Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 15 juin 2020, n° 18-23208

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lumax (SARL)

Défendeur :

FBI Auvergne (SARL), Siemens Lease Services (Sasu), Xerox Financial Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mme Castermans, M. de Chergé

T. com. Paris, du 26 sept. 2018

26 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La Sarl Lumax, venant aux droits de la Sas Diffusion Produits Hermétiques (Diproher), a pour activité la vente à domicile.

La Sarl FBI Auvergne (FBI), sise à Clermont-Ferrand, a pour activité le commerce de gros de machines de bureau, matériel informatique et matériel de reprographie.

La Sas Siemens Lease Services (Siemens) et la Sas Xerox Financial Services (Xerox) sont spécialisées dans le secteur d'activité de la location et location-bail de machines de bureau et de matériel informatique.

La société Lumax a conclu le 25 juin 2012 deux contrats de location-maintenance, d'une durée de 21 trimestres, portant sur un appareil Xerox 7530 et un appareil Xerox Phaser 8870, avec la société FBI, fournisseur, la société Xerox étant le loueur.

La société Lumax a également conclu le 24 mars 2014 un contrat de location d'une durée de 63 mois, portant sur un appareil Xerox 7830, avec la société Siemens, la société FBI étant le fournisseur.

Les relations contractuelles se sont terminées le 30 juin 2014.

Par actes extrajudiciaires en date des 1er octobre 2015 et 02 octobre 2015 la société Lumax, venant aux droits de la société Diproher, a fait assigner, aux fins de voir prononcer la nullité des contrats, les sociétés FBI, Siemens et Xerox devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement en date du 26 septembre 2018, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Lumax de ses demandes de nullité et de remboursement de loyers ;

- condamné la société Lumax à verser à chacune des défenderesses la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Lumax aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 129,24 euros dont 21,32 euros de TVA ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 29 octobre 2018, la société Lumax a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 janvier 2019, la société Lumax demande à la cour de :

Vu les articles 1162 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,

- prononcer la nullité du contrat conclu avec la société FBI portant sur le matériel Xerox 7530 et Xerox Phaser 8870 ;

- prononcer la nullité du contrat conclu avec la société FBI portant sur le matériel Xerox 7830 ;

- prononcer la nullité du contrat de location financière conclu entre la société Xerox et la société Lumax ;

- prononcer la nullité du contrat de location financière conclu entre la société Siemens et la société Lumax ;

- condamner la société FBI à récupérer, à ses frais, le matériel dans les locaux de la requérante ;

- condamner la société Xerox à rembourser les sommes perçues de la société Lumax au titre des matériels Xerox 7530 et Xerox Phaser 8870 ;

- condamner la société Siemens à rembourser les sommes perçues de la société Lumax au titre des matériels Xerox 7830 ;

- condamner la société FBI, outre aux entiers dépens, à payer à la société Lumax la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 avril 2019, la société Siemens demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147 et 1382 anciens du Code civil,

- à titre principal, débouter la société Lumax de ses prétentions et par suite de son appel en tant qu'il fait grief à la société Siemens ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- à titre subsidiaire, en cas d'annulation du contrat de location conclu entre la société Siemens et la société Lumax, condamner la société FBI à payer à la société Siemens, à titre de dommages et intérêts, la somme de 150 749,98 euros ;

- condamner la société FBI à garantir la société Siemens de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et au bénéfice de la société Lumax ;

- condamner la société Lumax à restituer, à ses frais, à la société Siemens le matériel objet du contrat résilié, savoir un équipement Xerox 7830, outre accessoires, entre les mains de la société Stockage du Val d'Oise ; juger que la société Siemens pourra appréhender son matériel partout où besoin sera et ce avec le concours de la force publique s'il y a lieu ;

- condamner la société Lumax et la société FBI, ou celle des deux qui le mieux le devra, à payer à la société Siemens la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 avril 2019, la société Xerox demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147 et 1338 anciens du Code civil,

- confirmer le jugement entrepris ;

-Y ajoutant, condamner la société Lumax et/ou toute partie succombante à verser à la société Xerox la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 avril 2019, la société FBI demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1162 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter la société Lumax de l'intégralité de ses conclusions ;

- débouter la société Siemens de ses prétentions formulées à l'encontre de la société FBI ;

- condamner la société Lumax à payer à la société FBI la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me B.-G. de la société Lexavoué.

SUR CE,

La société Lumax soutient que les contrats conclus avec la société FBI doivent être sanctionnés par la nullité. Les avoirs réalisés à son profit par la société FBI sont dépourvus de cause et ont eu pour conséquence que le prix du contrat conclu le 25 juin 2012 est non déterminé et non déterminable ; une clause du contrat conclu avec la société FBI a créé un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce, empêchant la société Lumax de résilier le contrat, ce qui justifie sa nullité et celle du contrat conclu avec la société Siemens, le second accessoire du premier formant un tout indivisible. La société FBI a usé de manœuvres dolosives pour l'amener à conclure le contrat relatif à l'équipement 7830, créant une confusion fautive sur le prix et constitutive d'un dol. Le prix du matériel Xerox 7830 était prohibitif avec un prix de revient 7 fois supérieur La nullité du contrat de location financière avec la société Siemens est justifiée : il est afférent à trois matériels, dissimule une partie du flux résultant des résiliations et des factures émises et forme un tout indivisible avec le contrat conclu avec la société FBI.

La société Siemens fait valoir qu'à admettre l'existence d'un engagement de la société FBI de prendre à sa charge une partie des échéances de loyers dus par la société Lumax, dont la société Siemens n'a jamais eu connaissance, son inexécution n'est pas constitutive d'un dol et ne peut justifier la nullité du contrat conclu ; que l'objet et le prix du contrat contrat conclu le 24 mars 2014 sont déterminés ; qu'il n'existe pas d'indivisibilité de ce contrat avec celui conclu entre la société Lumax et la société FBI ; en cas d'annulation du contrat en date du 24 mars 2014, la société Siemens demande la condamnation de celle-ci à lui verser la totalité des échéances de loyers prévues au titre dudit contrat et à la garantir de toute condamnation à son encontre et au bénéfice de la société Lumax.

La société Xerox soutient qu'aucune difficulté n'est née de la formation, de l'exécution ou de la rupture des contrats conclus avec la société Lumax le 25 juin 2012 ; que ces contrats sont clairs sur leur objet, leur prix, leur durée et leurs modalités ; qu'aucun grief n'est soulevé à son encontre par la société Lumax ; que l'article L. 442-6 n'est pas applicable dès lors que les parties à un contrat de location financière ne peuvent être qualifiées de partenaires commerciaux ; l'exécution volontaire des contrats par la société Lumax emporte renonciation à se prévaloir d'une cause de nullité.

La société FBI fait valoir, au titre des contrats conclus le 25 juin 2012, que leur prix était déterminé ou déterminable ; que le montant et la durée des avoirs émis au bénéfice de la société Lumax étaient prévus par les bons de commande ; au titre du contrat conclu le 24 mars 2014, que le prix n'est nullement prohibitif dès lors qu'il prend en considération les coûts de maintenance et les indemnités de résiliation des précédents contrats ; que les contrats ont été valablement conclus par la société Lumax qui n'établit pas l'existence d'un dol ; que la clause arguée de déséquilibre significatif dans le contrat conclu avec la société Siemens n'est pas établie ; la société FBI conclut au rejet des prétentions formulées à titre subsidiaire par la société Siemens.

Ceci étant exposé,

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

1/ Sur les deux contrats de location-maintenance du 25 juin 2012 (appareils Xerox 7530 et Xerox Phaser 8870)

La société Lumax a signé le 25 juin 2012 un " bon de commande " portant sur la location-maintenance de deux équipements d'impression Xerox 7530 et Xerox Phaser 8870 auprès de la société FBI, pour une durée de 21 trimestres. Il stipule pour l'appareil Xerox 7530 un nombre de copies noir et blanc et couleur (10 452 et 3 478), au prix unitaire de 0,34 euros Ht, soit 4 736 euros Ht par trimestre, et pour l'appareil Xerox 8870 un nombre de copies noir et blanc et couleur (6 000 et 1 000) au prix unitaire de 0,34 euros Ht, soit 2 380 euros Ht par trimestre. Le coût de la page supplémentaire est établi entre 0,008 euros Ht et 0,093 euros Ht. La livraison, la connexion et la formation sont offertes.

La société Lumax ne justifie pas son action en nullité à l'égard des contrats de location-maintenance conclus avec la société FBI le 25 juin 2012.

En effet, l'avoir trimestriel de -4 395 euros Ht, appliqué depuis le 1er octobre 2012 par la société FBI pour une période de 3 ans, correspond aux stipulations contractuelles. Si la société Lumax conteste son existence, cet avoir a toutefois fortement diminué le loyer trimestriel à sa charge, comme elle l'a reconnu le 29 mai 2015. Elle a également réclamé son application, de façon contradictoire, le 21 janvier 2016 et les premiers juges ont qualifié à cet égard sa demande de nullité de " particulièrement malfondée ".

Par ailleurs, les deux contrats font suite à un précédent équipement financé, sur lequel la société Lumax n'apporte aucun élément, mais qui étayent la construction contractuelle critiquée. La société FBI a ainsi indiqué dans un courrier du 25 juin 2012 que " le nouveau contrat de location intègre le solde des dossiers en cours ". Les contrats stipulent également : " rachat total de votre contrat F52907901 Canon IR 3080 pour un montant total de 12 423 euros Ht maximum ".

Avec une date d'installation au 31 juillet 2012, le prix et la quotité de la chose sont clairement déterminés : " mise en place d'un coût à la page sur la base de 21 000 pages par trimestre (0,34 euros Ht) ; participation FBI sur 12 trimestres sur la mise en place d'un Xeropack sur la base de 20 930 pages par trimestre (0,21 euros Ht) ". La facturation trimestrielle de 8 511 euros Ttc, émise par la société Xerox les 17 septembre 2012, 18 décembre 2012, 18 mars 2013, 17 juin 2013, 16 septembre 2013, 02 janvier 2014 et 18 mars 2014 et réglée par prélèvement automatique, est conforme aux deux contrats du 25 juin 2012.

La société Lumax demande le remboursement des loyers versés, sans préciser si une telle restitution concernerait les avoirs dont elle a bénéficié. Mais elle ne conteste pas avoir bénéficié des équipements dans les conditions contractuelles prévues.

Enfin, la société Lumax invoque un déséquilibre contractuel significatif, sans indiquer le contrat concerné ni produire les conditions générales de vente. Mais elle ne justifie pas d'un " rapport de force " qui serait lié à l'indemnité de résiliation, la clause pénale n'étant pas constitutive d'un déséquilibre significatif du seul fait qu'elle n'est applicable qu'à l'une des parties.

2/ Sur le contrat de location-maintenance du 25 avril 2014 (appareil Xerox 7830)

La société Lumax a signé le 24 mars 2014 un " bon de commande " portant sur la maintenance de l'équipement d'impression Xerox 7830 auprès de la société FBI, sans mention de durée. Il stipule un nombre de copies noir et blanc et couleur (18 000 et 3 000) au prix unitaire de 0,007 euros Ht.

La société Lumax a également conclu le 25 avril 2014 avec la société Siemens un " contrat de location " de l'équipement Xerox 7830, pour une durée de 21 trimestres et un loyer trimestriel de 6 872 euros Ht à compter du 7 avril 2014.

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Mais la société Lumax ne justifie pas de l'existence de manœuvres dolosives pour l'amener à conclure le contrat du 25 avril 2014, ne produisant aucun document au soutien de ses allégations. Au contraire, la société FBI lui a accordé le 25 avril 2014 un avoir trimestriel (" participation ") de 4 395 euros Ht sur une durée de six trimestres, avec pour effet de réduire le montant des loyers trimestriels, outre un Iphone 5 à titre gracieux. La société FBI a également émis une proposition de diminuer le loyer trimestriel à 4 700 euros " sous réserve de l'accord du leaser Siemens " le 15 avril 2015.

L'existence de " flux " qui résulteraient de résiliations et de factures émises n'est pas justifiée par l a société Lumax, assimilant à tort l'échéancier de facturation des trois appareils en location au contrat de location-maintenance du 25 avril 2014 qui ne s'applique qu'à l'appareil Xerox 7830. Elle a signé le procès-verbal de réception en date du 07 avril 2014 (pièce 3, société Siemens) sans observation, et reconnu le 26 janvier 2015 " nous n'avions pas fait attention à votre courrier ".

Enfin, la contestation du coût de la location financière ne peut reposer sur une comparaison avec la valeur d'assurance, aux finalités distinctes par nature, omettant au surplus la notion d'amortissement de l'équipement loué, alors que les premiers juges ont relevé à juste titre que la société Lumax " n'est pas crédible " en cette demande.

C'est en conséquence par des motifs exacts et pertinents que les premiers juges ont débouté la société Lumax de ses demandes de nullité et de remboursement de loyers.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces chefs.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Lumax à payer à chacune des défenderesses les sociétés FBI Auvergne, Siemens Lease Services et Xerox Financial Services la somme complémentaire de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Lumax aux dépens.