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Décisions

Cass. com., 18 mars 2020, n° 18-11.998

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Groupement des installateurs français

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, Procureur général près la cour d'appel de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

Cass. com. n° 18-11.998

18 mars 2020

LA COUR : - Donne acte au Groupement des installateurs français de ce qu'il se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Paris ; - Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2018), que par une décision du 8 juin 2010, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture, de l'installation et de la maintenance d'équipements professionnels de cuisine, buanderie et laverie ; qu'une première notification des griefs a été adressée au Groupement des installateurs français (le GIF) et qu'une séance s'est tenue devant le collège de l'Autorité, qui a décidé du renvoi à l'instruction ; qu'une nouvelle notification des griefs a été adressée au GIF ; qu'après un nouvel examen de l'affaire, l'Autorité a, par décision n° 16-D-26 du 24 novembre 2016, sanctionné le GIF pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, lui infligeant une sanction pécuniaire et lui enjoignant de supprimer certaines clauses de son règlement intérieur ; que le GIF a formé un recours en annulation et en réformation contre cette décision ;

Attendu que le GIF fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen : 1°) que le renvoi du dossier à l'instruction ordonné par le collège de l'Autorité sur le fondement de l'article R. 463-7 du Code de commerce a pour seul objet d'inviter les services de l'instruction à compléter une instruction jugée incomplète, en procédant, si nécessaire, à de nouvelles mesures d'investigation ; qu'une telle procédure ne peut être détournée de sa finalité afin de permettre aux services de l'instruction de purger un vice de procédure consistant dans le fait, pour ceux-ci, d'avoir omis de communiquer à la partie poursuivie une pièce déterminante ayant motivé la saisine de l'Autorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le collège de l'Autorité avait ordonné le renvoi du dossier à l'instruction pour permettre aux services de l'instruction, qui avaient omis de communiquer au GIF le rapport de la DGCCRF à l'origine de la saisine de l'Autorité, de procéder à cette communication ; qu'elle a constaté à cet égard qu'aucune mesure d'instruction à proprement parler n'avait été prise suite à ce renvoi, les services de l'instruction s'étant contentés de purger le vice qui entachait la procédure ; qu'en jugeant que le collège de l'Autorité pouvait, sur le fondement de l'article R. 463-7 du Code de commerce, procéder de la sorte, la cour d'appel, qui a entériné un détournement de procédure, a violé l'article R. 463-7 du Code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 2°) que le principe d'égalité des armes requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en l'espèce, le GIF faisait observer que suite au renvoi du dossier à l'instruction, les services de l'Autorité lui avaient adressé une seconde notification des griefs tenant compte des observations qu'il avait communiquées en réponse à la première notification irrégulière ; qu'il faisait valoir que les services de l'instruction avaient ainsi pu corriger l'acte d'accusation, déterminant la saisine de l'Autorité, sur la base d'observations communiquées au cours de la phase contradictoire, et qu'un tel procédé portait atteinte au principe d'égalité des armes ; qu'en jugeant qu'aucune atteinte n'avait été portée à ce principe aux motifs que " le renvoi d'une affaire à l'instruction en application de l'article R. 463-7 du Code de commerce, n'emporte la disparition rétroactive d'aucune pièce de la procédure " (pt. 73) et que " les observations en réponse produites par ce dernier, sont restées partie intégrante de la procédure, de sorte qu'il était loisible aux services d'instruction, auxquels l'affaire avait été renvoyée par la décision du collège du 14 avril 2016, de s'y référer " (pt. 74), la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 3°) que dans le cadre de l'instruction devant l'Autorité, la notification des griefs est l'acte d'accusation qui cristallise la procédure et qui, en tant que telle, détermine l'étendue de la saisine de l'Autorité ; que cette notification n'a pas la même portée que les observations orales présentées par le rapporteur à l'audience devant le collège de l'Autorité ; qu'en ajoutant, pour écarter toute atteinte au principe d'égalité des armes, qu'en toute hypothèse il était " toujours loisible aux rapporteurs de répondre oralement, lors de la séance devant le collège, aux arguments développés par l'entreprise poursuivie en réponse à la notification des griefs, sous réserve que le collège fasse respecter le principe du contradictoire ", de sorte que " la circonstance que, en cas de renvoi à l'instruction, les rapporteurs [aient] déjà connaissance de la réponse de l'entreprise à la première notification lorsqu'ils notifient les mêmes griefs pour la seconde fois, ne [modifiait] pas la situation de l'entreprise par rapport à ce qu'elle aurait été en l'absence de renvoi à l'instruction ", la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 4°) que le GIF faisait valoir que les services de l'instruction pouvaient d'autant moins tenir compte des observations qu'ils avaient formulées en réponse à la première notification des griefs irrégulière pour procéder à une notification des griefs rectifiée que ces écritures avaient été prises dans un cadre procédural lui-même vicié du fait d'une grave méconnaissance des droits de la défense (en l'occurrence l'absence de communication du rapport de la DGCCRF qui avait motivé la saisine de l'Autorité de la concurrence) ; qu'en décidant que les services de l'instruction avaient pu se fonder sur ces observations, au motif que le renvoi d'une affaire à l'instruction n'entraînait la disparition rétroactive d'aucune pièce de la procédure, alors que, tenant compte de la nullité affectant la première phase de la procédure et de la méconnaissance du principe du contradictoire qui l'entachait, les services de l'instruction ne pouvaient ni répondre ni se servir de ces observations pour adresser à l'entreprise poursuivie une notification des griefs rectifiée, la cour d'appel a violé l'article R. 463-7 du Code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que le collège de l'Autorité a constaté qu'une pièce essentielle de la procédure constituée par un rapport d'enquête de la DGCCRF n'avait pas été communiquée au GIF, privant ce dernier de la possibilité de contester les constatations y figurant, y compris par la production d'éléments de preuve contraires ; qu'il retient que la communication de ce rapport, en ouvrant au GIF la possibilité d'en contester le contenu par la fourniture d'éléments de preuve nouveaux, était de nature à permettre de compléter l'instruction, peu important de savoir si le GIF se soit ou non saisi de cette possibilité et peu important que, de son côté, le rapporteur n'ait mené aucune mesure d'instruction supplémentaire dans le temps qui a séparé la décision de renvoi et la nouvelle notification des griefs ; qu'en l'état de ces appréciations dont elle a déduit que le versement d'une pièce essentielle au dossier, n'aurait-il eu pour objet que de permettre le respect du principe de la contradiction, entre dans le champ d'un complément nécessaire à l'instruction autorisant le collège de l'Autorité à faire usage des prérogatives qu'il tient de l'article R. 463-7 du Code de commerce, la cour d'appel a statué à bon droit ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que le GIF avait été en mesure de répondre par écrit à la seconde notification des griefs, c'est sans méconnaître le principe d'égalité des armes et l'article 6 § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, la cour d'appel a retenu que la circonstance que, en cas de renvoi à l'instruction, les rapporteurs avaient déjà connaissance de la réponse de l'entreprise à la première notification lorsqu'ils ont notifié le même grief pour la seconde fois, ne modifiait pas sa situation par rapport à ce qu'elle aurait été en l'absence de renvoi à l'instruction ;

Et attendu, en troisième lieu, qu'ayant retenu, par des motifs vainement critiqués par la première branche, que le renvoi à l'instruction sans annulation de la notification des griefs était justifié, la cour d'appel en a exactement déduit que la première notification des griefs adressée au GIF et les observations en réponse produites par ce dernier sont restées partie intégrante de la procédure, de sorte qu'il était loisible aux services d'instruction, auxquels l'affaire avait été renvoyée, de s'y référer ; d'où il suit que, pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, le deuxième et le troisième moyens : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs, la Cour : rejette le pourvoi.