Cass. com., 1 juillet 2020, n° 17-31.755
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Société de Restauration d'Aéroports Congrès Tourisme et Affaires (SA)
Défendeur :
Lagardère Travel Retail France (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocats :
SCP Bénabent, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 31 octobre 2017), par des conventions conclues en 2001 et 2005, la société Aéroport de la Côte d'Azur (la société ACA) a concédé à la Société de restauration d'aéroports congrès tourisme et affaires (la société Actair) des autorisations temporaires d'occupation du domaine public pour l’exploitation de restaurants sur le site de l’aéroport de Nice-Côte-d'Azur.
2. Dans le cadre de la procédure d’appel d’offres destinée à la nouvelle attribution de ces autorisations d'exploitation, lancée par la société ACA le 2 juin 2014, les sociétés Actair et Lagardère Travel Retail France (la société Lagardère), anciennement dénommée Relay France, se sont respectivement portées candidates.
3. La société Lagardère a été déclarée attributaire de l’un des lots, le second étant attribué à un tiers. La société Actair n'a pas formé de recours contre cette décision, portée à sa connaissance le 21 novembre 2014.
4. La société Lagardère a confié la gestion des cinq points de vente de son lot, précédemment exploités par la société Actair, à des gérants de succursales ayant leurs propres salariés, certains d'entre eux étant repris en leur qualité d'anciens salariés de la société Actair.
5. Estimant que le recours à la gérance de succursale était contraire à la législation du travail, la société Actair a assigné la société Lagardère afin de voir juger que les services de restauration n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 7321-2 du Code du travail et que le fait, pour la société Lagardère, de confier l’exploitation des points de restauration de l’aéroport à des gérants de succursales, au sens du texte précité, est constitutif d’actes de concurrence illicite et déloyale et, en conséquence, condamner la société Lagardère à des dommages-intérêts et ordonner la publication de la décision de condamnation.
Examen du moyen unique
Il est statué sur ce moyen après avis de la chambre sociale, sollicité en application de l’article 1015-1 du Code de procédure civile.
Enoncé du moyen
6. La société Actair fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors que :
« 1°) qu’aux termes de l’article L. 7321-2, 1°, du Code du travail, est gérant de succursale toute personne « chargée, par le chef d’entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l’entreprise, en vue de recevoir d’eux des dépôts de vêtements ou d’autres objets ou de leur rendre des services de toute nature » ; qu’en retenant que les activités de restauration litigieuses entraient dans le champ d’application de ce texte dans la mesure où celui-ci fait référence à « des services de toute nature », cependant que l’activité de restauration concernée n’était pas exercée dans les locaux ou dépendances mêmes de la société Lagardère Travel Retail France, mais dans des locaux fournis ou agréés par cette entreprise, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2, 1° du Code du travail, par fausse application de ce texte ;
2°) qu’aux termes de l’article L. 7321-2, 2°, du Code du travail, est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste « essentiellement » soit à « vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise », soit à « recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise » lorsque, dans les deux cas, ces personnes exercent leur profession « dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par [elle] » ; qu’en retenant que l’activité de restauration confiée aux gérants salariés de la société Lagardère Travel Retail France entrait dans le champ d’application de ce texte, cependant qu’il s’agissait d’une prestation de service ne correspondant à aucune des activités limitativement énumérées à l’article L. 7321-2, 2° du Code du travail, la cour d’appel a violé, par fausse application, ce texte. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 7321-2 du Code du travail :
7. Il résulte de ce texte que l'activité professionnelle de restauration peut entrer dans le champ d'application du texte susvisé, peu important qu'elle soit exercée dans des locaux faisant l'objet d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public. Cette activité est de nature à être confiée à un gérant de succursale, dès lors que sont réunies les conditions prévues au 2° du texte précité.
8. Il en résulte, d'une part, que, le 1° de l'article L. 7321-2 susvisé étant inapplicable à l'activité de restauration, il importe peu que ladite activité, confiée par la société Lagardère à des gérants de succursales, ne soit pas exercée dans les locaux ou dépendances mêmes de cette société, mais dans des locaux fournis ou agréés par elle.
9. D'autre part, contrairement à ce que postule la seconde branche du moyen, l'activité de restauration confiée par la société Lagardère à des gérants de succursales entre dans le champ d'application du 2° de l'article L. 7321-2 susvisé.
10. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Par ces motifs, LA COUR :
Rejette le pourvoi.