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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 4 juin 2020, n° 17-14503

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Renault Retail Group (SA)

Défendeur :

Messageries Portésiennes (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mmes Soudry, Lignières

T. com. Bordeaux, du 30 juin 2017

30 juin 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat de transport entré en vigueur le 1er janvier 2005, la société Garage Portésien SARL s'est engagée à assurer le transport des pièces de rechanges consommables et matériels automobiles auprès des clients de la société RFA Sud-Ouest, prise en son établissement de Muret.

Par contrat de transport entré en vigueur le 1er janvier 2006, la société Garage Portésien SARL s'est engagée à assurer le transport des pièces de rechanges consommables et matériels automobiles auprès des clients de la société RFA Sud-Ouest, prise en son établissement de Toulouse Etats-Unis.

Par acte sous seing privé en date du 4 janvier 2008, la société Garage Portésien SARL a cédé à la SARL Messageries Portésiennes son fonds de commerce attaché à la branche d'activité de messageries et de transports sur des véhicules de moins de trois tonnes cinq moyennant le prix de 120 000 euros.

La société Messageries Portésiennes a ainsi repris l'exécution des deux contrats de transport susvisés.

Par contrat en date du 28 décembre 2012, la société Renault Retail Group, venant aux droits de la société RFA Sud-Ouest, a conclu avec la société Messageries Portésiennes un contrat d'une durée de deux ans afin d'effectuer le transport des pièces de rechange consommables et matériels automobiles au départ des établissements de la société Renault Retail Group et notamment ceux de Toulouse Etats-Unis et de Muret.

Par jugement du 5 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Messageries Portésiennes.

Par jugement du 18 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Toulouse a homologué un plan de redressement par continuation d'une durée de 8 ans.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er septembre 2015, la société Renault Retail Group a dénoncé le contrat du 28 décembre 2012 avec un préavis de six mois et les relations commerciales entre les parties ont pris fin le 28 février 2016.

Estimant le préavis consenti nettement insuffisant, la SARL Messageries Portésiennes s'est rapprochée de la SA Renault Retail Group afin de résoudre amiablement le litige mais aucune solution amiable n'a été trouvée.

Par exploit d'huissier en date du 18 juillet 2016, la SARL Messageries Portésiennes a assigné la société Renault Retail Group devant le Tribunal de commerce de Bordeaux aux fin de la voir condamnée au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 133 283 euros à titre de réparation du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties ainsi que 15 173, 81 euros à titre de réparation du préjudice résultant de la déduction d'office du montant des factures établies par la SARL Messageries Portésiennes des retenues injustifiées et 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de trésorerie et désorganisation de l'entreprise en application de l'article 1147 du Code civil.

Par jugement du 30 juin 2017, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné la société Renault Retail Group SA à payer à la société Messageries Portésiennes SARL la somme de 56 769,00 euros (cinquante-six mille sept cent soixante-neuf euros) au titre de l'insuffisance du préavis ;

- débouté la société Messageries Portésiennes SARL de ses demandes complémentaires ;

- condamné la société Renault Retail Group SA à payer à la société Messageries Portésiennes SARL la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- condamné la société Renault Retail Group SA aux dépens.

Par déclaration du 18 juillet 2017, la société Renault Retail Group a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 19 septembre 2019, la société Renault Retail Group demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° et 8° du Code de commerce,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Renault Retail Group à payer à la société Messageries Portésiennes la somme de 56 769 euros au titre de l'insuffisance de préavis outre une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Renault Retail Group a parfaitement respecté ses obligations, tant légales, que contractuelles, en dénonçant le contrat du 28 décembre 2012 moyennant le préavis de 6 mois prévu à l'Article 10, et qu'en aucun cas, la rupture des relations contractuelles entre les parties doit être qualifiée de brutale, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- débouter la société Messageries Portésiennes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Messageries Portésiennes de l'ensemble de ses demandes complémentaires portant sur le licenciement de 10 salariés, la location du local ZI de Fondeyre, ainsi que sur les factures correspondant aux pertes sous avaries,

- condamner la société Messageries Portésiennes au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit du cabinet X, avocats aux offres de droits.

Dans ses dernières conclusions, la société Renault Retail Group allègue que :

- elle a respecté totalement les stipulations de l'article 10 du contrat du 28 décembre 2012 prévoyant un délai de préavis de 6 mois,

- l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose que la durée du préavis doit être au minimum égale à celle arrêtée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels.

- faute d'accord interprofessionnel, le contrat type sous-traitance applicable aux transports public routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants issu du décret du 26 décembre 2003 prévoit trois mois de préavis pour une relation d'une durée supérieure à 12 mois ;

- les juridictions prennent le contrat-type en guise d'usage ;

- le délai de préavis de 6 mois consenti est supérieur au délai arrêté par les usages de sorte qu'il est suffisant et écarte toute brutalité de la rupture commerciale ;

- les rapports entre les société Messageries Portésiennes et Renault Retail Group ne sont nullement à l'origine de la procédure collective ouverte à l'encontre de Messageries Portésiennes ;

- la décision de mettre un termes aux relations commerciales n'a aucun rapport avec cette situation ;

- les premiers juges auraient dû examiner la prétendue dépendance économique invoquée par la société Messageries Portésiennes qui n'a aucune réalité ;

- la société Messageries Portésiennes était en état de prospecter de nouveaux partenaires, ce dont témoigne la tentative de mise en place de relations avec la société Chronopost ;

- la société Renault Retail Group n'a fait preuve d'aucune exigence exorbitante dans le cadre du contrat du 28 décembre 2012 ;

- la société Renault Retail Group conteste avoir exigé que la société Messageries Portésiennes dispose d'un local situé à proximité de son établissement de Toulouse Etats-Unis et aucune preuve n'est rapportée en ce sens ;

- la société Messageries Portésiennes a porté sa demande sur une somme établie sur la base d'une attestation de son comptable non étayée des documents comptables eux-mêmes permettant de vérifier la réalité des chiffres ce qui constitue une violation du principe du contradictoire ;

- le paiement d'une somme relative au coût du licenciement économique de 10 salariés et la prétendue créance de loyer ne peuvent être indemnisés par l'auteur de la rupture de la relation commerciale en ce qu'ils sont causés par la rupture et non la brutalité prétendue de celle-ci ;

- la somme sollicitée au titre d'une prétendue privation de trésorerie n'est pas justifiée ;

- les facturations relatives à des avaries en cours de transport ou des pertes sont intervenues dans le cadre de l'application de l'article 7 du contrat souscrit le 28 décembre 2012.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 2 août 2019, la société Messageries Portésiennes demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° et 8° du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 1147 du Code civil,

Vu le contrat de transport de pièces de rechange en date du 28 décembre 2012,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017,

Vu les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il a considéré que la rupture des relations commerciales établies entre les parties revêtait un caractère de brutalité qu'il convenait de sanctionner ;

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il a condamné la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il n'a condamné la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes que la somme de 56 769 euros au titre de l'insuffisance de préavis ;

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il a débouté la SARL Messageries Portésiennes de ses demandes complémentaires ;

En conséquence,

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale d'un montant de 23 380 euros correspondant à la perte de marge brute qui aurait dû être perçue si un préavis conforme aux usages du commerce avait été consenti par la SA Renault Retail Group si la Cour devait considérer que les frais de personnels attachés au contrat Renault ne constituent pas des frais variables ;

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale d'un montant de 98 675 euros correspondant à la perte de marge brute qui aurait dû être perçue si un préavis conforme aux usages du commerce avait été consenti par la SA Renault Retail Group si la Cour devait considérer que les frais de personnels attachés au contrat Renault constituent des frais variables ;

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale au titre des licenciements économiques des salariés attachés au contrat Renault d'un montant de 56 951,88 euros ;

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale au titre de la créance de loyers dont est redevable la SARL Messageries Portésiennes pour le dépôt sis Zone Industrielle de Fondeyre d'un montant de 49 706 euros ;

- condamner la SA Renault Retail Group à régler à la SARL Messageries Portésiennes la somme de 15 173,81 euros à titre de réparation du préjudice résultant de la déduction d'office du montant des factures établies par la SARL Messageries Portésiennes des retenues injustifiées ;

- condamner la SA Renault Retail Group à régler à la SARL Messageries Portésiennes la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de trésorerie et désorganisation de l'entreprise en application de l'article 1147 du Code civil ;

Y ajoutant,

- condamner la SA Renault Retail Group à régler à la SARL Messageries Portésiennes, la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SA Renault Retail Group aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, la société Messageries Portésiennes soutient que :

- le délai de préavis suffisant prévu à l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la rupture ;

- en l'espèce, la rupture est intervenue après plus de onze ans de relations commerciales ininterrompues de sorte que la durée de préavis de 6 mois est insuffisante ;

- le délai de préavis de 6 mois est également insuffisant compte tenu des autres circonstances au moment de la rupture, notamment : le début d'exécution du plan de redressement de la SARL Messageries Portésiennes, l'instauration de nouvelles exigences exorbitantes qui laissait penser que les relations allaient perdurer ;

- la SA Renault Retail Group a fait preuve de déloyauté constitutive d'une circonstance aggravante de la rupture des relations commerciales ;

- le chiffre d'affaire réalisé par le contrat Renault représentait la moitié du chiffre d'affaires total de la SARL Messageries Portésiennes ;

- depuis la notification de la rupture, la SARL Messageries Portésiennes n'a cessé, en vain, de prospecter de nouveaux clients afin de tenter de reconstituer la clientèle perdue et pouvoir reclasser son personnel ;

- la SARL Messageries Portésiennes était dans l'impossibilité de résilier son bail commercial avant son terme alors même qu'il était devenu sans utilité ;

- la relation commerciale litigieuse n'est pas soumise au contrat-type de sous-traitance invoqué par Renault Retail Group puisque la SARL Messageries Portésiennes n'est pas un sous-traitant ;

- les comptes de résultat détaillé par activité versés aux débats par la SARL Messageries Portésiennes ont pu être contradictoirement discutés par la société Renault Retail Group et mentionnent bien la marge sur coût variable, ce qui constitue la marge brute ;

- la SARL Messageries Portésiennes est en droit d'obtenir une indemnité de rupture brutale correspondant aux licenciements économiques des salariés attachés au contrat Renault dans la mesure où ils sont la conséquence directe de la brutalité de la rupture qui n'a pas permis de trouver des solutions de reclassement des salariés ;

- la SARL Messageries Portésiennes est en droit d'obtenir une indemnité de rupture brutale correspondant à la créance de loyer dont est-elle est redevable au titre du bail des locaux sis Zone Industrielle de Fondeyre puisque la prise à bail de ce local était une condition exigée par Renault Retail Group pour la signature du contrat de transport du 28 décembre 2012 ;

- l'article 7 alinéa 3 du contrat du 28 décembre 2012 qui fonde les retenues litigieuses est une clause abusive au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce et tombe également sous le coup de l'article L. 442-6-I-8° du Code de commerce ;

- la SA Renault Retail Group a déduit d'office du montant des factures mensuelles établies par la SARL Messageries Portésiennes les retenues injustifiées privant ainsi cette dernière de tout moyen de contrôle de leur réalité et de toute réclamation eu égard à sa dépendance économique

Dans ses dernières conclusions d'intervenant volontaire, notifiées par le RPVA le 2 août 2019, la SCP CBF Associés demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° et 8° du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 1147 du Code civil,

Vu le contrat de transport de pièces de rechange en date du 28 décembre 2012,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017,

Vu les pièces versées aux débats,

- prendre acte de l'intervention volontaire de la SCP CBF Associés (SCP C.-B.-F.), prise en la personne de Maître Y, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Messageries Portésiennes et de ce qu'il s'associe pleinement aux demandes de la société Messageries Portésiennes ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il a considéré que la rupture des relations commerciales établies entre les parties revêtait un caractère de brutalité qu'il convenait de sanctionner ;

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il a condamné la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il n'a condamné la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes que la somme de 56 769 euros au titre de l'insuffisance de préavis ;

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 30 juin 2017 en ce qu'il a débouté la SARL Messageries Portésiennes de ses demandes complémentaires

En conséquence,

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale d'un montant de 230 380 euros correspondant à la perte de marge brute qui aurait dû être perçue si un préavis conforme aux usages du commerce avait été consenti par la SA Renault Retail Group si la Cour devait considérer que les frais de personnels attachés au contrat Renault ne constituent pas des frais variables ;

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale d'un montant de 98 675 euros correspondant à la perte de marge brute qui aurait dû être perçue si un préavis conforme aux usages du commerce avait été consenti par la SA Renault Retail Group si la cour devait considérer que les frais de personnels attachés au contrat Renault constituent des frais variables ;

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale au titre des licenciements économiques des salariés attachés au contrat Renault d'un montant de 56 951,88 euros ;

- condamner la SA Renault Retail Group à payer à la SARL Messageries Portésiennes une indemnité de rupture brutale au titre de la créance de loyers dont est redevable la SARL Messageries Portésiennes pour le dépôt sis Zone Industrielle de Fondeyre d'un montant de 49 706 euros ;

- condamner la SA Renault Retail Group à régler à la SARL Messageries Portésiennes la somme de 15 173,81 euros à titre de réparation du préjudice résultant de la déduction d'office du montant des factures établies par la SARL Messageries Portésiennes des retenues injustifiées ;

- condamner la SA Renault Retail Group à régler à la SARL Messageries Portésiennes la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de trésorerie et désorganisation de l'entreprise en application de l'article 1147 du Code civil ;

Y ajoutant,

- condamner la SA Renault Retail Group à régler à la SARL Messageries Portésiennes, la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SA Renault Retail Group aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, la société SCP CBF Associés, intervenant volontaire, invoque les mêmes moyens que la SARL Messageries Portésiennes.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 septembre 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

La SA Renault Retail Group qui vient aux droits de la société RFA Sud Ouest reconnaît dans ses conclusions que la société Messageries Portésiennes a repris l'exécution des deux contrats de transport précédemment souscrits auprès de la société RFA Sud Ouest en ses établissements de Muret et de Toulouse Etats Unis.

Les relations sont nées aux termes du premier contrat en date du 1er janvier 2005, la cession de branches d'activité intervenue en date du 4 janvier 2008 entre la SARL Garage Portesien et la SARL Messageries Portésiennes n'a pas eu d'incidence sur les contrats en cours qui ont été poursuivis.

En conséquence, contrairement à ce que soutient la SA Renault Retail Group, la relation commerciale a débuté le 1er janvier 2005 et non le 4 janvier 2008, les relations ayant toujours été contractualisées par une convention écrite.

Il a été mis fin à la relation commerciale par lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er septembre 2015, avec un préavis de six mois adressés par la SARL Messageries Portésiennes à la SA Renault Retail Group qui a précisé que les relations commerciales prendraient fin à compter du 28 février 2016. La relation commerciale a duré 11 ans.

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport.

La SA Renault Retail Group qui se décrit dans le contrat en date du 28 décembre 2012, comme distribuant par l'intermédiaire des établissements et filiales de son réseau des pièces de rechange, consommables et matériel automobile notamment à ses agents, aux mécaniciens réparateurs autonomes et aux administrateurs, a confié à la SARL Messageries Portésiennes une prestation de transport de pièces détachées.

Seule, la SARL Messageries Portésiennes est une entreprise de transports.

Dès lors, le contrat liant les parties ne peut être un contrat de sous traitance de transports et n'entre donc pas dans le cadre institué par la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs et la résiliation de la convention est soumise aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

Par jugement en date du 5 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Toulouse a ouvert à l'égard de la SARL Messageries Portésiennes une procédure de redressement judicaire et par jugement du 18 décembre 2014, le tribunal a homologué un plan de redressement par continuation d'une durée de 8 ans.

La résiliation du contrat est intervenue le 1er septembre 2015 soit 9 mois après l'adoption du plan étant précisé que la SARL Messageries Portésiennes bénéficiait d'un préavis de six mois pour retrouver un client ou plusieurs clients.

S'il est mentionné dans le jugement du 18 décembre 2014, que "les négociations avec les deux principaux clients (TNT et Renault) ont permis d'améliorer les conditions de rémunération et d'entrevoir une progression du chiffre d'affaires", il est cependant précisé aux termes du jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Toulouse en date du 5 décembre 2013 que " les difficultés sont directement liées à l'exécution d'un nouveau marché signé avec la société Chronopost en décembre 2012 pour lequel la rentabilité ne s'est pas avérée satisfaisante et qui a porté l'effectif de la société de 25 à 38 salariés et a engendré une perte d'exploitation de 50 000 € en six mois d'activité.

Cette perte a occasionné des difficultés de trésorerie. En juin 2013 le marché signé avec Chronopost a été résilié et il a été procédé au licenciement de 12 salariés ainsi qu'au règlement des indemnités correspondantes. Depuis, la rentabilité de l'entreprise n'a pas permis de surmonter les difficultés de trésorerie engendrée par cette perte sèche ".

La SARL Messageries Portésiennes a fourni un compte de résultats détaillé par activité non certifié par un expert-comptable et laissant apparaître :

- 2012 : chiffre d'affaires total : 1 150 635 € et résultat Renault : 569 000 €

- 2013 : chiffre d'affaires total : 1 432 954 € et résultat Renault : 569 437 €

- 2014 : chiffre d'affaires total : 1 081 218 € et résultat Renault : 569 282 €

Durant ces trois années, le chiffre d'affaires de la SARL Messageries Portésiennes avec la SA Renault Retail Group est resté stable soit environ 50 % sauf en 2013, où il représentait environ 40 % de son activité, le chiffre d'affaires de la SARL Messageries Portésiennes ayant augmenté.

La SARL Messageries Portésiennes ne justifie pas d'un lien de dépendance avec la SA Renault Retail Group puisqu'elle avait d'autres clients pour environ la moitié de son activité.

De plus, s'il est mentionné dans le contrat de transport de pièces détachées que le transporteur effectue le transport à l'aide de 12 véhicules de marque Renault, avec fourniture de bacs plastiques pour le conditionnement des pièces et du matériel informatique, cette relation lui a permis en 2013 et 2014 de compenser en partie les pertes et d'obtenir un plan de redressement et la SARL Messageries Portésiennes ayant pour objet la messagerie, le transport public de marchandises avec des véhicules de moins de 3,5 tonnes, les véhicules même aménagés pour le transport de pièces détachées automobiles pouvaient être reyclés pour d'autres activités de transport.

Il ne peut être retenu que la SA Renault Retail Group a conditionné la signature du contrat de transport en date du 28 décembre 2012 au fait que le transporteur dispose d'un local situé à proximité de son établissement de Toulouse Etats Unis. Si le bail a été conclu le 31 octobre 2012, il résulte du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire qu'un contrat avec la société Chronopost a été signé en décembre 2012, portant le nombre de salariés de 25 à 38, soit le même mois que le contrat signé avec la SA Renault Retail Group et a été résilié en juin 2013. Il apparaît que la SARL Messageries Portésiennes a loué un nouveau local commercial pour répondre à l'évolution de son activité en raison de nouveaux marchés sans qu'apparaisse dans le contrat, objet du litige, l'obligation de louer un local commercial dédié à la SA Renault Retail Group.

Au vu de l'ancienneté, de l'intensité et de la nature de la relation commerciale ayant existé entre les parties au moment de la résiliation, le préavis de 6 mois était suffisant pour permettre à la SARL Messageries Portésiennes de réorganiser son activité ; la rupture intervenue ne peut donc être qualifiée de brutale.

Le jugement sera infirmé en ce que le tribunal a acccordé à la SARL Messageries Portésiennes un préavis d'une durée de 12 mois et lui a alloué la somme de 56 769 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes annexes

Sur la demande au titre des licenciements économiques des salariés

La SARL Messageries Portésiennes justifie avoir licencié 10 salariés par courrier du 16 février 2016. S'il n'est pas contestable que ces licenciements sont liés à la rupture du contrat de transport, ils sont intervenus à l'issue du préavis qui a été jugé suffisant et ne résultent pas de la brutalité de la rupture mais sont la conséquence de la résiliation du contrat.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a débouté la SARL Messageries Portésiennes de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Sur la demande au titre de la créance de loyer pour le bail des locaux sis Zone industrielle de Fondeyre

La SARL Messageries Portésiennes invoque une créance de loyers hors taxes d'un montant de 49 706 euros charges comprises pour la période comprise entre le 1er mars 2016 et le 31 octobre 2018 dont elle ne rapporte pas la preuve.

Il a été exposé que si la location de ce local a devancé de deux mois la signature du contrat avec la SA Renault Retail Group, un autre contrat a également été signé dans la même période avec la société Chronopost ce qui justifiait la location d'un local plus vaste.

La SARL Messageries Portésiennes réalisant 50 % de son chiffre d'affaires avec la SA Renault Retail Group et aucun élément ne figurant dans le contrat quant à l'obligation de louer un local spécifique alors que les premiers contrats portaient également sur une activité de transport de pièces détachées, la SARL Messageries Portésiennes ne justifie pas de l'existence d'un préjudice à ce titre.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que le Tribunal a débouté la SARL Messageries Portésiennes de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Sur la demande au titre des factures de la SA Renault Retail Group

Il résulte de l'article L. 442-6, I 8° du Code de commerce qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

" De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant. "

L'article 7 du contrat souscrit le 28 décembre 2012 prévoit :

" Chacune des parties est responsable de l'inexécution de l'une quelconque des obligations mises à sa charge au titre du présent contrat.

Le transporteur ne devient à aucun moment propriétaire des produits qu'il transporte.

Toutefois le transporteur est garant de la non livraison, des pertes et avaries survenues au cours du transport, à moins qu'il n'apporte la preuve qu'elles sont dues à un vice propre de la marchandise, à la faute de l'expéditeur ou à un cas de force majeure.

Le transporteur est tenu de verser au donneur d'ordre une indemnité pour la réparation de tous les dommages dont il est légalement responsable, résultant de la perte totale ou partielle ou de l'avarie de la marchandise.

L'indemnisation sera établie conformément au droit commun ".

La SARL Messageries Portésiennes intervient en tant que transporteur de pièces détachées pour le compte de la SA Renault Retail Group. Elle ne lui vend pas de marchandises qui pourraient être refusées ou renvoyées pour non conformité ou avarie comme le prévoit l'article L. 442-6.I 8° du Code de commerce.

Il est stipulé à l'article 7 du contrat une indemnisation selon le droit commun en cas de perte ou avarie durant le transport et non l'application de rabais ou de pénalités.

Il est versé des factures pour un montant global de 15 173,81 euros relatives à des sinistres, des pièces non livrées, des pièces détériorées au cours de la livraison, qui correspondent à une inexécution du contrat de transport laquelle a été indemnisée de manière amiable dans le cadre de l'article 7 de la convention, la preuve n'étant pas rapportée que le fournisseur n'ait pas été en mesure de contrôler la réalité du grief allégué et éventuellement de le contester.

A supposer que les factures établies sur le fondement de l'article 7 du contrat relèvent de l'article L. 442-6, I 8° du Code de commerce, il n'est pas démontré que les sommes réglées ont été imposées de manière unilatérale par la SA Renault Retail Group à la SARL Messageries Portésiennes qui sera déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner la SARL Messageries Portésiennes à verser à la SA Renault Retail Group la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à assumer les dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Constate l'intervention volontaire de la SCP CBF Associés (SCP C.-B.-F.), prise en la personne de Maître Y, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Messageries Portésiennes, Infirme le jugement en ce que le Tribunal a condamné la société Renault Retail Group à payer à la société Messageries Portésiennes la somme de 56 769 euros au titre de l'insuffisance de préavis outre une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au dépens, LE Confirme pour le surplus, Statuant à nouveau, des chefs infirmés, Dit que la société Renault Retail Group en dénonçant le contrat du 28 décembre 2012 moyennant un préavis de 6 mois, n'est pas à l'origine d'une rupture brutale des relations contractuelles entre les parties sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, Déboute la société Messageries Portésiennes de sa demande en paiement de la somme de 230 380 euros ou de 98 675 euros à titre de dommages-intérêts, Condamne la société Messageries Portésiennes à payer à la SA Renault Retail Group la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la SARL Messageries Portésiennes aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.