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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 26 mai 2020, n° 19-11880

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Akka Technologies (Sté), Akka I&S (SAS), Akka Services (SAS), Akka Ingénierie Produit (SAS), Akka Informatique et Systèmes (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'Economie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maitrepierre

Conseillers :

Mmes Schmidt, Tréard

Avocats :

Mes de Maria, des Ylouses, Dumoulin

CA Paris n° 19-11880

26 mai 2020

Vu la déclaration de recours formé contre la décision de l'Autorité de la concurrence n° 19-D-09 du 22 mai 2019 relative à des pratiques d'obstruction mises en œuvre par le groupe Akka et le mémoire, déposés au greffe de la cour par les sociétés Akka technologies, Akka services, Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes, les 5 juillet et 19 août 2019 ;

Vu les observations déposées au greffe de la cour le 25 novembre 2019 par l'Autorité de la concurrence ;

Vu la lettre du 28 novembre 2019 par laquelle le ministre chargé de l'Economie informe la cour de ce qu'il n'entend pas déposer d'observations ;

Vu la déclaration d'intervention volontaire accessoire déposée au greffe de la cour par la société Akka services le 2 mars 2020 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la cour le 2 mars 2020 par les sociétés Akka technologies, Akka services, Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes ;

Vu l'avis du ministère public en date du 4 mars 2020, communiqué le même jour aux demandeurs au recours, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'Economie ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 5 mars 2020, en leurs observations orales les conseils des sociétés Akka technologies, Akka services, Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes, l'Autorité de la concurrence et le ministère public, les demandeurs au recours ayant été mis en mesure de répliquer ;

FAITS ET PROCÉDURE

1. Par décision n° 18-SO-14 du 18 juillet 2018, enregistrée sous le numéro 18/0135 F, l'Autorité de la concurrence (ci-après l'" Autorité ") s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans les secteurs de l'ingénierie et du conseil en technologies, ainsi que des services informatiques.

2. Par ordonnance du 31 octobre 2018, le juge des libertés et de la détention (ci-après le " JLD ") du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé le rapporteur général de l'Autorité à faire procéder à des opérations de visite et saisie (ci-après les " OVS ") sur le fondement de l'article L. 450-4, alinéa 6, du Code de commerce, notamment, dans les locaux de la société Akka Technologies et de l'ensemble des sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses, <adresse>, 92100 Boulogne-Billancourt, et <adresse>, 33700 Mérignac (cotes 1-14).

3. Lors des OVS qui se sont déroulées le 8 novembre 2018, deux incidents ont été constatés, le premier consistant en un bris de scellé sur le site de Boulogne-Billancourt, le second correspondant à une altération de la réception de courriels sur la messagerie électronique d'un ordinateur portable en cours d'examen sur le site de Mérignac.

4. La cour renvoie aux constatations matérielles relatées aux paragraphes 9 à 18 de la décision attaquée, pour l'altération de la réception des courriels, et aux paragraphes 19 à 30, pour le bris de scellé, lesquelles ne sont pas contestées.

5. Il sera rappelé, pour mémoire :

- concernant le bris de scellé, que les agents ont apposé des scellés sur les portes de plusieurs bureaux et notamment à 10h42 sur celui d'un directeur commercial d'une entité du groupe Akka, en présence du vice-président responsable commercial France au sein du même groupe, désigné occupant des lieux, et de l'officier de police judiciaire (cote 18 et rapport d'enquête interne du groupe Akka, p. 2, cote 2915) et qu'à 16h03, lorsque les agents s'y sont rendus pour procéder à sa fouille, ils ont constaté que les scellés avaient été brisés (cotes 51-54). Les investigations réalisées dans ce bureau ont conduit à la saisie d'un seul document papier (cotes 19 et 29) ;

- concernant l'altération de la réception des courriels, que M. [C.], " Business unit manager " au sein de la société Akka I&S, désigné occupant des lieux dans le cadre des OVS sur le site de Mérignac, s'est vu notifier l'ordonnance du JLD en cette qualité. Il est apparu au cours de la fouille du bureau et de l'ordinateur de M. [B.], directeur régional au sein de la société Akka I&S, que celui-ci était en copie de courriels internes envoyés par plusieurs salariés du groupe Akka ou leur étant adressés dans le cadre d'une " chaîne de courriels " active au moment des OVS et qu'à la demande de M. [B.] deux destinataires de cette liste d'envoi (incluant M. [C.]) l'en ont retiré. Il est également constant que les agents s'en sont aperçus et que M. [C.], qui avait été laissé en possession de son ordinateur, a immédiatement reconnu avoir supprimé plusieurs courriels, dont deux après avoir retiré M. [B.] de la chaîne active des destinataires afin de ne pas attirer l'attention des agents sur ces messages (cotes 58-59). La chaîne de courriels a pu être récupérée par les agents depuis le téléphone mobile de M.[C.], à la suite des indications de ce dernier, avant que la synchronisation entre son ordinateur, sur lequel les messages avaient été supprimés, et son téléphone ait lieu (cote 59).

6. Le groupe Akka a diligenté une enquête interne concernant ces faits.

7. Le 3 décembre 2018, les services d'instruction ont adressé un rapport aux sociétés Akka I&S, Akka Ingénierie Produit, Akka informatique et systèmes et à la société Akka Technologies leur reprochant d'avoir, en violation de l'alinéa 2 du V de l'article L. 464-2 du Code de commerce, fait obstruction aux OVS réalisées par l'Autorité le 8 novembre 2018.

8. Par décision n° 19-D-09 du 22 mai 2019 relative à des pratiques d'obstruction mises en œuvre par le groupe Akka (ci-après la " décision attaquée "), l'Autorité a retenu que les sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes et Akka Technologies en tant qu'auteurs de l'infraction, et la société Akka Technologie, en sa qualité de société mère des sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes, ont enfreint les dispositions précitées en faisant obstruction aux OVS diligentées dans le cadre de la saisine d'office enregistrée sous le numéro n° 18/0135 F et a infligé solidairement à ces sociétés une sanction pécuniaire d'un montant de 900 000 euros.

9. Ces quatre sociétés ont formé un recours en annulation et réformation contre cette décision, aux côtés de la société Akka services, qui est détenue à 100 % par la société Akka technologies et qui détient elle-même 100 % des sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes (ci-après les " sociétés du groupe Akka ").

10. Par leur recours, les sociétés du groupe Akka demandent à la cour :

- à titre principal, de juger que les incidents en cause ne peuvent pas être qualifiés d'obstruction au sens de l'article L. 464-2, V, alinéa 2 du Code de commerce et en conséquence d'annuler la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en modérant la sanction infligée.

11. Dans l'hypothèse où, par extraordinaire, la cour devait l'estimer irrecevable en son recours contre la décision attaquée, la société Akka services indique avoir procédé à une intervention volontaire par déclaration remise au greffe, appuyant les mêmes demandes.

12. Aux termes de ses observations écrites, l'Autorité invite la cour à rejeter le recours.

13. Le ministère public conclut à l'irrecevabilité du recours en ce qu'il a été formé par la société Akka services qui n'était pas partie à la procédure devant l'Autorité ni visée par la décision de sanction et au rejet pour le surplus.

MOTIVATION

I. Sur la recevabilité du recours, en ce qu'il est formé par la société Akka services et la régularité de son intervention volontaire accessoire

14. La société Akka services fait valoir à titre principal que, bien que non visée explicitement par le dispositif de la décision attaquée, elle avait bien intérêt/qualité pour agir dans la présente instance, étant la société mère des sociétés Akka l&S, Akka Ingénierie Produit, Akka informatique et systèmes - sociétés qui ont soit leur siège social, soit un établissement dans les locaux de Boulogne-Billancourt et/ou de Mérignac qui ont fait l'objet des OVS - et étant également l'employeur de la personne désignée par l'enquête interne pour être à l'origine du bris de scellé à Boulogne-Billancourt.

15. A titre subsidiaire, elle se prévaut de l'intervention volontaire accessoire déposée au greffe de la cour qui appuie les mêmes demandes que celles présentées par les autres sociétés du groupe.

16. Comme cela a déjà été indiqué, le ministère public estime que le recours contre la décision attaquée est irrecevable en ce qu'il est formé par la société Akka services qui n'était pas partie à la procédure devant l'Autorité ni visée par la décision de sanction.

17. A l'audience, l'Autorité indique partager la même analyse.

Sur ce, la cour

18. Concernant la recevabilité du recours, en ce qu'il est formé par la société Akka services, il doit être rappelé qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce les décisions de l'Autorité de la concurrence mentionnées à l'article L. 464-2 " sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'Economie, qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris ".

19. L'article R. 464-8 du Code de commerce précise que les décisions de l'Autorité de la concurrence sont notifiées :

(...)

4° Pour les décisions prises suivant les modalités prévues par les articles L. 463-2, L. 463-3, L. 464-2, L. 464-3 et L. 464-5, aux personnes destinataires de la notification de griefs ou du rapport ainsi qu'aux entreprises ou organismes ayant souscrit des engagements et au ministre chargé de l'Economie ;

20. En l'espèce, il ressort du rapport du 3 décembre 2019 relatif à la mise en œuvre du V de l'article L. 464-2 alinéa 2 du Code de commerce établi par les services d'instruction de l'Autorité, qu'il a été reproché à :

" - la société par actions simplifiée Akka I&S (RCS 318 732 880) en sa qualité d'auteur direct,

- la société par actions simplifiée Akka Ingénierie Produit (RCS 308 884 998) en sa qualité d'auteur direct, - la société par actions simplifiée Akka Informatique et Systèmes (RCS 612 034 801) en sa qualité d'auteur direct,

- la société européenne Akka Technologies (RCS 422 950 865 et RPM Bruxelles 0538473031) en sa qualité d'auteur direct et en sa qualité de société mère des sociétés précitées,

d'avoir fait obstruction aux opérations de visites et saisies de l'Autorité de la concurrence en date du 8 novembre 2018 compte tenu de l'altération de la réception des emails sur le compte de messagerie de M. [B.] et du bris du scellé apposé sur la porte du bureau de M. [E] ".

21. La notification du rapport a ouvert un délai de deux mois à ces sociétés et au commissaire du gouvernement pour consulter le dossier au siège de l'Autorité et présenter des observations.

22. La décision attaquée, qui inflige aux sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes et Akka technologies une sanction pécuniaire solidaire, a été notifiée à ces sociétés, conformément à l'article R. 464-8 du Code de commerce.

23. Il suit de là que la société Akka services n'est pas une " partie en cause " au sens de l'article L. 464-8 du Code de commerce et ne dispose pas de la qualité à agir requise par ce texte. Le recours formé contre la décision attaquée est en conséquence irrecevable en ce qu'il a été formé par la société Akka services.

24. Concernant la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire régularisée par la société Akka services le 2 mars 2020, force est de constater que les sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes et Akka technologies ont formé un recours contre la décision attaquée qui sanctionne, aux termes même de son intitulé, " des pratiques d'obstruction mises en œuvre par le groupe Akka " et que l'ordonnance du JLD a d'ailleurs autorisé des OVS dans les locaux :

" - Akka Technologies, <adresse>, 92100 Boulogne-Billancourt, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse,

- Akka Technologies, <adresse>, 33700 Mérignac, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse ;

ci-après "Akka" " (souligné par la cour)

25. Si cette ordonnance n'identifie pas les " sociétés du même groupe sises à la même adresse " il n'est pas contesté que la société Akka services, qui est détenue à 100 % par la société Akka technologies et qui détient elle-même 100 % des sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes, appartient au " groupe Akka " et qu'elle occupe bien des locaux sur ces deux sites, de sorte qu'elle faisait l'objet, comme ses filiales et sa société mère, des OVS.

26. Il suit de là que la société Akka services, dont, au surplus, un salarié est présenté par le groupe Akka comme étant à l'origine du bris de scellé, a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir le recours de ses filiales dont elle détient 100 % du capital.

27. La déclaration d'intervention volontaire accessoire de la société Akka services est recevable.

II. Sur la qualification retenue et la caractérisation de l'infraction

28. Les sociétés du groupe Akka rappellent tout d'abord qu'il résulte de l'enquête interne qu'elles ont diligentée que :

- le bris de scellé survenu à Boulogne-Billancourt procède d'un acte individuel de négligence, imputable à M. [A.], directeur commercial au sein de la société Akka services, lequel ne bénéficiait d'aucune délégation de pouvoir de son employeur, a agi de sa propre initiative et fait l'objet d'une mesure de sanction (avertissement) ;

- le second incident survenu à Mérignac, relatif à l'altération de la réception de courriels sur le compte de messagerie de M. [B.], directeur régional au sein de la société Akka I&S, résulte de sa propre initiative, celui-ci ayant donné instruction à deux personnes (M. [D.] et M. [C.] de le retirer d'une chaîne de courriels afin de limiter l'activité de sa messagerie au cours de la fouille de son ordinateur portable, en contradiction avec l'instruction reçue de la direction d'Akka de " tout donner, ne rien supprimer et ne pas ouvrir les scellés " au cours des OVS. Elles précisent que si M. [C.] qui occupait un poste de "Business unit manager" au sein de la société Akka I&S sans aucune délégation de pouvoir de son employeur, a supprimé la trace de l'envoi du courriel ayant satisfait la demande de M. [B.], dans un contexte de stress majeur, il a ensuite coopéré avec les enquêteurs en leur indiquant quels étaient les messages supprimés et les a renvoyés depuis son téléphone portable. Elles estiment que ces comportements n'ont pas empêché les enquêteurs de procéder à la fouille de l'ordinateur de M. [B.] ni d'examiner et saisir la chaîne de courriels en cause. Elles en déduisent que cet incident a été sans conséquence sur le déroulement des OVS et précisent que M. [B.] et M. [C.] ont fait l'objet d'une mesure de sanction disciplinaire.

29. Elles font ensuite valoir, en substance, concernant la qualification retenue, que les incidents en cause ne peuvent pas être qualifiés d'obstruction, dès lors que :

- les faits qui se produisent dans le cadre d'une enquête dite lourde, régie par l'article L. 450-4 du Code de commerce, ne sont pas visés par l'article L. 464-2, V, alinéa 2 du Code de commerce, lequel s'applique aux faits commis à l'occasion d'une enquête dite simple relevant de l'article L. 450-3 du Code de commerce. Elles invoquent en ce sens l'avis du Conseil de la concurrence n° 08-A-05 du 18 avril 2008 relatif au projet de réforme du système français de régulation de la concurrence ;

- la pratique décisionnelle de la Commission européenne et la jurisprudence européenne ne peuvent, en raison du principe d'autonomie procédurale, être le seul fondement invoqué pour justifier cette application extensive du texte. Elles rappellent que ce principe impose à l'Autorité de définir les modalités procédurales applicables en fonction de son propre environnement juridique, lequel est relativement différent de celui dans lequel s'inscrit la Commission européenne. Elles relèvent à cet égard des différences substantielles entre le texte précité et l'article 23 § 1 du règlement n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité CE, notamment, en ce que le texte européen vise expressément la négligence, à la différence du texte français ;

- les principes fondamentaux de la matière pénale commandent de définir l'infraction dans des termes suffisamment clairs et précis, au soutien d'une politique de sanctions présentant un certain degré de prévisibilité et s'opposent à une interprétation extensive conduisant à étendre son champ d'application. Elles invoquent l'article 121-3 du Code pénal et constatent également que le dictionnaire Larousse définit le terme " obstruction " comme une " tactique qui consiste à susciter sans arrêt des difficultés, des arguments contraires pour entraver le déroulement d'une action, d'un débat, etc. ", de sorte que, même au sens littéral, l'infraction d'obstruction suppose de démontrer un caractère intentionnel, voire prémédité (une " tactique "), ainsi qu'un caractère répété (" sans arrêt "), ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- par l'interprétation extensive retenue, elles estiment que l'Autorité tente " d'étendre le périmètre de sa mission pour tenter de devenir le contrôleur du déroulement des enquêtes conduites par les services d'instruction de l'Autorité ", alors qu'il revient au JLD de contrôler le déroulement des OVS, au Procureur de la République de poursuivre les incidents de procédure et au juge pénal de les sanctionner, le cas échéant. Elles rappellent que le Conseil constitutionnel, dans la décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016, ne s'est pas prononcé sur la compétence de l'Autorité pour sanctionner les incidents survenus à l'occasion d'OVS, mais a examiné la conformité à la Constitution des articles L. 450-3 et L. 464-8 du Code de commerce.

30. Sur le fond, elles soutiennent que, de manière générale, l'enquête n'a pas été obstruée, dès lors que, selon elles, l'Autorité a pu procéder in fine aux visites et aux saisies qu'elle escomptait en dépit de ces deux incidents. Elles estiment que l'enquête interne a permis de confirmer que les deux incidents étaient sans lien entre eux. Elles considèrent également qu'il n'avait jamais été précisé qu'il appartenait à l'entreprise de prendre une quelconque mesure pour s'assurer de la préservation des scellés, son attention ayant été seulement attirée sur l'interdiction de briser les scellés.

31. Elles ajoutent que les manquements de l'entreprise, constitutifs de l'obstruction, s'appréciant " au regard de son obligation de collaboration active et loyale avec les services d'instruction " conformément au §176 de la décision rendue par l'Autorité dans l'affaire Brenntag, elles estiment nécessaire de rapporter la preuve que l'entreprise n'a pas satisfait cette obligation.

32. Sur ce point, elles indiquent tout d'abord que, pendant le déroulement des OVS, les équipes dirigeantes de la société Akka ont donné des instructions très claires de collaboration avec les enquêteurs et que M. [C.] a activement coopéré pour retrouver les courriels qu'il avait supprimés et les renvoyer aux enquêteurs. Elles précisent également que les enquêteurs présents sur le site de Boulogne-Billancourt ont refusé que les locaux placés sous scellés soient fermés à clé alors qu'ils ont accepté qu'ils le soient sur le site de Mérignac.

33. Elles rappellent ensuite, qu'après les OVS, elles ont mené une enquête interne, alors qu'elles ne disposaient pas des mêmes moyens que l'Autorité pour y procéder, dont elles ont partagé les conclusions avec celle-ci afin de l'éclairer sur le déroulement des faits. Elles précisent que ce rapport d'enquête interne a apporté des éléments inconnus de l'Autorité et que le fait qu'il ait été suspicieux sur les témoignages recueillis, notamment concernant la crédibilité des circonstances dans lesquelles le bris de scellé était survenu, démontre la bonne foi de l'entreprise et ne peut être exploité par l'Autorité pour suggérer que le groupe aurait volontairement commis les incidents.

34. Elles ajoutent que parmi les personnes étant passées devant la caméra de surveillance, avant que le bris de scellé ne soit constaté, figurent l'équipe des enquêteurs qui n'ont pas été plus prompts que le personnel à repérer le bris de scellé.

35. Elles se prévalent également de l'obligation de loyauté dans la collecte des preuves qui pèse sur l'Autorité au titre de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que son corollaire, l'obligation des services d'instruction d'instruire à charge et à décharge, pour faire valoir que :

- les enquêteurs auraient dû formellement notifier les sanctions encourues aux personnes faisant l'objet des OVS et constatent que les procès-verbaux établis à cette occasion n'indiquent pas une telle notification. Elles estiment que les attestations des agents ne peuvent établir que ces notifications ont bien été faites, nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même ;

- les éléments mentionnés sont exclusivement à charge, le fait que les enquêteurs aient pu récupérer sans difficulté le contenu des courriels n'étant pas mentionné ;

- les enquêteurs ont laissé le groupe Akka dans la croyance que l'incident de Mérignac n'aurait pas de conséquence particulière ;

- le groupe Akka a fait preuve d'une coopération totale en communiquant tous les éléments de son enquête interne et la circonstance qu'il n'ait conservé et fourni que les enregistrements vidéo relatif au créneau 10h42-14h et non 10h42-16h05 s'explique par le fait que le bris du scellé avait été constaté par la responsable d'une entité du groupe avant midi. Il ajoute que les enregistrements ne sont conservés que 30 jours.

36. Elles ajoutent qu'il n'a jamais été répondu à leur demande du 26 février 2019 visant à la protection d'informations confidentielles.

37. L'Autorité rappelle préalablement que l'infraction notifiée n'a pas pour fondement le droit européen, mais le second alinéa du V de l'article L. 464-2 du Code de commerce, et que rien ne lui interdit toutefois de se référer à la pratique de la Commission européenne en la matière, telle que validée par les juridictions européennes, dès lors que celle-ci poursuit les mêmes objectifs.

38. Elle fait ensuite valoir, concernant la qualification retenue, en substance que :

- l'infraction d'obstruction à l'investigation ou à l'instruction est définie de manière suffisamment précise par ce texte, lequel mentionne certains cas dans un souci d'explication, en les introduisant par la formule " notamment ", qui ne fournit donc pas d'énumération limitative. Elle en déduit que l'obstruction recouvre tout comportement de l'entreprise tendant, de propos délibéré ou par négligence, à faire obstacle ou à retarder, par quelque moyen que ce soit, le déroulement des investigations ou de l'instruction et que cette qualification s'applique aux pratiques en cause ;

- elle n'est pas circonscrite aux enquêtes " simples " et le fait qu'une rédaction différente ait été envisagée au cours des réflexions menées lors de la préparation de l'ordonnance de 2008 est à cet égard inopérant ;

- elle est définie dans la loi par des comportements objectifs, sans référence à un élément intentionnel et peut donc, contrairement au délit pénal prévu à l'article L. 450-8 du Code de commerce, résulter d'une simple négligence, nonobstant le fait que le texte ne le mentionne pas expressément. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, et de façon générale, une sanction administrative peut être prononcée indépendamment de tout élément intentionnel, sauf si le texte l'édictant en dispose autrement. Elle cite en ce sens, notamment, des dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers et la jurisprudence afférente (Com., 18 novembre 2008, n° 08-10.246, 15 juin 2010, n° 09-14.968) ;

- certains actes peuvent donner lieu à trois types de sanction : une injonction sous astreinte prononcée par l'Autorité, une amende administrative prononcée par cette autorité ou une sanction pénale, comme le précise la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016 (§ 7). Elle conteste l'argumentation selon laquelle elle tenterait de s'arroger les pouvoirs de poursuite dévolus à l'autorité judiciaire.

39. Concernant la caractérisation des faits et le principe de loyauté dans la collecte des preuves, l'Autorité fait valoir que :

- la coopération de l'entreprise pour faire la lumière sur les faits d'obstruction reprochés n'est pas susceptible de remettre en cause le constat que des comportements d'obstruction ont été mis en œuvre ;

- aucune disposition légale n'impose, pour la qualification d'une infraction d'obstruction, que le rappel des dispositions de l'article L. 464-2 soit expressément mentionné dans les procès-verbaux. Elle relève qu'en tout état de cause ce rappel a eu lieu et que les attestations sous serment des enquêteurs présents sur place (cotes 39-41, 42-44, 48-50 et 77-79) comme certains documents fournis par le groupe Akka (lettres d'avertissement fournies en annexe 4 des observations du groupe Akka) le confirment.

40. Elle précise que les demandes complémentaires de la rapporteure en charge de l'instruction du dossier, adressées au groupe Akka le 18 février 2019, avaient pour seul but de compléter le dossier pour la parfaite information du collège et non de soutenir la thèse d'une absence de collaboration de la part du groupe Akka et considère qu'il ne peut être reproché aux services d'instruction une violation du principe de loyauté dans la collecte des preuves.

41. S'agissant de l'altération de la réception de courriels, elle constate :

- la matérialité non contestée des faits qui ont empêché la réception de courriels sur le compte de messagerie de M. [B], durant l'OVS et ce, de l'aveu même de celui qui y a procédé, " afin de ne pas attirer l'attention des agents en train de procéder à la fouille sommaire de l'ordinateur portable de M. [B] (...) en raison du caractère sensible des informations qu'ils [les courriels supprimés] contenaient " (cotes 58 et 59), manœuvres effectuées à la demande expresse de M.[B], supérieur hiérarchique de M. [C], constituant une entrave volontaire au déroulement de l'OVS qui se déroulait sur le site ;

- l'absence d'élément étayant l'allégation selon laquelle certains propos des enquêteurs auraient laissé penser que cet incident n'aurait aucune conséquence pour le groupe. Elle relève qu'en tout état de cause cette circonstance ne pouvait faire naître aucune confiance légitime.

42. S'agissant du bris de scellé, elle soutient :

- qu'il a fait disparaître l'effet de sauvegarde poursuivi et suffit à constituer l'infraction (citant en ce sens l'arrêt du TUE, 15 décembre 2010, T-141/08, E.ON / Commission) peu important ses motifs, dès lors qu'il appartenait au groupe Akka de prendre toutes les mesures nécessaires à prévenir ce type d'incident ;

- que plusieurs éléments du dossier entretiennent le doute sur le fait que le bris résulterait d'une simple négligence et observe que, bien que certains aient remarqué le bris de scellé dès midi, nul n'en a avisé les enquêteurs sur place, lesquels n'en ont fait le constat qu'à 16h03. Elle souligne également que les enregistrements de la caméra de surveillance n'ont été communiqués que sur le créneau 10h42-14h00, que le groupe Akka a fait le choix de ne pas conserver les enregistrements au-delà de 14h00 tandis que le bris de scellé n'a été officiellement constaté qu'à 16h03 (cote 19). Elle précise qu'il est donc impossible de savoir si des documents papiers ont été sortis du bureau.

43. Elle relève enfin que si chacun des deux comportements rapportés apparaît constitutif d'une infraction aux dispositions de l'alinéa 2 du V de l'article L. 464-2 du Code de commerce, à plus forte raison, le cumul de ces deux comportements permet de conclure à l'existence de ladite infraction.

44. Elle conclut au rejet du moyen.

45. Le ministère public souscrit à cette analyse.

Sur ce, LA COUR

46. Aux termes de l'article L. 464-2, V, alinéa 2, du Code de commerce " [l]orsqu'une entreprise a fait obstruction à l'investigation ou à l'instruction, notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts, ou en communiquant des pièces incomplètes ou dénaturées, l'Autorité peut, à la demande du rapporteur général, et après avoir entendu l'entreprise en cause et le commissaire du Gouvernement, décider de lui infliger une sanction pécuniaire. Le montant maximum de cette dernière ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ".

47. Concernant en premier lieu, le champ d'application de ce texte, ce dernier vise de manière générale les actes d'investigation ou d'instruction. Il ne contient aucune limitation de son champ d'application ni ne distingue entre les pouvoirs d'enquête selon qu'ils sont exercés sur le fondement de l'article L. 450-3 ou sur celui de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

48. Il en résulte que le pouvoir de sanction qu'il attribue à l'Autorité vise les comportements d'obstruction à tout acte d'investigation ou d'instruction, qu'ils soient effectués dans le cadre d'une enquête dite simple, ou d'une enquête dite lourde.

49. C'est donc à tort que les sociétés du groupe Akka soutiennent qu'il ne s'appliquerait pas aux entreprises faisant l'objet d'une enquête menée en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

50. Le recours à la proposition de rédaction faite par le Conseil de la concurrence, dans son avis n° 08-A-05 relatif au projet de réforme du système français de régulation de la concurrence est par ailleurs inutile pour interpréter la disposition litigieuse, celle-ci étant dépourvue de toute ambiguïté sur son champ d'application.

51. Elle est, au demeurant, inopérante, dès lors, d'une part, que le législateur n'a pas retenu la proposition figurant au § 66 de cet avis qui ne tendait qu'à doter l'Autorité d'un pouvoir d'injonction assortie d'une astreinte, de surcroît limité aux seuls demandes adressées dans le cadre d'une enquête menée sur le fondement de l'article L. 450-3 du Code de commerce et, d'autre part, qu'il a décidé de lui attribuer tant un pouvoir de sanction du comportement d'obstruction à une enquête que d'un pouvoir d'injonction assortie d'une astreinte à l'encontre d'une entreprise faisant l'objet d'une enquête, quel que soit le cadre juridique de celle-ci.

52. Concernant, en deuxième lieu, les pouvoirs dévolus à l'Autorité et son périmètre d'action, il y a lieu de rappeler que la disposition litigieuse, qui ne comporte aucune énumération limitative des cas d'obstruction, comme le démontre l'emploi de l'adverbe " notamment ", dote l'Autorité du pouvoir de sanctionner tout acte d'obstruction, sans limitation. Dès lors, c'est sans méconnaître le périmètre de sa compétence ni ses pouvoirs que l'Autorité a retenu que le bris de scellé et l'altération de réception de courriels au cours d'OVS pouvaient être sanctionnés sur le fondement de l'article L. 464-2, V, alinéa 2 précité.

53. Par ailleurs, le moyen par lequel les sociétés du groupe Akka soutiennent que la pratique décisionnelle de la Commission européenne et la jurisprudence européenne relative aux sanctions appliquées à des actes similaires d'obstruction constituent l'unique fondement de la sanction qui leur a été infligée manque en fait, dès lors que l'Autorité s'est bornée à les évoquer.

54. Concernant, en troisième lieu, les principes gouvernant l'interprétation des dispositions litigieuses, celles-ci instituent en infraction administrative tout comportement d'obstruction à une enquête. Il est donc vain d'invoquer l'article 121-3 du Code pénal pour interpréter la portée de l'article L. 464-2 V, alinéa 2 précité, en soutenant que, par principe, il n'y a pas de délit sans intention de le commettre, ce texte n'étant pas applicable à l'infraction administrative en cause.

55. L'article L. 464-2 V, alinéa 2 précité prend soin d'indiquer, à titre d'exemples, que l'obstruction peut " notamment " résulter de certains comportements, mettant ainsi en évidence le souhait du législateur de conférer à la liste des comportements présentés un caractère non exhaustif.

56. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés du groupe Akka, ce choix permet d'appréhender de manière suffisamment précise les comportements susceptibles de donner lieu à sanction dès lors que la notion d'" obstruction ", repose sur un concept connu des entreprises pour être mis en œuvre depuis l'entrée en vigueur de l'article 23 § 1 du règlement n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, qui correspond à un manquement objectif consistant à entraver le déroulement des investigations ou de l'instruction.

57. L'interprétation restrictive revendiquée par les sociétés du groupe Akka, qui consisterait à écarter le bris de scellé et l'altération de la réception de courriels réalisés par négligence du champ d'application des dispositions précitées, reviendrait à affecter sensiblement l'effet utile de ces dispositions et serait ainsi contraire à l'objectif poursuivi, précis et prévisible, tendant à accroître l'efficacité des pouvoirs d'enquête conférés à l'Autorité afin de rechercher et de constater des infractions aux articles 101 et 102 du TFUE et L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, en vue de garantir le plein respect des règles de concurrence.

58. C'est en conséquence à juste titre, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines applicable à toute sanction ayant le caractère d'une punition, que la décision attaquée a retenu que l'article L. 464-2 V, alinéa 2 du Code de commerce s'applique à tous les comportements de l'entreprise qui tendent, de propos délibéré ou par négligence, à faire obstacle aux actes d'investigation ou d'instruction et qu'il ne requiert pas la caractérisation d'un élément intentionnel.

59. Concernant en quatrième lieu le respect du principe de loyauté dans la collecte des preuves, il convient de rappeler que si les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 du Code de commerce doivent relater le déroulement de la visite, consigner les constatations effectuées et comporter l'inventaire des pièces et documents saisis, aucune disposition n'impose en revanche d'y faire figurer la mention du rappel des dispositions de l'alinéa 2 du V de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

60. Les sociétés du groupe Akka ne sont donc pas fondées à invoquer un manquement au principe de loyauté en raison de l'absence formelle de mention d'une notification des sanctions encourues dans les procès-verbaux dressés lors de ces opérations.

61. Cette critique est d'autant moins justifiée qu'il est établi par les attestations sous serment des agents présents sur place (cotes 39-41 ; 42-44 ; 48-50 ; 77-79) que les personnes qui étaient sur les lieux ont été informées des risques encourus, ce que la décision attaquée a relevé au paragraphe 74. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques (2e Civ., 6 mars 2014, pourvoi n° 13-14. 295, Bull. n° 65), de sorte que la preuve de l'information diffusée au moment des OVS sur les sanctions encourues en cas d'obstructions aux mesures et investigations peut être rapportée par tous moyens.

62. Aucune déloyauté dans la collecte des éléments relatifs à ces incidents, aucune violation de la confidentialité de certains d'entre eux, ni aucune croyance légitime relative à l'absence de conséquences résultant de l'incident de Mérignac, n'étant établies, les moyens d'annulation sont en conséquence rejetés.

63. En cinquième lieu, sur le fond, il doit être relevé que les faits décrits aux paragraphes 9 à 17 (altération de la réception de courriels) et 19 à 29 (bris de scellé) de la décision attaquée, auxquels la cour renvoie, dont la matérialité n'est pas contestée, caractérisent des comportements qui tendent à faire obstacle au bon déroulement des OVS en cours, menées dans le cadre de la saisine d'office n° 18/0135F.

64. Il convient d'ajouter que la circonstance que les enquêteurs n'aient pas exigé la fermeture à clés du bureau qui a fait l'objet du bris de scellé n'est pas de nature à exonérer les occupants du site de toute responsabilité, dès lors que l'apposition d'un scellé suffisait à en interdire l'accès de manière apparente au moyen :

- d'un adhésif rouge indécollable comportant l'inscription " SCELLÉ " en noir, fixé sur le dormant/chambranle et l'ouvrant de la porte, la poignée de la porte étant également entourée d'un scotch blanc portant des inscriptions rouges ;

- d'une affichette au format A4 indiquant, " BUREAU SOUS SCELLÉ - DÉFENSE D'ENTRER " et présentant le logo de la république française et celui de l'Autorité de la concurrence ;

- et d'un scotch blanc portant les inscriptions rouges " SCELLÉ - NE PAS OUVRIR - Autorité de la concurrence - SCELLÉ ". (§ 35 et suivants du rapport établi le 3 décembre 2018 par la rapporteure auprès de l'Autorité et photographie reproduite en § 28 de la décision attaquée).

65. Il est par ailleurs indifférent, au stade de la qualification de ces incidents, que les agents habilités aient pu procéder aux visites des locaux, réaliser certaines saisies et qu'ils soient parvenus à récupérer les messages supprimés par M. [C.], avec son concours, dès lors que ces circonstances n'enlèvent rien à l'existence, d'une part, de bris des scellés apposés sur un bureau pour protéger l'intégrité des éléments qui y étaient déposés et, d'autre part, d'une altération de la réception des courriels entrant sur la messagerie d'un ordinateur objet d'investigations en cours. Il convient d'ajouter que ces incidents suffisent à caractériser un manquement à l'obligation de collaboration active et loyale de l'entreprise faisant l'objet des OVS.

66. C'est donc à juste titre que la décision attaquée a retenu que ces incidents relèvent d'actes d'obstruction au sens de l'article L. 464-2, V, alinéa 2 précité.

67. Le moyen n'est pas fondé.

III. Sur l'imputation de l'infraction aux sociétés visées par les OVS

68. Les sociétés du groupe Akka reprochent à la décision attaquée d'avoir retenu que les sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes et Akka technologies ont enfreint les dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce en tant qu'auteurs.

69. Elles invoquent, en premier lieu, le principe de responsabilité personnelle et font valoir, en substance, que :

- l'article L. 464-2, V précité vise l'" entreprise ", ce qui, selon elles, exclut de facto les faits commis par des individus qui ont agi de manière isolée sans que soit expliqué en quoi l'entreprise aurait influencé leurs comportements. Elles en déduisent que la responsabilité du groupe Akka ne pouvait être retenue en application du principe de responsabilité personnelle. Elles ajoutent que les comportements en cause ne sont pas des pratiques anticoncurrentielles mais des incidents de procédure, de sorte que les principes applicables aux premières ne peuvent servir à contourner les principes fondamentaux de la matière pénale applicables aux seconds ;

- la responsabilité pénale de l'entreprise ne peut être engagée que par des actes commis par ses représentants. Elles invoquent en ce sens l'article 121-2 du Code pénal. Elles font valoir qu'aucun organe ou représentant d'une entité du groupe Akka n'a pris part aux incidents, et notamment qu'aucun dirigeant n'a donné de consigne aux employés de ne pas collaborer avec les enquêteurs. Elles considèrent que les deux incidents relèvent de comportements qui peuvent être reprochés à des employés du groupe Akka, mais ne peuvent être imputés à l'entreprise dès lors qu'ils ne disposaient d'aucune délégation de pouvoirs.

70. A l'audience, elles précisent que par le principe de responsabilité personnelle invoqué, elles contestent le fait que la responsabilité de chacune des sociétés du groupe puisse être engagée pour des faits commis par des salariés qui n'ont pas le pouvoir de les représenter.

71. L'Autorité, concernant le principe de responsabilité personnelle :

- renvoie aux paragraphes 55 à 60 de la décision attaquée ;

- rappelle la jurisprudence européenne en ce sens, notamment la position de la Cour de justice dans son arrêt Protimonopolny (CJUE, 7 février 2013, Protimonopolny urad Slovenskej republiky, aff. C-68/12, point 26) et celle du Tribunal de l'Union (TUE, 6 mars 2012, FLS Plast, T-64/06, point 69, TUE, 15 décembre 2010, E.ON/Commission, point 258 et du 26 novembre 2014, EPH/Commission, point 46) et

- précise, enfin, que la pratique décisionnelle et la jurisprudence nationales vont dans le même sens (invoquant la décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d'hygiène et de soins pour le corps, confirmée sur ce point par la cour d'appel de Paris (CA Paris, 27 octobre 2016, RG n° 2015/01673, p. 26).

Sur ce, LA COUR

72. Concernant les règles d'imputabilité applicables aux faits d'obstruction, il convient de relever qu'à l'instar de l'article L. 462-4, I, du Code de commerce qui dote l'Autorité du pouvoir d'infliger une sanction pécuniaire à l'entreprise qui s'est livrée à des pratiques anticoncurrentielles, ce même article, en son V, alinéa 2, crée par l'ordonnance n° 2008-1161 précitée en vue de renforcer les moyens d'investigation et d'enquête de l'Autorité dans la recherche de faits susceptibles de caractériser des pratiques anticoncurrentielles, dote également l'Autorité du pouvoir d'infliger une sanction pécuniaire à l'entreprise qui a fait obstruction à l'investigation ou à l'instruction qui la concerne.

73. Ainsi, ces dispositions se réfèrent, l'une et l'autre, à la notion d'" entreprise ", laquelle doit être comprise au sens du droit de la concurrence. Il y a donc lieu, pour des raisons de cohérence, d'interpréter cette notion de la même manière, qu'il s'agisse de sanctionner une infraction aux règles de fond ou de réprimer une obstruction à une enquête destinée à rechercher une telle infraction, et d'appliquer en conséquence, les mêmes règles d'imputabilité à ces deux types d'infraction.

74. Il en résulte que la responsabilité de l'entreprise à raison d'actes d'obstruction, commis par un ou plusieurs de ses salariés, est engagée dans les mêmes conditions que sa responsabilité à raison de pratiques anticoncurrentielles commises par ses salariés.

75. Or, selon une jurisprudence constante, l'imputation à une entreprise d'une infraction à l'article L. 420-1 du Code de commerce ne suppose pas une action ou même une connaissance de cette infraction par les associés ou des gérants principaux de l'entreprise concernée, mais l'action d'une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l'entreprise.

76. Les sociétés du groupe Akka visées par ces OVS et poursuivies au titre d'une obstruction aux investigations menées dans le cadre de la saisine n° 18/0135F ne sont donc pas fondées à soutenir que les règles d'imputation aux entreprises des infractions aux règles de fond du droit de la concurrence commises par leurs salariés ne seraient pas pertinentes concernant les infractions d'obstruction, ni davantage que l'implication d'une entreprise dans une pratique d'obstruction aux investigations en cours nécessite que les personnes physiques qui ont matériellement commis les faits aient détenu une délégation de pouvoir aux fins de la représenter.

77. Si la notion d'entreprise, appliquée à une société mère et ses filiales n'agissant pas de manière autonome, permet d'imputer à la première les agissements des secondes, ce principe ne saurait permettre d'imputer le comportement d'une des filiales à toutes les autres, sans justifier en quoi ces dernières ont déterminé ce comportement. La notion d'unité économique ne saurait en effet conduire à engager la responsabilité des filiales au-delà du principe de responsabilité personnelle sur lequel repose le droit de la concurrence.

78. En l'espèce, des OVS ont été autorisées dans les locaux de la société Akka technologies et de l'ensemble des sociétés du même groupe, sises aux mêmes adresses à Boulogne-Billancourt et Mérignac.

79. La matérialité des deux actes reprochés sur les sites de Mérignac et de Boulogne-Billancourt, dont le déroulement est décrit aux paragraphes 4 et suivants du présent arrêt, n'est pas discutée et il est constant que ces actes, constitutifs d'une obstruction, concernent la même procédure d'enquête menée dans le cadre de la saisine d'office enregistrée sous le numéro 18/0135F relative aux secteurs de l'ingénierie et du conseil en technologie ainsi que des services informatiques, justifiant qu'ils soient examinés ensemble.

80. S'agissant, en premier lieu, de l'altération des conditions de réception de courriels en cause, il n'est pas contesté qu'elle a été commise par M.[C.], Business Unit manager au sein de la société Akka I&S, à la demande de M.[B.], son supérieur hiérarchique, directeur régional au sein de la même société, dont la messagerie était en cours d'investigation et que M. [C.] a, en outre, entrepris de supprimer des courriels de sa messagerie professionnelle.

81. Par suite, ces faits, qui ont affecté une messagerie professionnelle et qui ont été commis, de surcroît, pendant un temps de travail par une personne occupant un poste de direction au sein de la société Akka I&S et un salarié placé sous son autorité hiérarchique, tous deux autorisés à agir pour le compte de cette société au moyen de cet outil de communication, doivent être considérés comme accomplis pour le compte de la société Akka I&S, dont les locaux faisaient l'objet des OVS, et engagent donc la responsabilité personnelle de cette dernière.

82. En revanche, aucun élément de la procédure ne permet d'imputer ce comportement aux sociétés Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes, qui ne détiennent aucune participation dans le capital de la société Akka I&S, à la différence de la société Akka technologies, sa société mère, dont la responsabilité sera examinée dans les développements qui suivent, de sorte que leur responsabilité personnelle ne peut être engagée.

83. La décision doit donc être réformée sur ce point.

84. S'agissant, en second lieu, du bris de scellé, il résulte des éléments de la procédure, des écritures des sociétés du groupe Akka et des explications fournies à l'audience que :

- M. [D.], a qui a été notifiée l'ordonnance du JLD en qualité d'occupant des lieux, est vice-président commercial France du groupe Akka. Il n'est pas contesté qu'il est intervenu en cette qualité pour le compte de toutes les sociétés du groupe implantées sur le site objet des OVS ;

- les salariés des sociétés du groupe Akka sont autorisés à circuler librement sur l'ensemble du site ;

- M. [E.], " directeur commercial Télécom " au sein de la société Akka services, occupant du bureau sur la porte duquel ont été apposés les scellés, intervient indifféremment pour l'ensemble des sociétés du groupe dans le secteur des "télécoms" dont il a la charge.

85. C'est donc en vain, au regard des principes rappelés au paragraphe 76 du présent arrêt et de ces éléments, que les sociétés du groupe Akka, qui attribuent le bris de scellé à M. [A], directeur commercial au sein de la société Akka service, invoquent le fait que ce dernier serait entré dans le bureau sans aucune délégation de pouvoir ou instruction écrite de sa direction. Par ailleurs, dans ce contexte de mutualisation des ressources et de libre circulation des personnels convenues entre les sociétés du groupe Akka, chacune de ces sociétés avait la qualité d'occupant des lieux et était donc tenue de préserver l'intégrité des scellés apposés dans le cadre des OVS en cause.

86. Cette situation n'est pas inédite, pour avoir été déjà sanctionnée par les juridictions européennes, dans une affaire où il avait été vainement invoqué que l'altération du scellé résultait du fait du personnel en charge du ménage, dès lors que, comme en l'espèce, seules des personnes autorisées se trouvaient dans le bâtiment lorsque les faits ont eu lieu (arrêt du 15 décembre 2010, T-141/08, E.ON Energie AG contre Commission européenne, confirmé par arrêt de la CJUE du 22 novembre 2012, C-89/11 P, E.ON Energie AG).

87. Le bris de scellé engage ainsi la responsabilité personnelle de chacune des sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes et Akka technologies, en qualité d'auteur.

88. Le moyen n'est pas fondé en ce qui concerne cet incident.

IV. Sur l'imputation des faits à la société Akka technologies prise en sa qualité de société mère

89. Les sociétés du groupe Akka critiquent la décision attaquée en ce qu'elle a également imputé les faits d'obstruction à la société Akka technologies, en sa qualité de société mère des sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique, estimant que :

- les principes rappelés aux paragraphes 78 à 87 de la décision attaquée s'appliquent lorsqu'il s'agit de sanctionner des comportements anticoncurrentiels, mais non pour sanctionner des incidents qualifiés d'obstruction. L'imputation mécanique du comportement d'une filiale contrôlée à 100 % revêt une certaine pertinence lorsqu'est en cause une intervention sur un marché mais n'a, selon elles, aucun sens pour des agissements tels que ceux en cause. Elles ajoutent que pour engager la responsabilité de la société Akka technologie, qui contrôle à 100 % les sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes, encore faut-il établir la responsabilité de ces sociétés, ce qui n'est pas le cas, selon elles ;

- les incidents commis par des personnes physiques, simples salariés qui ne sont pas des mandataires de la société Akka technologies, ne peuvent engager la responsabilité de cette dernière, d'autant qu'ils ont été commis sur la seule initiative de ces individus et en contradiction avec les instructions reçues. Elles relèvent qu'aucun des salariés à l'origine des incidents ne pouvaient être considérés comme " une personne généralement autorisée à agir pour le compte de l'entreprise " au sens de la pratique décisionnelle européenne (se référant à TUE, 15 décembre 2010, T-141/08, E.ON Energie AG c/ Com, point 258; CJUE,22 novembre 2012, C-89/11 P, E.ON Energie AG c/ Com ; Commission, 24 mai 2011, COMP/39.796, Suez environnement).

90. L'Autorité renvoie aux principes rappelés aux paragraphes 78 à 90 de la décision attaquée et fait valoir, en substance que :

- la preuve d'une détention capitalistique à 100 % permet d'imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère et de la sanctionner dès lors que cette présomption réfragable n'est pas renversée ;

- la société Akka technologies détient 100 % du capital des filiales en cause et n'apporte aucun élément permettant de renverser la présomption d'imputabilité précitée.

91. Elle en déduit que le moyen doit être rejeté.

Sur ce, LA COUR

92. Pour les motifs énoncés aux paragraphes 72 et suivants du présent arrêt, la notion d'entreprise retenue en droit de la concurrence et les règles d'imputabilité appliquées aux pratiques anticoncurrentielles permettent également d'apprécier la responsabilité d'une société mère concernant les actes d'obstruction commis par ses filiales.

93. Il résulte d'une jurisprudence constante que la notion d'" entreprise ", au sens du droit de la concurrence de l'Union désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C-501/11 P, EU:C:2013:522, point 103 et jurisprudence citée) et qu'en considération de cette unité économique les agissements des filiales peuvent être rattachés à la société mère sur le fondement d'une présomption réfragable d'influence déterminante sur leur comportement, lorsque la société mère contrôle 100 %, ou la quasi-totalité de leur capital (CJCE 25 octobre 1983, C-107/82, aff. AEG, point 50) et ce même si les liens capitalistiques sont indirects (CJUE, 29 septembre 2011, C-520/09, aff Arkema). Cette présomption d'influence déterminante s'applique à tous les comportements de la filiale sans distinction entre ceux caractérisant une pratique anticoncurrentielle et ceux caractérisant une obstruction à une enquête portant sur l'existence d'une telle pratique.

94. En l'espèce, il est constant que la société Akka technologies :

- détient directement ou indirectement la totalité du capital de la société Akka I&S, auteur des faits d'altération de la réception de courriel et ;

- détient directement ou indirectement la totalité du capital de la société Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes, auxquelles les faits de bris de scellé sont imputés en qualité d'auteur et ;

- n'a apporté aucun élément de nature à renverser la présomption précitée.

95. La société Akka technologies doit donc être réputée avoir exercé une influence déterminante sur les sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes.

96. La décision attaquée a ainsi justement retenu la responsabilité de la société Akka technologie en sa qualité de société mère au titre des deux incidents, outre sa responsabilité au titre du bris de scellé en qualité d'auteur. Sa demande de mise hors de cause doit être rejetée.

V. Sur la sanction

97. Les sociétés du groupe Akka reprochent à l'Autorité, dans la décision attaquée :

- un raisonnement in abstracto, retenant que tout fait d'obstruction serait en soi " particulièrement grave ", sans qu'il soit possible de déterminer quels sont les faits d'obstruction qui seraient les plus graves et ceux qui seraient moins sévèrement sanctionnés ;

- un refus de prendre en compte la coopération de l'entreprise pour modérer la sanction envisagée, au motif que celle-ci " n'a pas permis d'éviter les infractions constatées " (§110 de la décision) ;

- une analyse exclusivement à charge, illustrée par le fait que l'Autorité a retenu de manière contradictoire, comme caractère de gravité, la circonstance que le scellé visait à préserver l'intégrité des documents présents dans le bureau tout en refusant de retenir comme circonstance atténuante le fait que les courriels supprimés par M. [C.] aient été finalement retrouvés.

98. Elles ajoutent que la suppression/altération d'une chaîne de courriels a été commise par M.[C.] sous le coup du "stress" et de manière totalement irréfléchie et en aucun cas de manière méthodique comme le suggère l'Autorité.

99. Elles se prévalent également du faible nombre (deux uniques messages de 14h49 et 14h51) et du contenu des courriels concernés par l'incident, la liste de diffusion en cause ne faisant mention d'aucun comportement anticoncurrentiel de la part du groupe Akka. Elles relèvent que jusqu'à ce que M.[B.] soit retiré de la liste de diffusion, à savoir à 14h49, tous les courriels comportant des mots-clés utilisés par les enquêteurs dont il était destinataire ou en copie apparaissaient dans la messagerie fouillée par les enquêteurs.

100. S'agissant du bris de scellé à Boulogne-Billancourt, elles rappellent notamment que le bureau concerné par les bris de scellé " ne contenait que des éléments papiers, les divers supports informatiques (PC portable, clés USB) ayant été préalablement écartés pour exploitation ultérieure " selon les mentions du procès-verbal (cotes 17-34).

101. De l'ensemble de ces éléments elles déduisent que la gravité des deux incidents est extrêmement limitée et doit conduire à une réduction drastique de la sanction.

102. L'Autorité se prévaut d'une analyse in concreto, prenant en compte le chiffre d'affaires réalisé, ainsi que les principes de proportionnalité et d'individualisation de la sanction. Elle précise qu'elle a pris en considération la gravité du comportement reproché au groupe Akka à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, des effets de ce comportement sur le déroulement de l'OVS, et plus généralement, de ses conséquences sur l'ordre public économique. Elle rappelle également la nécessité de garantir l'effet suffisamment dissuasif de la sanction. Elle soutient que la sanction de 900 000 euros, représentant 0,067 % du chiffre d'affaires du groupe, bien inférieure au plafond légal de 1 % du chiffre d'affaires du groupe, respecte le principe de proportionnalité.

Sur ce, LA COUR

103. Aux termes de l'article L. 464-2, V, alinéa 2, du Code de commerce " [l]e montant maximum de [la sanction] ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ".

104. Il n'est pas contesté que le chiffre d'affaires mondial publié réalisé par le groupe Akka en 2017 était de 1,334 milliard d'euros, de sorte que le maximum légal de la sanction encourue s'élève à 13,34 millions d'euros. L'Autorité, en infligeant aux sociétés du groupe Akka une sanction de 900 000 euros, n'a pas excédé ce plafond.

105. Les principes de proportionnalité et d'individualisation, qui régissent la fixation de toute sanction ayant le caractère d'une punition, conduisent, ainsi que l'a justement rappelé l'Autorité aux paragraphes 102 et suivants de la décision attaquée, à apprécier la gravité du comportement reproché aux sociétés du groupe Akka à la lumière des circonstances particulières de l'espèce et des effets de ce comportement sur le déroulement de l'OVS.

106. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés du groupe Akka, il ressort des motifs de la décision attaquée que l'Autorité a procédé à une appréciation concrète des faits d'obstruction à la lumière des circonstances particulières de l'espèce et de leurs effets sur le déroulement des OVS.

107. Ainsi, s'agissant de l'altération de la réception de courriels entrant sur une messagerie en cours d'investigation, l'Autorité a relevé qu'elle avait été commise dans le but reconnu " de ne pas attirer l'attention des agents en train de procéder à la fouille sommaire de l'ordinateur portable de M. [B.] (...) en raison du caractère sensible des informations que [les courriels supprimés] contenaient " (cotes 58 et 59).

108. Elle a également tenu compte de ce que les enquêteurs sont parvenus à récupérer la chaîne de courriels depuis le téléphone mobile de M. [C] et avec l'aide de ce dernier (décision attaquée §16 et 17). Toutefois, ils n'y sont parvenus que parce que leur attention avait été attirée par le comportement de M.[C.], qui était en train de supprimer des courriels, attitude les conduisant à examiner son ordinateur (cote 58 et 59). Ainsi, sans la vigilance de ces agents et leur réactivité, la suppression des messages aurait été effective. En outre, ainsi que le relève l'Autorité, aucun élément ne permet de garantir que tous les courriels dont M. [B.] aurait dû être destinataire sur la période d'investigation sont arrivés sur son compte de messagerie compte tenu des consignes données pour le retirer des envois groupés.

109. S'agissant du bris de scellé, cette infraction est, comme l'a relevé à juste titre la décision attaquée, par nature, particulièrement grave, dans la mesure où le respect du scellé est une condition nécessaire à l'efficacité d'une opération de visite domiciliaire ordonnée en vue de rechercher l'existence de pratique anticoncurrentielles. Il convient de rappeler que la finalité des scellés est d'empêcher la disparition des preuves pendant les OVS et la sanction de leur bris doit être suffisamment dissuasive pour protéger ces opérations de la menace qui dérive du simple fait que le scellé a été brisé, donnant ainsi lieu à un doute quant à l'intégrité des éléments de preuve dans le local scellé.

110. Le fait que les enquêteurs ont préalablement saisi divers supports informatiques (PC portable, clés USB) en vue d'une exploitation ultérieure et que le local dont les scellés ont été brisés ne contenait plus " que des éléments papiers " n'exclut pas que ceux-ci pouvaient être en lien avec l'objet des investigations. Ce bris de scellé a ainsi pu rendre possible la distraction de tels éléments d'autant que les enregistrements de la caméra de surveillance n'ont pu être exploités que sur le créneau 10h42-14h00, le groupe Akka n'ayant pas conservé les enregistrements au-delà de 14h00 tandis que le bris de scellé n'a été officiellement constaté qu'à 16h03 (cote 19).

111. Enfin, l'Autorité a pris en compte le fait qu'une enquête interne a été diligentée, que le groupe Akka lui en a communiqué les éléments et que des représentants de l'entreprise avaient attiré l'attention des salariés sur la nécessité de ne pas briser les scellés et sur les conséquences que cela pourrait avoir, comme en a attesté un agent habilité par l'Autorité (cotes 42-44), tout en relevant que ces avertissements n'avaient pas permis d'éviter les infractions constatées et qu'il appartenait aux sociétés du groupe Akka de prendre les mesures nécessaires pour préserver l'intégrité des scellés.

112. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les deux comportements en cause revêtent une particulière gravité, quand bien même les conséquences de l'altération de la réception des courriels ont pu être atténuées par suite de la récupération de certains d'entre eux, rendue possible avec le concours de M.[C] et qu'il n'est pas établi que des documents aient disparu.

113. Comme l'a justement indiqué la décision attaquée, la répression de faits d'obstruction doit être suffisamment dissuasive pour qu'une entreprise ne puisse estimer qu'il serait plus avantageux pour elle de faire obstacle à des mesures d'investigation ou d'instruction, en brisant un scellé et en détournant les courriels destinés à une messagerie en cours d'investigation, que de supporter les sanctions encourues dans l'hypothèse où la preuve de pratiques anticoncurrentielles serait rapportée.

114. Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent, notamment de la gravité de l'infraction d'obstruction en cause, à laquelle toutes les sociétés ont concouru dans la mesure de leur participation à l'infraction, ainsi que de la nécessité d'assurer un effet suffisamment dissuasif à l'égard d'une entreprise qui a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 1,334 milliard d'euros en 2017, que le montant de 900 000 euros prononcé au titre de l'obstruction en cause, recouvrant deux actes matériels distincts, est proportionné.

115. Le fait que les sociétés Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes n'ont participé à l'infraction d'obstruction reprochée au groupe qu'en ce qui concerne le bris de scellé survenu sur le site de Boulogne-Billancourt, ne justifie pas, en l'espèce, compte tenu de ce que la société Akka technologies détient directement ou indirectement 100 % du capital de toutes les sociétés en cause, de prononcer des sanctions distinctes à l'égard de chacune d'elles. Une telle mesure conduirait en effet à prononcer, au titre d'une infraction unique - l'obstruction aux investigations menées dans le cadre de la saisine enregistrée sous le numéro 18/0135F - une sanction dont le montant global serait disproportionné à l'échelle du groupe, par le cumul de sanctions qui serait ainsi mis à la charge de l'entreprise, formée par la société Akka technologie et ses filiales. Il s'ensuit que c'est à juste titre que la sanction a été prononcée de manière solidaire entre celle-ci et ses filiales.

116. La participation de chacune des sociétés du groupe Akka dans l'infraction n'étant toutefois pas de même ampleur, il doit en être tenue compte.

117. La condamnation solidaire prononcée à la charge des sociétés Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes qui ont participé au seul bris de scellé, doit en conséquence être cantonnée à 700 000 euros.

Par ces motifs : LA COUR Déclare irrecevable le recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence n° 19-D-09 du 22 mai 2019 relative à des pratiques d'obstruction mises en œuvre par le groupe Akka, en ce qu'il a été formé par la société Akka services ; Déclare recevable l'intervention volontaire accessoire de la société Akka services, au soutien du recours formé par les sociétés Akka technologies, Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes contre la décision précitée ; Rejette la demande de mise hors de cause de la société Akka technologies ; Met hors de cause les sociétés Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes au titre de l'incident survenu à Mérignac le 8 novembre 2018 ; En conséquence, Réforme les articles 1 et 2 de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 19-D-09 du 22 mai 2019 ; Statuant à nouveau ; Dit établi que les sociétés Akka I&S, Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes et Akka technologies en tant qu'auteurs de l'infraction, et la société Akka technologies, en qualité de société mère de ces sociétés, ont fait obstruction, chacune dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 81, 82, 87 du présent arrêt, aux opérations de visite et saisie diligentées dans le cadre de la saisine d'office dans les secteurs de l'ingénierie et du conseil en technologie ainsi que des services informatiques, enregistrée sous le numéro n° 18/0135 F ; Inflige solidairement, au titre de cette infraction, une sanction pécuniaire de 900 000 euros aux sociétés Akka technologies et Akka I&S, les sociétés Akka ingénierie produit et Akka informatique et systèmes étant solidairement tenues du paiement de cette somme à hauteur de 700 000 euros ; Condamne les sociétés Akka technologies, Akka I&S, Akka ingénierie produit, Akka informatique et systèmes et Akka services aux dépens.