CJUE, 9e ch., 9 juillet 2020, n° C-199/19
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
RL sp. z o.o.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Rodin
Juges :
Mme Jürimäe, M. Piçarra (rapporteur)
Avocat général :
M. Hogan
Avocat :
Me De Luca
LA COUR (neuvième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, point 1, ainsi que de l’article 5 de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant RL sp. z o.o. à J. M. au sujet du paiement tardif, par celui-ci, de seize loyers et frais connexes, relatifs à un contrat de location à durée indéterminée d’un local professionnel.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 2, 3, 8, 9, 11, 19 et 22 de la directive 2011/7 énoncent :
« (2) Dans le marché intérieur, la plupart des livraisons de marchandises et des prestations de services sont effectuées par des opérateurs économiques pour d’autres opérateurs économiques ou pour les pouvoirs publics moyennant un paiement différé, par lequel le fournisseur ou le prestataire donne à son client un délai pour acquitter la facture, selon les modalités convenues par les parties, dans les mentions figurant sur la facture du fournisseur ou dans les dispositions légales en vigueur.
(3) Dans les transactions commerciales entre des opérateurs économiques ou entre des opérateurs économiques et des pouvoirs publics, de nombreux paiements sont effectués au-delà des délais convenus dans le contrat ou fixés dans les conditions générales de vente. Bien que les marchandises aient été livrées ou les services fournis, bon nombre de factures y afférentes sont acquittées bien au-delà des délais. Ces retards de paiement ont des effets négatifs sur les liquidités des entreprises et compliquent leur gestion financière. Ils sont également préjudiciables à leur compétitivité et à leur rentabilité dès lors que le créancier doit obtenir des financements externes en raison de ces retards de paiement. [...]
[...]
(8) Il convient de limiter le champ d’application de la présente directive aux paiements effectués en rémunération de transactions commerciales. La présente directive ne devrait pas réglementer les transactions effectuées avec les consommateurs ni les intérêts en jeu dans d’autres types de paiements, par exemple les paiements effectués au titre de la législation sur les chèques et les lettres de change, ou les paiements effectués dans le cadre de l’indemnisation de dommages, y compris ceux effectués par les compagnies d’assurance. Il convient également que les États membres puissent exclure les créances qui sont soumises à une procédure d’insolvabilité, notamment les procédures tendant à une restructuration de la dette.
(9) La présente directive devrait réglementer toutes les transactions commerciales, qu’elles soient effectuées entre des entreprises privées ou publiques ou entre des entreprises et des pouvoirs publics [...] Elle devrait donc également réglementer toutes les transactions commerciales entre les principales entreprises contractantes et leurs fournisseurs et sous-traitants.
[...]
(11) Il convient d’inclure également, parmi la fourniture de marchandises ou la prestation de services contre rémunération auxquelles la présente directive s’applique, la conception et l’exécution de travaux publics ou de travaux de construction et de génie civil.
[...]
(19) Il est nécessaire de prévoir une indemnisation équitable des créanciers pour les frais de recouvrement exposés en cas de retard de paiement de manière à décourager lesdits retards de paiement. Les frais de recouvrement devraient également inclure la récupération des coûts administratifs et l’indemnisation pour les coûts internes encourus du fait de retards de paiement pour lesquels la présente directive devrait fixer un montant forfaitaire minimal susceptible d’être cumulé aux intérêts pour retard de paiement. [...]
[...]
(22) La présente directive ne devrait pas empêcher les paiements par tranches ou échelonnés. Cependant, il convient que chaque tranche ou versement soit réglé selon les termes convenus et reste soumis aux dispositions de la présente directive concernant le retard de paiement. »
4 Aux termes de l’article 1er de la directive 2011/7, intitulé « Objet et champ d’application » :
« 1. Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des [petites et moyennes entreprises].
2. La présente directive s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales.
3. Les États membres peuvent exclure les créances qui sont soumises à une procédure d’insolvabilité à l’encontre du débiteur, y compris les procédures tendant à une restructuration de la dette. »
5 L’article 2 de cette directive comprend les définitions suivantes :
« [...]
1) “transactions commerciales”, toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération ;
[...]
3) “entreprise”, toute organisation, autre que les pouvoirs publics, agissant dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n’est exercée que par une seule personne ;
4) “retard de paiement”, tout paiement non effectué dans le délai de paiement contractuel ou légal et lorsque les conditions spécifiées à l’article 3, paragraphe 1, [...] sont remplies ;
5) “intérêts pour retard de paiement”, les intérêts légaux pour retard de paiement ou les intérêts à un certain taux convenu par les entreprises concernées, soumis à l’article 7 ;
[...] »
6 L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, intitulé « Transactions entre entreprises », prévoit :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans les transactions commerciales entre entreprises, le créancier soit en droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement sans qu’un rappel soit nécessaire quand les conditions suivantes sont remplies :
a) le créancier a rempli ses obligations contractuelles et légales ; et
b) le créancier n’a pas reçu le montant dû à l’échéance, sauf si le débiteur n’est pas responsable du retard. »
7 Aux termes de l’article 5 de la même directive, intitulé « Échéanciers » :
« La présente directive ne préjuge pas de la faculté, pour les parties, de convenir entre elles, sous réserve des dispositions pertinentes applicables du droit national, d’un échéancier fixant les montants à payer par tranches. En ce cas, si un paiement n’est pas réglé à l’échéance, les intérêts et l’indemnisation prévus par la présente directive sont calculés sur la base des seuls montants exigibles. »
8 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/7, intitulé « Indemnisation pour les frais de recouvrement », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les États membres veillent à ce que, lorsque des intérêts pour retard de paiement sont exigibles dans des transactions commerciales conformément à l’article 3 [...] le créancier soit en droit d’obtenir du débiteur, comme minimum, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 [euros]. »
Le droit polonais
9 L’article 4, point 1, de l’ustawa o terminach zapłaty w transakcjach handlowych (loi relative aux délais de paiement dans les transactions commerciales, texte consolidé), du 8 mars 2013 (Dz. U. de 2019, position 118, ci-après la « loi du 8 mars 2013 »), définit la transaction commerciale comme « un contrat portant sur la fourniture de marchandises ou sur la prestation de services à titre onéreux, si les parties visées à l’article 2 concluent ledit contrat en lien avec l’activité exercée ».
10 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de cette loi :
« 1. Dans les transactions commerciales, à l’exception des transactions dans le cadre desquelles le débiteur est une entité publique, le créancier est en droit d’obtenir, sans mise en demeure, les intérêts légaux afférents au retard dans les transactions commerciales, à moins que les parties n’aient convenu d’intérêts plus élevés, pour la période qui s’étend du jour de l’exigibilité de la prestation en espèces jusqu’au jour du paiement, si les conditions suivantes sont cumulativement remplies :
1) le créancier a exécuté sa prestation ;
2) le créancier n’a pas obtenu le paiement dans le délai fixé dans le contrat. »
11 L’article 10, paragraphes 1 et 3, de ladite loi prévoit :
« 1. À dater du jour où il acquiert le droit aux intérêts visés à l’article 7, paragraphe 1, ou à l’article 8, paragraphe 1, le créancier est en droit d’obtenir du débiteur, sans mise en demeure, l’équivalent d’un montant de 40 euros convertis en zlotys polonais [(PLN)] [...] – ce montant constituant une indemnisation pour les frais de recouvrement.
[...]
3. Le droit au montant dont il est question au paragraphe 1 naît en raison d’une transaction commerciale, sous réserve de l’article 11, paragraphe 2, point 2. »
12 L’article 11, paragraphe 1 et paragraphe 2, points 1 et 2, de la même loi dispose :
« 1. Les parties à une transaction commerciale peuvent établir dans leur contrat un échéancier d’exécution de la prestation en espèces par tranches, à condition que l’établissement d’un tel échéancier ne soit pas manifestement abusif à l’égard du créancier.
2. Si les parties à une transaction commerciale ont établi dans leur contrat que la prestation en espèces sera exécutée par tranches, le droit :
1) aux intérêts visés à l’article 7, paragraphe 1, ou à l’article 8, paragraphe 1,
2) au montant visé à l’article 10, paragraphe 1, et à la restitution des frais de recouvrement supportés, visés à l’article 10, paragraphe 2, est dû par rapport à chaque tranche impayée. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 Le 15 janvier 2011, RL et J. M. ont conclu un contrat de location à durée indéterminée ayant pour objet un local professionnel situé à Łódź (Pologne). Aux termes de ce contrat, J. M., en qualité de locataire, est tenu de verser à RL, le bailleur, un loyer mensuel et également les frais d’exploitation correspondant aux coûts d’entretien de l’immeuble, jusqu’au 10e jour de chaque mois. Conformément audit contrat, J. M. a versé à RL une garantie locative de 984 PLN (environ 229 euros).
14 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, entre le mois de septembre 2015 et le mois de décembre 2017, J. M. s’est acquitté de manière tardive de seize loyers mensuels. Par la suite, RL lui a adressé une note comptable d’un montant de 2 751,30 PLN (environ 640 euros) englobant seize fois l’équivalent en zlotys polonais de la somme de 40 euros pour ces retards de paiement à titre d’indemnisation, ainsi qu’une déclaration relative à la compensation partielle opérée entre cette créance et la créance de J. M. à l’égard de RL, constituée par la garantie locative. À la suite du paiement de cette compensation, le montant de la créance réclamée par RL s’élevait à 1 767,30 PLN (environ 411 euros).
15 Par requête introduite devant la juridiction de renvoi, le 10 avril 2018, RL a demandé l’ouverture d’une injonction de payer contre J. M. Cette demande a été accueillie.
16 J. M. a formé opposition à l’injonction de payer, ainsi qu’une demande reconventionnelle portant sur la garantie locative et les intérêts de retard, faisant valoir que la loi du 8 mars 2013, qui transpose la directive 2011/7, ne s’applique pas au contrat de location. Celui-ci ne constituerait pas une transaction commerciale, au sens de l’article 2, point 1, de cette directive, dès lors qu’il conduirait non pas à une fourniture de marchandises ou à la prestation d’un service, mais à la remise, à titre onéreux, d’une chose pour un usage temporaire.
17 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en premier lieu, si un contrat de location conclu entre des entreprises peut être qualifié de « transaction commerciale », conduisant à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération, au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2011/7. Elle relève, d’une part, que ces notions ne sont pas définies par cette directive et, d’autre part, que la doctrine polonaise est partagée en ce qui concerne leur interprétation.
18 Selon la juridiction de renvoi, si l’interprétation littérale et systématique de la notion de « transaction commerciale » mène à la conclusion que cette notion n’inclut pas les contrats de location, une interprétation « fonctionnelle » de ladite notion plaide, en revanche, pour que ces contrats relèvent du champ d’application de la directive 2011/7.
19 En second lieu, s’il devait être répondu par l’affirmative à cette question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si l’article 5, première phrase, de la directive 2011/7, en ce qu’il reconnaît aux parties la faculté de convenir d’un échéancier fixant les montants à payer par tranches, doit être interprété en ce sens qu’il ne vise que les transactions commerciales à paiement unique, bien qu’un tel paiement puisse être étalé par tranches, et qu’il exclut donc les transactions commerciales dans lesquelles le paiement est périodique et doit être effectué à des intervalles préalablement définis, comme le loyer mensuel afférent à un contrat de location.
20 C’est dans ces conditions que le Sąd Rejonowy dla Łodzi-Śródmieścia w Łodzi (tribunal d’arrondissement de Łódź – centre-ville, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 2, [point 1], de la directive 2011/7, transposé dans l’ordre juridique polonais aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la [loi du 8 mars 2013], doit-il être interprété en ce sens que les contrats dont la prestation principale consiste en la remise à titre onéreux d’une chose pour un usage temporaire (par exemple le contrat de location) doivent aussi être considérés comme des transactions qui conduisent à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération (transactions commerciales) ?
2) En cas de réponse positive à la première question, l’article 5 de la directive 2011/7, transposée dans l’ordre juridique polonais aux termes de l’article 11, paragraphe 1, de la loi du 8 mars 2013, doit-il être interprété en ce sens qu’un accord portant sur l’exécution périodique par le débiteur d’une prestation en espèces, y compris en cas de conclusion d’un contrat à durée indéterminée, doit aussi être considéré comme un accord, entre les parties à une transaction commerciale, sur un échéancier fixant les montants à payer par tranches ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
21 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, point 1, de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens qu’un contrat dont la prestation principale consiste en la remise, à titre onéreux, d’un bien immobilier pour un usage temporaire, tel qu’un contrat de location d’un local professionnel, constitue une transaction commerciale, au sens de cette disposition et relève donc du champ d’application matériel de cette directive.
22 À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’emblée, que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2011/7, celle-ci s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de « transactions commerciales » et que cette notion est définie à l’article 2, point 1, de la directive 2011/7 comme étant « toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération ». Cette dernière disposition doit être lue à la lumière des considérants 8 et 9 de cette directive, dont il ressort qu’elle vise tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales, y compris celles entre des entreprises privées, et à l’exclusion des transactions effectuées avec les consommateurs et d’autres types de paiements (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, KROL, C 722/18, EU:C:2019:1028, point 31).
23 Il s’ensuit que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2011/7, lu en combinaison avec l’article 2, point 1, de celle-ci, définit le champ d’application de cette directive de manière très large (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, KROL, C 722/18, EU:C:2019:1028, point 32).
24 L’article 2, point 1, de la directive 2011/7 énonce deux conditions pour qu’une transaction relève de la notion de « transactions commerciales », au sens de cette disposition. Elle doit, premièrement, être effectuée soit entre des entreprises, soit entre des entreprises et les pouvoirs publics et, deuxièmement, conduire à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération.
25 En ce qui concerne la première condition, il convient de rappeler que la notion d’« entreprise » est définie à l’article 2, point 3, de la directive 2011/7 comme désignant « toute organisation, autre que les pouvoirs publics, agissant dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n’est exercée que par une seule personne ».
26 Dans l’affaire au principal, il est constant que RL, qui est une société à responsabilité limitée, a la qualité d’« entreprise », au sens de l’article 2, point 3, de cette directive. En revanche, il ne ressort pas clairement de la décision de renvoi si J. M., en concluant le contrat de location d’un local professionnel avec RL, a agi en tant qu’organisation dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante, et partant, a aussi la qualité d’« entreprise ». Le fait que le local, objet du contrat de location, soit à usage professionnel fournit une indication en ce sens. Il appartient, néanmoins, à la juridiction de renvoi d’effectuer les vérifications nécessaires à cet égard.
27 S’agissant de la seconde condition visée à l’article 2, point 1, de la directive 2011/7, celle-ci ne comporte pas une définition des notions de « fourniture de marchandises » et de « prestation de services », pas plus qu’elle ne renvoie au droit des États membres pour les définir. Dans ces conditions, de telles notions doivent trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme, eu égard aux exigences de l’application uniforme du droit de l’Union en lien avec le principe d’égalité. Ces notions constituent ainsi des notions autonomes du droit de l’Union dont la portée ne saurait être déterminée par référence aux notions connues du droit des États membres ou des classifications opérées sur le plan national, mais en tenant compte à la fois des termes, du contexte et des finalités de la disposition qui les prévoit (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2015, Gmina Wrocław, C 276/14, EU:C:2015:635, point 25 et jurisprudence citée).
28 S’agissant, en premier lieu, du libellé de l’article 2, point 1, de la directive 2011/7, celui-ci ne permet pas, à lui seul, de déterminer si un contrat dont la prestation principale consiste en la remise, à titre onéreux, d’un bien immobilier pour un usage temporaire, tel qu’un contrat de location d’un local professionnel, implique la « fourniture de marchandises » ou de « prestation de services », au sens de cette disposition.
29 Il y a lieu, toutefois, de relever que la Cour a jugé, dans son arrêt du 15 décembre 2016, Nemec (C 256/15, EU:C:2016:954, point 33), qu’une transaction se rapportant à une activité économique peut relever de la notion de « transaction commerciale », au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2011/7, à condition que la personne qui effectue la transaction agisse en qualité d’« entreprise », au sens de l’article 2, point 3, de cette directive. Il s’ensuit qu’un contrat dont la prestation principale consiste en la remise, à titre onéreux, d’un bien immobilier pour un usage temporaire, tel qu’un contrat de location d’un local professionnel, est susceptible de constituer une « fourniture de marchandises » ou une « prestation de services », au sens de cette disposition.
30 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte normatif dans lequel s’insère la directive 2011/7, il convient de relever que celle-ci, ayant été adoptée sur le fondement de l’article 114 TFUE, s’inscrit dans le cadre du rapprochement des législations des États membres dont l’objet est l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur dans le domaine de la lutte contre le retard de paiement dans ce marché. Ainsi, il convient d’interpréter les notions de « fourniture de marchandises » et de « prestation de services », ou encore celle de « transactions commerciales », visées à l’article 2, point 1, de la directive 2011/7, à la lumière des dispositions du traité FUE qui consacrent la libre circulation des marchandises et des services, respectivement à ses articles 34, 56 et 57, ainsi que de la jurisprudence de la Cour interprétant ces libertés fondamentales.
31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 57 TFUE, sont qualifiées de « services » les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. Le deuxième alinéa de cet article énumère, à titre d’exemples, certaines activités qui relèvent de la notion de « services », parmi lesquelles les activités à caractère commercial.
32 Il en résulte que le traité FUE donne à la notion de « service » une définition large, de manière à comprendre une quelconque prestation qui ne relève pas des autres libertés fondamentales, dans le but de ne pas voir une activité économique échapper au champ d’application des libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2006, Fidium Finanz, C 452/04, EU:C:2006:631, point 32).
33 La Cour a déjà précisé, à ce titre, que la mise en location immobilière constitue une prestation de services fournie contre rémunération, au sens de l’article 57 TFUE, sans que la circonstance que cette prestation s’étende sur plusieurs années s’oppose à cette qualification (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2010, Schmelz, C 97/09, EU:C:2010:632, point 41 et jurisprudence citée).
34 Compte tenu de cette définition large de la notion de « service », prévue à l’article 57 TFUE tel qu’interprétée par la Cour, un contrat de location dont la prestation principale consiste en la remise d’un bien immobilier, à titre onéreux, mais sans transfert de propriété, aux fins de l’utilisation pour une période déterminée ou indéterminée, tel qu’un contrat de location d’un local professionnel, implique la prestation d’un « service », au sens de l’article 57 TFUE. Dans cette perspective, une transaction se rapportant à un tel contrat est susceptible de conduire à une « prestation de services », au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2011/7.
35 Cette interprétation est corroborée, en troisième lieu, par la finalité de la directive 2011/7, qui, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, consiste à lutter contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des petites et moyennes entreprises. En effet, ces retards de paiement, ainsi qu’il résulte du considérant 3 de cette directive, ont des effets négatifs sur les liquidités de ces entreprises, compliquent leur gestion financière et sont également préjudiciables à la compétitivité desdites entreprises et à leur rentabilité, dès lors qu’elles doivent obtenir des financements externes en raison de ces retards de paiement.
36 Une interprétation de la directive 2011/7 en ce sens que les contrats de location n’impliquent pas la « prestation de services » et échappent à la notion de « transactions commerciales », au sens de l’article 2, point 1, de cette directive et donc au champ d’application matériel de celle-ci, ne répondrait pas à une telle finalité, car elle exclurait tous les contrats de location d’un local professionnel de cette protection. Cette constatation est confirmée par le considérant 9 de la directive 2011/7, selon lequel celle-ci s’applique à « toutes » les transactions commerciales, qu’elles soient effectuées entre des entreprises privées ou publiques ou entre des entreprises et des pouvoirs publics.
37 Une telle conclusion ne saurait être infirmée par les considérants 2 et 11 de la directive 2011/7.
38 D’une part, il ressort certes du considérant 2 de cette directive que la plupart des livraisons de marchandises et des prestations de services sont effectuées par des opérateurs économiques pour d’autres opérateurs économiques ou pour les pouvoirs publics moyennant un paiement différé, alors que, ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, les transactions dans le cadre des activités de location de biens ne sont pas effectuées moyennant un paiement différé. Cependant, à défaut de toute mention dans le libellé de l’article 1er, paragraphe 2, et de l’article 2, point 1, de la directive 2011/7 d’une condition selon laquelle la livraison de marchandises ou la prestation de services doit être effectuée moyennant un paiement différé, l’application de ces dispositions ne saurait être subordonnée à une telle condition.
39 D’autre part, l’indication explicite, au considérant 11 de la directive 2011/7, que la conception et l’exécution de travaux publics ou de travaux de construction et de génie civil relèvent des notions de « fourniture de marchandises » ou de « prestation de services », au sens de l’article 2, point 1, de cette directive, et, partant, du champ d’application matériel de celle-ci ne saurait être interprétée a contrario en ce sens que les transactions se rapportant à des contrats de location en sont exclues.
40 En effet, d’une part, la directive 2011/7 ne fournit pas de liste des différents types de contrats qui impliquent une « fourniture de marchandises » ou une « prestation de services » visées à l’article 2, point 1, de celle-ci. D’autre part, les contrats de location ne figurent pas parmi les transactions et les paiements effectués dans les domaines qui, selon le considérant 8 de la directive 2011/7, échappent au champ d’application de cette directive.
41 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, point 1, de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens qu’un contrat dont la prestation principale consiste en la remise, à titre onéreux, d’un bien immobilier pour un usage temporaire, tel qu’un contrat de location d’un local professionnel, constitue une transaction commerciale conduisant à une prestation de services, au sens de cette disposition, pourvu que cette transaction soit effectuée entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics.
Sur la seconde question
42 Il convient de comprendre la seconde question comme visant à savoir, en substance, si, dès lors qu’un contrat à durée déterminée ou indéterminée, stipulant un paiement périodique à des intervalles définis par avance, tel que le loyer mensuel afférent à un contrat de location d’un local professionnel, relève du champ d’application matériel de la directive 2011/7, en tant que transaction commerciale conduisant à une prestation de services contre rémunération, au sens de l’article 2, point 1, de cette directive, l’article 5 de celle-ci doit être interprété en ce sens que, pour qu’un tel contrat puisse faire naître, en cas de paiement non réglé à l’échéance, les droits aux intérêts et à l’indemnisation prévus à l’article 3 et à l’article 6 de ladite directive, il doit être considéré comme constituant un accord sur un échéancier fixant les montants à payer par tranches, au sens de cet article 5.
43 À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que, aux termes de l’article 5 de la directive 2011/7, celle-ci ne préjuge pas de la faculté, pour les parties, de convenir entre elles, sous réserve des dispositions applicables du droit national, d’un échéancier fixant les montants à payer par tranches. En ce cas, si un paiement n’est pas réglé à l’échéance, les intérêts et l’indemnisation prévus par cette directive sont calculés sur la base des seuls montants exigibles. Le considérant 22 de ladite directive indique que celle-ci ne devrait pas empêcher les paiements par tranches ou échelonnés et précise que chaque tranche ou versement doit être réglé selon les termes convenus et rester soumis aux dispositions de la même directive concernant le retard de paiement.
44 Il en résulte que l’article 5 de la directive 2011/7 n’a pas pour objet de délimiter le champ d’application matériel de cette directive, en excluant de ce champ, notamment, les contrats qui ne sont pas à prestation unique, mais de préciser que ladite directive n’empêche pas les paiements par tranches ou échelonnés, que les contrats concernés stipulent un paiement unique, ou un paiement périodique à des intervalles réguliers définis par avance.
45 Il y a lieu de relever, d’autre part, que, dans des transactions commerciales entre entreprises, les intérêts pour retard de paiement prévus à l’article 3 de la directive 2011/7 sont exigibles lorsque les conditions prévues à son paragraphe 1 sont remplies. Il est requis, à cette fin, que le créancier ait rempli ses obligations contractuelles et légales et qu’il n’ait pas reçu le montant dû à l’échéance, excepté si le débiteur n’est pas responsable du retard. Cette disposition ne soumet donc pas le droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement à la condition que, dans l’hypothèse d’un contrat à paiement périodique, les parties aient convenu d’un échéancier fixant les montants à payer par tranches, au titre de l’article 5 de la directive 2011/7.
46 De même, conformément à l’article 6 de la directive 2011/7, dans les transactions commerciales entre entreprises, le droit à l’indemnisation pour les frais de recouvrement n’est exigible que lorsque les intérêts pour retard de paiement le sont aussi, conformément à l’article 3 de cette directive. Ainsi, dans l’hypothèse d’un contrat stipulant un paiement périodique, ce droit n’est nullement subordonné à la condition que les parties à la transaction commerciale aient convenu d’un échéancier fixant les montants à payer par tranches, au titre de l’article 5 de la directive 2011/7.
47 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que, dès lors qu’un contrat à durée déterminée ou indéterminée, stipulant un paiement périodique à des intervalles définis par avance, tel que le loyer mensuel afférent à un contrat de location d’un local professionnel, relève du champ d’application matériel de la directive 2011/7, en tant que transaction commerciale conduisant à une prestation de services contre rémunération, au sens de l’article 2, point 1, de cette directive, l’article 5 de celle-ci doit être interprété en ce sens que, pour qu’un tel contrat puisse faire naître, en cas de paiement non réglé à l’échéance, les droits aux intérêts et à l’indemnisation prévus à l’article 3 et à l’article 6 de ladite directive, il ne doit pas nécessairement être considéré comme constituant un accord sur un échéancier fixant les montants à payer par tranches, au sens de cet article 5.
Sur les dépens
48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (neuvième chambre) dit pour droit :
1) L’article 2, point 1, de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, doit être interprété en ce sens qu’un contrat dont la prestation principale consiste en la remise, à titre onéreux, d’un bien immobilier pour un usage temporaire, tel qu’un contrat de location d’un local professionnel, constitue une transaction commerciale conduisant à une prestation de services, au sens de cette disposition, pourvu que cette transaction soit effectuée entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics.
2) Dès lors qu’un contrat à durée déterminée ou indéterminée, stipulant un paiement périodique à des intervalles définis par avance, tel que le loyer mensuel afférent à un contrat de location d’un local professionnel, relève du champ d’application matériel de la directive 2011/7, en tant que transaction commerciale conduisant à une prestation de services contre rémunération, au sens de l’article 2, point 1, de cette directive, l’article 5 de celle-ci doit être interprété en ce sens que, pour qu’un tel contrat puisse faire naître, en cas de paiement non réglé à l’échéance, les droits aux intérêts et à l’indemnisation prévus à l’article 3 et à l’article 6 de ladite directive, il ne doit pas nécessairement être considéré comme constituant un accord sur un échéancier fixant les montants à payer par tranches, au sens de cet article 5.