CA Lyon, 1re ch. civ. A, 4 juin 2020, n° 17-07276
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Locam (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rachou
Conseillers :
Mmes Clément, Isola
Selon contrat du 20 octobre 2014, la société Locam a consenti à Monsieur X exerçant une activité d'ostéopathe, la location d'un terminal pour paiement par carte bancaire et d'une caméra intérieure, fournis par la société Linea, pour une durée de 60 mois moyennant le versement d'un loyer mensuel de 96 euros pour le premier contrat et 180 euros pour le second.
Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé par Monsieur X le 3 novembre 2014.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 8 mai 2015, reçues le 12 mai suivant par son destinataire, la société Locam a mis en demeure Monsieur X de régulariser le paiement de trois échéances de loyers impayés au titre des deux contrats et informé ce dernier qu'en cas de défaut de paiement dans le délai de huit jours, sa créance deviendrait immédiatement exigible en totalité conformément aux clauses du contrat.
Par acte d'huissier du 11 juillet 2015, la société Locam a fait citer Monsieur X devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement, avec exécution provisoire, des sommes de 6 215,45 euros au titre du contrat de location du terminal de paiement et 11 673,48 euros au titre du contrat de location de la caméra intérieure, sollicitant enfin l'octroi d'une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 9 février 2017, le tribunal a condamné Monsieur X à payer à la société Locam les sommes de 5 650,41 euros et 10 612,26 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015, réduit à un euro le montant de la clause pénale prévue aux deux contrats, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement et condamné Monsieur X aux dépens et au paiement d'une indemnité procédure de 500 euros.
Selon déclaration du 16 octobre 2017, Monsieur X a formé appel à l'encontre de ce jugement.
Par conclusions du 24 janvier 2018, Madame Y est intervenue volontairement à la procédure en qualité de curatrice de Monsieur X.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 7 novembre 2018 par Monsieur X et Madame Y ès qualités qui concluent à la réformation du jugement en toutes ses dispositions et demandent à la cour de prononcer la nullité ou la résolution des contrats de location financière aux torts de la société Locam, de débouter cette dernière de l'intégralité de ses demandes ou subsidiairement de la condamner à payer à Monsieur X une somme équivalente à celle réclamée par la société Locam et qui viendra en compensation, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du déséquilibre manifeste des droits et des obligations des parties et du fait des manquements de la société Locam et son mandataire à leurs obligations de conseil et de fournitures des matériels conformes, identifiés et identifiables, et en état de fonctionnement, ou encore plus subsidiairement de confirmer le jugement en ce qu'il a réduit à un montant symbolique les clauses pénales, réduire substantiellement l'indemnité de résiliation et accorder à Monsieur X les plus larges délais de paiement, sollicitant en tout état cause la condamnation de la société Locam aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 16 avril 2018 par la société Locam qui conclut à la confirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions et demande à la cour à titre subsidiaire, de se déclarer incompétente pour apprécier les demandes relatives à l'application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce et rejeter les demandes de Monsieur X de ce chef, à titre infiniment subsidiaire de statuer ce que de droit sur la demande de délais de paiement et en tout état cause de condamner l'appelant aux dépens et à lui payer une indemnité de procédure de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 14 février 2020.
MOTIFS ET DÉCISION
Monsieur X et Madame Y ès qualités soutiennent que les contrats de location financière conclus avec la société Locam constituent des locations forcées dans la mesure où le consentement de Monsieur X, atteint de troubles psychologiques au moment de leurs conclusions, a été vicié ; ils ajoutent que la société Linea qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 13 décembre 2016, a agi en tant que mandataire de la société Locam et n'a pas à ce titre à être appelée en la cause et considèrent que la société Locam, mandant, doit répondre des agissements de son mandataire qui n'a pas rempli son devoir de conseil en faisant souscrire à Monsieur X pas moins de six contrats de location financière en l'espace de deux mois et que l'obligation de livraison de biens identifiables et en état de fonctionnement n'a pas été respectée.
Il prétend que les biens objets des contrats n'ont pas été retrouvés au cabinet professionnel de Monsieur X ni à son domicile, le terminal de paiement électronique n'ayant jamais été utilisé ainsi qu'en atteste la salariée de la société Linea qui avait démarché l'intéressé ; que d'ailleurs la société Locam a accepté la demande de celui-ci puisqu'elle a annulé et remboursé des prélèvements.
Ils invoquent enfin le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au visa de l'article L. 442-6 1° du Code de commerce qui leur permet au cas où la nullité des contrats de location ne soit pas prononcée aux torts de la société Locam, de solliciter une somme équivalente à celle réclamée par celle-ci à titre de dommages-intérêts.
Ils soutiennent enfin que la société Locam ne justifie nullement du préjudice qu'elle chiffre à hauteur de l'indemnité de résiliation constituée par l'intégralité des loyers à échoir pour les deux contrats dont le montant s'avère manifestement disproportionné au préjudice subi.
La société Locam fait valoir quant à elle que Monsieur X a cessé subitement de payer ses loyers à compter du mois de février 2015 ; elle conteste la possibilité de retenir un quelconque vice du consentement puisque l'intéressé était en capacité de contracter au moment de la conclusion des contrats litigieux alors même que la mesure de curatelle est intervenue seulement courant 2017.
Elle ajoute que contrairement à ce que soutient Monsieur X, elle n'a jamais confié mandat au fournisseur qui n'est tenu à aucun engagement à son égard, n'ayant elle-même commis aucun manquement à ses obligations puisqu'elle a, dès régularisation du procès-verbal de livraison, procédé au règlement de la facture émise par la société Linea ; elle prétend qu'elle ne peut être tenue responsable des manquements éventuels commis par le fournisseur, aucun élément ne permettant d'ailleurs d'établir la réalité de ces derniers.
Elle soutient enfin que la demande présentée par Monsieur X au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce n'est pas recevable en raison de l'attribution exclusive des litiges portant sur l'application de telles dispositions à certaines juridictions ; que par ailleurs dans la mesure où la société Locam est une société financière, de telles dispositions ne lui sont pas applicables.
Sur ce :
Aucun élément du dossier ne permet à la cour de constater qu'au moment de la signature des deux contrats de location litigieux le 20 octobre 2014, M. X se trouvait atteint d'un trouble du comportement ayant vicié son consentement.
Il s'avère en effet que même si ce dernier a bénéficié de soins psychiatriques au cours de la période du 1er juin 2010 au 8 janvier 2013 ainsi qu'il ressort du certificat médical établi par le docteur A et d'une prise en charge psychologique par Mme B pour les années 2015 et 2016, avec hospitalisation en clinique psychiatrique en 2017, son placement sous mesure de curatelle simple pour une durée de 60 mois n'a été prononcé qu'aux termes d'un jugement du juge des tutelles du tribunal d'instance de Lyon rendu le 14 décembre 2017, au vu d'un certificat médical établi le 3 juillet précédent.
Le simple fait que M. X ait souscrit quatre autres contrats de location de divers matériels avec location financière auprès de la société Locam entre le 3 septembre et le 20 octobre 2014, soit dans une période contemporaine à celle ayant donné lieu à la souscription des deux contrats litigieux, ne suffit pas non plus à démontrer que ce dernier, même fragile sur le plan psychologique depuis plusieurs années, présentait à l'automne 2014 une altération de ses facultés personnelles telle qu'il en aurait résulté un vice de son consentement à la souscription des contrats litigieux de l'espèce.
M. X et sa curatrice sont mal fondés à invoquer le défaut de conseil du mandataire de la société Locam, à supposer même qu'il y ait réalité du mandat invoqué, pour solliciter la nullité du contrat, seule l'allocation de dommages-intérêts pouvant sanctionner l'éventualité d'un tel manquement contractuel ; dans la mesure où ils n'ont pas mis en cause à l'instance le liquidateur judiciaire de la société Linea, fournisseur des matériels loués, leur demande en indemnisation pour manquement à son obligation de conseil par cette dernière ne peut non plus prospérer.
Ils sont également mal fondés à soutenir, en l'absence à la cause de la société Linea, et en l'absence de tout élément contraire, que contrairement au procès-verbal de livraison et de conformité des matériels qu'il a signé le 3 novembre 2014 au contradictoire du prestataire, celui-ci n'a pas exécuté son obligation de fourniture des biens objets des contrats, la cour observant que l'exception d'inexécution ainsi soulevée ne peut en tout état de cause justifier la nullité du contrat de location financière.
La demande en nullité des contrats de location financière doit donc être rejetée.
L'absence prétendue des matériels loués à son cabinet et les mouvements mentionnés sur le compte bancaire de M. X faisant apparaître au titre du mois d'août 2015, huit "remboursements de prélèvement loc" par une société non identifiable, utilisant des références et numéros de mandats ne correspondant pas aux deux contrats litigieux de l'espèce, ne peut enfin suffire à démontrer que la société Locam a manqué à ses obligations contractuelles qui ne consistaient nullement dans l'obligation de livraison des marchandises qui pesait sur le fournisseur ou qu'elle a considéré que M. X n'était plus débiteur à son égard au titre des deux contrats litigieux.
Aucun élément du dossier ne justifie que soit réduite l'indemnité de résiliation prévue contractuellement comme correspondant aux mensualités à échoir après la résiliation du contrat, aucune restitution des matériels loués n'ayant notamment été proposée ; il convient en conséquence de faire droit à la demande de la société Locam, en paiement des sommes respectives de 5 650,41 euros au titre du contrat de location du matériel TPE GPRS n° 1145142 et 10 612,26 euros au titre du contrat de location d'une caméra n° 1145150, et d'une somme respective d'un euro symbolique par contrat au titre des majorations de 10 % à titre de clause pénale, confirmant en cela la décision du tribunal, en l'absence d'appel incident au quantum au titre de la majoration de 10 % par la société Locam.
M. X conclut enfin à l'allocation de dommages-intérêts venant en compensation de l'éventuelle créance de la société Locam sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
La cour d'appel de Paris est, par application de l'article D. 442-4 du Code de commerce, seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce et l'inobservation de ce texte est sanctionnée par une fin de non-recevoir ; il convient dès lors de déclarer la demande en dommages-intérêts de M. X et Mme Y, irrecevable de ce chef.
La cour observe d'ailleurs que la demande présentée à ce titre par l'intéressé est en tout état de cause irrecevable en ce que la société Locam, société de financement agréée auprès de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution, exerce une activité qui ne relève pas du Code de commerce mais du Code monétaire et financier, rendant inapplicables les dispositions invoquées.
La dette de la société Locam est ancienne et M. X a déjà bénéficié de délais de paiement importants ; aucun élément justificatif de sa situation économique actuelle n'est produit au dossier et la demande à ce titre doit donc être rejetée.
L'équité et la situation économique des parties ne commandent enfin l'octroi d'aucune indemnité en la matière, que ce soit en première instance ou en cause d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 9 février 2017 par le tribunal de grande instance de Lyon sauf en ce qu'il a condamné M. X à payer une somme de 500 euros à la société Locam au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, Déclare irrecevable devant la cour d'appel de Lyon la demande en dommages-intérêts présentée par M. X et Mme Y sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, Rejette la demande de ces derniers tendant à obtenir des délais de paiement, Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. X aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.