories particulières de comportements susceptibles de porter atteinte à la concurrence.

168. Au cas d'espèce, les pratiques visées ne sont pas de celles imposant nécessairement le prononcé de sanctions pécuniaires dans la mesure où les éléments présents au dossier ne permettent pas de conclure qu'elles ont causé un dommage à l'économie important.

169. En particulier, s'agissant des clients [à tarification standardisée], le découplage des livraisons à domicile et hors domicile est intervenu à partir de 2013 pour les livraisons en relais, qui représentent l'essentiel des livraisons hors domicile, et en 2016 pour les livraisons en bureau de poste et en consignes. Or, sur la période allant de 2010 à 2012, les parts de marché de La Poste, en volume, sur le marché de la livraison hors domicile, ne dépassaient pas 12 %. De plus, l'évaluation préliminaire souligne que selon les résultats des tests du concurrent aussi efficace réalisés par les services d'instruction, des concurrents aussi efficaces que La Poste étaient en mesure de rivaliser avec La Poste, excepté sur une part a priori très marginale des contrats, et ce tant pour la livraison à domicile que pour la livraison hors domicile. De façon plus générale, le niveau des marges réalisé par La Poste sur ces clients rend très peu probable une éviction de concurrents aussi efficaces ou même raisonnablement aussi efficaces(80) sur la livraison à domicile.

170. De même, s'agissant des clients à tarification spécifique, l'analyse des contrats communiqués par La Poste, qui représentent environ les trois quarts des contrats demandés par les services d'instruction, montre que si l'abandon des remises de couplage n'a pas été systématique, leur usage a cependant été très limité après 2013 et, en tout état de cause, la part des livraisons hors domicile que La Poste aurait pu conquérir grâce à de telles remises est, compte tenu de la part de marché de La Poste sur ces livraisons hors domicile et du poids des clients à tarification spécifique dans cette activité, très limitée. S'agissant de l'effet des remises fidélisantes sur la livraison à domicile, d'une part, les résultats des tests du concurrent aussi efficace réalisés sur l'échantillon de contrats transmis par La Poste sont " contrastés " (voir point 88), un effet d'éviction potentiel pouvant être relevé pour certains contrats mais pas pour d'autres. D'autre part, les réponses des clients les plus importants des opérateurs de livraison hors domicile aux questionnaires des services d'instruction montrent que les remises proposées par La Poste ne figurent généralement pas parmi les principales raisons ayant conduit ces clients à recourir aux services de La Poste(81).

171. Ainsi, si, comme l'indique l'évaluation préliminaire, tant le principe de recourir au test du concurrent aussi efficace que les conditions de sa mise en œuvre peuvent être débattus au cas d'espèce, les résultats de ce test et surtout les autres éléments qualitatifs recueillis ne permettent pas de considérer que les remises employées par La Poste imposaient nécessairement le prononcé de sanctions pécuniaires. La conjonction des résultats des tests du concurrent aussi efficace et des éléments qualitatifs recueillis au cours de l'instruction est également de nature à remettre en cause les affirmations d'UPS selon lesquelles les services d'instruction avaient minimisé la gravité de la pratique et le dommage qu'elle a pu causer à l'économie. De plus, comme relevé dans les préoccupations de concurrence, il apparaît que la baisse de part de marché de Kiala sur la livraison hors domicile ne semble pas pouvoir être attribuée aux pratiques de La Poste. En effet, les répondants au questionnaire adressé aux principaux clients chargeurs ayant fait le choix de ne plus recourir aux services de Kiala ont principalement mis en avant la qualité déclinante des services de l'entreprise à cette période.

172. Au surplus, concernant la durée de l'instruction, l'Autorité est intervenue dès 2011 dans le cadre d'une procédure de mesures conservatoires pour mettre fin à un comportement anticoncurrentiel qui nécessitait une intervention rapide de l'Autorité. Dans ce cadre, l'Autorité a entériné la suspension de la conclusion du contrat entre Mondial Relay et La Poste. En outre, plus de huit pratiques ont été dénoncées par le saisissant dans la saisine initiale ainsi que dans des saisines complémentaires intervenues entre 2011 et 2014, et chacune d'entre elles nécessitait une instruction approfondie par les services d'instruction.

173. Par conséquent, ni la durée de l'instruction ni la réitération d'un éventuel comportement soulevant des préoccupations de concurrence ne justifient d'écarter le recours à la procédure d'engagements.

174. Dès lors, il appartient seulement à l'Autorité, dans le cadre de la présente décision, de vérifier que les engagements proposés par La Poste sont nécessaires, proportionnés et suffisants pour mettre un terme aux préoccupations de concurrence identifiées dans la note d'évaluation préliminaire.

175. Cette vérification fait l'objet des développements exposés ci-après.

B. SUR L'ABSENCE DE PREOCCUPATIONS DE CONCURRENCE FORMULEES A L'ENCONTRE DE LA PRATIQUE DE PRIX DE PREDATION VISEE DANS LES SAISINES

176. UPS considère que la tarification à l'origine des marges négatives enregistrées par La Poste pour certains segments de la livraison hors domicile et certaines années de la période 2010-2014 constitue une pratique anticoncurrentielle.

177. À l'inverse, dans leurs préoccupations de concurrence, les services d'instruction ont estimé que ces pertes pouvaient s'expliquer par le caractère récent de l'entrée du Groupe La Poste sur le segment de la livraison de colis en points relais, intervenue en 2010.

178. En effet, la pratique décisionnelle de l'Autorité rappelle la possibilité d'adapter le test de coûts au contexte d'un marché émergent (Décision n° 17-D-08 du 1er juin 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport de voyageurs). Dans cette décision, l'Autorité indique que " La Commission a toutefois mentionné que l'analyse de pratiques tarifaires mises en œuvre par des entreprises en position dominante pouvait être modifiée, notamment lorsque le caractère naissant d'un marché peut expliquer l'existence de pertes pendant une période. En particulier, dans l'affaire " Wanadoo " (décision COMP/38.233-Wanadoo Interactive du 16 juillet 2003), les tests de coûts n'ont pas été jugés utilisables pendant les 12 à 16 premiers mois de l'activité, du fait d'un développement encore trop faible du marché ".

179. En l'espèce, les pertes subies par La Poste sur son activité de livraison hors domicile sont intervenues lors de l'entrée de La Poste sur ce marché et leur durée reste cohérente avec la pratique décisionnelle susvisée de l'Autorité, ce d'autant que, comme le souligne l'évaluation préliminaire, La Poste n'est parvenue à conquérir, en 2012, que 12 % des livraisons hors domicile en volume, tous clients confondus. S'agissant des marges négatives sur coûts incrémentaux en 2014 pour l'activité de livraison en points relais des clients grands comptes, elles sont sans portée, d'une part du fait de la faiblesse des pertes sur coûts incrémentaux et, d'autre part, du fait que cette perte n'a été enregistrée, après l'année 2012, que pour une seule année et pour un type de clients, les coûts incrémentaux de l'ensemble de l'activité de livraison de colis hors domicile étant d'ailleurs systématiquement couverts à partir de l'année 2011. De surcroît, en l'absence d'un plan d'éviction ou d'effets d'éviction potentiels, ces marges négatives ne suffisent pas à fonder des préoccupations de concurrence. C'est donc à juste titre que l'évaluation préliminaire des services d'instruction n'a pas identifié de préoccupations de concurrence relatives à d'éventuels prix prédateurs et que La Poste n'a pas proposé d'engagements sur ce point.

C. LE CARACTERE PROPORTIONNE ET SUFFISANT DES ENGAGEMENTS POUR REPONDRE AUX PREOCCUPATIONS DE CONCURRENCE

1. LE CONTENU DES ENGAGEMENTS DEFINITIFS DE LA POSTE DU 12 DECEMBRE 2019

180. La version des engagements soumise le 27 novembre 2019 a subi d'ultimes modifications, à la suite de la séance tenue devant le Collège de l'Autorité.

181. Ainsi, lors de la séance, le Collège a relevé l'absence d'harmonisation de la dénomination de l'entité en charge de l'application des engagements dans la version des engagements du 27 novembre 2019. En effet, plusieurs dénominations y étaient mentionnées (" Groupe La Poste ", " La Poste SA " et " La Poste "), ayant pour effet d'induire un certain degré de confusion.

182. Dans la version définitive des engagements, les deux entités mentionnées (" Groupe La Poste " et " La Poste S.A ") sont définies dans la partie lexique des engagements, et la dénomination " La Poste " a été supprimée.

183. De même, lors de la séance, le Collège a relevé que, dans la version des engagements en date du 27 novembre 2019, La Poste a modifié la manière dont les remises s'appliquent aux clients [à tarification standardisée]. Dans la version des engagements soumise au test de marché, ces niveaux de remise standardisés s'appliquaient directement aux clients alors que, dans la version des engagements du 27 novembre 2019, il était précisé que ces niveaux de remise constituaient des niveaux maximums. Or, de par cette modification, pour les clients [à tarification standardisée], La Poste pourrait, lors d'éventuelles négociations avec un client, menacer de lui appliquer un niveau de remise faible voire nul si celui-ci ne lui confie pas l'ensemble de ses volumes et un niveau de remise maximal si celui-ci lui confie l'ensemble (ou une part très importante) de ses volumes. De plus, les engagements proposés par La Poste concernant la négociation et la régularisation des prix en cas de non-respect de l'engagement prévisionnel de volume ne permettaient pas pleinement de remédier à ce contournement, étant donné qu'ils ne s'appliquaient qu'aux clients disposant de plus de [80 000 à 130 000] colis.

184. La notion de remises maximales a donc été supprimée et la version définitive des engagements de La Poste précise que " les niveaux de remise applicables à chaque palier seront également identiques pour tous les clients [à tarification standardisée], de sorte que ceux-ci se verront appliquer exactement les mêmes grilles de Remises incrémentales, modulo les remises supplémentaires pouvant être acceptées au cas par cas par le manager des ventes ou la direction commerciale de La Poste S.A [...] La Poste S.A communiquera au Mandataire une fois par an la liste des clients ayant obtenu une remise supplémentaire, le taux de ladite remise et sa justification (telle que le contexte commercial) ".

185. Comme expliqué ci-dessus, les risques d'éventuelles menaces de prix élevés que La Poste pourrait proférer à l'encontre de ses clients lors de la phase de négociation si ceux-ci ne lui confiaient pas l'ensemble ou une part importante de leurs volumes domicile et/ou hors domicile ont été atténuées par l'encadrement des écarts de prix entre différents devis lors de la phase de négociation du contrat. Cependant, des menaces orales, non retranscrites sur des devis, ne pourraient être contrôlées par ce biais. Lors de la séance, le Collège a ainsi relevé que la version du 27 novembre 2019 offrait une garantie supplémentaire concernant ce risque. Cette garantie supplémentaire consiste à encadrer les règles de tarification en cas de non-respect de l'engagement de volume du client : lors de l'exécution du contrat, les écarts de prix appliqués à un client confiant un volume en deçà de son engagement seraient encadrés et au maximum de 2 % par palier de volume franchi. Pour autant, le Collège a estimé que les engagements devaient nécessairement contenir deux conditions supplémentaires afin que l'absence de menace de sanction puisse être rendue crédible.

186. D'une part, le Collège a considéré qu'il était essentiel que le client soit informé de cet engagement d'encadrement des prix pour que d'éventuelles menaces orales lors de la phase de négociation ne puissent pousser le client à s'engager sur un volume supérieur à celui qu'il escomptait. Dans la version définitive des engagements, La Poste s'engage donc, dans le cadre de la régularisation du prix en cas de non-respect de l'engagement de volume par le client, à ce que les principes de régularisation soient " mentionnés dans les contrats conclus avec les Clients [à tarification standardisée] ". D'autre part, le Collège a considéré que l'encadrement des prix proposés lors de la phase d'exécution du contrat ne devrait pas pouvoir être complété par d'éventuelles sanctions additionnelles. Pour répondre à cette demande, dans la version définitive de ses engagements, La Poste s'est engagée, dans le cadre de la régularisation du prix en cas de non-respect de l'engagement de volume par le client, à ce que " outre cet ajustement de prix [tel que prévu par les engagements], aucune pénalité ne [soit] appliquée en cas de non-respect de l'engagement de volume ".

187. Le Collège a souligné le rôle central du mandataire dans la mise en œuvre des engagements et leur contrôle. Afin de permettre au mandataire de vérifier le déroulé des négociations et le respect des engagements, La Poste s'est engagée à conserver et à tenir à disposition du mandataire de nouveaux documents lui permettant de remplir au mieux sa mission. Plus précisément, La Poste s'engage :

- à conserver pendant une durée de cinq ans " la totalité des offres commerciales (devis) écrites par La Poste S.A remises aux Clients [à tarification standardisée] et aux Clients à tarification spécifique, y compris en cas de nouvelle(s) cotation(s) demandée(s) par ces clients en cours de négociation " ;

- à ce que le mandataire puisse choisir, chaque année, " un échantillon de contrats conclus avec les clients [à tarification standardisée] et les devis correspondants qu'il se fait remettre par La Poste S.A " ;

- à communiquer au mandataire, chaque année, " un tableau synthétique des conditions commerciales des clients à tarification spécifique (prix des Tranches contractualisées, engagement de volume et principaux critères de leur [confidentiel] ".

188. Pour permettre au mandataire de remplir sa mission le plus rapidement possible, La Poste s'est engagée à ce qu'un comité de pilotage se réunisse 30 jours après la nomination du mandataire pour lui présenter les engagements et ses missions.

189. De plus, à la demande du Collège, La Poste a précisé, dans la partie relative à la conservation des données contractuelles, que les programmes et logiciels informatiques comprennent les outils de cotation et de modélisation. Enfin, La Poste s'est engagée à transmettre, non plus une ébauche de plan de travail, mais un plan de travail à l'Autorité.

2. LE CARACTERE SUFFISANT ET PROPORTIONNE DES ENGAGEMENTS DE LA POSTE

190. Pour mémoire, les préoccupations de concurrence présentées dans l'évaluation préliminaire portaient sur (i) les remises rétroactives calculées à partir du cumul des flux de livraisons à domicile et hors domicile et (ii) les remises rétroactives calculées sur les flux de livraison de colis à domicile, secteur sur lequel La Poste est, sur une partie de la demande, un partenaire incontournable. De telles remises pourraient alors inciter les clients à confier leurs livraisons hors domicile et domicile à La Poste sans que les concurrents puissent forcément rivaliser avec ces remises du fait de la part des livraisons, notamment à domicile, qui seront nécessairement confiées à La Poste.

191. La version définitive des engagements de La Poste permet (a) de sécuriser le périmètre de l'entité prenant les engagements, (b) de réduire l'effet d'éviction engendré par les remises de couplage et rétroactives et (c) d'éviter que la Poste contourne les engagements et donc de répondre aux points soulevés dans le test de marché.

a) Des engagements permettant de sécuriser le périmètre

192. Le ministre avait relevé, lors du test de marché, que ce n'était pas La Poste SA qui devrait s'engager mais le Groupe La Poste.

193. Dans la version définitive des engagements, l'entité concernée par les engagements est La Poste SA. La Poste a affirmé que seule La Poste SA effectuait de la livraison de colis d'entreprises à particuliers traditionnelle à domicile. Compte tenu des engagements de formation et de conservation de données contractuelles, il est cohérent que seule La Poste SA s'engage. En effet, il serait disproportionné de faire peser sur toutes les entités du Groupe La Poste les contraintes liées à la mise en œuvre de ces engagements, alors qu'elles ne font pas l'objet de préoccupations de concurrence.

194. Pour autant, des garanties supplémentaires ont été apportées pour s'assurer de l'impossibilité de contourner les engagements en confiant la livraison de colis d'entreprises à particuliers traditionnelle à une autre entité du Groupe La Poste.

195. Les engagements prévoient ainsi qu'en " en cas de transfert ou création d'activité de Livraison traditionnelle BtoC au sein du Groupe La Poste, La Poste S.A s'engage à :

- Ce que la nouvelle entité continue de mettre en œuvre les engagements ; et

- En informer l'Autorité et le Mandataire au moins un mois avant le transfert d'activité ".

b) Des engagements permettant de répondre au risque d'éviction lié aux remises de couplage et rétroactives

i. Concernant l'engagement n° 1 (visant les remises de couplage entre les livraisons à domicile et hors domicile)

196. Comme relevé supra, dès 2013, les livraisons en points relais, qui représentent l'essentiel des livraisons hors domicile, n'étaient plus prises en compte pour le calcul des remises s'appliquant aux prix des livraisons à domicile des clients [à tarification standardisée]. En 2016, le calcul des remises appliquées aux livraisons des clients [à tarification standardisée] ne prend plus en compte aucune livraison hors domicile, quelle que soit sa modalité. Comme le relève l'évaluation préliminaire, l'ampleur du couplage est plus incertaine s'agissant des clients à tarification spécifique mais d'une part, seul un des contrats communiqués fait apparaître un tel couplage, d'autre part, aucun des clients interrogés n'a mentionné de couplage " caché " entre les tarifs des livraisons à domicile et celles hors domicile. Les engagements proposés par La Poste concernant ces remises apparaissent dès lors formaliser une volonté de découplage déjà largement enclenchée par l'entreprise avant même la réception des préoccupations de concurrence des services d'instruction. Par ailleurs, les préoccupations de concurrence soulignent également que compte tenu de la part de marché de La Poste sur les livraisons hors domicile et du poids des clients à tarification spécifique dans cette activité, la part des livraisons hors domicile que La Poste aurait pu capter grâce à un éventuel couplage est relativement limitée(82).

197. Dès lors, la première solution préconisée par Colis Privé pour remédier aux remises de couplage, consistant à instaurer une séparation complète entre les équipes chargées de la négociation des flux domicile et hors domicile, apparaît, du fait de son coût, disproportionnée par rapport à l'ampleur des préoccupations de concurrence suscitées par les remises de couplage.

198. La seconde proposition de Colis Privé, qui consisterait à mettre en place des grilles préétablies pour l'ensemble de ces clients avec possibilité d'adapter des prix en respectant des critères objectifs, correspond aux engagements proposés par La Poste concernant les clients [à tarification standardisée]. En effet, pour ces clients, des grilles de volume préétablies contenant des prix nets standardisés seront appliquées à l'ensemble des clients.

Ce dispositif n'est cependant pas transposable aux clients à tarification spécifique, qui ont des besoins de livraison très différents (en termes de volume, de poids des colis, de pourcentage de colis mécanisables, etc.) et qui réalisent parfois des tâches variées permettant de réduire les coûts de livraison de La Poste (pré-tri, acheminement des colis dans un centre de tri plutôt que dans un bureau de Poste, etc.). Il n'est donc pas possible, compte tenu du nombre de variables pouvant affecter les coûts de livraison de La Poste, de créer une grille de remises unique pour ces clients et la mise en œuvre d'un dispositif de ce type, nécessairement imparfait, serait disproportionnée.

199. Compte tenu de ces éléments, les engagements de La Poste visant à lever les préoccupations de concurrence relatives à de possibles remises de couplage entre livraisons à domicile et livraisons hors domicile sont suffisants.

ii. Concernant l'engagement n°2 (visant les remises rétroactives sur les livraisons à domicile)

200. Le dispositif de remise proposé par La Poste et présenté supra, avec les modifications apportées par celle-ci, est à même de lever les préoccupations de concurrence identifiées dans l'évaluation préliminaire.

201. Dans sa contribution au test de marché, UPS relevait qu' " il semble ainsi nécessaire de mieux comprendre - et il appartiendra à l'Autorité de le vérifier de façon crédible - comment et pourquoi La Poste a adopté les seuils et niveaux décrits dans sa proposition d'engagements ". Dans le cadre d'une procédure d'engagements, il revient à l'Autorité non pas de se prononcer sur le choix du dispositif proposé dans les engagements mais de vérifier que le dispositif proposé permet de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées dans l'évaluation préliminaire. Or, ce travail de vérification fait l'objet de nombreux développements (§ 202 et suivants).

Concernant les clients [à tarification standardisée]

202. Pour les clients [à tarification standardisée], comme indiqué supra, La Poste a supprimé le principe de remises maximales (prévu dans la version des engagements en date du 27 novembre 2019) qui aurait pu permettre à La Poste, lors des négociations avec un client, de menacer ce dernier de lui appliquer un niveau de remise faible voire nul si celui-ci ne lui confiait pas l'ensemble de ses volumes et un niveau de remise maximal dans le cas où celui-ci lui confierait l'ensemble de ses volumes. Dès lors, et comme expliqué supra, dans la dernière version des engagements, La Poste SA s'engage à appliquer des remises standardisées aux clients. Ces remises pourront s'accompagner de remises supplémentaires " pouvant être acceptées au cas par cas par le manager des ventes ou la direction commerciale de La Poste S.A ".

203. Cette possibilité de dérogation apparaît nécessaire pour permettre à la Poste de s'adapter à d'éventuelles offres concurrentes, mais cette flexibilité a cependant été encadrée de deux manières :

- La Poste communiquera au mandataire la liste de l'ensemble des clients [à tarification standardisée] bénéficiant de remises supplémentaires ainsi que le taux de remise supplémentaire appliqué à chaque client et sa justification ;

- le mandataire vérifiera, chaque année, la mise en œuvre de ces remises supplémentaires en sélectionnant un échantillon de contrats conclus avec les clients [à tarification standardisée].

204. Ainsi, si tous les clients se voient appliquer les mêmes paliers de volume et les mêmes remises appliquées à des prix bruts identiques, La Poste est dans l'impossibilité de proposer des remises plus importantes si le client lui confie plus de volumes hors domicile ou à domicile. La possibilité pour la Poste de proposer une remise supplémentaire, au cas par cas, est encadrée et a pour but de lui permettre d'être compétitive. Elle ne lui permet pas de menacer son client de baisse de remise par rapport à la grille appliquée à l'ensemble des clients à tarification standardisée en cas de réduction du volume qu'il s'engage à confier à La Poste. Le mandataire a un droit de regard sur la justification apportée à la remise supplémentaire.

205. Dans sa contribution au test de marché, UPS soulignait que le fait que les seuils de volume puissent être standardisés à la discrétion de La Poste pouvait permettre à La Poste d'instrumentaliser la construction des grilles pour entraîner des effets de fidélisation de certains clients. En effet, dans la version des engagements soumise au test de marché, La Poste prévoyait que les tranches de volume standardisées soient au maximum de 10 % des volumes sous-jacents, lui laissant de fait une marge discrétionnaire sur la taille de chaque tranche. Dans la dernière version des engagements, La Poste s'engage à ce que les valeurs de paliers de volume soient de 10 % des volumes à partir du 10 000ème colis. Par cette modification. La Poste assure des paliers de volume fixes et identiques à tous ses clients tout en renonçant au pouvoir discrétionnaire qu'elle pouvait exercer dans la construction de ces paliers. La critique d'UPS n'est donc plus pertinente.

206. Compte tenu des préoccupations de concurrence soulevées vis-à-vis des clients [à tarification standardisée], les engagements pour ce type de clients paraissent efficaces et proportionnés.

Concernant les clients à tarification spécifique

207. Dans le cadre du test de marché, les concurrents ont estimé que La Poste pourrait, lors des négociations, menacer ses clients à tarification spécifique de leur appliquer un prix très élevé si ceux-ci ne lui confiaient pas l'ensemble (ou une part très importante) de leurs volumes domicile et/ou hors domicile. En effet, les prix appliqués à ces clients ne sont pas standardisés et dans la version des engagements soumise au test de marché, les écarts de prix entre deux offres de La Poste lors de la phase de négociation n'étaient pas encadrés. Par ailleurs, lors de la période contractuelle, le client n'avait aucune visibilité sur les prix appliqués lorsque son volume de colis confié à La Poste se situait en deçà des tranches contractualisées, ce qui aurait pu l'inciter à respecter son volume contractuel de peur de se voir appliquer un prix trop élevé.

208. Les engagements de La Poste prévoyant des mécanismes d'encadrement des variations maximales des prix, la dernière version des engagements permet de pallier ces éventualités.

209. À titre liminaire, il convient tout d'abord de souligner que le comportement que craignent les répondants au test de marché, selon lequel La Poste menacerait ses clients de fortes hausses de prix si ces derniers ne lui confient pas l'essentiel de leurs besoins de livraisons, n'a pas été identifié lors de l'instruction. Au contraire, les répondants au questionnaire des services d'instruction soulignent dans leur très grande majorité que leur choix de recourir aux services de La Poste est indépendant du mécanisme de remise de La Poste.

210. Toujours à titre liminaire, il faut ensuite relever que dès lors que des grilles de tarification standardisées ne peuvent être prédéfinies pour les clients à tarification spécifique, même une tarification incrémentale " pure " aurait pu susciter des réserves de la part des répondants au test de marché identiques à celles suscitées par le dispositif de remise proposé par La Poste. En effet, pendant les négociations, une telle tarification incrémentale n'aurait pas empêché La Poste d'adapter ses prix de façon discrétionnaire et ainsi de menacer ses clients de prix très élevés si ceux-ci ne lui confiaient pas l'ensemble ou une part importante de leurs livraisons de colis. Un encadrement des variations de prix tel que proposé par La Poste est alors de nature à limiter un tel risque, indépendamment de la structure de tarification (incrémentale ou alternative) choisie. C'est précisément le sens des engagements pris par La Poste.

211. En effet, La Poste s'engage à ce que, lors des négociations de gré à gré entre La Poste et ses clients à tarification spécifique, l'évolution des prix nets des offres entre deux devis proposés pendant les négociations soit au maximum de 2 % par palier de volume franchi, ces paliers étant fixés à 10 % des volumes considérés. Cette baisse de prix net associée à cette augmentation des volumes confiés à La Poste est suffisamment limitée pour qu'un concurrent aussi efficace puisse rivaliser avec La Poste. En effet, en 2016, dernière année pour laquelle les services d'instruction disposent de données, les taux de marge moyens sur coûts incrémentaux de La Poste pour ses services de livraison de colis à domicile se situent entre 27 % (pour les Clients à tarification spécifique) et 50 % (pour les Clients [à tarification standardisée]). Au vu de ces taux de marge, même en tenant compte de la part non-contestable de La Poste, des remises maximales de 2 % lors d'un franchissement de palier ne seront pas de nature à empêcher un concurrent aussi efficace que La Poste de rivaliser avec elle : La Poste ne pourra donc pas proposer à ses clients des évolutions de remises entre tranches qui les inciteraient à lui confier le maximum de colis sans que des concurrents soient en mesure de la concurrencer.

212. De même, pendant la période d'exécution du contrat, lorsque le client ne respecte pas son engagement de volume et confie à La Poste un volume effectif inférieur, La Poste s'engage à ce que la régularisation implique des variations des prix nets inférieures à 2 % par palier de volume franchi. Ainsi, un client qui se serait engagé à confier à La Poste un volume prévisionnel élevé sera à même de diminuer son niveau d'engagement. Même si le client a été menacé de prix très élevés lors des négociations, il pourra tout de même confier une part de ses besoins à un concurrent lors de la période contractuelle sans risquer de hausses de prix élevées par rapport à celles qui résulteraient d'une grille incrémentale pure.

213. Compte tenu des deux garanties discutées dans cette section, La Poste ne sera pas en mesure de menacer de façon crédible son client d'un prix très élevé en cas de modification à la baisse du volume prévisionnel lors des négociations.

c) Des engagements permettant de répondre efficacement aux préoccupations de concurrence

214. Concernant la durée de la période de déploiement de trois ans, celle-ci paraît raisonnable, notamment en raison du nombre important de contrats rentrant dans le périmètre des engagements, du fort taux de mise en conformité dès la première année (83 % du CA domicile national basculé) ainsi que de la priorité donnée à la mise en conformité des clients à tarification spécifique.

215. La durée de trois ans a été fixée en raison du nombre conséquent de clients. Ainsi, les clients s'engageant sur un volume de colis inférieur à [80 000 - 130 000] colis sont plusieurs milliers et La Poste ne dispose pas d'un nombre de commerciaux suffisant pour mettre l'ensemble de ces contrats en conformité dès la première année. Ils représentent un nombre de clients important mais constituent en pourcentage de volume et de chiffres d'affaires une catégorie très peu importante. En revanche, pour les clients s'engageant sur un volume supérieur à [80 000 - 130 000] colis par an, et qui représentent une part très importante des clients à tarification spécifique, leurs contrats seront conformes aux engagements dès la première année. Ces clients sont en nombre limité mais constituent 83 % du volume (périmètre des engagements) et 74 % du CA (périmètre des engagements) de la Poste.

216. La Poste s'engage à ce que la première année de déploiement des engagements soit consacrée à la mise en conformité des contrats des clients s'engageant sur un volume prévisionnel supérieur à [80 000 - 130 000] colis par an, en ce compris les clients à tarification spécifique. En procédant de la sorte, et compte tenu du fait que les clients s'engageant sur un volume prévisionnel supérieur à [80 000 - 130 000] colis par an représentent 74 % du chiffre d'affaires et 83 % du volume du périmètre des engagements, La Poste assure, dès la première année, un taux de mise en conformité important. De plus, la méthode de déploiement proposée par La Poste permet également de prioriser la mise en conformité des clients à tarification spécifique, particulièrement attractifs pour ses concurrents, qui soulevaient les préoccupations de concurrence les plus importantes.

217. Concernant la durée de 5 ans des engagements, le ministre avait relevé qu'il fallait s'assurer que les contrats pluriannuels seront impactés par les engagements et seront modifiés. La Poste a confirmé que la durée maximale des contrats pluriannuels était au maximum de 3 ans(83).

IV. Conclusion

218. Dans la version définitive de sa proposition d'engagements, La Poste SA a complété son offre de façon à répondre aux principaux points relevés lors du test de marché et aux demandes de l'Autorité lors de la séance.

219. Les engagements définitifs pris par La Poste SA permettent de répondre, de façon crédible, proportionnée et suffisante, aux préoccupations de concurrence exprimées par les services d'instruction.

DÉCISION

Article 1er : L'Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par La Poste SA qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.

Article 2 : Les saisines enregistrées sous les numéros 10/0088 F et 11/0097 F sont closes.

NOTES :

1 Ce résumé a un caractère purement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Cotes 1 à 2.

3 Dossier 10/0097 F, cotes VC 1 à 77 (VNC 468 à 542), annexes cotes VNC 543 à 896 (VC 78 à 429).

4 Cotes 25305 à 25364.

5 Dossier 10/0088 F, cotes VC 7810 à 7830 (VNC 7898 à 7920 - 20 septembre 2012), Dossier 10/0097 F, cotes VC 912 à 1112 (VNC 1009 à 1127 - 16 novembre 2012), Dossier 10/0088 F, cotes VC 2627 à 2635 (VNC 2717 à 2725 - 29 mars 2013), cotes 5037 à 5226 (17 mars 2014).

6 Dossier 10/0097 F, cotes 1133 à 1135.

7 Cotes 878 à 910 et cotes VC 9074 à 9082 (VNC 9086 à 9094).

8 Cote 10059.

9 Cote 26365.

10 https://www.laposterecrute.fr/decouvrirgroupeposte/d %C3 %A9couvrir.

11 Cote VC 22146 (VNC 28847).

12 Cote VC 22160 (VNC 28855).

13 Dossier 10/0097 F, cote VC 4 (VNC 469).

14 Traduction du terme overbuying = Achat excessif.

15 Cote 5051.

16 Remises en consigne : mise à la disposition des consommateurs de consignes automatiques, disponibles 24h/24, auxquelles ils peuvent retirer leur colis.

17 Cotes VC 1903 (VNC 3920 - Dossier 11/0004M) et 10167 à 10168 (VNC 22215).

18 Cote 10168.

19 Cote 25093.

20 Cote 431.

21 Cotes 431, 433, 10179 et VC 24735 (VNC 25105).

22 Il convient de préciser que l'offre " Coliéco " dépend de l'outil de cotation [clients à tarification standardisée] depuis le 1er janvier 2016.

23 Cotes 25093 à 25094.

24 Cotes 10179 à 10180.

25 Cote 25092.

26 Réponse 6 du 21 juillet 2017, cote 10420.

27 Réponse de La Poste du 3 juillet 2017, question 42 et 46 (cotes 10181 et 10182) ; réponse de La Poste du 21 juillet, question 6 (cote 10420).

28 Cote 25092.

29 Cotes VC 22158, 22160, 22162 (VNC 28853, 28855 et 28857) et VC 24746 (VNC 25115).

30 Cote 406.

31 Cote VC 437 (VNC 28659).

32 Cote 406.

33 Cote 26468.

34 Cote 28499.

35 JOUE 1998, L 15, p. 14.

36 JOUE 2002, L 176, p. 21.

37 JOUE 2008, L 52, p. 3.

38 JOUE 2008, L 52, p. 20.

39 JORF n° 34, p. 2321.

40 Décision n° 17-DCC-115 du 21 juillet 2017 relative à la fusion de fait entre Colis Privé et Hopps Group, n° 12-DCC-153 du 12 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs de la société Sernam Services SNC par la société Calberson SNC.

41 Communiqué de presse de la FEVAD : bilan du e-commerce en France : le e-commerce franchit le cap des 100 milliards d'euros en 2019.

42 Deux tests de marché complémentaires ont été adressés aux clients-chargeurs en 2017. Le premier a été adressé à l'ensemble des 161 entreprises constituant les vingt-cinq clients-chargeurs les plus importants pour la livraison hors domicile et, le cas échéant, à domicile de La Poste, Mondial Relay, Relais Colis et Kiala sur la période 2010-2016. Les services d'instruction ont reçu 104 réponses, soit un taux de réponse d'environ 64 %. Un test de marché complémentaire a été adressé à 101 clients-chargeurs ayant répondu au premier test de marché. Les services d'instruction ont reçu 76 réponses, soit un taux de réponse proche de 72 % de l'échantillon des répondants au premier test de marché et d'environ 47 % de l'échantillon initial. Les éléments cités dans cette section sont issus du second test de marché (cotes 9369 à 9382 et cotes 9792 à 9796).

43 Les entreprises n'ayant pas répondu ou ayant répondu " Ne se prononce pas " ne sont pas comptabilisées.

44 Les répondants ayant indiqué que leurs consommateurs ne se reporteraient pas vers le mode de livraison alternatif se sont vus affecter un taux de report nul. Les répondants ayant indiqué qu'une partie de leurs consommateurs se reporteraient vers le mode de livraison alternatif sans pour autant préciser la proportion des clients qui seraient affectés se sont vus affecter le taux de report moyen calculé sur les répondants de cette catégorie.

45 Les résultats sont similaires si une moyenne arithmétique est employée.

46 Dans sa décision n° 17-D-26 du 21 décembre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la collecte et de la valorisation de déchets banals d'entreprises, l'Autorité de la concurrence précise que " Au vu de la jurisprudence, tant communautaire que nationale, une entreprise dominante sur un marché donné peut se voir reprocher un abus dont les effets affectent d'autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l'abus déploie ses effets sont suffisamment connexes (voir notamment, décision n° 17-D-08 du 1er juin 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport de voyageurs, paragraphe 107). Un lien de connexité peut notamment résulter de certaines caractéristiques communes aux marchés concernés, telles que l'identité d'offreurs, l'identité de demandeurs, l'identité de fonctionnement, leur intégration verticale (voir notamment décision n° 04-D-32 du 8 juillet 2004 relative à la saisine de la société More groupe France contre les pratiques du groupe Decaux, confirmée par un arrêt de la cour d'appel du 22 février 2005, Société JCDecaux ; décision n° 03-D-09 du 14 février 2003 relative à la saisine de la société Tuxedo contre des pratiques constatées sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public aéroportuaire). La stratégie mise en œuvre par l'entreprise en position dominante peut également permettre d'établir un lien de connexité entre les deux marchés (voir notamment, décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Française des jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir).

47 Voir notamment décision de la Commission européenne du 21 avril 2009, Posten/Post Danmark, point 64 et décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-DCC-115 du 21 juillet 2017 relative à la fusion de fait entre Colis Privé et Hopps Group.

48 Les parts de marché présentées dans le tableau constituent des estimations calculées sur la base des informations transmises par Colis Privé et La Poste : cotes VC 8148 et 22154 (VNC 28851) et cotes VC 10468 à 10473 (VNC 28749 à 28754).

49 Les informations transmises par Colis Privé ne comportant pas d'indication sur le volume de l'année 2016, le volume de l'année 2015 a été utilisé.

50 Cotes VC 1188 (VNC 1402), 1202, 3482, 5014, 9951 (VNC 29035), 10059 à 10062, 21900 (VNC 28881), 22158 (VNC 28853), 22160 (VNC 28855) et 22162 (VNC 28857).

51 Cotes VC 21899 (VNC 28881), 21923, 22159 (VNC 28854), 22161 (VNC 28856), 22163 (VNC 28858), 22828 à 22829 (VNC 29033 à 29034).

52 Cotes VC 1188 (VNC 1402), 1202, 3482, 5014, 8148, 9951 (VNC 29035), 10059 à 10062, 21900 (VNC 28881), 22158 (VNC 28853), 22160 (VNC 28855) et 22162 (VNC 28857).

53 Décision " TDF " du 6 juin 2016, n° 16-D-11 : " La jurisprudence distingue trois grands types de remises pouvant être mises en œuvre par les entreprises en position dominante. La première est celle des pures remises de quantité réputées conformes au droit de la concurrence dans la mesure où elles reflètent des économies de coûts résultant de l'importance des volumes vendus. La deuxième est celle des remises dont les effets sont présumés nocifs pour le jeu de la concurrence parce qu'elles reposent sur une logique d'approvisionnement exclusif et sont considérées comme des " remises de fidélité " (arrêt du 13 février 1979 de la Cour de justice, Hoffmann-La Roche, aff. 85/75,) ou encore appelées " remises d'exclusivité " (arrêt du 12 juin 2014 du Tribunal, Intel, aff. T-286/09). Enfin, la troisième est celle de toutes les remises intermédiaires dont la licéité s'apprécie au cas par cas au vu des circonstances de l'espèce, désignée par l'expression " rabais relevant de la troisième catégorie " (arrêt Intel du 12 juin 2014 du Tribunal, précité) ".

54 Arrêt du 6 septembre 2017de la Cour de justice, Intel, aff. C-413/14.

55 CJUE, arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76; British Airways/Commission, C-95/04 P, EU:C:2007:166, point 67, ainsi que Tomra Systems e.a./Commission, C-549/10 P, EU:C:2012:221, point 71.

56 Cotes 8148 et VC 22154 (VNC 28851). En approximant les livraisons à domicile de Colis Privé en 2016 par ses volumes livrés à domicile en 2015, La Poste atteint une part de marché de 85 % sur la livraison à domicile en 2016 (mêmes cotes).

57 Proportions estimées à partir des données communiquées par Colis Privé, La Poste, Mondial Relay, Kiala et Relais Colis (cotes VC 1188 (VNC 1402), 1202, 3139 à 3143, 3482, 5014 à 5017, 8148, VC 9945 à 9947 (VNC 29029 à 29031), 9951 (VNC 29035), 10006 à 10008 (VNC 28875 à 28878), 10062, 21900 (VNC 28881), 22150 (VNC 28849), 22154 (VNC 28851), 22158 (VNC 28853), 22160 (VNC 28855), 22162 (VNC 28857). Ces proportions excluent les prestations de Relais Colis et de Mondial Relay pour leurs filiales respectives de La Redoute et des 3 Suisses ainsi que tout volume livré par un concurrent qui ne figurerait pas dans la liste des prestataires ci-dessus. En approximant les livraisons à domicile de Colis Privé en 2016 par ses volumes livrés à domicile en 2015, la livraison à domicile représentait 76 % des livraisons en 2016 (mêmes cotes).

58 En avril 2017, les services d'instructions ont adressé un questionnaire aux 25 clients-chargeurs les plus importants de chacun des opérateurs de livraisons hors domicile (Kiala, La Poste, Mondial Relay et Relais Colis) pour chacune des années entre 2014 et 2016 (soit 161 chargeurs au total), et ont reçu 104 retours au questionnaire. Les 25 clients-chargeurs les plus importants représentent en moyenne entre 54 % et 59 % de l'activité annuelle des opérateurs de livraison hors domicile (cotes VC 1188 (VNC 1402), 1202, 1206, 3139 à 3143, 3482 à 3484, VC 3654 à 3657 (VNC 28676 à 28679), 5014 à 5017, 9945 à 9947 (VNC 29029 à 29031), 9951 (VNC 29035), 10006 à 10008 (VNC 28875 à 28878), 10062, 10065 à 10067, 10273 à 10275 (VNC 28745 à 28747), 22158 (VNC 28853), 22160 (VNC 28855), 22162 (VNC 28857), 21900 (VNC 28881)).

59 Cotes VC 1188 (VNC 1402), 1202, 3139 à 3143, 3482, 5014 à 5017, VC 9945 à 9947 (VNC 29029 à 29031), VC 9951 (VNC 29035), VC 10006 à 10008 (VNC 28875 à 28878), 10062, VC 21900 (VNC 28881), VC 22158 (VNC 28853), VC 22160 (VNC 28855), VC 22162 (VNC 28857).

60 Voir par exemple les cotes VC 13851 à 13858 (VNC 28785 à 28792) et VC 17369 à 17374 (VNC 28830 à 28835).

61 Cotes VC 20112 à 20120 (VNC 28837 à 28845).

62 Cote 25094.

63 " Damart a fait le choix fin 2015 de confier la totalité de ses colis hors domicile à La Poste pour deux raisons : la qualité déclinante des services de Kiala et surtout le souhait de simplifier nos process logistiques internes, la part de colis hors domicile étant de l'ordre de 2 % des colis expédiés. Avantage de confier à La Poste la totalité de la livraison hors domicile : gage de confiance pour la clientèle, le facteur inspirant confiance à celle-ci. Inconvénient de confier à La Poste la totalité de la livraison hors domicile : pas vraiment d'inconvénient ". (Damart, cote 26968). " (...) Les Relais Mon Commerçant (La Poste) a le meilleur maillage en France, mais il reste le plus couteux pour Nespresso. Les concurrents potentiels sont " Mondial Relay ", " Kiala " et " Relais Colis ". Nespresso a mandaté Kiala de 2007 à 2012, toutefois le partenariat a cessé en décembre 2012 et n'a pas été renouvelé par Nespresso qui avait constaté des problèmes de qualité de service en points relais. Nespresso propose aux clients les points retraits suivants : " Relais Mon Commerçant ", " Mondial Relay ", " Relais Colis " " (Nespresso, cote 27798). " Le Groupe Rocher considère que, bien qu'il existe des solutions alternatives telles que KIALA, MONDIAL RELAY ou RELAIS COLIS, La Poste dispose du réseau le plus dense sur le territoire français. Le Groupe Rocher a travaillé par le passé avec le prestataire KIALA. Toutefois, le Groupe Rocher a également été contraint d'arrêter de recourir à ce prestataire en 2014 du fait de problèmes de qualité majeurs. " (Yves Rocher, cote 27319).

64 " Nous n'avons pas choisi La Poste en fonction des remises mais en raison de l'attractivité de l'offre " So Colissimo " qui nous permettait d'avoir de la part de notre partenaire historique une offre complète avec la livraison hors domicile et la livraison à domicile " (Maty, cote 27617). " La décision de confier ce service exclusivement à notre partenaire Coliposte n'est pas liée aux remises, cela était pour nous une évidence, eu égard à l'antériorité de notre relation commerciale, et la qualité de cette relation. Nous avons néanmoins interrogé la concurrence, mais au-delà du prix, Coliposte reste le meilleur prestataire pour nous, eu égard à la configuration de notre offre et colis " (Mblab, cote 27642. " La Poste a toujours été référencée peu importe le taux de remise dont nous avons bénéficié et considérons La Poste dans tous ses facteurs d'attractivité " (Optilog, cote 27850).

65 Ainsi, Zalando a relevé que " en confiant à La Poste les volumes confiés jusque-là à Kiala, nous pouvions accéder à un nouveau niveau, à une nouvelle fourchette de volumes, et cela permettait à La Poste de nous proposer un meilleur prix, non seulement pour la livraison en point de retrait mais aussi pour la livraison à domicile (La Poste était en mesure de proposer un meilleur tarif pour la livraison à domicile) " (cote VC 2714 / VNC 2958 à 2959). Amazon indique également que " au-delà des points mentionnés en question 4, confier une part importante de ses colis à La Poste permet à AEU d'accéder à des remises sur le volume total confié à La Poste, quel que soit le mode de livraison " (cote 26473).

66 " Nous n'avons pas choisi La Poste en fonction des remises mais en raison de l'attractivité de l'offre " So Colissimo " qui nous permettait d'avoir de la part de notre partenaire historique une offre complète avec la livraison hors domicile et la livraison à domicile " (Maty, cote 27617). " La décision de confier ce service exclusivement à notre partenaire Coliposte n'est pas liée aux remises, cela était pour nous une évidence, eu égard à l'antériorité de notre relation commerciale, et la qualité de cette relation. Nous avons néanmoins interrogé la concurrence, mais au-delà du prix, Coliposte reste le meilleur prestataire pour nous, eu égard à la configuration de notre offre et colis " (Mblab, cote 27642. " La Poste a toujours été référencée peu importe le taux de remise dont nous avons bénéficié et considérons La Poste dans tous ses facteurs d'attractivité " (Optilog, cote 27850).

67 Voir par exemple les contrats suivants : cotes VC 16503 à 16510 (VNC 28807 à 28814) et VC 17152 à 17164 (VNC 28816 à 28828).

68 Par exemple, s'agissant du contrat avec un client à tarification spécifique 2010-2013, la remise octroyée sur le tarif général de livraison est comprise entre 35 % et 47 % (cotes VC 15569 à 15574 (VNC 28794 à 28799). Le contrat avec un autre client à tarification spécifique 2014 prévoit entre 30 % et 41 % de remise sur le tarif général de livraison (cotes 25919 à 25925).

69 Cote 25093

70 Du fait de la disponibilité d'informations communiquées par La Poste, le test de concurrent aussi efficace effectué par les services d'instruction s'appuie sur un échantillon représentatif des clients en 2010 (cotes VC 436 à 437 (VNC 28658 à 28659) et 587 à 588) pour les grilles tarifaires en vigueur entre 2010 et 2012, et sur un échantillon représentatif des clients [clients à tarification standardisée] en 2016 (cotes 10453 à 10454 et VC 10541 à 10543 (VNC 28770 à 28772)) pour les barèmes en vigueur entre 2013 et 2016. Les tests effectués ont permis de relever tout au plus 3 contrats, représentant moins de 0,5 % du volume contestable, où le prix effectif est susceptible de ne pas couvrir le coût incrémental de la livraison à domicile ou la livraison en points relais. Les contrats susceptibles concernés sont ceux des clients " Pick et Pack " et " Versandhaus Walz Gmbh - Baby Walz " pendant la période 2010-2012, et du client " Spécialités Supplex SA " en 2016.

71 La Poste a transmis, à la demande des services d'instruction, des échantillons de ses clients de 2010 à 2016. Cependant, l'information portant sur les variables concernant la prévision des besoins de clients, nécessaires pour identifier les remises théoriques susceptibles d'être octroyées par l'outil de cotation [confidentiel], manque pour un nombre important de clients. Les services d'instruction ont dû restreindre l'analyse en utilisant les échantillons où ces informations sont les plus complètes.

72 Par exemple, dans la base de clients en livraison à domicile utilisée (celle de 2016), La Poste n'a pas distingué le volume de prévisionnel des colis en livraisons en relais commerçant, ceux en bureaux de poste et ceux en Cityssimo. Il est alors impossible pour les services d'instruction de tenir compte du volume prévisionnel des livraisons en Cityssimo et en bureaux de poste en sus du volume prévisionnel des livraisons à domicile pour déterminer le taux de remise applicable avant 2016 alors que l'outil de cotation [confidentiel] cumule ces trois flux dans la détermination de la remise. Les remises théoriques des clients issues des grilles de l'outil de cotation [confidentiel] antérieurement à 2016 ont donc été déterminées en considérant seulement le volume prévisionnel des flux des colis en livraison à domicile. Par ailleurs, l'information sur la répartition du poids des colis n'étant pas disponible, le tarif brut moyen sur lequel s'appliquent les remises ne peut être calculé et un tarif brut correspondant au poids prévisionnel moyen a été utilisé. Cette hypothèse revient à considérer que l'ensemble des colis du client relève d'une même tranche de poids - celle correspondant au poids moyen prévisionnel. Enfin, idéalement, ce test doit prendre en compte le volume total prévisionnel du client pour déterminer la part contestable. L'absence de données a conduit les services d'instruction à retenir uniquement le volume prévisionnel confié à La Poste pour mettre en place ce test.

73 Voir par exemple les cotes VC 13504 à 13513 (VNC 28774 à 28783), VC 13851 à 13858 (VNC 28785 à 28792) et VC 17369 à 17374 (VNC 28830 à 28835).

74 Cote VC 10462 (VNC 28749).

75 Cote VC 10469 (VNC 28757).

76 Cotes VC 15842 à 15846 (VNC 28801 à 28805).

77 Cotes VC 16503 à 16510 (VNC 28807 à 28814).

78 Cote 29 368.

79 UPS estime que " le test AEC ne peut être effectué que lorsque l'Autorité dispose de suffisamment de données fiables et doit être exclu dans tous les autres cas ".

80 Cotes VC 10 469 à 10 473 (VNC 28750 à 28754).

81 Cotes 26 968, 27 798, 27 319,27 617, 27 642, 27 850.

82 §146 de l'évaluation préliminaire.

83 Cote VC 29231 (VNC 29 306)