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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 mars 2020, n° 19-03846

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Socorest (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Mes Teytaud, Vignes

C. cass., du 24 oct. 2018

24 octobre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société Socorest (Société de concepts de restauration) a mis au point et développe un concept de pizzas à consommer sur place, à livrer ou emporter au travers d'un réseau de franchise à l'enseigne " La Boîte à pizzas ".

En 2006, M. C. D. et son épouse O. E. ont décidé de vendre leur cabinet d'agent général d'assurances et de créer une entreprise dans le secteur de la pizza à emporter ; à cet effet, ils se sont rapprochés de la société Socorest qui, le 25 janvier 2006, a remis à M. C. D. un document d'information précontractuelle.

Le 2 mars 2006, M. C. D. a signé un contrat de réservation pour la ville d'Avignon ; il a ensuite conclu un contrat de franchise avec la société Socorest le 3 juin 2006 pour une durée de 9 années.

Le 28 janvier 2011, la société Socorest a fait délivrer à M. C. D. une sommation de payer la somme de 52 614,88 euros pour des redevances restées impayées.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2011, M. C. D. par la voix de son conseil a fait valoir que le chiffre d'affaires réalisé était très en-deçà des chiffres prévisionnels annoncés, qu'il avait investi 335 000 euros de ses deniers personnels dans le fonds de commerce, que vu les résultats catastrophiques de l'exploitation la situation allait le conduire au dépôt de bilan ; il a proposé à la société Socorest de reprendre le fonds de commerce moyennant le prix correspondant à ses investissements.

Des pourparlers entre les parties n'ayant pas abouti, M. C. D. a fait assigner la société Socorest le 22 février 2012 devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir prononcer l'annulation du contrat de franchise ou, subsidiairement, sa résiliation aux torts de cette société.

Le 28 février 2012, la société Socorest a mis en demeure M. C. D. de lui payer la somme de 100 907,94 euros pour factures non réglées ; le 23 avril 2012, constatant l'absence de tout paiement, elle lui a notifié la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs.

M. D. a été placé en redressement judiciaire le 25 juillet 2012, puis en liquidation judiciaire le 16 janvier 2013.

Par jugement du 4 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- donné acte à Me H. de son intervention volontaire en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. C. D.,

- pris acte de l'intervention volontaire de Mme O. E. épouse D.,

- débouté Me H., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. C. D. :

De sa demande d'annulation du contrat de franchise et de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre,

De sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur et de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

- débouté Me H., ès qualités, et Mme D. de l'ensemble de leurs demandes,

- constaté la résiliation du contrat de franchise par la société Socorest le 23 avril 2012,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Me H., es qualités, aux dépens.

Statuant sur l'appel relevé par M. H., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. C. D., et par Mme D., la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 25 janvier 2017 :

- dit sans objet l'exception d'irrecevabilité des demandes formées par M. C. D.,

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamné in solidum Me H., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. C. D., et Mme D. aux dépens de l'appel,

- débouté la société Socorest de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Me H., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. C. D., et Mme D. ont formé un pourvoi en cassation ; suivant arrêt du 24 octobre 2018, la cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel du 25 janvier 2017, renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; elle a dit que la cour d'appel avait violé les articles 455, 783 et 954 du Code civil aux motifs :

- que pour déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 31 octobre 2016 par Me H., ès qualités, et par Mme D., sur le fondement de l'article 783 du Code de procédure civile, et statuer au visa des dernières conclusions déposées et notifiées par eux le 10 octobre 2016 et, le même jour, par la société Socorest, l'arrêt retient que les conclusions du 31 octobre 2016 ont été signifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture intervenue le 18 octobre 2016,

- qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions du 31 octobre 2016, Me H., ès qualités, et Mme D. demandaient la révocation de l'ordonnance de clôture et, subsidiairement, le rejet des débats, pour tardiveté, des conclusions récapitulatives signifiées le 14 octobre 2016 par la société Socorest, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Vu la déclaration de saisine en date du 15 février 2019 par Me H. en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. C. D. et de O. E. épouse D. ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 août 2019 par Me H., ès qualités de liquidateur

judiciaire de M. C. D. et ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme D., qui demande à la cour, au visa des articles 1108, 1109, 1116, 1131, 1134, 1147, 1149 et 1184 du Code civil (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-18 du 10/02/2016), de l'article 1240 du Code civil ( ancien article 1382 du Code civil), des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, des articles 1032 et suivants du Code de procédure civile et du principe général de loyauté, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Socorest de ses demandes financières et, statuant à nouveau :

1) à titre principal, de :

- prononcer la nullité du contrat de franchise,

- condamner la société Socorest à lui payer, en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. C. D. :

* d'une part, la somme de 203 177 euros, à titre de restitution, et celle de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du gain manqué,

* d'autre part, la somme de 100 500 euros, à titre de dommages-intérêts, aux fins de compenser le manque à gagner de M. D. en termes de rémunération, et celle de 213 745 euros, à titre de dommages-intérêts, en remboursement de ses comptes courants correspondant à la perte de chance de mieux investir les fonds que M. D. et son épouse ont injectés dans son entreprise,

- condamner la société Socorest à lui payer, en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme O. D., la somme de 100.500 euros, à titre de dommages-intérêts, aux fins de compenser son manque à gagner en termes de rémunération,

2) à titre subsidiaire, de :

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Socorest,

- condamner la société Socorest à lui payer, en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. C. D. :

* d'une part, la somme de 164 203 euros au titre des pertes d'exploitation, et celle de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du gain manqué,

* d'autre part, la somme de 100 500 euros, à titre de dommages-intérêts, aux fins de compenser le manque à gagner de M. D. en termes de rémunération, et celle de 213.745 euros, à titre de dommages-intérêts, en remboursement de ses comptes courants correspondant à la perte de chance de mieux investir les fonds que M. D. a injectés avec son épouse dans son entreprise,

- condamner la société Socorest à lui payer, en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme O. D., la somme de 100 500 euros, à titre de dommages-intérêts, aux fins de compenser son manque à gagner en termes de rémunération,

3) en tout état de cause :

- débouter la société Socorest de toutes ses demandes,

- condamner la société Socorest à lui payer, ès qualités, et à M. et Mme D. la somme totale de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 14 juin 2019 par la société Socorest (Société de concepts de restauration) qui demande à la cour de :

- débouter Me H., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. C. D. et de Mme O. D., de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement,

- condamner Me H., ès qualités, à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner, ès qualités, aux dépens ;

SUR CE LA COUR

La société Socorest justifie par un extrait Kbis que Mme D. s'est immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Avignon le 27 juin 2012 pour exercer l'activité de terminal de cuisson pizza, sous l'enseigne " Ma Pizza ", en précisant qu'elle reprenait le fonds de son conjoint et que, par jugement du 23 janvier 2013, la liquidation judiciaire de M. C. D. a été étendue à son épouse ; elle en déduit à juste raison que Mme D. ne pouvait plus intervenir à titre personnel dans la procédure.

Me H. intervient maintenant en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme D. comme de M. D..

1) Sur la demande en annulation du contrat de franchise

Il apparaît que le 25 janvier 2006, soit plus de quatre mois et demi avant la signature du contrat de franchise intervenue le 13 juin 2006, la société Socorest a remis à M. D. un document d'information précontractuelle comportant, notamment, une présentation du franchiseur, à savoir de son dirigeant M. M. et de la société Socorest, une présentation du réseau d'exploitation avec la liste des succursales et des franchisés, les résultats du franchiseur, la présentation de l'état général du marché de la restauration rapide ainsi que les perspectives de développement de ce marché et du concept " La Boîte à Pizza " ; en annexe 13 figure un compte d'exploitation prévisionnel.

a) L'appelant invoque en premier lieu l'erreur du franchisé sur la rentabilité de l'activité ; il expose en ce sens :

- que le franchiseur a annoncé à M. D., dans le compte d'exploitation prévisionnel :

* pour l'année 1, un chiffre d'affaires de 329 080 euros et un résultat de 55 966 euros,

* pour l'année 2, un chiffre d'affaires de 363 122 euros et un résultat de 53 804 euros

* pour l'année 3, un chiffre d'affaires de 431 208 euros et un résultat de 93 443 euros,

- alors que M. D. a seulement réalisé :

* pour l'année 1, un chiffre d'affaires de 224 928 euros et un résultat négatif de 77 764 euros,

* pour l'année 2, un chiffre d'affaires de 342 652 euros et un résultat de 17 968 euros,

* pour l'année 3, un chiffre d'affaires de 280 775 euros et un résultat de 13 396 euros,

* pour l'année 4, un chiffre d'affaires de 229 801 euros et un résultat négatif de 60 927 euros,

* pour l'année 5, un chiffre d'affaires de 230 231 euros et un résultat négatif de 11 426 euros,

* pour l'année 6, un chiffre d'affaires de 203 800 euros et un résultat négatif de 45 400 euros,

- que les comptes prévisionnels, lorsqu'ils sont communiqués par le franchiseur, doivent présenter un caractère sérieux,

- que les écarts constatés sont trop importants pour être mis sur le compte d'aléas et qu'aucune faute de gestion ne peut être imputée à M. D.,

- que c'est sur la foi des informations données par le franchiseur et du niveau de rentabilité annoncée que le franchisé s'est engagé,

- que le franchisé a commis une erreur substantielle déterminante de son engagement sur la rentabilité de l'activité de son entreprise,

- que la société Socorest a menti sur le véritable coût de la masse salariale, des agencements, des matières premières et des flyers sur lesquels elle encaissait des marges arrière occultes.

Mais la société Socorest produit le relevé des chiffres d'affaires réalisé en première année, de 2007 à 2011, par 39 magasins, soit 303 000 euros en moyenne, ainsi que le relevé des chiffres d'affaires des 50 premiers magasins dont la moyenne mensuelle ressortait à 474 000 euros en 2010 et à 482 000 euros en 2011.

La société Socorest verse encore aux débats (pièces 122 à 125) :

- les relevés des chiffres d'affaires réalisés par un point de vente à Cognac, soit 330 968 euros en 2007, 348 521 euros en 2008, 325 267 euros en 2009 pour des résultats respectifs de 19 015 euros, 22 749 euros et 12 020 euros,

- les relevés des chiffres d'affaires réalisés par un point de vente à Amiens, soit 675 668 euros en 2008 et 483 842 euros en 2009 pour des résultats respectifs de 32 292 euros et 12 177 euros,

- les relevés des chiffres d'affaires réalisés par un point de vente à Talence, soit 470 584 euros au 30 juin 2008, 465 919 euros au 30 juin 2009 et 451.479 euros au 30 juin 2010, pour des résultats respectifs de 50 246 euros, 42 584 euros et 28 624 euros.

L'appelant ne démontre pas les mensonges qu'il impute à la société Socorest.

Il résulte de ces éléments que les chiffres d'affaires annoncés à M. D. - qui a débuté son activité le 1er juillet 2006 - n'étaient pas dépourvus de sérieux ; les résultats susceptibles d'en découler dépendent notamment des modalités d'exploitation et de gestion adoptées par le franchisé ; en conséquence, même si les résultats annoncés au compte prévisionnel se révèlent trop élevés, l'erreur substantielle ou la tromperie sur la rentabilité de l'activité n'est pas caractérisée.

b) L'appelant invoque en second lieu une violation des dispositions des articles

L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce.

- Il soutient d'abord que la société Socorest a menti à M. D. sur l'historique du réseau et a occulté son évolution ; il en veut pour preuve :

* que le document d'information précontractuelle omet de signaler, d'une part que le réseau Boîte à Pizza était auparavant géré par la société Pronto Pizza, laquelle a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 28 mai 1991, M. N. étant alors condamné à une interdiction de gérer pendant 5 ans, d'autre part que M. N., qui dirigeait un autre réseau de franchise " Epil Center " géré à travers la société International Esthétique, avait été frappé d'une interdiction de gérer jusqu'au 14 décembre 1999,

* que dans le document d'information précontractuelle, il est seulement mentionné que le premier magasin a été ouvert en 1986 et qu'en 2005 l'enseigne poursuit son développement international et qu'il était ainsi impossible à M. D. d'apprécier le turn over qui est le signe de la santé du réseau.

Mais la cour relève que dans le document d'information précontractuelle, il est mentionné que M. N. dirige depuis plusieurs années le réseau de franchise de magasins de pizzas à emporter et à livrer, qu'au cours de l'année 2003 il a racheté un autre réseau de franchise " Epil center " spécialisé dans la beauté devenu numéro 1 en France dans son secteur d'activité, qu'en octobre 2003 le Comité Européen des Directeurs de Réseaux lui a décerné le trophée du meilleur directeur de réseau pour sa gestion des deux réseaux " La Boîte à Pizza " et " Epil Center " et qu'en décembre 2004, le magazine Management l'a classé parmi les cent meilleurs managers français de l'année; au regard des indications qui lui étaient ainsi fournies, le franchisé ne démontre pas que la connaissance d'interdictions de gérer ayant pris fin en 1999 aurait eu un rôle déterminant dans son consentement et l'aurait dissuadé de signer le contrat de franchise en 2006.

S'agissant de l'évolution du réseau, le document d'information précontractuelle la retrace de façon détaillée à partir de 1986, date d'ouverture du premier magasin, jusqu'en 2005, avec l'ouverture d'un bureau d'études à Shangai et l'ouverture d'une première unité anglaise prévue au cours du 2e semestre 2005 ; la société Socorest souligne à juste titre que ce document comporte la liste exhaustive des 62 franchisés avec leurs adresses en annexe 5 et mentionne le nombre des franchisés avec lesquels les relations ont cessé dans l'année précédant la délivrance du document, soit : 8 contrats arrivés à leur date normale d'expiration, 2 résiliations et aucune annulation.

- L'appelant reproche ensuite à la société Socorest de ne pas avoir remis au franchisé un état local du marché et d'avoir commis une grave erreur dans le choix de l'emplacement du local d'exploitation.

Mais le bordereau de pièces communiqués par Me H., ès qualités, mentionne en pièce 8 : " Etat local du marché remis par la société Socorest à M. D. avec le DIP "; ce document comporte le logo " La Boîte à Pizza ", concerne la ville d' Avignon, analyse la composition de sa population et contient la liste des commerces existants dans le secteur de la restauration rapide; la société Socorest rappelle justement que si le franchiseur doit présenter un état local du marché, c'est au franchisé de réaliser lui-même une étude précise de son marché local et de sa zone spécifique de chalandise.

Me H., ès qualités, fait valoir que M. D., initialement, avait trouvé un emplacement en centre-ville d'Avignon, près de la place de l'horloge, ce qui lui garantissait un fort passage et une place de choix lors du festival, mais que la société Socorest a refusé de valider ce choix pour l'orienter vers un emplacement situé en périphérie de la ville, dans une zone très calme et à proximité immédiate d'un concurrent direct " Domino's Pizza " ; il se fonde sur une attestation de M. I., ancien directeur réseau du franchisé qui déclare s'être rendu à plusieurs reprises dans le point de vente de M. D. et avoir constaté qu'il était inadapté, ainsi que sur des photographies montrant selon lui que le point de vente était situé en retrait, masqué de la vue des automobilistes et des piétons par des arbres, des arbustes et des véhicules stationnant sur le parking le jouxtant.

Mais l'attestation établie par M. I., ancien salarié de la société Socorest en litige avec cette dernière, ne présente pas de garantie d'impartialité suffisante pour faire preuve.

Les photographies produites par chacune des parties montrent que si le point de vente était en retrait par rapport à la route, sa façade était néanmoins parfaitement visible et il bénéficiait d'un parking pour sa clientèle.

L'appelant ne démontre pas que l'emplacement aurait été imposé par le franchiseur à M. D. ; celui-ci, avant de signer le contrat de franchise le 13 juin 2006, a eu toute possibilité de procéder à une étude du marché local, de se rendre sur les lieux et d'apprécier les qualités et défauts de l'emplacement ainsi que la concurrence que pouvait lui faire l'enseigne " Domino's Pizza " implanté à proximité depuis le mois de janvier 2006.

- L'appelant reproche encore à la société Socorest de ne pas avoir communiqué des chiffres sérieux et prudents sur la rentabilité du réseau ; il invoque l'écart abyssal entre les résultats prévisionnels et les résultats enregistrés par M. D. en soulignant que le franchiseur ne s'explique pas sur la base d'élaboration de son compte prévisionnel ; il fait état des pertes enregistrées par de nombreux franchisés : 56 % d'entre eux en 2008, 47 % en 2009, 36 % en 2010 et 41 % en 2011 et du fait que le restaurant de Montrouge, pourtant géré par la fille du franchiseur, a fermé ; il ajoute que l'échec du restaurant d'Avignon est similaire à celui des autres restaurants de la région : Pau, Toulon, Aix et Arles ; il soutient que contrairement à ce que prétend la société Socorest, les époux D. et leur fils J. qui travaillait dans l'établissement ne sont aucunement à l'origine du manque de rentabilité du point de vente.

Mais outre les pièces 122 à 124 déjà analysées plus haut, les pièces 126 à 129 produites par la société Socorest montrent que :

- le point de vente de l'eurl Mitsi à Cognac a généré les résultats d'exploitation de 27 854 euros en 2010 et 35 243 euros en 2011,

- celui d'Amiens les résultats d'exploitation de 17 932 euros en 2009 et de 36 234 euros en 2010,

- celui de Talence les résultats d'exploitation de 7 088 euros au 30 juin 2010 et de 28 828 euros au 30 juin 2011,

- celui de Nancy les résultats d'exploitation de 7 088 en 2010 et de 28 828 en 2011.

La société Socorest justifie encore des chiffres d'affaires et résultats d'exploitation pour l'année 2011 concernant ses points de vente de Cholet, Reims, Royan, Villefranche sur Saône et Arras qui montrent le succès rencontré par ces franchisés dans leur exploitation.

L'appelant ne prouve donc pas que le réseau ne serait pas rentable en dépit de la forte concurrence sur le secteur de la restauration rapide ; c'est en vain qu'il reproche au franchiseur de n'avoir pas communiqué des chiffres sérieux et prudents sur la rentabilité du réseau.

Me H., ès qualités, qui ne démontre pas l'existence d'une erreur déterminante ou d'un dol qui aurait vicié le consentement de M. D., sera débouté de sa demande d'annulation du contrat de franchise et de paiement des sommes y afférentes.

2) Sur la demande de résiliation du contrat de franchise

Me H., ès qualités, demande la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Socorest pour absence totale d'assistance, utilisation de la clause d'approvisionnement exclusif afin d'imposer au franchisé de s'approvisionner dans des conditions défavorables pour des produits nullement spécifiques à l'enseigne et, plus généralement, manque de contrepartie apportée aux lourdes redevances versées par M. D..

- Concernant l'obligation d'assistance, l'appelant rappelle qu'il s'agit d'un élément essentiel de tout contrat de franchise et que l'assistance du franchiseur doit être fournie tout au long du contrat, il reproche à la société Socorest de ne pas avoir apporté son aide aux consorts D. et de n'avoir pas préconisé des mesures de nature à leur permettre de régler les difficultés rencontrées et de réaliser les prévisions; il allègue que le franchiseur s'est contenté de mandater sa déléguée régionale qui effectuait un audit rapide sans prendre ou proposer des mesures de nature à régler concrètement les difficultés.

Mais c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal n'a pas retenu de défaut d'assistance au vu des documents produits par la société Socorest ; en effet, les comptes-rendus de visites entre 2006 et 2012, les comptes-rendus d'audit annuels et les correspondances circonstanciées témoignent d'une présence et d'une assistance du franchiseur qui a préconisé des recommandations portant sur des sujets commerciaux et de gestion ayant un impact potentiel sur la rentabilité ; par exemple, lors d'une visite en novembre 2008, le franchiseur a formulé des recommandations portant en particulier sur l'image du point de vente, la fabrication des produits, la communication et la gestion commerciale; lors d'une visite du 26 mars 2010, il a préconisé des actions à mettre en place en particulier sur le démarchage de la clientèle, la formation du personnel à la vente ; lors d'une visite du 14 avril 2011, il a recommandé d'augmenter et de revoir la distribution sur le secteur, de travailler sur la commercialisation et de redynamiser le secteur en terme de démarchage d'entreprise, de commerce et de tout secteur potentiellement apporteur de chiffre d'affaires ; lors d'une visite du 14 octobre 2011, il a suggéré de trouver un manager capable de tenir le magasin en respectant le produit, en redynamisant l'exploitation, en tenant le personnel en tenue d'accueil, en démarchant les entreprises et commerces du secteur.

- Concernant la fourniture de matériel et la clause d'approvisionnement exclusif, l'appelant allègue d'abord que le franchiseur a facturé le matériel d'installation à des conditions beaucoup plus onéreuses que celles qu'il aurait pu obtenir en direct auprès du fabricant Foster ; il indique que pour trois matériels : table de préparation, chambre froide positive et chambre froide négative, les prix pratiqués par le franchiseur étaient supérieurs de 4 121 euros et que le fabricant aurait offert l'installation alors que le franchiseur la facturait 3 000 euros.

Mais le tribunal a justement retenu que si le franchisé produisait un catalogue " Rest concept ", les articles et prix de ce catalogue ne correspondaient pas à ceux mentionnés par le franchisé dans ses conclusions et qu'il n'était pas mentionné la gratuité de l'installation dans le catalogue.

L'appelant invoque ensuite une surfacturation des fournitures soumises à la clause d'approvisionnement exclusif ; il procède à une comparaison portant sur 12 produits alimentaires entre les prix pratiqués par SCAL, fournisseur référencé par le franchiseur, et ceux pratiqués par la société Lazzaro ; il se réfère à l'attestation délivrée par le cogérant de cette société qui déclare travailler depuis février 2011 avec plus de 20 magasins " La Boîte à Pizza " et que ses clients constatent une baisse tarifaire de 10 à 15 % sur l'ensemble des produits Lazarro pour un service et une qualité égale. Pour les supports publicitaires, il indique que lorsqu'un franchisé commandait 50 000 flyers au franchiseur il payait 1 246,50 euros par mois alors que le franchisé du Mans a passé une commande de flyers identiques à la société Renard qui ne facturait que 664,50 euros, soit un écart de 582 euros par mois avec le prix imposé par le franchiseur.

Mais le tribunal a retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, que les documents versés aux débats par Me H., ès qualités, pour les produits référencés et les supports publicitaires étaient insuffisants pour caractériser une surfacturation.

En l'absence de démonstration d'un comportement fautif de la société Socorest, le franchisé ne peut lui opposer l'exception d'inexécution pour se voir décharger du paiement des redevances.

Dès lors, le franchisé ne s'étant pas acquitté des redevances qu'il devait, c'est à bon droit que la société Socorest a prononcé la résiliation du contrat de franchise le 23 avril 2012 ; toutes les demandes de l'appelant pour résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Socorest doivent donc être rejetées.

3) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

L'appelant qui succombe en toutes ses prétentions supportera les dépens.

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité de ce chef à l'une ou à l'autre des parties.

Par ces motifs LA COUR, Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2018, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute Me H., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. C. D. et de Mme O. E. épouse D., de toutes ses demandes, Rejette les demandes de Me H., ès qualités, et de la société Socorest au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Me H., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. C. D. et de Mme O. E. épouse D., aux dépens d'appel.