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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 17-22584

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ederki (SAS)

Défendeur :

Distribution Casino France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

T. com. Lyon, du 24 oct. 2017

24 octobre 2017

"

FAITS ET PROCÉDURE

La société Ederki, est une entreprise agro-alimentaire commercialisant, principalement auprès de la grande distribution, des produits sur la base de recettes traditionnelles basques.

La société Distribution Casino France (ci-après «DCF») distribue des produits destinés aux consommateurs en particulier des produits alimentaires à travers ses divers magasins situés en France.

La société Ederki a développé des relations commerciales depuis 15 ans avec la société DCF.

Le 16 septembre 2013, à la requête de la société Ederki, le président du Tribunal de commerce de Saint Etienne a rendu une ordonnance d'injonction de payer condamnant la société DCF à payer à la société Ederki les sommes de 25 100,01 euros en principal et de 16 432,90 euros au titre des majorations, outre 5 600 euros correspondant aux pénalités et 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur l'opposition à cette ordonnance formée par la société DCF, après renvoi devant le tribunal de commerce de Lyon, ce Tribunal, par jugement du 24 octobre 2017, a :

- jugé que les conditions générales de vente de la société Ederki ne sont pas applicables et que les relations entre la société Ederki et la société DCF reposent sur l'accord cadre marque nationale :

- débouté la société Ederki de sa demande en paiement de la somme de 35 909,74 euros HT au titre des factures impayées.

- débouté la société Ederki de ses demandes en paiement à la société Distribution Casino France des sommes de 75 592,14 euros HT correspondant à des factures de pénalités de retard impayées, de 40 euros au titre des frais de recouvrement par facture impayée à son échéance et de 4 734,16 euros HT correspondant aux factures n° 2016 12 05, 2016 12 06 et 2016 12 07 ;

- débouté la société Ederki de sa demande de paiement à la société DCF de la somme de 15 929,82 euros HT au titre de l'article 6.2. des conditions générales de vente de la société Ederki ;

- débouté la société Ederki de sa demande de règlement à la société DCF d'un montant de 238 155,60 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;

- débouté la société Ederki de ses demandes en paiement à la société DCF des sommes de 1 060 957,95 euros HT au titre des réductions de prix, 1 252 751,58 euros HT au titre des sommes indûment réglées au titre de la rémunération de prestations de services au cours des années 2007 à 2016 et 15 057,40 euros HT correspondant à une double facturation de prestations de coopération commerciale injustifiée ;

- débouté la société DCF de ses demandes de règlement à la société Ederki des sommes de 360 688 euros en principal pour les années 2009 à 2015, et 360 688 euros en principal pour l'année 2016 au titre des prestations de coopération commerciale.

- dit que chacune des parties aura la charge de sa défense et rejette toutes demandes en application de l'article 700 du CPC ;

- dit que les dépenses seront partagées par moitié par les parties ;

- débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.

Le 8 décembre 2017, la société Ederki a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d'appel de Paris.

Vu les dernières conclusions de la société Ederki, notifiées le 18 février 2020, par lesquelles elle prie la cour de :

Vu les articles L. 441-6, L. 441-7, L. 442-6 et D.441-5 ancien du Code de Commerce,

Vu les articles 1290, 1291, 1134 et 1315 anciens du Code Civil,

Recevant la société Ederki en son appel,

- l'y déclarer bien fondée

- juger la société Ederki recevable et bien fondée en ses demandes.

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lyon le 24 octobre 2017.

et

A titre principal

- juger que les conditions générales de vente d’Ederki sont applicables à sa relation commerciale avec la société DCF.

- constater que la société Ederki a bien rapporté la preuve de ses créances à l'encontre de la société DCF.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 66 850,59 euros hors taxes au titre des factures impayées par la société DCF avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 46 327,59 euros hors taxes au titre des déductions d'office injustifiées réalisées par la société DCF sur les factures de la société Ederki avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 90 706,65 euros hors taxes au titre des pénalités de retard, des frais de traitement des débits d'office et des frais de recouvrement avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 18 211,48 euros hors taxes au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article 6.2 des conditions générales de vente d'Ederki avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013.

- juger que la société DCF a indûment bénéficié de réductions de prix de la part de la société Ederki pour des services non rendus.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 1 533 469 euros hors taxes au titre des réductions de prix indûment perçues augmentés des intérêts avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013.

- juger que la société DCF a indûment perçu de la part d'Ederki des sommes pour des prestations de services de coopération commerciale non rendues.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 1 191 142 euros hors taxes augmentés des intérêts avec anatocisme au titre des prestations de services de coopération commerciale indûment payées par la société Ederki.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 15 057,40 euros hors taxes au titre des prestations de coopération commerciale payées deux fois par Ederki.

- juger que la société DCF a partiellement rompu brutalement ses relations commerciales établies avec la société Ederki.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 282 821 euros hors taxes à titre d'indemnisation de la rupture brutale partielle des relations commerciales établies avec la société DCF subie par la société Ederki.

A titre subsidiaire

- juger que seules les dispositions des conditions générales de vente de la société Ederki relatives aux délais de paiement sont inapplicables à sa relation commerciale avec la société DCF.

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 24 585 euros hors taxes au titre des rémunérations indûment perçues par la société DCF en raison de son calcul erroné du prix des services de coopération commerciale

- juger que les demandes reconventionnelles de DCF sont infondées et les rejeter.

En tout état de cause

- condamner la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 25 000 euros hors taxes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner la société DCF aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence T.-B. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Vu les dernières conclusions aux fins de réformation partielle de la société DCF, intimée, notifiées le 13 février 2020 par lesquelles elle prie la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 8° du Code de commerce,

Vu l'article L. 441-6 I alinéa 7 du même code,

Vu l'article L. 110-4 I du même code,

Vu l'article 1315 du Code civil,

Vu l'article 1226 du même code,

Vu l'article 1134 du même code,

Vu l'article 1152 du même code,

Vu l'article 6 du Code de procédure civile,

Vu l'Accord Cadre Marque Nationale,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces,

- confirmer partiellement le jugement entrepris et :

juger que les conditions générales de vente de la société Ederki ne sont pas applicables puisque les relations entre les deux parties reposent uniquement sur l'Accord Cadre Marque Nationale ;

juger en conséquence que la société Ederki ne peut valablement soutenir que les déductions d'office devaient se faire uniquement avec son accord et qu'elle ne peut ainsi réclamer le règlement des pénalités de retard des factures non payées à l'échéance, les frais de recouvrement, l'indemnité forfaitaire et les frais de traitement liés aux déductions d'office qu'elle estime injustifiées,

juger que la société Ederki a été en mesure de présenter ses observations sur les déductions effectuées par la société DCF, mais qu'elle n'a pas souhaité faire valoir ses observations,

juger que la société Ederki ne respecte délibérément pas les procédures de réclamations de la société DCF ;

juger que la société DCF a respecté les dispositions de l'article L. 442-6 alinéa 8 du Code de commerce,

juger qu'en tout état de cause, à l'appui de ses demandes, la société Ederki ne rapporte aucune justification permettant d'apprécier les déductions d'office qu'elle estime injustifiées,

juger que la société Ederki ne rapporte pas non plus de décompte ou de justificatif concernant les sommes réclamées au titre des marges arrière,

juger que la somme réclamée par la société Ederki au titre de la facture de coopération commerciale pour l'année 2002 est prescrite,

débouter la société Ederki de sa demande d'indemnisation au titre d'une prétendue rupture partielle de la relation commerciale établie

juger que la demande de la société Ederki au titre des réductions de prix dont la société DCF aurait injustement bénéficié est irrecevable comme prescrite et n'est ni fondée, ni justifiée,

juger que la demande de la société Ederki au titre de la rémunération qui aurait été indûment versée à la société DCF pour des prestations de coopération commerciale est irrecevable comme prescrite et n'est en tout état de cause pas justifiée,

débouter la société Ederki de la totalité de ses demandes

A titre subsidiaire sur le fond

enjoindre avant dire droit, si toutefois les conditions générales de la société EDERKI devaient être considérées comme applicables, à la société Ederki de fournir un décompte de ses demandes précisant celles présentées lors de l'injonction de payer, demande par demande et facture par facture, afin de permettre la vérification du respect des règles de prescription et à défaut rejeter toute demande à ce titre comme étant prescrite

juger, si toutefois les conditions générales de la société Ederki devaient être considérées comme applicables :

- que celle-ci ne rapporte aucune preuve valable des sommes qu'elle réclame au titre des intérêts de retard et du fait qu'elle ait adressé ses factures en temps utile à la société DCF,

- que celle-ci ne rapporte aucune justification de frais de recouvrement qu'elle aurait engagés,

- que celle-ci ne rapporte aucune justification concernant les frais de traitement qu'elle réclame,

juger également dans ce cas, que la société Ederki n'apporte également aucune preuve valable concernant le montant qu'elle réclame au titre de l'indemnité forfaitaire, et qu'en tout état de cause, si la Cour considérait que cette indemnité forfaitaire était applicable, il devra en réduire le montant de manière significative du fait de son caractère excessif,

A titre reconventionnel

juger que la société Ederki est redevable de la somme de 167 801,76 euros en principal, outre intérêts, au titre des prestations de coopération commerciale réalisées par la société DCF pour les années 2009 à 2017, outre mémoire pour 2018 et 2019

condamner la société Ederki à verser à la société DCF la somme de 167 801,76 euros en principal, outre intérêts, au titre des prestations de coopération commerciale réalisées pour les années susvisées, outre mémoire pour 2018 avec anatocisme des intérêts et 2019

En tout état de cause

débouter la société Ederki de toutes ses demandes fins et conclusions,

condamner la société Ederki à verser à la société DCF la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société Ederki au paiement des entiers dépens avec distraction au bénéfice de la SCP L. D.

SUR CE, LA COUR

Il convient de rappeler que les notes en délibéré non autorisées n'ont pas à être prises en compte conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur l'application des conditions générales de vente (CGV) de la société Ederki

Ederki qui produit la lettre de la DIRECCTE Rhône Alpes du 24 mai 2013 (sa pièce 59) soutient que :

- les CGV du fournisseur constituent en vertu de l'article L. 441-6-1 ancien du Code de commerce, le socle unique de la négociation commerciale, de sorte que la convention unique récapitulative annuelle négociée entre le fournisseur et le distributeur conformément à l'article L. 441-7 du même code est légalement tenue de prendre en compte ses CGV ;

- l'accord-cadre du groupe Casino conclu chaque année entre les parties prévoit expressément l'application des CGV du fournisseur à certains aspects de la relation commerciale ;

- que les CGV qu'elle entend voir appliquer ne sont pour l'essentiel que la transposition des dispositions légales applicables ;

- qu'en tout état de cause, seules les dispositions de ses CGV relatives aux délais de paiement sont contraires aux stipulations de l'accord-cadre du groupe Casino.

Mais si les conditions générales de vente constituent le socle des négociations (article L. 441-6-1 alinéa 7 ancien du Code de commerce), la convention écrite établie dans un document unique est le résultat de la négociation entre le fournisseur et le distributeur ainsi qu'il résulte de l'article L. 441-7 du Code de commerce.

Dès lors l'accord-cadre marque nationale signé chaque année intervenu entre les parties est applicable et se substitue aux CGV, s'agissant des relations entre les parties en application de l'article L. 441-7 du Code de commerce, mais seulement en ce qu'il porte sur les conditions de vente des produits et les prestions de services et autres obligations des parties permettant de déterminer le prix convenu.

Sur les factures non payées à échéance

Ederki soutient que le Tribunal de commerce qui l'a déboutée de sa demande de ce chef, a inversé la charge de la preuve sur le fondement de l'article 1315 alinéa 2 ancien du Code civil, la réalité et le bien-fondé des factures impayées n'étant pas contestés par DCF, seule étant en débat, la ventilation des règlements effectués par le groupe Casino entre 2012 et 2013, dont la preuve pèse sur DCF.

Elle sollicite la somme de 9 547,86 euros HT selon un décompte figurant dans ses écritures au titre de factures échues impayées ainsi que la somme de 5 303,11 euros HT (facture du 31 juillet 2016) au titre des intérêts de retard de paiement au cours de l'année 2015 (pièce 64) soit au total au 31 décembre 2019, la somme de 66 850,59 euros HT, incluant les factures des intérêts de retard de 2013 à 2019, suivant état récapitulatif (pièce 111).

Mais, s'il appartient en effet à celui qui se prétend libéré de justifier le payement, encore faut-il que les factures impayées alléguées soient produites. La seule énumération de celles-ci est inopérante, de même que la seule production des factures d'intérêts de retard (pièce 64 et 111). DCF fait justement valoir à cet égard que le tableau listant les factures qui figure dans les écritures de l'appelante, n'indique pas les pièces auxquelles celle-ci se réfère, étant observé que la lecture du bordereau de communication de pièces ne permet pas davantage d'identifier les factures en cause.

Cette demande est donc rejetée.

Sur les déductions d'office injustifiées

Ederki soutient que DCF a procédé pendant de nombreuses années à des déductions d'office sur les sommes qui lui étaient dues, motif pris de prétendus manquements de sa part, procédé destiné à refuser d'appliquer d'une année sur l'autre les nouvelles conditions tarifaires applicables au mépris de ses engagements contractuels et des dispositions légales. Elle demande la condamnation de DCF à lui verser à ce titre la somme totale au 31 décembre 2019 de 46 327,59 euros HT.

DCF rétorque que :

- les déductions d'office opérées sont parfaitement légales et conformes aux dispositions de l'article L. 442-6 1 8 du Code de commerce qui ne visent pas des débits opérés pour différence de prix ou erreurs de livraison,

- la société Ederki a fait le choix de ne pas se conformer à ses procédures internes mises en place alors qu'elle a toujours été en mesure de connaître les raisons des déductions d'office effectuées, et de démontrer le caractère infondé de la déduction opérée.

Ederki dresse une liste de notes de débit opérées par DCF dont elle demande le remboursement.

DCF indique avoir remboursé en 2015 33 APC sur 65 émis, que Ederki lui réclame pourtant la somme complémentaire de 10 892,52 euros à ce titre pour refus d'application de ses nouveaux tarifs.

En 2016, DCF reconnaît avoir émis 17 avoirs pour compte (APC) (ses pièces 76 et 77), dont 5 ont été remboursés pour un montant de 2 509,15 euros et les 12 autres d'un montant total de 674,53 euros n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part d'Ederki. Elle ajoute avoir établi 8 factures de pénalités pour un montant total de 1 701,63 euros (sa pièce 78) non contestées dans les formes par Ederki et qui ont été déduites, ainsi que des APC pour un montant total de 695,81 euros HT du 1er janvier 2017 au mois de mai 2018.

  1. 442-6 I 8° du Code de commerce dispose :

\"I- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...),

8° De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant\".

Ederki se prévaut de l'interdiction depuis 2012 des débits d'office en vertu de l'article 3.3 de ses CGV (pièce 98 - CGV année 2017) qui dispose :

\"Tout débit d'office est, conformément aux textes en vigueur, interdit et générera automatiquement l'émission d'une facture de frais de traitement de 68euros HT, que celui-ci soit justifié ou non\".

Cependant, ainsi que le soutient DCF, les débits opérés en ce qu'ils portent sur une différence de prix ou sur des erreurs de livraison, et qui ont donné lieu à des avoirs pour compte, ne contreviennent pas aux dispositions de l'article L. 442-6 I 8° du Code de commerce.

DCF fait justement valoir qu'il appartenait à Ederki d'effectuer les réclamations requises selon les modalités qu'elle avait mises en place relativement à l'avoir pour compte en cas d'écarts de prix ou de quantités.

Dès lors, les demandes de remboursement formées par Ederki à cet égard ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les pénalités de retard, frais de traitement, frais de recouvrements et indemnité forfaitaire

Les demandes formées par Ederki à ce titre ne peuvent qu'être rejetées, ses demandes principales en paiement ou au titre des déductions d'office ayant été écartées.

Sur les réductions de prix et les services commerciaux payés par Ederki

Ederki se prévaut de l'article L. 441-7 du Code de commerce issu de la loi LME n° 2008-776 du 4 août 2008 qui a transformé les anciens services distincts en autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et l'acheteur permettant de les faire figurer en réduction de prix sur les factures du fournisseur et dit que le groupe Casino a exigé de ses fournisseurs qu'ils reconduisent leurs anciens services distincts sous forme de réductions de prix aux mêmes conditions tarifaires, réductions de prix qui sont traitées aux conditions particulières de vente (CPV).

Elle soutient que les sommes ainsi perçues par DCF au titre des réductions de prix afférentes à des services commerciaux ne correspondent à aucune prestation réellement fournie par Casino.

Elle ajoute qu'en vertu de l'article L. 442-6 III du Code de commerce, il appartient à DCF de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation, ce que cette société ne fait pas.

Ederki sollicite en conséquence, la condamnation de DCF à lui verser la somme de 1 533 469 euros HT au titre des réductions de prix indûment perçue pour des services fictifs.

Ederki soutient également que le groupe Casino lui a indûment facturé des prestations de services de coopération commerciale fictives ne constituant qu'un \"habillage\" du taux de rémunération fixe au titre de la coopération commerciale mise en place et sans respect du formalisme prévu à cet égard. Elle sollicite en conséquence la condamnation de DCF à lui rembourser la somme de 1 191 142 euros HT à ce titre et la somme de 15 057,40 euros HT au titre des prestations payées deux fois.

S'agissant des réductions de prix, il résulte des factures produites que les produits Ederki sont présents dans les hypermarchés, supermarchés et le réseau de proximité. Ainsi DCF a rendu le service concernant la diffusion dans les réseaux de distribution Casino France dont Ederki soutient à tort que la présence de ces produits serait inhérente à la fonction de distributeur alors que la couverture nationale qui lui est offerte et l'accès à des clientèles différentes constituent un avantage au détriment d'autres fournisseurs et d'autres produits ainsi que le fait justement valoir DCF. Ainsi, les réductions de prix au titre de l'optimisation de la diffusion dans les différents réseaux Casino sont justifiées.

Il en est de même des réductions de prix au titre de la détention en entrepôt, au regard du service effectif rendu à Ederki en lui permettant de livrer sur un site unique et du coût du stockage notamment.

S'agissant des statistiques de vente, DCF justifie de l'envoi des statistiques en 2018, 2019 et 2020 (ses pièces 98 à 99 et 108) ainsi qu'en 2014 (sa pièce 27), étant observé qu'il n'est pas établi la gratuité des engagements FEEF concernant la communication des statistiques.

La prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce invoquée par DCF est applicable aux réductions de prix. Ces demandes ayant été présentées devant le Tribunal de commerce à l'audience du 27 janvier 2016 (pièce 86.4 de DCF), celles portant sur les réductions de prix 2009 et 2010 sont prescrites.

Faute de justifier de l'envoi des statistiques pour les années 2011, 2012, 2013, 2015, 2016 et 2017 représentant une réduction tarifaire de 3 %, du chiffre d'affaires, la réclamation d'Ederki doit être accueillie, au vu des chiffres d'affaires net réalisés en entrepôt et en direct pour les années concernées, soit la somme de 85 616,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016 sur la somme de 65 726,88 euros et à compter du 18 février 2020, date des conclusions actualisées en ce sens devant la Cour, sur la somme de 19 890,03 euros.

Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus pour plus d'une année entière.

S'agissant des services de coopération commerciale, DCF expose avoir confié depuis le mois de décembre 2001 à la société Régie Media Trade (RMT) la charge de prospecter et de commercialiser auprès des fournisseurs la publicité à utiliser sur les différents supports publicitaires ainsi que les opérations de Trade Marketing ; que RMT s'est substituée Highco Media Cosmos ; qu'avant 2014, la Régie émettait une facture détaillée des services ainsi rendus que le fournisseur ne réglait pas au regard des acomptes mensuels versés. Depuis 2014, la Régie ne facture que pour le compte de DCF.

DCF oppose justement la prescription annale figurant à l'article 7 de ses conditions générales de vente depuis 2012, relatif aux services de coopération commerciale qui dispose notamment :

\" Toute contestation relative à l'interprétation ou à l'exécution du contrat devra être notifiée par lettre recommandée - accompagnée des justificatifs nécessaires à la vérification de son bien-fondé- et ne sera plus recevable, par dérogation aux dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce, au-delà d'une période de douze mois suivant la fin de l'année civile durant laquelle le contrat a été conclu\".

En effet, il ne saurait se déduire de la seule circonstance qu'un accord-cadre ait été conclu entre les parties sur les prestations de service, l'inapplicabilité de la prescription dérogatoire contenue dans les CGV aux services de coopération commerciale. Par ailleurs, si DCF estime les CGV inapplicables sur certains points, il ne peut lui être interdit de s'en prévaloir sur d'autres.

Ces demandes ayant été présentées devant le Tribunal de commerce à l'audience du 27 janvier 2016 (pièce 86.4 de DCF) ainsi qu'il a été dit, celles portant sur les services de coopération commerciale 2009 à 2015 sont prescrites.

Si Ederki dénonce le système de facturation mis en place par DCF qu'elle estime notamment non conforme aux règles comptables et fiscales, elle n'établit pas pour autant la fictivité des services de coopération commerciale rendus à son profit.

De son côté et en tout état de cause, DCF justifie de la réalité des services rendus à ce titre jusqu'en 2019 par ses pièces 19 à 24, 89, 100 à 107 notamment au regard des campagnes promotionnelles réalisées avec les produits Ederki concernés ainsi que les visuels des prospectus réalisés

Cette demande ne peut dès lors prospérer.

Sur la demande de remboursement de factures

Ederki soutient avoir payé deux fois des prestations de coopération commerciale pour un montant de 15 057, 40 euros.

Cependant, ses seules lettres (pièces 20 et 21) demandant le remboursement de cette somme ne permettent pas de justifier du bien-fondé de sa demande de remboursement qui sera en conséquence rejetée.

Sur la demande subsidiaire relative aux facturations erronées

Ederki invoque une assiette de calcul erroné (chiffre d'affaires hors déduction d'office) pour les réductions de prix et la facturation des services de coopération commerciale, sollicitant à ce titre la somme de 24 585 euros HT.

Mais Ederki ne vise aucune pièce au soutien de sa demande, laquelle, non justifiée, doit être rejetée.

Sur la rupture brutale partielle de la relation commerciale entretenue avec Ederki

Ederki invoque une rupture brutale partielle de sa relation commerciale établie par DCF en raison du déréférencement brutal d'une partie de ses produits antérieurement distribués par l'ensemble des réseaux de vente du groupe Casino. Elle fait état à cet égard d'un déféréférencement progressif de ses produits entre l'année 2011 et l'année 2015 avec une baisse totale de son chiffre d'affaires de 63,88 %.

Elle sollicite en conséquence, sur le fondement de l'article L. 442-6 1 5° du Code de commerce, faisant état de relations commerciales depuis plus de 15 années, une indemnisation à hauteur de la somme de 282 821 euros, sur la base d'une perte de marge brute mensuelle de 11 784 euros à partir d'une valeur ajoutée de 23,75 % et d'un préavis de 24 mois.

DCF rétorque que l'existence d'une rupture brutale partielle n'est pas établie par la seule diminution progressive du chiffre d'affaires entre 2011 et 2015 à la suite du déréférencement de certains produits ayant les taux de rotation les plus faibles ou un faible niveau de performance ce dont Ederki a été avisé préalablement et alors que dans le courant de l'année 2015, de nouveaux produits ont été référencés. Elle conteste, en tout état de cause, le calcul de l'indemnisation.

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause, dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.

En l'espèce, les chiffres d'affaires produits par les deux parties font apparaître une baisse progressive du chiffre d'affaires réalisé par Ederki avec DCF au cours des années 2011 à 2015 passant de 932 104 euros en 2010 à 336 715 euros en 2015 selon Ederki et de 658 428,77 euros en 2010 à 275 619, 32 euros en 2015 selon DCF.

La faible performance des produits ou le taux de rotation trop faible de références enregistrées invoqués par DCF (ses pièces 46,51, 58) qui ne peuvent être imputables au fournisseur constitue une rupture partielle brutale en ce que celle-ci ne s'est pas accompagnée d'un délai de préavis, le seul délai de 3 mois pour \"entreprendre une action en faveur de l'amélioration des performances-produits\" (pièce 46) étant inopérant.

C'est vainement que DCF invoque une rupture partielle en raison de la baisse conjoncturelle des commandes, sans justification aucune et l'enregistrement de nouvelles références en cours d'année 2015 conduisant à une augmentation du chiffre d'affaires au cours des années suivantes, s'agissant d'éléments postérieurs à la rupture.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.

En l'espèce, un délai de préavis total de six mois sur une moyenne de baisse de 18,39 % du chiffre d'affaires total et un chiffre d'affaires de 527 229 euros déclaré par Ederki en 2010 (pièce 6 de DCF) en l'absence d'autres éléments, notamment une attestation de l'expert-comptable de l'appelante, conduit à indemniser la brutalité de la rupture à la somme de 48 478 euros.

DCF est ainsi condamnée à payer cette somme de Ederki.

Sur les demandes reconventionnelles de DCF

DCF sollicite la condamnation de la société Ederki à lui verser la somme de 167 801,76 euros, montant du solde de la rémunération de ses prestations au vu du montant total du chiffre d'affaires réalisé par cette dernière à la suite de l'omission de déclaration par Ederki de ses livraisons directes en magasin.

Mais cette demande fondée sur les livraisons directes en magasin qui n'a jamais été appliquée et dont il n'est pas établi qu'elle corresponde à un service rendu, est aussi contraire aux conditions générales de vente d'Ederki qui prévoit que \"les prestations de services spécifiques ou services rendus à l'occasion ou en vue de la revente des produits, pourront donner lieu à l'établissement d'un contrat à l'exclusion de la livraison directe en conformité avec les dispositions de la loi 2005-882 du 02/08/2005 et les articles L. 441-3 et L. 441-7 du Code de commerce ainsi que la loi 2008-776 du 4/08/2018\" .

Cette demande doit en conséquence être rejetée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens de l'arrêt conduit à débouter DCF de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à allouer à Ederki la somme de 5 000 euros sur ce fondement.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a : - débouté la société Ederki de sa demande en paiement de la somme de 35 909,74 euros HT au titre des factures impayées. - débouté la société Ederki de ses demandes en paiement à la société Distribution Casino France des sommes de 75 592,14 euros HT correspondant à des factures de pénalités de retard impayées, de 40 euros au titre des frais de recouvrement par facture impayée à son échéance et de 4 734,16 euros HT correspondant aux factures n° 2016 12 05, 2016 12 06 et 2016 12 07 ; - débouté la société Ederki de sa demande de paiement à la société DCF de la somme de 15 929,82 euros HT au titre de l'article 6.2. des conditions générales de vente de la société Ederki ; - débouté la société Ederki de sa demande en paiement à la société DCF de la somme de 1 252 751,58 euros HT au titre des sommes indûment réglées au titre de la rémunération de prestations de services au cours des années 2007 à 2016 et de la somme 15 057,40 euros HT correspondant à une double facturation de prestations de coopération commerciale injustifiée ; - débouté la société DCF de ses demandes de règlement au titre des prestations de coopération commerciale ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ; Déboute la société Ederki de sa demande en paiement de la somme de 66 850,59 hors taxes au titre des factures impayées par la société DCF avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013 ; La Déboute de sa demande en paiement de la somme de 46 327,59 euros hors taxes au titre des déductions d'office avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013; La Déboute de sa demande au titre des pénalités de retard, frais de traitement des débits d'office et frais de recouvrement avec anatocisme ainsi que de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire avec anatocisme : Condamne la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 85 616,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016 sur la somme de 65 726,88 euros et à compter du 18 février 2020, sur la somme de 19 890,03 euros, au titre des réductions de prix avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 ancien du Code civil; l'en déboute pour le surplus ; Déboute la société Ederki de sa demande en paiement de la somme de 1 191 142 euros HT outre intérêts au titre des prestations de services de coopération commerciale ainsi que de sa demande en paiement de la somme de 15 057,40 euros hors taxes au titre des prestations de services de coopération commerciale ; La Déboute de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 24 585 euros HT; Condamne la société DCF à payer à la société Ederki la somme de 48 478 euros au titre de la rupture brutale partielle de ses relations commerciales établies ; Déboute la société DCF de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 167 801,76 euros, au titre du solde de la rémunération de ses prestations ; La Déboute de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société DCF aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile et à payer à la société Ederki la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; REJETTE toute autre demande.

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