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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 28 mai 2020, n° 17-18641

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Inter Mutuelles Habitat (GIE)

Défendeur :

Terroise IDF (SARL), Terroise (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Lignières

T. com. Lille Métropole, du 30 mai 2017

30 mai 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

Le GIE Inter Mutuelles Habitat (ci-après le GIE) a pour activité de mettre en œuvre tous les moyens de nature à faciliter ou développer l'activité de ses membres dans le domaine de la gestion des sinistres d'assurance et de réassurance en matière d'assistance et de réparation en nature liée à l'habitation.

Pour remplir ses engagements auprès des mutuelles actionnaires, le GIE a recours à des entreprises du bâtiment.

La société Terroise, créée le 26 avril 2012 et dont le gérant est M. X, est une entreprise de travaux notamment de couverture.

Le 6 juin 2013, le GIE et la société Terroise ont conclu une convention de services ayant pour objet de définir les conditions de réalisation des prestations confiées par le GIE à la société Terroise et les modalités de leurs relations. Ce contrat, conclu pour une durée indéterminée, prévoyait un préavis de trois mois avant toute résiliation.

Dans ce cadre, la société Terroise était appelée à intervenir aux domiciles des assurés des différentes mutuelles d'assurance fédérées au sein du GIE, à la suite de sinistres ou hors sinistre. Les prestations étaient principalement réalisées dans l'Oise mais également dans d'autres départements de la région parisienne.

M. G. a créé le 1er décembre 2014 une autre société ayant une activité de travaux, la société Terroise IDF, dont il est également gérant.

Le 7 janvier 2015, le GIE et la société Terroise IDF ont conclu une convention de services. Ce contrat, conclu pour une durée indéterminée, prévoyait un préavis de trois mois avant toute résiliation.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 avril 2015, le GIE a mis fin à la convention de services le liant à la société Terroise avec un préavis d'un an.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 avril 2015, le GIE a mis fin à la convention de services le liant à la société Terroise IDF avec un préavis de trois mois.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 juillet 2015, les sociétés Terroise et Terroise IDF ont, par l'intermédiaire de leur conseil, contesté la réalité d'exécution du préavis annoncé et mis en demeure le GIE de les indemniser au titre de l'inexécution dudit préavis.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 novembre 2015, la société Terroise a mis en demeure le GIE de lui régler une somme de 20 579,52 euros au titre de factures demeurées impayées.

C'est dans ces conditions que, s'estimant victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies au sens des dispositions de l'article L. 422-6, I, 5° du Code de commerce et créancières du solde de factures, les sociétés Terroise et Terroise IDF, ainsi que leur gérant, M. X, ont, par acte en date du 19 avril 2016, assigné le GIE devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement du 30 mai 2017, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté le GIE Inter Mutuelles Habitat de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dit que le préavis n'avait pas été respecté par le GIE Inter Mutuelles Habitat, que la rupture des relations commerciales est qualifiée de brutale, et que sa faute constitue un préjudice pour les demandeurs, ouvrant droit à réparation ;

- condamné le GIE Inter Mutuelles Habitat à payer à la société Terroise, la société Terroise IDF et M. X la somme de 95 733 euros en réparation du préjudice lié à la rupture brutale de la relation commerciale, et à l'inexécution du préavis ;

- débouté les demandeurs de leur requête au sujet du retrait des dossiers en cours ;

- débouté les demandeurs, au titre de leur prétention concernant les factures impayées ;

- condamné le GIE Inter Mutuelles Habitat au paiement de la somme de 5 610,22 euros aux demandeurs au titre du préjudice lié au coût des licenciements ;

- débouté les demandeurs de toutes leurs requêtes au titre du préjudice moral ;

- condamné le GIE Inter Mutuelles Habitat à payer la somme de 5 000 euros aux demandeurs au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné le GIE aux frais et dépens.

Par déclaration du 10 octobre 2017, le GIE a interjeté appel de cette décision, en ce qu'elle a :

- dit que le préavis n'avait pas été respecté par le GIE, que la rupture des relations commerciales a été qualifiée de brutale et que sa faute constituait un préjudice pour le demandeur ouvrant droit à réparation ;

- condamné le GIE à la société Terroise, la société Terroise IDF et M. X la somme de 95 733 euros en réparation du préjudice lié à la rupture brutale de la relation commerciale et à l'inexécution du préavis et la somme de 5 610,22 euros au titre du préjudice lié au coût des licenciements ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté le GIE de sa demande tendant à voir dire que les ruptures des relations commerciales signifiées le 20 avril 2015 aux sociétés défenderesses ne sont pas abusives et de sa demande d'article 700.

Par jugement du 9 mai 2017, le Tribunal de commerce de Beauvais a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Terroise et désigné Me Y en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 13 février 2018, le Tribunal de commerce de Beauvais a prononcé la liquidation judiciaire de la société Terroise et désigné Me Y en qualité de mandataire liquidateur.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions du 5 juillet 2018, le GIE demande à la cour de :

Vu l'article 906 du Code de procédure civile,

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

Vu les articles 1134 et 1147 de l'ancien Code civil,

- recevoir le GIE en son appel l'y déclarant bien fondé,

- constater que la société Terroise et Me Y ès-qualités de mandataire liquidateur, la société Terroise IDF et de M. X n'ont pas communiqué leurs pièces dans la présente procédure ;

En conséquence,

- écarter toutes pièces non communiquées en temps utiles ;

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas tenu compte des conventions conclues entre les parties ;

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que les ruptures des relations commerciales signifiées aux sociétés Terroise et Terroise TP le 20 avril 2015 étaient brutales et que sa faute constituait un préjudice pour les demandeurs, ouvrant droit à réparation ;

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que la période indemnisable devait courir à compter de début janvier 2015 ;

- réformer le jugement en ce qu'il a statué sur les demandes qui n'avaient pas été présentées par toutes les parties demanderesses en première instance ;

En conséquence,

- réformer le jugement en ce qu'il a alloué aux trois intimés la somme globale de 95 733 euros en réparation du préjudice subi lié à la rupture brutale des relations commerciales, et à l'inexécution du préavis ;

- réformer le jugement en ce qu'il a alloué aux trois intimés la somme de 5 610,22 euros au titre du préjudice lié au coût des licenciements ;

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté le GIE à verser aux demandeurs, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demandeurs de leurs autres prétentions ;

- condamner chacun des intimés à verser à le GIE la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouter la société Terroise et Maitre L. ès-qualités de mandataire liquidateur, la société Terroise IDF et M. X de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- les condamner en tous les dépens.

Le GIE prétend à titre liminaire que les pièces énumérées dans le bordereau des conclusions d'appel ne lui ont pas été communiquées en cause d'appel et doivent être écartées des débats.

Il dément tout caractère établi des relations avec les sociétés intimées dès lors que ces relations dépendaient des sinistres déclarés par les assurés et de la météo ainsi que de l'acceptation par les assurés et par les mutuelles adhérentes des devis de réparation présentés. Il prétend en outre que l'année 2014 n'est pas représentative de l'activité que pouvaient escompter les sociétés intimées en raison d'épisodes météorologiques exceptionnels qui ont suscité de nombreuses missions. Il ajoute que des missions ont été confiées aux sociétés Terroise en 2015 et en 2016 de sorte qu'il n'y a eu aucune rupture brutale totale dès le mois de janvier 2015. Il affirme par ailleurs avoir respecté les préavis annoncés à ses cocontractantes. En tout état de cause, il estime que la durée de 16 mois de préavis retenue par les premiers juges est excessive eu égard à la courte durée des relations commerciales ainsi qu'à l'absence d'exclusivité et de dépendance économique imposée.

Par ailleurs, il conteste les préjudices allégués par les intimés. Il prétend ainsi que le préjudice financier invoqué au titre de la rupture brutale des relations commerciales aurait dû être calculé sur l'année 2013 et sur le premier trimestre de l'année 2015 et non exclusivement sur l'année 2014, exceptionnelle. Il conteste les préjudices financiers invoqués au titre des licenciements en soutenant que les montants réclamés ne sont pas établis et que lesdits licenciements ne sont pas liés à la prétendue brutalité de la rupture.

Il dément être à l'origine de tout retrait de missions à la société Terroise. Il dénie le préjudice moral invoqué par les intimés et relève que M. X ne justifie d'aucune faute commise à son encontre.

Enfin il conteste être redevable de sommes au titre des factures dont la société Terroise réclame le paiement.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 14 octobre 2019, la société Terroise, Me Y, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Terroise, la société Terroise IDF, et M. X demandent à la cour de :

- débouter le GIE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que le préavis n'avait pas été respecté par le GIE, que la rupture des relations commerciales devait être qualifiée de brutale, et que sa faute constituait un préjudice pour les demandeurs ouvrant droit à réparation ;

- condamné le GIE au paiement de la somme de 5 610,22 euros aux demandeurs au titre du préjudice lié au coût des licenciements ;

- condamné le GIE à payer la somme de 5 000 euros aux demandeurs au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'infirmer en ce qu'il a :

- condamné le GIE à la société Terroise, la société Terroise IDF et M. X la somme de 95 733 euros en réparation du préjudice lié à la rupture brutale de la relation commerciale, et à l'inexécution du préavis ;

- débouté les demandeurs de leur requête au sujet du retrait des dossiers en cours ;

- débouté les demandeurs au titre de leur prétention concernant les factures impayées ;

- débouté les demandeurs de toutes leurs requêtes au titre du préjudice moral ;

- condamner le GIE à payer les sommes suivantes :

- 157 118 euros (cent cinquante-sept mille cent dix-huit euros) à Me Y ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Terroise au titre de la rupture des relations commerciales ;

- 44 189 euros à Me Y ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Terroise (quarante-quatre mille cent quatre-vingt-neuf euros) au titre du retrait des dossiers ;

- 3 181,33 (trois mille cent quatre-vingts et un euro et trente-trois centimes) à Me Y ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Terroise au titre des factures impayées ;

- 4 284,72 euros (quatre mille deux cent quatre-vingt-quatre euros et soixante-douze centimes) à la société Terroise au titre du coût des licenciements ;

- 1 325,50 euros (mille trois cent vingt-cinq euros et cinquante centimes) à la société Terroise IDF au titre du coût des licenciements ;

- 15 000 euros (quinze mille euros) à Me Y ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Terroise au titre de son préjudice moral ;

- 5 000 euros (cinq mille euros) à la société Terroise IDF au titre de son préjudice moral ;

- 8 000 euros (huit mille euros) à M. X au titre de son préjudice moral ;

- 10 000 euros (cinq mille euros) aux intimés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner le GIE aux entiers dépens dont distraction au profit de LM Avocats en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

A l'appui de sa demande de dommages et intérêts, la société Terroise invoque les dispositions de l'article L. 446-2 I 5° du Code de commerce et celles de l'article 1134 du Code civil dans leurs rédactions applicables au litige. Elle prétend que le GIE a cessé de lui confier de nouvelles missions dès le début de l'année 2015 avant de lui annoncer, par courrier du 20 avril 2015, la résiliation de la convention de services les liant, avec un préavis d'un an s'achevant le 20 avril 2016. En outre, elle affirme que le GIE n'a pas respecté le préavis ainsi annoncé, ce qui caractérise la brutalité de la rupture des relations ou tout au moins la violation d'un engagement contractuel. Elle conteste que l'interruption du flux d'affaires dès 2015 soit lié à des événements indépendants de la volonté du GIE tels qu'une météo plus clémente entraînant une diminution des sinistres ou encore le choix d'autres prestataires par les membres du GIE ou par les assurés pour effectuer les réparations.

Elle soutient que les relations commerciales avec le GIE étaient établies et que compte tenu de l'importance du volume d'affaires, de l'exclusivité de fait qui lui était consentie et de sa dépendance économique à l'égard de son partenaire, un préavis minimum de 12 mois aurait dû être respecté outre un maintien de l'activité entre le 1er janvier 2015 et le 20 avril 2015.

A titre de réparation de son préjudice, elle invoque une perte de marge sur les nouveaux dossiers qui auraient dû lui être confiés pendant la durée du préavis ainsi qu'une perte de marge sur les dossiers qui lui ont été retirés.

La société Terroise IDF soutient quant à elle qu'un préavis de trois mois aurait dû être respecté mais ne sollicite aucune indemnisation au titre de la perte de marge dans la mesure où les relations commerciales ont cessé très peu de temps après avoir commencé.

Les sociétés Terroise et Terroise IDF réclament encore une indemnisation au titre du coût des licenciements de salariés auxquels elles ont dû procéder compte tenu de la brutalité de l'interruption des relations.

Par ailleurs, elles sollicitent le règlement de factures demeurées impayées ainsi qu'une indemnisation au titre d'un préjudice moral eu égard aux circonstances de la rupture.

M. X revendique également l'indemnisation d'un préjudice moral.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2019.

MOTIFS

Sur le rejet des débats des pièces produites par les sociétés intimées

En vertu de l'article 15 du Code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Selon l'article 954 alinéa 1er du Code de procédure civile, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Par ailleurs, l'article 961 alinéa 2 précise que : " La communication des pièces produites est valablement attestée par la signature de l'avocat destinataire apposée sur le bordereau établi par l'avocat qui procède à la communication. "

En l'espèce, il convient de constater que les conclusions des intimés notifiées le 14 octobre 2019 comportent en annexe un bordereau énumérant des pièces 1 à 32 et que la communication de ces pièces est valablement attestée par l'accusé de réception de l'envoi du bordereau au conseil du GIE par RPVA le 14 octobre 2019 à 10 h 14.

En conséquence, la demande tendant à ce que l'ensemble des pièces produites par les intimés soient écartées des débats sera rejetée.

Sur la responsabilité du GIE au titre de la rupture brutale des relations commerciales avec la société Terroise

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Sur le caractère établi de la relation commerciale

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, il résulte des débats que les relations commerciales entre la société Terroise et le GIE ont débuté avec la conclusion d'une prestation de services le 6 juin 2013 en vertu de laquelle différentes missions ont été confiées par le GIE à la société Terroise : mission urgente à la suite d'un sinistre, mission de réparation en nature après expertise ou sans expertise, prestation hors sinistre.

Selon le listing des factures produit par la société Terroise, qui est le seul document versé aux débats permettant d'appréhender la durée et l'intensité des relations, il apparaît que :

- en 2013, 104 missions ont été facturées par la société Terroise au GIE pour un montant de 39 197 euros entre le 31 juillet 2013 et le 31 décembre 2013,

- en 2014, 785 missions ont été facturées pour un montant de 637 654 euros entre le 7 janvier 2014 et le 29 décembre 2014,

- en 2015, 213 missions ont été facturées pour un montant de 404 907 euros entre le 5 janvier 2015 et le 29 décembre 2015,

- en 2016, 24 missions ont facturées pour un montant de 15 535 euros entre le 11 janvier 2016 et le 29 mars 2016.

Ainsi, bien que l'activité confiée par le GIE à la société Terroise soit dépendante des déclarations de sinistres des assurés des mutuelles actionnaires, il n'en demeure pas moins qu'au vu de la durée des relations (entre le 6 juin 2013 et le 20 avril 2015, date de l'annonce de la résiliation du contrat, soit près de deux ans) et de leur flux, la relation commerciale présentait bien un caractère établi.

Sur la brutalité de la rupture

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

En l'espèce, la société Terroise se plaint d'une rupture des relations dès le mois de janvier 2015.

Or s'il doit être constaté une diminution très nette des missions confiées en 2015 par rapport à 2014, aucune rupture totale des relations n'est caractérisée puisqu'il est établi que le GIE a confié des missions à la société Terroise jusqu'à la fin du premier trimestre 2016.

Dans ces conditions, la réduction substantielle du volume des missions à compter de 2015 n'est susceptible de constituer qu'une rupture partielle des relations. A cet égard, il y a lieu de relever que quand bien même le GIE ne se serait engagé sur aucun volume d'interventions, cela ne l'autorisait pas pour autant à réduire de manière significative les volumes de commandes en 2015 par rapport à l'année précédente.

Toutefois il sera rappelé qu'aucune responsabilité pour rupture n'est imputable à un partenaire si la baisse d'activité s'avère non délibérée et imposée par les circonstances.

En l'espèce, il résulte des relevés météorologiques produits aux débats que l'année 2014 a été marquée par de fortes tempêtes et de violents orages qui ne se sont pas reproduits en 2015. Ainsi l'année 2014 ne peut servir de référence pour appréhender la réalité d'une rupture partielle des relations dès le début de l'année 2015. Seule l'année 2013 peut donc servir de comparatif. Or il résulte de ce qui précède que le nombre moyen de missions par mois confiées en 2015 (17,75 par mois) est comparable au nombre moyen de missions par mois confiées en 2013 (20,8 par mois) étant précisé que le chiffre d'affaires moyen généré par les missions confiées en 2015 (1 901 euros par mission) a été bien supérieur à celui de 2013 (377 euros par mission).

En conséquence, aucune rupture brutale partielle n'est établie entre le 1er janvier 2015 et le 20 avril 2015.

Par ailleurs, il est établi que le GIE a mis fin aux relations commerciales par lettre du 20 avril 2015 en annonçant un délai de préavis d'une année, soit jusqu'au 20 avril 2016.

Les parties s'opposent quant à l'observation de ce préavis annoncé étant observé que ce préavis d'une durée d'un an était largement suffisant à la société Terroise pour se réorganiser compte tenu de la durée des relations (près de deux ans), du volume d'affaires et de l'absence de spécificité des prestations fournies. Il sera en outre observé que le contrat ne prévoyait aucune exclusivité au profit de la société Terroise. En revanche, il résulte des pièces versées aux débats que le GIE a représenté 82 % du chiffre d'affaires de la société Terroise en 2014 puisque le chiffre d'affaires réalisé en 2014 par la société Terroise s'est élevé à 778 518 euros ainsi qu'il ressort des documents comptables produits et que la société Terroise a facturé 637 654 euros au GIE au titre de la même année. Ainsi l'état de dépendance économique de la société Terroise à l'égard du GIE doit être retenue d'autant plus que la société Terroise était évaluée par le GIE en fonction du nombre mensuel de refus de missions et du respect des délais attendus, ce qui nécessitait qu'elle organise son activité de manière à répondre aux sollicitations du GIE dans des délais brefs.

L'observation du préavis doit s'entendre du maintien d'une activité comparable à celle précédant l'annonce de la cessation des relations.

Or ainsi qu'il a été indiqué précédemment, le préavis a été observé par le GIE pendant toute l'année 2015 puisque l'activité a été comparable à celle de l'année 2013, seule année de référence à prendre en compte. En revanche, il est établi que le GIE n'a pas respecté le même volume d'activité du 1er janvier 2016 au 20 avril 2016 puisque seules 24 missions ont été confiées, soit 6 missions par mois pour un chiffre d'affaires mensuel de 3 884 euros, alors qu'en 2013, le nombre moyen de missions par mois s'élevait à 20,8 missions par mois pour un chiffre d'affaires mensuel de 7 840 euros.

En conséquence, la responsabilité du GIE pour rupture brutale des relations commerciales sera retenue.

Sur les préjudices subis par la société Terroise

Sur la demande au titre du préjudice financier tiré de l'absence d'exécution du préavis

S'agissant du préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, celui-ci est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période.

Il résulte des comptes annuels de la société Terroise au 31 décembre 2014 (pièce 13 de l'intimée) que la marge brute de cette société s'élevait à 80,88 % en 2014 et à 72,16 % en 2013, soit une moyenne de 76,52 %.

Par ailleurs, la perte de marge brute escomptée par la société Terroise pendant la période du préavis non exécutée, soit 3 mois et 20 jours (du 1er janvier 2016 au 20 avril 2016) sera calculée par référence aux années 2013, 2014 et 2015, soit une moyenne de 31 573 euros par mois (tenant compte d'une moyenne de 7 840 par mois en 2013, de 53 137 euros par mois en 2014 et de 33 742 euros par mois en 2015), et déduction faite du chiffre d'affaires réalisé en 2016.

La perte financière résultant de la brutalité de la rupture sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 76 698 euros [{(31 573 euros x 3 mois) + (31 573 euros/30) x20 jours)} - 15 535 euros] x 76,52 %.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné le GIE à payer à la société Terroise une somme de 95 733 euros en réparation du préjudice lié à la rupture brutale de la relation commerciale et de l'inexécution du préavis. La cour condamnera le GIE à payer Me Y ès-qualités une somme de 76 698 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte financière résultant de la rupture brutale des relations commerciales.

Sur la demande au titre du retrait des dossiers

La société Terroise invoque subir un préjudice du fait du retrait de dossiers qui lui avaient été attribués. Toutefois il résulte des pièces versées aux débats que les motifs d'annulation de missions par le GIE au titre des années 2014 et 2015 tiennent soit à la nécessité d'organiser une nouvelle expertise, soit à un préjudice d'un montant supérieur à la délégation consentie au GIE. En outre, il sera relevé que la société Terroise n'avait aucun droit à effectuer les réparations à la suite des devis qu'elle émettait dès lors que l'assuré pouvait refuser le devis et choisir lui-même son prestataire. Il y a lieu encore d'observer que le nombre de missions annulées sur les années 2014 et 2015, qui s'élèvent à quelques dizaines, n'apparaît pas élevé par rapport au nombre de missions effectivement confiées pour ces mêmes années, soit 998.

En conséquence, en l'absence de faute commise par le GIE dans le cadre de l'annulation de ces missions, le jugement déféré sera confirmé en qu'il a rejeté la demande de réparation de ce chef.

Sur la demande au titre du coût des licenciements

Ainsi qu'il a été rappelé précédemment, le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Dès lors, seuls peuvent être indemnisés les coûts de licenciement du personnel qui ont été causés par la brutalité de la rupture et non par la rupture elle-même.

A l'appui de sa demande sur ce point, la société Terroise se contente de produire une attestation de son expert comptable datée du 15 avril 2016 au terme de laquelle il est certifié que : " le coût lié aux licenciements pour motif économique suite à la perte du partenariat d'avec IMH pour la société Terroise s'élève à 4 284,72 euros étant précisé que le dernier licenciement date du 9 février 2016. " ainsi que les lettres de licenciement adressées à ses salariés.

Ces éléments ne sauraient établir que lesdits licenciements auraient pu être évités si la totalité du préavis avait été respecté.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et la demande d'indemnisation présentée de ce chef sera rejetée.

Sur la demande au titre du préjudice moral

La société Terroise ne justifie d'aucun préjudice moral et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la responsabilité du GIE au titre de la rupture brutale des relations commerciales avec la société Terroise IDF

La relation commerciale, pour être établie, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, il résulte des débats que les relations commerciales entre la société Terroise IDF et le GIE ont débuté avec la conclusion d'une prestation de services le 7 janvier 2015 en vertu de laquelle 59 missions ont été confiées par le GIE à la société Terroise. La société Terroise IDF a facturé une somme totale de 37 220 euros au GIE entre le 29 janvier 2015 et le 9 juillet 2015.

Ces relations courtes et portant sur un flux d'affaires réduit ne sauraient caractériser une relation commerciale établie. En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du GIE de ce chef et en ce qu'il a condamné le GIE à indemniser la société Terroise IDF du préjudice lié à la rupture brutale d'une part, et du préjudice lié au coût des licenciements d'autre part. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande au titre du préjudice moral.

Sur la responsabilité du GIE à l'égard de M. X

Si la faute retenue ci-dessus à l'encontre du GIE consistant en une rupture brutale des relations commerciales à l'égard de la société Terroise peut être source de responsabilité du GIE à l'égard de M. X à titre personnel, il n'en demeure pas moins que M. X n'établit aucun préjudice moral de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation sur ce point.

Sur la demande au titre des factures

La société Terroise réclame au GIE le paiement des factures suivantes :

- une facture au nom de Mme A d'un montant 2 849,13 euros,

- deux factures correspondant aux dossiers B et C pour un montant de 332,20 euros.

Selon l'article 1315 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

Il y a lieu de relever que la société Terroise ne produit pas les factures alléguées et que le montant réclamé au titre des dossiers B et C ne correspond pas aux relevés qu'elle fournit en pièces 19 et 29 faisant état de montants dus de 215,60 euros et 116,60 euros pour le dossier C et d'un montant dû de 157,08 euros pour le dossier B.

Par ailleurs, il ressort de ces mêmes relevés que le dossier C ne concerne pas le GIE IMH mais une autre société F5C de sorte qu'aucun paiement en saurait être réclamé de ce chef au GIE.

En ce qui concerne la facture B, le GIE en a refusé le paiement en soutenant que la somme réclamée correspondait à un forfait urgence qui avait déjà été pris en charge dans le forfait bâchage. Or la société Terroise ne justifie pas de la nature de la prestation dont elle réclame le paiement de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si sa demande est conforme au contrat conclu avec le GIE. Elle succombe en conséquence à la charge de la preuve qui lui incombe.

Enfin en ce qui concerne la facture A, le GIE démontre que la prise en charge des travaux correspondant au devis émis par la société Terroise a été refusée dans la mesure où une seconde expertise a été demandée et où la société Terroise a effectué les travaux malgré ce refus de prise en charge et a ainsi, en connaissance de cause, adressé la facture directement à Mme A, seule débitrice.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement de ces chefs.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Le GIE, la société Terroise, la société Terroise IDF et M. X succombent partiellement à l'instance d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné le GIE aux dépens de première instance ainsi qu'à régler à la société Terroise, à la société Terroise IDF et à M. X une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par LM Avocats selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile seront répartis par moitié entre le GIE d'une part, et Me Y, en sa qualité de liquidateur de la société Terroise, la société Terroise IDF et M. X d'autre part. Les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Rejette la demande du GIE Inter Mutuelles Habitat tendant à ce que l'ensemble des pièces produites par les intimés soient écartées des débats ; Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du GIE Inter Mutuelles Habitat à l'égard de la société Terroise pour rupture brutale des relations commerciales, en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du retrait des dossiers en cours, du préjudice moral et au titre des factures impayées et en ce qu'il a condamné le GIE Inter Mutuelles Habitat aux dépens de première instance ainsi qu'à régler à la société Terroise, à la société Terroise IDF et à M. X une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. L'Infirme pour le surplus, Statuant à nouveau, Condamne le GIE Inter Mutuelles Habitat à payer Me Y en sa qualité de liquidateur de la société Terroise une somme de 76 698 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte financière résultant de la rupture brutale des relations commerciales ; Déboute Me Y ès-qualités de sa demande d'indemnisation au titre du coût des licenciements ; Déboute la société Terroise IDF de son action en responsabilité à l'encontre du GIE Inter Mutuelles Habitat pour rupture brutale des relations en l'absence de caractère établi des relations ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts subséquentes ; Y ajoutant, Rejette les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne le GIE Inter Mutuelles Habitat d'une part et Me Y, en sa qualité de liquidateur de la société Terroise, la société Terroise IDF et M. X d'autre part, à supporter par moitié les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par LM Avocats selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.