CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 1 juillet 2020, n° 20/03765
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
UP (Sté)
Défendeur :
Octoplus (SAS), Syndicat National de la Restauration Thématique et Commerciale, Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Ienne-Berthelot
Avocats :
Me Boccon-Gibod, Me Sorinas, Me Labaeye, Me Rocchi
Par assignation du 9 mars 2020 enregistrée au greffe de la Cour d'appel de Paris le 11 mars 2020, la société UP, société coopérative de production, a déposé une requête afin de sursis à exécution de la décision n° 19-D-25 de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) en date du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des titres-restaurant.
Le 2 mars 2020 la société requérante a formé un recours en annulation et en réformation de cette décision devant la cour d'appel de Paris.
Il ressort des éléments du dossier que, par ladite décision, l'Autorité de la concurrence a sanctionné plusieurs sociétés, dont la société coopérative UP, pour avoir participé à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des titres-restaurant, en violation des dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).
Par lettre du 9 octobre 2015, la société Octoplus a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'émission et de l'acceptation des titres-restaurant, assortie d'une demande de mesures conservatoires. Par lettres du 21 mai 2015 et 18 novembre 2016, le syndicat National de la Restauration Thématique, le Syndicat national de la Restauration publique organisée et la Confédération des Professionnels Indépendants ont saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'émission et l'acceptation des titres-restaurant, il a été procédé à la jonction de l'instruction des affaires le 23 mai 2017.
Les rapporteurs de l'ADLC, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Accor, Edenred France et Edenred SA, Natixis et Natixis Intertitres, Octoplus, Sodexo Pass France et Sodexo SA, UP, le syndicat National de la restauration publique organisée, le syndicat National de la restauration thématique et commerciale, l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement ont été entendus lors de la séance de l'ADLC du 18 juillet 2019.
Le 17 décembre 2019, l'ADLC a adopté une décision aux termes de laquelle elle sanctionne plusieurs émetteurs de titres-restaurant (les TR) et leur organisme commun, association de la loi du 1er juillet 1901, la centrale de règlement des titres (la CRT), pour avoir participé à des pratiques d'ententes dans le secteur des titres-restaurant, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 §1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Le secteur des titres-restaurant présente les caractéristiques d'une plateforme biface sur laquelle les émetteurs mettent en relation d'une part les salariés (utilisateurs de TR) par le biais de leurs employeurs, et d'autre part les commerçants qui acceptent ces titres comme moyens de paiement :
- face émission, l'émetteur vend aux employeurs les TR qui bénéficieront à leurs salariés ; et
- face acceptation, l'émetteur vend aux commerçants un service de remboursement des TR après réception et traitement de ces titres.
Dans ce cadre, la CRT assure, pour le compte de ses membres-sociétaires et d'émetteurs tiers, le traitement des TR qu'ils ont émis, en vue de leur remboursement auprès des commerçants.
Les échanges d'informations entre les membres-sociétaires par le biais de la CRT.
Selon la décision de l'ADLC, entre 2010 et 2015, les membres-sociétaires de la CRT, c'est à dire Edenred France, Natixis Intertitres, Sodexo Pass France et UP, se sont échangés, tous les mois, des informations relatives à leurs parts de marchés individuelles calculées à partir du nombre de titres traités le mois précédent par la CRT. Ces échanges transitaient par la CRT qui assurait la communication des informations par courriel unique au début de chaque mois.
Selon l'ADLC, plusieurs caractéristiques du marché ont donné à ces pratiques des effets restrictifs sur la concurrence. Etant donné la nature biface du marché, la transparence des prix sur la face acceptation du marché, la détention de la quasi-totalité des parts de marché par les quatre membres sociétaires, l'existence de fortes barrières à l'entrée, la fréquence constante et régulière des échanges et la précision des informations échangées, ces pratiques ont eu pour effet de réduire l'incertitude sur le marché des TR et l'autonomie commerciale des membres-sociétaires, en permettant à chacun d'entre eux d'apprécier la ligne stratégique de ses concurrents sur la face émission du marché.
Dans sa décision du 17 décembre 2019, l'ADLC estime que ces pratiques sont contraires aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, elle inflige au titre de ces pratiques d'échanges d'informations des sanctions pécuniaires aux sociétés Edenred France et Edenred SA, Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France et Sodexo SA, société UP, à l'association la centrale de Règlement des titres traitement.
Le verrouillage du marché par le recours à des stipulations relatives au fonctionnement de la CRT.
Selon l'ADLC, entre 2002 et 2018, la CRT et ses membres-sociétaires ont mis en œuvre une entente ayant pour objet de verrouiller le marché des titres-restaurant par le biais de dispositions statutaires, règlementaires et protocolaires.
Cette entente comprend deux volets : le contrôle de l'accession des émetteurs à la CRT (1er volet) et le contrôle du développement des titres dématérialisés, sous forme de cartes ou d'application mobiles, par les membres-sociétaires (2d volet).
Tout d'abord les conditions relatives à l'adhésion à la CRT fixées par ses statuts et son règlement intérieur sont non objectifs et non transparents.
Sur ce point l'ADLC a suivi une pratique décisionnelle déjà fournie relative aux conditions d'adhésion à un organisme collectif non objectives, non transparentes et discriminatoires. En l’espèce, l'adhésion à la CRT est une condition du traitement des titres papier. Des conditions d'adhésion qui présentent ces caractéristiques négatives, qui laissent une marge de manœuvre discrétionnaire à la CRT et à ses membres-sociétaires pour apprécier qui peut y adhérer et permettre un accès à un traitement papier utilisé par la grande majorité des commerçants qui acceptent les titres constituent un obstacle au jeu de la concurrence.
Par ailleurs, dans sa décision, l'ADLC retient qu'en concluant un protocole par lequel les membres -sociétaires se sont interdits, jusqu'à sa résiliation en 2012, de développer en dehors de la CRT une plateforme de traitement des titres-restaurant dématérialisés, les membres-sociétaires ont limité l'innovation sur le marché.
Cette interdiction imposée aux membres-sociétaires, motivée dans le protocole par le développement parallèle par la CRT d'une plateforme similaire, n'était associée à aucun calendrier ni budget indicatif. Sa méconnaissance pouvait en revanche donner lieu à des sanctions particulièrement lourdes.
Le protocole aboutissait in fine à interdire l'émission par les membres-sociétaires de titres dématérialisés pour les utilisateurs de TR, alors même que la commercialisation de titres dématérialisés, y compris par les membres-sociétaires, se développait dans d'autres pays de l'Union européenne. Ces deux pratiques sont interconnectées en ce qu'elles ont érigé des barrières à l'entrée pour de nouveaux acteurs et ont retardé l'apparition de solutions de titres-restaurant innovants.
Dans sa décision du 17 décembre 2019, l'ADLC inflige au titre de ces pratiques de verrouillage du marché des sanctions pécuniaires aux sociétés Edenred France et Edenred SA, Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France et Sodexo SA, société UP, à l'association la Centrale de règlement des titres traitement.
Ainsi l'ADLC rend une décision en date du 17 décembre 2019, condamnant les sociétés au paiement d'une sanction pécuniaire et leur a enjoint de publier le résumé figurant au paragraphe 907 de la décision et de modifier les statuts et le règlement intérieur de la Centrale de Règlement des Titres (ci-après CRT), cette décision comporte 9 articles :
« Article 4: Il est établi que les sociétés Edenred France et Edenred SA, Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France et Sodexo SA, UP et l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en mettant en œuvre des pratiques d'échange d'informations relatives à l'activité nationale des membres-sociétaires de la CRT.
Article 5: Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 4, les sanctions pécuniaires suivantes:
à la société Edenred France, solidairement avec la société Edenred SA, une sanction de 19 291 000 ;
à la société Natixis Intertitres, solidairement avec la société Natixis, une sanction de 9 060 000 ;
à la société Sodexo Pass France, solidairement avec la société Sodexo SA, une sanction de 1 339 000 ;
à la société UP une sanction de 10 297 000 ; et
à l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement, une sanction de 1.000 000 €.
Article 6: Il est établi que les sociétés Edenred France et Edenred SA, Natixis et Natixis Intertitres, Sodexo Pass France et Sodexo SA, UP et l'association Centrale de Règlement des Titres Traitement ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant à une entente ayant pour objet de verrouiller le marché des titres-restaurant.
Article 7 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 6, les sanctions pécuniaires suivantes :
à la société Edenred France une sanction de 72 290 000 ;
à la société Edenred France, solidairement avec la société Edenred SA, une sanction de 65 509 000 ;
à la sanction Natixis Intertitres une sanction de 4 360 000 ;
à la société Natixis Intertitres, solidairement avec la société Natixis, une sanction de 69 902 000 ;
à la société Sodexo Pass France, solidairement avec la société Sodexo SA, une sanction de 110 983 000 ;
à la société UP une sanction de 34 703 000 ; et
à l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement, une sanction de 2 000 000 €.
Article 8 : Il est enjoint aux entités sanctionnées d'insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, le texte figurant au paragraphe 906 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l'édition papier et sur le site Internet du journal Les Échos, de la revue 60 millions de consommateurs et de la revue Neo-Restauration. (...)
Article 9 : Il est enjoint aux sociétés Sodexo Pass France, UP, Natixis Intertitres, Edenred France et l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement de mettre en conformité les Statuts et le RI CRT avec le droit de la concurrence. Elles adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de la nouvelle version des documents, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision ».
Par assignation en date du 9 mars 2020, la société UP (la requérante) demande qu'il soit sursis à l'exécution de l'injonction édictée à l'article 9 de ladite décision (injonction de modifier les statuts et règlement de la CRT) et au paiement des amendes prévues aux articles 5 et 7 de la décision.
L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 25 mars 2020, l'audience a été renvoyée au 6 mai 2020 et au 10 juin 2020 du fait de l'état d'urgence sanitaire (Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020).
Le 10 juin 2020, la société Octoplus représentée par son Conseil se présente à l'audience et dépose des conclusions écrites. Le SNRTC (syndicat national de la restauration thématique et commerciale) représenté par son Conseil se présente à l'audience sans déposer de conclusions écrites.
A l'audience du 10 juin 2020 l'incident a été joint au fond et l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 1er juillet 2020.
Sur l'incident de procédure :
Par conclusions déposées à l'audience le 10 juin 2020 visant l'article 15 du CPC, les articles L. 464-8 et R. 464-22 et suivants du Code de commerce, la société Octoplus représentée par son Conseil fait valoir à l'audience :
1-Sur la caducité des assignations et le manquement manifeste à la loyauté des débats.
La société Octoplus se réfère à un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 octobre 2019 selon lequel une requérante ayant formé un recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence qui notifiait des conclusions à une partie en cause devant ladite Autorité est considérée comme « avoir appelé [la partie notifiée] dans la cause ». Dans le cas présent la demanderesse au référé a notifié ses conclusions récapitulatives par lettre recommandée reçue la veille de l'audience à Octoplus, et donc il convient de considérer qu'elle a ainsi appelé dans la cause la société Octoplus.
De plus selon les conclusions écrites, les articles 464-22 du Code commerce et suivants requièrent que la procédure de sursis à exécution formée contre une décision de l'Autorité doit inclure l'ensemble des parties, l'assignation n'ayant pas été signifiée à la société Octoplus, la Cour devra relever d'office sa caducité.
Dès lors que les parties ont estimé vouloir attraire la société Octoplus dans la cause, la communication tardive des conclusions sans les pièces ne permet pas à Octoplus de faire valoir ses arguments, ce comportement procédural est déloyal.
2- Sur l'absence de conséquence manifestement excessive attachée à l'exécution de l'article 9 de la décision n° 19-D-25 de l'Autorité de la concurrence.
La société Octoplus conteste l'argumentation des demanderesses au référé et argue que le seul caractère irréversible de l'injonction, à le supposé établi, n'emporte pas nécessairement des conséquences manifestement excessives.
3- Sur l'urgence justifiant la mise en œuvre immédiate de l'injonction.
A l'inverse de ce que prétendent les demanderesses au référé, il y a bien une urgence à exécuter immédiatement l'injonction prononcée à l'article 9 de la décision n° 19-D-25. En effet la société Octoplus attend avec impatience la mise à jour des statuts pour pouvoir formuler une demande d'adhésion car son développement a été entravé par cette impossibilité d'offrir à ses clients le choix entre sa solution électronique et des titres papiers. Depuis 6 ans, les nouveaux entrants sur le marché des titres restaurants en général et notamment Octoplus, ont été privés du fait du verrouillage de la CRT par les 4 émetteurs historiques, de pouvoir commercialiser des titres papiers ce qui a freiné leur développement, le sursis à exécution de l'injonction de l'Autorité de la concurrence aurait pour conséquence de perpétuer l'effet des pratiques anticoncurrentielles pendant plusieurs mois ou années, ce qui serait fatal pour la plupart des concurrents sur le marché, il y a urgence à ce que cette injonction de mise en conformité du fonctionnement de la CRT avec le droit de la concurrence soit mis en œuvre.
Il est fait mention de la jurisprudence du Tribunal de l'Union ou de la Cour de justice qui selon Octoplus n'a jamais accepté de suspendre l'exécution d'une décision de la Commission européenne comportant une injonction.
La société Octoplus demande à la Cour :
A titre liminaire : constater l'attrait à la cause de la société Octoplus par la notification, par lettre recommandée reçue le 9 juin 2020, des conclusions récapitulatives du groupe UP
à défaut : admettre l'intervention volontaire de la société Octoplus
à titre accessoire en conséquence adjuger à la société Octoplus le bénéfice des présentes écritures
A titre principal : relever la caducité de l'assignation du groupe UP portant demande de sursis à exécution de la décision de l'Autorité de la concurrence
A titre subsidiaire :
débouter le groupe UP de sa demande de sursis à exécution de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 19-D-25 en ce qui concerne l'article 9 de la décision
en tout état de cause condamner solidairement le UP à payer la somme de 1 euros au titre de l'article 700 à la société Octoplus.
Le SNRTC (syndicat national de la restauration thématique) représenté par son Conseil se présente à l'audience sans déposer de conclusions écrites et fait valoir à l'oral :
le syndicat SNRTC a reçu notifications des dernières conclusions de la requérante, il considère qu'il est attrait à la cause, qu'à défaut il intervient volontairement comme le lui permet la procédure orale. Il rappelle que le SNRTC avait saisi l'Autorité de la concurrence à l'origine de la procédure, que les restaurateurs critiquent les taux pratiqués et estiment que la libre concurrence n'est pas respectée, que bien que n'ayant rédigé aucune conclusion, il adhère aux arguments développés dans les conclusions du conseil d'Octoplus et présente les mêmes demandes.
Le conseil de la société coopérative UP fait valoir à l'oral :
le recours au fond en date du 2 mars 2020 contre la décision de l'Autorité a bien été notifié à l'ensemble des parties, dont Octoplus et le SNRTC, en revanche Octoplus et le SNRTC ne sont pas partie dans la procédure de sursis à exécution, puisqu'elles n'ont pas été assignées . Il précise que la société UP n'a pas volontairement souhaité les attraire, qu'elles ont reçu un acte par erreur. En ce qui concerne leur demande en intervention volontaire ni Octoplus ni la SNRTC ne présente un acte d'intervention volontaire avec notification aux parties, ainsi les formes requises ne sont pas respectées, de plus elles ne justifient d'aucune qualité pour agir.
En ce qui concerne l'assignation pour laquelle elles soulèvent la caducité, l'assignation obéit aux conditions de l'article R. 464-22 du Code de commerce.
L'Autorité de la concurrence s'en remet à la sagesse de la Cour.
Le ministre de l'Economie s'en remet à la Cour.
Le Ministère public, non présent à l'audience, n'a pu être consulté pour avis.
En accord avec les parties, l'incident est joint au fond.
Sur la demande de Sursis à exécution :
Par assignation déposée au greffe de la Cour d'appel de Paris le 11 mars 2020, la société coopérative UP (la requérante) fait valoir :
FAITS ET PROCÉDURE :
La requérante rappelle les termes de la décision du 17 décembre 2019 de l'ADLC, cette décision dans son article 9 enjoint aux entités auteures de l'infraction, y compris UP, de modifier les statuts et le règlement intérieur de la CRT afin de les "mettre en conformité [...] avec le droit de la concurrence et d'ainsi supprimer ou modifier toute stipulation qui y conviendrait". Il est enjoint aux sociétés d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
Les motifs de la décision ne contiennent pas d'indication sur le sens et la portée des modifications qu'il conviendrait d'apporter aux statuts et au règlement intérieur de la CRT.
L'ADLC a condamné la société UP à des sanctions pécuniaires d'un montant total de 45 millions d'euros (10 297 000 euros au titre d'échange d'informations et 34 703 000 euros au titre des pratiques d'entente), selon les articles 5 et 7 de la décision.
La décision a été notifiée le 6 février 2020, les destinataires de l'injonction doivent justifier de son exécution au plus tard le 6 mai 2020.
En l'espèce l'exécution de la Décision est susceptible d'entraîner à l'égard de la coopérative UP des conséquences manifestement excessives qui justifient que le Premier Président de la Cour d'appel de Paris prononce le sursis à exécution des articles 5, 7 et 9, dans l'attente de l'arrêt de la Cour statuant sur le recours au fond, sur le fondement de l'article L. 464-8 al. 2 du Code de commerce.
II DISCUSSION :
Selon la requérante, l'exécution des sanctions pécuniaires aurait pour la coopérative UP des conséquences manifestement excessives compte tenu de sa situation financière (1), puisque l'exécution de l'injonction édictée à l'article 9 de modifier les statuts et le règlement intérieur de la CRT avant la décision de la cour d'appel de Paris sur le recours en annulation est susceptible d'avoir des conséquences manifestement excessives (2).
1 Il doit être sursis à la mise en recouvrement des sanctions pécuniaires, qui risque de mettre en péril la viabilité de la coopérative UP
Il est indiqué que la coopérative UP est aujourd'hui une « Société Coopérative et Participative SCOP », détenue à .... Il n'existe donc aucun investisseur externe au capital social.
Par ailleurs, sa situation financière s'est nettement dégradée au cours des dernières années, en raison de différents facteurs (baisse des commission perçues auprès des clients sur les titres-restaurants, chute des taux d'intérêts rémunérant les placements de la contre-valeur des titres...). En conséquence de cette situation, la rentabilité de la coopérative UP s'est fortement dégradée au cours des dernières années.
Il est précisé que le résultat net, que ce soit au niveau de la coopérative UP ou au niveau consolidé du Groupe UP, en baisse constante depuis 2014, est désormais, au 31 décembre 2019, négatif.
Ainsi, le montant de l'amende apparaît manifestement disproportionné par rapport aux ressources de la coopérative UP puisqu'il représente plus d'un quart de son chiffre d'affaires de l'année 2019 et les résultats net et d'exploitation sont fortement négatifs.
Il est argué que la situation financière très difficile dans laquelle se trouve actuellement la coopérative UP ne lui permet pas de s'acquitter de l'amende sans mettre en péril la continuité de son activité en France et à l'étranger et que cela concrétise à l'évidence les conséquences manifestement excessives visées à l'article L. 464-8 du Code de commerce.
La requérante produit la note qu'elle a demandé de réaliser à des experts financiers du cabinet Finexsi (note technique du 5 mars 2020) et dont il ressort qu'elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour s'acquitter du paiement de l'amende dans les délais très courts qui lui seront imposés par la Direction des créances spéciales du Trésor à réception du titre de perception.
La coopérative UP ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour s'acquitter du paiement de l'amende
Ainsi que le montrent les experts dans leur note, le montant de trésorerie présenté au bilan de la coopérative UP ne correspond nullement à des disponibilités et n'est pas représentatif de sa capacité financière.
En effet, la trésorerie totale correspond principalement aux fonds reçus des clients pour couvrir la valeur nominale des titres, qui est destinée à être reversée aux commerçants affiliés, accepteurs de titres au plus tard à l'expiration du millésime des titres émis. Elle correspond donc en réalité à des dettes à venir vis-à-vis de tiers (les affiliés), à brève échéance (environ un an) et la requérante ne peut pas en disposer à sa guise.
S'agissant des titres restaurant et les CESU, la réglementation applicable impose même une obligation stricte de cantonnement des fonds correspondants à la valeur nominale des titres émis afin de sécuriser leur remboursement aux tiers. Cette trésorerie réglementée représente plus de 89,6 % de la trésorerie totale de la coopérative UP au 31 décembre 2019 et celle-ci ne peut donc en toute hypothèse juridiquement pas en disposer.
Quant à la trésorerie des titres non réglementés (les titres cadeaux essentiellement), il appartient à tout émetteur de faire une utilisation prudente de la trésorerie liée à la valeur nominale des titres émis puisqu'il doit être en mesure de faire face de manière permanente à son engagement contractuel de reverser la valeur des titres aux affiliés lors de leur remise.
Or, les experts financiers du cabinet Finexsi ont établi qu'à fin 2019, la trésorerie nette de la coopérative UP, correspondant aux sommes qui restent à sa disposition en tenant compte du remboursement de la valeur nominale des titres en circulation, est très fortement négative, de -328 millions d'euros, et que « compte tenu de la forte saisonnalité, le niveau de la trésorerie nette de UP à fin janvier 2020 sera encore plus bas ».
Par conséquent, utiliser l'intégralité ou une partie substantielle des liquidités pour honorer l'exécution provisoire de l'amende ne permettrait plus à la coopérative UP, à court terme, de rembourser ses affiliés.
La coopérative UP n'a pas la possibilité de recourir à un concours bancaire supplémentaire pour payer l'amende
Il est indiqué que compte tenu de son déficit structurel de trésorerie, la coopérative UP est d'ores et déjà contrainte de recourir à un crédit bancaire de 151,5 millions d'euros pour financer ses activités et ses investissements.
Or, d'une part, ce crédit ne peut être utilisé que pour « refinancer partiellement les crédits existants ; et financer ou refinancer totalement ou partiellement des acquisitions autorisées ainsi que les frais y afférents ; et/ou financer les besoins généraux du Groupe et son développement » (v. page 12 rapport des experts du cabinet FINEXSI). Le paiement d'une amende ne fait pas partie des usages autorisés contractuellement.
D'autre part, compte tenu de son niveau d'endettement très élevé, la coopérative UP ne peut pas solliciter un nouveau concours bancaire pour payer l'amende.
La coopérative UP ne peut pas faire appel à ses actionnaires ou à un investisseur externe pour payer l'amende, et ne dispose pas d'actifs susceptibles d'être cédés sans remettre en cause la pérennité de ses activités
Impossibilité de faire appel aux actionnaires existants, à savoir les salariés de la coopérative UP
Il est argué que les salariés ne disposent pas à l'évidence de la capacité de financer l'amende.
Impossibilité de faire appel à un investisseur externe
Il est soutenu que la possibilité de faire entrer un investisseur tiers existe seulement dans la théorie, compte tenu de la structure de la société sous forme de SCOP : en effet, l'investisseur resterait minoritaire dans le capital et serait juridiquement empêché de prendre part à la gouvernance de la société et sa part dans la distribution des bénéfices serait limitée.
Absence d'actifs cessibles hors actifs d'exploitation
Il est indiqué que les experts du cabinet FINEXSI, dans le cadre de leur étude, n'ont pas identifié d'actifs détenus par la coopérative UP et susceptibles d'être cédés, en dehors d'actifs d'exploitation. Or, la cession d'un actif d'exploitation, conduisant à une réduction du périmètre d'activité de la coopérative UP, constituerait à l'évidence une conséquence manifestement excessive.
Il découle de tout ce qui précède que, pour la requérante, le paiement de l'amende, avant que la Cour d'appel de Paris ne se soit prononcée sur le fond, aurait des conséquences manifestement excessives, susceptibles de mettre en péril sa viabilité économique et financière et, à terme, sa disparition du marché.
La coopérative UP produit une note technique du 5 mars 2020 sur sa situation de trésorerie et sa capacité à faire face au paiement de l'amende imposée par l'Autorité de la concurrence.
2 Il doit être sursis à l'exécution de l'injonction de modification des statuts et du règlement intérieur de la CRT
Premier moyen: violation flagrante du principe du contradictoire et des droits de la défense entraînant un risque sérieux d'annulation de l'article 9 de la décision
Sur la possibilité d'invoquer une violation flagrante des règles de droit applicables au soutien d'une demande de sursis à exécution fondée sur l'article L. 464-8 du Code de commerce
Selon la jurisprudence, une violation flagrante des règles de droit applicables entraînant un risque sérieux d'annulation de la décision attaquée justifie en soi qu'il soit sursis à son exécution provisoire, dès lors que la violation est manifeste.
En l'espèce, violation flagrante du principe du contradictoire et des droits de la défense du fait de l'absence de tout débat contradictoire sur l'injonction visée à l'article 9 de la décision
Il est argué que l'article L. 463-1 du Code de commerce soumet la procédure contentieuse devant l'Autorité de la concurrence au principe du contradictoire, ce qui signifie que l'Autorité ne peut retenir des éléments dans sa décision de sanction qu'à la condition que les parties aient pu en débattre contradictoirement au préalable.
Il est précisé que ce principe ne s'applique pas seulement aux éléments retenus pour la qualification de l'infraction mais aussi aux sanctions adoptées par le Collège.
En l'espèce, l'injonction de modification des statuts et du règlement intérieur de la CRT n'a pas été évoquée par les services d'instruction au cours de la phase contradictoire écrite.
Il ressort du Rapport en date du 25 février 2019 que les services d'instruction n'ont pas recommandé, ni même évoqué, une quelconque injonction de modifier les statuts et le règlement intérieur de la CRT. A ce stade de la procédure, la requérante n'a donc pas été en mesure de présenter ses observations sur une telle objection.
Par ailleurs, cette injonction n'a pas non plus été évoquée, ni a fortiori discutée, lors de la séance du 18 juillet 2019.
Il en découle une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, au principe du contradictoire et au principe de l'égalité des armes.
Deuxième moyen: violation flagrante de la triple exigence de clarté, de précision et de certitude quant à son exécution de l'injonction édictée à l'article 9 de la décision
Il est soutenu qu'il découle du principe d'interprétation stricte qui s'applique aux injonctions que toute injonction prononcée par l'Autorité sur le fondement de l'article L. 464-2 du Code de commerce doit être formulée en des termes claires, précis et exempts d'incertitudes quant à son exécution.
Au cas présent, l'injonction édictée à l'article 9 de la décision est clairement non conforme à cette triple exigence.
En effet, il suffit de se reporter au libellé du dispositif de la décision pour constater que l'Autorité s'est contentée d'enjoindre aux entités sanctionnées de « mettre en conformité les Statuts et le RI CRT avec le droit de la concurrence », en se bornant ainsi à reprendre les termes généraux et impersonnels de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
Quant aux motifs de la décision, ils se limitent à deux paragraphes succincts (908 et 909) (en réalité 907 et 908) qui ne font que paraphraser l'article L. 464-2 du Code de commerce.
Il est argué qu'il existe une incertitude fondamentale sur le sens que devrait revêtir la « mise en conformité » des statuts et du règlement intérieur de la CRT.
En effet, la requérante n'est pas en mesure de déterminer si (i) une modification des modalités d'adhésion de nouveaux membres à la CRT est indispensable pour conformer les textes internes de la CRT au droit de la concurrence ou si (ii) la rédaction de nouvelles stipulations précisant les modalités de prestations de services aux tiers par la CRT, sans pour autant modifier les modalités d'adhésion de nouveaux membres, constituerait une alternative satisfaisante du point de vue de l'Autorité.
Il est soutenu que la décision ne permet pas de savoir si les deux options - accès au statut de membre ou aux services de la CRT - sont équivalents du point de vue du droit de la concurrence, ni si l'une ou l'autre pourraient être acceptables alternativement et selon quelles modalités, et que la rédaction de la formule « supprimer ou modifier toute stipulation qui y contreviendrait » est particulièrement vague et que les stipulations ne sont pas spécifiées.
Troisième moyen : risque élevé de sanction à l'encontre des requérantes pour inexécution de l'injonction édictée à l'article 9 de la décision
Il est rappelé que l'article L. 464-3 du Code de commerce attribue à l'Autorité le pouvoir de contrôler elle-même l'exécution de ses décisions et, le cas échéant, de sanctionner leur non-respect par une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article L. 464-2.
Ainsi, en l'absence de sursis à exécution et dans l'hypothèse où l'Autorité viendrait à considérer que la requérante n'a pas correctement exécuté l'article 9 de la décision, celle-ci pourrait se voir infliger une sanction pécuniaire pouvant atteindre 10 % de son chiffre d'affaires total, ce qui est déjà arrivé par le passé.
Il est soutenu que pour les raisons développées supra, le risque qu'une telle procédure contentieuse soit engagée à l'encontre de la requérante est assurément élevé.
Quatrième moyen : le caractère irréversible de l'injonction édictée à l'article 9 de la décision
D'après la jurisprudence, la notion de « conséquence manifestement excessive » au sens de l'article L. 464-8 du Code de commerce recouvre également l'exécution d'une injonction irréversible, c'est-à-dire d'une injonction rendant improbable un retour à la situation antérieure en cas de succès du recours au fond. Le sursis à exécution permet alors de préserver le caractère provisoire de l'exécution de la décision de sanction.
En l'espèce, à supposer que la requérante procède de bonne foi à certaines modifications des statuts et du règlement intérieur de la CRT conjointement avec les autres destinataires de l'article 9 de la décision, et que l'Autorité s'en montre satisfaite, un retour à la situation antérieure serait improbable et cela quelles que soit les diligences entreprises, dans la mesure où la structure et le fonctionnement de la CRT seraient irrémédiablement modifiés.
En outre, une nouvelle modification des statuts qui serait destinée à revenir à la situation antérieure en cas d'annulation de la décision supposerait l'accord des autres membres de la CRT. La requérante n'aurait donc aucune garantie que l'ensemble des membres de la CRT acceptent de procéder aux diligences nécessaires pour rendre effectif un retour à la situation antérieure et il en serait, a fortiori, de même si un nouvel émetteur devenait membre de la CRT sur la base des statuts et du règlement intérieur de la CRT modifiés en exécution de l'injonction.
Il est enfin rappelé que selon la jurisprudence de la CEDH, le droit au procès équitable inscrit à l'article 6 de la CESDH couvre non seulement l'accès au juge mais également la mise en œuvre des décisions judiciaires et la possibilité de revenir à une situation antérieure en cas d'annulation d'une décision.
Cinquième moyen: sur l'absence d'urgence justifiant la mise en œuvre immédiate de l'injonction
Il est fait valoir qu'aucune circonstance ne justifie en l'espèce l'exécution immédiate de l'injonction prononcée à l'encontre de la requérante, compte tenu de la gravité relative ainsi que du dommage tout aussi limité à l'Economie de la seconde entente sanctionnée par la décision.
Il est argué que le caractère relatif de cette gravité s'explique par le fait qu'aucun émetteur en général ni aucun des cinq nouveaux entrants sur le marché (le saisissant Octoplus, Moneo, Crédit Mutuel, Digibon Et Lunch'R) n'a demandé à adhérer à la CRT ou à recourir à ses services; aucun des saisissants (Octoplus ou les syndicats de restaurateurs et d'hôteliers) n'a dénoncé un quelconque verrouillage du marché par les conditions d'entrée et/ou d'accès aux services de la CRT; les émetteurs non membres de la CRT sont déjà en mesure de demander à la CRT de leur fournir une prestation de traitement de leurs titres-papier, sans devenir membres de la CRT.
En outre, de l'aveu même de l'ADLC, cette entente n'a causé aucun dommage à l'Economie (cf. paragraphes 834, 839 et 846).
Dans ces conditions, ni la gravité de la pratique ni le dommage à l'Economie ne justifient d'une telle urgence rendant nécessaire l'exécution immédiate de l'injonction.
Par conséquent, aucun motif d'intérêt général ne justifie l'exécution immédiate de l'injonction, au contraire sa mise en œuvre aurait des conséquences graves et irréversibles pour la requérante.
En conclusion, il est demandé de :
- constater les conséquences manifestement excessives pour la société UP causées par l'exécution de la décision n° 19-D-25 de l'Autorité de la concurrence, et notamment ses articles 5, 7 et 9, en cas d'annulation ou de réformation ultérieure de cette décision par la Cour d'appel de Paris ;
En conséquence,
- ordonner le sursis à l'exécution des sanctions prévues aux articles 5, 7 et 9 de la décision n° 19-D-25 jusqu'à ce que la Cour d'appel de Paris ait statué sur le bien-fondé du recours formé par la société UP à l'encontre de la décision n° 19-D-25 ;
En tout état de cause,
- dire que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
La société Octoplus représentée par son Conseil soutient oralement ses conclusions déposées à l'audience le 10 juin 2020 et argue de l'absence de conséquence manifestement excessive attachée à l'exécution de l'article 9 de la décision n° 19-D-25 de l'Autorité de la concurrence, et de l'urgence justifiant la mise en œuvre immédiate de l'injonction
Le SNRTC représenté par son Conseil soutient oralement les mêmes arguments.
Par observations du 1er avril 2020, soutenues à l'audience du 10 juin 2020 le ministre de l'Economie fait valoir que :
I Sur l'office du Premier président de la Cour d'appel de Paris dans les procédures de sursis à statuer
Il est rappelé le texte de l'article L. 464-8 du Code de commerce et soutenu que d'après la jurisprudence, s'il n'appartient pas au magistrat délégué de la cour d'appel de Paris de « contrôler la légalité de la décision objet du recours, il lui revient en revanche de s'assurer, lorsqu'une irrégularité grave de procédure est invoquée, que la décision n'est pas sérieusement menacée d'annulation de ce chef, de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives visées à l'article L. 464-8 du Code de commerce ».
Il est précisé que ladite appréciation « suppose que la violation alléguée apparaisse manifeste, c'est-à-dire qu'elle résulte à l'évidence de la décision contestée et des pièces produites » (récemment, CA Paris, 23 janvier 2019, affaire Stihl, n° 18/26546).
II Sur les demandes de sursis à exécution de l'injonction de l'article 9 de la décision
A Sur la violation flagrante du principe du contradictoire et des droits de la défense
Au cas présent, l'instruction et la décision se sont fondées sur un ensemble d'arguments, de déclarations et de pièces matérielles, dont plusieurs ont été versées par les parties au cours du contradictoire, phase pendant laquelle les entreprises en cause ont disposé de la faculté de consulter l'ensemble de ces éléments et de formuler les observations qu'elles jugeaient utiles. Le Collège de l'Autorité de la concurrence était, quant à lui, libre de déterminer les suites qui lui paraissaient appropriées à l'espèce.
Par ailleurs, il est souligné que la décision peut, en vertu de l'article L. 464-8 du Code de commerce, faire l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris, ouvrant un débat contradictoire sur les sanctions pécuniaires et les injonctions infligées aux requérantes.
B Sur la violation flagrante de la triple exigence de clarté, de précision et de certitude et le risque élevé qui en résulterait de non-respect de l'injonction
Il résulte de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris qu'une injonction « doit être formulée en des termes claires, précis et exempts d'incertitudes quant à son exécution ».
Or, en l'espèce, la décision explique sans ambiguïté dans quelle mesure les statuts et le règlement intérieur de la CRT sont contraires au droit de la concurrence et pose un cadre clair sur les modalités de leur mise en conformité. En effet, il est reproché aux conditions d'adhésion à la CRT d'être définies de manière non objective, non transparente ou discriminatoire (v. notamment § 605 à 622 de la décision).
Il s'en déduit que les modifications à apporter doivent être de nature à remédier à l'absence d'objectivité et de transparence des conditions d'adhésion à l'association.
Il est argué que le fait de prévoir les modalités de prestations de services aux tiers par la CRT ne saurait constituer une alternative suffisante à la mise en place de conditions d'adhésion objectives, transparentes et non discriminatoires.
Par ailleurs, l'injonction de mise en conformité de l'article 9 vise la Centrale de Règlement des Titres Traitement (CRT T), de sorte qu'il n'existe aucune ambiguïté quant à l'entité concernée par les modifications à apporter et, par conséquent, quant à la nature et à la portée de ces modifications.
Enfin, l'article 9 de la décision n'exclut pas une phase d'échange avec l'Autorité de la concurrence dans le délai imparti pour la mise en œuvre de l'injonction, dans l'hypothèse où les modifications proposées ne seraient pas jugées suffisantes.
C Sur le caractère irréversible de l'injonction
Il est soutenu que les requérantes ne démontrent nullement de manière « concrète et chiffrée » les conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution de l'injonction.
Quant à l'affirmation selon laquelle cette injonction fait courir des risques irréversibles, elle n'est appuyée d'aucun élément suffisamment probant.
En effet, l'argument selon lequel il existerait une incertitude quant au vote futur de l'Assemblée générale de la CRT T ne peut être de nature à rendre impossible la possibilité de revenir à une situation financière en cas d'annulation d'une décision de sorte que les requérantes se retrouveraient automatiquement privées du bénéfice de leurs recours au fond.
D Sur la méconnaissance du principe de proportionnalité (argument soulevé par la CRTT)
E Sur l'absence d'urgence justifiant la mise en œuvre immédiate de l'injonction
Selon la jurisprudence, l'urgence ne constitue pas une condition nécessaire à l'imposition d'une injonction mais permet seulement, au regard de l'impact anticoncurrentiel des pratiques visées, d'apprécier la nécessité de leur mise en œuvre immédiate.
Par conséquent, l'argument tiré de l'absence d'urgence est inopérant.
III Sur la demande de sursis à la mise en recouvrement des sanctions infligées à la coopérative Up
Le ministre considère que les éléments avancés par la coopérative Up, notamment des documents comptables versés aux dossiers qui font état d'un résultat net en diminution constante depuis 2014 jusqu'à devenir négatif sur l'exercice 2019, sous réserve qu'ils soient confirmés par l'audit des commissaires aux comptes, témoignent d'une situation financière très dégradée.
Dès lors, les capacités contributives de la coopérative Up pourraient apparaître insuffisantes pour lui permettre de s'acquitter immédiatement de la totalité des sanctions qui lui ont été infligées.
En effet, si Up devait payer immédiatement l'amende fixée par l'Autorité, elle aurait un solde disponible négatif de 48 674 000.
Il est rappelé une jurisprudence de la Cour d'appel de Paris qui a ordonné le sursis à exécution de la mise en recouvrement de sanctions dès lors que le paiement immédiat de ces sanctions mettait en péril la survie de l'entreprise en cause. La Cour considère « qu'il convient donc d'étudier si les conditions financières de chaque partie leur permettent de payer l'amende telle que fixée à l'égard de chacune ou si ce paiement entrainerait pour chacune d'elles des conséquences manifestement excessives jusqu'à ce que la Cour se prononce sur leur recours [...] » (CA de Paris 26 juin 2012, n° 12/08905).
Il est argué que, dans ces conditions, le paiement immédiat des sanctions pécuniaires infligées pourrait être de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour la requérante.
Le ministre à l'audience expose que UP fait état de liquidités insuffisantes pour le paiement effectif de la sanction et s'en remet à la Cour pour apprécier l'impact de la crise sanitaire sur la situation financière d'UP.
En conclusion, le ministre de l'Economie considère qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sursis à statuer concernant l'injonction énoncée à l'article 9 de la décision n° 19-D-25 et s'en remet à la sagesse de la Cour concernant le prononcé d'un sursis à exécution provisoire, total ou partiel, des sanctions pécuniaires prononcées par l'Autorité de la concurrence à l'encontre de la coopérative Up. Il demande enfin de juger que les dépens de la présente instance suivent le sort de ceux de l'instance au fond.
Par observations du 20 avril 2020, l'Autorité de la concurrence fait valoir :
I Sur la demande de sursis à exécution de l’Injonction.
I A Sur le principe de l'effet non suspensif du recours et la notion d'urgence
UP soutient qu'aucune urgence ou motif d'intérêt général ne justifie ni ne rend nécessaire l'exécution immédiate des injonctions prononcées à son encontre, or il est rappelé que l'exécution immédiate des décisions de l'Autorité, y compris des injonctions prononcées, est de droit et ne dépend donc d'aucune condition particulière d'urgence ni d'aucun motif d'intérêt général qui serait notamment lié à la gravité de l'infraction ou au dommage à l'Economie .
Dès lors, les arguments des requérantes sont inopérants.
De surcroît, la décision n'impose pas de « conditions particulières » à l'entreprise mais se borne, en réalité, à ordonner qu'il soit « mis fin aux pratiques » par la mise en conformité des dispositions statutaires et réglementaires litigieuses, énonçant, conformément à sa pratique décisionnelle, de façon claire et précise les obligations incombant aux entités sanctionnées.
I B Sur les moyens tirés de la violation flagrante de règles de droit.
1 Sur l'admissibilité des moyens tirés de la violation flagrante des règles de droit dans le cadre de la demande de sursis à exécution d'une décision de l'Autorité
Il ressort d'une jurisprudence constante qu'il n'appartient pas au magistrat délégué par le Premier président de contrôler la légalité de la décision, objet du recours dont la cour aura à connaître.
Si, dans de rares hypothèses, le sursis à exécution d'une décision a pu être accordé au motif d'une violation flagrante des règles de droit, ce n'est que lorsque des irrégularités graves de procédure étaient alléguées et à la stricte condition que la décision soit « sérieusement menacée d'annulation de ce chef de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives visées par l'article L. 464-8 du Code de commerce ». Or, cela n'est pas le cas en l'espèce.
2 Sur les principes du contradictoire, des droits de la défense et de l'égalité des armes UP soutient que le principe du contradictoire à la procédure contentieuse devant l'ADLC, ainsi que les droits de la défense et l'égalité des armes ont été violés.
A titre liminaire, il est rappelé que l'injonction a été prononcée conformément au paragraphe I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, qui habilite l'Autorité à imposer des conditions particulières aux entreprises ou aux organismes ayant mis en place une pratique anticoncurrentielle afin d'y mettre fin.
Au cas présent, les pratiques visées au titre du premier volet du grief n° 2 étaient toujours en cours à la date de l'adoption de la décision. Dès lors l'article 9 enjoint à la requérante d'y mettre fin.
L'Autorité cite plusieurs jurisprudences nationales et européennes précisant la portée des principes du contradictoire, des droits de la défense et de l'égalité des armes et argue que ces principes n'ont pas été violés à l'adoption de l'article 9 de la décision attaquée.
En effet et en premier lieu, dès lors que l'injonction a pour objectif de mettre un terme aux pratiques visées au grief n° 2 encore en cours à la date de la décision, les principaux éléments de fait et de droit susceptible d'influer sur sa détermination avaient été communiqués aux requérantes au stade de l'instruction.
En deuxième lieu, les observations qui auraient pu être formulées par les requérantes ne concernent pas les éléments de fait et de droit pour la détermination de l'injonction mais sa seule formulation, dont la rédaction n'appartient qu'à l'Autorité.
En troisième lieu, la référence à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 mai 2017 est inopérante au cas d'espèce dans la mesure où, dans cette affaire, les rapporteurs de l'Autorité avaient présenté des éléments nouveaux en séance ayant trait au dommage à l'Economie pris en compte, sur les aspects quantitatifs desquels les parties n'avaient pas pu répliquer.
Au cas particulier, l'injonction en cause n'a pas été établie à partir de nouveaux éléments de fait ou de droit dont le versement tardif aurait nécessité un tour de contradictoire supplémentaire mais à partir du constat, soumis au contradictoire, que les comportements infractionnels subsistaient au jour de la décision.
3 Sur la clarté, la précision, la certitude de l'injonction
Il est fait valoir que l'Autorité a requis la mise en conformité des statuts et du règlement intérieur de la CRT avec le droit de la concurrence, sans se substituer aux entités sanctionnées dans la définition des moyens pour y parvenir, qu'il appartient auxdites entités de définir.
Il ressort des motifs énoncés aux paragraphes 605 à 610 de la décision que celle-ci prend soin de viser les carences des stipulations des statuts et du règlement intérieur de la CRT du point de vue des règles de la concurrence en précisant en quoi les conditions d'adhésion à la CRT ne sont ni transparentes, ni objectives.
Dans ces conditions, les allégations des requérantes sont infondées.
S'agissant tout d'abord de la référence à la CRT dans l'expression « RI CRT », il s'agit ici du règlement intérieur de la Centrale de Règlement des Titres Traitement.
En ce qui concerne ensuite l'objet de la modification, il s'agit pour les requérantes de rendre les conditions d'adhésion à la CRT objectives et transparentes en modifiant les statuts et le règlement intérieur de la CRT.
Il est argué que la décision identifie avec précision les pratiques dont l'Autorité demande la cessation puisque cette injonction porte sur « les Statuts et le RI CRT », ces documents ayant été présentés de façon circonstanciée aux paragraphes 287 à 329 de la décision et leurs dispositions contraires au droit de la concurrence ayant été abondamment décrites dans sa motivation.
Sur l'absence de violation flagrante d'une règle applicable aux injonctions
Si le magistrat délégué par le Premier président devait considérer que les allégations de la requérante relative à la clarté et à la proportionnalité de l'injonction peuvent être examinées dans le cadre de la demande de sursis, ledit examen ne pourra conclure qu'à l'absence d'illégalité en l’espèce.
Concernant le caractère proportionné de la décision, l'Autorité a relevé que les conditions d'adhésion à la CRT n'étaient ni transparentes, ni objectives, contrairement à la jurisprudence applicable.
Ainsi que la Cour d'appel de Paris l'a rappelé dans son arrêt du 20 décembre 2018 n° 17/01304, la vérification du caractère proportionné de l'injonction « suppose qu'elle soit d'abord apte à remplir son objectif ».
Il est soutenu que la mise en conformité ordonnée n'implique nullement une ingérence excessive ou une remise en cause d'une politique de décroissance éventuellement engagée, mais uniquement l'application de règles transparentes objectives dans toute politique que la CRT T souhaiterait engager.
Dans ces conditions, l'injonction apparaît parfaitement utile pour atteindre l'objectif poursuivi mais également proportionnée.
Par ailleurs, s'agissant de l'incompétence de la CRT T pour procéder à la modification de ses statuts, il suffit de renvoyer au texte de l'article 9 qui vise la CRT T, mais aussi les autres requérantes compétentes pour procéder à la modification des statuts dans le cadre d'une assemblée générale extraordinaire, qui est d'ailleurs convoquée par le Conseil d'administration de la CRT T. S'agissant du règlement intérieur, la décision n'implique nullement qu'il traite de points extérieurs à son rôle mais simplement que les requérantes modifient aussi ce document pour rendre les conditions d'adhésion transparentes et objectives.
Sur l'absence de conséquences manifestement excessives
Il est fait valoir que les requérantes ne fournissent, dans leurs écritures, aucun élément de nature à permettre à la cour d'apprécier l'existence de conséquences manifestement excessives qui résulteraient de l'absence de clarté, précision et certitude de l'injonction, mais se bornent à invoquer l'existence d'une menace sérieuse d'annulation de la décision.
I C Sur le moyen tiré du risque élevé de sanction pour inexécution de l'injonction
Il est soutenu que la requérante aurait pu se rapprocher de l'Autorité afin d'en faire préciser les termes de la décision et éviter ainsi toute crainte de « discrétion totale » de sa part.
Par ailleurs, à supposer même qu'une sanction soit prononcée contre les requérantes pour non-respect de l'injonction, elles pourront introduire un recours en annulation de la décision de sanction devant la cour d'appel de Paris, ainsi qu'il est déjà arrivé par le passé.
I D Sur le moyen tiré du caractère irréversible de l'injonction
Il est argué que la requérante ne démontre pas le caractère irréversible de l'injonction soulignant qu'un retour à la situation préalable serait « improbable ».
D'ailleurs, rien n'empêche les requérantes d'insérer une clause dans la nouvelle version des statuts et/ou du règlement intérieur permettant, en cas d'annulation de l'article 9 de la décision, que la version antérieure de ces textes soit rétablie automatiquement.
II Sur la demande de sursis à exécution des sanctions prévues aux articles 5 et 7 de la Décision.
Il appartient à UP de justifier de l'existence des difficultés financières dont elle se prévaut et de leur incidence sur sa capacité contributive. En l'espèce UP ne démontre pas que la sanction de l'Autorité est susceptible d'entrainer des 'conséquences manifestement excessives'.
A- sur l'insuffisance probatoire des données utilisées par UP pour la détermination de sa capacité contributive.
Les éléments financiers produits par UP sont insuffisants, car incomplets et incohérents, UP ne produit aucun document comptable même provisoire relatif à l'exercice 2019. Il est constaté des écarts inexpliqués entre certains chiffres présentés dans la note technique et les données présentées dans la demande du 15/05/2019. L'autorité s'interroge sur la nature des éléments communiqués au Cabinet Finexsi.
L'Autorité souligne dans ses écritures du 20 avril qu'aucun titre de perception n'a été reçu par UP pour le paiement de l'amende, et que la société peut demander des délais de paiement auprès du Trésor public. Ainsi la valeur probatoire des éléments d'UP est insuffisante pour démontrer une impossibilité pour UP de s'acquitter du montant des sanctions financières.
B- sur l'insuffisance des arguments soulevés par UP au soutien de sa demande.
Les arguments avancés par UP dans cette procédure ont déjà été soumis dans le cadre de la procédure devant l'Autorité, qui en a tenu compte. Le statut coopératif n'est pas un argument valable et ne peut justifier une réduction particulière des sanctions. Aucune clause du contrat de crédit n'interdit l'utilisation du crédit pour le paiement de l'amende.
C- sur la situation financière actuelle d'UP.
Aucun des éléments nouveaux relatifs à l'exercice 2019 produits par UP n'est de nature à modifier l'analyse de l'Autorité s'agissant de sa capacité à s'acquitter des sanctions sans remettre en cause sa continuité d'exploitation. Il ressort de l'analyse des comptes statutaires et consolidés d'UP qu'elle est en mesure de supporter les sanctions infligées.
L'Autorité produit une note (pièce 1) d'analyse de la capacité contributive d'UP au paiement des sanctions pécuniaires prévues aux articles 5 et de la décision. Sont évoquées les caractéristiques statutaires d'UP, les contraintes de trésorerie et d'endettement d'UP, les difficultés économiques alléguées par UP, sa situation financière au niveau statutaire et au niveau consolidé. L'Autorité en conclut qu’au regard des éléments présentés par UP, il n'apparaît pas que les articles 5 et 7 de la décision imposant des sanctions financières à UP soient susceptibles "d'entraîner des conséquences manifestement excessives", ni qu'il soit "intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité" conformément à l'article L. 464-8 du Code de commerce.
Il ressort de ces éléments que les requêtes formulées qui visent à obtenir le sursis à exécution des sanctions prévues aux articles 5 et 7 de la décision et de l'injonction prévue à l'article 9 de la décision sont infondées et doivent être rejetées.
A l'audience du 10 juin 2020 l'Autorité de la concurrence soutient ses observations écrites, sollicite l'intervention oral d'un expert financier et fait valoir que : concernant l'exercice 2019 les pièces comptables ne sont pas fournies, que UP ne démontre pas ce qu'elle avance sur ses difficultés financières, que les chiffres de 2019 ne sont pas pertinents, que UP est en exédent et non déficitaire, que bien que les titres de perception aient été émis le 15 mai 2020, UP peut solliciter un échelonnement au fisc, que l'impact de la crise sanitaire n'est pas démontré.
L'expert financier rappelle que l'Autorité est attachée au principe de tenir compte des difficultés des entreprises, qu'elle sollicite des éléments d'analyse financière par questionnaire et reste pragmatique avant de prendre la décision. Les pièces soumises par UP ne permettent pas d'apprécier la situation actualisée, aucune pièce n'est fournie pour la situation d'aujourd'hui.Les informations dans la note de juin 2020 n'expliquent que la situation de 2019, il n'est pas possible de contre expertiser les chiffres avancés par UP qui ne produit pas de pièces comptables.
Par conclusions récapitulatives et en réplique du 3 juin 2020, soutenues à l'audience du 10 juin 2020 avec intervention d'un expert financier, la société coopérative UP fait valoir :
I -Il doit être sursis à la mise en recouvrement des sanctions pécuniaires qui risque de mettre en péril la viabilité de la coopérative UP.
Il est rappelé que le paiement de la somme de 45 millions d'euros a des conséquences manifestement excessives pour la coopérative UP au regard de sa situation financière obérée. La requérante fait valoir une situation financière qui s'est nettement dégradée au cours des dernières années. Les chiffres définitifs confirment un résultat net 2019 négatif à -4,4 millions d'euros, sans tenir compte de l'impact de l'amende.
Il est rappelé que le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire doit être apprécié au regard de la situation du débiteur compte tenu de ses facultés.
La requérante produit des rapports d'experts financiers qui établissent que la coopérative UP ne dispose pas des ressources nécessaires pour s'acquitter du paiement de l'amende (note du mars 2019 et note complémentaire du 2 juin 2020). D'ailleurs, le ministre de l'Economie estime que la demande de sursis à exécution est bien fondée du fait de la situation financière très dégradée de la coopérative UP.
De plus, les commissaires aux comptes ont formulé, une observation sur l'incertitude relative de la continuité d'exploitation de la coopérative UP.
La requérante ajoute que les conséquences de la crise sanitaire actuelle caractérisent des 'faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité 'tels que prévus à l'article L. 464-8 du Code de commerce, et justifient d'autant plus le prononcé du sursis à exécution de l'amende. L'activité de la coopérative UP est évidemment corrélée à l'activité économique des entreprises françaises, elle a vu les volumes d'émission et le chiffre d'affaires opérationnel liés à son produit principal qu'est le titre- restaurant (70% de l'activité ) chuter de façon brutale, une grande partie des salariés a été placée en chômage technique depuis le confinement., UP est très impactée par les retards de paiement, la défaillances des entreprises et les licenciements économiques qui découlent de la crise sanitaire. La survenance de la crise sanitaire a ainsi lourdement impacté l'activité et n'a fait qu'aggraver la situation économique et financière fragile de la coopérative UP, cette crise est un constitutive d'un 'fait nouveau d'une exceptionnelle gravité'.
L'expert financier rappelle qu'une note complémentaire datant de juin 2020 est produite aux débats, il précise notamment que l'évolution de la rentabilité n'a cessé de baisser depuis 3 ans et est négative en 2019, que l'activité de UP connaît des variations de trésorerie du fait de la saisonnalité de son activité, que l’analyse de la situation d'UP du cabinet Finexsi semble partagée par les commissaires aux comptes.
II- Il doit être sursis à l'exécution de l'injonction de modification des statuts et du règlement intérieur de la CRT :
La société requérante reprend les arguments développés dans ses premières écritures et conteste la jurisprudence citée par l'Autorité, selon UP l'Autorité prétend que la clarté de l'injonction ne fait aucun doute alors que les parties de la décision auxquelles elle se réfère ne concerne pas seulement les conditions d'adhésion à la CRT mais couvre aussi la fourniture des services de la CRT aux tiers.
La démonstration circulaire de l'Autorité n'éclaire pas les destinataires de l'injonction.
En conclusion, il est demandé de :
- constater les conséquences manifestement excessives pour la société UP causées par l'exécution de la décision n° 19-D-25 de l'Autorité de la concurrence, et notamment ses articles 5, 7 et 9, en cas d'annulation ou de réformation ultérieure de cette décision par la Cour d'appel de Paris ;
- constater les faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité sur le plan économique et financier pour la coopérative UP découlant de la survenance de la pandémie de Covid-19 et du confinement général ordonné par le gouvernement à partir du 16 mars 2020 ;
En conséquence,
- ordonner le sursis à l'exécution des sanctions prévues aux articles 5,7 et 9 de la décision n° 19-D-25 jusqu'à ce que la Cour d'appel de Paris ait statué sur le bien-fondé du recours formé par la coopérative UP à l'encontre de la décision n° 19-D-25 ;
En tout état de cause,
- dire que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
Par avis déposé au greffe de la Cour d'appel le 8 juin 2020, le Ministère public soutient :
1 Sur le principe de l'effet non suspensif du recours et la notion d'urgence
Il découle de l'article L. 464-8 du Code de commerce que l'exécution immédiate des décisions de l'Autorité de la concurrence, y compris des injonctions prononcées, est de droit et qu'aucune condition particulière d'urgence ou aucun motif d'intérêt général ne sont requis.
2 Sur la demande de sursis à exécution de l'injonction
Sur la violation manifeste du principe du contradictoire et des droits de la défense
Selon une jurisprudence constante, « s'il n'appartient pas au magistrat délégué de contrôler la légalité de la décision, objet du recours, il lui revient en revanche de s'assurer, lorsqu'une irrégularité grave de procédure est invoquée, que la décision n'est pas sérieusement menacée d'annulation de ce chef de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives visées par l'article L. 464-8 précité ».
En l'espèce, s'agissant de la qualification de violation flagrante des règles de droit invoquée, aucune flagrance, communément définie comme une évidence qui ne peut être niée, ne peut- être valablement soutenue.
Par ailleurs, l'instruction a été pleinement contradictoire dans la mesure où le rapport avait précisé la possibilité d'ordonner de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce et où les requérantes avaient été en mesure de formuler toutes observations utiles sur l'ensemble des éléments de fait et de droit ayant fondé la décision, le collège de l'Autorité étant le seul décisionnaire quant au choix d'infliger des sanctions pécuniaires aux entreprises concernées et/ou de leur enjoindre de cesser ou de modifier leurs comportements afin de se conformer au droit de la concurrence.
Sur la violation flagrante de l'exigence de clarté, de précision et de certitude de l'injonction et le risque allégué de sanction pour inexécution
Il est soutenu que la lecture de la décision laisse apparaître que le libellé de l'injonction figurant à l'article 9 est parfaitement éclairé par les énonciations des paragraphes 287 à 329 relatifs aux « conditions d'entrée et de sortie de la CRT », ainsi que par l'appréciation détaillée portée sur ces conditions aux paragraphes 605 à 654.
Ainsi, contrairement aux allégations des requérantes, la décision a bien précisé en quoi les conditions d'adhésion à la CRT n'étaient ni transparentes, ni objectives et précisé au paragraphe 835 que « pour les émetteurs de titres-restaurant tiers, la possibilité ouverte par les statuts de la CRT de pouvoir offrir ses services à des tiers ne constituait pas une alternative crédible à l'adhésion d'un point de vue économique ».
Dans ces conditions, l'objet de la modification consistant à rendre les conditions d'adhésion à la CRT objectives et transparentes en modifiant les statuts et le règlement intérieur de la CRT est parfaitement identifiable et l'injonction s'appliquant expressément à « l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement », aucun doute sur l'entité visée ne saurait être valablement invoqué.
Enfin, s'agissant du risque de sanction pour inexécution de l'injonction, il est argué qu'à le supposer encouru, aucune conséquence manifestement excessive ne pourrait en résulter pour les requérantes.
Il est souligné qu'ainsi que le rappelle l'Autorité, en cas de doute sur le sens ou l'interprétation de l'injonction, les requérantes auraient pu se rapprocher d'elle afin d'en faire préciser les termes.
Par ailleurs, il leur serait toujours possible de contester l'injonction dans leur recours au fond devant la Cour d'appel de Paris et de la saisir en cas de décision de sanction pour inexécution.
Sur le caractère disproportionné et irréversible de l'injonction
Le Ministère public soutient que la mise en conformité demandée vise à remédier aux dysfonctionnements constatés et s'inscrit dans la jurisprudence de la cour d'appel de Paris, selon laquelle la vérification du caractère disproportionné d'une injonction « suppose qu'elle soit d'abord apte à remplir son objectif ».
Concernant l'incompétence alléguée de la CRT T pour procéder à la modification de ses statuts, il suffit de se reporter au texte de l'article 9 qui vise la CRT T, mais aussi les autres requérantes compétentes pour procéder à la modification des statuts dans le cadre d'une assemblée générale extraordinaire.
S'agissant du règlement intérieur, la décision n'implique nullement qu'il traite de points extérieurs à son rôle, mais simplement que les requérantes modifient également ce document pour rendre les conditions d'adhésion transparentes et objectives.
Il est également fait observer que les requérantes ne fournissent aucun élément matériel et chiffré à l'appui de leur argumentation selon laquelle l'exécution de l'injonction aurait un caractère irréversible, alors que la preuve des conséquences manifestement excessives résultant de la modification des statuts et du règlement intérieur de la CRT T incombe aux demandeurs.
Il est cité une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « en subordonnant (...) la reconnaissance de l'existence de conséquences manifestement excessives à la constatation du caractère irréversible de la situation invoquée, le délégué du premier président (...) a ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comportait pas ».
En tout état de cause, la preuve d'une impossibilité de retour à la situation antérieure en cas d'annulation manifeste ou de réformation de la décision de l'Autorité, de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives n'est pas rapportée.
Le Ministère public estime donc que la requête tendant au sursis à exécution de l'injonction doit être rejetée.
3 Sur la demande de sursis à la mise en recouvrement des sanctions infligées à la coopérative UP
Le Ministère public considère que l'ensemble des éléments produits par la coopérative UP, sous réserve qu'ils soient confirmés par les dernières pièces produites et éclairés par les débats à l'audience faisant intervenir, notamment, les experts financiers, témoignent d'une situation financière très dégradée affectant la capacité contributive de la coopérative, de nature à conduire la Cour à ordonner le sursis à exécution de tout ou partie de la sanction jusqu'au prononcé de sa décision sur le recours formé au fond.
En conclusion, le Ministère public invite à :
- rejeter les demandes de sursis à exécution concernant l'injonction figurant à l'article 9 de la décision n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 de l'Autorité de la concurrence ;
- accueillir, sous réserve de la confirmation des éléments relatifs à la situation financière de la coopérative UP, sa demande de sursis à exécution, total ou partiel, des sanctions prononcées à son encontre aux articles 5 et 7 de la décision n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 de l'Autorité de la concurrence.
SUR CE
Sur l'incident de procédure :
Considérant qu'aux termes l'article R. 464-22 du Code de commerce « les demandes de sursis à exécution prévues aux articles L. 464-7 et L. 464-8 sont portées par voie d'assignation devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris, selon les modalités du deuxième alinéa de l'article 485 du Code de procédure civile », qu'aux termes de l'article R. 464-24 « à peine de caducité de la demande relevée d'office, l'assignation est délivrée à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'Economie », que contrairement à ce qu'affirment la société Octoplus et le SNRTC les articles « 464-22 du Code de commerce et suivants », ne requièrent pas qu'une telle procédure de sursis à exécution doit inclure l'ensemble des parties en cause devant l'Autorité, que la mention de la délivrance de l'assignation à "toutes les parties en cause" de l'article R. 464-24 du Code commerce a été abrogée par un décret du 5 mai 2017, ainsi la société coopérative UP a délivré le 9 mars 2020 une assignation à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'Economie conformément à l'article R. 464-24 du Code de commerce, qu'il n' y a pas lieu de relever la caducité de l'assignation.
Considérant qu'il résulte de l'article R. 464-22 du Code de commerce que le Premier président de la Cour d'appel de Paris est saisi d'une demande de sursis à exécution par voie d'assignation, qu'aucun article du Code de commerce ne prévoit qu'un requérant puisse intervenir dans la cause par un autre mode de saisine, que la jurisprudence de la cour d'appel de Paris invoquée par Octoplus et le SNRTC concerne les articles L. 464-8 et R. 464-17 du Code de commerce, applicables pour la procédure du recours au fond, et non pas pour le sursis à exécution, qu'il résulte des débats à l'audience que la coopérative UP n'a pas eu la volonté d'attraire à la cause ni la société Octoplus ni le SNRTC, que la demande de constater l'attrait à la cause la société Octoplus et du SNRTC sera rejetée.
Considérant qu'il résulte des articles L. 464-8, R. 464-22 et R. 464-24 du Code de commerce qui régissent le sursis à exécution que la voie de l'intervention volontaire n'est pas non plus prévue par les articles du Code de commerce dans ce cadre, que ni Octoplus ni le SNRTC n'indiquent le texte sur lequel ils se fondent pour être admis comme intervenant volontaire, que selon l'article 554 du Code de procédure civile « peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité », que dans ses écritures (2) Octoplus se définit comme "partie devant l'Autorité de la concurrence", que le conseil du SNRTC a déclaré oralement soutenir les mêmes prétentions, ainsi la demande d'admission en tant qu'intervenant volontaire de Octoplus et du SNRTC ne pourra qu'être rejetée.
Considérant que la société Octoplus et le SNRTC ne sont pas considérés comme parties à l'instance du sursis à exécution, toutes leurs demandes seront rejetées, ainsi que celle concernant l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la demande de sursis à exécution :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce " les décisions de l'Autorité de la concurrence mentionnées aux articles L. 462-8, L. 464-2, L. 464-3, L. 464-5, L. 464-6, L. 464-6-1 et L. 752-27 sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'Economie ", qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris.
Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le Premier Président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner "des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité" .
Considérant que la décision n° 19-D-25 de l'Autorité de la concurrence comporte 9 articles dont :
Article 5 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 4, les sanctions pécuniaires suivantes:
à la société Edenred France, solidairement avec la société Edenred SA, une sanction de 19 291 000 ;
à la société Natixis Intertitres, solidairement avec la société Natixis, une sanction de 9 060 000 ;
à la société Sodexo Pass France, solidairement avec la société Sodexo SA, une sanction de 15 339 000 ;
à la société UP une sanction de 10 297 000 ; et
à l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement, une sanction de 1 000 000 €.
Article 7 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 6, les sanctions pécuniaires suivantes :
à la société Edenred France une sanction de 72 290 000 ;
à la société Edenred France, solidairement avec la société Edenred SA, une sanction de 65 509 000 ;
à la sanction Natixis Intertitres une sanction de 4 360 000 ;
à la société Natixis Intertitres, solidairement avec la société Natixis, une sanction de 69 902 000 ;
à la société Sodexo Pass France, solidairement avec la société Sodexo SA, une sanction de 110 983 000 ;
à la société UP une sanction de 34 703 000 ;
et à l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement, une sanction de 2 000 000 €.
Article 9 : Il est enjoint aux sociétés Sodexo Pass France, UP, Natixis Intertitres, Edenred France et l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement de mettre en conformité les Statuts et le RI CRT avec le droit de la concurrence. Elles adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de la nouvelle version des documents, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision », que la coopérative UP a saisi le Premier président de la Cour d'appel de Paris d'une demande de sursis à exécution concernant ces injonctions (articles 5, 7 et 9).
Considérant que "le Premier Président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives", que la requérante soulève notamment que cette injonction n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire entre l'Autorité de la concurrence et les parties durant la phase contentieuse alors que cette phase est soumise au principe du contradictoire selon l'article L. 463-1 du Code de commerce, que la violation du principe du contradictoire entraîne un risque sérieux d'annulation de la décision attaquée, que cette injonction méconnaît la triple exigence de clarté, de précision et de certitude quant à son exécution, que compte tenu de cette incertitude à laquelle sont exposées les parties quant au sens et à la portée de l'injonction, son exécution provisoire les exposerait au risque de ne pas satisfaire l'Autorité et donc à une procédure de sanction sur le fondement de l'article L. 464-3 du Code de commerce pour inexécution de l'injonction ce qui serait constitutif d'une « conséquence manifestement excessive », que la modification des statuts et du règlement intérieur de la CRT entrainerait une situation irréversible en cas d'annulation de la décision, que ce caractère irréversible est également constitutif de « conséquence manifestement excessive", qu'aucun caractère d'urgence ne justifie l'exécution immédiate de l'injonction de l'article 9, que la coopérative UP fait valoir de graves difficultés financières qui ne lui permettent pas de satisfaire aux injonctions 5 et 7 sans mettre en péril son avenir.
Considérant qu'il convient de rappeler qu'il ressort de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris, ainsi que le souligne dans ses observations le ministre de l'Economie, qu'une injonction « doit être formulée en termes clairs, précis et exempts d'incertitude quant à son exécution », qu'il résulte de la décision du 17 décembre 2019 que l'injonction faite aux sociétés Sodexo Pass France, UP, Natixis Intertitres, Edenred France et l'association la Centrale de Règlement des Titres Traitement de mettre en conformité les Statuts et le RI CRT avec le droit de la concurrence est particulièrement imprécise quant à son exécution, qu'il est fait référence dans la décision à deux articles 907 et 908 qui sont censés éclairer cette injonction, que ces articles sont rédigés en termes généraux et ne donnent aucune explication technique sur les attentes de l'Autorité, que si la décision a précisé en quoi les conditions d'adhésion à la CRT n'étaient ni transparentes, ni objectives, elles ne donne aucune information pour y remédier, que les conclusions écrites des requérantes ont mis l'accent à juste titre sur une incertitude quant à la personne visée (la CRT) qui peut représenter des entités différentes (la CRT Traitement ou la CRT services), que le statut juridique associatif de la CRT permet peu de souplesse dans la modification des statuts et du RI qui dépendent d'un vote d'une Assemblée générale extraordinaire qui est souveraine en la matière, que les explications en réponses données par l'Autorité sont contenues dans des observations denses et techniques (qui renvoient à pas moins de 91 paragraphes de sa décision qui concernent les conditions d'adhésion à la CRT mais aussi la fourniture de services de la CRT aux tiers), que cela démontre que l'injonction est peu compréhensible et revêt un caractère indéterminé, que la proposition de l'Autorité, dans ses écritures et à l'audience, d'inviter les parties à se rapprocher d'elle pour clarifier le sens et la portée de l'injonction concernant son exécution de façon "informelle", en dehors de tout cadre juridique, interroge et confirme la caractère peu précis de l'injonction, que de plus les parties évoquent à juste titre une insécurité juridique du fait de la possibilité pour l'Autorité de mettre en œuvre d'autres sanctions financières si les modifications statutaires effectuées ne lui convenaient pas, que la modification des statuts et du règlement intérieur entraînerait une situation irréversible dans la mesure ou la structure et le fonctionnement de la CRT seraient irrémédiablement modifiés, que la proposition de l'Autorité dans ses écritures pour les requérantes d'inclure dans les statuts et le règlement intérieur modifiés une clause de rétablissement "automatique" de la version antérieure en cas d'annulation de l'article 9 semble peu réalisable eu égard aux conséquences (modification des conditions d'adhésion à la CRT et des voies délibératives aux assemblées, modification des conditions de prestations de services aux tiers..).
Considérant que la coopérative UP fait état d'une situation financière dégradée, qu'elle produit des documents chiffrés et argumentés sur sa situation, qu'elle a notamment produit une note de mars 2020 du Cabinet Finexsi actualisée en juin 2020, qu'elle a joint à son assignation une synthèse de sa situation financière et de celle du groupe UP à jour du 31 décembre 2019, sur la base de comptes non arrêtés définitivement à cette date, qu'il en ressortait que le résultat net, que ce soit au niveau de la coopérative UP ou au niveau du groupe consolidé UP en baisse constante depuis 2014, était devenu au 31 décembre 2019 négatif, que la requérante a confirmé dans ses conclusions en réplique que le résultat net 2019 est négatif à -4,4 millions d'euros, et ce sans tenir compte de l'impact de l'amende, qu'à l'audience un expert financier du Cabinet Finexsi est venu expliquer et confirmer cette situation financière dégradée en s'appuyant sur une note complémentaire du Cabinet actualisée au 3 juin 2020, que l'Autorité a contesté ces résultats comptables dans ses écritures et à l'audience en faisant intervenir son expert financier, sans toutefois produire un écrit, qu'elle a mis en doute la véracité des éléments produits du fait de l'absence de confirmation du commissaire aux comptes, qu'il résulte néanmoins des pièces produites et des débats à l'audience que la coopérative UP a démontré que sa situation financière était très dégradée, ainsi que le confirme le ministre de l'Economie dans ses écritures, et que le règlement des sanctions financières à hauteur de 45.000.000 euros serait susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Considérant que l'Autorité de la concurrence ne caractérise pas en quoi la suspension de l'exécution de l'injonction prévue à l'article 9 de sa décision serait susceptible d'entraîner une atteinte grave à l'ordre public économique.
Considérant que les éléments ci-dessus exposés caractérisent les "conséquences manifestement excessives" de l'article L. 464-8 du Code de commerce susmentionné.
Considérant que la coopérative UP fait état dans ses conclusions récapitulatives et à l'audience de "faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité" provoquant une aggravation de sa situation sur le plan économique et financier découlant de la survenance de la pandémie de Covid-19 et du confinement général ordonné par le gouvernement à partir du 16 mars 2020 ; qu'en effet la décision de l'Autorité de la concurrence a été notifiée à la coopérative UP en date du 6 février 2020, que postérieurement à cette date la Loi du 23 mars 2020 a instauré un état d'urgence sanitaire obligeant à un confinement général de la population du fait d'une pandémie mondiale, que l'activité économique de l'ensemble de la nation a été fortement ralentie pendant plusieurs mois dans tous les domaines, que la coopérative UP fait valoir que son activité a subi une chute, que sa situation financière déjà fragile a subi une aggravation, qu'il en résulte que cet événement est constitutif de 'faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ».
Considérant en conséquence qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution des injonctions des articles 5, 7 et 9 de la décision n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 de l'Autorité de la concurrence, jusqu'à ce que la cour statue sur le bien-fondé du recours au fond.
Par ces motifs : - Déclarons irrecevables la demande d'attrait à la cause et la demande d'intervention volontaire de la société Octoplus et du SNRTC ; - Rejetons toutes les autres demandes de la société Octoplus et du SNRTC ; - Ordonnons le sursis à exécution des injonctions des articles 5, 7 et 9 de la décision n° 19-D-25 de l'Autorité de la concurrence du 17 décembre 2019 prononcées à l'encontre de la coopérative UP jusqu'à ce que la Cour d'appel statue sur le bien-fondé du recours formé contre cette décision ; - Disons que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.