Cass. com., 18 mars 2020, n° 18-19.169
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gaches chimie (SAS)
Défendeur :
Brenntag AG (Sté), Brenntag (SA), Solvadis Holding (SARL), Solvadis distribution GmbH (Sté), Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'Economie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur
Avocat général :
M. Douvreleur
Avocats :
SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2018), que la société Gaches chimie (la société Gaches) a saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), de pratiques d'abus de position dominante qu'elle estimait mises en œuvre par la société Brenntag SA ; que par décision n° 17-D-27 du 21 décembre 2017, l'Autorité a considéré qu'il était établi que la société Brenntag SA et sa société mère, Brenntag AG (les sociétés Brenntag) avaient enfreint les dispositions de l'article L. 464-2-V du Code de commerce, en faisant obstruction à l'instruction de la saisine et leur a, à ce titre, infligé solidairement une sanction pécuniaire ; que les sociétés Brenntag ont déposé un recours en annulation et subsidiairement en réformation contre cette décision ; que la société Gaches est intervenue volontairement à titre accessoire au soutien des prétentions de l'Autorité ; que les sociétés Brenntag ont soulevé l'irrecevabilité de cette intervention ;
Attendu que la société Gaches fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son intervention volontaire accessoire à la procédure de recours introduite par les sociétés Brenntag contre la décision de l'Autorité les condamnant à une sanction pécuniaire pour obstruction à la procédure d'instruction alors, selon le moyen : 1°) que la recevabilité de l'intervention accessoire, par laquelle un tiers à la procédure initiale entend appuyer les prétentions d'une partie, est subordonnée à la seule condition que son auteur ait intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie, de sorte qu'en déclarant la société Gaches irrecevable en son intervention volontaire à la procédure par laquelle les sociétés Brenntag demandaient l'annulation de la décision n° 17-D-27 du 21 décembre 2017 ayant sanctionné l'obstruction de ces sociétés à l'instruction de la saisine, après avoir pourtant constaté qu'elle avait la qualité de plaignante devant l'Autorité dans le cadre de la procédure à laquelle il était fait obstruction et qu'elle avait intérêt à voir sa plainte examinée dans les meilleurs délais, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 330 du Code de procédure civile ; 2°) que la recevabilité de l'intervention accessoire, par laquelle un tiers à la procédure initiale entend appuyer les prétentions d'une partie, est subordonnée à la seule condition que son auteur ait intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ; qu'en déclarant irrecevable l'intervention volontaire de la société Gaches en l'absence de droit à faire valoir sans rechercher si, comme elle le soutenait dans ses écritures d'appel, cette société n'avait pas tout particulièrement intérêt à la célérité de la procédure pendante devant l'Autorité au titre de l'abus de position dominante commis par les sociétés Brenntag, dès lors qu'elle avait par ailleurs engagé une procédure en indemnisation des préjudices subis en raison de cette pratique devant le tribunal de commerce de Bordeaux, lequel avait sursis à statuer sur les demandes dans l'attente de la décision de l'Autorité chargée de statuer sur la caractérisation et la sanction de l'abus de position dominante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 330 du Code de procédure civile ; 3°) que la recevabilité de l'intervention accessoire, par laquelle un tiers à la procédure initiale entend appuyer les prétentions d'une partie, est subordonnée à la seule condition que son auteur ait intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer la société Gaches irrecevable en son intervention volontaire, que la procédure d'obstruction serait autonome de la procédure d'instruction dans laquelle elle s'inscrit, sans rechercher si, comme l'expliquait l'exposante à l'appui de ses écritures, l'attitude d'obstruction reprochée à la société Brenntag ne faisait pas partie intégrante des pratiques anticoncurrentielles objets de l'instruction ouverte sur la plainte de l'exposante, d'où se déduisait son intérêt à la conservation de ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 330 du Code de procédure civile ; 4°) que l'intervention volontaire accessoire, qui tend au soutien des prétentions d'une partie, n'a pas pour objet la recherche d'un droit propre ; qu'en l'espèce, l'objet de l'intervention volontaire de la société Gaches était de soutenir l'Autorité et non la recherche d'un quelconque droit propre, si bien qu'en déclarant l'intervention volontaire de la société Gaches irrecevable au motif inopérant que celle-ci ne disposerait pas de droit à ce que les plaintes aboutissent à une notification de griefs et a fortiori à ce qu'une sanction soit prononcée, quand tel ne pouvait être l'objet de l'intervention volontaire accessoire, la cour d'appel a violé l'article 330 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que la société Gaches était plaignante devant l'Autorité mais qu'elle ne pouvait faire valoir aucun droit dans le cadre de l'instruction de l'affaire ouverte à la suite de cette plainte ni intervenir dans l'instruction ni demander la réalisation d'aucun acte, l'arrêt retient qu'il en est de même dans le cadre de la procédure d'obstruction, qui, bien que s'inscrivant dans celle de l'instruction, avec laquelle elle présente un lien étroit, concerne seulement la mise en œuvre des pouvoirs de coercition conférés à l'Autorité pour assurer la mission de défense de l'ordre public économique qui lui est confiée ; qu'il retient également que l'éventuelle annulation ou réformation de la sanction prononcée au titre de l'obstruction ne pourrait affecter la procédure d'instruction, qui se poursuit ; que de ces appréciations, desquelles il résulte que le sort de la procédure de recours sur la sanction prononcée au titre de l'obstruction est sans effet juridique sur la qualification des pratiques visées par la saisine en cours d'instruction, la cour d'appel, sans avoir à effectuer les recherches inopérantes invoquées par les deuxième et troisième branches, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, a exactement déduit que l'intervention accessoire de la société Gaches était irrecevable ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu, en second lieu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs, LA COUR : Rejette le pourvoi.