CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 30 juin 2020, n° 19-09729
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Axon Enterprise (INC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Conseillers :
Mmes Schaller, Aldebert
Avocats :
Mes Fertier, Boccon Gibod, Maio
I FAITS ET PROCÉDURE :
1. Monsieur A... C... se présente comme le gérant de la société SMP Technologies, société de droit français spécialisée dans les travaux d'installation électrique.
2. La société Axon Entreprise Inc. (ci-après « la société Axon ») se présente comme une société de droit américain, anciennement dénommée « Taser International », fabriquant et commercialisant des pistolets à impulsion électrique, arme de quatrième catégorie, sous la marque « Taser » et principalement destinés aux forces de l'ordre.
3. La société Taser International (devenue 'Axon') a confié à la société SMP Technologies par un premier contrat en date des 4 et 5 février 2005 la distribution exclusive des produits Taser pour la France, puis par un second contrat en date des 1er et 15 septembre 2010 la distribution exclusive des produits Taser dans neuf pays africains (Algérie, Maroc, Gabon, Togo, Niger, Burkina- Faso, Mali, Cameroun, Guinée-Conakry).
4. Les 1er et 2 septembre 2010, un contrat de services professionnels a également été conclu entre la société Taser International et « G... Di C..., SMP technologies » en qualité de « Consultant ». Au terme de ce contrat, il est stipulé que « le Consultant sera rémunéré sur la base de commissions pour le développement de nouvelles affaires/comptes en France pour la période commençant en janvier 2010 et se terminant au 31 décembre 2011, au taux de 8 pour cent (8 %) sur toutes les ventes réalisées et facturées par la Société aux comptes acquis et servis en France ». L'article 9 comporte une clause compromissoire visant le règlement de la Chambre de Commerce Internationale à Paris et désignant Paris comme siège de l'arbitrage.
5. Estimant que la société Axon lui devait des commissions au titre de ce contrat, M. A... C... a saisi le 5 avril 2016, la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Paris sur le fondement de l'article 9 du contrat, sollicitant la condamnation de cette société à lui verser la somme de 884 574 euros en paiement de commissions, 93 118 euros pour frais d'avocat ainsi que la prise en charge de la totalité du coût de la procédure.
6. En réponse, la société Axon a sollicité le rejet des demandes de M. A... C..., 20 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, 64 202 euros pour frais d'avocat et la prise en charge par M. A... C... de la totalité du coût de la procédure.
7. Le 27 décembre 2018, après avoir rendu une première sentence partielle le 13 septembre 2017, pour confirmer sa compétence, le Tribunal arbitral de la Chambre de Commerce Internationale a rejeté les demandes de Monsieur A... C... et l'a condamné à payer à la société Axon la somme de 17 000 dollars américains pour frais et honoraires du tribunal arbitral et des frais administratifs restant dus, ainsi que la somme de 38 534,20 euros au titre des « frais raisonnables exposés par cette dernière pour sa défense ».
8. Cette sentence a fait l'objet d'une ordonnance d'exequatur le 8 mars 2019 par le Président du tribunal de grande instance de Paris.
9. La sentence arbitrale et l'ordonnance d'exequatur ont été signifiées à Monsieur A... C... selon exploit d'huissier du 2 avril 2019.
10. Le 2 mai 2019, M. A... C... a saisi la cour d'un recours en annulation contre la sentence arbitrale du 27 décembre 2018 et l'ordonnance d'exequatur du 8 mars 2019.
11. Par une ordonnance en date du 19 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de M. A... C... de l'arrêt de l'exécution provisoire de la sentence arbitrale du 27 décembre 2018 et de l'ordonnance d'exequatur du 8 mars 2019.
12. Interrogés sur un recours à la procédure sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties ont chacune, le 12 mai 2020, accepté de manière expresse que l'affaire soit jugée selon la procédure sans audience.
13. Les parties ont été avisées le 29 mai 2020 que la décision serait rendue, conformément au calendrier fixé dans le cadre du protocole de procédure applicable devant la chambre commerciale internationale, le 30 juin 2020 par les juges susmentionnés.
II PRÉTENTIONS DES PARTIES :
14. Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 avril 2020, M. A... Zazzo demande à la Cour de bien vouloir :
- Annuler la sentence arbitrale rendue par la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de PARIS en date du 27 décembre 2018 ;
- Annuler l'ordonnance sur requête d'exequatur rendue le 8 mars 2019 par Monsieur le Président du Tribunal de grande Instance de PARIS ;
- Renvoyer les parties devant la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de PARIS autrement composée ;
- Condamner la société (« Corporation ») de droit Américain Axon Entreprise, INC à payer à Monsieur G... A... C... la somme de 30 000 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Débouter la société Axon INTERPRISE de l'intégralité de ses prétentions.
15. Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 mai 2020, la société Axon demande à la cour, au visa de l'article 1520, 3° et 5° du Code de procédure civile, de :
- Débouter Monsieur G... A... C... de l'ensemble de ses demandes ;
- Rejeter le recours en annulation formé par M. A... C... à l'encontre de la sentence arbitrale rendue le 27 décembre 2018 par la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Paris ;
- Condamner Monsieur G... A... C... à payer à la société Axon Entreprise, Inc. la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner Monsieur G... A... C... à payer à la société Axon Entreprise, Inc. la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
III MOYENS DES PARTIES :
16. M. A... C... considère en premier lieu que le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée en ce qu'il a méconnu son obligation de motivation. Il fait valoir qu'il existe en effet une contradiction de motifs entre la sentence partielle du 13 septembre 2017 qui lui reconnait la qualité de partie au contrat de services professionnels et la sentence définitive du 27 décembre 2018 qui reconnaît que seule la société SMP Technologies est créancière de la commission de 8 %. Il ajoute que cette contradiction ressort aussi dans la motivation de la sentence. Il rappelle que la contradiction des motifs équivaut à une absence de motif. Il ajoute que la motivation des décisions découle de l'ordre public procédural et que le juge de l'annulation peut annuler une sentence pour vice de motivation en cas de contradiction entre ses motifs et son dispositif, dès lors que cette contradiction ressort de la sentence.
17. M. A... C... considère en outre que la méconnaissance par l'arbitre de sa mission ressort également de ce que le tribunal arbitral s'est abstenu d'appliquer les règles de l'International Bar Association relatives à l'administration de la preuve dans l'arbitrage international, en particulier son article 9.5, qu'il avait pourtant déclaré applicable en ne tirant aucune conséquence du refus opposé par la société Axon à sa demande de voir communiquer le montant réel des ventes réalisées en France en 2010 et 2011 tout en ayant considéré que le recourant n'était pas fondé à réclamer le paiement de quelconques commissions à la société Axon.
18. M. A... C... soutient ensuite que la sentence est contraire à l'ordre public international en raison :
- de la méconnaissance par le tribunal arbitral d'une fraude au cours du déroulement de la procédure arbitrale. Il fait valoir que la production de faux documents emporte violation de l'ordre public international de procédure et que dans le cadre de la communication de pièces lors de la procédure arbitrale, un email falsifié a été produit par la société Axon, ce qui aurait dû conduire le tribunal arbitral à écarter cette pièce, ce qu'il n'a pas fait ;
- de la méconnaissance du principe d'exécution de bonne foi des conventions. Il fait valoir que la société Axon a été de mauvaise foi en produisant un exemplaire falsifié de l'email du 27 juillet 2010 et, après des mois de procédure et de demande de communication de relevés trimestriels certifiés par un commissaire aux comptes, en produisant un tableau réalisé par un salarié interne à la société, s'obstinant à ne faire aucun effort d'objectivation des chiffres ainsi produits ;
- du déséquilibre significatif existant entre les parties. Il fait valoir que les dispositions du Code de commerce ont été reconnues comme relevant en France de l'ordre public économique, et qu'il résulte de l'économie du contrat que M. A... C... en était la partie faible, ce déséquilibre se retrouvant dans la clause d'arbitrage sur laquelle il n'a eu aucune prise ;
- de la privation du droit d'accès au juge. M. A... C... soutient qu'en tant que partie faible au contrat de services professionnels, il s'est vu imposer la procédure arbitrale par le biais de la clause compromissoire dont les coûts sont disproportionnés à ceux de la procédure devant les juridictions étatiques à laquelle ses adversaires l'ont conduit à déroger.
19. En réponse, la société Axon fait valoir que la contradiction de motifs entre la sentence partielle du 13 septembre 2017 et la sentence définitive du 27 décembre 2018 et au sein de cette même sentence alléguée par M. A... C..., qui au demeurant n'est pas établie, est une critique de la sentence au fond, qui échappe au contrôle du juge de l'annulation. Elle soutient à ce titre que la contradiction de motifs ne constitue pas une absence de motivation.
20. La société Axon ajoute que la mission du tribunal arbitral est délimitée par la convention d'arbitrage, l'acte de mission et les prétentions des parties. Elle estime qu'en l'espèce M. A... C... ne précise pas en quoi le tribunal arbitral ne se serait pas conformé à sa mission telle qu'elle résulte de la clause d'arbitrage stipulée à l'article 9 du contrat de services professionnels, de l'acte de mission signé par les deux parties, ni des prétentions des parties.
21. S'agissant du grief tiré de l'inapplication des règles d'administration de la preuve édictées par l'IBA, la société Axon souligne qu'aux termes de l'ordonnance de procédure n°5 du 14 décembre 2017, le tribunal arbitral a décidé qu'il « s'inspirera » desdites règles mais n'a jamais déclaré qu'il les appliquerait. Elle ajoute que le tribunal arbitral a admis qu'elle avait justifié d'une « raison satisfaisante » au sens de l'article 9.5 desdites et rappelle que le contenu de la motivation de la sentence échappe au pouvoir du juge de l'annulation.
22. S'agissant du moyen d'annulation tiré de la violation de l'ordre public international, la société Axon considère que la reconnaissance et l'exécution de la sentence du 27 décembre 2018 qui a débouté M. A... C... de ses demandes en paiement de commissions et l'a par ailleurs condamné à rembourser partiellement ses frais d'avocat et une partie du coût de la procédure arbitrale, ne heurte aucun des principes essentiels du droit français.
23. Elle rappelle que cette violation doit être « flagrante, effective et concrète » et considère que les griefs présentés par M. A... C... sur ce fondement sont inopérants.
24. Elle fait notamment valoir que la fraude alléguée par M. A... C... n'est pas caractérisée alors que le courriel adressé le 27 juillet 2010 par M. A... C... à Mr Smith, Président dela société Taser International n'est pas falsifié étant précisé que le tribunal arbitral a considéré dans la sentence finale qu'aucune des parties ne rapportait la preuve que les emails produits aux débats par l'autre partie constitueraient des pièces falsifiées et a débouté les deux parties de leur demande respective de rejet de pièces. La société Axon fait de plus valoir que la sentence arbitrale ne se fonde pas sur ce courriel pour débouter M. A... C... de ses demandes.
25. La société Axon ajoute que la méconnaissance alléguée du principe d'exécution de bonne foi des conventions fondée sur le courriel précité qui n'est pas falsifié ne permet pas de caractériser une contrariété à l'ordre public international qui s'apprécie uniquement au regard de la reconnaissance et l'exécution d'une sentence au sens de l'article 1520, 5° du Code de procédure civile.
26. Elle précise enfin que le grief fondé sur le déséquilibre significatif entre les parties dans la rédaction et l'exécution du contrat de services professionnels de septembre 2010 ne peut être un fondement du recours en annulation dans le cadre de l'application de l'article 1520 (5°) du Code de procédure civile et que la privation alléguée du droit d'accès au juge n'est pas méconnu par l'exécution de la sentence le condamnant à rembourser partiellement les frais d'avocat adverse et rappelle que s'agissant d'un contrat international, la clause d'arbitrage est d'usage et qu'elle a en outre institué le siège du tribunal arbitral en France et non en Arizona, ceci en faveur du distributeur français.
VI - MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par le tribunal arbitral de sa mission (article 1520 (3°) du Code de procédure civile) ;
27. En application de l'article 1509 du Code de procédure civile, « la convention d'arbitrage peut, directement ou par référence à un règlement d'arbitrage ou à des règles de procédure, régler la procédure à suivre dans l'instance arbitrale.
/ Dans le silence de la convention d'arbitrage, le tribunal arbitral règle la procédure autant qu'il est besoin, soit directement, soit par référence à un règlement d'arbitrage ou à des règles de procédure ».
28. En l'espèce, la convention d'arbitrage insérée dans le contrat de services professionnels stipule que « Toutes controverses ou réclamations émanant du présent contrat (') seront soumises à arbitrage, selon les règles de la Chambre
de commerce internationale (...) » (ou sa version anglaise dans le contrat « Any controversy or claim arising out of or relating to this agreement (') shall be submitted to arbitration before and in accordance with the rules of the International chamber of Commerce, International Court of Arbitration in Paris, France (') »).
29. Le règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce Internationale (2012) est ainsi applicable à l'instance arbitrale et son article 31 dispose que la « sentence doit être motivée ».
30. Ce faisant, l'exigence de motivation de la sentence était comprise dans la mission de l'arbitre de sorte que si cette motivation fait défaut, la sentence est susceptible d'encourir l'annulation sur le fondement de l'article 1520, 3° du Code de procédure civile, étant précisé que le contrôle du juge de l'annulation ne porte que sur l'existence et non sur la pertinence des motifs de la sentence.
Sur le grief de méconnaissance de la mission par l'arbitre du fait d'une contradiction de motifs :
31. En l'espèce, il convient de relever que M. A... C... ne soutient nullement que l'arbitre a méconnu sa mission telle que délimitée par l'objet du litige déterminé par les prétentions des parties mais plus précisément que la sentence serait entachée d'une contradiction de motifs, laquelle équivaudrait selon lui, à une absence de motif de nature à faire encourir l'annulation à la sentence.
32. Cependant, le grief tiré d'une contradiction de motifs de la sentence arbitrale, qui ne peut être assimilé à une absence de motivation, constitue nécessairement une critique de la sentence au fond qui échappe au pouvoir du juge de l'annulation hors les cas, définis par l'article 1520 du Code de procédure civile, de violation de l'ordre public international.
33. A cet égard, il convient de relever que le tribunal arbitral a effectivement motivé sa décision aux termes de ses paragraphes 177 et suivants pour juger que si M. A... C... pouvait être considéré comme une partie au contrat de services professionnels, justifiant qu'il puisse se prévaloir de la clause d'arbitrage et ainsi de la compétence du tribunal arbitral pour statuer sur ses réclamations, ce tribunal, après s'être expressément interrogé sur le « créancier de la commission de 8% » (cf. paragraphe 188), a néanmoins considéré, au terme d'une motivation résultant de ses paragraphes 189 à 208, que seule la société SMP Technologies était créancière des commissions dont M. A... C... a sollicité le paiement à son profit.
34. Ainsi, l'existence de cette motivation permet de rejeter le grief.
Sur le grief de méconnaissance de la mission par l'arbitre du fait d'un non-respect par l'arbitre des règles procédurales applicables :
35. Si la méconnaissance par le tribunal arbitral de la procédure applicable devant lui choisie par les parties est susceptible d'exposer sa sentence à l'annulation, encore faut-il que cette méconnaissance soit établie.
36. En l'espèce, il ressort de la sentence que le tribunal arbitral, amené à trancher notamment une demande formée par M. A... C... pour voir contraindre la société Axon à produire des relevés des ventes réalisées en 2010 et 2011, a décidé de s'inspirer des règles de l'International Bar Association, les parties, consultées sur ce point, n'ayant pas formé d'objection, ainsi que cela ressort du paragraphe 32 de la sentence qui rappelle que cette décision a été prise par ordonnance de procédure n°5 du 14 décembre 2017 et qu'elle concernait les demandes de production de documents « respectives du demandeur et de la défenderesse dans le cadre du présent arbitrage ».
37. Il ressort en outre de la sentence que par ordonnance n° 6 en date du 28 février 2018, le tribunal arbitral a ordonné à la société Axon de communiquer à M. A... C... « un relevé trimestriel des produits vendus en France et de ceux livrés en France avec indication de la date de la commande par le client et de la date de facturation par Taser International, certifié par un commissaire aux comptes ou un statutory auditor ».
38. Il n'est pas contesté que si des relevés ont été produits, ces documents n'étaient pas « certifiés par un commissaire aux comptes ou un statutory auditor » comme indiqué dans l'ordonnance de procédure de telle sorte que M. A... C... a demandé au tribunal arbitral de faire application de la règle de la présomption défavorable de l'article 9.5 des règles de l'IBA (« adverse inference ») selon laquelle « Si une Partie, sans raison satisfaisante, ne produit pas tout Document à l'égard duquel une autre Partie a formulé une Demande de production et à laquelle elle n'a pas formulé d'objection dans le délai imparti ou ne produit pas tout Document dont la production a été ordonnée par le Tribunal Arbitral, le Tribunal Arbitral peut en déduire que ce Document est contraire aux intérêts de cette Partie ».
39. M. A... C... a en effet soutenu devant l'arbitre que faute pour la société Axon d'avoir satisfait à son obligation, le calcul des sommes dues devaient être faites sur des « projections ».
40. Cependant, loin de ne pas appliquer la procédure qu'il s'était fixé en accord avec les parties, il convient de relever au contraire que le tribunal arbitral s'est livré à une appréciation sur son application à l'espèce.
41. Le tribunal arbitral a en effet considéré que le fait que les documents produits n'aient pas été certifiés par un commissaire aux comptes n'était pas de nature à justifier la conséquence souhaitée par M. A... C... dès lors que la société Axon avait justifié « être dans l'impossibilité de fournir des documents certifiés par son commissaire aux comptes ».
42. Ainsi dans le paragraphe 216 de sa sentence, le tribunal arbitral indique qu'il « résulte en effet de la consultation juridique produite aux débats par la Défenderesse (consultation du cabinet américain SNELL & WILMER, Pièce Défenderesse n°42) que la réglementation américaine interdit aux commissaires aux comptes de fournir des services d'expert pour les sociétés qu'ils contrôlent dans le cadre de procédures (article 2-01(c) (4) de la réglementation de la SEC). La Défenderesse justifie, dès lors, avoir été dans l'impossibilité de faire certifier ses relevés trimestriels de ventes par son commissaire aux comptes, étant précisé que la demande de fourniture de relevés trimestriels certifiés par « un commissaire aux comptes » vise nécessairement le commissaire aux comptes de la société contrôlée (en l'espèce Axon Entreprise, INC.) et non tout cabinet d'expertise comptable quel qu'il soit ».
43. En l'état de ces éléments, le tribunal arbitral a apprécié l'exécution par une partie de l'injonction qui lui avait été faite de communiquer des documents au regard des pièces finalement produites par celle-ci, et il n'appartient pas au juge de l'annulation de remettre en cause cette décision sous couvert d'un grief tiré de la méconnaissance de sa mission, de telle sorte que le moyen d'annulation sera rejeté.
Sur le moyen d'annulation tiré de la contrariété à l'ordre public international (article 1520 (5°) du Code de procédure civile) ;
44. En application de l'article 1520,5° du Code de procédure civile le recours en annulation est ouvert si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international.
45. Le contrôle de la cour doit porter non sur l'appréciation que l'arbitre a fait des droits des parties mais sur la solution donnée au litige par le tribunal arbitral, l'annulation de la sentence étant encourue si sa reconnaissance ou son exécution heurte la conception française de l'ordre public international, qui au sens de l'article 1520,5° précité, s'entend de l'ensemble des règles et des valeurs dont l'ordre juridique français ne peut souffrir la méconnaissance, même dans des situations à caractère international.
Sur la contrariété à l'ordre public international à raison de la fraude alléguée :
46. M. A... C... soutient que la sentence doit être annulée dès lors que la société Axon a produit durant la procédure « un email falsifié » (email daté du 27 juillet 2010) et que le tribunal arbitral l'a débouté de sa demande de rejet de cette pièce.
47. Il convient de rappeler que si la fraude procédurale peut en effet être sanctionnée au regard de l'ordre public international, elle suppose notamment que des faux documents aient été produits, que des témoignages mensongers aient été recueillis ou que des pièces intéressant la solution du litige aient été frauduleusement dissimulées aux arbitres, de sorte que la décision de ceux-ci a été surprise.
48. En l'espèce, il ressort des pièces versées que lors de l'instance arbitrale, un débat s'est noué entre les parties sur l'authenticité de l'email litigieux du 27 juillet 2010, chacune des parties accusant l'autre de produire une version falsifiée de cet email.
49. Le tribunal arbitral aux termes du paragraphe 154 de sa sentence, a considéré « qu'aucune des parties ne rapporte la preuve que les emails produits aux débats par l'autre partie constitueraient des pièces falsifiées » et a en conséquence débouté les parties de leurs demandes respectives de rejet de ces pièces.
50. Le caractère prétendument falsifié de ces documents ayant fait l'objet d'un débat contradictoire au cours de l'instance arbitrale, la décision du tribunal n'a pas été surprise par une fraude mais procède d'une appréciation de l'exactitude et de la portée des documents qui lui étaient soumis, appréciation qu'il n'appartient pas à la cour de réviser.
51. Le grief sera en conséquence rejeté.
Sur la contrariété à l'ordre public international à raison de la méconnaissance du principe d'exécution de bonne foi des conventions :
52. A supposer même qu'une sentence qui donne effet à un contrat exécuté en violation du principe de bonne foi, puisse caractériser une violation de l'ordre public international, ce qui n'est nullement étayé, il convient de relever qu'en l'espèce le grief invoqué ne porte pas tant sur le principe de méconnaissance de l'exécution de bonne foi d'une convention mais sur l'attitude procédurale reprochée à la société Axon par le recourant du fait de la production alléguée d'une pièce falsifiée et d'une production tardive de pièces, jugée incomplète.
53. Cependant, comme indiqué ci-dessus, la preuve de la production d'une pièce falsifiée n'est pas établie et aucune déloyauté de la société Axon n'est caractérisée, dans la production de ses pièces dont le tribunal a pu apprécier la pertinence pour statuer sur les demandes qui lui ont été faites.
54. Ce grief sera en conséquence rejeté.
Sur la contrariété à l'ordre public international à raison de l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties :
55. Le déséquilibre significatif de la relation commerciale, dont il n'est nullement établi qu'il puisse être contraire à l'ordre public international, et qui résulterait selon M. A... C... de l'économie générale du contrat, ne saurait en tout état de cause être caractérisé par la seule référence au contenu de la clause compromissoire alors que pour être caractérisé un tel déséquilibre suppose une appréciation concrète et globale du contrat à laquelle M. A... C... ne s'est nullement livré.
56. Ce grief sera en conséquence rejeté.
Sur la contrariété à l'ordre public international à raison de la privation de l'accès à un juge :
57. Par ce grief, M. A... C... émet, sous couvert d'une violation de l'ordre public international, une contestation sur la validité de la clause compromissoire et, par conséquent, celle de la compétence de l'arbitre, exception qu'il n'avait pas soulevée devant le tribunal arbitral et qu'il n'a pas non plus expressément formée et articulée dans le cadre de ce recours en annulation.
58. En outre, il convient de relever que la procédure arbitrale a été initiée par M. A... C... en 2016 et qu'une sentence partielle sur la compétence a été rendue par le tribunal arbitral le 13 septembre 2017 qui a sur ce point donné raison à M. A... C... qui soutenait bien la compétence de ce tribunal arbitral pour statuer sur ses demandes et donc nécessairement la validité de la clause compromissoire.
59. En l'état de ces éléments, le grief sera rejeté.
60. L'ensemble des moyens invoqués au titre de l'annulation de la sentence, et par voie de conséquence de l'ordonnance d'exequatur, étant rejeté, il convient de débouter M. A... C... de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle de la société Axon ;
61. L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.
62. En l'espèce, la société Axon sera déboutée de sa demande à ce titre, à défaut pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque faute ou légèreté blâmable de la part de M. A... C..., qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.
Sur les frais et les dépens ;
63. Il y a lieu de condamner M. A... C..., partie perdante, aux dépens.
64. En outre, il doit être condamné à verser à la société Axon, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 30 000 euros.
IV DISPOSITIF :
Par ces motifs, LA COUR : Rejette le recours en annulation formé par M. G... A... C... ; Déboute la société Axon Entreprise Inc. de sa demande formée au titre de la procédure abusive ; Condamne M. G... A... C... à payer à la société Axon Entreprise Inc. la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. G... A... C... aux dépens.