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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/23867

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Safirauto (SARL), 74 Diffusion Auto (SARL), Santhibe (SCI), La Baja (SCI)

Défendeur :

Hyundai Motor France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

Avocats :

Mes Lesenechal, Mihailov, Baechlin, Vogel

CA Paris n° 18/23867

23 juin 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Hyundai motor France (ci-après « Hyundai »), est l'importateur en France des véhicules neufs et des pièces de rechange de la marque Hyundai.

Les SARL Safirauto et 74 Diffusion auto, animées par le même gérant, vendaient en Savoie et en Haute Savoie les véhicules pour les particuliers de la marque Hyundai, leurs accessoires et étaient également réparateurs agréés de la marque. La société Safirauto, dont l’établissement principal était depuis 1992 à La Ravoire, près de Chambéry, avait un établissement secondaire à Albertville ; la société 74 Diffusion, installée depuis 2000 près d’Annecy, à Meyhetet, avait un établissement secondaire près d’Annemasse à Vetraz- Monthoux et une agence à Saint-Genis-Pouilly, dans le canton de Gex.

Chacune des deux sociétés était titulaire d’un contrat pour la vente de véhicules neufs de la marque Hyundai, d’un contrat de réparateur agréé et d’un contrat de vente d’accessoires.

Le 27 juin 2012, dans la perspective de l’entrée en vigueur du règlement UE 330/2010, la société Hyundai a résilié la totalité des contrats de distribution conclus avec les concessionnaires français, dont les six derniers contrats la liant encore aux sociétés Safirauto et 74 Diffusion sur l’ensemble des sites, à effet du 30 juin 2014.

La société Hyundai n’a pas proposé la conclusion de nouveaux contrats de distribution de véhicules aux sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto, qui ont cependant pu conclure de nouveaux contrats de réparateur agréé.

Ces derniers contrats ont été ensuite résiliés par l’importateur, pour des motifs contestés.

Les sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto, considérant qu’elles avaient été indument évincées, ont assigné la société Hyundai en dommages-intérêts devant le Tribunal de grande instance de Pontoise, qui s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'instance au Tribunal de commerce de Paris.

Les SCI La Baja et Santibe, propriétaires de locaux exploités par les sociétés demanderesses, sont intervenues volontairement à l’instance.

C’est dans ces conditions que le Tribunal de commerce de Paris, par jugement du 2 novembre 2018, a :

- pris acte de l'intervention volontaire des sociétés Santhibe et La Baja ;

- débouté les sociétés Safir Auto et 74 Annecy Diffusion et les SCI Santhibe et La Baja de leurs demandes ;

- débouté la SAS Hyundai Motor France de sa demande de prononcer la résiliation du contrat de réparateur agréé de la SARL 74 Annecy Diffusion ;

- autorisé la SAS Hyundai Motor France à faire déposer les enseignes et panneaux sur la façade des locaux du site de Gaillard ;

- ordonné à SARL 74 Annecy Diffusion de permettre cette dépose à peine d’astreinte ;

- condamné in solidum les sociétés Safir Auto et 74 Annecy Diffusion et les SCI Santhibe et La Baja à payer à la SAS Hyundai la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné in solidium aux dépens les sociétés Safir Auto, 74 Annecy Diffusion et les SCI Santhibe et La Baja.

Par dernières conclusions signifiées et notifiées le 24 février 2020, les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto, Santhibe et La Baja, appelantes, demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

statuant à nouveau,

- débouter la société Hyundai Motor France de l'ensemble de ses demandes ;

“1) Vu les dispositions des articles 1134 et 1135 du Code civil.

Dire et juger que les requérantes ont engagé des investissements dans les structures des concessions à la demande formelle de la société Hyundai Motor France.

Dire et juger que sous la maîtrise d'œuvrede la société Hyundai Motor France, ces investissements tendaient à mettre les structures des concessions en conformité avec des standards propres à la marque Hyundai.

Dire et juger que la société Hyundai Motor France a exigé la mise en conformité à ces standards, nonobstant la résiliation des contrats notifiée entre temps.

Dire et juger qu'en sollicitant l'élaboration d'un budget prévisionnel su cinq ans, la société Hyundai Motor France a entretenu la croyance dans la possibilité d'une poursuite des relations, alors qu’à l'insu des sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto elle s'était engagée à l’égard du successeur.

Dire et juger que la société Hyundai Motor France a délibérément contrarié l'activité normale du concessionnaire :

- en fixant des objectifs excessivement élevés et lui interdisant ainsi d'accéder à une rémunération complète ;

- en désorganisant son entreprise par la livraison et la facturation arbitraires de véhicules ;

- en compromettant sans raison l'augmentation de son encours de financement, auquel consentait l'organisme de financement ;

- en apportant des restrictions injustifiées à son approvisionnement;

- en lui livrant des véhicules neufs dont le délai de garantie était entamé ;

- en retenant le paiement de sommes dues ;

- et en compromettant les efforts de mise aux normes de ses structures.

Dire et juger dans ces conditions, que la société Hyundai Motor France a compromis l'exécution normale du préavis, le privant de son utilité et obérant au contraire les chances de reconversion du concessionnaire.

Dire et juger dans ces conditions, que la société Hyundai Motor France a manqué à l'obligation de bonne foi et résilié les contrats de manière abusive.

Subsidiairement et vu les dispositions de l'article L 442-6, I. 5° du Code de commerce.

Dire et juger qu'en compromettant l'exécution normale du préavis, la société Hyundai Motor France a brutalement rompu les relations commerciales

2) Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil.

Vu les articles L 420-1 du Code de commerce, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Vu les règlements d'exemption par catégorie UE n° 1400/2002 et 330/2010 de la Commission.

Vu les dispositions des contrats de distribution et de réparation en usage dans le réseau.

Vu les dispositions de l'article 7 de la loi des 2 et 17 Mars 1791.

Dire et juger que les appelantes n'ont pas demandé la sanction du refus de contracter, mais la sanction des conditions fautives de mise en œuvredes critères d'agrément.

Dire et juger qu’en application du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, s’il appartient à la société Hyundai Motor France d'organiser le mode de distribution de ses produits, elle se doit néanmoins de sélectionner ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés, et d'appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire.

Dire et juger que la légalité des réseaux de distribution sélective est conditionnée au choix des distributeurs sur la base de critères objectifs, mise en œuvrede façon non discriminatoire.

Dire et juger que dans ce cadre, la société Hyundai Motor France met en œuvreun système de distribution sélective à la fois qualitative et quantitative, comme il est expressément indiqué en page six de son contrat de distribution.

Dire et juger que la société Hyundai Motor France a revendiqué la sélection des candidats sur la base de critères qualitatifs, comme il est expressément indiqué en page six de son contrat de distribution, détaillés en Annexe 1 du même contrat.

Dire et juger que la société Hyundai Motor France s'était également engagée à examiner la poursuite de ses relations avec les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto, au regard notamment des investissements entrepris dans la mise en conformité des structures et d'un business plan sur cinq ans qu'elle avait réclamé.

Dire et juger qu'en écartant finalement la conclusion de nouveaux contrats sans motif, sans respect des principes qu'elle avait elle-même fixés, ni examen de la candidature des concessionnaires, la société Hyundai Motor France a commis une faute.

Dire et juger qu'en refusant de la même manière d'examiner la candidature des sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto à la conclusion d'un contrat de réparateur, la société Hyundai Motor France a commis une faute.

3) Vu les dispositions de l'article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.

Interroger la Cour de Justice dans le cadre d'une question préjudicielle articulée de la manière suivante :

- les critères de sélection qui fondent la distribution sélective évoquée dans l'arrêt Metro c/ Commission du 25 Octobre 1977 dans le cadre de l'application de l'article 85 du Traité (article 101 TFUE), ainsi qu'à l'article 1, 1, e). du règlement n° 330/2010 du 20 Avril 2010, sont-ils nécessairement des critères de nature qualitative ?

- la distribution sélective quantitative envisagée par la Commission dans ses Lignes directrices sur les restrictions verticales 259, doit-elle être regardée comme une distribution fondée sur la mise en œuvrede critères de sélection qualitatifs, auxquels serait ajoutés des critères quantitatifs ?

- ou faut-il considérer que la distribution sélective puisse être valablement fondée sur une sélection purement quantitative des distributeurs, un simple numerus clausus, sans prendre en compte leur conformité à des critères qualitatifs ?

- en définitive, est-il possible de prétendre qu'un réseau dans lequel le concédant refuserait son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base de critères qualitatifs prédéfinis, pourrait demeurer conforme aux exigences de l'article 101 TFUE ?  

4) Vu la proposition de règlement transactionnel de la société Hyundai Motor France en date du 12 Février 2014.

Dire et juger que la société Hyundai Motor France a admis le principe de sa responsabilité en proposant une indemnisation pour un montant total de 500 000 euros, en sorte que les condamnations encourues ne seront pas prononcées pour un montant inférieur.

Dire et juger que le préjudice causé par la société Hyundai Motor France excède cette estimation.

Condamner la société Hyundai Motor France à payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts.

- Au titre des pertes essuyées du fait de l’exécution fautive du préavis :

à la société Safirauto la somme de 433 551 euros ;

à la société 74 Diffusion auto la somme de 173 896 euros ;

- Au titre des investissements inutiles :

à la société Safirauto, la somme de 56 897 euros ;

à la SCI Santhibe, la somme de 294 497 euros ;

à la société 74 Diffusion auto, la somme de 60 949 euros.

- Au titre de la dépréciation de la valeur des entreprises :

à la société Safirauto, la somme de 973 649 euros ;

à la société 74 Diffusion auto, la somme de 644 031 euros.

5) En application des dispositions des articles 1153.1 et 1154 du Code civil, assortir cette condamnation de la production d'intérêts et de leur capitalisation, à compter de la date de l'exploit introductif d'instance.

Condamner la société Hyundai Motor France au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile”.

Par dernières conclusions signifiées et notifiées le 21 février 2020, la société Hyundai prie la Cour de :

vu les articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce, l’article 101 du TFUE,

vu l’ancien article 1134 du Code civil,

vu le jugement rendu le 2 novembre 2018 par le Tribunal de commerce de Paris,

vu l’article 267 du TFUE

1) à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- rejeter la demande de question préjudicielle formée par les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto, Santhibe et La Baja,

2) à titre subsidiaire,

- dire que la société Hyundai Motor France n’a commis aucune faute à l'égard des sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto que ce soit au titre de la résiliation ordinaire des contrats de distribution agréée, de l’exécution du préavis de résiliation, de la cession du fonds de commerce de l’exécution des nouveaux contrats de réparateur, de la résiliation ordinaire de ces contrats de réparation agréée, du refus de conclure de nouveaux contrats de distribution ou de réparation avec ces sociétés ou de la résiliation extraordinaire du contrat de réparateur agréé de la société Safirauto,

- en conséquence, débouter les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto de l’ensemble de leurs demandes,

- dire que les demandes des SCI Santhibe et La Baja sont irrecevables et en tout état de cause mal fondées,

3) à titre infiniment subsidiaire,

- dire que les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto, Santhibe et La Baja ne rapportent pas la preuve des préjudices qu'elles allèguent ni du lien de causalité entre les préjudices allégués et une prétendue faute (non démontrée) de la société Hyundai Motor France et, en conséquence, les débouter de leurs demandes indemnitaires,

4) en tout état de cause,

- débouter toute partie de toute demande formée à l’encontre de la société Hyundai Motor France.

- condamner solidairement les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto, Santhibe et La Baja à verser à la société Hyundai Motor France la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto, Santhibe et La Baja aux dépens.

SUR CE, LA COUR

S’agissant du moyen pris de la résiliation abusive et de mauvaise foi des contrats, les moyens soutenus par les appelantes ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.

A ces justes motifs, il sera ajouté ce qui suit.

Si les appelantes, qui supportent la charge de la preuve de la mauvaise foi et de l’abus qu’elles invoquent, affirment que la déloyauté et l’abus de l’importateur dans la rupture des contrats sont caractérisés, au motif que celui-ci a exigé des investissements immobiliers en sachant qu’ils étaient engagés en vain, le Tribunal a précisément et exactement analysé les circonstances de l’espèce et il sera précisé que :

- dès mai 2010, l’importateur a écrit à l’ensemble de ses distributeurs pour leur demander de préparer un “plan de croissance”, ce qui a été suivi d’une relance auprès des sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto en janvier 2011, le but étant notamment d’adapter les locaux à un standard de nouvelle image de la marque ;

- en exécution des prévisions contractuelles obligeant les concessionnaires à se conformer aux standards et à la signalétique de la marque, et de leur volonté propre, les sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto ont librement décidé de s’engager dans des dépenses immobilières afférentes au “plan de croissance”, ce dont elles ont donné connaissance à l’importateur dès le mois d’avril 2011, la société Safirauto ayant annoncé de son propre chef, concernant la concession près de Chambéry, que la remise aux normes du bâtiment consacré à Hyundai devrait se terminer au premier trimestre 2012, après achèvement de la construction réalisée pour les marques Lancia et Jeep ;

- la décision des concessionnaires d’agrandir les locaux de Chambéry, de réhabiliter les locaux d’Annecy et de rechercher un nouveau local à Annemasse, communiquées à l’importateur dès avril 2011 sont bien antérieures aux lettres de résiliation des contrats (juin 2012), et rien ne prouve ni que les résiliations étaient déjà décidées, ni a fortiori que Hyundai avait déjà choisi son nouveau concessionnaire ;

- peu important que, pour les factures acquittées par les concessionnaires et les SCI après l’annonce des résiliations, ceux-là aient été ou non en mesure d’abandonner les travaux en cours d’exécution, il n’est pas établi que les dépenses de travaux et de mobilier dont les appelantes demandent indemnisation aient été exposées du fait de la mauvaise foi ou de l’abus de l’importateur ;

- il importe peu que l’importateur ait formellement exigé le respect des standards prévus aux contrats, en insistant à plusieurs reprises, en 2010 et 2011, sur le caractère très important de ce respect et en écrivant, en 2013, que le respect des standards conditionnait le maintien des statuts de distributeurs et de réparateurs agréés, ce qui n’a correspondu à aucun engagement de sa part de proposer le renouvellement des contrats ;

- le courriel du 3 février 2011 de Hyundai au gérant des concessionnaires est un compte rendu de réunion et n’établit pas que l’importateur aurait exigé de porter le hall d’exposition de Chambéry à 600 mètres carrés ;

- rien ne démontre qu'en sollicitant l'élaboration d'un budget prévisionnel sur cinq ans, la société Hyundai Motor France a fautivement entretenu la croyance dans la possibilité d'une poursuite des relations, ni qu’elle ait négocié alors qu’elle s’était déjà engagée avec un successeur ;

- il s’en déduit que sont mal fondées tant les demandes indemnitaires des sociétés Safirauto et Anthibe relatives à l’extension de la concession de Ravoire (Chambéry), que celles des sociétés 74 Diffusion auto et La Baja relatives au renouvellement des installations de Meythet (Annecy) et à la création de Vétraz- Monthoux (Annemasse).

Les appelantes font également grief à l’importateur de s’être appuyé sur des potentiels de vente exagérés pour l’une et l’autre concession pour exiger, au titre du respect des standards contractuels, des apports en fonds de roulement supplémentaire à hauteur de 524 000 euros pour la société 74 Diffusion auto et de 45 000 euros pour la société Safirauto.

Les appelantes imputent à la mauvaise foi et à l’abus de l’importateur le fait que celui-ci aurait exigé “du concessionnaire” la mobilisation de capitaux supplémentaires, obligeant en 2012 à un emprunt de 600 000 euros, somme qui aurait été consommée dans les pertes des deux exercices suivants.

Toutefois, alors que selon les contrats de distribution (article 16) de chacun des concessionnaires, la détermination des objectifs de vente était faite en principe d’un commun accord, sur la base de la proposition annuelle de l’importateur, avec faculté expresse d’obtenir du juge des référés la désignation d’un expert en cas de désaccord, les concessionnaires n’établissent pas avoir protesté contre ces propositions lorsqu’il les ont reçues, sans davantage démontrer ni que le défaut de notification des propositions d’objectifs de vente par lettre recommandée désormais reproché à l’importateur, ni que toute autre circonstance les aurait privés de leur capacité de négocier effectivement ces objectifs ou de s’y opposer

Il est encore constant que le fonds de roulement se calcule en fonction de l’objectif de vente, par application du contrat.

Les concessionnaires étaient donc pleinement conscients des conséquences attachées aux propositions d’objectifs de l’importateur, dont il n’est pas contesté qu’ils les ont reçues à temps, peu important en l’espèce, pour l’appréciation de la mauvaise foi ou de l’abus de l’importateur, que celui-ci les ait ou non notifiées aux concessionnaires par lettre recommandée avec accusé de réception, tel que le prévoit le contrat.

Si, en droit et d’une part, les objectifs de vente ne doivent pas dépendre de critères subjectifs unilatéralement fixés par le concédant mais doivent être fonction des performances réalisées par la marque sur le marché national, tandis que cette fixation ne doit pas être inéquitable ou discriminatoire par rapport aux autres concessionnaires de la marque, d’autre part, la bonne foi est toujours présumée.

En l’espèce, faute de preuve que les objectifs de vente proposés par l’importateur ont été soit discriminatoires envers les autres concessionnaires, soit intentionnellement excessifs, en vue de nuire aux concessionnaires appelants, soit manifestement exagérés par légèreté blâmable - ce qui requerrait, en particulier, de les rapprocher des capacités d’absorption du marché local, compte tenu du taux de pénétration de la marque estimé à 2% par l’importateur - aucun manquement à la bonne foi contractuelle ne résulte en l’espèce de la fixation de l’objectif de vente :

- sur la base des comptes à fin 2010, de 287 véhicules neufs annuels en 2011 pour la SARL 74 Diffusion auto, avec demande de porter le fonds de roulement à concurrence de 524 000 euros et, sur la base des comptes à fin 2011, de 473 véhicules neufs annuels avec demande de porter le fonds de roulement à 571 000 euros ;

- sur la base des comptes à fin 2011, de 341 véhicules neufs pour la SARL Safirauto avec demande de complément de fonds de roulement de 45 000 euros.

A cet égard, s’il est établi, d’une part, que la société Safirauto s’est faite prêter par le fournisseur de lubrifiants Igol, sur la durée de 5 années et contre obligation d’acheter les produits de la marque, une somme de 600 000 euros versée le 10 mai 2012 et, d’autre part, que, le 9 juillet 2012, la société Safirauto a prêté cette même somme à la société 74 Diffusion auto, il n’est nullement démontré que ces décisions sont imputables à la mauvaise foi ou à l’abus de droit de l’importateur.

Il n’est pas davantage démontré que l’importateur aurait agi de mauvaise foi et de manière abusive en procédant dans ces conditions aux résiliations litigieuses.

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la mauvaise foi de l’importateur ne se déduit pas de la circonstance selon laquelle les dernières demandes au titre du fonds de roulement sont datées du même jour que les lettres de résiliation des contrats (27 juin 2012) ; en effet, au-delà de la coïncidence des dates, le respect des obligations nées du contrat était dû nonobstant le préavis, ce dont l’importateur pouvait se prévaloir, et rien ne prouve d’ailleurs que celui-ci avait déjà décidé de rejeter les candidatures de ses anciens concessionnaires lorsqu’il leur a demandé en dernier lieu d’augmenter leur fonds roulement.

Si les appelantes soutiennent que l’importateur a adopté un comportement ambigu quant à la poursuite des relations à l’issue du préavis de résiliation des contrats de distribution de véhicules, aucune déloyauté ni abus n’est pour autant démontré.

En particulier, il ne peut être tiré aucune conséquence de la chronologie de l’ouverture des établissements du groupe concurrent choisi comme nouveau concessionnaire.

En effet, ce n’est qu’en novembre 2013 que les sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto indiquent avoir eu vent de la rumeur d’une promesse faite au groupe concurrent, alors qu’il est établi que, par lettre recommandée du 17 septembre 2012, le gérant des sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto avait subordonné l’envoi des “business plan” à cinq ans des deux sites - documents que lui demandaient l’importateur, à peine de ne pouvoir valider aucun des deux projets, depuis une lettre du 11 septembre 2012 - à la production par cet importateur des “plans produits” sur cinq ans, des objectifs et parts de marché prévisibles, des conditions de marge, avec précision quant au maintien ou à l’évolution du secteur géographique.

S’étant abstenus depuis septembre 2012 (jusqu’au 12 juillet 2013, date de la lettre d’accompagnement desdits business plans, consécutive à une mise en demeure du 21 mai 2013 adressée par l’importateur aux concessionnaires sortants) de remplir les conditions exigées, à tort ou à raison, par l’importateur pour que les dossiers soient utiles, les concessionnaires sortants ne soutiennent pas valablement avoir pu croire, après cela, que leur candidature serait retenue. Ce d’autant que si par lettre du 30 juillet 2012, le gérant des concessionnaires a demandé à l’importateur de lui confirmer leur maintien dans le réseau après l’échéance des résiliations, au 30 juin 2014, la réponse du 11 septembre 2012 ci-dessus était dépourvue d’ambiguïté.

En outre, par lettre 9 octobre 2012, l’importateur a également rappelé expressément au gérant des concessionnaires sortants que la conclusion de tout nouveau contrat après la date du 30 juin 2014 restait tributaire d’une décision favorable de sa part et qu’elle était libre de déterminer sa volonté ou non de continuer la collaboration.

A cet égard, le Tribunal de commerce doit donc être approuvé d’avoir retenu que l’attitude de l’importateur n’avait pas été empreinte de mauvaise foi.

Si les appelantes affirment que l’importateur a compromis les chances de cession du fonds de commerce et détourné la clientèle au profit du successeur, les premiers juges ont exactement retenu que la preuve n’en était pas rapportée.

Encore faut-il préciser, s’agissant des chances de cession du fonds de commerce, que dès lors que les contrats de distribution ne prévoient aucune modalité d’assistance dans la cession du fonds de commerce au cas de résiliation, la durée de deux années du préavis n’étant pas contestée, les concessionnaires sortants n’établissent pas avoir été, du fait de l’importateur, empêchés de négocier avec un successeur la valeur de leur clientèle propre non attachée à la marque. Les lettres adressées par l’importateur postérieurement à l’échéance de résiliation, à partir d’août 2014, pour la dépose des enseignes de distributeur sont sans rapport avec le fait allégué.

S’agissant du prétendu détournement de clientèle commis par l’importateur au profit du successeur, dès lors qu’il était possible à celui-ci de se procurer la liste de certains clients locaux de la marque par l’acquisition d’un fichier commercialisé établi à partir du fichier des immatriculations, les lettres adressées à des clients des concessionnaires appelants par le successeur, ni aucun autre élément, ne prouvent le fait allégué.

S’agissant du grief formé contre l’importateur et pris du fait d’avoir contrarié l’activité normale des concessionnaires pendant le préavis, il y a lieu d’apporter les précisions suivantes.

Dès lors que ce grief ressortit à la responsabilité contractuelle de l’importateur, il appartient au cocontractant qui s’en prétend victime et sollicite des dommages-intérêts de démontrer que le préjudice qu’il allègue en découle.

En l’espèce, les concessionnaires sortants soutiennent que “les objectifs ont été unilatéralement fixés en violation des stipulations contractuelles, imposant au concessionnaire une augmentation qui n’était pas justifiée”.

L’importateur soutient que les anciens concessionnaires sont forclos pour agir en responsabilité à ce titre, dès lors qu’il se sont abstenus de mettre en œuvre la clause d’expertise de l’article 16 des contrats de distribution.

Toutefois, l’article 16 des contrats de distribution prévoit :

“ Objectif de vente

16.1 Dans le cadre du présent contrat, le Distributeur s’engage à consacrer tous les moyens nécessaires pour vendre et livrer au cours de chaque année civile, le nombre de véhicules neufs HYUNDAI fixé d’un commun accord ou à défaut selon la procédure ci-dessous définie.

Ces véhicules seront répartis par mois selon les indications d’Automobiles Hyundai France en fonction du potentiel de vente sur la zone de chalandise, des estimations prévisionnelles de ventes d’Automobiles Hyundai France, des éléments connus du marché et des besoins exprimés par le Distributeur tout en tenant compte des ventes des Produits Contractuels précédemment réalises par ce dernier.

A cet effet, chaque année Automobiles Hyundai France indiquera par lettre recommandée avec accusé de réception les éléments proposés pour l’année suivante tenant notamment compte du potentiel de vente. Le Distributeur devra répondre dans les trente jours à compter de la réception de ladite lettre. A défaut d’accord, l’une des parties devra, dans les trente jours de l’expiration du delai précité, saisir le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Pontoise pour la nomination d’un Expert chargé de déterminer l’objectif annuel dans le cadre d’une procédure contradictoire.

Les frais de l’expertise seront à la charge du demandeur.

Il est convenu d’un commun accord que tant que la décision de l’expert ne sera pas rendue, il sera fait application provisoirement de la proposition d’Automobiles Hyundai France.

A défaut de saisine dans le délai susvisé, la proposition d’Automobiles Hyundai France sera réputée acceptée définitivement et sans réserve par le Distributeur.”

Alors que l’importateur ne justifie pas en l’espèce d’avoir adressé ses propositions d’objectifs par lettre recommandée avec accusé de réception ni par tout autre moyen d’effet équivalent, la fin de non-recevoir qu’il soulève doit être écartée.

Cependant, alors que nul manquement ou faute n’est établie contre l’importateur pour la fixation des objectifs, la Cour retient également que nul lien de causalité n’est démontré entre les augmentations des objectifs prétendues injustifiées, d’une part, et, d’autre part les préjudices allégués à savoir : le cumul des pertes essuyées à l’occasion du préavis, les investissements inutiles, la dépréciation de la valeur des entreprises (cf. p.80 à 83 conclusions des appelantes).

En effet, il n’est pas démontré que l’élévation des objectifs de vente ait eu d’autre conséquence que de déclencher l’augmentation des fonds de roulement des concessionnaires, qui a été complété par voie d’emprunt à hauteur de 600 000 euros ainsi qu’il a déjà été dit, sans que rien n’établisse ni que cet endettement, qui, aux termes du contrat, s’est traduit par un coût de 77 216 euros seulement étalé sur 5 ans, en plus du remboursement du capital, a causé les pertes essuyées à l’occasion du préavis, ni qu’il a rendu inutiles les investissements décidés en toute connaissance de cause par les concessionnaires, ni qu’il a contribué à la dépréciation alléguée de la valeur des entreprises.

A cet égard, il doit être rappelé que le gérant des sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto, dès sa lettre à l’importateur du 11 septembre 2012, avait subordonné l’envoi des “business plan” à cinq ans des deux sites - documents qui étaient exigés pour l’instruction des dossiers pour les éventuels nouveaux contrats de concession - à la production par l’importateur des “plans produits” sur cinq ans, des objectifs et parts de marché prévisibles, des conditions de marge, avec précision quant au maintien ou à l’évolution du secteur géographique.

Ceci démontre que ce gérant concevait des doutes quant aux possibilités effectives de croissance reflétées dans les objectifs proposés par l’importateur, et souligne qu’il avait pris en connaissance de cause le risque de maintenir les investissements litigieux, qui avaient été décidés dès avant les fortes augmentations d’objectifs pour 2012.

Faute d’établir la réalité des préjudices découlant du manquement allégué quant à la détermination des objectifs de vente, les demandes en dommages-intérêts à ce titre ne peuvent donc pas prospérer.

Il est encore reproché à l’importateur de s’être “ingénié” à contrarier l’approvisionnement normal des concessions :

- en saturant l’encours de financement, compromettant la livraison normale de véhicules commandés ;

- en exigeant paiement comptant des lots de véhicules alors qu’une ligne d’encours restait disponible, occasionnant un double paiement de certains véhicules ;

- en facturant et en se faisant régler comptant des véhicules dont elle n’avait pas la disponibilité ;

- en refusant de tenir compte des demandes du concessionnaire dont elle avait désorganisé la trésorerie.

Toutefois, le Tribunal doit être approuvé d’avoir retenu que les demandeurs n’établissaient pas le préjudice que ces comportements leur auraient causés, en particulier en l’absence de lettres d’annulation de commandes de clients ou de réclamations de ces derniers.

Il est également reproché à l’importateur de s’être opposé à l’adaptation de l’encours.

Toutefois, à cet égard, les premiers juges ont retenu, sans critique valable de la part des appelantes, que par lettre du 27 août 2011, elles avaient admis un encours augmenté à hauteur de 100 000 euros, sans établir qu’une inaction de Hyundai leur avait créé un préjudice dont aucun élément n’était valablement justifié ; le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Il est encore reproché à l’importateur d’avoir intentionnellement pesé sur la trésorerie en retenant le paiement de sommes dues à hauteur de 256 633 euros, somme réduite par compensation et ayant donné lieu à deux procédures en référé, avec mesure d’instruction pour faire les comptes entre parties ; les appelantes insistent sur l’attitude prétendument dilatoire de l’importateur.

Toutefois, ni la lettre du conseil des appelantes du 17 mai 2016, ni l’assignation en référé, émanant des appelantes, ni les ordonnances de référé produites, lesquelles sont dépourvues d’autorité de chose jugée au principal, ne prouvent qu’au-delà des difficultés à établir les comptes entre parties et en dehors de la certitude de l’existence d’un solde de créance finalement payé par l’importateur, celui-ci a commis des manquements contractuels identifiés et susceptibles de lui être imputés après avoir été vérifiés par la présente Cour statuant au fond dans le cadre de la présente procédure contradictoire.

Nul préjudice n’est prouvé avoir été causé en l’espèce par la pratique imputée à l’importateur et consistant à avoir livré des véhicules neufs dont le départ de garantie aurait été antidaté.

Nul préjudice n’est davantage prouvé avoir été causé en l’espèce par le fait que l’importateur a reproché au concessionnaire le défaut d’installation des nouvelles enseignes dans le cadre de l’exigence de nouvelle image, nonobstant le fait qu’il en ait lui-même bloqué la livraison.

Les concessionnaires sortants ne démontrent pas en effet, malgré la lettre de leur gérant du 12 septembre 2012 déjà mentionnée, qu’elles n’avaient pas pu établir les business plans sur cinq ans avant juillet 2013, alors que ce retard est la raison invoquée par l’importateur pour avoir bloqué les livraisons des enseignes et que ni la mauvaise foi de celui-ci, ni un quelconque préjudice matériel du chef de ce blocage ne sont établis.

S’agissant du refus fautif d’agrément en qualité de distributeur, les appelantes soutiennent que les concessionnaires ont vainement fait acte de candidature deux fois, le 24 juillet 2012 et à nouveau le 28 novembre 2013 l’importateur ayant opposé un refus d’agrément sans examen, revendiquant ainsi une sélection discrétionnaire de ses distributeurs en vertu d’une jurisprudence nationale contraire au droit de la concurrence de l’Union européenne tel qu’exprimé dans l’arrêt Metro (CJCE, 25 octobre 1977, Metro SB-Grossmärkte GmbH & Co. KG contre Commision des communautés européennes du 25 octobre 1977, Aff. 26-76) en ce que, selon le moyen, la distribution sélective quantitative en cause serait nécessairement et d’abord qualitative, de sorte que les critères de ce dernier système devraient se cumuler avec ceux de la distribution quantitative, et non disparaître au profit de ces derniers seuls.

Il est soutenu que la difficulté ci-dessus relative à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne rendrait nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.

Il est également soutenu que la procédure d’agrément a fautivement méconnu en l’espèce tant les droits constitutionnels des concessionnaires évincés, à savoir la liberté du commerce et de l’industrie dont ils bénéficient également, que le principe de bonne foi contractuelle, dès lors que l’importateur s’était abstenu, avant de rejeter les candidatures des concluants, de faire application des critères prédéfinis qu’il avait lui- même adoptés et expressément présentés, conformément aux propositions du nouveau règlement d’exemption, comme étant le fondement de la sélection de ses distributeurs.

Concernant le droit de la concurrence, l’importateur soutient que le refus d’agrément est un acte unilatéral et qu’il ne pourrait donc être appréhendé sur le fondement du droit des ententes, faute d’accord entre au moins deux parties visant à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence.

Les appelantes répondent que l’entente verticale à considérer ne réside pas dans l’accord à conclure, mais dans la multitude des accords conclus par ailleurs, qui contribuent à la constitution du réseau, dont la légalité va gouverner l’appréciation du refus d’agrément.

Selon les moyens des appelantes, les concessionnaires sortants soutiennent essentiellement l’illicétité du réseau de distribution en cause au regard du droit de la concurrence, à cause des refus d’agrément qui leur ont été opposés par l’importateur, bien qu’ils aient rempli toutes les conditions selon les critères définis, faisant valoir que par ces refus constitutifs selon eux d’une entente prohibée, ils ont été évincés du marché au profit d’un nouvel entrant qui les a remplacés sur les zones de chalandise jusque-là couverte par les deux concessions, puisque la société Jean Lain s’était installée en leurs lieu et place : à Chambéry dans la même rue que le société Safirauto ; à Albertville également, où un atelier de réparation a été ouvert ; à Annecy et à Annemasse.

Sur les moyens pris du droit de la concurrence, la Cour rappelle que :

- les articles 101, §1 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce prohibent, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à la constitution d'une entente anticoncurrentielle ;

- l’application de ces dispositions suppose l’existence d’un concours de volontés entre au moins deux opérateurs ;

- le seul fait d’être membre d’un réseau de distribution ne vaut pas acquiescement même tacite a une invitation apparemment unilatérale du fournisseur a commettre certaines pratiques, d'autres indices devant démontrer cet acquiescement, comme par exemple, l'application, par les distributeurs, de la pratique souhaitée par le fournisseur ;

- il en va autrement lorsque ce comportement concerne la politique d‘agrément des distributeurs par le fournisseur selon les critères du réseau prévus dans les contrats de distribution sélective, condition fondamentale de la licéité même du réseau au sens de l'artic1e 101, alinéa 1 du TFUE.

A ce dernier égard, si l'adhésion des distributeurs à un système de distribution sélective, concrétisée par la signature d'un contrat entre la tête de réseau et les distributeurs, traduit l'existence d'un accord de volontés entre la tête de réseau et chacun de ses distributeurs, pour les conditions qui y sont exprimées, et si les refus de contracter litigieux ne résultent pas en l’espèce de critères explicités dans le contrat de distribution, les circonstances établissent néanmoins que lorsque la société Jean Lain a annoncé, par note de service interne du 7 janvier 2014, soit avant l’expiration du préavis donné aux concessionnaires sortants, qu’elle s’était vue confier la distribution de la marque Hyundai “sur le territoire de la Savoie, Annecy et Annemasse”, ce fut en considération du fait connu par elle et accepté que la politique de l’importateur conduisait à ne pas renouveler les concessionnaires appelants ; ce faisant, le nouveau distributeur a nécessairement acquiescé à cette politique, et a en même accepté les risques futurs le concernant.

Il n’est donc pas valablement soutenu que les refus de contracter litigieux relatifs aux contrats de distribution, même à les supposer non discriminatoires, ne seraient pas des accords de volonté au sens du droit des ententes.

S’agissant de la licéité du réseau de distribution, si les droits européen et national de la concurrence admettent les systèmes de distribution sélective malgré la moindre concurrence par les prix qu’ils induisent potentiellement, c’est parce que ces systèmes peuvent conduire à une amélioration de la concurrence par d’autres moyens que par les prix, ce qui est la justification de l’exemption, ainsi que le rappelle l’arrêt Métro cité par les appelantes.

C’est pourquoi, il résulte d'une pratique décisionnelle bien établie de l'Autorité de la concurrence, précédée par le Conseil de la concurrence (décision 01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France), jamais démentie, ni par les autorités de concurrence, ni par les juridictions de contrôle, que les contrats de distribution sélective, tels les contrats de concession de l'espèce, peuvent améliorer l’efficience économique à l’intérieur d’une chaîne de distribution.

Ainsi que le rappelle le règlement 330/2010, à la suite du règlement 2790/1999, la probabilité que de tels gains d’efficience l’emportent sur les éventuels effets anticoncurrentiels des restrictions contenues dans un accord de ce type, dépend du pouvoir de marché des autres entreprises concernées et, dès lors, du degré de concurrence des autres fournisseurs de biens et de services que l’acheteur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix ou de l’usage auquel ils sont destinés.

Selon le règlement 330/2010 de la Commission européenne, lorsque la part du fournisseur et celle du distributeur ne dépasse pas 30 % sur leur marché pertinent, un accord vertical qui ne comporte pas l’une des restrictions qui restent prohibées, doit être regardé comme ayant pour effet d’améliorer la production ou la distribution et de réserver aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte.

Or, il est constant en l’espèce que la part de marché de Hyundai est inférieure à 30% et que celle des concessionnaires appelants l’est également.

Les concessionnaires sortants écartés ont continué de pouvoir vendre d’autres marques de véhicules.

Il n'est pas davantage soutenu que le contrat de distribution contiendrait des clauses non exemptables au sens du règlement ci-dessus.

Le seul effet anticoncurrentiel allégué est celui résultant de la pratique tacite dénoncée et consistant, pour la tête de réseau, à choisir ses revendeurs de manière discrétionnaire, en écartant sans donner de raison les concessionnaires sortants, au profit de qui bon lui semble.

A cet égard, si l’arrêt Métro ci-dessus a énoncé (§20) que les systèmes de distribution sélective sont considérés comme étant conformes à l’alinéa 1 de l’article 101 du TFUE à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractères qualitatifs relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, et que ces critères soient fixés d’une manière uniforme à l‘égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, la Cour de justice de l’Union européenne, par arrêt du 14 juin 2012 (CJUE, 14 juin 2012, Auto 24 SARL c/ Jaguar Land Rover France SAS, C-158/11), a dit pour droit que, pour qu’un système de distribution sélective quantitative puisse bénéficier de l’exemption par catégorie du règlement automobile (n° 1400/2002), les critères définis régissant l’accès au réseau devaient être des critères dont le contenu précis peut être vérifié, sans qu’il soit nécessaire qu’un tel système repose sur des critères qui sont objectivement justifiés et appliqués de façon uniforme et non différenciée à l’égard de tous candidats à l’agrément.

La Cour de justice de l’Union européenne a encore précisé à l’occasion de cette affaire (cf. § 32 à 34 et 38) que la jurisprudence Métro était sans incidence puisque dans le cadre du règlement 2002 «un “système de distribution sélective quantitative” se distingue, par définition, de la sélection qualitative des distributeurs faisant l’objet du point 20 de l’arrêt Metro SB-Grossmärkte/Commission précité’.

La Cour de Justice a ainsi relevé (§ 33) que ce n’est que dans le contexte des systèmes de distribution sélective qualitative que le règlement n° 1400/2002, par la définition figurant à l’article 1er, paragraphe 1, sous h, exige notamment que les critères de sélection utilisés par le fournisseur soient “requis par la nature des biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tous les distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distribution, et appliqués d’une manière non discriminatoire”, tandis que le système de distribution sélective quantitative a été défini par ce même règlement comme étant un système de distribution sélective dans lequel le fournisseur applique pour sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent directement le nombre de ceux-ci.

Précisant la portée de l’exemption en matière de distribution sélective quantitative, au sens du règlement n° 1400/2002, la Cour de justice de l’Union européenne a ainsi dit que si les critères définis régissant l’accès au réseau doivent avoir un contenu précis pouvant être vérifié, un tel système ne devait pas nécessairement reposer sur des critères objectivement justifiés, appliqués de façon uniforme et non différenciée à l’égard de tous candidats à l’agrément. La Cour a d’ailleurs expressément relevé que le fait que, dans la pratique, les systèmes de distribution de véhicules automobiles neufs comportent très souvent des critères tant qualitatifs que quantitatifs était sans incidence sur la qualification de système de distribution sélective quantitative (§34), la seule présence, parmi l’ensemble des critères définis, de critères limitatifs du nombre des distributeurs excluant la qualification de distribution sélective qualitative, au profit de celle de distribution sélective quantitative.

L’arrêt du 14 juin 2012, qui cantonne à la distribution sélective purement qualitative les conditions d’objectivité et de non-discrimination des critères définis, s’applique également et sans aucun doute dans le contexte du règlement 330/2010.

En effet, dans le règlement 330/2010, la définition de la distribution sélective est générale et se lit ainsi : (article premier, 1, sous c) “un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système”.

Si ce règlement ne donne pas de définitions distinctes aux systèmes de distribution sélective purement qualitatifs, d’une part et quantitatifs, d’autre part, les lignes directrices sur les restrictions verticales (§ 175) les distingue cependant, en particulier pour sérier les effets anticoncurrentiels propres à chacun des deux types de distribution sélective : “Pour apprécier les effets préjudiciables que la distribution sélective peut avoir sur la concurrence au regard de l’article 101, paragraphe 1[ du TFUE], il convient de faire la distinction entre la distribution sélective purement qualitative et la distribution sélective quantitative. La première consiste à agréer les revendeurs sur la seule base de critères objectifs requis par la nature du produit tels que la formation du personnel de vente, le service fourni dans le point de vente, l’assortiment des produits vendus, etc. L’application de tels critères n’impose pas de limitation directe au nombre des revendeurs agréés. On considère en général que la distribution sélective purement qualitative ne relève pas de l’article 101, paragraphe

1, car elle ne produit pas d’effets préjudiciables à la concurrence pour autant que trois conditions soient remplies. Premièrement, la nature du produit en question doit être telle qu’un système de distribution sélective est nécessaire [...] Deuxièmement, les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de nature qualitative qui sont fixés de manière uniforme pour tous, portés à la connaissance de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoires. Troisièmement, les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire. La distribution sélective quantitative ajoute d’autres critères de sélection qui limitent plus directement le nombre potentiel de revendeurs agréés, en imposant par exemple un niveau de vente minimal ou maximal, en fixant le nombre de revendeurs agréés, etc.”

Le règlement 330/2010 caractérise la distribution sélective par les critères définis, sans changement par rapport au règlement automobile et sans remettre en cause le fait que l’exemption est accordée aux systèmes de distribution sélective quantitative sans qu’il leur soit nécessaire de reposer sur des critères qui sont objectivement justifiés et appliqués de façon uniforme et non différenciée à l’égard de tous candidats à l’agrément.

En particulier, la circonstance que les lignes directrices précitées indiquent que la distribution sélective quantitative ajoute d’autres critères de sélection limitant le nombre potentiel de revendeurs agréés n’implique nullement, ni ne suggère, que les critères devraient désormais être appliqués comme en matière de distribution sélective purement qualitative.

Il se déduit donc de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ci- dessus qu’aucune disposition législative ou réglementaire, de droit national ou communautaire, n’impose à la tête de réseau de justifier des raisons qui l’ont amené à arrêter le « numerus clausus » qui lui sert de critère quantitatif de sélection, s’agissant d’un système de distribution sélective quantitative.

Un système de distribution sélective quantitative dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd donc pas pour cela le bénéfice de l’exemption conférée par le règlement sur les accords verticaux.

Or, il est constant que la société Huyndai motor France a entrepris de mettre en place un système de distribution sélective quantitative pour la vente des véhicules neufs, dont elle a écarté les concessionnaires appelants au profit d’un concurrent, sans que soit d’ailleurs contesté par les appelants le principe même du “numerus clausus” appliqué à leur détriment, dont seule l’application subjective et discriminatoire est vainement contestée sur le fondement du droit de la concurrence issu du règlement d’exemption déjà cité ou de l’article L420-1 du Code de commerce.

En outre, il n'est pas versé aux débats le moindre commencement de preuve, selon lequel le contrat de concession de Hyundai, qui vise à protéger l’image de la marque, aurait en lui-même un objet anticoncurrentiel.

Dès lors, les refus de contracter litigieux, s’agissant de la distribution des véhicules neufs, ne sont pas fautifs au regard du droit des ententes.

La présente Cour a indiqué les raisons pour lesquelles elle estime qu’il n’est pas nécessaire de saisir la Cour de justice de l’union européenne d’une question préjudicielle.

S’agissant du moyen pris de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, combiné avec les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l’industrie, il doit être retenu que l’exigence de bonne foi ne requiert pas de la part de la tête d’un réseau de distribution la détermination ni la mise en œuvre d’un processus de sélection des distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés, ni d’appliquer ceux-ci de manière non discriminatoire.

Il n’est pas établi que la tête de réseau ait jamais entretenu les concessionnaires sortants, de manière déloyale, dans l’illusion que leurs contrats de distribution seraient renouvelés à l’échéance du préavis de résiliation, ni qu’elle ait négocié avec eux tandis que le concessionnaire remplaçant aurait été d’ores et déjà choisi.

Il n’est pas établi que la tête de réseau se serait engagée à examiner la candidature des concessionnaires sortants.

La circonstance que la tête de réseau n’ait pas contracté de nouveau contrat de distribution avec les concessionnaires sortants ne constitue pas une faute en vertu du principe de la liberté contractuelle.

Les refus d’agrément concernant les contrats de distribution n’entraînent donc pas la responsabilité de la tête de réseau.

S’agissant du contrat de réparateur agréé de la société Safirauto, les premiers juges doivent être approuvés d’avoir retenu qu’il était valablement résilié à compter du 10 juillet 2017, au titre de la résiliation extraordinaire, pour manquement de cette société à son obligation contractuelle expresse de prévenir par écrit la tête de réseau de toute délocalisation ou abandon de locaux, alors qu’il est constant que l’atelier d’Albertville avait été fermé sans mise en œuvre de la procédure contractuelle, et alors que le contrat prévoit une telle faculté de résiliation de plein droit pour un tel manquement.

Le Tribunal de commerce doit être approuvé d’avoir retenu que les divers griefs allégués par le réparateur agréé au titre de l’exception d’inexécution étaient soit non établis, pour ce qui concerne les sommes prétendument retenues indûment et le prétendu détournement des informations sur la clientèle au profit de la société Jean Lain, soit insuffisamment graves, pour ce qui concerne le défaut de livraison des signalétiques prévues au contrat.

L’abus du droit de résiliation n’est pas établi.

Les circonstances de cette résiliation ont rendu impossible la poursuite des relations contractuelles de réparateur agréé avec la société Safirauto.

S’agissant du contrat de réparateur de la société 74 Diffusion auto, il est établi que celui-ci a été résilié en la forme ordinaire par lettre recommandée du 5 décembre 2016, avec préavis de 24 mois.

Compte tenu de ce qui précède, de la communauté de gérant avec la société Safirauto dont le contrat de réparateur agréé est résilié aux torts de celle-ci et de la coopération manifeste entre ces sociétés, affichée comme telle envers l’importateur, tant la résiliation du contrat de réparateur agréé de la société 74 Diffusion auto que le refus de la tête de réseau de proposer un nouveau contrat de réparateur agréé à la suite de cette résiliation ne peuvent être qualifiés de discriminatoire au sens du droit de la concurrence, peu important en l’espèce que la société 74 Diffusion auto ait rempli les critères qualitatifs fixés par la tête de réseau.

Rien ne prouve en particulier que le contrat de réparateur litigieux a été résilié parce que la société 74 Diffusion n’était plus distributeur de véhicules neufs.

Rien ne prouve non plus que le contrat de réparateur agréé a été résilié en raison du choix par la tête de réseau d’un concurrent, que ce soit pour les contrats de distribution de véhicules neufs ou pour les contrats de réparateur agréé.

Il s’en déduit que le système de distribution en cause bénéficie de l’exemption par catégorie prévue par le règlement 330/2010, les autres conditions étant par ailleurs également remplies.

En outre, en vertu du principe de liberté contractuelle et en l’absence de déloyauté établie, rien n’obligeait la tête de réseau à s’abstenir de procéder à la résiliation ou à proposer un renouvellement de contrat à la société 74 Diffusion auto.

Il sera rappelé que l’exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part de la tête d’un réseau de distribution, la détermination et la mise en œuvre d’un processus de sélection sur le fondement de critères définis et objectivement fixés, ni l’application de ces critères de manière non-discriminatoires.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ces points.

Si, en cause d’appel, les appelantes visent, à titre de fondement subsidiaire de leurs demandes indemnitaires, les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, aucun des préjudices invoqués ne correspond à celui qui est réparable au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies.

En effet, alors que ces dispositions ne permettent de réparer que le préjudice résultant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même, ce qui implique de rechercher le gain manqué du fait de la brutalité prétendue, non seulement les préjudices allégués : cumul des pertes essuyées à l’occasion du préavis, investissements inutiles, dépréciation de la valeur des entreprises (cf. p.80 à 83 conclusions des appelantes) ne sont-ils pas réparables au titre de ces mêmes dispositions, mais encore la Cour cherche-t- elle vainement, dans la partie des conclusions d’appelantes consacrées à la discussion, des moyens de fait relatifs à une marge perdue du fait de la rupture brutale prétendue.

De tels moyens ne figurent pas davantage dans les conclusions d’intimée.

Il s’en déduit que le fondement pris des dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne peut permettre aux demandes indemnitaires de prospérer.

Et en outre, il résulte de ce qui précède qu’aucune rupture brutale de relations commerciales établies n’est imputable à la tête de réseau.

Si, en cause d’appel, les appelantes prétendent fonder la responsabilité de Hyundai sur la proposition de règlement transactionnel du 12 février 2014 que leur a faite l’importateur, au moyen que celui-ci aurait admis le principe de sa responsabilité en proposant une indemnisation pour un montant total de 500 000 euros, les propres termes de cette proposition d’indemnité transactionnelle sont expressément exclusifs de toute reconnaissance de responsabilité, alors que, par ailleurs, rien ne prouve en l’espèce un aveu de responsabilité qui, lorsqu’il est admissible, ne peut être présumé.

Il s’en déduit que le fondement pris de l’aveu de responsabilité ne peut davantage permettre aux demandes indemnitaires de prospérer.

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le surplus du jugement entrepris.

Les appelantes qui succombent en appel seront condamnées in solidum aux dépens d’appel et, en équité, verseront à la société Hyundai Motor France une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, Rejette les demandes des sociétés Safirauto, 74 Difusion auto, Santhibe et La Baja, Les Condamne in solidum à payer à la société Hyundai Motor France une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, Les Condamne in solidum aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

 

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