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Décisions

CJUE, 1re ch., 9 juillet 2020, n° C-81/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

SC Banca Transilvania (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Bonichot

Juges :

Mme Silva de Lapuerta, M. Bay Larsen, Mme Toader , M. Jääskinen (rapporteur)

Avocat général :

Mme Kokott

Avocats :

Mes Lupu, Perju, Tîrnoveanu, Retegan, Iorgulescu

CJUE n° C-81/19

9 juillet 2020

LA COUR (première chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NG et OH à SC Banca Transilvania SA (ci-après « Banca Transilvania ») au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause du contrat de prêt de refinancement conclu entre ces parties, libellé en devise étrangère.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes du treizième considérant de la directive 93/13 :

« considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ».

4 L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive prévoit :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5 L’article 3 de ladite directive est rédigé comme suit :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

[...] »

Le droit roumain

6 L’article 1578 du Cod Civil (Code civil), dans sa version en vigueur à la date des faits du litige au principal (ci-après le « Code civil »), prévoyait :

« L’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat.

S’il y a eu augmentation ou diminution de la valeur de la devise avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée et ne doit rendre cette somme que dans la monnaie ayant cours au moment du paiement. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 NG et OH ont conclu, le 31 mars 2006, un contrat de crédit à la consommation avec SC Volksbank România SA, devenue par la suite Banca Transilvania, par lequel cette dernière leur a prêté une somme de 90 000 lei roumains (RON) (environ 18 930 euros) (ci-après le « contrat initial »).

8 Le 15 octobre 2008, ces mêmes parties ont conclu un contrat de crédit libellé en francs suisses (CHF), destiné au refinancement du contrat initial (ci-après le « contrat de refinancement »). Ce dernier portait sur une somme de 65 000 CHF (environ 42 139 euros), soit approximativement 159 126 RON au taux de change ayant cours entre ces devises à la date de la signature dudit contrat.

9 En vertu du règlement intérieur de Banca Transilvania, le niveau maximal d’endettement autorisé était de 55 % de la capacité financière des emprunteurs. En ce qui concerne NG et OH, ce seuil a été calculé en prenant en considération le taux de change du franc suisse par rapport au leu roumain (ci-après le « taux de change CHF/RON ») tel qu’il avait cours avant la signature du contrat de refinancement et représentait, à la date de la conclusion du prêt, 35,04 % de leurs revenus.

10 La section 4, point 1, des conditions générales du contrat de refinancement stipulait que tout paiement effectué sur la base de celui-ci devait être fait dans la devise dans laquelle le prêt était libellé. Il était également précisé que l’emprunteur pouvait demander à la banque, sous certaines conditions, que le prêt soit libellé dans une nouvelle devise, sans toutefois que celle-ci soit tenue d’accéder à une telle demande. Il était encore prévu que la banque était mandatée afin de procéder au change, au nom et pour le compte de l’emprunteur, afin de liquider les obligations de paiement échues, en utilisant son propre taux de change.

11 Les fluctuations du taux de change CHF/RON entre le mois d’octobre 2008 et le mois d’avril 2017 ont eu pour effet d’augmenter de 117 760 RON (environ 24 772 euros) la somme empruntée par NG et OH.

12 Le 23 mars 2017, NG et OH ont introduit un recours devant le Tribunalul Specializat Cluj (tribunal spécialisé de Cluj, Roumanie) visant à faire constater, notamment, le caractère abusif de la section 4, point 1, des conditions générales du contrat de refinancement. NG et OH soutenaient également que Banca Transilvania avait manqué à son obligation d’information en ne les avertissant pas, lors de la négociation et de la conclusion de ce contrat, du risque que comportait la conversion du contrat initial dans une devise étrangère. En particulier, les emprunteurs ne disposant que de revenus perçus en lei roumains, Banca Transilvania aurait dû attirer leur attention sur les effets d’une dévaluation de cette monnaie par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt devait être remboursé. En outre, la clause de remboursement en devise étrangère créerait un déséquilibre au détriment des emprunteurs, ceux-ci étant les seuls à supporter le risque de change. Partant, NG et OH ont demandé au Tribunalul Specializat Cluj (tribunal spécialisé de Cluj) le blocage du taux de change CHF/RON tel qu’il avait cours à la date de la conclusion du contrat de refinancement, ainsi que le remboursement des sommes versées sur la base d’un taux de change moins favorable.

13 Cette juridiction a en partie fait droit au recours formé par NG et OH. Toutefois, elle a rejeté la demande portant sur la stabilisation du taux de change CHF/RON en vigueur à la date de signature du contrat de refinancement. Pour ce faire, ladite juridiction a, d’une part, considéré que, bien que la clause figurant à la section 4, point 1, des conditions générales du contrat de refinancement reflétait le principe dit du « nominalisme monétaire », tel que consacré à l’article 1578 du Code civil, elle relevait du champ d’application de la directive 93/13 étant donné la nature non pas impérative, mais supplétive d’une telle disposition. Ladite juridiction a dès lors considéré qu’il lui était possible d’examiner le caractère abusif de cette clause. À l’issue de cet examen, elle a, d’autre part, constaté que ladite clause était rédigée en des termes clairs et compréhensibles et que Banca Transilvania avait satisfait à son obligation d’information, celle-ci n’ayant pu prévoir les importantes variations du taux de change CHF/RON.

14 NG et OH, d’une part, ainsi que Banca Transilvania, d’autre part, ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, à savoir la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie). Banca Transilvania fait valoir, à l’encontre de l’appel formé par NG et OH, que la section 4, point 1, des conditions générales du contrat de refinancement, selon laquelle tout paiement effectué sur la base dudit contrat devait être fait dans la devise dans laquelle le prêt était libellé, relève de l’objet principal de ce contrat. De surcroît, cette disposition contractuelle refléterait une disposition législative impérative, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, qui ne pourrait faire l’objet d’un contrôle de son caractère abusif.

15 Selon la juridiction de renvoi, il ressortirait de l’arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a. (C 186/16, EU:C:2017:703), que, lorsqu’une clause contractuelle reflète une disposition impérative du droit national s’appliquant entre les parties contractantes indépendamment de leur choix ou une disposition de nature supplétive et dès lors applicable par défaut, c’est-à-dire en l’absence d’un arrangement différent entre les parties à cet égard, elle ne relève pas du champ d’application de la directive 93/13.

16 Cette juridiction relève que l’article 1578 du Code civil revêt un caractère supplétif, mais qu’il est fait une application divergente par les juridictions roumaines de la solution consacrée par l’arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a. (C 186/16, EU:C:2017:703).

17 La grande majorité de ces juridictions jugerait que les clauses contractuelles reflétant cette disposition législative ne peuvent pas faire l’objet d’un examen de leur caractère abusif, en tant que normes supplétives qui s’appliquent par défaut en l’absence d’un arrangement différent entre les parties. Toutefois, un certain nombre de juridictions roumaines considéreraient qu’une telle clause a été imposée par le professionnel au consommateur. Dès lors que ce dernier ne pouvait pas l’écarter par l’insertion d’une clause différente dans le contrat, le contrôle de son caractère éventuellement abusif ne saurait être exclu.

18 La juridiction de renvoi fait valoir que l’opinion majoritaire des juridictions nationales atténue, jusqu’à la supprimer, la distinction entre les dispositions législatives de nature impérative et celles de nature supplétive, ce qui aboutit ainsi à les soumettre, en ce qui concerne l’examen de leur éventuel caractère abusif, au même régime juridique.

19 Une telle interprétation trouverait sa source dans une différence terminologique entre la version en langue roumaine du libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 et la version en langue française du même article. À cet égard, la juridiction de renvoi précise que, si cette dernière version emploie le terme « impératif », la version en langue roumaine se réfère aux « dispositions législatives ou réglementaires obligatoires ». Cette juridiction souligne que, contrairement au terme « impératif », qui exclut, selon elle, les dispositions à caractère supplétif, le terme « obligatoire » inclut de telles dispositions. En effet, si les dispositions impératives sont obligatoires, les dispositions supplétives le deviennent également après le choix fait par les parties contractantes de ne pas y déroger.

20 La juridiction de renvoi se demande, en outre, quelle est l’étendue de l’obligation d’information qui incombe à la banque s’agissant des fluctuations futures du cours de change d’une devise et quelles seraient les mesures qu’il lui appartiendrait d’adopter pour garantir l’effectivité des droits reconnus au consommateur par la directive 93/13 lorsqu’il n’existe pas de disposition supplétive pour remplacer une clause contractuelle dont le caractère abusif a été constaté.

21 Dans ces conditions, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 1er, [paragraphe] 2, de la directive [93/13] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’examen du caractère abusif d’une clause contractuelle qui reprend une règle supplétive à laquelle les parties pouvaient déroger, ce qu’elles n’ont toutefois pas fait dans la mesure où cette clause n’a fait l’objet d’aucune négociation, telle que la clause examinée en l’occurrence, qui exige que le prêt soit remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle le prêt a été accordé ?

2) Lorsque des calculs ou des prévisions concernant l’incidence économique d’une éventuelle fluctuation du taux de change sur l’ensemble des obligations de paiement découlant du contrat n’ont pas été présentés au consommateur au moment de l’octroi du prêt en devises étrangères, peut-on soutenir à bon droit qu’une telle clause, qui fait entièrement supporter le risque de change au consommateur (conformément au principe du nominalisme), est claire et compréhensible et que le professionnel ou la banque a satisfait de bonne foi à son obligation d’informer son cocontractant, quand le niveau maximal d’endettement des consommateurs imposé par la Banque nationale de Roumanie a été calculé par référence au taux de change en vigueur à la date de conclusion du prêt ?

3) La directive 93/13 et la jurisprudence y relative ainsi que le principe d’effectivité s’opposent-ils à ce que, à la suite de la constatation du caractère abusif d’une clause concernant la prise en charge du risque de change, le contrat subsiste sans modification ? Quelle modification serait[-il] possible d’introduire dans ledit contrat afin d’écarter la clause abusive et de respecter le principe d’effectivité ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

22 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, mais qui reflète une règle qui, selon la loi nationale, s’applique entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu à cet égard, relève du champ d’application de cette directive.

23 Il convient de rappeler que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, qui vise les clauses reflétant les dispositions législatives ou réglementaires impératives, institue une exclusion du champ d’application de celle-ci (arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C 51/17, EU:C:2018:750, point 52).

24 Cette exclusion est d’interprétation stricte et son application suppose que deux conditions soient remplies, à savoir que, d’une part, la clause contractuelle doit refléter une disposition législative ou réglementaire et, d’autre part, cette disposition doit être impérative (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C 125/18, EU:C:2020:138, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée).

25 Ainsi qu’il ressort du treizième considérant de la directive 93/13, l’expression « dispositions législatives ou réglementaires impératives », figurant à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci, couvre également les règles qui, selon la loi nationale, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C 92/11, EU:C:2013:180, point 26, et du 3 avril 2019, Aqua Med, C 266/18, EU:C:2019:282, point 29).

26 La Cour a itérativement jugé que ladite exclusion de l’application du régime de la directive 93/13 est justifiée par le fait qu’il est, en principe, légitime de présumer que le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats (voir arrêts du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C 92/11, EU:C:2013:180, point 28, ainsi que du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C 51/17, EU:C:2018:750, point 53).

27 Partant, la circonstance selon laquelle le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats constitue non pas une condition pour l’application de l’exclusion visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, mais la justification d’une telle exclusion.

28 Il en résulte que, afin d’établir si les conditions de l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 sont remplies, la Cour a jugé qu’il incombe au juge national de vérifier si la clause contractuelle concernée reflète des dispositions du droit national s’appliquant de manière impérative entre les parties contractantes indépendamment de leur choix ou des dispositions de nature supplétive et dès lors applicables par défaut, c’est-à-dire en l’absence d’un arrangement différent entre les parties à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C 92/11, EU:C:2013:180, point 26 ; du 10 septembre 2014, Kušionová C 34/13, EU:C:2014:2189, point 79 ; du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C 186/16, EU:C:2017:703, points 29 et 30, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C 125/18, EU:C:2020:138, point 32).

29 Il ressort en l’occurrence de la décision de renvoi que la clause stipulée à la section 4, point 1, des conditions générales du contrat de refinancement, dont le caractère abusif est allégué par les requérants au principal, prévoit que « [t]out paiement effectué sur la base du contrat est fait dans la devise du prêt [...] ».

30 La juridiction de renvoi a en outre souligné qu’une telle clause reflète le principe du nominalisme monétaire, tel qu’il était consacré à l’article 1578 du Code civil. En vertu de celui-ci, « le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée et ne doit rendre cette somme que dans la monnaie ayant cours au moment du paiement ». Cette juridiction a par ailleurs qualifié l’article 1578 du Code civil de disposition législative de nature supplétive, à savoir qu’elle trouve à s’appliquer aux contrats de prêt lorsque les parties n’ont pas procédé à un arrangement différent.

31 Partant, dès lors que, selon la juridiction de renvoi, la clause des conditions générales dont le caractère abusif est allégué par les requérants au principal reflète une disposition du droit national qui est de nature supplétive, elle relève de l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13.

32 La juridiction de renvoi relève toutefois que, dans sa version en langue roumaine, le libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 emploie l’expression « normă obligatorie » (« disposition obligatoire ») là où la version en langue française utilise celle de « disposition impérative ». Contrairement au terme « impératif », qui exclurait les dispositions à caractère supplétif, le terme « obligatoire » inclurait de telles dispositions. Partant, il conviendrait de déterminer quelle version linguistique est correcte, en se fondant sur la finalité et les objectifs de cette directive.

33 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent en effet être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêts du 15 novembre 2012, Kurcums Metal, C 558/11, EU:C:2012:721, point 48, ainsi que du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a., C 168/14, EU:C:2015:685, point 42).

34 Ainsi qu’il a été relevé au point 25 du présent arrêt, l’expression « dispositions législatives ou réglementaires impératives », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, couvre, compte tenu du treizième considérant de celle-ci, également des règles supplétives, c’est à dire celles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu. Or, de ce point de vue, cette disposition ne procède à aucune distinction entre, d’une part, les dispositions qui s’appliquent indépendamment du choix des parties contractantes et, d’autre part, les dispositions supplétives.

35 À cet égard, d’une part, la circonstance qu’il puisse être dérogé à une disposition de droit national supplétive est sans pertinence aux fins de vérifier si une clause contractuelle reflétant une telle disposition est exclue, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, du champ d’application de cette directive.

36 D’autre part, le fait qu’une clause contractuelle reflétant l’une des dispositions visées à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle n’a pas d’incidence sur son exclusion du champ d’application de cette directive. En effet, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, l’absence de négociation individuelle est une condition relative à l’ouverture du contrôle du caractère abusif d’une clause qui ne saurait intervenir lorsque la clause contractuelle ne relève pas de son champ d’application.

37 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, mais qui reflète une règle qui, selon la loi nationale, s’applique entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu à cet égard, ne relève pas du champ d’application de cette directive.

Sur les deuxième et troisième questions

38 Dès lors que la juridiction de renvoi considère que la clause contractuelle en cause au principal reflète une disposition nationale qualifiée de supplétive, il résulte des considérations qui précèdent qu’elle ne relève pas du champ d’application de la directive 93/13 en vertu de son article 1er, paragraphe 2. En conséquence, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, LA COUR (première chambre) dit pour droit :

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, mais qui reflète une règle qui, selon la loi nationale, s’applique entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu à cet égard, ne relève pas du champ d’application de cette directive.