Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 juillet 2020, n° 18-16850

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Articque Solutions (SARL), Blay Foldex (SAS)

Défendeur :

Michelin Travel Partner (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Mes Crespin, Heguin de Guerle, Lehman

T. com. Paris, du 27 juin 2018

27 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat du 8 novembre 2012 et avenant n°1 du 3 avril 2013, la société Blay Foldex, qui édite des cartes routières et touristiques, des atlas et des plans de ville et qui a été reprise en 2012 par la société Groupe Articque Solutions (ci-après « Articque »), a confié son activité de diffusion et distribution à la société Michelin Travel Partner (ci-après « Michelin »), qui édite des cartes et atlas ainsi que des guides dont elle assure la diffusion et qui assure aussi la diffusion et la distribution de publications éditées par des tiers.

Le 3 juin 2015, à la suite de tensions sur l'exécution du contrat, la société Blay Foldex a notifié l'arrêt du contrat à échéance du 31 décembre 2015.

Le 4 août 2015, une lettre accord a été signée entre les parties pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 aux termes de laquelle la société Michelin s'engage à passer à minima trois commandes selon un échéancier prévu par les parties :

- une commande de 900 000 euros fin août 2015,

- une commande de 250 000 euros entre mars et juillet 2016

- le solde avant le 31 décembre 2017.

Soutenant que le comportement de la société Michelin leur a causé préjudice les sociétés Blay Foldex et Articque ont fait assigner le 30 janvier 2017, la société Michelin devant le Tribunal de commerce de Paris lequel, par jugement du 27 juin 2018, a :

- débouté la société Blay Foldex et le Groupe Articque Solutions de leur demande de résiliation judiciaire du contrat constitué par la lettre d'accord du 4 août 2015,

- débouté la société Blay Foldex de ses demandes de paiement des sommes suivantes :

2 200 000 euros du chef du manque à gagner suby par Blay Foldex,

500 000 euros du chef de la dévalorisation de la marque déposée SAS Blay Foldex,

100 000 euros du chef de la désorganisation de la SAS Blay Foldex,

100 000 euros en réparation du préjudice moral de la SAS Blay Foldex

- débouté la SAS Blay Foldex de sa demande de paiement de la somme de 1 500 000 euros à la SARL Groupe Articque Solutions en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de céder la SAS Blay Foldex,

- débouté la SAS Michelin de sa demande de paiement de la somme de 100 000 euros,

- débouté les parties de leurs demandes sur la gestion des stocks de fin de contrat,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné solidairement la société Blay Foldex et le Groupe Articque Solutions à payer à al société Michelin la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,

- condamné la société Blay Foldex aux dépens de la présente instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 100,08 euros dont 16,47 euros de TVA.

Le 3 juillet 2018, la société Blay Foldex et le Groupe Articque Solutions ont interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions des sociétés la société Blay Foldex et le Groupe Articque Solutions notifiées le 21 février 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Vu les articles 1382, 1134, 1142, 1146 et 1184 (actuellement : 1240, 1104, 1221, 1231 et 1224 et suivants) du Code civil,

- déclarer la société Blay Foldex et la société Groupe Articque Solutions recevables et bien fondées en leur appel,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Blay Foldex et la société Groupe Articque Solutions de leurs demandes et les a condamnées à payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

En conséquence,

- ordonner la résiliation judiciaire du contrat de diffusion distribution conclu entre les parties, aux torts de la société Michelin Travel Partner,

- dire que la résiliation judiciaire prendra effet au jour du jugement dont appel, à défaut au jour de l'arrêt à rendre,

- dire que Michelin Travel Partner pourra écouler ses stocks résiduels, pendant six mois, au plus tard jusqu'à la date du 30 juin 2019, à titre non-exclusif, sans rachat de stocks par Blay Foldex, et qu'au terme de ce délai de six mois Michelin Travel Partner devra faire pilonner le stock restant à ses frais.

- condamner la société Michelin Travel Partner à payer à la société Blay Foldex, en réparation des préjudices subis par cette dernière, les sommes suivantes :

2 200 000 euros du chef du manque à gagner subi par la société Blay Foldex,

500 000 euros du chef de la dévalorisation de la marque déposée Blay Foldex

100 000 euros du chef de la désorganisation de la société Blay Foldex,

100 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la société Blay Foldex.

- condamner la société Michelin Travel Partner à payer à la société Groupe Articque Solutions, en réparation du préjudice subi par cette dernière et résultant de la perte de chance de céder la société Blay Foldex, la somme de "1 500 000 €".

- débouter la société Michelin Travel Partner de toutes ses demandes principales, incidentes ou reconventionnelles.

- condamner la société Michelin Travel Partner à payer à la société Blay Foldex et à la société Groupe Articque Solutions, ensemble, une somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- la condamner aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Michelin, intimée, notifiées le 12 février 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu le contrat signé par les parties le 8 novembre 2012 ;

Vu la lettre-accord du 4 août 2015 ;

Vu la saisine du Juge des référés par la société Blay Foldex ;

Vu l'exécution de mauvaise foi du contrat, la publicité donnée à la présente instance par la société

Blay Foldex et les informations communiquées par celle-ci aux opérateurs du marché ;

Vu la déstabilisation de la clientèle de MICHELIN depuis le non-renouvellement de la lettre-accord et son terme fixé au 30 juin 2019

Vu les articles 1134 ancien et 1240 du Code civil ;

Vu l'article L. 442-6-IV du Code de commerce ;

Vu le jugement rendu le 27 juin 2018 par le Tribunal de commerce de PARIS;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

dit que la société Michelin Travel Partner n'a pas soumis ou tenté de soumettre la société Blay Foldex à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et n'a pas manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi ;

débouté la société Blay Foldex de ses demandes indemnitaires ;

condamné solidairement la société Blay Foldex et la société Groupe Articque Solutions à régler à la société Michelin Travel Partner une indemnité de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dire et juger que compte tenu de la fin définitive du contrat le 30 juin 2019, les demandes tendant à ordonner la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Michelin Travel Partner et à dire que cette dernière pourra écouler ses stocks jusqu'au 30 juin 2019 sont tant irrecevable que mal fondés ;

- débouter la société Blay Foldex des demandes formées de ces chefs ;

- infirmer le jugement dont appel sur le surplus et condamner solidairement les sociétés Blay Foldex et Groupe Articque Solutions à paye à la société Michelin Travel Partner la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du comportement fautif adopté lors de l'exécution du contrat ;

Y ajoutant :

- condamner solidairement les sociétés Blay Foldex et Groupe Articque Solutions à payer à la société Michelin Travel Partner la somme de 136 596 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, en raison du comportement fautif adopté à la suite du non-renouvellement de la lettre-accord ;

- condamner solidairement les sociétés Blay Foldex et Groupe Articque Solutions à payer à la société Michelin Travel Partner la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hervé Lehman, Avocat, en application de l'article 699 du même Code.

SUR CE LA COUR

Sur l'existence d'un déséquilibre significatif

La société Blay Foldex et le Groupe Articque Solutions arguent que le contrat crée un déséquilibre significatif entre Blay Foldex et Michelin en raison :

- des conditions d'exclusivité consenties à Michelin

- des minimas de commande par référence.

La société Michelin estime que l'ensemble contractuel unissant les parties est aussi usuel qu'équilibré et qu'elle a d'ailleurs contracté un engagement de commande qu'elle a scrupuleusement respecté.

La demande fondée sur le déséquilibre significatif n'a été formée par Blay Foldex que pour lui permettre d'attraire Michelin devant le Tribunal de commerce de Paris et de « servir » une démonstration déconnectée de toute réalité.

Selon l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable à la cause s'agissant de la lettre-accord du 4 août 2015, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (')

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont, en premier lieu, la soumission ou la tentative de soumission et, en second lieu, l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.

L'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective des clauses incriminées.

L'existence ou non d'un pouvoir de négociation constitue un indice important de cette soumission ou encore l'éventualité d'une solution alternative.

En l'espèce, Blay Foldex dénonce les conditions de la clause d'exclusivité résultant de l'article 5 du contrat initial de 2012, soutenant qu'elle constitue un déséquilibre significatif en ce qu'elle lui interdit de commercialiser quelque produit cartographique papier que ce soit sans passer par Michelin alors que cette dernière ne limite pas dans les mêmes conditions la diffusion de ses produits concurrents. Elle ajoute, s'agissant des minima de commande par référence que la clause contenue dans la lettre accord du 4 août 2015 ne prévoit pas de délai de communication des prévisions de commande, que Michelin ne l'a pas appliqué de bonne foi et que le jeu des clauses combinées fait peser sur le fournisseur les risques que doit normalement supporter le distributeur en sa qualité d'acheteur-vendeur.

Mais, Blay Foldex ne démontre pas avoir tenté, vainement, d'obtenir la suppression ou la modification des clauses litigieuses dans le cadre de négociations ou qu'aucune suite n'a été donnée aux réserves ou avenants proposés par elle ou qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de contracter sans alternative possible alors qu'il résulte des pièces qu'elle produit (pièces 28, 30 à 33) que des négociations sont intervenues et que des modifications ont été introduites à sa demande.

Dès lors, les appelantes échouent à établir l'existence d'un déséquilibre significatif, étant observé de surcroît que le tribunal a retenu, par des motifs justes et pertinents adoptés, que Blay Foldex ne rapportait pas la preuve que la clause d'exclusivité et sa mise en œuvre introduisait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Sur la résiliation du contrat

La société Blay Foldex et le Groupe Articque Solutions demandent de prononcer la résiliation judiciaire du contrat, peu important que le terme soit survenu, motif pris de la non-exécution du contrat par Michelin :

- en ne diffusant pas les produits visés par le contrat et en refusant de faire de nouvelles commandes ;

- en refusant de communiquer les analyses trimestrielles de vente ;

- en passant des commandes sous le minimum contractuel ;

- en refusant de communiquer les analyses trimestrielles de vente ;

- en passant certaines commandes tardivement et avec des retards de paiement récurrents.

La société Michelin soutient que la demande de résiliation judiciaire du contrat ne peut être prononcé alors que le contrat a pris fin le 30 juin 2019.

En tout état de cause, elle fait valoir que ses prétendus manquements sont anecdotiques et qu'elle n'a jamais refusé de conclure un « contrat définitif » ni d'effectuer des commandes de cartes et d'atlas. Elle aurait toujours respecté les minima contractuels notamment par le biais de la passation des commandes dans le cadre du contrat du 8 novembre 2012 ou le respect de l' "Anticipation des commandes et minimum de commandes". Elle indique qu'il n'y aurait pas eu de commandes tardives et de retard de paiements et qu'elle a régulièrement communiqué les données relatives aux stocks et au marché.

La demande de résiliation du contrat a été formée alors que le contrat était toujours en cours.

Sur le motif de résiliation pris de l'absence de diffusion des produits visés par le contrat et durefus de faire de nouvelles commandes

Blay Foldex invoque le refus de Michelin de commander des cartes et atlas alors que l'objet du contrat et de l'exclusivité était la diffusion / distribution de l'ensemble du catalogue de produits cartographiques papier Blay Foldex.

Mais c'est par des motifs justes et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu, outre le fait que Blay Foldex n'établissait pas le refus de Michelin de conclure un "contrat définitif"

conformément à la lettre-accord du 4 août 2015, au regard du projet de contrat de distribution adressé par Michelin le 29 octobre 2015 demeuré sans suite, les pièces produites montraient que la politique commerciale de Blay Foldex était de se recentrer sur les plans de ville en particulier le contrat de 2012 et la lettre-accord du 4 août 2015 et le refus allégué de Michelin de diffuser les cartes et atlas n'est en rien établi, alors que le dernier catalogue de Blay Foldex qui intégrait des cartes routières a été intégralement repris dans le catalogue correspondant de Michelin (pièce 60), que Michelin continuait de distribuer les références des atlas maintenues au catalogue de Blay Foldex (pièce 10 de Michelin pour 2016) et que Michelin justifie de commandes de cartes et atlas (ses pièces 25, 40 à 46).

Sur le motif de résiliation pris du refus de communiquer les analyses trimestrielles de vente

Blay Foldex soutient que Michelin n'a communiqué que fin mai 2014 un document ne comportant ni analyse de marché, ni éléments comparatifs (ses pièces 18 à 20), ne lui permettant pas d'avoir une visibilité sur les stocks de Michelin, rendant difficile l'anticipation sur son propre catalogue face au concurrent, la gestion de la logistique, ne lui donnant pas de visibilité de chiffre d'affaires et de positionnement de la marque.

Le contrat de 2012 fait obligation à Michelin (article 4.2) de communiquer "à Blay Foldex chaque trimestre, les analyses faites sur les ventes Blayfoldex" et la lettre-accord du 4 août 2015 prévoit à l'article "Pilotage de la relation" que :

"Baly Foldex et Michelin Travel Partner souhaitent renforcer le pilotage de la relation, par des échanges téléphoniques mensuels et par la mise en place de revues d'activité trois ou quatre fois par an, incluant systématiquement les éléments suivants (liste non exhaustive) Michelin informe Blay Foldex sur les tendances marché cartographie (ventes au consommateur), sur les chiffres des ventes de Michelin à la distribution et sur la situation des stocks Michelin en produits Blay Foldex".

Michelin justifie des réunions reporting / pilotage qu'elle a organisées des années 2013 à 2019 (ses pièces 14 à 19, 58, 81 à 83 et 85) ainsi qu'un état des stocks communiqué le 30 juillet 2015 (sa pièce 20) et le tribunal a justement retenu que ni la fréquence, ni le contenu de ces réunions n'avaient été contestés par Blay Foldex, étant observé que celle-ci en a refusé une (pièce 21) et pouvait également en prendre l'initiative, ce qu'elle n'a pas fait. Il sera ajouté qu'à la suite de la saisine du juge des référés, Michelin s'est pliée aux demandes d'information en sa possession : chiffres Sell In et Sell Out des années 2016 et 2017, détail par mois et par référence des chiffres Sell In des années 2015 à 2017 et inventaire intégral des stocks au 10 avril 2017 (ses pièces 22 à 24), allant au-delà des termes de la lettre-accord.

Il en résulte que ce manquement de Michelin à ses obligations contractuelles n'est pas davantage établi.

Sur le motif de résiliation pris de commandes de Michelin en dessous des minima contractuels

Blay Foldex invoque des commandes de plans de ville en dessous des minima contractuels en février 2014 (sa pièce 15), l'écart important en volume entre le prévisionnel de la seconde commande (février 2016) et la commande définitive du 21 juillet 2016 et ainsi la perte de centaines d'heures de travail effectuées sur la base de la commande prévisionnelle et inversement l'impossibilité de fournir de nombreuses références ajoutées dans les délais. Elle en déduit le manquement de Michelin à son obligation de suivi et d'analyse du marché et le manquement volontaire et de mauvaise foi de celle-ci à son obligation de commande dans le but de la déstabiliser.

Le contrat du 8 novembre 2012 ne comporte pas de dispositions sur le respect de seuils minima de commandes par références ; de tels seuils sont mentionnés dans l'annexe 1 "projet catalogue 2013" et la lettre-accord du 4 août 2015 comporte un paragraphe "Anticipation des commandes et minimum de commandes" aux termes duquel :

"MTP s'engage à transmettre à Blay Foldex une évaluation prévisionnelle de la commande annuelle suivante (dans un délai à préciser), et des éventuels besoins de révision des minimums de commandes nécessaires à la référence. Blay Foldex se réserve le droit de refuser la livraison de certaines références qui deviendraient non rentables, les deux parties faisant les efforts nécessaires, de bonne foi, pour atteindre l'engagement d'achats. Ce dernier reste inchangé en cas de refus de livraison de la part de Blay Foldex sur un nombre limité de références".

S'agissant de la commande de 2014, force est de constater que si cette commande est au-dessous des minima, toutes les autres solutions ont été envisagées, soumises et discutées avec Blay Foldex (pièce 28 de Michelin) de sorte qu'aucune violation des engagements contractuels ne peut être retenue.

S'agissant de la deuxième commande visée dans la lettre-accord, les pièces produites justifient de discussions entre les parties ayant abouti à un accord sur cette commande (notamment pièces 71 à 75 de Blay Foldex).

Par suite, la mauvaise foi et le manquement de Michelin à ses obligations contractuelles ne sont pas établis.

Sur le motif de résiliation pris de commandes de Michelin passées tardivement et de retards de paiement récurrents

Blay Foldex soutient que la première commande de la lettre-accord n'a été passée qu'en octobre 2015 et la seconde début septembre 2016 alors qu'elle aurait du intervenir entre mars et juillet.

Elle invoque aussi un retard important dans le paiement des factures depuis le contrat de 2012, avec un retard systématique de 54 jours en moyenne en 2015 et de 53 jours en moyenne en 2014, 2015 et 2016 entre la date de la dernière livraison et la date de paiement.

Mais ainsi que l'a justement retenu le tribunal, il n'est pas démontré que le retard dans la passation des commandes définitives incombe à Michelin au regard de la date de lancement de ces commandes, respectivement 6 août 2015 et 21 juillet 2016, et du processus de négociations explicitement prévu au contrat qui s'en est suivi.

De la même manière, le tribunal a justement retenu qu'il n'était pas démontré de retards de paiement suffisants et incontestables de nature à justifier un manquement contractuel.

Il sera ajouté que le tableau établi par Blay Foldex a été complété par Michelin (sa pièce 48) qui ne reconnaît que 4 occurrences de retards potentiels sur plus de 65 factures pour un total cumulé de moins d'un mois de retard pour un contrat de 5 années et un montant de moins de 350 000 euros sur un montant total de près de 4 millions d'euros.

En outre, Michelin justifie d'une facture adressée tardivement (pièce 49), d'une facture qui a du être modifiée (pièce 50) et d'un trop perçu de plus de 100 000 euros (pièce 51) non remboursée six mois plus tard.

Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments que Michelin n'a pas soumis ou tenté de soumettre Blay Foldex à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et qu'aucun manquement caractérisé à ses obligations contractuelles et à la bonne foi n'a été retenu.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté Blay Foldex de sa demande de résiliation judiciaire du contrat constitué par la lettre accord du 4 août 2015.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de Blay Foldex tendant à voir dire que Michelin pourra écouler ses stocks résiduels pendant six mois au plus tard jusqu'à la date du 30 juin 2019, à titre non exclusif, sans rachat de stocks par Blay Foldex, et qu'au terme de ce délai de six mois Michelin devra faire pilonner le stock restant à ses frais

Le jugement entrepris est en conséquence également confirmé en ce qu'il a débouté Blay Foldex de sa demande de réparation des préjudices allégués :

- à hauteur de 2 200 000 euros du chef du manque à gagner subi,

- à hauteur de 500 000 euros du chef de la dévalorisation de la marque,

- à hauteur de 100 000 euros du chef de la désorganisation de la société,

- à hauteur de 100 000 euros du chef du préjudice moral.

Sur la demande en réparation du préjudice subi par Articque

Articque demande réparation à hauteur de 1 500 000 euros du préjudice subi résultant de la perte de chance de céder la société Blay Foldex.

Elle soutient que l'attitude de Michelin à l'égard de Blay Foldex l'a empêchée de pouvoir négocier une reprise de cette société à son juste prix.

Les appelantes font grief à Michelin de ne pas s'être positionnée clairement tout en invoquant un droit de préférence, conduisant ainsi à un blocage de la situation, à la suite de la lettre de Blay Foldex du 10 septembre 2015, l'informant de plusieurs offres de rachat la concernant.

Elles ajoutent que Michelin a fait pression sur un éventuel repreneur en lui indiquant entendre lui imposer le contrat et la clause d'exclusivité.

Mais, ainsi que l'a justement retenu le tribunal, l'effet du comportement de Michelin sur la valeur de vente de Blay Foldex n'est pas établi. En effet, la preuve de manoeuvres n'est pas rapportée. La lettre de Michelin (pièce 62 de Blay Foldex) du 18 novembre 2015 qui prend acte de la décision du Groupe Articque d'arrêter le processus de vente, indique qu'elle ne l'empêche pas de réaliser son projet et qui ajoute qu'en cas de relance des discussions avec la société qui a fait une offre, elle étudierait avec attention la possibilité d'exercer ou non son "droit de préemption", pour autant que les conditions de l'article 10 viendraient à s'appliquer, ne comporte aucun élément en ce sens.

De même l'existence de pressions sur les repreneurs potentiels ne résulte pas davantage du courriel adressé le 28 novembre 2016 par M B... fixant le montant de son offre (pièce 96 de Blay Foldex) après avoir fait état de la position de Michelin (reprise de Blay Foldex par Michelin paraissant compliquée, pas d'opposition pour la reprise par son groupe de Blay dans le respect du contrat liant Michelin à Blay jusqu'en 2018, interrogation sur la volonté du groupe et projet après 2018).

Il s'ensuit que la perte de chance alléguée de pouvoir négocier une reprise à son juste prix n'est pas démontrée.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les demandes reconventionnelles de Michelin

Michelin sollicite la condamnation de solidaire des appelantes à lui verser des dommages-intérêts. à hauteur de 100 000 euros en raison du comportement fautif adopté lors de l'exécution du contrat.

Elle invoque à ce titre l'exécution de mauvaise foi du contrat par Blay Foldex et la publicité donnée au présent contentieux.

Si les procédures engagées pendant le contrat devant le juge du fond et en référé ainsi que les lettres du conseil de Blay Foldex sont impropres à établir l'exécution de mauvaise foi du contrat, tel n'est pas le cas s'agissant de la commercialisation d'un plan de ville à Epinal (sa pièce 56) en violation de l'exclusivité de distribution des plans de ville, de même et surtout de la publicité donnée au présent contentieux ainsi qu'il résulte de l'article de presse (sa pièce 55) qui mentionne même les détails financiers de l'accord, en violation de l'obligation de confidentialité.

La somme de 10 000 euros sera allouée à Michelin en réparation du préjudice ainsi subi à la charge in solidum de Blay Foldex et Articque.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Michelin sollicite aussi la condamnation solidaire des appelantes à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 136 596 euros en raison du comportement fautif adopté à la suite du non-renouvellement de la lettre d'accord.

Mais Michelin qui impute au comportement fautif de Blay Foldex, la différence entre le stock estimé devoir lui rester à la date du 30 juin 2019 (436 099 euros HT estimé le 31 juillet 2018) et la réalité de ce stock à la date du 30 juin 2019 (572 695 euros HT), ne le démontre pas.

En effet, s'il résulte de la lettre du 24 septembre 2018 adressée à Michelin par Blay Foldex en réponse à celle du 7 septembre (pièces 64 et 65) que celle-ci s'est affranchie unilatéralement de l'exclusivité dont bénéficiait Michelin "pour diffuser et distribuer sa nouvelle collection" à compter du 1er janvier 2019 et a refusé la proposition de Michelin de réassort de produits destinés à lui permettre d'alimenter le marché jusqu'au 30 juin 2019, étant rappelé que Blay Foldex avait opté pour la poursuite de l'activité par Michelin pendant une période de six mois à compter du 31 décembre 2018, date de la fin du contrat, il n'en demeure pas moins que le rôle de Blay Foldex dans la déstabilisation de la clientèle de Michelin n'est pas établi, les pièces produites à cet égard ayant trait au rôle des sociétés Sofédis et Sodis.

Dès lors, le lien de causalité direct entre le préjudice invoqué du fait de l'augmentation du stock en raison de la chute des commandes et de l'augmentation des retours et le comportement de Blay Foldex n'est pas démontré.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les appelantes qui succombent, sont condamnées aux dépens d'appel et déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles sont condamnées in solidum à payer sur ce fondement la somme de 20 000 euros à Michelin en sus de la somme allouée par le premier juge.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SAS Michelin Travel Partner de sa demande de paiement de la somme de 100 000 euros, Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant, Condamne in solidum les sociétés Blay Foldex et Groupe Articque Solutions à payer à la SAS Michelin Travel Partner la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du comportement fautif adopté lors de l'exécution du contrat ; Déboute la SAS Michelin Travel Partner de sa demande en paiement de la somme de 136 596 euros ; Condamne in solidum les sociétés Blay Foldex et Groupe Articque Solutions aux dépens d'appel et à payer à la SAS Michelin Travel Partner la somme globale de 20 000 euros ; Rejette toute autre demande.