CJUE, 4e ch., 9 juillet 2020, n° C-452/18
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Ibercaja Banco (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Vilaras
Juges :
MM. Rodin (rapporteur), Šváby, Mme Jürimäe , M. Piçarra
Avocat général :
M. Saugmandsgaard Øe
Avocats :
Mes de la Torre García, Lόpez Garbayo , Pradel Gonzalo, Rodríguez Cárcamo , Rodríguez Conde
LA COUR (quatrième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 à 6 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant XZ à Ibercaja Banco SA, au sujet de clauses stipulées dans un contrat de prêt hypothécaire que celles-ci ont conclu.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 3 de la directive 93/13 dispose :
« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.
Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.
Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.
3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »
4 L’article 4 de cette directive prévoit :
« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
5 L’article 5 de ladite directive est rédigé comme suit :
« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »
6 L’article 6, paragraphe 1, de la même directive précise :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
7 Aux termes de l’article 8 de la directive 93/13 :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »
8 Le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive, qui contient une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives, est rédigé comme suit :
« Clauses ayant pour objet ou pour effet :
[...]
q) de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur [...] »
Le droit espagnol
Le décret royal législatif 1/2007
9 La directive 93/13 a été transposée dans le droit espagnol, pour l’essentiel, par la Ley 7/1998 sobre condiciones generales de la contratación (loi 7/1998 relative aux conditions générales des contrats), du 13 avril 1998 (BOE n° 89, du 14 avril 1998, p. 12304), laquelle a été refondue, avec d’autres dispositions transposant différentes directives de l’Union en matière de protection des consommateurs, par le Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007 portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), du 16 novembre 2007 (BOE n° 287, du 30 novembre 2007, p. 49181).
10 L’article 10 du décret royal législatif 1/2007 dispose :
« La renonciation par anticipation aux droits que le présent décret royal législatif reconnaît aux consommateurs et usagers est nulle, de même que les actes accomplis en fraude à la loi, conformément aux dispositions de l’article 6 du Código Civil [(Code civil)]. »
11 L’article 83 du décret royal législatif 1/2007 précise en outre que « [l]es clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites ».
Le Code civil
12 Aux termes de l’article 1208 du Code civil :
« La novation est nulle si l’obligation première l’était aussi, à moins que la cause de nullité ne puisse être invoquée que par le débiteur ou que la ratification valide les actes nuls dès leur origine. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 Par acte authentique du 23 décembre 2011, XZ a acquis d’un promoteur immobilier un bien pour un montant de 148 813,04 euros et, ce faisant, s’est substitué à ce promoteur en tant que débiteur du prêt hypothécaire relatif à ce bien accordé par l’établissement de crédit Caja de Ahorros de la Inmaculada de Aragón, devenu Ibercaja Banco. XZ acceptait ainsi l’ensemble des accords et conditions relatifs à ce prêt hypothécaire (ci-après le « contrat de prêt hypothécaire ») tels qu’ils avaient été définis entre le débiteur initial et l’établissement de crédit.
14 Le contrat de prêt hypothécaire comprenait une clause relative aux taux d’intérêts maximal et minimal applicables à ce prêt, à savoir un taux annuel dit « plafond » de 9,75 % et un taux annuel dit « plancher » de 3,25 % étant stipulés.
15 Ce contrat de prêt hypothécaire a fait l’objet d’un acte modificatif du 4 mars 2014 (ci-après le « contrat de novation »), relatif notamment au taux stipulé dans la clause « plancher », celui-ci ayant été abaissé au taux nominal annuel de 2,35 %. En outre, le contrat de novation contenait une clause rédigée comme suit : « Les parties confirment la validité et l’application du prêt, jugent ses conditions adéquates et, en conséquence, renoncent expressément et mutuellement à exercer toute action à l’encontre de l’autre partie en ce qui concerne le contrat conclu et ses clauses, ainsi que les règlements et paiements effectués à ce jour, dont elles reconnaissent le caractère conforme ». Par mention manuscrite, XZ a indiqué de surcroît qu’elle était consciente et qu’elle comprenait que « le taux d’intérêt du prêt ne descendr[ait] jamais en dessous du taux nominal annuel de 2,35 % ».
16 XZ a saisi la juridiction de renvoi, le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n° 3 de Teruel (tribunal de première instance et d’instruction n° 3 de Teruel), d’un recours visant à faire constater que la clause « plancher » figurant au contrat de prêt hypothécaire était abusive, ainsi qu’à faire condamner l’établissement de crédit à supprimer cette clause et à lui rembourser les sommes indûment versées sur le fondement de ladite clause depuis la souscription de ce prêt.
17 Ibercaja Banco opposant aux prétentions de XZ les clauses du contrat de novation, la requérante au principal a également demandé à la juridiction de renvoi de préciser dans quelle mesure les actes juridiques modifiant un contrat, en particulier une des clauses de celui-ci dont le caractère abusif est invoqué, sont également « contaminés » par cette clause et, dès lors, privés de caractère contraignant, conformément à l’article 83 du décret royal législatif 1/2007.
18 La juridiction de renvoi observe que c’est à la suite de l’arrêt 241/2013 du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), du 9 mai 2013, qui a déclaré la nullité des clauses « plancher » figurant dans les contrats hypothécaires à défaut de satisfaire aux exigences de clarté et de transparence, qu’Ibercaja Banco a entamé un processus de renégociation de ces clauses dans les contrats de prêt hypothécaire que celle-ci avait consentis. Cela étant, cette juridiction doute de ce que la renégociation d’une clause abusive soit compatible avec le principe établi à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, selon lequel les clauses abusives ne lient pas les consommateurs.
19 Par ailleurs, la juridiction de renvoi relève que le contrat de novation pourrait lui-même ne pas satisfaire aux conditions du « test de transparence » établi par le Tribunal Supremo (Cour suprême). Cette juridiction met notamment en avant dans l’affaire en cause au principal le déséquilibre significatif existant entre les droits et les obligations stipulés au détriment de l’emprunteur, l’absence d’information quant aux pertes que ce dernier était susceptible de subir en raison de l’application de la nouvelle clause « plancher » et l’impossibilité pour l’emprunteur de récupérer les pertes ainsi subies à la suite de la renonciation à toute action en justice contre l’établissement de crédit créancier.
20 Dans ces conditions, le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n° 3 de Teruel (tribunal de première instance et d’instruction n° 3 de Teruel) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le principe de l’absence de caractère contraignant des clauses nulles (article 6 de la directive [93/13]) doit-il également s’étendre aux contrats et actes juridiques postérieurs portant sur de telles clauses, tels que le contrat de novation ?
Étant donné que la nullité absolue implique qu’une telle clause n’ait jamais existé dans la vie juridique et économique du contrat, peut-on conclure que les actes juridiques postérieurs, à savoir le contrat de novation, et leurs effets sur une telle clause disparaissent également de la réalité juridique et doivent être réputés non écrits et dépourvus d’effets ?
2) Les documents qui modifient ou comportent des transactions relatives à des clauses non négociées susceptibles de ne pas passer avec succès les contrôles d’absence de caractère abusif et de transparence peuvent-ils constituer des conditions générales contractuelles, au sens de l’article 3 de la directive 93/13, et, partant, être soumis aux mêmes causes de nullité que les documents originaux ayant fait l’objet d’une novation ou d’une transaction ?
3) La renonciation aux actions en justice figurant dans le contrat de novation doit-elle également être nulle, dans la mesure où les contrats signés par les clients n’informaient pas ceux-ci de la nullité de la clause ni du montant ou de la somme d’argent qu’ils avaient le droit de percevoir à titre de remboursement des intérêts versés en raison de l’imposition initiale des “clauses plancher” ?
Le client signait ainsi une renonciation à agir en justice sans avoir été informé par la banque de ce à quoi il renonçait ni de la somme d’argent à laquelle il renonçait.
4) En analysant le contrat de novation modifiant le prêt au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, y a-t-il lieu de considérer que la nouvelle “clause plancher” incluse dans ce contrat de novation est elle-aussi entachée d’un manque de transparence, en ce que la banque ne respecte pas non plus les conditions de transparence fixées dans l’arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême [...]) du 9 mai 2013 et n’informe pas le client du véritable coût économique de cette clause dans son hypothèque, de façon à ce qu’il puisse connaître le taux d’intérêt (et la mensualité en résultant) qu’il devrait payer en cas d’application de la nouvelle “clause plancher” ainsi que le taux d’intérêt (et la mensualité en résultant) qu’il devrait payer si aucune “clause plancher” n’était appliquée et que le taux était le taux d’intérêt convenu dans le prêt hypothécaire sans application d’un plancher ?
En d’autres termes, en imposant le document dénommé “document de novation” relatif aux “clauses plancher”, l’établissement financier aurait-il dû satisfaire aux contrôles de transparence établis à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et informer le consommateur du montant des sommes dont il a été lésé du fait de l’application des “clauses plancher” ainsi que du taux d’intérêt qui serait applicable si ces clauses n’existaient pas et, dans la mesure où l’établissement financier ne l’a pas fait, ces documents souffrent-ils également d’une cause de nullité ?
5) Les clauses relatives aux actions en justice figurant dans les conditions générales du contrat de novation modifiant le prêt peuvent-elles être considérées comme abusives en raison de leur contenu au regard des dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et de l’annexe de ce texte relative aux clauses abusives, notamment son point 1, sous q) [...], dans la mesure où elles limitent le droit des consommateurs d’exercer des droits qui peuvent naître ou se révéler après la signature du contrat, comme cela a été le cas avec la possibilité de réclamer le remboursement intégral des intérêts payés (conformément à l’arrêt de la Cour [...] du 21 décembre 2016) ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
21 Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dont le caractère abusif est susceptible d’être constaté judiciairement, puisse valablement faire l’objet d’un contrat de novation entre ce professionnel et ce consommateur, par lequel ce dernier renonce aux effets qu’entraînerait la déclaration du caractère abusif de cette clause.
22 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 53).
23 Ainsi, une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de telle sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 61).
24 Par conséquent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe au juge national d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si le consommateur s’y oppose (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 52 et jurisprudence citée).
25 Toutefois, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le droit à une protection effective du consommateur englobe sa faculté de renoncer à faire valoir ses droits, de telle sorte qu’il doit être tenu compte, le cas échéant, de la volonté exprimée par le consommateur lorsque, conscient du caractère non contraignant d’une clause abusive, ce dernier indique néanmoins qu’il s’oppose à ce qu’elle soit écartée, donnant ainsi un consentement libre et éclairé à la clause en question (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba, C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, point 25).
26 En effet, la directive 93/13 ne va pas jusqu’à rendre obligatoire le système de protection contre l’utilisation de clauses abusives par les professionnels qu’elle a instauré au bénéfice des consommateurs. Par conséquent, lorsqu’un consommateur préfère ne pas se prévaloir de ce système de protection, celui-ci n’est pas appliqué (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 54).
27 Il incombe ainsi au juge national de tenir compte, le cas échéant, de la volonté exprimée par le consommateur lorsque, conscient du caractère non contraignant d’une clause abusive, il indique néanmoins qu’il s’oppose à ce qu’elle soit écartée, donnant ainsi un consentement libre et éclairé à cette clause (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C‑472/11, EU:C:2013:88, point 35).
28 Partant, il convient d’admettre, de manière analogue, et ainsi que l’a relevé, en substance, M l’avocat général aux points 39 à 42 de ses conclusions, qu’un consommateur peut renoncer à se prévaloir du caractère abusif d’une clause dans le cadre d’un contrat de novation par lequel le consommateur renonce aux effets qu’entraînerait la déclaration du caractère abusif d’une telle clause, sous réserve que cette renonciation procède d’un consentement libre et éclairé.
29 Cependant, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 25 du présent arrêt, la renonciation du consommateur à se prévaloir de la nullité d’une clause abusive ne saurait être prise en considération que si, lors de cette renonciation, ce consommateur était conscient du caractère non contraignant de cette clause et des conséquences qui en découlent. Ce n’est que dans cette hypothèse qu’il peut être considéré que son adhésion à la novation d’une telle clause procède d’un consentement libre et éclairé, dans le respect des exigences prévues à l’article 3 de la directive 93/13, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.
30 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dont le caractère abusif est susceptible d’être constaté judiciairement puisse faire l’objet d’un contrat de novation entre ce professionnel et ce consommateur, par lequel le consommateur renonce aux effets qu’entraînerait la déclaration du caractère abusif de cette clause, à la condition que cette renonciation procède d’un consentement libre et éclairé du consommateur, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.
Sur la deuxième question
31 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en vue de modifier une clause potentiellement abusive d’un contrat antérieur conclu entre ceux-ci ou de régler les conséquences du caractère abusif de cette autre clause peut elle-même être considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et, le cas échéant, être déclarée abusive.
32 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, le contrôle du caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur porte sur les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle.
33 L’article 3, paragraphe 2, de cette directive précise qu’une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement par le professionnel et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, ainsi que c’est le cas notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion. À cet égard, la Cour a déjà jugé que constituait une clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle celle qui est rédigée en vue d’une utilisation généralisée (arrêt du 15 janvier 2015, Šiba, C‑537/13, EU:C:2015:14, point 31).
34 Or, ces conditions sont susceptibles d’être remplies également à l’égard d’une clause visant à modifier une clause potentiellement abusive d’un contrat antérieur conclu entre les mêmes parties, ou à régler les conséquences du caractère abusif de cette autre clause. La circonstance que la nouvelle clause vise à modifier une clause antérieure qui n’aurait pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne dispense pas à elle seule le juge national de l’obligation de vérifier que le consommateur n’a effectivement pas pu avoir d’influence, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13, sur le contenu de cette nouvelle clause.
35 Dans l’affaire en cause au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de prendre en considération l’ensemble des circonstances dans lesquelles une telle clause a été présentée au consommateur afin de déterminer si ce dernier a pu avoir une influence sur son contenu.
36 En l’occurrence, la circonstance que la conclusion du contrat de novation en cause au principal s’inscrit dans la politique générale de renégociation des contrats de prêt hypothécaire adossés à un taux variable et comprenant une clause « plancher », engagée par Ibercaja Banco à la suite de l’arrêt 241/2013 du Tribunal Supremo (Cour suprême), du 9 mai 2013, pourrait constituer un indice de ce que XZ n’a pas pu exercer une influence sur le contenu de la nouvelle clause « plancher ».
37 Il en va de même du fait que, selon les indications de la juridiction de renvoi, l’établissement bancaire n’a pas fourni à XZ une copie du contrat et ne lui a pas permis de l’emporter avec elle afin qu’elle puisse en prendre connaissance.
38 En tout état de cause, la circonstance que XZ a fait précéder sa signature du contrat de novation d’une mention manuscrite indiquant qu’elle avait compris le mécanisme de la clause « plancher » ne permet pas à elle seule de conclure que cette clause a fait l’objet d’une négociation individuelle et que le consommateur a effectivement pu exercer une influence sur le contenu de ladite clause.
39 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la deuxième question posée que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en vue de modifier une clause potentiellement abusive d’un contrat antérieur conclu entre ceux-ci ou de régler les conséquences du caractère abusif de cette autre clause peut elle-même être considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et, le cas échéant, être déclarée abusive.
Sur la quatrième question
40 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que l’exigence de transparence incombant à un professionnel en vertu de ces dispositions implique que, lorsque celui-ci conclut avec un consommateur un contrat de prêt hypothécaire adossé à un taux variable, fixant une clause « plancher », il doit fournir au consommateur les informations nécessaires pour comprendre les conséquences économiques qui découlent pour ce dernier, au moment de la conclusion de ce contrat, du mécanisme induit par cette clause « plancher ».
41 Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant de ce contrat.
42 En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, l’appréciation du caractère abusif des clauses d’un tel contrat ne porte toutefois ni sur la définition de l’objet principal de ce contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées « de façon claire et compréhensible ».
43 L’article 5 de ladite directive dispose en outre que, lorsque toutes ou certaines clauses dudit contrat proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées « de façon claire et compréhensible ».
44 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’exigence de transparence visée à l’article 4, paragraphe 2, et à l’article 5 de la directive 93/13 ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de la clause concernée. Le système de protection mis en œuvre par ladite directive reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence, imposée par la même directive, doit être entendue de manière extensive (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 50).
45 Dès lors, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause concernée fait référence ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de telle sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 45).
46 S’agissant d’un contrat de prêt hypothécaire, il appartient au juge national de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, au nombre desquels figurent la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat. Plus particulièrement, il incombe au juge national, lorsqu’il tient compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat, de vérifier qu’ont été communiqués au consommateur tous les éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement lui permettant d’évaluer, notamment, le coût total de son emprunt. Jouent un rôle décisif dans cette appréciation, d’une part, la question de savoir si les clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible de telle sorte qu’un consommateur moyen est mis en mesure d’évaluer un tel coût et, d’autre part, la circonstance liée à l’absence de mention, dans le contrat de crédit, des informations considérées, au regard de la nature des biens ou des services qui font l’objet de ce contrat, comme étant essentielles (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 52).
47 En particulier, la fourniture, avant la conclusion d’un tel contrat, de l’information relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de cette conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur le fondement de cette information que ce dernier décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées préalablement par le professionnel (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 50 ainsi que jurisprudence citée).
48 Par ailleurs, l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit être effectuée par référence au moment de la conclusion du contrat concerné, en tenant compte de l’ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance audit moment et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure de celui-ci, une clause contractuelle pouvant être porteuse d’un déséquilibre entre les parties qui ne se manifeste qu’en cours d’exécution du contrat (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 54).
49 Dès lors, le respect par un professionnel de l’exigence de transparence visée à l’article 4, paragraphe 2, et à l’article 5 de la directive 93/13 doit être appréciée par rapport aux éléments dont ce professionnel disposait au jour de la conclusion du contrat qu’il a conclu avec le consommateur.
50 S’agissant, en particulier, d’une clause « plancher » stipulée dans un contrat de prêt adossé à un taux d’intérêt variable, il y a lieu de relever que les répercussions financières d’un mécanisme de limitation vers le bas des variations du taux d’intérêt dépendent nécessairement de l’évolution de l’indice de référence sur la base duquel est calculé un tel taux.
51 Dans ces circonstances, le consommateur concerné doit être mis en mesure de comprendre les conséquences économiques qui résultent d’une telle clause en ce qui le concerne (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2019, GT, C‑38/17, EU:C:2019:461, point 33 et jurisprudence citée).
52 Toutefois, s’agissant d’une clause consistant à limiter les fluctuations vers le bas d’un taux variable calculé sur la base d’un indice, la valeur exacte de ce taux ne peut certes pas être déterminée dans un contrat de prêt pour toute la durée de celui-ci. Il ne peut ainsi être exigé d’un professionnel la fourniture d’informations précises quant aux conséquences financières liées aux variations du taux d’intérêt en cours de contrat, dès lors que ces variations dépendent d’événements futurs non prévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel. En particulier, l’application d’un taux d’intérêt variable entraîne à terme, par sa nature même, une fluctuation des montants des échéances à venir, de telle sorte que ledit professionnel ne peut être en mesure de préciser l’impact exact de l’application d’une clause « plancher » sur ces échéances.
53 Il n’en demeure pas moins que la Cour a jugé que, s’agissant de prêts hypothécaires à taux variables, la fourniture d’informations relatives à l’évolution passée de l’indice sur la base duquel est calculé le taux applicable constitue un élément particulièrement pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 56).
54 En effet, à partir d’une telle information, le consommateur peut être mis en mesure d’appréhender, aux vues des fluctuations passées, l’éventualité qu’il ne puisse profiter de taux inférieurs au taux « plancher » qui lui est proposé.
55 Pour ce qui est des montants auxquels le consommateur renoncerait en adhérant à une nouvelle clause « plancher » et qui correspondent à la différence entre les montants versés par le consommateur en application de la clause « plancher » initiale et ceux dont le paiement aurait été dû en l’absence de clause « plancher », il convient de relever que, en principe, ces montants peuvent être aisément déterminés par un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement avisé, dès lors qu’il a pu disposer de toutes les données nécessaires auprès du professionnel, en l’occurrence de l’établissement bancaire, lequel a l’expertise et les connaissances nécessaires à cet égard.
56 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la quatrième question posée que l’article 3, paragraphe 1, l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que l’exigence de transparence incombant à un professionnel en vertu de ces dispositions implique que, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire adossé à taux variable, fixant une clause « plancher », le consommateur doit être mis en mesure de comprendre les conséquences économiques qui découlent pour lui du mécanisme induit par cette clause « plancher », notamment, grâce à la mise à disposition d’informations relatives à l’évolution passée de l’indice sur la base duquel le taux d’intérêt est calculé.
Sur les troisième et cinquième questions
57 Par ses troisième et cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l’annexe, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, doivent être interprétés en ce sens qu’une clause d’un contrat de novation modifiant une clause d’un contrat antérieur et par laquelle un professionnel et un consommateur renoncent mutuellement à agir en justice pour faire valoir des prétentions relatives, notamment, tant à la clause initiale modifiée par ce contrat de novation qu’à la clause novatoire doit être qualifiée d’« abusive ».
58 Il ressort de la décision de renvoi que, par le contrat de novation, Ibercaja Banco et XZ sont convenus d’une réduction du taux de la clause « plancher » qui était applicable en vertu du contrat de prêt hypothécaire ainsi que d’une renonciation mutuelle aux actions en justice relatives aux ancienne et nouvelle clauses « plancher ».
59 Dès lors qu’une telle clause de renonciation est stipulée dans le cadre d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, le caractère abusif de cette clause est susceptible d’être constaté par le juge national aux termes de l’examen prévu à l’article 3 de la directive 93/13, à condition que ladite clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et sous réserve des limites prévues à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive.
60 Ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsqu’elle crée, en dépit de l’exigence de bonne foi, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur.
61 Il appartient au juge national de vérifier si les clauses contractuelles dont il est saisi doivent être qualifiées d’abusives, en tenant, en principe, compte, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la même directive, de l’ensemble des circonstances de l’espèce (arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C‑96/16 et C‑94/17, EU:C:2018:643, point 66).
62 C’est à la juridiction nationale qu’il appartient de déterminer si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence. La Cour est néanmoins compétente pour dégager des dispositions de la directive 93/13 les critères que cette juridiction peut ou doit appliquer lors d’une telle appréciation (arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation, C‑191/15, EU:C:2016:612, point 65).
63 En outre, ainsi qu’il résulte de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, l’annexe de cette directive contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Le point 1, sous q), de cette annexe vise, en tant que clauses susceptibles d’être considérées comme telles, celles qui ont pour objet ou pour effet « de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur ».
64 De surcroît, le fait qu’un professionnel et un consommateur renoncent mutuellement aux actions en justice relatives à une clause d’un contrat ne fait pas obstacle à ce que le juge national examine le caractère abusif d’une telle clause, dès lors que cette clause est susceptible de produire des effets contraignants à l’égard du consommateur.
65 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, par le contrat de novation, Ibercaja Banco et XZ ont convenu, d’une part, d’une réduction du taux de la clause « plancher » qui était applicable en vertu du contrat de prêt hypothécaire et, d’autre part, d’une renonciation mutuelle aux actions en justice relatives aux ancienne et nouvelle clauses « plancher ».
66 S’agissant, en premier lieu, de la renonciation par XZ à faire valoir devant le juge national ses prétentions relatives à la clause « plancher » initiale, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des points 25 à 28 du présent arrêt, la directive 93/13 ne s’oppose pas en soi à ce qu’un consommateur renonce contractuellement au bénéfice qu’il pourrait tirer de la déclaration du caractère abusif de la clause d’un contrat, dès lors que cette renonciation procède d’un consentement libre et éclairé.
67 En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 70 à 73 de ses conclusions, il convient de distinguer la renonciation aux actions en justice lorsqu’elle est stipulée dans un accord, tel qu’une transaction, dont l’objet même est le règlement d’un différend existant entre un professionnel et un consommateur, de la renonciation préalable à toute action en justice incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, telle qu’elle est visée aux points 75 et 76 du présent arrêt.
68 Cependant, une clause prévoyant une renonciation mutuelle à toute action en justice dans le cadre d’un accord visant la résolution d’un différend né entre un professionnel et un consommateur, au sujet de la validité de la clause d’un contrat liant ces deux parties, est susceptible de relever de l’objet principal de cet accord, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, et, en conséquence, d’échapper à l’appréciation d’un éventuel caractère abusif, dès lors qu’elle est rédigée de façon claire et compréhensible, un tel examen incombant au juge national.
69 En l’occurrence, la juridiction de renvoi considère que XZ n’a pas obtenu d’informations suffisantes quant au caractère abusif de la clause « plancher » initiale et aux montants dont elle aurait été en droit d’obtenir le remboursement à raison des sommes qu’elle a indûment versées sur le fondement de cette clause.
70 Ainsi qu’il ressort du point 48 du présent arrêt, l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur doit être effectuée par référence au moment de la conclusion de ce contrat, en tenant compte de l’ensemble des circonstances dont ce professionnel pouvait avoir connaissance à ce moment et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure dudit contrat, une clause pouvant être porteuse d’un déséquilibre entre les parties d’un contrat qui ne se manifeste qu’en cours d’exécution de ce contrat.
71 Or, s’il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner quelles étaient les informations dont disposait Ibercaja Banco au jour de la conclusion du contrat de novation, il y a lieu de relever que, selon les informations dont dispose la Cour, ce contrat a été conclu le 4 mars 2014. Par son arrêt 241/2013 du 9 mai 2013, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a jugé, dans le cadre d’une procédure initiée par des associations de consommateurs, que les clauses « plancher » stipulées dans les contrats de prêt hypothécaire ne satisfaisaient en principe pas aux exigences de clarté et de transparence et étaient susceptibles, de ce fait, d’être déclarées abusives. Ce faisant, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a limité les effets de la déclaration de nullité de telles clauses pour l’avenir. Ce n’est toutefois que par l’arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a. (C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980), que la Cour a jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose à une telle limitation.
72 Par conséquent, d’une part, si le caractère abusif de la clause « plancher » initiale liant XZ à Ibercaja Banco était envisageable au moment de la conclusion du contrat de novation, il apparaît qu’il ne s’agissait pas d’un fait certain, ce caractère n’ayant pas été constaté entre les parties à ce contrat dans le cadre d’une procédure judiciaire.
73 D’autre part, l’état du droit au moment de la conclusion du contrat de novation ne semblait pas permettre à Ibercaja Banco de savoir que l’existence d’une clause « plancher » abusive fondait un droit au remboursement intégral des sommes indûment versées à raison de cette clause.
74 Dans ces circonstances, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier le niveau de certitude qui existait au moment de la conclusion du contrat de novation en ce qui concerne le caractère abusif de la clause « plancher » initiale, afin de déterminer l’étendue des informations qu’Ibercaja Banco devait fournir à XZ en vertu de l’exigence de transparence qui lui incombait dans la présentation de la clause de renonciation aux actions en justice, ainsi que si XZ a été en mesure de comprendre les conséquences juridiques qui en découlaient pour elle.
75 S’agissant, en second lieu, de la renonciation des parties au litige au principal à faire valoir leurs prétentions relatives à la nouvelle clause « plancher » devant le juge national, il convient de souligner que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 43 et 44 de ses conclusions, un consommateur ne saurait valablement s’engager à renoncer pour l’avenir à la protection juridictionnelle et aux droits qu’il tire de la directive 93/13. En effet, il ne peut par définition appréhender les conséquences de son adhésion à une telle clause s’agissant de différends susceptibles d’apparaître à l’avenir.
76 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, aux termes duquel les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, présente un caractère impératif (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 55). Or, reconnaître la possibilité d’une renonciation préalable du consommateur aux droits qu’il tire du système de protection mis en œuvre par cette directive irait à l’encontre du caractère impératif de cette disposition et mettrait en péril l’efficacité de ce système.
77 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre aux troisième et cinquième questions posées que l’article 3, paragraphe 1, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l’annexe, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens :
– la clause stipulée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en vue de la résolution d’un différend existant, par laquelle ce consommateur renonce à faire valoir devant le juge national les prétentions qu’il aurait pu faire valoir en l’absence de cette clause, est susceptible d’être qualifiée d’« abusive », notamment, si ledit consommateur n’a pas pu disposer des informations pertinentes lui permettant de comprendre les conséquences juridiques qui en découlaient pour lui ;
– la clause par laquelle le même consommateur renonce, en ce qui concerne des différends futurs, aux actions en justice fondées sur les droits qu’il détient en vertu de la directive 93/13 ne lie pas le consommateur.
Sur les dépens
78 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dont le caractère abusif est susceptible d’être constaté judiciairement puisse faire l’objet d’un contrat de novation entre ce professionnel et ce consommateur, par lequel le consommateur renonce aux effets qu’entraînerait la déclaration du caractère abusif de cette clause, à la condition que cette renonciation procède d’un consentement libre et éclairé du consommateur, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.
2) L’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en vue de modifier une clause potentiellement abusive d’un contrat antérieur conclu entre ceux-ci ou de régler les conséquences du caractère abusif de cette autre clause peut elle-même être considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et, le cas échéant, être déclarée abusive.
3) L’article 3, paragraphe 1, l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que l’exigence de transparence incombant à un professionnel en vertu de ces dispositions implique que, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire adossé à taux variable, fixant une clause « plancher », le consommateur doit être mis en mesure de comprendre les conséquences économiques qui découlent pour lui du mécanisme induit par cette clause « plancher », notamment, grâce à la mise à disposition d’informations relatives à l’évolution passée de l’indice sur la base duquel le taux d’intérêt est calculé.
4) L’article 3, paragraphe 1, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l’annexe, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens :
– la clause stipulée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en vue de la résolution d'un différend existant, par laquelle ce consommateur renonce à faire valoir devant le juge national les prétentions qu’il aurait pu faire valoir en l’absence de cette clause, est susceptible d’être qualifiée d’« abusive », notamment, si ledit consommateur n’a pas pu disposer des informations pertinentes lui permettant de comprendre les conséquences juridiques qui en découlaient pour lui ;
– la clause par laquelle le même consommateur renonce, en ce qui concerne des différends futurs, aux actions en justice fondées sur les droits qu’il détient en vertu de la directive 93/13, ne lie pas le consommateur.