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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 28 mai 2020, n° 17-22068

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Agrial (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mmes Soudry, Lignières

T. com. Rennes, du 28 sept. 2017

28 septembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société X a pour activité le transport et le négoce de porcs.

La coopérative agricole Agrial située au Mans a pour activité la collecte des productions de porcs de ses éleveurs adhérents.

La société Axiom (anciennement dénommée Gene+), est une filiale de la coopérative Agrial, elle est spécialisée dans l'élevage porcin. La société Multigene est une filiale de la société Axiom.

La coopérative Agrial (anciennement CAD du Mans) a confié à compter de mars 2002 à la société X, la collecte chez les éleveurs Axiom et Multigene des porcelets, ainsi que leur transport et leur revente à la société JB Viande qui exploite un abattoir à Feuchy (62).

La société X soutient que sans préavis la société Axiom a cessé d'annoncer la fourniture des produits à compter du 17 octobre 2016 de sorte qu'elle ne pouvait plus les collecter et facturer leur achat à la coopérative Agrial.

Par exploit d'huissier du 31 janvier 2017, la société X a fait assigner la coopérative agricole Agrial devant le tribunal de commerce de Rennes afin de solliciter une condamnation en paiement de 179 425,20 euros à titre de dommages-intérêts au titre d'une rupture brutale des relations commerciales établies et 8 917,36 euros au titre du solde de factures impayées.

Par jugement du 28 septembre 2017, le tribunal de commerce de Rennes a :

- dit la société X bien fondée,

- condamné la société Coopérative Agricole Agrial à payer à la société X la somme de 4 581 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Coopérative Agricole Agrial aux entiers dépens de l'instance,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 77,08 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 1er décembre 2017, la société X a interjeté appel partiel de ce jugement, en ce qu'il a :

- fixé la durée du préavis à un an au lieu des deux ans demandés ;

- fixé les dommages-intérêts à hauteur de 4 581 euros au lieu des 179 425,20 euros sollicités ;

- omis de statuer sur la demande en paiement formée par la SARL X à l'encontre de la Coopérative Agricole Agrial à hauteur de 8 917,36 euros, outre les intérêts dus et les pénalités de 200 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de chacune des factures impayées à leur échéance ;

- débouté la SARL X du surplus de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions n° 4 notifiées par RPVA le 9 décembre 2019, la société X demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1315 ancien du Code civil et vu l'article L. 441-6 du Code de commerce,

- dire la SARL X bien fondée ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a retenu un délai de préavis que d'une durée d'un an,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 4 581 euros la somme due par la Coopérative Agricole Agrial à titre de dommages-intérêts à la société X,

- constater que le tribunal a omis de statuer sur l'ensemble des demandes de la société X s'agissant des factures impayées,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société X du surplus de ses demandes,

- débouter la société coopérative Agrial de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- dire que la coopérative Agrial aurait dû respecter un préavis de deux années ;

- condamner la société coopérative Agrial à payer à la SARL X la somme de 180 844 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

- condamner la société coopérative Agrial à payer à la SARL X la somme de 8 917,36 euros au titre du solde de factures impayées ;

- condamner la société coopérative Agrial à payer à la SARL X les pénalités de retard correspondant à l'application de trois fois le taux d'intérêt légal courant depuis la date d'exigibilité de chacune des factures ;

- condamner la société coopérative Agrial à payer à la SARL X la somme de 200 euros au titre des indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement de chacune des factures impayées à son échéance ;

- condamner la société coopérative Agrial à payer à la SARL X la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société coopérative Agrial aux entiers dépens des instances (première et appel).

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 4 décembre 2019, la société Coopérative Agricole et Agro-alimentaire demande à la cour de:

Vu l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce,

Au principal,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 28 septembre 2017 ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a limité le préjudice de la société X à la somme de 4 581 euros ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le préavis dû à la société X à douze mois et le ramener à 10 mois ;

En conséquence,

- débouter la société X de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire prescrite l'action de la société X au titre du transport de l'été 2015, objet des factures d'octobre 2015 ;

- condamner la société X à payer à la société Agrial les sommes qui suivent :

- 16 589,44 euros au titre des taxes indûment perçues ;

- 688 485 euros au titre du prix indûment perçu.

- condamner la société X à payer à la Société Agrial la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture brutale de la relation établie

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Sur la relation commerciale établie :

Il n'est pas contesté l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties de mars 2002 à octobre 2016.

Sur l'imputabilité et la brutalité de la rupture

La société X demande la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a qualifié de brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la rupture unilatérale de sa relation commerciale imputable à la coopérative Agrial.

La coopérative Agrial conteste être l'auteur de la rupture en faisant valoir que la société X échangeait directement avec les sociétés Axiom et Multigene sur les prix et les conditions des transactions. Cependant, dans les emails échangés entre la société X et Axiom, filiale de la coopérative Agrial, qui sont relatifs à la rupture, la coopérative Agrial était toujours en copie, et surtout il ressort de toutes les factures produites émises par la société X que celles-ci sont adressées directement à la coopérative Agrial et ne mentionnent nullement sa filiale Axiom. Il ne peut donc être imputé la rupture de la relation commerciale qu'à la coopérative Agrial en sa qualité de client de la société X.

La cessation totale des commandes de services de transport et négoce auprès de la société X de la part de la coopérative Agrial via sa filiale Axiom à compter du 17 octobre 2016 n'est pas contestée, et il n'est pas donné de motif particulier à cette rupture.

Par conséquent, en rompant une relation commerciale établie depuis quatorze années sans préavis alors qu'aucune inexécution par l'autre partie de ses obligations ou un cas de force majeure n'est invoqué, la coopérative Agrial est à l'origine d'une rupture brutale.

Le jugement de première instance sera confirmé sur l'existence d'une rupture brutale imputable à la coopérative Agrial.

Sur le délai du préavis :

La société X critique le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a limité la durée de préavis pour sa réorganisation après la rupture brutale à douze mois et soutient qu'un préavis de vingt-quatre mois était nécessaire au vu de l'ancienneté et du caractère substantiel de la relation commerciale entretenue avec la société X, ainsi que de la particularité du secteur des coopératives agricoles qui sont en général très fidèles dans leurs relations avec leurs partenaires et dans un contexte de crise du secteur de la viande, et plus particulièrement de déclin de la filière porcine qui génère une concentration de plus en plus importante des éleveurs, ainsi Agrial est née de la fusion de plusieurs coopératives.

La coopérative Agrial réplique que le délai de vingt-quatre mois sollicité par la société X est excessif et estime qu'au vu de la jurisprudence actuelle le délai ne devrait pas dépasser dix mois. Elle fait remarquer que pour les prestations de transport les contrats-type prévoient un délai de trois mois de préavis concernant une relation commerciale de plus de douze mois.

Sur ce ;

A titre préliminaire, il convient de préciser qu'il ne peut être appliquée la clause des contrats-type en matière de transport en l'espèce, s'agissant d'une prestation de négoce (vente) comprenant le transport que la société X offrait à la coopérative Agrial.

Une relation commerciale stable a duré entre les parties quatorze années.

La société X avait d'autres fournisseurs en porcelets mais elle en achetait plus de la moitié auprès de la coopérative Agrial, soit 53,62 % en 2015, comme indiqué dans les conclusions de la coopérative Agrial en page 10.

Cependant, la société X a d'autres activités que le négoce et le transport de porcelets, son chiffre d'affaires total en 2015 s'élevait à 3 285 500 euros, alors que le chiffre d'affaires tiré de sa relation avec la coopérative Agrial était de 254 329 euros pour 2015, soit seulement 8 % de son chiffre d'affaires annuel, au vu des recettes de " vente et transport client Agrial " indiquées en page 5 du rapport de l'expertise comptable Fiteco.

Les extraits de la presse locale et d'un rapport de décembre 2015 du Haut Conseil de la Coopérative Agricole versés au dossier par l'appelant justifient de l'existence d'une crise de la filière porcine à l'époque de la rupture, démontrant qu'il s'agit d'un marché qui ne permet pas une diversification facile et rapide de la clientèle en ce qu'il existe une forte concentration des éleveurs porcins au sein de coopératives de plus en plus importantes du fait de fusions successives.

Néanmoins, il n'existe en l'espèce aucune dépendance économique justifiant un allongement de la durée du préavis.

Au vu de l'ancienneté et de l'intensité de la relation commerciale ayant existé entre les parties au moment de la rupture et du contexte économique du secteur particulier de la filière porcine, un préavis de douze mois était nécessaire et suffisant pour permettre à la société X de réorganiser son activité en recherchant de nouveaux fournisseurs en porcelets.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a dit que le délai de préavis a justement estimé la durée du préavis à douze mois.

Sur la réparation du préjudice :

Il convient de rappeler que l'on ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

- le calcul du gain manqué du fait de l'arrêt brutal des relations

La société X reproche au jugement de première instance d'avoir minoré le préjudice subi du fait du gain manqué subséquent à la rupture brutale de la relation avec la coopérative Agrial.

Elle indique tout d'abord qu'elle a respecté la traçabilité des animaux gérée par la base de données nationale du ministère de l'Agriculture gérée par " BD Porc ", et que ce système de traçage permet d'établir que les porcelets fournis par Agrial ne sont pas destinés à être engraissés dans la porcherie détenue par la société X, le seul transit se faisant sur son propre site d'allotement avant livraison à l'abattoir pour que les porcelets y soient pesés et répartis par classe de poids, et parfois nourris quelques jours afin d'éviter un déclassement entrainant une pénalité appliquée par l'abattoir.

La société X appuie sa demande sur un rapport d'expertise comptable qu'elle a fait établir pour évaluer son préjudice et qui conclut à une perte de résultat annuel de 90 422 euros calculé à partir d'une moyenne sur les trois derniers exercices comptables (de 2013 à 2015), et appliquée à une période de vingt-quatre mois (préavis qu'elle estime nécessaire), soit un total de 180 844 euros.

Quant à la coopérative Agrial, elle conteste les chiffres d'affaires que la société X demande de prendre en compte pour le calcul de son préjudice en soutenant que parallèlement à son activité de négoce, la société X exploite elle-même un élevage porcin. L'intimée en déduit que les volumes vendus par la société X à l'abattoir JB Viande ne correspondent pas en totalité à sa relation d'affaires avec la coopérative Agrial mais comprend aussi des porcelets élevés par la société X et revendus plus tard à la société JB Viande pour y être abattus.

Agrial verse aux débats, à l'appui de ces allégations, un tableau établi par elle-même comparant les bons d'enlèvements de X auprès des éleveurs d'Agrial avec les factures de revente à JB Viandes. Selon la coopérative Agrial, la corrélation entre les achats aux filiales d'Agrial et les reventes à JB Viande ne serait pas établie. Elle ajoute que la société X lui aurait indûment facturé une taxe d'abattage alors que certains des porcelets d'Agrial n'auraient pas été amenés directement à l'abattoir.

La coopérative Agrial conteste aussi le fait que la société X propose de calculer la moyenne du chiffre d'affaires tiré de sa relation commerciale avec elle en intégrant les années 2013 et 2014 qui sont plus favorables, et estime que seul un calcul de marge brute sur les chiffres d'affaires d'octobre 2015 à octobre 2016 serait admissible.

Enfin, la coopérative Agrial demande que soient prises en compte les charges variables de l'opération, notamment le coût du transport sur plus de 5 000 kms entre le lieu d'élevage et le lieu de l'abattoir (carburant, entretien, personnel de transport...), soit un montant total de 12 573 euros pour l'année 2015. la coopérative Agrial demande d'ajouter aux coûts variables : le poste " Aliments façonnage Agrial " pour 95 370 euros en 2015, et le poste " achats aliments post sevrage " pour 33.647 euros en 2015.

Sur ce ;

La société X démontre suffisamment que le système réglementaire de traçabilité des porcs permet de justifier que l'élevage Gene+ portant la référence 86CHA pour le compte d'Agrial collecté par elle était entièrement destiné à l'abattoir JB Viandes.

Il est donc pertinent de prendre en compte le volume livré à JB Viandes pour calculer le chiffre d'affaires de la société X tiré de sa relation avec Agrial, comme base de calcul du manque à gagner du fait de la rupture brutale.

La société X a confié au cabinet d'expertise comptable Fiteco une étude sur l'impact économique de sa rupture avec Agrial établie au vu des pièces comptables sur 3 années de 2013 à 2015, étude qui n'avait pas été produite lors de la première instance car effectuée en 2018. Il ressort de cette étude comptable une marge brute globale pour le seul client Agrial de :

- 72 534 euros pour 2015

- 99 891 euros en 2014

- 99 386 en 2013, soit une moyenne annuelle de près de 90 603 euros.

Après déduction des charges qui apparaissent pertinentes (charges externes, impôts, personnel selon quote part client), la marge nette globale pour le seul client Agrial est de :

- 59 493 euros pour 2015

- 86 215 euros pour 2014

- 85 818 euros pour 2013, soit une moyenne annuelle de près de 77 175 euros.

Le préjudice subi par la société X du fait du gain manqué sur douze mois sera donc fixé à cette somme.

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé quant au montant du préjudice retenu pour indemniser la rupture brutale.

Sur le paiement des factures impayées

La société X critique le jugement du tribunal de commerce pour avoir omis de statuer sur sa demande en paiement du solde de trois factures du 19 octobre 2015, correspondant à la vente de porcs à Cosme à l'été 2015 et deux factures de transport de porcelets datées des 10-10-2016 et 18-10-2016.

Selon la coopérative Agrial, les factures du 19 octobre 2015 ont été improprement établies, elles ne seraient pas dues car les conditions de supplément de prix n'étaient pas remplies par la société X. En outre, les factures de transport seraient prescrites conformément à l'article L. 133-6 du Code de commerce, le délai d'un an courant à compter de la date de livraison.

Sur ce ;

Le tribunal a rejeté " le surplus des demandes" de la société X, sans motivation particulière.

Il ressort de l'exposé des prétentions dans le jugement que la société X avait formulé expressément une demande en paiement de factures à hauteur de 8 917,36 euros au titre de factures impayées, il ne s'agit donc pas d'une prétention nouvelle.

- les factures de transport

Aux termes de l'article L. 133-6 al. 2 du Code de commerce, les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire (...) sont prescrites dans le délai d'un an.

Concernant les factures litigieuses, elles sont datées des 10 octobre 2016 et 18 octobre 2016, alors que 'assignation en paiement en première instance date du 31 janvier 2017.

La coopérative Agrial ne démontre pas que les livraisons objets de ces deux factures aient eu lieu avant le 31 janvier 2016, les relations commerciales ayant perduré jusqu' au 17 octobre 2016.

La société X n'est donc pas prescrite dans son action en paiement de ces deux factures dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont pas été payées par Agrial.

- les factures de vente

Pour s'opposer au paiement des factures de vente intitulées "Complément cadran Cosme" ou "Complément Cadran Cosam annuel" émises le 10-10-2015, la coopérative Agrial affirme que les conditions de supplément de prix n'étaient pas remplies par la société X.

Dans le cadre de relations contractuelles régulières, la société X a émis les factures litigieuses dès le 10 octobre 2015 et la coopérative Agrial ne les a pas contestées à réception et ne justifie nullement le défaut de respect du cahier des charges allégué alors que la société X verse aux débats un tableau précis des compléments sollicités indiquant "dates des tueries" et "poids" correspondant aux compléments de prix.

Il est ainsi suffisamment démontré que ces factures sont dues par la coopérative Agrial.

Par conséquent, la coopérative Agrial sera condamnée à payer les factures litigieuses restant dues pour un montant total de 8 917,36 euros, outre intérêts de retard au taux d'intérêt de trois fois le taux légal, et ce à compter des dates d'émission respectives des factures, conformément à l'article L. 441-6 du Code de commerce (dans la version applicable en octobre 2015).

Il sera également fait droit à la demande en paiement des frais de recouvrement à hauteur de 40 euros pour chacune des cinq factures impayées soit un montant total de 200 euros, conformément à l'article D. 441-5 du Code de commerce.

Sur les demandes reconventionnelles de la coopérative Agrial tendant au paiement de taxes et prix indûment perçus

Selon la coopérative Agrial, la société X n'avait pas de légitimité à lui refacturer certaines contributions (CVEE, redevances sanitaires d'abattage et de découpe, taxes d'abattage) dans la mesure où elle menait les porcelets Agrial non pas vers l'abattoir mais vers son propre élevage.

Or, il a été jugé plus haut que le système réglementaire de traçabilité permettait de prouver que tous les porcelets collectés auprès des éleveurs d'Agrial étaient transportés vers l'abattoir JB Viandes par la société X, aussi les taxes et prix pratiqués par cette dernière à l'égard de la coopérative Agrial étaient justifiés.

Il convient de rejeter ce chef de demande.

Sur les frais et dépens

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a condamné la coopérative Agrial aux dépens de la première instance.

La coopérative Agrial succombant en appel, supportera les entiers dépens de l'appel, et participera en outre aux frais irrépétibles engagés par la société X à hauteur de 6 000 euros.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris sauf sur le quantum des dommages et intérêts accordés au titre du préjudice résultant de la rupture brutale, Statuant à nouveau de ce chef infirmé, Condamne la coopérative Agrial à payer à la société X la somme de 77 175 euros en réparation du préjudice subi pour la rupture brutale de la relation commerciale, Y ajoutant ; Rejette les demandes reconventionnelles de la coopérative Agrial tendant au paiement de prix et taxes indus, Condamne la coopérative Agrial à payer à la société X : - la somme de 8 917,36 euros au titre des factures restant impayées, émises en date des 19 octobre 2015, 10 octobre 2016 et 18 octobre 2016, outre intérêts de retard au taux d'intérêt de trois fois le taux légal, à compter des dates d'émission respective des factures, - la somme de 200 euros au titre des frais de recouvrement, Condamne la coopérative Agrial à payer à la société X la somme de 6 000 euros au titre de frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la coopérative Agrial aux entiers dépens de l'appel.