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Décisions

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-18.956

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Keroler (SAS)

Défendeur :

McDonald's France Services (Sarlu), Martin Brower France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Alain Bénabent, Me Le Prado

T. com. Paris, du 26 janv. 2015

26 janvier 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 avril 2018), qu'à compter de 1995, la société Keroler a fourni des produits de pâtisserie à la société McDonald's France services (la société McDonald's) et à ses franchisés par l'intermédiaire de la société Martin Brower France (la société Martin Brower), prestataire logistique des restaurants McDonald's ; qu'après avoir, entre le 16 septembre 2008 et le 23 octobre 2012, déréférencé successivement quatre produits fabriqués par la société Keroler, en lui accordant des préavis, la société McDonald's lui a, en octobre 2012, notifié sa décision de ne plus s'approvisionner auprès d'elle en mandises et lui a accordé un préavis de trente-six mois ; que, durant ce préavis, la société Keroler a adressé aux sociétés McDonald's et Martin Brower ses nouvelles conditions générales et particulières de vente, applicables à compter du 1er janvier 2013, comportant une forte augmentation de ses tarifs ; qu'en dépit de leur refus, elle leur a facturé ses livraisons en appliquant ces nouveaux tarifs ; que ses factures ayant été réglées sur la base des anciens prix, la société Keroler a assigné les sociétés McDonald's et Martin Brower en paiement du solde des factures et de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et abus de dépendance économique ;

Sur le premier moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Keroler fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes d'indemnisation au titre des mandises alors, selon le moyen, que  les parties peuvent en appel expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle la demande en indemnisation formée par la société Keroler à raison de la baisse de commandes des mandises durant la période de préavis précédant le déréférencement de ce produit quand cette demande, liée à l'absence de caractère effectif du préavis laissé à la société Keroler pour se réorganiser en vue du déréférencement de la mandise, était virtuellement comprise dans la demande initiale de la société Keroler fondée sur la rupture brutale par les sociétés McDonald's et Martin Brower des relations commerciales établies entre elles et en constituait, à tout le moins, le complément, la cour d'appel a violé l'article 566 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'en première instance, la société Keroler n'avait formé aucune demande pour rupture brutale des relations concernant les mandises, ne contestant ni la durée suffisante du préavis de trois ans qui lui avait été accordé au titre du déréférencement de ces produits, ni son effectivité, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que sa demande d'indemnisation au titre de la baisse des commandes de mandises pendant le préavis était nouvelle en appel et, partant, irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : 

Attendu que la société Keroler fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, alors, selon le moyen :

1°) que la société Keroler reprochait sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce à la société McDonald's d'avoir, jusqu'à la rupture de leurs relations commerciales en 2013, créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en refusant de renégocier de bonne foi les tarifs des produits fixés en novembre 2007 et ce malgré la hausse substantielle ultérieure, notamment en 2010, des prix des matières premières et le fait qu'en l'absence de tout contrat d'une durée ferme liant les parties, les conditions tarifaires pouvaient être renégociées à tout moment ; qu'en déboutant de la société Keroler de sa demande à raison « de l'absence d'application du texte susvisé sur la période en cause, ses dispositions issues de la LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008 », la Cour d'appel, qui a ainsi considéré que la demande de la société Keroler n'incriminait qu'un refus de renégocier de bonne foi les conditions tarifaires de 2007, a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

2°) que la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, entrée en vigueur le 6 août 2008, est applicable aux contrats et conventions conclus après cette date ; qu'en l'espèce, la société Keroler reprochait, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, à la société McDonald's d'avoir, jusqu'à la rupture de leurs relations commerciales en 2013, créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en refusant de renégocier de bonne foi les tarifs des produits fixés en novembre 2007 et ce malgré la hausse substantielle ultérieure du prix des matières premières et le fait, qu'en l'absence de tout contrat d'une durée ferme liant les parties, les conditions tarifaires pouvaient être renégociées à tout moment ; qu'en retenant que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce issues de la loi LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008 n'étaient pas applicables pour la période en cause sans donner aucun motif pouvant justifier, en l'absence de contrat-cadre conclu entre les parties, que l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ne soit pas applicable s'agissant des commandes passées après le 6 août 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard dudit texte ;

Mais attendu que l'arrêt retient souverainement que la société Keroler a tenté d'imposer unilatéralement à ses clientes de nouvelles conditions tarifaires qui n'étaient pas justifiées par l'augmentation du coût des matières premières ; qu'en l'état de cette appréciation, et abstraction faite du motif, surabondant, relatif à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la cour d'appel a pu, sans modifier l'objet du litige et par une décision motivée, écarter la demande de la société Keroler fondée sur l'existence alléguée d'un déséquilibre significatif ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs, la Cour :

Rejette le pourvoi.