CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 4 juin 2020, n° 19-10672
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Garage Richard Drevet (SARL), Guillotin (SARL), Littoral Automobile (SAS)
Défendeur :
Hyundai Motor France (SAS), Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'Economie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
Mmes Schmidt, Tréard
Avocats :
Mes Moisan, Bourgeon, Baechlin, Vogel
Vu la décision de lAutorité de la concurrence n° 19-D-08 du 9 mai 2019 relative à des pratiques mises œuvre dans le secteur de lentretien et la réparation automobile ;
Vu la déclaration de recours en annulation et réformation de cette décision déposée au greffe par les sociétés Garage Richard Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles le 18 juin 2019 ;
Vu le mémoire contenant lexposé complet des moyens déposé au greffe le 10 juillet 2019 par les sociétés GarageRichard Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles ;
Vu les conclusions dintervention volontaire à titre accessoire de la société Hyundai Motor France déposées au greffe le 29 juillet 2019 ;
Vu la lettre du ministre chargé de lEconomie, déposée au greffe le 9 décembre 2019, informant la cour quil nentend pas présenter des observations écrites ou orales sur le recours exercé par les sociétés Garage Richard Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles ;
Vu les observations de lAutorité de la concurrence déposées au greffe le 12 décembre 2019 ;
Vu les dernières conclusions de la société Hyundai Motor France déposées au greffe le 25 février 2020 ;
Vu les dernières conclusions des sociétés Garage Richard Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles déposées au greffe le 12 février 2020 ;
Vu lavis du ministère public du 11 mars 2020 et transmis le même jour aux parties ;
Après avoir entendu à laudience publique du 12 mars 2020 le conseil des sociétés Garage Richard Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles, le conseil de la société Hyundai Motor France et le représentant de lAutorité de la concurrence, chacun ayant été mis en mesure de répliquer.
FAITS ET PROCÉDURE
1. Par lettre du 25 septembre 2017, les sociétés Garage Richard Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles ont saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après l'Autorité) de pratiques mises œuvre par la société Hyundai Motor France (ci-après Hyundai) dans son réseau de réparateurs agréés.
2. Aux termes de cette lettre, les sociétés Garage Richard Drevet et Guillotin exposent que la société Hyundai leur a notifié au cours du dernier trimestre 2016 la résiliation de leur contrat de réparateur agréé sans motif. La société Littoral Automobiles, indique, quant à elle, que, démarchée au cours du premier trimestre 2017 par la société Hyundai pour devenir distributeur et réparateur agréé, elle avait répondu en exprimant son intérêt pour intégrer le réseau mais uniquement en tant que réparateur agréé, candidature que la société Hyundai a refusée.
3. Les sociétés saisissantes soutiennent que ces pratiques, qui ont eu pour effet de les sortir du réseau de réparateurs agréés ou de ne pas leur avoir permis d'intégrer ce réseau, présentaient un caractère discriminatoire et étaient contraires aux dispositions des articles 101 §1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après " TFUE ") et L. 420-1 du Code de commerce. Elles font valoir qu'au-delà de leur cas particulier, la société Hyundai menait une politique générale tendant à exclure de son réseau les réparateurs agréés qui ne sont pas également vendeurs, politique qui, selon elles, a pour effet de réduire la concurrence intra-marque sur le marché français de la réparation de véhicules de la marque Hyundai, en limitant l'accès au réseau des réparateurs agréés aux seuls opérateurs présents simultanément sur la distribution de véhicules et leur réparation.
4. Par la décision n° 19-08 du 9 mai 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'entretien et de la réparation automobile (ci-après la décision attaquée), à laquelle la cour renvoie pour la présentation du secteur, des parties et du marché pertinent, l'Autorité a rejeté la saisine sur le fondement de l'article L. 462-8 du Code du commerce, au motif qu'elle n'était pas appuyée d'éléments suffisamment probants.
5. Elle a retenu que si un fournisseur tête de réseau est libre de contracter et dispose ainsi d'une certaine marge de manœuvre dans la détermination des critères de constitution de son réseau, les autorités de concurrence doivent néanmoins veiller au respect des règles de concurrence dans la mise en place ou la gestion de ce réseau en s'assurant notamment que le choix des opérateurs agréés s'opère en fonction de critères objectifs, relatifs notamment à la qualification professionnelle du réparateur, de son personnel et à la qualité de ses installations, et que ces critères sont fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les réparateurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire.
6. Puis, analysant les éléments transmis par les sociétés saisissantes et ceux fournis, à sa demande, par la société Hyundai, elle a relevé :
- d'une part, qu'au vu des éléments figurants dans l'annexe qui accompagne les contrats d'agréments signés par la société Hyundai avec chacun des garagistes agréés, le réseau est basé sur des critères exclusivement qualitatifs ;
- d'autre part, qu'aucun élément ne permet de démontrer que la société Hyundai chercherait à intégrer de manière indirecte, parmi les critères d'entrée dans son réseau après-vente, des critères quantitatifs, qui auraient motivé un refus d'accès au réseau ou une résiliation des contrats d'agrément des saisissantes. Elle a considéré, après examen de la cartographie des sites agréés, qu'aucun élément factuel ne permettait de démontrer que Hyundai poursuivrait une stratégie d'éviction de son réseau d'opérateurs qui ne seraient pas, dans le même temps, concessionnaires de sa marque.
7. Les sociétés saisissantes ont formé un recours en annulation ou réformation de cette décision.
8.La société Hyundai est intervenue volontairement, à titre accessoire, sur le fondement de l'article 330 du Code de procédure civile et, dans ses dernières écritures, demande à la cour de rejeter le recours.
9. Aux termes de leurs dernières observations, les sociétés Garage Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Hyundai ;
- réformer la décision attaquée,
et statuant à nouveau,
- " dire et juger " que les faits invoqués par les sociétés saisissantes étaient appuyés d'éléments suffisamment probants pour étayer la vraisemblance de pratiques contraires aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- en conséquence, renvoyer l'affaire devant l'Autorité pour poursuivre l'instruction au fond.
10. L'Autorité conclut au rejet de ce recours.
11. La société Hyundai conclut à la recevabilité de son intervention faite au soutien de l'Autorité et demande le rejet du recours.
12. Le ministère public estime l'intervention volontaire de la société Hyundai recevable et que le recours doit être rejeté.
MOTIVATION
I. SUR LA RECEVABILITÉ DE L'INTERVENTION VOLONTAIRE DE LA SOCIÉTÉ HYUNDAI
13. Les sociétés saisissantes font valoir, au soutien de leur fin de non-recevoir, que la société Hyundai développe un argument tenant à l'inapplicabilité du droit des ententes à un refus d'agrément, qui est contraire à certains des motifs de la décision attaquée, de sorte que la société Hyundai soulève une prétention qui lui est propre, et que partant, l'intervention n'a pas été formée à titre accessoire mais à titre principal, laquelle ne peut être recevable que si son auteur était recevable à exercer un recours à titre principal en qualité de partie en cause devant l'Autorité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la société Hyundai à qui la décision attaquée n'a pas été notifiée, n'étant pas une partie en cause.
14. La société Hyundai, après avoir rappelé les termes de l'article R. 464-17 du Code de commerce, fait valoir que le régime prévu par ce texte ne déroge pas aux articles 328 et 330 du Code de procédure civile, qui restent applicables, notamment lorsque l'intervenant n'était pas partie devant l'Autorité. Elle soutient avoir un intérêt légitime et direct à intervenir au soutien de la décision attaquée aux côtés de l'Autorité, partie à la procédure, puisque si par extraordinaire, la cour devait annuler cette décision et renvoyer l'affaire à l'instruction, elle ferait l'objet d'une instruction alors qu'elle n'a commis aucune pratique anticoncurrentielle. Elle conclut au rejet de la fin de non-recevoir au faisant valoir que le fait qu'elle invoque des moyens différents de ceux présentés par l'Autorité est sans incidence, puisque ces moyens viennent au soutien de la prétention de l'Autorité qui tend au rejet du recours.
15. Le ministère public invite la cour à déclarer recevable l'intervention volontaire de la société Hyundai.
Sur ce, la cour,
16. L'article R. 464-17, alinéa 1er, du Code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-523 du 5 mai 2017, dispose : Lorsque le recours risque d'affecter les droits ou les charges d'autres personnes qui étaient parties en cause devant l'Autorité de la concurrence, ces personnes peuvent intervenir à l'instance devant la cour d'appel.
17. Les modalités de cette intervention sont précisées à l'alinéa 2 de ce texte qui dispose : L'intervention volontaire est formée, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, par déclaration écrite et motivée déposée au greffe dans les conditions prévues à l'article R. 464-12 dans le délai d'un mois à compter de la réception de la notification prévue au troisième alinéa de l'article R. 464-15.
18. Cet article R. 464-15, alinéa 3 fait obligation au demandeur au recours de notifier ses observations écrites et pièces aux personnes auxquelles la décision de l'Autorité a été notifiée, lesquelles sont déterminées par l'article R. 464-8, I, du Code de commerce.
19. Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions que l'intervention volontaire des parties en cause devant l'Autorité est réservée aux personnes auxquelles l'Autorité doit notifier la décision en application de l'article R. 464-8, I du Code de commerce.
20. Or, cette dernière disposition prévoit que les décisions adoptées par l'Autorité sur le fondement de l'article L. 462-8 du Code de commerce sont notifiées à l'auteur de la saisine et au ministre chargé de l'Economie. Elle ne prévoit pas une notification aux personnes mises en cause dans la saisine.
21. Il en résulte que ces personnes ne sont pas recevables à intervenir volontairement devant la cour d'appel en application de l'article R. 464-17 du Code de commerce.
22. La société Hyundai, qui n'est pas une partie en cause au sens de l'article R. 464-17 du Code de commerce, n'est donc pas recevable à intervenir volontairement sur le fondement de l'article R. 464-17 du Code de commerce.
23. Elle ne l'est pas davantage sur le fondement de l'article 330 du Code de procédure civile.
24. En effet, l'article 330 du Code de procédure civile, dispose que l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et qu'elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation des droits, à soutenir cette partie.
25. Aux termes du dispositif des conclusions de la société Hyundai, celle-ci demande à la cour de rejeter le recours formé contre la décision attaquée de sorte que son intervention volontaire est accessoire, peu important qu'elle développe dans ses écritures un argument contraire à l'un des motifs de la décision attaquée, celui tendant à l'inapplicabilité du droit des ententes.
26. Toutefois, dans la décision attaquée, l'Autorité ne s'est pas prononcée sur l'existence des pratiques reprochées à la société Hyundai visée dans la saisine, mais s'est bornée à retenir, pour rejeter celle-ci, que les faits invoqués au soutien de cette saisine n'étaient pas appuyés par des éléments suffisamment probants.
27. La cour d'appel, statuant sur le recours formé contre une telle décision, doit seulement rechercher si la saisine était étayée d'éléments suffisamment probants.
28. La réformation éventuelle de la décision attaquée n'est pas donc pas de nature à affecter les droits de la société Hyundai, dès lors qu'à supposer le recours accueilli par la cour et donc par hypothèse, les faits invoqués considérés comme appuyés par des éléments suffisamment probants, leur examen serait renvoyé à l'Autorité pour instruction, sans qu'un tel renvoi ne présume de leur qualification de pratiques prohibées, d'une notification de griefs et d'une décision sur le fond disant établies les pratiques anticoncurrentielles reprochées à la société Hyundai.
29. Il s'en déduit qu'à ce stade liminaire de la procédure, où la seule question en débat est relative à la poursuite de l'instruction qui ne fait pas en elle-même grief, la société Hyundai ne peut se prévaloir que d'un intérêt hypothétique, insuffisant pour caractériser l'intérêt à la conservation de ses droits requis par l'article 330 du Code de procédure civile.
30. L'intervention volontaire de la société Hyundai est donc irrecevable.
II. SUR LE FOND
31. A titre liminaire, la cour relève que si, dans leurs écritures, les sociétés saisissantes critiquent l'octroi de la protection, au titre du secret des affaires, des réponses apportées par la société Hyundai au questionnaire que lui a adressé le rapporteur de l'Autorité sur les sociétés sorties de son réseau depuis 2014, elles n'en tirent aucune conséquence de droit au soutien d'un moyen d'annulation ou de réformation de la décision attaquée, ce qu'elles ont confirmé à l'audience. La cour n'est ainsi saisie d'aucun moyen de légalité externe pris de la méconnaissance du principe de la contradiction, contrairement à ce que les écritures de ses contradicteurs indiquent.
32. Au soutien de leur recours, les sociétés Garage Richard Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles contestent, en premier lieu, l'analyse de l'Autorité en ce que celle-ci a retenu que le fournisseur, tête de réseau, disposait d'une certaine marge de manœuvre dans la détermination des critères de constitution de son réseau. Elles soutiennent qu'une telle analyse est contraire à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après la " CJUE ") selon laquelle un système de distribution sélective n'échappe à l'interdiction de l'article 101, §1 du TFUE que s'il est organisé en fonction de critères objectifs, nécessaires à une bonne distribution des produits et appliqués de façon non discriminatoire à tous les revendeurs potentiels.
33. Elles reprochent, en second lieu, à l'Autorité d'avoir écarté l'existence d'une politique générale de la société Hyundai ayant pour objet d'exclure les réparateurs agréés seuls de son réseau après-vente en se contentant, d'une part, des éléments apportés par la société Hyundai pour justifier des résiliations et refus d'agrément sans les vérifier et alors que ces éléments, invoqués par le constructeur a posteriori, ne caractérisent pas des manquements graves à leurs obligations commerciales et financières, qui seuls autoriseraient le fournisseur, tête de réseau à résilier un contrat d'agrément, et en méconnaissant, d'autre part, l'existence d'un faisceau d'indices concordants attestant d'une telle politique, faisceau constitué :
- de l'absence de raison objective invoquée par la société Hyundai à l'appui des refus d'agrément qui leur ont été opposés, la société Hyundai invoquant sa seule liberté de contractuelle ;
- de la volonté avérée de la société Hyundai d'entraver l'activité d'entreprises dont elle avait résilié les contrats de distributeur et de réparateur et qui avaient demandé un agrément en tant que réparateur agréé " seul ". Sont invoquées les situations de trois entreprises, les sociétés Automobiles Jean Paul Benmeleh, Saphir Auto et 74 Auto-Distribution qui se sont vues notifier la résiliation de leur agrément en tant que réparateur, qui leur avait été accordé après la résiliation de leur double agrément (distributeur - réparateur) ;
- de l'évolution de la composition du réseau de réparateurs agréés entre 2014 et 2018 marquée par la sortie de 20 à 23 réparateurs agréés " seuls ", réseau ne comportant en 2019 que deux réparateurs agréés seuls.
34. Enfin, elles reprochent à l'Autorité de ne pas avoir examiné les effets anticoncurrentiels de la quasi-disparition des réparateurs agréés " seuls " du réseau après-vente de la société Hyundai.
35. L'Autorité répond que l'appréciation du caractère suffisamment probant des éléments portés à sa connaissance se fait au regard des exigences probatoires des pratiques anticoncurrentielles dénoncées dans la saisine et que cet examen prima facie ne s'étend pas à celui de l'appréciation des comportements dénoncés au regard d'autres règles de droit, comme le droit commercial, qui n'entrent pas dans son champ de compétence.
36. Elle fait valoir, qu'en l'espèce, si la société Hyundai n'a pas précisé aux sociétés Garage Drevet, Guillotin et Littoral Automobiles les motifs des résiliations et refus d'agrément dans les lettres les leur notifiant, elle lui a fourni, au cours de l'instruction de la saisine, des justifications accompagnées d'éléments de preuve vérifiables dont il résulte que ces motifs sont objectifs, en ce qu'ils renvoient soit à une situation financière dégradée de l'opérateur, soit à des reventes de véhicules neufs de marque Hyundai hors réseau. Elle souligne que des motifs similaires justifient les résiliations notifiées aux sociétés Automobiles Jean Paul Benmeleh, Saphir Auto et 74 Auto-Distribution comme le démontrent les éléments fournis par la société Hyundai en réponse au questionnaire qui lui a été adressé. Elle en déduit que ces résiliations ne sont pas susceptibles de démontrer l'existence d'une politique générale d'exclusion de la part de la société Hyundai et souligne que les arguments des demandeurs au recours relatifs au bienfondé des motifs au regard du droit commercial sont sans incidence.
37. Elle ajoute, s'agissant de l'évolution du réseau de distribution Hyundai, qu'entre 2014 et 2018, les résiliations des agréments ont concerné plus d'opérateurs dotés d'un double agrément, distribution et réparation, que d'opérateurs ayant un agrément de réparateurs " seuls ".
38. Enfin, elle souligne qu'en l'absence de preuve de l'existence des pratiques dénoncées, elle n'avait pas à les apprécier au regard des règles de la concurrence et pas davantage à rechercher leurs effets anticoncurrentiels.
39. Le ministère public invite la cour à rejeter le recours.
Sur ce, la cour :
40. Aux termes de l'article L. 462-8, alinéa 2 du Code de commerce, l'Autorité peut rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants.
41. Cette disposition autorise l'Autorité à rejeter la saisine lorsque ni les éléments fournis par l'entreprise saisissante, dont elle est tenue d'apprécier la valeur probante, ni ceux qu'elle a, le cas échéant, elle-même pu recueillir, ne permettent d'étayer l'existence des faits dénoncés dans la saisine.
42. En l'espèce, saisie d'une plainte dirigée contre la société placée à la tête d'un réseau de distribution sélective automobile, à laquelle est reproché un comportement discriminatoire tendant à en réserver l'accès aux seuls opérateurs dotés de la double qualité de vendeur/réparateur agréé, l'Autorité a recherché dans quelle mesure les éléments produits, relatifs aux refus et résiliations d'agrément invoqués, pouvaient traduire une politique générale de discrimination appliquée aux opérateurs souhaitant intégrer ce réseau de distribution sélective, dès lors que, comme le rappelle le point 29 de la décision attaquée, le choix des opérateurs agréés doit s'opérer en fonction de critères objectifs, fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les opérateurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, conformément aux critères de licéité d'un réseau de distribution rappelés avec constance par la jurisprudence au regard des exigences résultant des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce (CJCE, 25 octobre 1977, Metro SB-Grossmärkte GmbH & Co, aff. 26-76).
43. La circonstance que la société Huyndai n'ait pas précisé les motifs des résiliations d'agrément notifiées aux sociétés Garage Drevet et Guillotin ne peut constituer un indice d'illicéité dès lors qu'il est toujours loisible à un distributeur de mettre fin à un contrat d'agrément conclu pour une durée indéterminée, comme le sont les contrats de réparateur agréés Hyundai, dans les conditions, formes et délais prévus à ce contrat et que les contrats litigieux prévoyaient la faculté pour chacune des parties d'y mettre fin, sans motif, moyennent le respect d'un préavis de deux ans.
44. De la même manière, le distributeur peut refuser d'agréer un opérateur qui ne satisfait pas aux critères d'intégration au réseau. C'est donc en vain que les sociétés saisissantes reprochent à l'Autorité d'avoir retenu que le distributeur disposait d'une certaine marge de manœuvre dans la constitution de son réseau.
45. La critique est d'autant plus vaine que précisément, l'Autorité a souligné que cette relative liberté contractuelle n'interdisait pas aux autorités de concurrence de vérifier la licéité d'un réseau de distribution et notamment l'application uniforme, sans discrimination, des critères d'intégration au réseau.
46. Instruisant la saisine, elle a procédé à l'audition de la société Hyundai et lui a adressé des demandes de renseignements portant tant sur les motifs des résiliation et refus d'agrément que sur l'évolution de la composition de son réseau.
47. Il résulte du procès-verbal d'audition et des pièces transmises à l'Autorité par la société Hyundai que les refus d'agrément et résiliations en cause sont fondés soit sur la situation financière dégradée de l'opérateur, soit sur la violation du principe d'interdiction de revente des véhicules neufs Hyundai en dehors du réseau des distributeurs agréés.
48. Ainsi :
- s'agissant de la société Littoral Automobile, le refus d'agrément résulte de la situation financière dégradée de cette société et également par le fait d'une part, que son gérant était également gérant d'une autre société, la société Littoral Auto Calais, membre du réseau après-vente, qui a été placée en redressement judiciaire et qui reste redevable d'une créance irrecouvrable et, d'autre part, que cette société Littoral Auto Calais avait revendu des véhicules neufs en dehors du réseau (cote 1048, 1422, 2159 à 2185). La société Hyundai a précisé dans son audition que le commercial ayant initialement démarché la société Littoral Automobile ne connaissait pas les antécédents du gérant au sein de la société Littoral Auto Calais (cote 1048).
- s'agissant de la société Guillotin, le refus d'agrément résulte des transgressions de cette société qui avait revendu des véhicules neufs en dehors du réseau de revendeurs agréés (cotes 1055, 160, 1261, 1263 à 1274).
49. Quant à la société Garage Richard Devret, qui était en 2008 titulaire d'un double agrément de distributeur/réparateur mais n'avait obtenu en 2014 que le renouvellement de son agrément de réparateur, la fin des relations contractuelles et le refus d'un nouvel agrément de réparateur avaient pour cause le contentieux judiciaire ayant opposé les parties devant le Tribunal de commerce de Lyon, qui traduit depuis plusieurs années une perte de confiance réciproque.
50. Au vu de ces éléments, qui expliquent objectivement les décisions de refus et résiliation d'agrément et étayent leur caractère non discriminatoire, l'Autorité n'était pas tenue de rechercher si ceux-ci caractérisaient des manquements graves des sociétés en cause à leurs obligations commerciales ou financières, circonstances inopérantes à établir l'existence d'une discrimination.
51. Il n'appartient pas plus à la cour, statuant sur le recours formé contre une décision de rejet de la saisine faute d'élément suffisamment probants, d'apprécier le bien-fondé des motifs de refus d'agrément ou résiliation dont la société Hyundai a justifié devant l'Autorité.
52. Quant aux situations des autres sociétés qui ont été sorties du réseau des réparateurs agréés entre 2014 et 2018, la société Hyundai a expliqué que ces retraits d'agrément résultaient soit d'une faute contractuelle, soit d'un commun accord avec l'opérateur, soit d'un dépôt de bilan, et a fourni des éléments précis concernant certains opérateurs, comme en particulier, les sociétés Automobiles JP Benmeleh, Safirauto, 74 Auto Diffusion, S.D.A.H et S.L.B.A, éléments faisant ressortir les mêmes motifs de résiliation d'agrément que ceux opposés aux sociétés saisissantes, c'est-à-dire, la revente de véhicules neufs Hyundai hors réseau (société Automobiles J.P Benmeleh, cotes 1755 à 1758 et 1761 à 1762), ou une situation financière dégradée (société Safirautoi, 74 Auto Diffusion, S.D.A.H et S.L.B.A, cotes 1439 à 1445).
53. Le retrait de ces sociétés du réseau de réparateurs agréés ne peut donc constituer un indice d'une politique générale de la société Hyundai visant à sortir de son réseau les sociétés n'ayant qu'un agrément de réparateur et ne garder que les opérateurs ayant le double agrément de distributeur-réparateur.
54. Par suite et à défaut d'autres éléments, c'est également en vain que les sociétés saisissantes invoquent, comme indice d'une telle politique, la diminution du nombre de sociétés ne disposant que du seul agrément de réparateur au sein du réseau des réparateurs agréés, alors que, comme l'observe l'Autorité, cette période a également été propice à de nombreuses résiliations de contrats de distributeur- réparateur agréé, supérieures en nombre à celles prononcées à l'égard des contrats conclus avec des partenaires ayant le seul agrément de réparateur.
55. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les éléments fournis à l'appui de la saisine et ceux recueillis par les services de l'instruction de l'Autorité ne permettaient pas à cette dernière de retenir que les comportements discriminatoires reprochés à la société Hyundai étaient étayés d'éléments suffisamment probants pour justifier sa saisine, de sorte que l'Autorité n'avait pas davantage à rechercher leurs effets anticoncurrentiels.
56. C'est dès lors à juste titre que l'Autorité a rejeté la saisine en application de l'article L. 462-8, alinéa 2 du Code de commerce.
57. Le recours, mal fondé, sera donc rejeté.
Par ces motifs : Déclare la société Hyundai France Motor irrecevable en son intervention volontaire accessoire ; Rejette le recours formé par les sociétés Garage Richard Devret, Guillontin et Littoral Automobiles contre la décision n° 19-D-08 du 9 mai 2019 de l'Autorité de la concurrence relatives à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'entretien et de la réparation automobile ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne les sociétés Garage Richard Devret, Guillontin et Littoral Automobiles aux dépens.