CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 septembre 2020, n° 18/23246
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Metal Color Europe (SARL)
Défendeur :
Assa Abloy France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Gilles
Avocat :
SCP Brodu - Cicurel - Meynard - Gauthier
FAITS ET PROCÉDURE
A compter de juillet 2011, la société JPM a confié à la SARL Metal color Europe-MCE la sous-traitance de la mise en peinture de pièces métalliques qu'elle fabrique en série.
Par lettre du 25 novembre 2014, la société JPM a notifié l'arrêt de cette sous-traitance, précisant qu'il se ferait progressivement du mois de décembre 2014 au mois de septembre 2015, selon une décision de son groupe de réintégrer ces tâches de fabrication.
La SARL Metal color Europe-MCE a considéré par lettre du 6 janvier 2015 que cette décision était dénuée de justification objective et que les diminutions observées du montant des commandes dès avant décembre 2014 lui avaient causé un préjudice indemnisable, dû aux manquements de la société JPM à ses engagements sur les volumes en considération desquels elle avait, pour les seuls besoins de celle-ci, non seulement réalisé des investissements et une organisation spécifiques, embauché du personnel, mais encore consenti une remise de 27% sur ses tarifs habituels.
Par lettre du 30 janvier 2015, la société JPM a précisé que l'activité normale serait maintenue de décembre 2014 à avril 2015 inclus, avec cependant un déclin à cause de la conjoncture et que, de mai 2015 à septembre 2015, il y aurait une réduction progressive d'activité.
Par lettre du 1er avril 2015, le conseil de la SARL Metal color Europe-MCE a contesté l'effectivité du préavis annoncé et s'est prévalu d'une rupture brutale partielle des relations commerciales établies à compter de novembre 2014.
Une tentative de rapprochement amiable n'a pas abouti.
Par acte extrajudiciaire du 12 octobre 2016, la SARL Metal color Europe-MCE à assigné la société JPM en rupture brutale partielle de la relation commerciale établie.
Par jugement du tribunal de commerce du 14 décembre 2016, la SARL Metal color Europe-MCE a été placée en redressement judiciaire.
C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Lyon, par jugement du 4 septembre 2018, a :
- dit suffisant le préavis accordé par la société JPM,
- dit non brutale la rupture des relations commerciales établies,
- débouté la SARL Metal color Europe-MCE et iwr en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Metal color Europe-MCE de toutes leurs demandes,
- condamné solidairement la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Metal color Europe-MCE à verser à la société JPM une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Metal color Europe-MCE aux dépens.
Par dernières conclusions du 5 juin 2020 la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ
UP représentée par M. D... B... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Metal color Europe-MCE, appelantes, demandent à la Cour de :
- vu l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau :
- dire que la société JPM (aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Assa Abloy France) a brutalement rompu les relations commerciales avec la première société concluante ;
- en conséquence :
- condamner la SAS Assa Abloy France venant aux droits de la société JPM à verser à la première société concluante les sommes suivantes :
- 181 446 euros au titre de la perte de marge brute ;
- 105 358,43 euros au titre des investissements ayant dû être réalisés pour la société JPM ;
- 24 374,33 euros au titre du coût des licenciements et de la rupture conventionnelle ;
- 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 5 juin 2020, la SAS Assa Abloy France venant aux droits de la société JPM prie la Cour de :
- vu l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ;
- vu l'article 9 du code de procédure civile ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- rejeter les demandes des sociétés Metal color Europe-MCE et AJ UP ;
Y ajoutant,
- condamner solidairement la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, dépens en sus.
Les parties ont accepté la procédure sans audience qui leur a été proposée.
SUR CE,
Les moyens soutenus par la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... ès qualités, au soutien de leur appel, ne font que réitérer sous une forme nouvelle mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
A ces justes motifs il sera ajouté ce qui suit.
Il est constant que la durée de la relation commerciale établie était de moins 5 années au moment de la notification du préavis.
Compte tenu de l'ancienneté de cette relation, en l'absence d'exclusivité, aucune dépendance économique ne peut être retenue dès lors que rien de spécifique au traitement des commandes de la société JPM n'a véritablement pu gêner la SARL Metal color Europe-MCE pour réorienter son activité avec d'autres donneurs d'ordre.
C'est pourquoi le préavis minimum qui devait être accordé par la société JPM pour que la rupture ne soit pas brutale n'est pas supérieur à 5 mois.
La société JPM a précisément écrit à la SARL Metal color Europe-MCE qu'elle avait choisi d'accorder le maintien de l'activité normale de décembre 2014 à avril 2015, sous réserve du déclin induit par la conjoncture.
De décembre 2014 à avril 2015, elle a passé commandes pour 47 629 euros, soit en moyenne 9 525 euros par mois sur la durée du préavis qu'elle devait respecter pour que rupture ne soit pas brutale.
La société JPM produits les actes de son président d'arrêté des comptes des exercices clos les 31 décembre 2012, 2013, 2014, 2015, ainsi que des comptes de résultat, certes, non certifiés, mais qui se recoupent avec les actes officiels d'arrêté des comptes signés du président.
Il apparaît, en 2012, un résultat d'exploitation positif de 4 871 452 euros. L'année 2013 a généré, au contraire, une perte d'exploitation de 101 030 euros. En 2014, ce fut à nouveau un bénéfice d'exploitation, d'un montant de 1 709 572 euros. En 2015, le bénéfice d'exploitation a été 2 442 422 euros.
Les comptes de résultat de la société JPM pour les années 2013 (mentionnant 2012), 2014 et 2015 indiquent que le chiffre d'affaires net de 2013 était en baisse de l'ordre de 20% par rapport à 2012, pour quasiment se maintenir au même niveau de 27 000 000 euros en 2014 et encore diminuer à 25 641 000 euros en 2015.
A fin 2014, la société JPM s'attendait donc légitimement à de mauvais résultats pour 2015 et a réagi en conséquence.
Ainsi, le bénéfice d'exploitation de 2015 malgré la baisse du chiffre d'affaires net provient d'une réduction sensible des charges d'exploitation, en particulier les postes achats matière premières et les salaires.
Or, depuis juillet 2014, sans que la SARL Metal color Europe-MCE ne se plaigne plus d'une rupture brutale partielle à cette date et jusqu'en novembre 2014, le niveau mensuel moyen des commandes a été de l'ordre de 15 182 euros. En comparaison de l'année précédente et sur la même période (juillet 2013 à novembre 2013), le niveau moyen mensuel des commandes s'évalue à 33 031 euros.
En comparant les périodes de juillet à novembre de l'année 2013 d'une part et de l'année 2014, d'autre part, force est de retenir comme non imputable à une rupture brutale partielle d'activité une baisse de chiffre d'affaires du sous-traitant de 54% en 2014 en moyenne, comparé à 2013.
C'est à la lumière de ces éléments qu'il convient d'apprécier si le volume de commandes de décembre 2014 à avril 2015 a été réduit par la société JPM dans une mesure hors de proportion avec la conjoncture défavorable et ses craintes fondées pour ses résultats de 2015
Or, sur la période de décembre 2014 à avril 2015, au cours de laquelle l'activité devait se maintenir à un niveau normal, tenant compte du déclin lié à la conjoncture et selon le préavis, le niveau mensuel moyen des commandes, tel que déjà indiqué, a été de 9 525 euros.
Il s'agit bien sûr d'une nette baisse au regard du niveau moyen d'activité des mois précédents, déjà évalué à 15 182 euros (de juillet 2014 à novembre 2014) ; cependant, la Cour estime que compte tenu des craintes légitimes de la société JPM quant à son résultat en 2015, celle-ci a pu réduire ses commandes ainsi qu'elle l'a fait et au-delà de ce qu'a admis la SARL Metal color Europe-MCE, sans commettre pour autant le délit de rupture brutale des relations commerciales établies.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Les demandes des appelantes seront rejetées.
La SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... supporteront la charge des dépens d'appel et, en équité, verseront à la société JPM une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'un montant tel que précisé au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris,
REJETTE les demandes des sociétés la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... ès qualités,
CONDAMNE in solidum la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... ès qualités, à payer à la SAS Assa Abloy France aux droits de la société JPM une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
CONDAMNE in solidum la SARL Metal color Europe-MCE et la SELARL AJ UP représentée par M. D... B... ès qualités aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.