CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 juin 2020, n° 17-18709
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Kuehne + Nagel Road (Sasu)
Défendeur :
Hexagone Transports (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mmes Soudry, Lignières
Avocats :
Mes Regnier, Bijaye, Duval, Gutton
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Kuehne + Nagel Road, anciennement dénommée Transports Alloin, est une société de transport public routier de marchandises.
La société Hexagone Transports est également une société de transport public routier de marchandises.
La société Kuehne a confié des prestations de transport à la société Hexagone Transports.
Par courriel du 5 juin 2015, la société Kuehne a notifié à la société Hexagone Transports sa décision de mettre fin à leur relation d'affaires aux motifs de fautes commises par cette dernière dans l'exécution de ses prestations.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 juin 2015, la société Kuehne a confirmé à la société Hexagone Transports sa décision de mettre fin à leur relation en lui indiquant qu'elle la dédommagerait de cette rupture pour la période du 8 au 26 juin par l'allocation d'une somme de 2 250 euros HT.
Par exploit du 15 décembre 2015, la société Hexagone Transports a fait assigner la société Kuehne devant le tribunal de commerce de Nancy, aux fins de la voir condamner à réparer les différents préjudices résultant de la rupture brutale des relations commerciales.
Par jugement du 30 juin 2017, le tribunal de commerce de Nancy a :
- déclaré la société Hexagone Transports fondée en ses demandes au titre de la rupture abusive des relations commerciales ;
- condamné la société Kuehne au paiement de la somme de 27 876 euros au titre du préavis manquant ;
- condamné la société Kuehne à payer à la société Hexagone Transports la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Kuehne + Nagel aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 10 octobre 2017, la société Kuehne a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- déclaré la société Hexagone Transports fondée en ses demandes au titre de la rupture abusive des relations commerciales,
- l'a condamnée au paiement de la somme de 27 876 euros au titre du préavis manquant, outre la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, le tout avec exécution provisoire.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions du 18 octobre 2019, la société Kuehne demande à la cour de :
Vu l'article L. 442-6 I-5° du Code de commerce,
Vu les articles 564 et 954 et 910-4 du Code de procédure civile,
Vu le décret n° 2003-1295,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré la société Hexagone Transports fondée en ses demandes au titre de la rupture abusive des relations commerciales,
- l'a condamnée au paiement de la somme de 27 876 euros au titre du préavis manquant, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Et Statuant à nouveau,
- débouter la société Hexagone Transports de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- déclarer irrecevables et à défaut, mal fondées les demandes nouvellement formées par la société Hexagone Transports sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil,
- condamner la société Hexagone Transports au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Hexagone Transports aux entiers dépens.
Elle explique avoir conclu un contrat de sous-traitance le 1er août 2012 avec la société Hexagone Transports qui a été résilié le 30 avril 2013 au terme d'un préavis d'un mois dans les conditions prévues par les parties. Elle affirme avoir cessé toute relation avec la société Hexagone Transports pendant plus d'un an avant que ces relations ne reprennent à la suite d'un appel d'offres du 2 avril 2014. Elle expose avoir été contrainte de mettre fin à ces relations en raison de manquements graves et répétés de la société Hexagone Transports à ses obligations. Elle soutient à cet égard que le chauffeur de cette société aurait tamponné les colis d'un destinataire à sa place, aurait enfreint les règles de sécurité d'un site de livraison et aurait agressé verbalement des clients.
A titre subsidiaire, elle invoque l'absence de caractère établi des relations commerciales nouées avec la société Hexagone Transports en ce que ces relations présentaient un caractère non suivi car interrompues pendant plus d'un an et revêtaient un caractère précaire puisque reprises à l'issue d'un appel d'offres.
En tout état de cause, elle estime que lesdites relations doivent être régies par le décret n° 2003-1295 relatif aux transports publics routiers confiés à un sous-traitant et que le préavis devait être de trois mois. Elle dément tout état de dépendance économique de la société Hexagone Transports à son égard en affirmant que celle ci a fait le choix délibéré de ne pas diversifier ses donneurs d'ordres. Elle conteste encore le taux de marge dont fait état la société Hexagone Transports et dément avoir sollicité de cette dernière qu'elle réalise des investissements spécifiques notamment qu'elle fasse l'acquisition d'un nouveau véhicule. Elle dénie le préjudice moral invoqué.
Elle s'oppose encore aux demandes d'indemnisation formulées par la société Hexagone Transports au titre de l'achat d'un véhicule et d'un préjudice moral sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil en soutenant qu'elles sont irrecevables en vertu des articles 564, 910-4 et 954 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 25 octobre 2019, la société Hexagone Transports demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article L. 442-6 5° ancien du Code de commerce,
Vu les dispositions des articles D. 442-3 et D. 442-4 du Code de commerce,
- déclarer la société irrecevable et subsidiairement mal fondée en son appel,
En conséquence,
- confirmer la décision entreprise en ce que le tribunal de commerce de Nancy l'a jugée recevable et fondée en ses demandes d'indemnisations sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce, pour rupture brutale de relations d'affaires établies,
Statuant sur l'appel incident,
- réformer la décision entreprise en ce que le tribunal a limité à 27 876 euros le montant des dommages intérêts dus, et, Statuant de nouveau de ce chef,
- condamner la société Kuehne au versement de la somme de 52 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations d'affaires, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, 5° ancien du Code de commerce,
- condamner la société Kuehne au versement de la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du coût de l'acquisition inutile d'un nouveau véhicule sur le fondement à titre principal des dispositions de l'article L. 442-6 5° ancien du Code de commerce, à titre subsidiaire des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du Code civil,
- condamner la société Kuehne au versement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1382 du Code civil,
- confirmer la décision de première instance en ses autres dispositions,
- débouter la société Kuehne de toutes ses demandes,
- condamner la société Kuehne au versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel,
- condamner la société Kuehne aux entiers dépens d'appel et de première instance, lesquels pourront être recouvrés par Me Nicolas Duval, Avocat à la cour, dans les formes de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle expose que les relations avec la société Kuehne ont débuté au mois d'août 2009 et se sont poursuivies de façon ininterrompue jusqu'au 5 juin 2015. Elle explique que la résiliation, au mois de mars 2013, du contrat conclu le 1er août 2012 n'a pas mis fin aux relations mais avait pour objet de renégocier les tarifs. Elle ajoute qu'en 2014, la société Kuehne représentait 94,75% de son chiffre d'affaires.
Elle dément toute faute qui lui serait imputable. Elle prétend n'avoir jamais été informée par la société Kuehne des difficultés alléguées avec certains clients et n'avoir jamais été mise en garde par elle avant sa décision de mettre fin aux relations. Elle ajoute que la société Kuehne ne pouvait mettre fin brutalement à des relations établies depuis plus de quatre ans pour deux erreurs prétendument commises.
Elle estime qu'eu égard à la durée des relations et à sa dépendance économique, le préavis aurait dû être de sept mois. Elle prétend que le préjudice financier résultant de la brutalité de la rupture doit être réparé sur la base de sa marge sur coûts variables qui s'élève à 7 500 euros par mois HT, soit à 93,75%. Elle réclame encore une indemnisation au titre de l'acquisition d'un nouveau véhicule au mois d'août 2014 pour les besoins de la société Kuehne.
Elle invoque encore un préjudice moral au titre des accusations mensongères portées à son encontre par sa partenaire pour justifier la rupture des relations.
Elle ajoute que le changement de fondement de ses demandes d'indemnisation au titre de l'acquisition d'un véhicule et du préjudice moral n'est pas un motif d'irrecevabilité.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 octobre 2019.
A l'audience de plaidoiries du 21 novembre 2019, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'application du contrat type figurant en annexe I du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 et sur l'applicabilité des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
Par note en délibéré du 6 décembre 2019, la société Hexagone Transports s'en remet à la cour quant à l'application du contrat type. Dans l'hypothèse où ce contrat type serait jugé applicable et où l'application des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce serait écartée, elle prétend que l'appel de la société Kuehne devant la cour d'appel de Paris devrait être jugé irrecevable dès lors que ladite cour n'est spécialement compétente que pour connaître des recours contre les décisions rendues dans les litiges soumis aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Si l'appel était néanmoins jugé recevable, la société Hexagone Transports modifie le fondement de sa demande d'indemnisation et revendique l'application du décret type en ramenant sa demande d'indemnisation à trois mois de préavis, soit à la somme de 22 500 euros au titre de la perte de gains.
Par note en délibéré du 19 décembre 2019, la société Kuehne rappelle avoir toujours considéré que seules les dispositions du contrat-type étaient applicables aux relations nouées avec la société Hexagone Transports. Toutefois elle affirme que dès lors que cette dernière a fondé son action sur l'article L. 442-6 et que le tribunal de commerce de Nancy a fait droit à cette action sur ce fondement, elle ne pouvait faire appel que devant la cour d'appel de Paris de sorte que son appel est recevable. Elle prétend en revanche que la société Hexagone Transports est irrecevable à modifier le fondement et le quantum de ses demandes par une note en délibéré.
MOTIFS
Sur l'applicabilité de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Toutefois cet article ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport.
En effet, l'article 12.2 du contrat-type figurant en annexe I du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 prévoit que le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre partie par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps déjà écoulé depuis le début d'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois. Le préavis est porté à deux mois quand ce temps est supérieur à six mois et inférieur à un an. Le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus.
Par ailleurs, l'article 2 du contrat-type prévoit que ce contrat s'applique de plein droit, à défaut de convention écrite.
En l'espèce, il n'est pas discuté que la société Hexagone Transports était sous-traitant de la société Kuehne dans le cadre de transports routiers de marchandises.
Par ailleurs, il est constant qu'après qu'un premier contrat a été conclu le 1er août 2012 puis résilié le 28 mars à effet au 30 avril 2013, aucun contrat écrit n'a été conclu par les parties pour régir leurs relations d'affaires nouées postérieurement. Dans ces conditions, en vertu de l'article 2 du contrat-type susvisé, le contrat-type doit recevoir application dans les rapports entre la société Kuehne et la société Hexagone Transports postérieurs au 30 avril 2013, date de résiliation du premier contrat et les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce seront écartées dans le cadre du présent litige. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré la société Hexagone Transports fondée en ses demandes au titre de la rupture abusive des relations commerciales.
Sur la recevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Paris
La détermination de la juridiction compétente n'est pas subordonnée à l'examen du bien fondé des demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Dès lors, il suffit que les demandes de la société Hexagone Transports aient été formulées au visa de ce texte pour faire application des règles de compétence territoriale prévues par l'article D. 442-3 du Code de commerce.
En conséquence, l'appel de la société Kuehne devant la présente cour est recevable.
Sur le responsabilité de la société Kuehne
Il ressort de ce qui précède que la demande d'indemnisation de la société Hexagone Transports ne peut être fondée que sur les dispositions prévues au contrat-type figurant en annexe I du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003; cette substitution de fondement ayant été faite d'office par la cour dans le respect du principe du contradictoire.
L'article 12 du contrat-type prévoit :
" 12.1. Le contrat de sous-traitance est conclu pour une durée déterminée, reconductible ou non, soit indéterminée selon la volonté des parties.
12.2. Le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre partie par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps déjà écoulé depuis le début d'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois. Le préavis est porté à deux mois quand ce temps est supérieur à six mois et inférieur à un an. Le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus.
12.3. Pendant la période de préavis, les parties s'engagent à maintenir l'économie du contrat.
12.4. En cas de manquements graves ou répétés de l'une des parties à ses obligations, l'autre partie peut mettre fin au contrat, qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, sans préavis ni indemnités. "
Sur les fautes de la société Hexagone Transports
Pour s'opposer au versement de toute indemnité au titre de l'absence de préavis, la société Kuehne invoque des fautes à l'encontre de la société Hexagone Transports.
A l'appui de ses allégations, la société Kuehne se prévaut tout d'abord d'une lettre de la société CGED à la société Atlantic datée du 3 juin 2015 dénonçant des " problèmes avec le sous-traitant de votre transporteur Kuehne Nagel ", consistant pour le chauffeur à tamponner lui même le récépissé de livraison et l'empêchant d'émettre des réserves quant à l'état de la marchandise livrée, le dernier incident datant du 29 mai 2015.
Toutefois la société Kuehne ne démontre pas avoir transmis ce courrier, daté de deux jours avant la rupture, à la société Hexagone Transports ni l'avoir mise en garde à l'encontre de tels agissements. Ce fait ne peut donc justifier une rupture des relations sans préavis.
Ensuite la société Kuehne invoque un non-respect des réglementations sur un site de livraison et une agression verbale de clients. Néanmoins elle se contente de verser aux débats un courriel daté du 2 juin 2015, soit trois jours avant la notification de la rupture, mettant en garde la société Hexagone Transports à la suite d'une réclamation de la société Novacarb pour non respect des règles de circulation sur le site de livraison et pour altercation verbale avec un agent de sécurité lors du rappel des règles de circulation ainsi qu'un courrier de réclamation de la société Novacarb pour ces faits daté du 9 octobre 2015.
Or il sera relevé que de tels faits sont contestés par la société Hexagone Transports et ne revêtent en outre pas un caractère de gravité justifiant une rupture immédiate et sans préavis des relations.
En conséquence, en l'absence de manquements graves ou répétés de la société Hexagone Transports à ses obligations, la société Kuehne ne pouvait rompre les relations sans observer de préavis.
Sur la durée du préavis
Aux termes des dispositions du contrat-type précité, le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus.
En l'espèce, si les parties s'opposent sur le début des relations à prendre en compte, elles s'accordent sur le fait que leurs relations ont duré plus d'un an. Dans ces conditions, la société Kuehne aurait dû respecter un préavis d'une durée de trois mois.
Selon les documents produits aux débats par la société Hexagone Transports et certifiés par son expert-comptable, il apparaît qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 86 739 euros en 2013, de 93 958 euros en 2014 et de 43 484 euros entre le 1er janvier et le 5 juin 2015, soit une moyenne de 8 006,46 euros par mois.
Contrairement à ce qu'elle prétend, la société Hexagone Transports ne justifie pas de sa marge sur coûts variables. En effet, le décompte qu'elle produit, déduisant de son chiffre d'affaires, les charges de carburant, ne peut servir de preuve à cet égard.
Par ailleurs, les taux de marge brute moyens pour le transport de marchandises invoqués par la société Kuehne ne peuvent servir de référence en l'espèce dans la mesure où la société Hexagone Transports a très peu de charges d'exploitation puisqu'elle n'emploie aucun salarié ; son gérant étant le chauffeur.
Au vu des documents comptables produits aux débats, le taux de marge brute s'élève à 72 % (pour un chiffre d'affaires de 89 466 euros et des coûts d'exploitation de 24 434 euros).
Dans ces conditions, la perte de revenus résultant de l'inexécution du préavis sera évaluée à 17 293,95 euros [(8 006,46 x 0,72) x 3 mois].
La société Kuehne sera condamnée à régler à la société Hexagonne cette somme et le jugement entrepris sera réformé de ce chef.
Sur la recevabilité des demandes formées au titre de l'acquisition du véhicule et du préjudice moral
Contrairement à ce que soutient la société Kuehne, le changement de fondement des demandes d'indemnisation de la société Hexagone Transports au titre de l'acquisition d'un véhicule et du préjudice moral ne les rend pas irrecevables.
Ainsi selon l'article 563 du Code de procédure civile, pour justifier en appel leurs prétentions, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux et l'article 565 du même Code prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En outre, l'article 910-4 du Code procédure civile ne vise que la concentration des prétentions et non des moyens.
Enfin l'article 954 du Code de procédure civile n'oblige les parties qu'à reprendre leurs prétentions et non leurs moyens dans le dispositif de leurs conclusions.
Toutefois la société Hexagone Transports fonde ses demandes indemnitaires au titre de l'acquisition du véhicule et du préjudice moral à titre principal sur les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce et à titre subsidiaire, sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil dans leur rédaction applicable au litige.
Or ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ne sont pas applicables à l'espèce et les demandes d'indemnisation de ce chef doivent donc être écartées.
Par ailleurs, le principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle interdit au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, des règles de responsabilité délictuelle.
En l'espèce, ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus, les rapports entre la société Kuehne et la société Hexagone Transports sont régis par le contrat-type et la société Hexagone Transports ne peut donc se prévaloir à l'encontre de son cocontractant, la société Kuehne, des règles de responsabilité délictuelle de sorte que ses demandes d'indemnisation au titre de l'acquisition d'un véhicule et du préjudice moral seront déclarées irrecevables.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Kuehne succombe au litige. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles seront donc confirmées.
La société Kuehne sera également condamnée à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Nicolas Duval, Avocat à la cour, dans les formes de l'article 699 du Code de procédure civile. La société Kuehne sera encore condamnée à verser à la société Hexagone Transports une somme supplémentaire de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande présentée sur ce fondement.
Par ces motifs : LA COUR, A publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Kuehne + Nagel Road aux dépens de première instance ainsi qu'à régler à la société Hexagone Transports une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ; Dit que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ne sont pas applicables au litige, les relations entre la société Kuehne + Nagel Road et la société Hexagone Transports étant régies par le contrat-type figurant en annexe I du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants ; Déclare recevable l'appel de la société Kuehne ; Condamne la société Kuehne + Nagel Road à régler à la société Hexagone une somme de 17 293,95 euros en réparation de la perte de marge résultant de l'inobservation du délai de préavis de trois mois qui aurait dû être respecté ; Rejette les demandes indemnitaires de la société Hexagone Transports au titre de l'acquisition du véhicule et du préjudice moral fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ; Déclare irrecevables les demandes indemnitaires au titre de l'acquisition du véhicule et du préjudice moral présentées sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil dans leur rédaction applicable au litige ; Condamne la société Kuehne + Nagel Road à verser à la société Hexagone Transports une somme supplémentaire de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Kuehne + Nagel Road à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Nicolas Duval, Avocat à la cour, dans les formes de l'article 699 du Code de procédure civile; Rejette les autres demandes.