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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 juillet 2020, n° 18/21756

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BCRC (SAR)

Défendeur :

Bagel Chef (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Me Meynard, Me Vignes

T. com. Paris, du 5 sept. 2018

5 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 septembre 2018 qui :

- dit que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société BCRC ;

- condamne la société BCRC à payer à la société Bagel Chef la somme de 32 274,22 euros à titre de dommages et intérêts pour la résiliation anticipée du contrat de franchise, déboute pour le surplus ;

- déboute la société BCRC de sa demande de dommages et intérêts pour opposition abusive sur le prix de vente de son fonds de commerce et pour procédure abusive ;

- condamne la société Bagel Chef à payer à la société BCRC la somme de 725 euros au titre de la rétribution des remises de fins d'année de 2016 et 2017 ;

- déboute la société BCRC de sa demande d'ordonner à Bagel Chef de lui produire les éléments nécessaires à l'établissement des ristournes et remises fournisseur pour les années 2016 et 2017 ;

- condamne la société BCRC aux dépens et à payer à Bagel Chef la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, déboutant pour le surplus de la demande ;

- ordonne l'exécution provisoire.

Vu les dernières conclusions de la société BCRC, appelante, signifiées et notifiées le 26 juin 2019, qui demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

dit que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société BCRC ;

condamne la société BCRC à payer à la société Bagel Chef la somme de 32 274,22 euros à titre de dommages et intérêts pour la résiliation anticipée du contrat de franchise, déboute pour le surplus ;

déboute la BCRC de sa demande de dommages et intérêts pour opposition abusive sur le prix de vente de son fonds de commerce et pour procédure abusive ;

condamne la société Bagel Chef à payer à la société BCRC une somme limitée à 725 euros au titre de la rétribution des remises de fins d'année de 2016 et 2017 ;

déboute la BCRC de sa demande d'ordonner à Bagel Chef de lui produire les éléments nécessaires à l'établissement des ristournes et remises fournisseur pour les années 2016 et 2017 ;

condamne la BCRC à payer à Bagel Chef la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, déboutant pour le surplus de la demande ;

Statuant à nouveau :

- rejeter toutes les demandes de la société Bagel Chef,

- constater qu'il n'existe aucune obligation pour la société BCRC d'indemniser la société Bagel Chef au titre de la résiliation anticipée pour cession de fonds de commerce,

- dire et juger que l'opposition et la procédure initiée par la société Bagel Chef sont abusives et Condamner la société Bagel Chef à verser à la société BCRC la somme de 10 000 euros à ce titre,

- ordonner à la société Bagel Chef de produire à la société BCRC les éléments nécessaires à l'établissement des ristournes et remises fournisseurs pour l'exercice 2016 et l'exercice 2017,

- condamner la société Bagel Chef à payer à la société BCRC la somme ainsi établie au titre des ristournes et des remises fournisseurs.

Subsidiairement concernant ces deux derniers points

- confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société Bagel Chef à payer à la Société BCRC la somme de 725 Euros au titre de la rétribution des remises de fin d'année 2016 et 2017.

En tout état de cause

- condamner la société Bagel Chef à verser à la société BCRC une indemnité de procédure de 5 000 euros et aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Bagel Chef, intimée, signifiées et notifiées le 26 mars 2019, qui demande à la cour de :

- rejeter les demandes et conclusions de la société BCRC à toutes fins qu'elles comportent ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Bagel Chef à payer à la société BCRC la somme de 725 euros au titre de la rétribution des remises de fins d'année de 2016 et 2017, subsidiairement confirmer le jugement entrepris de ce chef ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a

prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société BCRC ;

débouté SARL BCRC de sa demande d'ordonner à la SAS Bagel Chef de lui produire les éléments nécessaires à l'établissement des ristournes et remises fournisseurs pour les années 2016 et 2017 ;

condamné la société BCRC à payer à la société Bagel Chef une indemnité de procédure de 4 000 euros et les dépens de première instance ;

- élever le montant de l'indemnité de résiliation pour rupture anticipée du contrat de franchise après avoir constaté que le montant total des redevances qui auraient été facturées par la société Bagel Chef jusqu'au terme normal du contrat s'élève à la somme de 125 652 euros ;

- constater que la société Bagel Chef a d'elle-même admis que cette somme de 125 652 euros pouvait apparaître excessive ;

- constater que la société Bagel Chef sollicite indemnisation à hauteur de la somme de 60 000 euros qui n'apparaît pas plus manifestement excessive que manifestement dérisoire ;

- condamner la société BCRC à payer à la société Bagel Chef cette somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise ;

- condamner en tout état de cause la société BCRC à payer à la société Bagel Chef cette somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif outre celle de 6 000 euros au titre de frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel, en sus de ceux de première instance.

Les parties ne se sont pas opposées à la procédure sans audience qui leur a été proposée, par mail du président de cette chambre du 11 mai 2020, au visa de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et de l'ordonnance du premier président de cette Cour du 7 mai 2020.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

La société BCRC dont M. X est gérant est spécialisée dans la restauration rapide.

La société Bagel Chef est une société de restauration rapide.

Le 13 juin 2016, M. X a signé avec Bagel Chef un contrat de franchise d'une durée de 9 ans, au terme duquel cette dernière lui a cédé le droit d'exploiter les marques « Bagel Chef » et « B Chef » en vue d'exploiter un restaurant dans un centre commercial de Rennes. BCRC s'est ensuite substituée à M. X en tant que franchisé.

Après avoir informé Bagel Chef par lettre RAR du 29 janvier 2018 de son intention de vendre son fonds de commerce, BCRC l'a cédé sans que le cessionnaire souhaite le transfert du contrat de franchise, cette cession étant parue au BODACC le 28 avril 2018 et ayant entraîné la résiliation par anticipation de contrat de franchise ci-dessus visé.

Les parties sont en désaccord sur le principe même d'une indemnité de résiliation anticipée et, le cas échéant sur son montant, ainsi que sur la rétrocession, sollicitée à titre reconventionnel par BCRC, des ristournes fournisseurs 2016 - 2017.

1 - Sur la demande principale en paiement d'une indemnité de résiliation anticipée

La société BCRC soutient que Bagel Chef ne dispose pas d'un droit à indemnisation du fait de la cession du fonds de commerce avant le terme du contrat, l'article 23.1.1 du contrat de franchise prévoyant expressément qu'en pareil cas, ledit contrat est résilié "par anticipation", c'est-à-dire, par dérogation, avant ce terme.

La société Bagel Chef soutient que l'article 23.4 du contrat de franchise prévoit expressément qu'en cas de rupture anticipée du contrat aux torts du franchisé, celui-ci reste tenu du paiement de l'intégralité de la redevance annuelle pour l'année civile en cours, sans préjudice des sommes listées à cet l'article.

Le jugement entrepris reproduit les dispositions pertinentes de l'article 23 du contrat de franchise intitulé "résiliation anticipée", laquelle est possible, notamment, dans les cas visés :

- à l'article 23.1, relatif à la cession du fonds de commerce,

- à l'article 23.2, relatif à l'inexécution grave de ses obligations par le franchisé,

- à l'article 23.3 relatif au non-paiement par le franchisé, en particulier, des redevances dues.

Le jugement entrepris reproduit aussi les dispositions pertinentes de l'article 23 de ce contrat relatif aux sommes restant dues, en cas de résiliation anticipée par application des articles 23-2 et 23-3 ci-dessus.

Le jugement entrepris en déduit exactement qu'à défaut d'indemnisation expressément prévue au contrat de franchise en cas de cession de fonds de commerce avant l'arrivée le 12 juin 2025 du terme du contrat de franchise, le droit commun de la responsabilité civile s'applique, tel qu'il résulte de l'article 1147 devenu 1217 du Code civil.

Il suffira d'ajouter ce qui suit.

Si les dispositions ci-dessus ne prévoit pas expressément d'indemnité de résiliation anticipée en cas de cession de fonds de commerce avant l'arrivée du terme du contrat de franchise, elles ne l'excluent pas non plus expressément et le silence du contrat à cet égard ne suffit pas à exclure tout droit à indemnisation de droit commun en pareille hypothèse.

Ce d'autant qu'au vu de sa lettre du 11 octobre 2017, annonçant à Bagel Chef son intention, dans le contexte du retard pris par la construction et l'arrivée de la seconde ligne de métro dans le centre-ville de Rennes, de vendre son fonds de commerce pour éviter une liquidation judiciaire, BCRC avait dans un premier temps admis le principe de cette indemnisation, lui-même admis par la jurisprudence et la doctrine dans un tel cas.

Bagel Chef sollicite une indemnisation qu'elle limite à 60 000 euros qu'elle dit correspondre à la moitié des redevances qu'elle aurait perçues jusqu'au terme du contrat et qu'elle considère comme raisonnable eu égard à la courte durée d'exécution du contrat (presque 2 ans), à la longue durée restant à courir (plus de 7 ans) et au prix de cession du fonds de commerce (180 000 euros).

Toutefois, BCRC fait pertinemment valoir :

- qu'il serait étonnant que l'indemnité due en cas de manquement grave du franchisé soit contractuellement limitée au montant de la redevance annuelle de l'année civile en cours, soit une somme moins élevée que celle due en cas de cession de fonds de commerce avant le terme du contrat, laquelle n'est nullement fautive

- et que Bagel Chef qui se borne à invoquer son chiffre d'affaires perdu, ne justifie pas de son préjudice en termes de marge sur coûts variables non plus que de ses comptes 2017.

En cet état et au vu des circonstances dont ne résultent nullement les erreurs et inaction alléguées du franchiseur, à propos desquelles BCRC procède par affirmation, la Cour estime le préjudice de Bagel Chef à la somme exactement retenue par les premiers juges soit 32 274,22 euros non assujettie à la TVA, comme correspondant à 40 % du montant des redevances restant à échoir jusqu'au terme du contrat.

2 - Sur les demandes reconventionnelles relatives à la rétrocession des ristournes fournisseurs 2016 - 2017

Le jugement entrepris retient exactement, par des motifs pertinents que la Cour adopte, au vu de correspondances produites aux débats et de la modicité des sommes en jeu :

- d'une part, que Bagel Chef doit à BCRC la somme de 725 euros, au titre de sa quote-part des rétrocessions de ristournes fournisseurs 2016-2017 dues aux 38 restaurants du réseau BCHEF (27 547 : 38 = 725), peu important que BCRC ne soit plus franchisée en 2018

- et, d'autre part, qu'elle dispose des éléments nécessaires à l'établissement du montant de cette somme, relevant en outre qu'il ne peut être imposé à Bagel Chef de révéler la teneur de ses négociations avec les fournisseurs qui relève du secret des affaires mais seulement, comme elle a fait, d'en faire connaître le résultat aux franchisés.

Bagel Chef, qui s'est engagée à ces rétrocessions envers ses franchisés ne conteste pas utilement ces motifs, ses annonces de rétrocessions (pièce 11 BCRC) ayant également été adressées à BCRC, peu important qu'il ait "rompu brutalement" et 2 ans après son entrée dans le réseau un contrat qui devait durer encore 7 ans.

Quant à BCRC, elle n'étaye pas sa demande persistante de production par Bagel Chef des éléments nécessaires à l'établissement des rétrocessions en examen.

3 - Sur les demandes accessoires

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constituent un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner lieu à dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équivalente au dol, non caractérisées en l'espèce, chacune des parties ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits.

Les demandes des parties à ce titre et au titre de l'abus d'opposition au prix de cession ne peuvent donc être accueillies.

D'autre part et vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile, BCRC dont le recours échoue, doit supporter la charge des dépens et l'équité commande de la condamner à payer à Bagel Chef l'indemnité de procédure ci-dessous.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; y ajoutant, Condamne la société BCRC aux dépens d'appel ; Condamne la société Bagel Chef une indemnité de procédure de 4 000 euros ; Rejette toute autre demande.