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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 juin 2020, n° 18-09267

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Etablissement J. V. (SAS)

Défendeur :

CF2R (Sa), Renault Trucks (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

T. com. Lyon, du 24 avr. 2018

24 avril 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement rendu le 24 avril 2018 par le Tribunal de commerce de Lyon qui a :

- constaté que les pièces produites ne font état d'aucun moyen nouveau, ne portant pas ainsi atteinte au contradictoire et aux droits de la défense,

- jugé recevables les pièces 37 à 39 communiquées par les sociétés CF2R et Etablissement V.,

- jugé que l'appel d'offres du 19 février 2016, émis par la société Renault trucks, venant aux droits de la société RVI, constitue la notification non équivoque d'un préavis écrit au sens de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce, s'agissant de la gamme Euro 5,

- jugé suffisant le délai de prévenance observé par la société Renault trucks, venant aux droits de la société RVI, pour rompre ses relations commerciales avec les sociétés CF2R et Etablissement V.,

- en conséquence, débouté les sociétés CF2R et Etablissement V. de leurs demandes en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner et du coût des investissements dédiés allégués,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties, les en déboutant,

- condamné in solidum les sociétés CF2R et Etablissement V. aux dépens et à payer la somme de 5 000 euros à la société Renault trucks au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé par la société CF2R et par la société Etablissement J V. qui demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions notifiées le 27 décembre 2019, au visa des articles L. 442-6-1 5°, L. 153-1 et L. 153-2 du Code de commerce, de :

- dire leur appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- constater le caractère fictif de l'appel d'offres, faute pour Renault trucks de justifier de la réalité de celui-ci, en s'abritant derrière le secret des affaires,

- constater, en tout état de cause, que la notification du recours à l'appel d'offres du 19 février 2016 ne rompt pas la relation commerciale,

- constater que la société Renault trucks ne peut pas faire rétroagir le point de départ du préavis, a fortiori pour toute la relation commerciale, au 19 février 2016,

- fixer le point de départ du préavis au 1er février 2017 pour la gamme Euro 5 et au 10 mai 2017 pour les gammes Euro 2/3/4 ainsi que pour l'activité de réparation,

- juger qu'au regard de l'ancienneté de la relation (33 ans), sa constance en volume et en valeur, son poids dans le chiffre d'affaires des appelantes, l'impossibilité pour ces dernières de trouver un marché équivalent, nécessitant ainsi une réorientation de leur activité, un délai de prévenance de 33 mois aurait été légitime,

- condamner la société Renault trucks à payer à la société CF2R la somme de 122 584 euros en réparation du manque à gagner, outre celles de 23 330 euros au titre du coût des moyens dédiés et de 20 000 euros au titre des frais de liquidation, soit au total la somme de 165 914 euros,

- condamner la société Renault trucks à payer à la société Etablissement V. la somme de 904 644 euros en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner, outre celles de 75 299 euros et de 101 221 euros au titre des licenciements et moyens matériels dédiés, soit au total la somme de 1 081 164 euros,

- condamner la société Renault trucks aux dépens et à payer à chacune d'elles la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2019 par la société Renault trucks qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce et de l'article 1240 du Code civil, de :

1) à titre principal :

- dire et juger que la notification de la procédure d'appel d'offres intervenue le 19 février 2016 constitue la notification valable d'un préavis écrit au sens de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce s'agissant de la gamme Euro 5,

- dire et juger que la notification du résultat de l'appel d'offres, intervenue le 31 janvier 2017, visant l'ensemble de la relation contractuelle, constitue la notification valable d'un préavis écrit au sens de la l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce s'agissant des gammes Euro 2/3/4 et du contrat conclu le 31 janvier 1984,

- en conséquence, dire et juger suffisant le délai de prévenance qu'elle a observé pour rompre les relations commerciales avec les sociétés CF2R et Etablissements V., confirmer le jugement et rejeter les demandes de ces deux sociétés,

2) en tout état de cause :

- dire et juger que les appelantes sont défaillantes dans la preuve du taux de marge brute,

- dire et juger que seule la perte de marge brute subie par V. pourrait être indemnisée,

- dire et juger que les autres postes de préjudice ne sont pas liés à une quelconque brutalité de la rupture et, en conséquence, dire et juger qu'ils ne peuvent donner lieu à aucune indemnisation,

3) enfin et en tout état de cause :

- condamner in solidum les sociétés CF2R et Etablissement V. à lui verser la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile (dont 5 000 euros lui ont été alloués par le tribunal),

- condamner les sociétés CF2R et Etablissement V. aux dépens.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Le litige porte sur la cessation des relations commerciales qui étaient entretenues entre la société Renault Trucks d'une part et les sociétés J. Etablissement V. et CF2R d'autre part.

La société Renault trucks, société du groupe AB Volvo depuis 2001, est spécialisée dans la fabrication et la distribution d'une gamme de véhicules adaptée au transport ainsi que de différents moteurs dans les domaines maritimes, aériens et spatiaux ; elle propose à ses clients des services et produits après-vente, dont l'entretien, la réparation, la rénovation, les pièces de rechange.

La société Etablissement J. V., ci-après société V., a pour activité la fabrication, la commercialisation et la réparation d'éléments thermiques, dont des radiateurs pour véhicules automobiles ; elle a pour filiale la société CF2R qui centralise la facturation des prestations effectuées par la société V. auprès de la société Renault trucks.

Suivant contrat du 31 janvier 1984, la société Renault véhicules industriels (RVI), devenue depuis Renault trucks, a confié au GIE Radia France, puis à la société CF2R suite au rachat d'éléments du GIE, le soin d'approvisionner l'ensemble du réseau de ses concessionnaires et clients directs en radiateurs, soit par échange standard, soit par rénovation ; ce contrat, conclu pour une période d'un an, était renouvelable par tacite reconduction.

Par avenant du 27 décembre 1996, RVI a confié à CF2R des prestations de réparation ponctuelles émanant directement du réseau des concessionnaires ; puis par un second avenant du 3 septembre 2001, elle lui a demandé de s'engager pour les appareils pris en garantie à prendre en charge les frais de pose et de dépose ainsi que tous les frais annexes, un délai de prévenance d'une année étant stipulé en cas de dénonciation de cet avenant.

Les relations entre les parties se sont ensuite poursuivies ; cependant, lors d'une réunion du 17 février 2016, Mme Nelly P., intervenant pour le groupe Volvo, informait la société CF2R qu'une procédure d'appel d'offres était initiée, sous l'intitulé RQF, portant sur les radiateurs rénovés relatifs aux moteurs Euro 5 de la société Renault trucks ; le 18 février 2016, la société CF2R lui renvoyait un accord de confidentialité signé le 17 février 2016 ; le 19 février suivant, les documents relatifs à cet appel d'offres étaient transmis par courriel à la société CF2R ; ce courriel indiquait que l'objectif de la procédure d'appel d'offres était de collecter les informations commerciales et techniques relatifs aux produits de la société CF2R afin de déterminer le meilleur fournisseur pour le groupe Volvo, c'est à dire plusieurs sociétés dont Renault trucks ; il y était précisé :

" La stratégie de Volvo est de mettre en place l'activité de Radiateurs& CAC rénovés Euro 5 Renault trucks à partir de septembre 2017.

En tant que fournisseur actuel d'une partie du marché, Volvo notifie expressément par la présente à CF2R que dans l'hypothèse où CF2R ne serait finalement pas sélectionné ou sélectionné seulement en partie pour l'activité devant débuter en septembre 2017, la période de préavis octroyée préalablement à la fin du marché actuel débutera à la date de réception de la présente procédure d'appel d'offres.

En fonction de sa compétitivité, le fournisseur sélectionné peut être retenu pour l'intégralité ou seulement une partie de l'activité concernée. Pour être considéré comme fournisseur de cette activité, votre société doit être compétitive sur le marché Européen. "

Après divers échanges entre les parties, le groupe Volvo a adressé à la société CF2R, le 30 janvier 2017, une lettre recommandée avec accusé de réception ainsi rédigée :

" Dans le prolongement de la demande de cotation " P3202-Radiator & CA Remanufacturing Euro 5 Renault trucks " qui vous a été adressée par e-mail le 19 février 2016 et par lettre (avec accusé de réception reçue le 25 février 2016), nous souhaitons vous informer qu'après analyse de votre offre, le groupe Volvo a décidé de ne pas attribuer ce marché à CF2R en raison d'un manque de compétitivité.

Comme cela est expressément indiqué dans le document de la demande de cotation du 19 février 2016, dès lors que CF2R n'est finalement pas sélectionnée pour le marché, la période de préavis commence à compter de la date de la RQF et prendra fin lorsque le marché sera mis en œuvre avec le nouveau fournisseur, c'est à dire au 1er janvier 2018.

Compte tenu du périmètre et du volume d'affaires concernés par la demande de cotation susmentionnée, nous vous confirmons par la présente notre décision de mettre un terme à notre relation contractuelle pour l'intégralité des produits livrés. Pour votre information, vous trouverez la liste des produits ci-après.

La cessation de notre relation commerciale sera effective le 31 décembre 2017. "

Par la suite, les parties ont engagé des discussions amiables ; mais, par lettre de leur conseil du 3 avril 2017, la société CF2R et la société V. ont invoqué une rupture brutale des relations et demandé réparation de leurs préjudices ; au cours des négociations entre les parties, la société Renault trucks a indiqué que la société CF2R avait vocation à poursuivre ses relations avec les autres sociétés du groupe Volvo, dont la société Renault trucks défense.

Aucun accord n'ayant été trouvé entre les parties, c'est dans ces circonstances que le 11 août 2017, la société V. et la société CF2R ont fait assigner la société Renault trucks devant le Tribunal de commerce de Lyon pour obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce ; elles ont été déboutées de toutes leurs demandes par le jugement déféré.

Les sociétés appelantes font valoir :

- que la relation commerciale, qui durait depuis 33 ans, représentait hors matériel militaire 20 % du chiffre d'affaires de la société V. et 90 % de celui de CF2R,

- que la société V. étant une petite entreprise réalisant un chiffre d'affaires annuel de 6 000 000 euros, il existait un déséquilibre économique entre les parties qui avait conduit la société Renault trucks à exiger et obtenir une baisse significative des prix en 2015,

- que la société CF2R bénéficiait d'une exclusivité de fait sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne,

- qu'au regard des critères posés par la jurisprudence, le délai de préavis ne peut être inférieur à 33 mois,

- que ce délai ne peut commencer à courir : pour la fourniture de la gamme Euro 5 qu'à compter du 30 janvier 2017 et, pour la fourniture, l'entretien et la réparation des gammes 2/3/4, qu'à compter du 9 mai 2017, date de la lettre du conseil de la société Renault trucks confirmant pour la première fois que la lettre du 30 janvier 2017 rompait bien toute la relation.

Pour prétendre, en premier lieu, que le point de départ du délai de prévenance ne peut remonter à la date de notification de l'appel d'offres par courriel du 19 février 2016, les appelantes allèguent que l'appel d'offres est fictif, qu'il ne dénonce pas le contrat du 31 janvier 1984 ni la relation globale dans sa totalité, que le préavis est équivoque - la date de cessation des fournitures restant incertaine puisqu'indiquée 'à partir de septembre 2017"- que l'absence de réponse à son offre 11 mois après la notification de l'appel d'offres pouvait lui laisser supposer que la relation continuait normalement, que le contrat aurait dû être dénoncé le 30 juillet 2016 au plus tard et que ne l'ayant pas été sa poursuite était assurée jusqu'au 31 janvier 2018.

Mais il apparaît que dès le 19 février 2016 par courriel, puis le 25 février 2016 par lettre recommandée avec accusé de réception, la société Renault trucks a informé la société CF2R qu'elle allait recourir à un appel d'offres concernant les radiateurs relatifs aux moteurs Euro 5 et lui a expressément et clairement notifié que, dans l'hypothèse où elle ne serait pas sélectionnée pour l'activité devant débuter en septembre 2017, la période de préavis accordé préalablement à la fin des relations débuterait à la date de réception de la procédure d'appel d'offre ; le point de départ du préavis pour l'activité visée est ainsi dépourvu de toute ambiguïté ou équivoque.

La société CF2R, qui était alors parfaitement informée, ne pouvait légitimement penser que les relations issues du contrat signé le 31 janvier 1984, afférentes à cette activité, se poursuivraient par tacite reconduction pour une nouvelle année jusqu'au 31 janvier 2018, l'appel d'offres leur conférant à compter de sa date un caractère de précarité et d'incertitude.

C'est en vain que les appelantes soutiennent que l'appel d'offres serait fictif ; en effet, la société CR2F y a participé et la société Renault trucks produit deux cotations qui lui ont été adressées par d'autres sociétés en juin 2016 pour l'activité concernée par l'appel d'offres ; en tout état de cause, il convient de rappeler que la société Renault trucks, sauf brutalité dans la rupture ou abus de son droit, était libre de rompre la relation commerciale établie.

Les appelantes allèguent qu'en re-formulant une offre tarifaire conforme aux attentes de Mme Nelly P., leur correspondante au sein de Volvo, la société CR2F était assurée de la poursuite de la relation et que la gestion de l'appel d'offres empêche 'toute rétroactivité' du préavis ; mais s'agissant d'une procédure d'appel d'offres, elles n'étaient en aucune façon assurées d'un résultat en leur faveur.

Les appelantes reprochent encore à l'intimée de ne les avoir informées que le 30 janvier 2017 que la société CF2R n'était pas retenue, soit 7 mois avant la fin prévisible du préavis annoncé et un an après la notification de l'appel d'offres ; elles soulignent que la réception des offres ayant été fixée début avril 2016, il était raisonnable de penser qu'une réponse interviendrait avant l'été et au plus tard début septembre ; mais la société CF2R n'a transmis sa cotation définitive que le 8 juin 2016 et l'appel d'offres mentionne que l'offre de cotation du fournisseur devait rester valide pendant 365 jours à compter de la soumission ; en conséquence la notification le 30 janvier 2017 du résultat de l'appel d'offres, qui ne revêt aucun caractère fautif, ne peut remettre en cause la notification du préavis intervenue dès le 19 février 2016.

Les appelantes soutiennent, en second lieu, que l'intimée aurait eu une attitude ambivalente, comme n'ayant jamais clairement dénoncé ses intentions, n'ayant cessé d'entretenir l'incertitude en n'employant jamais le mot rupture et ne s'étant jamais prononcé sur le périmètre de la rupture, ni sur le délai de prévenance ; elles en veulent pour preuve :

- que la lettre du 30 janvier 2017, en lien avec l'appel d'offres, ne peut viser que la gamme Euro 5, ne fait pas référence au contrat et ne vise pas son deuxième volet qui est la prestation d'entretien et de réparation pour les gammes Euro 2/3/4/5,

- qu'à sa demande de clarification lors de la réunion du 27 février 2016, la société CF2R n'a pas obtenu d'explications,

- que ce n'est que par lettre du 9 mai 2017, que le conseil de l'intimée a annoncé officiellement que la lettre du 30 janvier 2017 concernait le contrat du 31 janvier 1984, soit la fourniture, l'entretien et la réparation des gammes Euro 2/3/4/5,

- que c'est seulement 8 mois avant la cessation effective des relations que la société CF2R, partenaire de 33 ans, a connu le périmètre de la rupture (activité pour les véhicules militaires mise à part, celle-ci ayant toujours été extérieure au contrat du 31 janvier 1984).

L'intimée réplique à juste raison :

- que par sa lettre du 30 janvier 2017, elle a confirmé sa décision de mettre fin à la relation contractuelle pour l'intégralité des produits livrés, en les listant en annexe,

- que le compte-rendu de la réunion entre les parties du 9 février 2017 relate qu'il est clairement compris par tout le monde que la totalité de l'activité relative aux produits de re-conditionnement achetés par Renault trucks à CF2R sera retirée à CF2R à partir de décembre 2017 et commencera avec un autre fournisseur en janvier 2018 et que CF2R a confirmé cette compréhension,

- que par courriel du 28 février 2017, la société CF2R a validé ce compte-rendu.

Il ressort de l'ensemble des éléments du dossier que toutes les relations commerciales établies entre les parties, à l'exception de celles relatives au matériel militaire, ont pris fin le 31 décembre 2017 et que la société Renault trucks a concédé un préavis de 22 mois pour les produits de la gamme Euro 5 et de 11 mois pour les produits des autres gammes et les autres activités.

Selon les appelantes, c'est un préavis de 33 mois qui aurait dû leur être accordé ; rappelant que la relation commerciale a duré 33 ans, elles exposent que ce délai est légitime au regard :

- de leur absence de faute,

- du volume d'affaires généré de 1 000 000 euros annuel,

- de la part de la relation dans leurs chiffres d'affaires : 90 % pour CF2R et 20 % pour V.,

- de la nature de l'activité très spécifique donnant lieu à une organisation et une logistique propres aux exigences de Renault trucks,

- du caractère dédié des investissements matériels et humains, partant non réutilisables,

- de leur impossibilité de trouver un équivalent à cette relation et de la nécessité, pour CF2R de cesser son activité et pour V. de réorienter partiellement son activité,

- du fait que Renault trucks est leader sur le marché en France et en Europe, pour en détenir 30 %,

- du fait que les autres constructeurs de véhicules lourds ont fait le choix depuis de nombreuses années, certains depuis toujours, de ne pas re-conditionner les pièces usagées mais de remplacer purement et simplement les équipements thermiques usagés par des produits neufs.

Mais il convient de retenir que sur son site internet, la société V. se présente comme spécialisée dans la distribution, la fabrication et la réparation de composants thermiques pour tous segments de marché et pour des applications diverses : véhicules légers, véhicules lourds, motocycles, maritime, ferroviaire, industrie manutention, aéronautique ; les prestations effectuées par les appelantes au profit de la société Renault trucks ne présentaient aucune spécificité et pouvaient être proposées à d'autres donneurs d'ordre issus de différents secteurs d'activité ; les appelantes ne justifient pas avoir procédé à des investissements matériels et humains qui auraient été spécialement dédiés aux prestations commandées par la société Renault trucks ; elles ne se trouvaient pas non plus en état de dépendance économique puisqu'elles pouvaient obtenir d'autres partenaires des commandes équivalentes techniquement et économiquement.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préavis de 22,5 mois accordé pour les produits de la gamme Euro 5, qui représentaient 80 % du chiffre d'affaires global en 2016, et celui de 11 mois accordé pour les autres produits de la gamme Euro 2/3/4, qui ne représentaient que 20 % de ce chiffre en 2016, étaient suffisants pour permettre aux appelantes de se réorganiser et de réorienter leurs activités.

En conséquence, le jugement sera confirmé et les appelantes déboutées de toutes leurs demandes.

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 10 000 euros à l'intimée et de rejeter les demandes des appelantes de ce chef.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne in solidum la société Etablissement J. V. et la société CF2R à payer à la société Renault trucks la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Etablissement J. V. et la société CF2R de toutes leurs demandes, Condamne la société Etablissement J. V. et la société CF2R aux dépens d'appel.