Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 2 juin 2020, n° 17-18900

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Subway International BV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Beauvois

Conseillers :

M. Lecaroz, Mme Gaffinel

TGI Paris, prés., du 30 août 2017

30 août 2017

Le 30 janvier 2013, M. X a conclu avec la société de droit néerlandais Subway International BV (ci-après Subway) un contrat de franchise pour l'exploitation d'un restaurant à Solesmes, Sarthe (France). Cette convention prévoyait l'application du droit néerlandais, la résolution des litiges par un arbitrage organisé selon le Règlement CNUDCI à New York et sous l'égide du Centre International de Résolution des Différends (CIRD), avec usage de la langue anglaise.

Invoquant un défaut de paiement des redevances, Subway a notifié à M. X la résiliation du contrat le 10 juin 2016 et a engagé une procédure d'arbitrage sous l'égide du CIRD le 7 septembre suivant.

Par une sentence rendue à New York le 20 mars 2017 et rectifiée le 6 avril 2017, M. A, arbitre unique, a constaté les manquements de M. X à ses obligations, prononcé la résiliation du contrat de franchise, condamné le franchisé à payer au franchiseur la somme de 16 146,63 euros, constitué des redevances à hauteur de 10 628,58 euros et des frais publicitaires pour 5 518,05 euros, outre les frais administratifs et honoraires du CIRD et la rémunération de l'arbitre ainsi qu'à rembourser au franchiseur, les frais, honoraires et rémunération déjà supportés, ordonné la restitution du matériel publicitaire et interdit toute utilisation des éléments d'identification de la marque Subway.

Cette sentence a été revêtue de l'exequatur par une ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Paris du 30 août 2017 dont M. X a interjeté appel le 13 octobre 2017.

En cours de procédure d'appel, M. X a demandé au conseiller de la mise en état de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive à intervenir du Tribunal de commerce de Paris, saisi d'une demande d'annulation de certaines clauses du contrat de franchise par le ministre de l'Economie et des Finances en application de l'article L. 442-6 III du Code de commerce. Par ordonnance rendue le 20 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande.

Par dernières conclusions notifiées le 5 février 2020, M. X sollicite au préalable la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 12 décembre 2019 et l'admission de ses nouvelles écritures, demande ensuite à la cour de :

In limine litis,

- dire que le tribunal arbitral n'était pas compétent pour statuer, refuser la reconnaissance ou l'exequatur de la sentence arbitrale du 24 mars 2017 et réformer l'ordonnance d'exequatur du 30 août 2017 revêtue de la formule exécutoire le 31 août 2017,

- si la cour l'estime utile, prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive à intervenir du Tribunal de commerce de Paris ayant à statuer sur la validité des clauses relatives au droit applicable et aux juridictions compétentes en cas de litige stipulées dans les contrats de franchise Subway ;

Sur le fond,

- constater la violation des principes de la contradiction et de l'égalité des armes,

- constater la violation de l'ordre public international,

refuser la reconnaissance ou l'exequatur de la sentence arbitrale du 20 mars 2017 et réformer l'ordonnance d'exequatur en date du 30 août 2017, revêtue de la formule exécutoire le 31 août 2017,

En tout état de cause,

- débouter la société Subway International BV de ses demandes,

- la condamner à lui payer une indemnité de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Y conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 10 février 2020, la société de droit néerlandais Subway International BV (ci-après Subway) demande à la cour de :

- débouter M. X de l'ensemble de ses demandes ;

- rejeter sa demande de sursis à statuer ;

- constater que le tribunal arbitral était compétent, que le principe du contradictoire et des droits de la défense, ainsi que l'ordre public international ont été respectés ;

- dire mal fondé l'appel interjeté par M. X ;

- confirmer l'ordonnance d'exequatur rendue le 30 août 2017 par le Tribunal de grande instance de Paris ;

- condamner M. X lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

MOTIFS :

A titre liminaire, il y a lieu de constater qu'il a déjà été fait droit à la demande, contenue dans les conclusions au fond de l'appelant, de révocation de l'ordonnance de clôture datée du 12 décembre 2019, par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 6 février 2020, que les dernières conclusions des parties notifiées par RPVA respectivement les 5 février et 10 février 2020 ont déjà été admises aux débats, la nouvelle clôture étant intervenue le 13 février 2020. Cette demande est en conséquence devenue sans objet.

Sur le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral

M. X soutient que l'arbitre unique était incompétent pour statuer au motif que la clause d'arbitrage n'est pas valable et qu'elle ne peut s'appliquer, que la cour d'appel étant compétente pour constater que la clause d'arbitrage est susceptible d'annulation au regard de l'article 1448 du Code de procédure civile, elle devra à titre principal refuser l'exequatur de la sentence arbitrale.

Il invoque l'action du ministre de l'Economie et des Finances, engagée sur le fondement de l'article L. 442-6 III du Code de commerce, devant le Tribunal de commerce de Paris visant notamment à obtenir la nullité des clauses relatives au droit applicable et aux juridictions compétentes en cas de litige. Il fait valoir que son intervention volontaire à cette procédure a été déclarée recevable par jugement rendu le 28 mai 2019. Il ajoute que si le Tribunal de commerce de Paris prononce la nullité de la clause d'arbitrage, alors la sentence arbitrale aura été rendue par un arbitre incompétent de sorte que Subway ne disposera d'aucune créance contre lui.

Il prétend que les clauses du contrat relatives à l'arbitrage et à la compétence d'un juge étranger, à la loi applicable et à la langue de l'arbitrage pour régler un éventuel litige, contribuent au déséquilibre entre les droits et les obligations des parties et privent le franchisé du droit à un procès équitable.

Subway répond, que contrairement à ce que prétend l'appelant, la compétence du tribunal de commerce de Paris est encore discutée à l'égard des intervenants volontaires et qu'en vertu du principe compétence-compétence tiré de l'article 1448 du Code de procédure civile, seul le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence.

Elle ajoute que la sentence arbitrale a acquis l'autorité de la chose jugée et est protégée par le principe de sécurité juridique qui est une condition essentielle du procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, que le ministère de l'Economie et des Finances ne sollicite pas l'annulation de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise.

Le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres.

Le contrat de franchise conclu entre Subway et M. X en date du 30 janvier 2013 contient en son article 10, b) une clause compromissoire selon laquelle " (...) b) Sauf stipulation contraire du présent Contrat, tout litige résultant du présent Contrat sera exclusivement soumis à un arbitrage organisé conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) et sous l'égide du Centre International de Résolution des Différends [...] ".

En premier lieu, aux termes de l'article 1448 du Code de procédure civile, " Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ".

Il est établi que le tribunal arbitral a été constitué le 25 octobre 2016, date de désignation de l'arbitre, que le Tribunal de commerce de Paris a été saisi les 16 et 28 novembre 2016 par le ministre de l'Economie et des Finances et que M. X n'est intervenu volontairement à cette procédure qu'en décembre 2017, postérieurement à la signification de l'ordonnance d'exequatur de la sentence arbitrale.

Dès lors, le tribunal arbitral statuant par priorité sur sa propre compétence, la question de la validité de la clause compromissoire et, en conséquence, celle de la compétence de l'arbitre, ne peut être examinée a posteriori à l'occasion du contrôle de l'ordonnance d'exequatur de la sentence par la cour d'appel que sur le fondement de l'article 1520,1° du Code de procédure civile.

En outre, selon le principe compétence-compétence, il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage, qui ne peut résulter du seul fait que les dispositions impératives de l'article L. 442, 6 III du Code de commerce sont applicables.

En deuxième lieu, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient, de sorte que l'existence et l'efficacité de la clause s'apprécient sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique.

En conséquence, est sans influence sur sa validité et n'exclut pas le recours à l'arbitrage, le déséquilibre significatif de la relation commerciale qui résulterait de l'économie générale du contrat de franchise, à supposer même qu'il soit contraire à l'ordre public international et, même si, le ministre de l'Economie et des Finances devant le Tribunal de commerce de Paris, dans ses conclusions déposées le 2 septembre 2019 (pièce n° 42 produite par M. X, pages 57 et 58), estime que la clause compromissoire participant à ce déséquilibre, doit être annulée en application de l'article L. 442-6 III du Code de commerce.

En troisième lieu, l'existence d'une clause compromissoire ne porte pas en elle-même privation de l'accès au juge et à un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et M. X ne justifie pas en quoi son impécuniosité alléguée au jour de la mise en œuvre de la procédure arbitrale pourrait affecter la validité de la clause d'arbitrage convenue entre les parties.

En tout état de cause, la procédure a été initiée par Subway qui en a avancé les frais ; les frais administratifs et honoraires du CIRD et la rémunération de l'arbitre tels qu'ils sont fixés par la sentence finale, s'élèvent à un total de 8 053 USD. M. X, qui fait valoir qu'il aurait dû débourser de 20 000 à 80 000 euros pour assurer sa défense, ne produit aucun élément à l'appui de cette affirmation, ni aucun démenti des énonciations de la sentence (pages 7 et 8) selon lesquelles " l'arbitrage s'est déroulé par correspondance, notamment par des courriels et autres pièces écrites, procédure à laquelle le Défendeur aurait facilement pu participer [...] le Défendeur aurait pu solliciter une audience préliminaire et/ou une audience sur pièces qui aurait pu se dérouler par téléphone [...] le Défendeur n'aurait peut-être pas eu à quitter son domicile ou son travail pour présenter sa défense ou ses explications ". Il ne justifie par ailleurs par aucune pièce de sa situation financière personnelle à l'époque de l'arbitrage, de sorte que ce grief, en ce en ce qu'il invoque la privation de l'accès au juge et à un procès équitable manque en fait.

Le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral sera en conséquence rejeté.

Sur la demande de sursis à statuer

A défaut de juger que l'arbitre unique s'est déclaré à tort compétent, M. X demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente du sort de la procédure devant le Tribunal de commerce.

Cependant, d'une part, dans son jugement du 21 janvier 2020, le Tribunal de commerce de Paris ne s'est pas prononcé sur l'exception d'incompétence soulevée par Subway à l'encontre des intervenants volontaires mais a sursis à statuer sur cette question, d'autre part, par son fondement de pur droit interne, l'instance en cours devant le Tribunal de commerce de Paris est insusceptible d'exercer une influence sur le contrôle exercé par la cour en application de l'article 1520 du Code de procédure civile à l'égard d'une sentence rendue à l'étranger en matière d'arbitrage international.

Il ne sera pas fait droit à la demande de sursis à statuer.

Sur les moyens tirés de la violation des principes de la contradiction et de l'égalité des armes (articles 1520,4° et 1520,5° du Code de procédure civile)

M. X soutient que la procédure a été exclusivement conduite en langue anglaise, qu'il ignorait tout de ce qui lui a été reproché par Subway et surtout des modalités du déroulement de la procédure devant le tribunal arbitral, de ses droits élémentaires pour se défendre, ce qui a également contribué à lui rendre impossible l'accès à un procès équitable, que ce motif tiré de la violation des principes élémentaires de la contradiction et de l'égalité des armes relevant de l'ordre public procédural suffit à voir réformer l'ordonnance d'exequatur.

Cependant, l'arbitrage a eu lieu en langue anglaise conformément à la clause compromissoire. En outre, l'emploi de la langue anglaise dans l'arbitrage alors que ce n'est pas la langue maternelle de l'appelant, ne constitue pas une atteinte aux principes de la contradiction et de l'égalité des armes dès lors que l'anglais a été choisi par les parties dans une relation commerciale à caractère international et que M. X a été destinataire de tous les actes de procédure arbitrale ainsi que cela ressort de la sentence elle-même et des pièces qu'il a produites (ses pièces 28 à 34).

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du Code de procédure civile)

M. X fait valoir que le principe général d'exécution de bonne foi des conventions relève de l'ordre public international, que la reconnaissance ou l'exécution de cette sentence arbitrale est contraire à ce principe général d'ordre public, qu'en effet, l'absence de loyauté de Subway dans l'exécution du contrat est établie, qu'en effet, aucun processus amiable n'a été accepté par Subway, pas même le rééchelonnement des dettes, que Subway a continué à l'évaluer par l'intermédiaire de son agent de développement après la résiliation du contrat datant du 20 mars 2017 pour vérifier que celui-ci se conformait toujours au contrat de franchise après la rupture, que pendant ce délai, les redevances publicitaires et royalties ont continué à être exigées par le franchiseur alors qu'aucun contrat n'était plus en cours, que Subway a ainsi contribué à l'aggravation de l'endettement de son franchisé au titre des redevances publicitaires et "royalties" sans droits, ni titre, ce qui est exclusif de toute bonne foi contractuelle et contraire à l'ordre public international.

L'ordre public international au regard duquel s'effectue le contrôle du juge de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence arbitrale s'entend de la conception qu'en a l'ordre juridique français, c'est-à-dire des valeurs et des principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance même dans un contexte international.

En réalité, l'argumentation de M. X ne tend qu'à discuter l'interprétation et les modalités d'exécution du contrat et, sous couvert de l'allégation d'une violation de l'ordre public international qui résulterait des manquements de Subway à l'exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles, qu'à obtenir à une révision au fond de la sentence qui n'est pas permise au juge de l'exequatur.

Ce moyen doit donc être écarté.

Il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance d'exequatur doit être confirmée.

Sur les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Les dépens seront supportés par M. X qui succombe en toutes ses prétentions et l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de l'une quelconque des parties.

Par ces motifs : Dit que la demande de M. X de révocation de l'ordonnance de clôture datée du 12 décembre 2019 est devenue sans objet, Rejette la demande de sursis à statuer, Confirme l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Paris du 30 août 2017 qui a conféré l'exequatur à la sentence rendue entre les parties le 20 mars 2017 et rectifiée le 6 avril 2017, Rejette les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. X aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.