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Décisions

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-10.896

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Audivox (SAS)

Défendeur :

Gibmedia (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Piwnica et Molinié

T. com. Lyon, du 31 août 2015

31 août 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gibmedia, spécialisée dans la mise à disposition de contenus numériques à l'usage du grand public, a été en relation à compter de 2006 avec la société Audivox, qui édite des services en ligne payants, laquelle lui a confié la monétisation du contenu de ses sites ; que des contrats tripartites « Teletel » ont, à cette fin, été signés avec la société France Telecom, devenue la société Orange ; que cette dernière ayant mis fin à son offre « Teletel », la société Audivox, par contrat du 19 juin 2012, a confié à la société Gibmedia un mandat exclusif de représentation pour réaliser les opérations nécessaires à la mise en œuvre de l'offre « Contact+ » de la société France Telecom, venant en remplacement de l'offre Teletel ; que par une lettre du 18 mars 2013, invoquant la détérioration de leur relation, de nature à anéantir toute relation de confiance entre les parties, la société Audivox a notifié à la société Gibmedia la fin du contrat “Contact+” au 19 juin 2013, à l'issue du préavis contractuel de trois mois ; que la société Gibmedia a assigné la société Audivox en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, sur le fondement de l‘article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019 ; que la société Audivox a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Gibmedia à lui payer certaines sommes qui, selon elle, lui étaient encore dues ;

Sur le deuxième moyen : - Vu l‘article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019 ; - Attendu que pour condamner la société Audivox à payer à la société Gibmedia la somme de 48 000 euros sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, après avoir retenu que les deux sociétés avaient entretenu une relation commerciale établie qui avait débuté en 2006 par un premier contrat tripartite « Teletel », suivi d'autres contrats les années suivantes, et qui s'était poursuivie par le contrat du 19 juin 2012 relatif à l'offre « Contact+ » qui remplaçait l'offre « Teletel », l'arrêt retient que les insuffisances de reversements de sommes reprochées à la société Gibmedia, au titre des années 2010 à 2012, soit avant l'entrée en vigueur du contrat « Contact+ », ne peuvent constituer des manquements exonératoires du respect du préavis ;

Qu'en statuant ainsi, en refusant de prendre en considération les éventuels manquements commis par la société Gibmedia durant l'ensemble de la relation commerciale, même antérieurement à la prise d'effet du contrat « Contact+ », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche : - Vu l‘article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 24 avril 2019 ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore qu'eu égard à la durée de la relation commerciale entre les parties et aux autres circonstances au moment de la notification de la rupture, le préavis de trois mois accordés par la société Audivox dans son courrier de résiliation est insuffisant et que la société Gibmedia aurait dû bénéficier d'un préavis de sept mois ; qu'il en déduit qu'une indemnité de 48 000 euros doit être allouée à la société Gibmedia au titre des quatre mois de préavis non exécutés ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le préavis effectivement accordé à la société Gibmedia n'avait pas été de quatre mois et non de trois mois comme indiqué dans la lettre de résiliation, de sorte que les relations entre les parties se seraient poursuivies jusqu'au mois de juillet 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur ce moyen, pris en ses troisième et quatrième branches : - Vu l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 24 avril 2019 ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que l'indemnisation est opérée en fonction de la marge brute réalisée par la société Gibmedia antérieurement à la rupture, dans le cadre des relations commerciales entre les deux sociétés, et non pas seulement dans le cadre du contrat « Contact+ » ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Audivox soutenait, sans être démentie, que le chiffre d'affaires réalisé par la société Gibmedia en exécution du seul contrat « Contact+ » était vingt fois moins important que celui réalisé lors des contrats « Teletel » antérieurs, ce dont il résultait que seuls le chiffre d'affaires et le taux de marge dégagés dans le cadre du contrat « Contact + » étaient pertinents pour évaluer la marge brute que la société Gibmedia pouvait escompter percevoir durant la période de préavis qui n'avait pas été exécutée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Audivox de condamnation de la société Gibmedia à lui payer la somme de 40 000 euros au titre du solde dû sur les règlements de septembre 2012, l'arrêt retient que la société Audivox ne produit aucune pièce au soutien de sa demande et se limite à solliciter la confirmation du jugement alors que la société Gibmedia soutient ne pas devoir cette somme ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Audivox exposait, dans ses conclusions d'appel, les motifs susceptibles de fonder sa demande, en produisant différentes pièces à son soutien, la cour d'appel, qui a dénaturé le bordereau de pièces annexé aux conclusions de la société Audivox, a violé le principe susvisé ;

Et sur ce moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour limiter la condamnation de la société Gibmedia au paiement de la somme de 159 198,92 euros, correspondant aux seules facturations de janvier 2013 à juin 2013, l'arrêt relève que la société Audivox réclame le paiement de notes de crédit établies de janvier 2013 à juillet 2013 pour un montant de 197 593,45 euros et retient qu'il y a lieu de faire droit à sa demande, à l'exclusion toutefois des sommes correspondant à la période postérieure à la résiliation, soit celle courant à compter du 18 juin 2013 ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les relations entre les parties ne s'étaient pas poursuivies au-delà de la date annoncée de rupture de la relation commerciale, la cour d'appel a privé sa décision base légale ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Casse et Annule l'arrêt rendu le 24 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.