ADLC, 16 juillet 2020, n° 20-D-09
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de séance :
Mme Siredey-Garnier
Vice-président :
Mme Luc
Rapporteurs :
Mme Gauthier, M. Couton
Vu la lettre du 21 septembre 2012, enregistrée sous le numéro 12/0080 F, par laquelle la société Établissements Guy Harang SA a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques dans le secteur de la découpe de porcs dans la région parisienne ; - Vu les demandes des sociétés Campofrio Food Group S.A.U., de ses filiales et sociétés affiliées directement ou indirectement détenues, formulées auprès de la rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence le 2 octobre 2012, complétées le 9 novembre 2012, enregistrées sous les numéros 12/0083 AC et 12/0084 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce ; - Vu les avis conditionnels de clémence n° 13-AC-01 et n° 13-AC-02 du 29 janvier 2013 ; - Vu la décision n° 13-SO-01du 30 janvier 2013 enregistrée sous le n° 13/0006 F par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie ; - Vu la demande du groupe Coop, actionnaire de Bell SA, elle-même actionnaire majoritaire de Bell France SAS et de Salaisons Polette et Cie SAS et de leurs filiales, formulée auprès de la rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence le 25 septembre 2013,enregistrée sous le numéro 13/0069 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IVde l’article L. 464-2 du Code de commerce ; - Vu l’avis conditionnel de clémence n° 14-AC-02 du 27 mai 2014 ; - Vu la décision du 25 avril 2014 procédant à la jonction de l’instruction des saisines n° 12/0080 F et n° 13/0006 F ; - Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment le premier paragraphe de l’article 101 ; - Vu le livre IV du Code de commerce et notamment l’article L. 420-1 ; - Vu la décision du 14 novembre 2018 par laquelle le rapporteur général a désigné un expert, sur le fondement des dispositions des articles L. 463-8 et R. 463-16 du Code de commerce ; - Vu le rapport de l’expert en date du 16 avril 2019 ; - Vu la lettre enregistrée le 1er février 2019 par laquelle les sociétés Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande -ALH ont saisi le conseiller auditeur, par l’intermédiaire de leur avocat ; - Vu le rapport établi le 11 mars 2019 par le conseiller auditeur ; - Vu les décisions de secret d'affaires n° 14-DSA-100 du 24 avril 2014, n° 14-DSA-101c du 24 avril 2014, n° 14-DSA-102 du 24 avril 2014, n° 14-DSA-320 du 13 novembre 2014, n° 14-DSA-321 du 13 novembre 2014, n° 14-DSA-339 du 26 novembre 2014, n° 14-DSA-78 du 04 avril 2014, n° 14-DSA-79 du 04 avril 2014, n° 14-DSA-80 du 04 avril 2014, n° 14-DSA-81 du 04 avril 2014, n° 15-DECR-08 du 27 janvier 2015, n° 15-DECR-35 du 21 décembre 2015, n° 15-DECR-36 du 21 décembre 2015, n° 15-DECR-37 du 21 décembre 2015, n° 15-DECR-38 du 21 décembre 2015, n° 15-DECR-39 du 21 décembre 2015, n° 15-DECR-40 du 21 décembre 2015, n° 15-DECR-41 du 21 décembre 2015, n° 15-DEC-60c du 21 décembre 2015, n° 15-DEC-61 du 21 décembre 2015, n° 15-DEC-62 du 21 décembre 2015, n° 15-DEC-63 du 21 décembre 2015, n° 15-DEC-64 du 21 décembre 2015, n° 15-DSA-01 du 02 janvier 2015, n° 15-DSA-02 du 02 janvier 2015, n° 15-DSA-136 du 20 mars 2015, n° 15-DSA-155 du 07 avril 2015, n° 15-DSA-188 du 06 mai 2015, n° 15-DSA-190 du 07 mai 2015, n° 15-DSA-196 du 13 mai 2015, n° 15-DSA-20 du 12 janvier 2015, n° 15-DSA-245 du 03 juillet 2015, n° 15-DSA-321 du 23 septembre 2015, n° 15-DSA-322 du 23 septembre 2015, n° 15-DSA-337 du 05 octobre 2015, n° 15-DSA-345 du 21 octobre 2015, n° 15-DSA-346 du 21 octobre 2015, n° 15-DSA-354 du 30 octobre 2015, n° 16-DECR-03 du 25 février 2016, n° 16-DECR-06 du 25 février 2016, n° 16-DSA-25 du 01 février 2016, n° 16-DSA-26 du 01 février 2016, n° 16-DSA-368 du 27 octobre 2016, n° 16-DSA-380 du 17 novembre 2016, n° 16-DSA-52 du 19 février 2016, n° 17-DEC-563 du 20 décembre 2017, n° 17-DEC-573 du 22 décembre 2017, n° 17-DEC-574 du 22 décembre 2017, n° 17-DSA-005 du 09 janvier 2017, n° 17-DSA-006 du 09 janvier 2017, n° 17-DSA-009 du 10 janvier 2017, n° 17-DSA-010 du 10 janvier 2017, n° 17-DSA-067 du 14 février 2017, n° 17-DSA-069 du 14 février 2017, n° 17-DSA-073 du 15 février 2017, n° 17-DSA-076 du 16 février 2017, n° 17-DSA-078 du 16 février 2017, n° 17-DSA-153 du 04 avril 2017, n° 17-DSA-179 du 25 avril 2017, n° 17-DSA-356 du 29 août 2017, n° 17-DSA-420 du 17 octobre 2017, n° 17-DSA-421 du 18 octobre 2017, n° 17-DSA-465 du 31 octobre 2017, n° 17-DSA-476 du 07 novembre 2017, n° 17-DSA-477 du 07 novembre 2017, n° 17-DSA-490 du 15 novembre 2017, n° 17-DSA-497 du 16 novembre 2017, n° 18-DECR-006 du 03 janvier 2018, n° 18-DEC-004 du 03 janvier 2018, n° 18-DEC-005 du 03 janvier 2018, n° 18-DEC-019 du 12 janvier 2018, n° 18-DSA-194 du 18 juin 2018, n° 18-DSA-216 du 13 juillet 2018, n° 18-DSA-218 du 13 juillet 2018, n° 18-DSA-219 du 13 juillet 2018, n° 18-DSA-221 du 13 juillet 2018, n° 18-DSA-243 du 30 juillet 2018, n° 18-DSA-249 du 13 juillet 2018, n° 18-DSA-262 du 10 août 2018, n° 18-DSA-391 du 08 novembre 2018, n° 19-DECR-019 du 10 janvier 2019, n° 19-DSA-666 du 15 novembre 2019, n° 19-DSA-667 du 15 novembre 2019, n° 19-DSA-668 du 15 novembre 2019, n° 19-DSA-674 du 19 novembre 2019, n° 19-DSA-675 du 19 novembre 2019 ; - Vu les observations présentées par les sociétés Aoste SNC, Jean Caby, Salaisons Moroni, Campofrio Food Group Holding S.L.U., Campofrio Food Group S.A.U. et Campofrio Food Group FranceHolding ; Bell France Holding, Maison de Savoie, Le Saloir de Mirabel, Le Saloir de Virieu, SalaisonPolette et Cie, Val de Lyon, Bell France, Bell Food Group AG et Groupe Coop Société Coopérative ; Établissements Germanaud et Cie, Financière Turenne Lafayette, Madrange, Géo, Montagne Noire, Paul Prédault, La Lampaulaise de Salaisons et Agripole ; Charcuteries Cuisinées du Plélan, Fleury Michon Charcuterie, Société d’Innovation Culinaire, Fleury Michon LS, Fleury Michon et Société Holding de Contrôle et de Participations ; Salaisons Celtiques, Salaisons du Guéméné, S.C.O., Société Civile Les Mousquetaires et Les Mousquetaires ; Grand Saloir Saint Nicolas, Les Monts de la Roche, Sapresti Traiteur, CA Traiteur et Salaisons, et CA Animation ; Salaisons du Mâconnais ; Luissier Bordeau Chesnel, Souchon d’Auvergne, Savencia Holding et Eurospecialities Food BV; France Salaisons et Sonical ; Aubret ; Établissements Rochebillard et Blein, Peguet Savoie Salaisons et La Financière du Haut Pays ; Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande - ALH; Herta, Nestlé SA et Nestlé Entreprises ; Companie Financière et de Participations Roullier et Charcuteries Gourmandes et par le commissaire du Gouvernement ; - Vu les autres pièces du dossier ; - Vu la décision du 20 décembre 2019 par laquelle la présidente de l’Autorité de la concurrence a désigné M. JY M, membre, pour compléter le quorum et examiner l’affaire enregistrée sous le numéro 12/0080 F et 13/0006 F ;Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés AosteSNC, Jean Caby, Salaisons Moroni, Campofrio Food Group Holding S.L.U., Campofrio Food Group S.A.U. et Campofrio Food Group FranceHolding ; Bell France Holding, Maison de Savoie, Le Saloir de Mirabel Le Saloir de Virieu, Salaisons Polette et Cie, Val de Lyon, Bell France, Bell Food Group AG et Groupe Coop Société Coopérative ; Établissements Germanaud et Cie, Financière Turenne Lafayette, Madrange Géo, Montagne Noire, Paul Prédault, La Lampaulaise de Salaisons et Agripole ; Charcuterie Cuisinées du Plélan, Fleury Michon Charcuterie, Société d’Innovation Culinaire, Fleury Michon LS, Fleury Michon et Société Holding de Contrôle et de Participation ; Salaisons Celtiques, Salaisons du Guéméné, S.C.O., Société Civile Les Mousquetaires et Les Mousquetaires ; Grand Saloir Saint Nicolas, Les Monts de la Roche, Sapresti Traiteur, CA Traiteur et Salaisons et CA Animation ; Salaisons du Mâconnais ; Luissier Bordeau Chesnel, Souchon d’Auvergne, Savencia Holding et Eurospecialities Food BV; France Salaisons et Sonical ; Aubret ; Établissements Rochebillard et Blein, Peguet Savoie Salaisons et La Financière du Haut Pays ; Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande - ALH; Herta, Nestlé SA et Nestlé Entreprises ; Companie Financière et de Participations Roullier et Charcuteries Gourmandes entendus lors de la séancede l’Autorité des 22 et 24 janvier 2020 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne plusieurs sociétés actives dans le secteur des achats et ventes des pièces de porcs et de produits de charcuterie pour avoir mis en œuvre trois pratiques anticoncurrentielles constituées, pour la première, par une entente entre concurrents sur le prix du jambon sans mouille (ci-après « JSM»), utilisé pour fabriquer des jambons cuits, et pour les deuxième et troisième, par des ententes entre concurrents sur le marché de la commercialisation de produits de charcuterie crus, d’une part, cuits, d’autre part, sous marque de distributeurs (ci-après «MDD») et premiers prix.
Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à la procédure de clémence, qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire.
En effet, le groupe Campofrio a sollicité en octobre 2012 le bénéfice de la clémence dans le secteur de l’approvisionnement en JSM par les charcutiers-salaisonniers auprès des abatteurs et découpeurs (grief n° 1), d’une part, et dans le secteur des produits de charcuterie vendus par les charcutiers-salaisonniers sous MDD (griefs n° 2 et 3), d’autre part.
Les opérations de visite et saisie réalisées en France en mai 2013 ont permis de réunir de nombreuses preuves qui ont complété celles apportées par le premier demandeur de clémence.
Par ailleurs, à la suite de ces opérations, le groupe Coop a également sollicité, en septembre 2013, la mise en œuvre du programme de clémence dans le secteur de la fourniture de produits de charcuterie crus vendus sous MDD (grief n° 2).
L’exploitation des milliers de pièces reçues et saisies par les services d’instruction, complétée par de nombreuses auditions ainsi que par une expertise en écritures visant à analyser la valeur probante d’une pièce versée par le primo-demandeur de clémence, a permis de sanctionner les trois ententes suivantes :
Entente sur la variation du prix hebdomadaire du jambon sans mouille
Les groupes Campofrio, Fleury Michon, Financière Turenne Lafayette (ci-après «FTL») et Les Mousquetaires se sont entendus, entre le 14 janvier 2011 et le 26 avril 2013 pour défendre une position commune sur la variation du prix hebdomadaire du jambon sans mouille dans leurs négociations avec les abatteurs (grief n° 1).
En effet, il ressort des éléments du dossier que les charcutiers salaisonniers se contactaient via des appels téléphoniques bilatéraux avant le début des négociations, généralement le vendredi matin, afin d’aboutir à une position commune de négociation.
Ce consensus, qui portait sur la variation de prix du JSM sur le marché d’intérêt national de Rungis (ci-après «MIN») et non le prix lui-même, leur permettait de présenter un « front commun» face aux abatteurs, de manière à mieux résister aux hausses de prix ou à obtenir des baisses de prix.
Cette entente a modifié le rapport de force entre charcutiers-salaisonniers et abatteurs, au bénéfice des premiers et au détriment des seconds. Elle a par ailleurs impacté la variation de la cotation du JSM sur le MIN, qui sert de référence pour les transactions réalisées hors de ce marché. Elle présente, par conséquent, un caractère particulièrement grave, qui justifie le prononcé de sanctions d’un montant global de 21428 000 euros, qui se répartissent comme suit entre les entreprises concernées :
Tableau
Ententes sur les prix des produits de charcuterie crue et cuite
S’agissant des produits de charcuterie crue (grief n° 2), huit entreprises (appartenant aux groupes CA Animation, Campofrio, Coop, La Financière du Haut Pays, FTL, Savencia, Sonical, ainsi que la société Salaisons du Mâconnais) ont mis en œuvre entre le 8 avril 2010 et le 30 avril 2013 des accords et pratiques concertées, via des réunions secrètes et des échanges bilatéraux, d’une part, pour faire passer des demandes de hausses de prix de vente auprès des enseignes de la grande distribution et, d’autre part, pour se concerter sur les offres en prix à proposer en réponse aux appels d’offres de ces enseignes.
Eu égard à la gravité intrinsèque de cette pratique, l’Autorité inflige des sanctions d’un montant global de 10 150 000 euros qui se répartissent comme suit :
Tableau
S’agissant des produits de charcuterie cuite (grief n° 3), sept entreprises (appartenant aux groupes Campofrio, Cooperl Arc Atlantique, FTL, Les Mousquetaires, Nestlé et Roullier, ainsi que la société Aubret) ont mis en œuvre des accords et pratiques concertées, dans le cadre d’échanges bilatéraux entre le 2 juillet 2010 et le 7 juin 2012, pour se concerter sur les offres en prix à proposer, notamment en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution.
Cette pratique a diminué l’incertitude devant normalement peser sur chaque opérateur. Elle a pu concourir, soit directement soit indirectement, à la fixation de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une situation normale de concurrence.
Les sanctions infligées à ce titre, d’un montant total de 61 459 000 euros, sont les suivantes :
Tableau
La sanction des manquements du premier demandeur de clémence
Pour la deuxième fois dans sa pratique décisionnelle après l’affaire des messageries (décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express), l’Autorité refuse d’accorder au premier demandeur de clémence le bénéfice de l’exonération totale de sanctions. Après avoir constaté, en effet, que le groupe Campofrio avait omis d’informer les services d’instruction de la tenue d’une réunion anticoncurrentielle à laquelle il avait participé en avril 2013, et, partant, manqué à son obligation de coopération, elle lui inflige une sanction de 1 million d’euros au titre du deuxième grief.
L’octroi de la « clémence Plus » au second demandeur de clémence
S’agissant du second demandeur de clémence, l’Autorité, également pour la deuxième fois dans sa pratique décisionnelle après l’affaire des produits blancs (décision n° 18-D-24 du 5 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers), fait application de la possibilité, dite « clémence Plus », prévue au paragraphe 19 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence français, d’accorder une exonération supplémentaire aux entreprises pouvant prétendre à une exonération partielle. Elle accorde donc, en l’espèce, au groupe Coop, second demandeur de clémence, une exonération totale de sanctions pour la période des pratiques que seuls les éléments fournis par ce groupe ont permis de révéler.
En sus des sanctions pécuniaires infligées, l’Autorité enjoint aux entreprises sanctionnées de publier un résumé de la décision dans l’édition papier et dans l’édition en ligne des journaux Le Monde, Les Échos et de la Revue Porc Mag. Par ailleurs, les frais de l’expertise sont mis à la charge des entreprises concernées.
I. Les constatations
A. RAPPEL DE LA PROCEDURE
1. Par lettre du 21 septembre G2012, enregistrée sous le numéro 12/0080 F, l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») a été saisie d’une plainte de la société Établissements Guy Harang dans le secteur de la découpe de porcs dans la région parisienne2.
2. La saisissante soutient que plusieurs sociétés de charcuterie-salaisonnerie se seraient entendues pour, d’une part, déterminer un prix artificiellement élevé sur le marché de Rungis sur un nombre limité de pièces de jambons sans mouille3 (ci-après le «JSM») et, d’autre part, acquérir à un prix inférieur le reste de leurs pièces auprès de l’ensemble de la filière. Cette double entente sur les prix d’achat du JSM aurait également eu pour conséquence une baisse des prix de vente des autres pièces de porc par les découpeurs du marché de Rungis, de nature à nuire à l’activité de la saisissante4.
3. Par procès-verbaux du 2 octobre 2012, enregistrés sous les numéros 12/0083 AC et 12/0084AC, la rapporteure générale adjointe de l’Autorité a réceptionné deux demandes de mise en œuvre du IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce formulées pour le compte de la société Campofrio Food Group S.A.U., de ses filiales et sociétés affiliées directement ou indirectement détenues, en particulier les sociétés Aoste SNC (ci-après «Aoste ») et Jean Caby SASU:
- dans le secteur de l’approvisionnement en pièces de JSM par les salaisonniers auprès des abatteurs découpeurs5 ;
- dans le secteur de la vente des produits de salaisonnerie et charcuterie, commercialisés sous marque de distributeur (ci-après «MDD») ou sous forme de premiers prix en France6.
4. Le demandeur de clémence a ainsi dénoncé des pratiques potentiellement anticoncurrentielles lors de l’achat de pièces de JSM impliquant, outre Aoste et Jean Caby, les entreprises suivantes : Comptoir Commercial Alimentaire (CCA) et Madrange (groupe Financière Turenne Lafayette), Onno (groupe Les Mousquetaires), Fleury Michon et, dans une moindre mesure, Cooperl Brocéliande.
5. Le demandeur de clémence a, en outre, dénoncé des pratiques potentiellement anticoncurrentielles lors de la vente de produits de charcuterie vendus sous MDD, impliquant notamment, outre Aoste et Jean Caby, les entreprises suivantes : Aubret (groupe d’Aucy), Comptoir Commercial Alimentaire (CCA) et Madrange (Financière Turenne Lafayette), Cooperl Brocéliande (groupe Cooperl Arc Atlantique), France Salaisons (groupe Sonical), Polette et Cie (groupe Coop), Rochebillard et Blein (groupe La Financière du Haut-Pays), Salaisons du Mâconnais, et Souchon (groupe Soparind Bongrain, dénommé Savencia depuis 2015).
6. Il a, enfin, produit deux déclarations accompagnées d’annexes, de nature à confirmer, expliciter et compléter les procès-verbaux du 2 octobre 2012. Ces éléments ont été recueillis par procès-verbaux du 9 novembre 20127.
7. Le 29 janvier 2013, l’Autorité a rendu deux avis accordant au demandeur le bénéfice conditionnel de la clémence ouvrant potentiellement droit à une exonération totale des sanctions éventuellement encourues en France :
- l’avis n° 13-AC-02 pour les pratiques dénoncées dans le secteur des achats de JSM auprès des abatteurs par les charcutiers-salaisonniers ;
- l’avis n° 13-AC-01 pour les pratiques dénoncées dans le secteur des produits de charcuterie vendus sous MDD ou sous forme de premier prix.
8. Par décision n°13-SO-01 du 30 janvier 2013, l’Autorité s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie8.
9. Après autorisation du juge des libertés et de la détention du 2 mai 2013, prise sur le fondement de l’article L. 450-4 du Code de commerce, des opérations de visite et saisie ont été menées le 15 mai 2013, dans les locaux des sociétés suivantes :
- Financière Turenne Lafayette (anciennement Comptoir Commercial Alimentaire) ;
- Madrange ;
- Aoste ;
- Jean Caby ;
- Cooperl Arc Atlantique ;
- Brocéliande -ALH;
- Salaisons Celtiques (enseigne et nom commercial Onno Bretagne) ;
- Fleury Michon ;
- France Salaisons ;
- Salaison Polette et Cie ;
- Bell France ;
- Établissements Rochebillard et Blein ;
- Salaisons du Mâconnais.
10. À la suite de ces opérations, le rapporteur général adjoint de l’Autorité a réceptionné, le 25 septembre 2013, une demande de mise en œuvre du IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce formulée pour le compte du groupe Coop, actionnaire de Bell SA, elle-même actionnaire majoritaire de Bell France SAS et de Salaison Polette et Cie SAS et de leurs filiales, dans le secteur de la fourniture sur le marché français de produits de charcuterie, notamment sous MDD9.
11. Ce second demandeur de clémence a produit, à l’appui de sa demande de clémence, des éléments de nature à confirmer, expliciter et compléter les informations dont disposaient déjà les services d’instruction10.
12. Le 27 mai 2014, l’Autorité a rendu l’avis n° 14-AC-02, par lequel elle lui a accordé le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération potentielle de sanction comprise entre 35 % et 50 % des sanctions éventuellement encourues en France pour les pratiques dénoncées dans le secteur des produits de charcuterie commercialisés sous MDD.
13. Par décision du 25 avril 2014, le rapporteur général adjoint a joint les saisines n° 12/0080 F et n° 13/0006 F en application de l’article L. 463-3 du Code de commerce.
14. Le 16 février 2018, le rapporteur général a adressé une notification de griefs portant sur des pratiques prohibées au titre de l’article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, « TFUE ») et de l’article L. 420-1 du Code de commerce à plusieurs sociétés appartenant aux groupes suivants :
- d’Aucy ;
- CA Animation ;
- Campofrio ;
- Coop ;
- Cooperl Arc Atlantique ;
- La Financière du Haut Pays ;
- Financière Turenne Lafayette (FTL) ;
- Fleury Michon ;
- Les Mousquetaires ;
- Nestlé ;
- Roullier ;
- Salaisons du Mâconnais ;
- Savencia ;
- Sonical.
15. Une notification de griefs rectificative a été adressée le 13 avril 2018 aux mandataires et administrateurs judiciaires des sociétés Charcuteries Gourmandes, Jean Caby et à l’ensemble des sociétés du groupe Financière Turenne Lafayette ayant fait l’objet de procédures de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, en application des articles L. 622-23 et L. 641-4 du Code de commerce.
16. Plusieurs groupes, et notamment les groupes Cooperl Arc Atlantique et Sonical, ont, dans le cadre de leurs observations en réponse à la notification de griefs, mis en cause la crédibilité de la demande de clémence déposée par le groupe Campofrio. Ils ont, ainsi, affirmé que les demandes de clémence du primo-demandeur étaient mensongères et que celui-ci avait, en particulier, fabriqué de toute pièce, pour les besoins de la procédure, le carnet de M. JLG (ci-après « le Carnet »), directeur commercial du groupe Aoste, sur lequel les services d’instruction se sont fondés pour formuler les griefs n° 2 et 3.
17. Au vu de ces accusations, ainsi que de la demande d’expertise formulée par le groupe Cooperl Arc Atlantique, le Rapporteur général de l’Autorité a, par décision du 14 novembre 2018, en application de l’article L. 436-8 du Code de commerce, désigné un expert en écritures afin de déterminer si le Carnet était manifestement un faux quant à sa forme.
18. Le rapport d’expertise définitif a été notifié par l’expert à l’Autorité le 25 avril 2019 et aux parties le 2 mai 2019.
19. Le rapport des services d’instruction a été notifié le 17 juillet 2019 aux parties, qui ont eu jusqu’au14 octobre 2019pour produire des observations. La séance de l’Autorité s’est tenue les 22 et 24 janvier 2020.
B. LE SECTEUR CONCERNE
1. DESCRIPTION DU SECTEUR CONCERNE11
20. Le porc constitue la première viande produite et consommée sur le plan mondial. En 2010, la Chine était le premier producteur avec une croissance de 10 % en cinq ans, suivie de loin par l’Union européenne et les États-Unis.
21. En France, bien que la consommation annuelle de viande recule de manière générale depuis la fin des années 1990, la viande de porc reste la plus consommée, devant la volaille, le boeuf et la viande ovine et caprine.
22. La filière porcine se présente comme suit :
23. Selon l’ensemble des acteurs de la filière porcine, ce secteur connaîtrait une situation de crise majeure depuis quelques années, due notamment à la volatilité du prix des matières premières, à l’explosion des coûts, aux contraintes environnementales et aux distorsions de concurrence européennes, à la fois :
- réglementaires, avec des coûts de main-d’œuvre supérieurs à ceux d’autres pays ;
- économiques, avec une surcapacité de production de l’abattage en France ;
Schéma
- géographique, avec l’éloignement de la Bretagne, principale zone de production, des foyers de consommation européens12.
24. Par ailleurs, les acteurs du secteur de la charcuterie-salaisonnerie mettent en avant l’asymétrie, à leur détriment, du système de fixation des prix au sein de la filière, dès lors qu’ils doivent, en amont, gérer des contrats hebdomadaires avec les abatteurs et, en aval, des contrats à terme avec les grandes et moyennes surfaces (ci-après «GMS »), selon des échéances semestrielles ou annuelles13.
25. Aussi, la grande distribution capterait l’essentiel de la marge du secteur. Le rapport remis au Premier ministre fin 2008 traitant de la formation des prix alimentaires en France précisait, à cet égard, que le jambon, produit jugé incontournable, figurait «parmi les plus rentables de la grande distribution », «89 % de la marge réalisée (sur le jambon) par les différents intermédiaires (étant) captée par les distributeurs, dont le taux de marge nette dépasse 21 %»14.
2. ORGANISATION DE LA FILIERE PORCINE
26. Selon le rapport au Parlement pour l’année 2013 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui présente la cartographie des flux en quantités dans la filière porcine, de l’abattage à la fabrication de produits finis puis à la vente au détail15, la découpe de pièces de porc est effectuée à 88 % par les abatteurs contre 5 % par les grossistes, 4 % par les bouchers-charcutiers de proximité et 2 % par les charcutiers-salaisonniers.
27. Au stade de la fabrication de produits finis, viande fraîche et produits charcutiers, les charcutiers-salaisonniers représentent 67 % des débouchés contre 12 % pour la grande distribution, 11 % pour les abatteurs, 6 % pour les bouchers charcutiers de proximité, 4 % pour la restauration hors foyer (ci-après «RHF»).
28. Au niveau de la distribution de produits finis, charcuterie et viande fraîche, la grande distribution représente 69 % des débouchés, contre 19 % pour la RHF et 12 % pour les bouchers-charcutiers.
29. Le rapport précité présente de la manière suivante le bilan des flux dans la filière porcine en 2012 16 :
Figure
30. Une carcasse de porc est consommée à 25 % sous forme de viande fraîche, relevant du rayon boucherie chez les GMS et artisans, contre 75 % destinés aux produits du rayon charcuterie ou de plats cuisinés, pour l’essentiel en produits frais et périssables, contre 3 % seulement en conserve.
31. Les approvisionnements des charcutiers-salaisonniers, qui valorisent les deux tiers des produits finis, sont constitués principalement des jambons, épaules, poitrines, issues en premier lieu de l’abattage (65 %) et en second lieu de l’importation (25 %). Les importations provenant d’Espagne, d’Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas concernent le jambon maigre (JSM) destiné à la fabrication de jambons cuits, consommés essentiellement en France et dans le nord de l’Europe. 17
32. Les débouchés sont constitués des produits finis de charcuterie-salaisonnerie (85 %) et des plats préparés (15 %). Près des deux tiers sont commercialisés auprès des GMS et 10 % sont exportés. Les produits vendus aux GMS sont commercialisés à 60 % sous MDD. Les industriels de la transformation fabriquant des produits sous MDD sont souvent des petites et moyennes entreprises (ci-après «PME»), filiales de groupes. Véritables sous-traitants des GMS, ils ne disposent que de peu de liberté dans la création du produit, donc souvent dans le choix des fournisseurs et des intrants, et par conséquent dans la construction du prix.
a) Le secteur de la production de porcs charcutiers
33. En 2013, la France était le troisième producteur européen de porcs charcutiers (24,320 millions), derrière l’Allemagne (50,997 millions) et l’Espagne (41,439 millions)18. La production française de porcs s’avère tendanciellement à la baisse.
34. L’abattage de porcs en France est par ailleurs également en régression, de façon plus importante que l’élevage, les éleveurs préférant déplacer leur production à l’étranger19.
35. En 2013, la production de porcs présentait la particularité d’être géographiquement très concentrée, l’effectif porcin étant principalement abattu dans la zone Uniporc Ouest.
36. Les organisations de producteurs (ci-après «OP ») que sont les coopératives d’éleveurs regroupent 94 % du cheptel porcin français. Leur concentration s’est fortement accrue, len ombre de groupements passant de 204 en 1972 à 62 en 200820.
37. Les dix premières OP, dont sept sont établies en Bretagne, fédèrent 83 % de la production porcine, Cooperl Arc Atlantique étant la première d’entre elles21.
b) Le secteur de l’abattage de porcs charcutiers
38. Les abatteurs sont acheteurs de porcs vifs, presque exclusivement issus d’élevages français, et vendeurs de carcasses et pièces22.
39. La demande de porcs vifs émane principalement des abattoirs privés qui peuvent être soit des sociétés commerciales (comme Bigard-Socopa, Bernard, Abera), le cas échéant filiales de groupes de distribution (comme Kermené avec Leclerc, Gatine Viandes avec ITM) ou liées à des groupements coopératifs (comme Gad à Cecab/Prestor avant sa mise en liquidation le 11 septembre 2014), soit des groupements coopératifs intégrés (comme Cooperl Arc Atlantique ou les Abattoirs industriels de la Manche23, à la fois coopérative d’éleveurs et disposant de l’outil industriel d’abattage)24.
40. En sens inverse, les exportations des abatteurs français concernent surtout les pièces en excédent des besoins de l’industrie de la transformation en France. Il s’agit essentiellement de jambons gras (jambons avec mouille), destinés à fabriquer du jambon cru et sec (Bayonne, Serrano, Parme, etc.)25.
41. Les abatteurs commercialisent les carcasses entières, en l’état, auprès des découpeurs spécialisés, ou sous forme de pièces aux industriels de la transformation et aux GMS pour la revente de viande fraîche, la vente aux commerces de proximité et à la RHF passant par le canal des grossistes26.
42. Le marché de la viande de porc est un marché de pièces et de découpes. En effet, les échanges de carcasses entières sont principalement destinés à l’exportation (vers des découpeurs allemands pour la plus grande partie) et ne concernent que 5 % de la production française. Les abatteurs français sont tous également découpeurs, découpant eux-mêmes 80 % des carcasses produites dans leurs abattoirs, les découpeurs spécialisés ne comptant que pour 8 % des quantités27.
43. La Bretagne regroupe les plus gros abatteurs de la filière porc : Cooperl, Bigard/Socopa, Gad, Bernard, Kermené, Abera28.
44. Les trois premiers abattoirs, Cooperl Arc Atlantique, Bigard (Socopa) et Gad, représentaient ensemble 48,5 % de l’abattage national en 200929.
45. Les abatteurs doivent gérer à la fois leurs approvisionnements en carcasses et leurs débouchés de pièces. Ils utilisent à cet égard deux références de prix, chaque semaine : les cotations du marché du porc breton (ci-après «MPB») (voir paragraphes 63 et suivants de la présente décision) et celles du Marché d’Intérêt National (ci-après «MIN») de Rungis (voir ci-après, paragraphes 69 et suivants).
c) Le secteur de la charcuterie-salaisonnerie
46. La Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (ci-après «FICT») est l’organisation professionnelle représentative de l’industrie charcutière-traiteur. La FICT fédère plus de 200 entreprises sur un total de 29530.
47. Selon le rapport annuel de la FICT, l’industrie charcutière, traiteur et transformatrice de viandes a employé en 2014 près de 34 000 personnes au sein de 295 établissements pour fabriquer 1,250million de tonnes de produits, pour un chiffre d’affaires de 6,7 milliards d’euros sous la forme de plus de 350 références : préparations traditionnelles à base de viandes crues, cuites, salées, fumées ou confites, dont 21 % au titre des seuls jambons cuits31.
48. L’industrie de la charcuterie-salaison continue de se concentrer. Sur un total de 295 établissements (contre 340 en 2009), 72 (24 % du total) fabriquent chacun plus de 4 000 tonnes de charcuterie-salaisonnerie et réalisent 82 % de la production totale en volume32.
49. Les trois-quarts des viandes non exportées issues des abattoirs et salles de découpe françaises sont transformés, dont 67 % par le secteur de la charcuterie-salaison. Depuis 2007, l’activité a subi la crise économique et stagné jusqu’en 2009. Elle est toutefois repartie à la hausse en 2010. À la différence de l’abattage, les entreprises sont mieux réparties sur le territoire national : si la Bretagne (29 % de l’activité) est toujours en tête, elle n’est plus dominante, et la région Rhône-Alpes (15,5 %) pèse presque autant que les Pays-de-la-Loire (18,4 %)33.
50. Ce secteur, composé en France principalement de PME (pouvant être filiales de grands groupes), de taille plus ou moins importante34, dont le chiffre d’affaires individuel atteint au maximum700millions d’euros, se répartit en :
- deux sociétés filiales de groupes internationaux, commercialisant des produits de marque à grande valeur ajoutée : Herta (appartenant au groupe Nestlé, avec 17 % du jambon cuit sous marque) et Aoste (appartenant au groupe espagnol Campofrio Food, qui propose différentes marques françaises dont «Jean Caby», «Cochonou » ou encore «Justin Bridou » ; Aoste est également un des deux principaux fournisseurs pour les MDD) ;
- quatre groupes français à capitaux privés : Financière Turenne Lafayette35(fournisseur de MDD avec ses filiales Paul Prédault, Germanaud, Les Salaisons de l’Arrée, Montagne Noire, leader français du secteur avec l’acquisition de Madrange, concrétisée en juillet 2011, avant celle des deux usines bretonnes de Jean Caby en 2015), Fleury Michon (leader du jambon cuit sous marque avec 18 % du marché français), Jean Floc’h/Bernard et Soparind-Bongrain /Savencia (avec Alliance Océane et Charcutière, qui commercialise les rillettes Bordeau Chesnel, et Souchon d’Auvergne) ;
- deux filiales de groupes coopératifs producteurs de porcs et abatteurs : Brocéliande - ALH, (repris par Cooperl Arc Atlantique au groupe Unicopa disparu en 2009, devenant ainsi n° 1 ex-æquo avec Aoste sur le marché de la charcuterie cuite sous MDD en libre-service) et Aubret36 (du groupe Cecab Gad-Prestor, leader français dans la production de lardons au moment des faits) ;
- deux grands groupes de distribution présents au niveau de la production : Les Mousquetaires (sous les marques Monique Ranou et Onno) et Leclerc avec Kermené (sous les marques Tradilège et Férial).
51. Du point de vue de la filière, les entreprises de charcuterie et salaisonnerie peuvent également être classées selon leurs relations avec l’amont, c’est-à-dire l’abattage, voire avec la production porcine. Il y a, en effet, d’une part, les entreprises charcutières, qui ne sont pas directement liées à l’abattage, qui achètent leurs viandes, principalement découpées, voire désossées, sur le marché37 et notamment, de plus en plus, auprès des fournisseurs étrangers espagnols, danois ou allemands : FTL, Fleury Michon, Soparind-Bongrain /Savencia, Aoste et Herta. Ces entreprises disposent d’une plus grande liberté s’agissant de leurs approvisionnements et peuvent notamment plus facilement recourir à des importations. Il y a, d’autre part, les sociétés intégrées dans des groupes d’abattage, qui peuvent être eux-mêmes également des OP de porcs : Brocéliande - ALH (groupe Cooperl Arc Atlantique), Jean Floc’h/ Bernard, Aubret (groupe d’Aucy), Kermené (groupe Leclerc) et Gâtines-Viandes (groupe Les Mousquetaires). Ces entreprises, contrairement aux premières, affichent l’objectif de valoriser la production et les viandes françaises38.
3. LES PRODUITS CONCERNES
a) Le jambon sans mouille
52. Les porcs charcutiers sont achetés par les abattoirs pour les transformer en carcasses de porc et en coproduits (gras, abats). La carcasse est découpée en plusieurs pièces, dont le jambon.
53. Le jambon, membre postérieur de l’animal, peut être découpé selon la coupe «Parisienne » dite «sans mouille » «2 D» (soit le JSM, avec os, pied scié, un bout de gras en moins que la coupe «avec mouille ») ou selon des découpes plus élaborées en «1 D» (découenné), «3 D» (découenné, dégraissé et désossé), «4 D» (découenné, dégraissé, désossé et dénervé et «5 D» (découenné, dégraissé, désossé, dénervé et dépiécé).
54. Les pièces de jambon sont vendues par l’abattoir ou le découpeur à un industriel de la salaisonnerie, qui va les transformer en jambons vendus aux consommateurs.
55. Le JSM est utilisé pour la confection du jambon cuit car sa préparation ne nécessite pas de gras. Le salaisonnier produit un jambon cuit sans os qui sera commercialisé, soit entier pour vente à la coupe ou tranchage puis conditionnement, soit tranché et conditionné pour vente en libre-service.
56. Ci-dessous l’image d’un jambon sans mouille39 :
Figure
57. La France connait un manque structurel de jambon, ce qui suscite une forte concurrence de l’offre européenne de pièces élaborées. Les importations de jambons, notamment de jambons «5D», sont, de fait, en augmentation régulière depuis quelques années.
b) Les produits de charcuterie-salaisonnerie secs/crus et cuits
58. Trois grands types de produits de charcuterie peuvent être distingués : les produits secs, les produits crus (saucisses et saucissons secs, salami, jambon cru, chorizo, pavés, rosette, etc.) et les produits cuits (jambons cuits, pâtés, rillettes, boudins, andouilles, saucisses à cuire).
59. Le commerce des produits de charcuterie-salaisonnerie vendus sous marque nationale est généralement régi par des contrats annuels. Certains distributeurs préfèrent toutefois avoir recours à des termes plus courts afin de remettre régulièrement les industriels en compétition.
60. La commercialisation des produits sous MDD est, quant à elle, régie par des contrats de six à douze mois. Les volumes et les prix sont fixés, éventuellement par appels d’offres, avec des clauses de révision trimestrielle. Ces contrats ne sont pas fermes, les deux parties –souvent à l’initiative des distributeurs - pouvant renégocier les différents termes du contrat, notamment le prix, à tout moment.
61. Selon une étude Xerfi de 2012 sur la fabrication de charcuterie40, les MDD (43,2 %) et premiers prix (11,7 %) représentent plus de la moitié des ventes en valeur sur le segment de la charcuterie en libre-service, soit 54,9 %.
Figure
62. Il ressort par ailleurs des éléments du dossier qu’au moment des pratiques, six entreprises (Aoste, France Salaisons, Polette (Bell), Montagne Noire (CCA), Salaisons du Mâconnais et Souchon (Bordeau Chesnel) détenaient78 % des parts de marché de la charcuterie vendue sous MDD.
4. LES COTATIONS DE LA FILIERE PORCINE
a) Le cours du porc charcutier au Marché du Porc Breton de Plérin
63. Les éleveurs ont une référence unique sur l’ensemble du territoire pour la carcasse de porc charcutier : la cotation issue de la rencontre, deux fois par semaine, entre l’offre des éleveurs du Grand-ouest, via leurs groupements, et la demande des abatteurs sur le Marché du Porc Breton (ci-après «MPB»), sis à Plérin dans les Côtes d’Armor. Dans cette région, qui compte près de 60 % du cheptel national, les organisations de producteurs proposent chaque semaine une partie de la production régionale sous forme de lots de porcs charcutiers à des acheteurs qui représentent les grands groupes d’abattage bretons.
64. En 2013, les transactions sur le MPB ont porté sur plus de 3 millions de porcs, représentant 16,3 % de l’abattage sur la zone Uniporc Ouest et 13 % de l’abattage national de porcs.
65. Les acheteurs et les vendeurs concluent le prix de chaque lot mis en vente sur catalogue au terme d’enchères descendantes. Une référence de cours résultant de la moyenne pondérée de ces transactions est publiée de façon bihebdomadaire par le MPB le lundi et le jeudi. Cet indice sert de référence au prix de chaque porc abattu la semaine suivante pour les échanges bilatéraux entre acteurs au niveau national, qui ont lieu en dehors du cadre des échanges directs réalisés sur le MPB, et il est utilisé comme indice de base des formules de prix à tous les niveaux de la chaine de transformation. En fonction de la qualité de la carcasse, une plus-value peut être appliquée à la référence du Cadran par les abattoirs. Le MPB permet aux éleveurs de porcs d’obtenir un prix transparent pour la vente de leurs porcs.
66. De nombreuses composantes interviennent dans la formation du prix : la tendance de production et de consommation (compétitivité de la viande de porc par rapport aux autres viandes, habitudes de consommation, pouvoir d’achat des consommateurs, etc.) ainsi que la dimension saisonnière.
67. Selon le rapport précité de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires : «Début 2013, la hausse du prix du porc à la production ne compense plus l’augmentation des coûts de production de l’élevage (intégrant ici un calcul de rémunération de l’unité de travail familial à hauteur de 1,5 SMIC), due à la forte hausse des prix des matières premières de l’alimentation animale »41.
68. En effet, en raison de la « flambée des matières premières », le cours moyen annuel de la carcasse de porc a crû de 27 % entre 2010 et 2012, passant de 1,145 euro/kg en 2010 à 1,454 euro/kg en 2012. Lors de son audition le 22 décembre 2015, M. PH, cadre de Salaisons du Mâconnais a, à ce sujet, indiqué que «notre matière première à hauteur de 50 % du coût de revient pour la fabrication de nos saucissons, a connu une hausse de l’ordre de 30 % fin 2012 par rapport à fin 2010 »42.
b) La cotation des pièces sur le Marché d’Intérêt National de Rungis par le Réseau des nouvelles des marchés
69. Les transformateurs, charcutiers ou salaisonniers, utilisent la référence de la cotation du MIN de Rungis pour leurs approvisionnements en pièces, alors que la grande distribution se sert du cours du MPB pour ses achats de viande fraîche et de la cotation du MIN de Rungis pour ceux en produits charcutiers, notamment les jambons cuits.
70. Si le marché de Rungis a été dans le passé un centre national important de découpe et de commercialisation de jambons, les porcs sont aujourd’hui essentiellement abattus et découpés en Bretagne et ne subsistent sur le site de Rungis que six découpeurs vendant un très faible volume de jambons.
71. La cotation du MIN de Rungis est issue des enquêtes hebdomadaires réalisées auprès de ces six découpeurs, qui déclarent chacun leurs propres ventes au Réseau des Nouvelles de Marchés (ci-après «RNM»). Il n’y a aucune enquête auprès des industriels de la transformation, et encore moins auprès des GMS, pour déterminer les cotations du MIN de Rungis. Le RNM réalise chaque jour ouvré des consultations auprès des acteurs de la viande présents à Rungis. Chaque semaine, un cours moyen est publié pour plusieurs pièces, dont le JSM. L’indice du Marché de Rungis (ci-après « IMR») est, de même, publié chaque semaine. Avec une base 100 au 1er janvier 2002, il résume le prix moyen des pièces selon les transactions réalisées durant la semaine, pondéré par leur poids moyen dans la carcasse43. Il s’agit d’une mercuriale établie après marché qui fournit des tendances44.
72. Selon une étude réalisée par le cabinet d’études Powernet, «Recherche de nouveaux outils de formation du prix du porc en France », pour le compte de FranceAgriMer et Inaporc, le MPB, régissant le prix de la carcasse, et le MIN de Rungis, référence pour le jambon et dans une moindre mesure pour les autres pièces, ne sont pas directement liés45.
73. La société Fleury Michon a, dans un courrier du 13 juin 2014, décrit en ces termes la «Synthèse » sur le MIN de Rungis, après avoir précisé qu’elle-même n’achetait plus de JSM sur ce marché depuis 2009 : «Le marché de Rungis établit un cours hebdomadaire des pièces de découpe de porc, appelé la Synthèse, parce qu’il synthétise toutes les opérations ayant eu lieu sur Rungis pendant une semaine, à partir des factures qui sont toutes fournies/déclarées au MIN. La synthèse de Rungis des découpes de porc est calculée pour chacune des [8] pièces (…). La cotation [du jambon sans mouille] est peu représentative du marché réel du jambon en France (moins de 3 %) (…). Les volumes échangés à Rungis sont dérisoires. (…) Le site du MIN affirme encore que 20 000 jambons par semaine sont vendus à Rungis. En France, chaque semaine, environ 800 000 jambons sont produits et 200 000 sont importés, soit une consommation intérieure d’1 million de jambons par semaine »46.
74. Dans les faits, c’est principalement la cotation du JSM qui est utilisée par les acteurs de la salaisonnerie, avec des adaptations, dans les négociations avec leurs clients47, notamment entre transformateurs et GMS pour les jambons sous MDD. Ce sont toutefois davantage les fluctuations de prix qui sont prises en considération dans les contrats que les prix eux-mêmes48.
75. La cotation des autres pièces de porc est utilisée principalement par les artisans bouchers ou charcutiers et les restaurateurs, abonnés aux messages de cotations des découpes de porc49.
76. Afin d’assurer une certaine représentativité de la cotation du JSM à Rungis malgré le déclin significatif des quantités achetées sur ce marché chaque année, les acteurs du marché (découpeurs, acheteurs et syndicats) se réunissent une fois par an afin de convenir d’un volume d’achat suffisant sur la place de Rungis pour que la cotation ait valeur de référence et que le MIN de Rungis accepte de poursuivre la publication de sa synthèse. À ce titre, un certain nombre d’industriels acheteurs se seraient « dévoués » pour acheter à Rungis un volume total hebdomadaire relativement conséquent, sous le contrôle de la FICT.
77. La cotation à Rungis reste toutefois critiquée pour sa non-représentativité de la production nationale. Le marché est en effet concentré sur l’Île-de-France et ne compte que trop peu de découpeurs et de salaisonniers impliqués. Les acteurs du marché considèrent ainsi, pour la plupart, que le prix issu des négociations ne représente pas la réalité.
c) La cotation nationale de douze pièces de découpe de porc par FranceAgriMer
78. Par courrier du 7 décembre 2012, le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a donné mission à FranceAgriMer d’établir une cotation nationale officielle des pièces de porc, plus représentative que celle résultant de la synthèse du MIN de Rungis.
79. Lors de la réunion de la FICT du 29 mars 2013, il a été rendu compte en ces termes de l’état d’avancement des « Nouveaux indicateurs de marché (FranceAgriMer) » :«La FICT rappelle la nécessité d’une bonne représentativité et donc de la participation des 50 entreprises. La mise en place des indices n’est qu’une première étape. (…). Il a été créé 12 indices de base correspondants aux 12 pièces de découpe de porc, les plus utilisées dans la fabrication des charcuteries-salaisons : Carré bacon, Poitrine lardon n°1, Poitrine cutter de coche 80/20, Épaule 4D, Gras dur, Gorge découennée, Trimming 80/20 porc, Trimming 80/20 coche, Estomac, Chaudin de porc entier fermé, Chaudin de porc entier retourné, Jambon sans mouille. Ces indices sont calculés tous les mois par FranceAgriMer, sur la base des chiffres d’achat (en valeur et en tonnage) collectés avant le 10 du mois M+1 auprès d’un panel représentatif d’industriels. FranceAgriMer diffuse les indicateurs le 20 de chaque mois, pour le mois précédent »50.
80. La FICT réalise donc avec les services du RNM un indice mensuel reposant sur les achats d’une cinquantaine de charcutiers-traiteurs représentatifs du secteur des 12pièces de découpe de porc précitées, dont le JSM, ayant pour base mensuelle 100 en janvier 2011.Selon FranceAgriMer, « l’observation de cet échantillon a démarré en septembre 2012 (…) et …la référence de 2011 a été établie avec les industriels de la charcuterie »51.
81. À la différence de l’indice du MIN de Rungis, cette cotation nationale officielle ne rend pas compte des valeurs absolues desdites 12 pièces de porc.
82. En tout état de cause, le caractère plutôt tardif de sa publication constitue un obstacle à sa substitution à la cotation de Rungis pour l’indexation des contrats portant sur les produits MDD entre charcutiers et GMS.
C. LES ENTITES CONCERNEES
1. LA SAISISSANTE
83. La société Établissements Guy Harang exerce l’activité d’abattage de porcs à Houdan dans les Yvelines. Elle est l’unique abattoir porcin d’Île-de-France. Selon elle, « [l]es autres abattoirs de la région parisienne ayant subi les ententes et la concurrence déloyale qu’[elle] entend faire cesser (…) par la présente requête, ont tous disparu »52. Sa clientèle se compose de supermarchés, d’hypermarchés et de bouchers-charcutiers détaillants dans un rayon de 150 km autour de Houdan.
2. LES DEMANDEURS DE CLEMENCE
a) Le groupe Campofrio
Organisation et activités
84. Le groupe Campofrio est un groupe agroalimentaire espagnol implanté dans neuf États, dont la France. Depuis le 3 juin 2015, le groupe Campofrio appartient au groupe alimentaire mexicain Sigma53, qui lui-même fait partie du groupe mexicain Alfa54.
85. Durant la période des pratiques, le groupe Campofrio exploitait en France les marques Aoste, Justin Bridou, Cochonou, Cesar Moroni et Jean Caby. Vendues en GMS, en libre-service comme au rayon découpe, les produits de charcuterie d’Aoste font partie des plus vendus (en valeur) sur les segments du saucisson sec et de la charcuterie sèche55.
86. À la tête du groupe Campofrio se trouve la société Campofrio Food Group S.A.U. (Espagne - A09 000 928). Elle détient l’intégralité du capital de la société Campofrio Food Group Holding S.L.U. (Espagne, B84 658 202), qui détient elle-même l’intégralité du capital de la société Campofrio Food Group France Holding (RCS n° 420 001 257).
87. Pendant la durée des pratiques, le groupe Campofrio intervenait en France dans le secteur de la charcuterie salaisonnerie par l’intermédiaire des trois filiales françaises suivantes :
- la société Aoste (RCS n° 388 818726), détenue à 100 %par la société Campofrio Food Group France Holding durant toute la durée des pratiques56, qui fabrique et commercialise des produits de charcuterie crue ;
- la société Salaisons Moroni (RCS n° 395 299 100) dont l’activité était centrée sur les produits de charcuterie crue. À compter du 31 juillet 2010 et jusqu’à la fin des pratiques, elle était détenue indirectement à 99,99 % par Campofrio Food Group France Holding57. Elle a disparu après une opération de fusion-absorption avec la société Aoste finalisée le 30 juillet 201858 ;
- la société Jean Caby (RCS n° 440 372 04), dont l’activité était centrée sur les produits de charcuterie cuite59. Du début des pratiques jusqu’au 12 mars 2012, Jean Caby était détenue à 100 % par Campofrio Food Group France Holding60. Le 13 mars 2012, le groupe Campofrio a annoncé la cession de 51 % du capital de la société Jean Caby à la société FoxLease Food, tout en conservant, avec 49 % du capital de cette société, un contrôle conjoint sur celle-ci au sens du droit de la concurrence61. En juin 2015, le groupe Campofrio s’est désengagé totalement de la société Jean Caby, en cédant le solde de 49 % du capital de cette société à l’actionnaire majoritaire, FoxLease Food. En juin 2018, la société Jean Caby a été placée en liquidation judiciaire.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
88. M. PP était, sur la période 2011-2013, employé de Jean Caby en qualité d’adjoint au directeur des achats de viande. Il conduisait les négociations avec les abatteurs, tant pour la société Aoste que pour la société Jean Caby, en raison de l’appartenance des deux sociétés au même groupe62.
89. Mme SM était, sur la période 2011-2013, employée d’Aoste en qualité d’adjointe au responsable des achats de viande. Elle pouvait se substituer à M. PP en son absence63. M. JC était, sur la période 2011-2013, employé d’Aoste en qualité de directeur des projets achats. De manière très occasionnelle, il pouvait négocier les variations de prix hebdomadaires de JSM pendant les absences de M. PP et de MmeSM64.
90. M. PP et Mme SM étaient fonctionnellement rattachés à M. HG, responsable des achats viande du groupe Aoste jusqu’en avril 2011 ; à M. MJ, de manière transitoire, jusqu’en mai 2012 ; et à M. Ph. D, directeur des achats viande pour l’Europe de l’Ouest à compter de mai 2012, salarié de Campofrio Food Group holding S.L.U.65.
91. M. JLG était, sur la période 2010-2013, employé d’Aoste en qualité de directeur commercial des activités MDD. Il était en charge des ventes de produits MDD pour le compte de trois sociétés du groupe Campofrio : Aoste, Jean Caby jusqu’en mars 2012 et Salaisons du Moroni à compter de juillet 2010, date de son acquisition par le groupe Campofrio. Son supérieur hiérarchique était M. PC, directeur commercial du groupe Aoste à partir de janvier 2010, puis directeur général du groupe Aoste à partir du 1er avril 201366.
b) Le groupe Coop
Organisation et activités
92. Bell Food Group AG, anciennement Bell AG, est une entreprise suisse dont l'activité principale est la production et la distribution de viande, dont des produits de charcuterie. La société Bell Food Group AG (Suisse, CHE – 105 805112) est contrôlée par la société Groupe Coop Société Coopérative (Suisse, CHE - 109 029 938) qui détenait au moment des faits une participation majoritaire dans le capital de la société Bell Food Group AG avec 66,29 % des parts67.
93. Le groupe Bell a acquis le groupe Polette en 2008 auprès de M. Ph. P, qui est resté président de la société. En 2012, le groupe Polette fabriquait environ 230 tonnes de charcuterie par semaine, principalement du saucisson sec et du jambon sec68. Le groupe Polette vend ses produits de charcuterie aux GMS : 95 % de ses ventes en France sont réalisées avec la grande distribution française (environ 40 % en marque de distributeur et 45 % en marque nationale), les 5 % restantes étant réalisées à l’export69.
94. Bell France SAS, devenue Bell France Holding SAS le 1er décembre 2014 (RCS n° 504 981 945), est une société holding détenue à 100 % par la société Bell Food Group AG. Bell France SAS détient l’intégralité du capital des six entités composant le groupe Polette :
- les sociétés Salaison Polette et Cie (RCS n° 396 580 102) et Le Saloir de Mirabel (RCS n° 448 066 811), qui commercialisent de la charcuterie tranchée, du saucisson sec et du jambon sec d’Auvergne ;
- les sociétés Le Saloir de Virieu (RCS n° 499 035 640) et Maison de Savoie (RCS n° 481 205 359) qui commercialisent de la charcuterie tranchée, des saucissons secs, des jambons secs de Savoie et des diots de Savoie ;
- la société Val de Lyon (RCS n° 400799 474) qui commercialise des saucissons secs traditionnels, des jambons cuits et des produits tranchés ;
- la société Salaisons de Saint André, devenue Bell France le 18 novembre 2014 (RCS n° 761 200 013)70.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
95. M. Ph. P était, sur la période 2010-2013, président des sociétés Salaison Polette et Cie, Salaison de Saint André, Val de Lyon, Le Saloir de Virieu, Maison de Savoie, gérant de la société Le Saloir de Mirabel et directeur général de Bell France Holding jusqu’à son départ à la retraite en octobre 201371. M. GP était, pour la même période, employé de Salaison Polette et Cie en tant que directeur commercial pour l’ensemble des produits des sociétés suivantes : Le Saloir de Mirabel, Val de Lyon, Maison de Savoie, Le Saloir de Virieu, Salaison de Saint André72.
3. LES AUTRES ENTITES CONCERNEES
a) Le groupe d’Aucy
Organisation et activités
96. Le groupe d’Aucy, anciennement dénommé CECAB, est un groupe agroalimentaire coopératif, qui développe ses activités notamment dans les secteurs des céréales, des légumes, des œufs et de la viande. Depuis le 24 octobre 2011, le groupe d’Aucy a pris le contrôle exclusif de la société Financière du Forest, holding financière détenant plusieurs sociétés formant le groupe Gad, parmi lesquelles la société Aubret (RCS n° 788 182 954) spécialisée dans la fabrication de produits de salaison73.
97. Jusqu’au 16 octobre 2013, la société Aubret était contrôlée par la société Financière du Forest. À la suite des difficultés financières rencontrées par le groupe Gad, la société Financière du Forest a été liquidée le 16 septembre 201574. Depuis le 16 octobre 2013, Aubret est contrôlée par la Société de gestion industrielle et commerciale (Sogeico), sortant ainsi du groupe Gad, tout en demeurant au sein du groupe d’Aucy75.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
98. M. GG était, du 1er février 2011 au 24 février 2012, employé d’Aubret en qualité de directeur commercial. M. PM était employé d’Aubret, sur la période 2010–30 janvier 2011, en qualité de directeur commercial et marketing et, sur la période du 1er février 2011 au 6 avril 2012, en qualité de responsable compte clé76. Tous deux intervenaient pour la vente de produits MDD et 1er prix de charcuterie uniquement pour le compte d’Aubret77.
b) Le groupe CA Animation
Organisation et activités
99. Le groupe CA Animation est actif dans la production et la distribution de charcuterie fine, de produits traiteurs et d’épicerie, ainsi que dans la production et la distribution de foie gras et de produits à base de viande de canard.
100. La société luxembourgeoise CA Animation (Luxembourg, n° B11 3856), société de tête du groupe CA Animation, contrôle la société CA Traiteur et Salaisons (RCS n° 422 619 023)78.
101. Les sociétés Grand Saloir Saint-Nicolas (RCS n° 709200 133) ci-après («GSSN») et Les Monts de la Roche (RCS n° 390 618 890) sont des filiales de la société CA Traiteur et Salaisons spécialisées dans la fabrication de produits traiteurs et de charcuterie fine haut de gamme79. La société Sapresti Traiteur (RCS n° 316 431691), détenue à 100 % par la société GSNN, est chargée de la commercialisation des produits fabriqués par les sociétés GSNN et Les Monts de la Roche dans le cadre d’un contrat de commission80.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
102. M. LA était, sur la période 2010-2012, employé de GSSN en qualité de directeur d’enseignes secteur GMS. Il intervenait ainsi pour la vente des produits de charcuterie MDD et 1ers prix fabriqués par la société GSSN, à titre principal, et par la société Les Monts de la Roche, à titre occasionnel, par l’intermédiaire de la société Sapresti Traiteur81.
c) Le groupe Cooperl Arc Atlantique
Organisation et activités
103. La société Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383 986 874) est une coopérative agricole à la tête du groupe agroalimentaire éponyme82. Elle est détenue par 2700 éleveurs-adhérents et dispose de quatorze sites industriels, dont six interviennent dans la fabrication de charcuterie. Elle détient 100 % du capital social de la société Brocéliande -ALH (RCS n° 412 082 224) depuis octobre 200983.
104. Depuis 2009, Brocéliande - ALH a conforté sa place d’acteur important de la charcuterie, principalement sur les produits cuits et plus marginalement sur le saucisson : « Premier acteur de la filière porcine française, Cooperl Arc Atlantique est également présent dans le secteur via sa filiale Brocéliande-ALH. Cette dernière commercialise 80 000 tonnes de charcuteries par an, pour le compte de sa marque propre, Brocéliande, mais aussi pour des MDD »84.
105. Dans le cadre du démantèlement du groupe Financière Turenne Lafayette (voir paragraphe 117), l’Autorité a autorisé le 20 octobre 2017 l’acquisition par Cooperl Arc Atlantique : (i) d’un ensemble d’actifs et des stocks propriété des sociétés Paul Prédault, La Lampaulaise des Salaisons, Madrange et Montagne Noire, (ii) de la totalité des marques et autres droits de propriété intellectuelle liés à l’exploitation des activités de charcuterie salaison et (iii) de certains actifs immobiliers se rattachant à l’activité charcuterie salaison.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
106. M. AT était, sur la période 2010-2012, employé de Cooperl Arc Atlantique en qualité de directeur commercial de l’industrie de la salaison de Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande-ALH85.
107. M. GC était, de janvier 2011 à avril 2013, employé de Cooperl Arc Atlantique en qualité de responsable des ventes GMS. Dans le cadre de son contrat de travail, il intervenait dans la vente de charcuterie MDD et 1er prix pour le compte de Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande -ALH.
108. M. JLS était, sur la période 2010-avril 2012, salarié de Brocéliande - ALH et intervenait pour le compte de celle-ci en qualité de responsable commercial. Il avait comme périmètre d’activités, notamment, les clients GMS. M. GC a pris la suite de M. JLS lors du départ en retraite de ce dernier. Leurs fonctions et périmètres d’intervention étaient identiques86.
d) Le groupe La Financière du Haut Pays
Organisation et activités
109. Contrôlée à 100 % par la société La Financière du Haut Pays (RCS n° 487770 125), la société Établissements Rochebillard et Blein (RCS n° 405 880758) est un producteur de saucissons et jambons secs de Savoie avec une activitéMDDimportante87.
110. En juin 2010, le groupe La Financière du Haut Pays a racheté l’intégralité du capital de la société Peguet Savoie Salaisons (RCS n° 342 024 635), spécialisée dans la charcuterie sèche et le jambon de Savoie88. Le 31 décembre 2015, la société Peguet Savoie Salaisons a été fusionnée par transmission universelle de patrimoine avec la société Établissements Rochebillard et Blein89.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
111. M. JC était, sur la période 2010-2013, employé et président directeur général de La Financière du Haut Pays, directeur général des Établissements Rochebillard et Blein (depuis 2006) et gérant de Peguet Savoie Salaisons (depuis juin 2010). Il avait en charge toutes les négociations MDD avec les distributeurs des Établissements Rochebillard et Blein et de Peguet Savoie Salaison90.
e) Le groupe Financière Turenne Lafayette (FTL)
Organisation et activités
112. Le groupe Financière Turenne Lafayette (ci-après « Financière Turenne Lafayette » ou «FTL»), holding de tête du groupe contrôlé par Mme MP, était un acteur important de l’industrie alimentaire française. L’activité du groupe FTL était structurée autour de deux pôles : le pôle conserve et le pôle produits frais comprenant les produits de charcuterie crue et cuite. Jusqu’en 2016, le groupe FTL estimait représenter 30 % des ventes de jambon cuit en France, dont 55 % via des MDD, et 16 % des débouchés des abattoirs français91.
113. La société Agripole (RCS n° 480 091 925) était la structure de tête du groupe FTL. Elle détenait la majorité du capital de la société Financière Turenne Lafayette SA, radiée le25 janvier 2013 et remplacée par Financière Turenne Lafayette SAS (n°RCS765 500 608).
114. La société Agripole contrôlait indirectement sept sociétés dédiées à la fabrication de produits de charcuterie et de salaisonnerie.
115. Les sociétés Paul Prédault (RCS n° 319 754743), Établissements Germanaud et Cie (RCS n° 596 120204), Salaisons de l’Arrée, devenue La Lampaulaise de Salaisons en 2016 (RCS n° 338 547 482) et Madrange (RCS n° 772 500 161) produisaient uniquement des produits cuits de charcuterie MDD et premier prix. La société Géo produisait de la charcuterie cuite et en très petites quantités de la charcuterie crue/sèche92.
116. La société La Maison du Jambon (RCS n° 432 439 008) produisait uniquement des produits crus/secs de charcuterie MDD et premier prix. Elle a fusionné en 2013 avec la société Montagne Noire (RCS n° 491 476 404) qui elle-même ne produisait que des produits crus/secs93.
117. Après le décès de Mme MP et la découverte d’anomalies financières dans la gestion du groupe, le groupe FTL a été séparé en différents pôles d’activité, successivement repris par de nouveaux opérateurs afin d’assurer leur continuité dans le cadre de procédures de redressement judiciaire. Dans ce cadre, le 2 mai 2017, le tribunal de commerce de Paris a autorisé l’offre de reprise de la société Cooperl Arc Atlantique portant sur les actifs des quatre sociétés, Madrange, Paul Prédault, Lampaulaise de Salaisons et Montagne Noire.
118. À la suite de cette offre de reprise, l’ensemble des sociétés du groupe FTL actives dans le secteur de la charcuterie salaisonnerie ont été placées en liquidation judiciaire94.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
119. M. DR était, sur la période septembre 2010-2013, employé de Paul Prédault en tant que directeur commercial des produits MDD et premiers prix de charcuterie crue et cuite. Il exerçait cette fonction pour les sociétés Paul Prédault, Établissements Germanaud et Cie, Montagne Noire, Salaisons de l’Arrée depuis septembre 2010, Madrange et Géo depuis juillet 201195. Pour toutes les sociétés autres que Paul Prédault, M. DR intervenait dans le cadre de prestations de service facturées aux sociétés concernées.
120. M. DM était, sur la période juin 2010-2013, employé de FTL en qualité de directeur général adjoint. Il a ponctuellement participé, avec M. DR, aux négociations pour la commercialisation des produits de charcuterie MDD et 1er prix auprès des enseignes96.
121. M. JC P était, sur la période 2010-2011, employé de Madrange en qualité de directeur commercial pour l’ensemble des clients (GMS, hard discount, RHF, grossistes, exports) et pour les différents types de produits (marques nationales, MDD et premiers prix). Il exerçait également cette fonction pour le compte des sociétés Géo97 et La Maison du Jambon98. À partir de juillet 2011, s’est ouverte une période de transition de six mois, au cours de laquelle M. JC Pa transféré son activité MDD à M. DR (cf. supra). À la fin de l’année 2011, M. JCP est devenu directeur commercial marques nationales pour les sociétés Madrange, Paul Prédault et Montagne Noire, tout en restant salarié de la société Madrange.
122. M. GC a été salarié de Paul Prédault de janvier 2010 jusqu’à la fin de l’année 2011 en qualité de directeur commercial MDD. Lorsque MM. GC et DR étaient simultanément en fonction, c’est M. DR qui exerçait la fonction de directeur commercial99.
123. M. FB était, sur la période 2011-2013, employé de FTL en qualité de directeur des achats du groupe. Il supervisait les achats de JSM des sociétés Paul Prédault, Établissements Germanaud et Cie, Géo et Madrange (depuis juillet 2011).
124. M. LP était, sur la période janvier 2011-juin 2011, employé de Madrange (qui n’appartenait pas au groupe FTL sur cette période) en qualité de directeur industriel et achats pour les sociétés Madrange, Géo, La Maison du Jambon. De juillet à septembre 2011, à l’occasion du rachat du groupe Madrange par le groupe FTL, il a intégré la direction des achats du groupe. Pendant les mois au cours desquels M. LP a exercé au sein de la direction des achats du groupe FTL, M. FB et lui coordonnaient leurs actes d’achat (cote 20564).
f) Le groupe Fleury Michon
Organisation et activités
125. Fleury Michon est un groupe familial, intervenant dans les secteurs de la charcuterie et des plats préparés. L’activité du groupe se décompose en trois pôles : « GMS France », « International » et « Service ». Le groupe Fleury Michon fabrique ainsi de la charcuterie et des produits traiteurs, approvisionne des compagnies aériennes ou des hôpitaux en plateaux-repas et exerce une activité de conseils nutritionnels100.
126. Ses principales filiales dans le secteur de la fabrication de charcuterie sont les sociétés Fleury Michon Charcuterie (RCS n° 439 220 203), Charcuteries Cuisinées du Plélan (RCS n° 444 525 240) et Société d’innovation Culinaire (RCS n° 489 625 111). Pendant la durée des pratiques, ces trois sociétés étaient détenues, directement ou indirectement, à 100 % par la société Fleury Michon SA (RCS n° 572 058 329), elle-même majoritairement détenue par la Société holding de contrôle et de participations (RCS n° 347 638 538)101.
127. Installée en Vendée sur le site historique du groupe, Fleury Michon Charcuterie intervenait principalement dans la fabrication de jambons (de porc et de volailles), de rôtis, de saucisses, de pâtés, ainsi que d’aides culinaires (émincés, dés, allumettes, etc.). Fleury Michon Charcuterie centralisait les achats de pièces de porc des deux autres sociétés du groupe, Charcuteries cuisinées du Plélan et Société d’Innovation Culinaire102. La société Fleury Michon Charcuterie a disparu, après une opération de fusion-absorption par la société Fleury Michon Traiteur, devenue Fleury Michon LS (RCS n° 340545 441), finalisée en février 2018.
128. Implantée à Plélan-le-Grand, Charcuteries Cuisinées du Plélan dispose d’un unique site de production et intervient, notamment, dans la fabrication de charcuteries (mousse de canard, jambonneaux) et la préparation de jambon pour aides culinaires. Elle commercialise la plupart de ses produits dans la grande distribution mais exerce également une activité de préparation avant transformation finale dans d’autres sites du groupe103.
129. La Société d’Innovation Culinaire a été créée en 2010, à la suite de la décision du groupe Fleury Michon d’investir dans la construction d’une unité de production en vue de pénétrer les marchés d’Europe du Nord. Elle intervient principalement dans la transformation de porc en jambon104.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
130. M. MM était, sur la période avril 2011-2013, employé de Fleury Michon Charcuterie en qualité de responsable des achats charcuterie. Jusqu’au mois d’août 2012, le service dont il était responsable réalisait les achats de jambon de porc et passait les commandes au nom et pour le compte de la société Charcuteries Cuisinées du Plélan.
131. M. CD était, sur la période 2011-2013, salarié de Fleury Michon Charcuterie en qualité d’acheteur de matières premières carnées au sein du service achats de charcuterie105.
132. Les sociétés Charcuteries Cuisinées du Plélan et Société d’innovation Culinaire ont donné mandat à la société Fleury Michon Charcuterie pour négocier et passer les commandes de jambons de porc en leur nom et pour leur compte106. En vertu de ce mandat, MM. MM et CD ont été autorisés à agir pour le compte de ces sociétés et donc à négocier les prix en matière d’approvisionnement de JSM.
g) Le groupe Les Mousquetaires
Organisation et activités
133. Le groupe Les Mousquetaires est un groupe de distribution français, également actif dans la fabrication de produits sous ses propres marques. Il regroupe 3100 adhérents indépendants, dont 1350 sont associés au sein de la holding du groupement, la société civile des Mousquetaires (RCS n° 789 169 323)107, qui détenait elle-même 100 % de la société ITM Entreprises (RCS n° 722 064 102) pendant la période 2010-2013108.
134. La société Agromousquetaires (RCS n° 316 742 980), anciennement dénommée Cofipar, est une filiale d’ITM Entreprises qui regroupe les activités industrielles du groupement d’enseigne des Mousquetaires (Intermarché, Netto, Bricomarché). Elle gère 64 sites qui fabriquent les produits de ses principales marques dans plusieurs secteurs : produits laitiers (Paturages), céréales (Chabrior, Filet Bleu), viandes et plats élaborés (Jean Rozé, Monique Ranou)109.
135. Agromousquetaires détient trois filiales dans le secteur de la fabrication de produits de charcuterie cuite :
- S.C.O. (RCS n° 342 048 055), qui dispose d’un site de production de jambons (porc et volaille), d’aides culinaires (dès de jambons) et de saucissons qu’elle vend sous la marque Monique Ranou ;
- Salaisons Celtiques (RCS n° 862500 279, anciennement dénommée «Onno »), qui dispose de deux sites industriels fabricant une large gamme de charcuteries (rillettes, rôtis, terrines, etc.) ;
- Salaisons du Guéméné (RCS n° 388199 143), qui produit des spécialités charcutières (andouilles de Guémené, andouillettes, boudins, etc.) pour sept marques différentes (Monique Ranou, Jean Rozé, Netto, Top Budget, etc.). La société Salaisons du Guéméné a disparu après une opération de dissolution-confusion par la société Salaisons Celtiques en novembre 2018110.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
136. M. JCN était, sur la période 2011-2013, employé de Salaisons Celtiques en qualité de responsable des achats111. En cette qualité, il procédait à l’achat de JSM uniquement pour la société Salaisons Celtiques112.
137. M. EG était, sur la période 2010-2012, employé de Salaisons du Guéméné en qualité de directeur du pôle carné du groupe ITM, chargé de la commercialisation des quatre marques MDD distribuées par ITM : Triskel, Onno, Lignon et Monique Ranou113.
h) Le groupe Nestlé
Organisation et activités
138. Le groupe suisse Nestlé se présente comme le « premier Groupe alimentaire mondial »114. Il est présent dans tous les secteurs de l’alimentation humaine et animale. Avec sa filiale Herta (RCS n° 311043 194), il est l’un des trois principaux groupes de charcutiers, traiteurs et transformateurs de viandes en France, derrière les groupes Campofrio et Fleury Michon115. Herta se présente, par ailleurs, comme la « marque leader de charcuterie en France »116.
139. La société Herta dispose de trois implantations en France : son siège, sis à Noisiel, et deux unités de fabrication de jambons, de saucisses, de bacons, ainsi que de divers produits de grignotage situées à Illkirch- Graffenstaden et à Saint-Pol-sur-Ternoise. La plupart des charcuteries produites par la société Herta sont vendues sous la marque éponyme, qui totalisait 11,6 % des parts de marché en valeur en GMS en2015117.
140. Pendant la durée des pratiques118, Herta était détenue à 100 % par Nestlé France (RCS n° 542 014 428), elle-même détenue à 100 % par Nestlé Entreprises (RCS n° 345 019 863), elle-même détenue indirectement à 100 % par la société Nestlé SA (Suisse, CHE-105 909 036)119.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
141. M. DV était, sur la période 2010-2012, employé d’Herta en qualité de directeur de clientèle en charge des clients Carrefour, Eurauchan, Système U, Lidl et Aldi120.
i) Le groupe Roullier
Organisation et activités
142. La société Charcuteries Gourmandes (RCS n° 318771 177), spécialisée dans la fabrication de jambons et de spécialités charcutières, était jusqu’au 2 septembre 2013, une filiale du groupe Roullier, dont la holding de tête est la société Compagnie Financière et de Participation Roullier (RCS n° 313 642 548) (ci-après «CFPR»).
143. Le 2 septembre 2013, le groupe Cosnelle, qui fabrique des produits de charcuterie et de salaisons pour la grande distribution, a acquis la société Charcuteries Gourmandes. Le 10 janvier 2018, le tribunal de commerce de Vannes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de cette société, convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 25 avril 2018121.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
144. M. FF a exercé la fonction de directeur général de Charcuteries Gourmandes d’avant 2010 à environ avril 2012. C’est à ce titre qu’il est intervenu dans la commercialisation de la charcuterie MDD et 1er prix122.
j) Salaisons du Mâconnais
Organisation et activités
145. Salaisons du Mâconnais (RCS n° 300 747 029) est une société spécialisée dans la fabrication de saucisses sèches, saucissons secs et rosettes, commercialisés sous marque de fournisseur, MDD et premiers prix.
146. Salaisons du Mâconnais, confrontée à de graves difficultés financières, a été mise sous mandat ad hoc en juin 2013 et un protocole de conciliation a été validé avec l’ensemble des partenaires financiers en juillet 2015. Dans le cadre de ce mandat, il a été procédé à la fusion par absorption par Salaisons du Mâconnais des sociétés Fouilloux frères et Pierraclosa123.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
147. M. PH était, sur la période 2010-2013, employé de Salaisons du Mâconnais en qualité de directeur général en charge du commercial et intervenait, pour cette société, pour la vente de charcuterie MDD et 1er prix124.
k) Le groupe Savencia
Organisation et activités
148. Implanté dans 29 pays et commercialisant ses produits dans plus de 120 pays, le groupe Savencia (anciennement groupe Bongrain) dispose d’un large portefeuille de marques :
- dans le secteur fromager et laitier (Caprice des Dieux, Cœur de Lion, Tartare, Chavroux, Elle & Vire, etc.) ;
- dans le secteur de la charcuterie (Bordeau Chesnel, St Agaûne, Albert Lhuissier) ;
- dans le secteur des produits de la mer (Coraya) ;
- dans le secteur du chocolat (Maison du Chocolat, Valrhona, Weiss, De Neuville, Révillon)125.
149. Pendant la durée des pratiques, le groupe Savencia intervenait dans le secteur de la charcuterie par l’intermédiaire des trois sociétés suivantes :
- Souchon d’Auvergne, société spécialisée dans la fabrication de saucisses et saucissons secs (RCS n° 389 758731) ;
- Luissier Bordeau Chesnel, société spécialisée dans la fabrication de rillettes (RCS n° 577 050 073) ;
- Alliance Charcutière, commissionnaire à la vente et mandataire à la facturation (RCS n° 483 403 010). Alliance Charcutière (RCS n° 483 403 010) a été fusionnée par transmission universelle de patrimoine avec Luissier Bordeau Chesnel en novembre 2011.
150. Pendant la période des pratiques, les sociétés Luissier Bordeau Chesnel, Alliance Charcutière et Souchon d’Auvergne étaient détenues indirectement à hauteur respectivement de 99,98 %, 100 % et 100 % par la société Soparind SCA, dénommée Savencia Holding à compter du 30 juin 2017 (RCS n° 679 808 147)126.Cette dernière était détenue indirectement à hauteur de 88,4 % par la société holding intermédiaire Ségur Développement SAS (RCS n° 349 008 813), elle-même détenue à 100 % par la société Eurospecialities Food BV (Pays-Bas, n° 009095615)127.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
151. M. OJ était, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, employé de la société Alliance Charcutière (société radiée le 16 janvier 2012 avec effet au 31 décembre 2011) en qualité de directeur des ventes. À ce titre, il s’occupait de la commercialisation de produits MDD et 1erprix de charcuterie. Il était également détaché par la société Alliance Charcutière auprès de la société Souchon d’Auvergne jusqu’au 31 décembre 2011. Ce détachement a été matérialisé dans un contrat de prestations de services entre Souchon d’Auvergne et Alliance Charcutière. Sur la période 2012-2013, M. OJ était employé de la société Luissier Bordeau Chesnel et y exerçait la fonction de directeur commercial marques enseignes. Il continuait à être partiellement détaché par Luissier Bordeau Chesnel, son nouvel employeur, auprès de Souchon d’Auvergne.
l) Le groupe Sonical
Organisation et activités
152. La société Sonical est une holding ne détenant qu’une seule et unique participation, à hauteur de 100 % du capital social, dans la société France Salaisons128. France Salaisons est une entreprise familiale créée en 1968. Elle est spécialisée dans la fabrication de saucissons et de chorizos.
Personnes physiques en lien avec les pratiques
153. M. CC était, sur la période 2010-2013, président de France Salaisons et gérant associé unique de la SARL Sonical129.
154. M. EB était, sur la période 2010-2013, employé de France Salaisons en qualité de directeur commercial. Sa mission était d’assurer la planification, la conduite et l’évaluation de l’action commerciale au sein de la société France Salaisons pour le secteur GMS, tant en France qu’à l’international130.
155. M. MB était, sur la période, 2010-2013, également employé de France Salaisons en qualité de directeur commercial. Sa mission était d’assurer la planification, la conduite et l’évaluation de l’action commerciale au sein de la société pour les secteurs RHF et grossistes, tant en France qu’à l’international131. Il s’occupait également des ventes chez Carrefour132.
156. En sa qualité de dirigeant, M. CC supervisait MM. EB et MB. La décision finale concernant les ventes de produits charcuterie MDD et 1er prix revenait à EB en qualité de directeur commercial de l’entreprise.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
1. LES PRATIQUES CONSTATEES DANS L’APPROVISIONNEMENT EN JAMBON SANS
MOUILLE DES INDUSTRIELS SALAISONNIERS AUPRES DES ABATTEURS
157. Selon le demandeur de clémence, des salariés133 des groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL, Les Mousquetaires et, dans une moindre mesure, Cooperl Arc Atlantique134, se contactaient, généralement, le jeudi après-midi ou le vendredi matin, avant le début des négociations avec les abatteurs. Ces discussions, qui avaient lieu via des appels téléphoniques bilatéraux, visaient à fixer une position commune à l’égard des abatteurs.
158. Une fois que les concurrents s’étaient mis d’accord sur la variation du prix d’achat du JSM, les négociations bilatérales de gré à gré entre industriels acheteurs de jambons et abatteurs de porcs commençaient dans le courant de la matinée du vendredi. Durant ces négociations, les charcutiers-salaisonniers défendaient la position commune fixée avec leurs concurrents, chacun tentant d’imposer le niveau de variation convenu.
159. Tout au long des négociations, les charcutiers-salaisonniers se tenaient au courant les uns les autres par téléphone de l’avancement des négociations en temps réel et des contrats qu’ils avaient conclus avec les abatteurs.
160. Dès qu’un accord était conclu avec deux grands abatteurs, l’ensemble du marché considérait alors que la variation convenue entre les parties contractantes constituait la variation de référence pour la semaine à venir, qui était dès lors fixée pour l’ensemble du marché pour la semaine suivante. Les acheteurs s’informaient donc en temps réel du fait qu’ils avaient signé un gros contrat d’achat.
161. Une fois le niveau de la variation de la semaine fixé, le MIN de Rungis est informé de cette variation en vue de la publication de sa cotation hebdomadaire du JSM. Non seulement les découpeurs présents à Rungis mais aussi les autres découpeurs appliquent la variation arrêtée de manière générale.
162. Le demandeur de clémence a par ailleurs précisé que si l’objectif du secteur était d’avoir finalisé la négociation hebdomadaire le vendredi après-midi, des situations de blocage des négociations entre abatteurs et charcutiers-salaisonniers pouvaient conduire à une prolongation des négociations la semaine suivante, le lundi, le mardi, voire dans les cas les plus extrêmes, le mercredi ou même le jeudi.
163. Plusieurs documents relatifs à la variation hebdomadaire du prix d’achat du JSM susceptibles de prouver la tenue de ces échanges entre les charcutiers-salaisonniers mis en cause ont été remis par le demandeur de clémence, le groupe Campofrio, ou ont été saisis lors des opérations de visite et saisie.
164. Il s’agit :
- de notes manuscrites de M. CD (Fleury Michon Charcuterie dénommée ci-après «FMC »/ Fleury Michon), consignant les noms de plusieurs concurrents, ainsi que des informations commercialement sensibles sur la variation du prix du JSM ;
- des courriels internes aux groupes Campofrio, Fleury Michon et FTL, le plus souvent envoyés et/ou reçus par M. PP (Campofrio), M. CD (Fleury Michon) ou M. FB (Madrange puis FTL), relatifs aux négociations sur la variation du prix d’achat du JSM ;
- des relevés téléphoniques de M. PP (Campofrio) sur les périodes octobre 2011-octobre 2012 (ligne mobile) et août 2010-octobre 2012 (ligne fixe) mentionnant des appels avec, notamment MM. FB (Madrange puis FTL), CD (Fleury Michon) et JCN (Les Mousquetaires) ; et
- des tableaux de synthèse de l’évolution du prix d’achat des jambons à Rungis établis par M. JCN (Les Mousquetaires).
165. Les services d’instruction ont, en parallèle, procédé à l’analyse des synthèses hebdomadaires par le RNM des pièces de porc vendues sur le MIN de Rungis pour la période considérée afin de confirmer ou non la réalité des échanges.
166. Ces différents documents sont présentés ci-après (a), de même que les éléments disponibles relatifs à la périodicité des échanges (b).
a) Les différents documents relatifs aux échanges entre concurrents
Les notes de M. CD
167. Le carnet de notes de M. CD (Fleury Michon), saisi lors des opérations de visite et saisie au sein de la société Fleury Michon Charcuterie (FMC), filiale du groupe Fleury Michon, retrace notamment des échanges de son auteur avec ses concurrents charcutiers-salaisonniers sur la période janvier 2011-avril 2013.
168. L’Annexe n° 1 au Rapport recense 58 extraits des notes de M. CD faisant état, selon les services d’instruction, de discussions et échanges d’informations avec ses concurrents.
169. Plusieurs exemples de ces notes, prises à différentes dates, sont reproduits ci-dessous :
Tableau
Les courriels internes communiqués ou saisis
170. Des courriels internes fournis par le demandeur de clémence Campofrio ou saisis lors des opérations de visite et de saisie font également état d’échanges ayant eu lieu entre concurrents sur la variation du prix d’achat du JSM auprès des abatteurs.
171. L’ensemble des 76 courriels faisant état, selon les services d’instruction, de discussions et échanges d’informations avec ses concurrents, sont recensés dans l’Annexe n° 1 au Rapport.
Plusieurs exemples sont reproduits ci-après :
Tableau
Les relevés téléphoniques
172. À l’appui de sa demande de clémence, le groupe Campofrio a communiqué une analyse détaillée des relevés téléphoniques correspondant aux lignes professionnelles fixe (sur la période août 2010-octobre 2012) et portable (sur la période octobre 2011-octobre 2012) de M. PP (Campofrio), en isolant les appels passés aux concurrents, à savoir Fleury Michon, FTL (dont Madrange) et Les Mousquetaires147.
173. Ces relevés, complétés et consolidés le20 février 2019148, ne comportent que les appels émis par M. PP (Campofrio)149.
174. Le tableau ci-après liste les 142appels émis par M. PP (Campofrio) à ses concurrents depuis ses lignes professionnelles fixe150 (en blanc) et mobile151 (grisé) sur la période 2011-2012 :
Tableau
175. Ce tableau confirme l’existence d’échanges bilatéraux fréquents entre les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires. Il montre également que des échanges avaient régulièrement lieu de manière consécutive entre les quatre entreprises mises en cause. Par exemple, le vendredi 14 octobre 2011, M. PP a, dans l’après-midi, appelé sucessivement Onno (Les Mousquetaires) à 16h47, MM. CD (Fleury Michon) à 16h52, JCN (Les Mousquetaires) à 16h58 et, enfin, FB(FTL) à 17h07152.
176. Le groupe Campofrio a également fourni les relevés téléphoniques correspondant aux lignes fixe et portable professionnelles de deux autres salariés travaillant avec M. PP (Campofrio) : Mme SM (adjointe au responsable des achats viande chez Aoste/Campofrio) et M. JC (directeur des projets achats chez Aoste/Campofrio). Ces deux salariés pouvaient se substituer, de manière occasionnelle à M. PP pour négocier les variations de prix hebdomadaires du JSM pendant les absences de ce dernier.
177. Il a toutefois signalé que certains de ces appels pouvaient avoir un objet licite, Mme SM ayant parfois des échanges avec le groupe Cooperl, eu égard à la qualité de fournisseur de celui-ci, et M. JC ayant un mandat à la FICT et pouvant être, de ce fait, en contact avec certains de ses concurrents.
Les synthèses hebdomadaires établies par M. JCN (Les Mousquetaires)
178. Des documents internes établis par M. JCN (Les Mousquetaires), saisis lors des opérations de visite et saisie, synthétisaient l’évolution du prix d’achat des jambons à Rungis.
179. L’Annexe n° 1 au Rapport recense les 58 tableaux de M. JCN (Les Mousquetaires) confirmant, selon les services d’instruction, la tenue de discussions et échanges d’informations entre cette entreprise et les groupes Campofrio, Fleury Michon et FTL.
180. L’un153 de ces tableaux est reproduit, à titre d’exemple, ci-dessous :
Tableau
Évolution du prix d’achat des jambons extra-maigres –pondération (semaine n° 7/2011)
Les synthèses hebdomadaires du RNM portant sur les pièces de porc vendues sur le MIN de Rungis
181. Le dossier comporte 57 synthèses hebdomadaires du JSM à Rungis par le RNM, dont l’une154 est reproduite ci-après à titre d’exemple :
Figure
b) Périodicité des échanges
182. Les différentes pièces décrites ci-avant et listées de manière exhaustive dans l’Annexe n° 1au Rapport révèlent l’existence d’un grand nombre d’échanges entre les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires : il y a eu, ainsi, au moins un échange entre les concurrents sur 37 semaines en 2011, 32 semaines en 2012 et 6 semaines (sur 17) en 2013.
183. Les échanges avaient lieu selon les modalités décrites par le demandeur de clémence, à savoir avant le début des négociations avec les abatteurs, le plus souvent le jeudi ou le vendredi matin.
184. Certains éléments au dossier montrent par ailleurs qu’il arrivait, plusieurs fois par an, que les négociations soient bloquées le vendredi matin et se prolongent le vendredi après-midi, voire les jours suivants, le lundi et/ou le mardi, voire le mercredi et le jeudi.
185. C’est notamment le cas du vendredi 8 avril au lundi 11 avril 2011, comme en atteste le courriel interne au service Achats viandes du groupe Campofrio du samedi 9 avril 2011 à 9h47 :
« le blocage des négociations est généralisé par les salaisonniers (Prédault, Madrange, Onno,…) Reprise des discussions lundis sauf Cooperl »155.
186. C’est également le cas du vendredi 9 mars au mardi 13 mars 2012, comme en atteste un courriel de M. CD au service Achats Fleury Michon à 17h33 le vendredi 9 mars 2012 :
« Pièces : négociations rompues. Les abatteurs proposent – 5 centimes sur l’ensemble des pièces. Ces propositions sont pour nous et les salaisonniers insuffisants : la baisse doit être plus importante pour que les prix de la viande française se rapprochent des prix européens ! »156.
187. Les négociations ont, de fait, abouti le mardi, comme en attestent deux courriels internes :
- le premier de M. JC (Campofrio) au service Achats viandes du groupe Campofrio le mardi 13 mars à 18h10 :
« Pour info la nego s’est terminée ce jour à midi (…) »157
- le second de MM. CD (Fleury Michon) à MM (Fleury Michon) du jeudi 15 mars 2012 à 13h49 :
« on a fait - 7 à l’arrache mardi midi (…) »158.
188. Il ressort des éléments du dossier que ces situations de blocage ayant pour conséquence un prolongement des négociations au-delà du vendredi ont eu lieu à au moins quatre reprises en 2011, cinq reprises en 2012 et une fois en 2013 :
- du vendredi 18 février au lundi 21 février 2011159 ;
- du vendredi 8 avril au lundi 11 avril 2011160 ;
- du vendredi 14 octobre au mardi 18 octobre 2011161 ;
- du vendredi 16 décembre au lundi 19 décembre 2011162 ;
- du vendredi 24 février au lundi 27 février 2012163 ;
- du vendredi 9 mars au mardi 13 mars 2012164 ;
- du vendredi 23 mars au lundi 26 mars 2012165 ;
- du vendredi 27 avril au lundi 30 avril 2012166 ;
- du vendredi 5 octobre au jeudi 11 octobre 2012167 ;
- du vendredi 15 février au lundi 18 février 2013168.
189. Dans ces situations, les échanges entre charcutiers salaisonniers se prolongeaient également tout au long des négociations, jusqu’à leur clôture. Par exemple, lors du blocage des négociations du vendredi 9 au mardi 13 mars 2012 cité ci-avant, les relevés téléphoniques de M. PP (Aoste/Campofrio) montrent des appels à ses concurrents, Les Mousquetaires (8h40), FTL (8h44) et Fleury Michon (14h54) le vendredi 9 mars169, à ces mêmes concurrents le lundi 12 mars (Les Mousquetaires à 10h35, FTL à 14h14 et 15h26 et à Fleury Michon à 14h32)170, ainsi qu’à FTL (8h55) et Les Mousquetaires (7h43 et 8h54) le mardi 13 mars 2012171.
2. LES PRATIQUES CONSTATEES DANS LA VENTE DEPRODUITS DE CHARCUTERIE ET DE SALAISONNERIE CRUS COMMERCIALISES SOUS MDD OU SOUS PREMIER PRIX
190. Le groupe Campofrio, premier demandeur de clémence, a révélé l’existence de contacts fréquents avec ses concurrents dans le secteur de la vente de produits de charcuterie crue, dans le cadre soit de réunions physiques multilatérales, soit d’appels téléphoniques bilatéraux. Le groupe Campofrio a précisé, par ailleurs, avoir connaissance de contacts bilatéraux entre les autres concurrents.
191. À l’appui de sa demande de clémence, le groupe Campofrio a produit une copie certifiée conforme du Carnet dans lequel M. JLG , directeur commercial MDD d’Aoste a consigné la date et la nature de ses échanges avec ses concurrents (le « Carnet »). S’agissant des produits de charcuterie crue, le Carnet mentionne 282 échanges bilatéraux entre M. JLG (Campofrio) et les représentants de sept charcutiers salaisonniers concurrents, auxquels s’ajoutent les notes manuscrites se rapportant aux 5 réunions multilatérales auxquelles M. JLG (Campofrio) a participé.
192. Le groupe Campofrio a également produit les relevés téléphoniques recensant tous les appels sortants émis à partir des lignes fixe et portable de M. JLG (Campofrio), obtenus auprès de son opérateur téléphonique. Ces relevés, qui établissent l’existence de contacts téléphoniques entre M. JLG (Campofrio) et ses concurrents, couvrent, s’agissant de sa ligne fixe, la période d’août 2010 à septembre 2012et, s’agissant de sa ligne mobile, celle couvrant de novembre 2011 à octobre 2012. Il est rappelé, comme indiqué ci-avant, que le groupe Campofrio a complété, le 20 février 2019172, l’extraction initiale des appels aux concurrents depuis la ligne fixe de M. JLG (Campofrio)173.
193. Le groupe Coop, second demandeur de clémence, a, quant à lui, confirmé l’existence d’échanges bilatéraux et multilatéraux entre les charcutiers salaisonniers, en révélant notamment l’existence d’une réunion multilatérale survenue en avril 2013, non mentionnée par le premier demandeur de clémence.
194. À l’appui de sa demande de clémence, le groupe Coop a produit des documents supplémentaires par rapport à ceux qui avaient été saisis dans ses locaux lors des opérations de visite et saisie, en particulier le carnet manuscrit et les relevés téléphoniques de M. GP, directeur commercial de la société Salaison Polette, recensant tous les appels sortants depuis son téléphone portable entre octobre 2012 et avril 2013.
195. Sont présentés ci-après successivement les échanges relevés lors des réunions multilatérales (a) et les échanges bilatéraux entre concurrents (b).
a) Les réunions multilatérales
196. Le tableau ci-dessous recense les participants aux différentes réunions multilatérales174, tels qu’ils ont été retenus par la notification des griefs.
Tableau
197. Les mises en cause n’ont pas contesté leur participation aux réunions multilatérales, à l’exception des groupes La Financière du Haut Pays et Savencia pour les deux dernières d’entre elles (voir paragraphe 525 ci-après).
198. Les témoignages de MM. JLG (Campofrio) et de GP (Coop), assortis entre autres de leurs notes manuscrites, recoupés par les pièces saisies et les auditions de MM. DR (FTL), CC (France Salaisons), JC (La Financière du Haut Pays), PH (Salaisons du Mâconnais) et OJ (Savencia), permettent d’établir que six réunions ont eu lieu entre ces sociétés concurrentes entre le 26 avril 2011 et le 30 avril 2013.
La réunion du mardi 26 avril 2011 à l’hôtel Ibis Paris Gare de Lyon Ledru-Rollin177
199. De nombreux éléments concordants permettent d’établir qu’une réunion a eu lieu entre plusieurs charcutiers-salaisonniers le mardi 26 avril 2011, à l’hôtel Ibis Gare de Lyon à Paris.
200. Les éléments versés aux débats afin d’identifier les différents participants à la réunion sont les suivants :
- les déclarations de M. JLG , directeur commercial MDD d’Aoste, selon lesquelles des représentants des sociétés Salaison Polette, Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Souchon d’Auvergne, du groupe FTL et lui-même se sont réunis pour la première fois le mardi 26 avril 2011, à l’hôtel Ibis Paris Gare de Lyon178. À l’appui de cette déclaration, le groupe Campofrio a fourni des notes manuscrites prises par M. JLG (Campofrio) au cours de cette réunion (transcrites ci-dessous) qui permettent de recenser certains participants à cette réunion179 et des notes de frais indiquant un déplacement de M. JLG (Campofrio) en région parisienne le jour de cette réunion180 ;
- les déclarations de MM. Ph. P, président de la société Salaison Polette et GP, directeur commercial de cette société, qui ont confirmé avoir participé à cette réunion, en précisant y avoir été invités par M. PH (Salaisons du Mâconnais). Au soutien de ces déclarations, le groupe Coop a fourni des notes de frais et un extrait d’agenda qui attestent l’existence d’un déplacement en région parisienne de MM. Ph. P et GP le jour de la réunion181. Le groupe Coop a également produit des notes manuscrites prises par M. GP lors de cette réunion (transcrites ci-dessous) qui mentionnent la présence de certains des participants à cette réunion182 ;
- les auditions de MM. CC (Sonical)183, PH (Salaisons du Mâconnais)184, et OJ (Savencia)185, qui ont confirmé la tenue d’une réunion le 26 avril 2011 à l’hôtel Ibis Paris Gare de Lyon ainsi que leur présence et celle d’autres participants.
201. L’objet des discussions lors de cette réunion se déduit quant à lui :
- des déclarations des deux demandeurs de clémence, selon lesquelles cette réunion a été organisée dans un contexte de forte pression sur le prix des matières premières et l’objet des discussions portait sur des projets de hausse de prix des produits de charcuterie vendus sous MDD à faire passer à la grande distribution186.
- des notes manuscrites du Carnet, dont le contenu est reproduit dans l’encadré ci-dessous, qui mentionnent :
- des informations sur les tarifs des concurrents, en particulier sur des hausses de prix (ex. « Tarifs Envoyés FS [France Salaisons/Sonical] 5 % MDD 6 % PPX hausses en 5 et 7 » ;
- la fixation de contacts avec certains concurrents sur des sujets précis (ex. « Tel. DR (CCA) demain matin » ou « Tel GP [Coop] jeudi ou vendredi ») ;
- le principe d’une prochaine réunion de suivi, dont la date a été fixée au 17 mai 2011 (ex. «17 mai AM 14h00 - Campanile187 Lyon – JLG ») ;
Tableau
- des notes manuscrites prises par M. GP, directeur commercial de la société Salaison Polette, dont le contenu est reproduit dans l’encadré ci-dessous, qui indiquent expressément que l’objet de cette réunion est d’adopter une position commune en matière de hausse de prix : « Ordre du jour, hausse de tarif. Il faut essayer d’avoir une position commune ».
Tableau
La réunion du mardi 17 mai 2011 à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron188
202. Les éléments du dossier permettent d’établir qu’une réunion a eu lieu entre plusieurs charcutiers-salaisonniers le mardi 17 mai 2011, cette fois-ci à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron.
203. Les éléments versés aux débats afin d’identifier les différents participants à la réunion sont les suivants :
- les déclarations de M. JLG (Campofrio) selon lesquelles une réunion, qu’il avait lui-même organisée et à laquelle il a participé, a rassemblé les représentants des sociétés Salaison Polette, Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Souchon d’Auvergne, du groupe FTL à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron le 17 mai 2011189. Le groupe Campofrio a fourni une facture de cet hôtel190 et les notes manuscrites de M. JLG (Campofrio)mentionnant les participants191 ;
- les déclarations du groupe Coop, qui a confirmé la tenue d’une réunion à l’hôtel Ibis de Bron192 et fourni des notes de frais indiquant un déplacement de M. GP (Coop), à Lyon le 17 mai 2011193. Le groupe Coop a indiqué que les participants à cette réunion étaient les mêmes que lors de la réunion du 26 avril 2011, à l’exception de MM. Ph. P (Salaison Polette) et DR (groupe FTL) ;
- les éléments saisis par les services d’instruction, à savoir : (i) des notes manuscrites d’EB (Sonical), prises sur papier à en-tête « Hôtel Ibis » se rapportant à la réunion du 17 mai 2011194, (ii) une note de frais relative à un déjeuner entre MM. PH(Salaisons du Mâconnais) et DR (groupe FTL)195, et (iii) l’agenda électronique de M. CC (Sonical)mentionnant une réunion à Lyon ce jour-là196 ;
- les déclarations de MM. CC (Sonical)197, PH (Salaisons du Mâconnais)198, OJ(Savencia)199 et DR (FTL)200 qui ont confirmé la tenue de cette réunion, ainsi que leur présence et celle d’autres participants.
204. L’objet des discussions résulte des éléments suivants :
- les déclarations du groupe Campofrio, selon lesquelles la deuxième réunion du 17 mai 2011 avait vocation à être plus approfondie que la première et avait donné lieu à des discussions plus détaillées. Lors de cette réunion, la situation des hausses de tarifs en cours ou souhaitées a été abordée client par client, les participants fournissant des éléments d’informations utiles sur l’état de leur réflexion et/ou négociation avec les clients201 ;
- les notes manuscrites prises par M. JLG (Campofrio) dans le Carnet se rapportant à cette réunion, qui comprennent un nombre important d’informations sur l’état des négociations et des relations commerciales de ses concurrents avec différentes enseignes ;
Tableau
- les notes manuscrites sur papier à en-tête « Ibis Hôtel » de M. EB (Sonical), saisiesle15 mai 2013, qui recoupent les notes deM. JLG (Campofrio). Dans ces deux notes, en effet, les enseignes sur lesquelles les discussions ont porté sont mentionnées dans le même ordre (Système U, Carrefour, Auchan, Scarmark, Casino et ITM) et des informations (surlignées en gras dans les deux encadrés) se recoupent (ex : hausse de 1,8 % sur l’enseigne Système U).
Tableau
205. En outre, comme cela ressort du tableau ci-dessous, il existe une concordance entre les informations échangées lors de la réunion physique du mardi 17 mai 2011 et les échanges téléphoniques bilatéraux entre concurrents consignés dans le Carnet.
Tableau
La réunion du mercredi 22 juin 2011 à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron202
206. Les éléments du dossier permettent d’établir qu’une réunion a eu lieu entre plusieurs charcutiers-salaisonniers le mercredi 22 juin 2011, à Lyon, afin d’échanger des informations commercialement sensibles.
207. Les éléments versés aux débats afin d’identifier les différents participants à la réunion sont les suivants :
- le groupe Campofrio a indiqué qu’une réunion avait rassemblé les représentants des sociétés Aoste/Jean Caby, Salaison Polette, Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Souchon d’Auvergne et Établissements Rochebillard et Blein à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron le 22 juin 2011. Au soutien de cette déclaration, il a fourni les notes manuscrites prises par M. JLG (Campofrio) lors de cette réunion qui mentionnent la présence des personnes concernées ;
- le groupe Coop a confirmé sa participation à cette réunion en fournissant, à l’appui de sa déclaration, des notes de frais indiquant un déplacement de M. GP, (Salaison Polette) à Lyon le 22 juin 2011203 ainsi que les notes manuscrites prises par celui-ci au cours de cette réunion, qui mentionnent certains participants204 ;
- l’agenda électronique de JC (La Financière du Haut Pays) mentionne également l’existence d’une réunion «JL G» le 22 juin 2011 ;
- enfin, en audition, MM. Ph. H (Salaisons du Mâconnais)205 et OJ (Savencia)206 ont confirmé la tenue de cette réunion ainsi que leur présence et celle d’autres participants.
208. L’objet de la réunion se déduit des éléments suivants :
- les déclarations du groupe Campofrio, selon lesquelles les objectifs, le contenu et le format des discussions étaient sensiblement les mêmes que pour la réunion précédente, avec toutefois une intensification des échanges, plus détaillés et chiffrés que lors des précédentes réunions. Les notes prises par M. JLG (Campofrio) dans le Carnet se rapportant à cette réunion comprennent, de fait, un nombre important d’informations sur l’état des négociations et des relations commerciales de ses concurrents avec certaines enseignes de la grande distribution.
Tableau
- les notes de M. GP (Coop) du mercredi 22 juin 2011 recoupent les informations recueillies par M. JLG (Campofrio), les deux notes comportant les informations identiques suivantes (surlignées en gras dans les deux encadrés) : (i) le fait qu’Aldi a enregistré une hausse de 3,5 % sur les opérations promotionnelles ; (ii) le fait qu’à la suite de la menace d’arrêt de livrer chez ITM Salaisons du Mâconnais envisage de faire passer une hausse début juillet 2011 de 3,9 % sur la saucisse sèche droite et de 1,95 % sur la saucisse sèche courbe ainsi qu’une hausse générale de 3,5 % début septembre 2011.
Tableau
209. Par ailleurs, comme cela ressort du tableau ci-dessous, il existe une concordance entre les informations échangées lors de la réunion physique du mercredi 22 juin 2011, telles qu’exposées ci-avant, et celles issues d’autres éléments probants, tels que les échanges téléphoniques entre concurrents consignés dans le Carnet ou des courriels internes.
Tableau
La réunion du mardi 30 août 2011 à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron 207
210. Les éléments du dossier permettent d’établir qu’une réunion a eu lieu entre plusieurs charcutiers-salaisonniers le mardi 30 août 2011 à Lyon, afin d’échanger des informations commercialement sensibles.
211. Les éléments versés aux débats afin d’identifier les différents participants à la réunion sont les suivants :
- M. JLG (Campofrio) a fait état d’une nouvelle réunion à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron à laquelle les représentants des sociétés Salaison Polette, Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Souchon d’Auvergne et Établissements Rochebillard et Blein et lui-même avaient participé. Il situe toutefois cette réunion au mois de juillet 2011 ;
- le groupe Coop a confirmé sa participation à cette réunion, qu’il avait lui-même organisée, et fourni une facture de l’hôtel Ibis Lyon Est Bron datée du 30 août 2011 pour la prestation « Location de salle » ainsi que des notes de M. GP (Coop), prises au cours de cette réunion208 ;
- en audition, M. OJ (Savencia) a confirmé la tenue de cette réunion, sa présence ainsi que celle de l’ensemble des participants à l’exception de M. DR de Montagne Noire (FTL)209.
212. L’objet de la réunion se déduit des éléments suivants :
- le groupe Coop, second demandeur de clémence, a produit les notes de M. P (Salaison Polette) prises lors de cette réunion. Ces notes permettent d’établir qu’un « tour de table » a été réalisé, enseigne par enseigne, sur le positionnement de chaque concurrent et les résultats obtenus à la suite des échanges intervenus avec les distributeurs210.
Tableau
- une note manuscrite du 30 août 2011 de M. Ph. H (Salaisons du Mâconnais), saisie le 15 mai 2013, qui recoupe les informations consignées dans la note de M. GP(Coop).
Tableau
- M. JLG (Campofrio) a indiqué que les objectifs, le contenu et le format des discussions étaient sensiblement les mêmes que pour les réunions précédentes211. Dans le Carnet, il a dressé le tableau reproduit ci-après, daté de juillet 2011, dont certaines informations (surlignées en gras) recoupent les notes prises par M. GP (Coop) lors de la réunion du mardi 30 août 2011 :
Tableau
213. En outre, comme cela ressort du tableau ci-dessous, il existe une concordance entre les informations échangées lors de la réunion physique du 30 août 2011, telles que résultant des éléments mentionnés ci-avant, et celles découlant d’autres éléments probants, comme les échanges téléphoniques bilatéraux entre concurrents consignés dans le Carnet ou les échanges entre charcutiers-salaisonniers et GMS :
Tableau
La réunion du mardi 25 octobre 2011 à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron212
214. Les éléments du dossier permettent d’établir qu’une réunion s’est tenue entre plusieurs charcutiers salaisonniers le mardi 25 octobre 2011, à Lyon, afin d’échanger des informations commercialement sensibles.
215. Les éléments versés aux débats afin d’identifier les différents participants à la réunion sont les suivants :
- M. JLG (Campofrio) a déclaré que les représentants des sociétés Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Souchon d’Auvergne et Établissements Rochebillard et Blein se sont réunis le 25 octobre 2011 à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron. Il a précisé que les sociétés Polette et CCA(FTL) n’étaient pas représentées à cette réunion, mais que le représentant de CCA pourrait être appelé postérieurement à cette réunion par le représentant de Salaisons du Mâconnais pour évoquer le sujet des hausses de prix213. Pour étayer cette déclaration, le groupe Campofrio a produit les notes manuscrites de M. JLG (Campofrio) se rapportant à cette réunion ;
- en audition, M. Ph. H (Salaisons du Mâconnais) a confirmé avoir participé à cette réunion.
216. Les éléments ci-après permettent d’établir l’objet de la réunion :
- M. JLG (Campofrio) a déclaré que les objectifs, le contenu et le format des discussions lors de cette réunion étaient sensiblement les mêmes que pour les réunions précédentes et que les besoins de hausse exprimés par les participants étaient de 5 à 7 %. Le groupe Campofrio a produit les notes manuscrites du Carnet se rapportant à cette réunion, qui comportent un tableau retranscrivant des informations sur des hausses de prix envisagées ou appliquées par ses concurrents en fonction des enseignes.
Tableau
- les notes de M. EB (Sonical) se rapportant à cette réunion, saisies le 15 mai 2013, qui recoupent en partie les informations contenues dans les notes du Carnet (surlignées en gras).
Tableau
217. En outre, il existe une concordance entre les informations échangées lors de la réunion du mardi 25 octobre 2011, telles que résultant des éléments mentionnés ci-dessus, et celles découlant d’autres éléments, tels que les notes du Carnet relatives à des échanges bilatéraux avec ses concurrents.
Tableau
La réunion du mardi 30 avril 2013 à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron
218. Les éléments du dossier permettent d’établir qu’une réunion s’est tenue entre plusieurs charcutiers salaisonniers le 30 avril 2013, à Lyon, afin d’échanger des informations commercialement sensibles.
219. Les éléments versés aux débats afin d’identifier les différents participants à la réunion sont les suivants :
- M. JLG (Campofrio) a déclaré que les représentants des sociétés Salaisons Polette, Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Souchon d’Auvergne, Établissements Rochebillard et Blein et lui-même se sont réunis le 30 avril 2013 à l’hôtel Ibis Lyon Est Bron215. Le groupe Campofrio a produit une facture de l’hôtel Ibis Lyon Est Bron du 30 avril 2013 pour une « location de salle »216. En outre, les notes de M. JLG (Campofrio) se rapportant à cette réunion, saisies le 15 mai 2013, consignent les noms de plusieurs charcutiers salaisonniers concurrents217 ;
- le groupe Coop, second demandeur de clémence, a révélé l’existence de cette réunion et confirmé y avoir participé218. Il a fourni un extrait de l’agenda électronique de M. GP (Coop), qui mentionne une réunion ce jour dans un hôtel Ibis de Lyon entre 16h et 18h30 (« Réunion Ibis Lyon », «Début : mar. 30/04/2013 16 :00 –Fin : mar. 30/04/2013 18 :30 »)219 ;
- en audition, M. Ph. H (Salaisons du Mâconnais) a confirmé avoir participé à cette réunion220.
220. Les éléments ci-après permettent d’établir l’objet de la réunion :
- les déclarations de M. JLG (Campofrio), ainsi que ses notes manuscrites saisies le 15 mai 2013, qui retranscrivent les hausses de prix demandées ou appliquées par plusieurs charcutiers salaisonniers concurrents auprès de différentes enseignes ;
Tableau
- les notes manuscrites de M. EB (Sonical) se rapportant à cette réunion, saisies le 15 mai 2013, qui recoupent certaines des informations consignées dans les notes de M. JLG (Campofrio) (ex : la hausse de 8,5 % demandée par Souchon d’Auvergne pour l’enseigne Dia).
Tableau
b) Les échanges bilatéraux entre les concurrents
221. L’analyse du Carnet ainsi que des notes manuscrites de M. GP(Coop), et de plusieurs pièces saisies ou communiquées par les parties, révèle l’existence de 322 échanges bilatéraux entre les directions commerciales de huit charcutiers-salaisonniers221 : Aoste, Salaison Polette et Cie, FTL (ex-CCA) pour Montagne Noire, France Salaisons, Établissements Rochebillard et Blein, Salaison du Mâconnais, Souchon d’Auvergne, Sapresti Traiteur (Loste). Ces échanges sont intégralement reproduits aux paragraphes 474 à 1218 de la notification de griefs ainsi qu’aux Annexes n° 2 et 3 au Rapport, qui présentent, pour chacun d’entre eux, son contenu, les observations des services d’instruction et les éléments de nature, selon ceux-ci, à corroborer leur existence et leur caractère anticoncurrentiel.
222. La présente partie, qui examine successivement les échanges entre M. JLG (Campofrio), d’une part, M. GP (Coop), d’autre part, avec leurs concurrents, ne reprend pas, par souci de lisibilité, l’intégralité des échanges relevés par les services d’instruction dans le Carnet. Elle comporte, toutefois, un schéma illustrant, de manière synthétique, le nombre d’échanges de MM. JLG (Campofrio) et GP (Coop) avec chacun des représentants des entreprises concurrentes concernées (voir ci-après, paragraphes 224 et 251).
223. S’agissant des échanges entre M. JLG (Campofrio) et ses concurrents, elle retranscrit, à titre d’information, pour chacune des entreprises concernées, le contenu du ou des premiers et derniers échanges. S’agissant des échanges entre M. GP (Coop) et ses concurrents, elle expose, tout d’abord, les éléments de nature à démontrer l’existence d’échanges portant sur un appel d’offres saucissons Carrefour/Ed/Dia, qui présentent la particularité d’avoir concerné l’ensemble des protagonistes. Elle détaille ensuite, pour chaque entreprise concernée, tous les échanges d’informations notés par M. GP (Coop) ou révélés par d’autres éléments et donne, enfin, des précisions sur les informations découlant de l’exploitation des relevés téléphoniques de M. GP (Coop) fournis par le groupe Coop.
Les échanges bilatéraux entre Aoste et les charcutiers salaisonniers concurrents
224. Le Carnet consigne 282 échanges bilatéraux relatifs aux produits de charcuterie crue avec les représentants des sept charcutiers-salaisonniers suivants : (i) Salaison Polette et Cie, (ii) FTL (ex-CCA) pour Montagne Noire, (iii) France Salaisons, (iv) Établissements Rochebillard et Blein, (v) Salaisons du Mâconnais, (vi) Sapresti Traiteur (Loste) et (vii) Souchon d’Auvergne.
Figure
Échanges entre Aoste et Salaison Polette et Compagnie (Coop)222
225. Le Carnet consigne 64 échanges bilatéraux avec M. GP (Coop).
226. Les premiers échanges remontent au 27 avril 2011 et concernent les enseignes Aldi et Lidl.
Tableau
227. Les derniers échanges remontent au 22 août 2012 et contiennent à la fois des informations générales sur l’ensemble des enseignes et des informations plus spécifiques concernant les sociétés Leclerc, Provera/Cora, Aldi.
Tableau
Échanges entre Aoste et FTL (ex-CCA) pour Montagne Noire 223
228. Le Carnet révèle directement 13 échanges bilatéraux avec MM. GC et DR (groupe FTL).
229. Le premier échange remonte au 15 mars 2011 et concerne l’enseigne Lidl.
Tableau
230. Les derniers échanges remontent au 27 mai 2011 et concernent les enseignes Auchan, Carrefour/ED/Dia et EMC/Leader Price.
Tableau
Échanges entre Aoste et France Salaisons (Sonical)224
231. Le Carnet révèle directement 56 échanges bilatéraux avec MM. CC, EB et MB (Sonical).
232. Le premier échange remonte au 11 avril 2011 et concerne les enseignes Carrefour/ED/Dia.
Tableau
Tableau
Échanges entre Aoste et Établissements Rochebillard et Blein (La Financière du Haut Pays)225
234. Le Carnet révèle directement 7 échanges bilatéraux avec M. JC (Établissements Rochebillard et Blein).
235. Le premier échange comportant une date précise remonte au 14 avril 2011 et concerne les enseignes du groupe Carrefour (Carrefour/ED/Dia).
Tableau
236. Le dernier échange remonte au 24 juillet 2012 et concerne les enseignes du groupe Casino (EMC/Leader Price/Casino).
Tableau
Échanges entre Aoste et Salaisons du Mâconnais226
237. Le Carnet révèle directement 90 échanges bilatéraux avec M. Ph. H (Salaisons du Mâconnais).
238. Les premiers échanges remontent au 8 avril 2010 et concernent les enseignes du groupe Casino (EMC/Leader Price) et Leclerc.
Tableau
239. Les derniers échanges remontent au 22 août 2012 et concernent les enseignes du groupe Carrefour (Carrefour/ED/Dia) et Leclerc.
Tableau
Échanges entre Aoste et Sapresti Traiteur (CA Animation)227
240. Le Carnet révèle directement 8 échanges bilatéraux avec M. LA (CA Animation).
241. Les premiers échanges remontent au 12 septembre 2011 et concernent les enseignes du groupe Casino (EMC/Casino).
Tableau
242. Le dernier échange remonteau24 juillet2012 et concerne également les enseignes du groupe Casino.
Tableau
Échanges entre Aoste et Souchon d’Auvergne (Savencia)228
243. Le Carnet révèle directement 44 échanges bilatéraux avec M. OJ (Savencia).
244. Le premier échange remonte au 8 juillet 2010 et concerne l’enseigne Lidl.
Tableau
245. Le dernier échange remonte au 22 août 2012 et concerne l’enseigne Système U.
Tableau
Les échanges bilatéraux entre Salaison Polette et les autres charcutiers salaisonniers
246. M. GP (Coop) a indiqué qu’en plus d’avoir participé aux réunions multilatérales susvisées, il avait eu des contacts téléphoniques bilatéraux avec certains de ses concurrents à l’occasion d’appels d’offres. Il s’agissait en particulier, selon lui, de Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Aoste et, plus épisodiquement, Montagne Noire, Souchon d’Auvergne et Établissements Rochebillard et Blein229.
Échanges sur l’appel d’offres saucissons Carrefour/Ed/Dia lancé le 30 mars 2011 avec mise en place en avril 2011 pour se dérouler jusqu’en septembre 2011
247. L’appel d’offres saucissons de Carrefour/Ed/Dia lancé le 30 mars 2011 a ceci de particulier qu’il s’est adressé aux sept protagonistes Aoste, Salaison Polette, FTL ex-CCA, France Salaisons, Établissements Rochebillard et Blein, Salaisons du Mâconnais, Souchon d’Auvergne en raison du nombre de produits en cause.
248. Un compte rendu interne sur cet appel d’offres sous forme de tableau, portant la date du 15 mars 2011, reproduit ci-dessous, a été saisi chez Salaison Polette. Le groupe Coop a indiqué que ce tableau avait été élaboré par M. GP (Coop) à la suite de conversations téléphoniques qu’il avait eues avec plusieurs de ses concurrents et qu’il visait à recenser la position de chacun d’entre eux par produit concerné230.
Tableau
249. Un tableau Excel figurant dans l’ordinateur de M. Ph. P (Salaison Polette) datant du 3mai 2011 recense, pour chaque référence de produits, le fournisseur actuel, l’offre de la concurrence et l’offre de Salaison Polette. On observe que les mentions y figurant sont identiques à celles notées dans le compte rendu précité du 15 mars 2011.
250. Le tableau saisi chez Salaison Polette est également recoupé par les notes manuscrites consignées dans le Carnet :
Tableau
Autres échanges de Salaison Polette avec ses concurrents
251. Les éléments remis par le groupe Coop dans le cadre de sa demande de clémence ont permis aux services d’instruction d’identifier dans la notification de griefs 40 échanges bilatéraux supplémentaires entre Salaison Polette et Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Aoste, Montagne Noire, et Souchon d’Auvergne. La répartition de ces échanges bilatéraux, qui sont décrits en détail dans les tableaux joints en Annexe n° 3 de la présente décision, est synthétisée dans le schéma ci-dessous.
Figure
252. Le groupe Coop a produit par ailleurs un tableau recensant 23 appels d’offres ayant donné lieu à des échanges bilatéraux téléphoniques entre M. GP (Coop) et les représentants de charcutiers salaisonniers, qui recense des échanges supplémentaires aux 40 échanges identifiés par les services d’instruction dans la notification de griefs.
Relevés téléphoniques de M. P (Salaison Polette - Coop)
253. M. GP (Coop) a obtenu communication auprès de son opérateur de téléphonie mobile de la copie de ses relevés téléphoniques recensant tous les appels sortants depuis son téléphone portable entre octobre 2012 et avril 2013231.
254. L’intéressé avait demandé à avoir accès à ses relevés pour une période antérieure à octobre 2012 (notamment les années 2011 et 2012 complètes). Il lui a toutefois été répondu que le détail des appels n’était disponible que pour une durée d’un an et qu’au-delà, ces informations ne pouvaient être obtenues que sur réquisition judiciaire232.
255. L’analyse de ces relevés permet de retracer les échanges de M. GP avec ses homologues concurrents. Entre le 25 octobre 2012 et le 29 avril 2013, soit pendant six mois et six jours, l’intéressé a contacté ses concurrents à 83 reprises233 :
Tableau
256. Les communications téléphoniques de M. GP (Salaison Polette), dont l’intensité est à souligner, ont ainsi concerné cinq des six sociétés avec lesquelles des réunions physiques multipartites ont eu lieu sur deux ans entre le 26 avril 2011 et le 30 avril 2013 : Aoste, FTL ex-CCA, France Salaisons, Salaisons du Mâconnais et Souchon d’Auvergne. En revanche, il n’y a pas trace d’entretiens téléphoniques avec M. JC (La Financière du Haut Pays).
3. LES PRATIQUES CONSTATEES DANS LA VENTE DEPRODUITS DE CHARCUTERIE ET DE SALAISONNERIE CUITS COMMERCIALISES SOUS MDD OU SOUS PREMIER PRIX
257. Le groupe Campofrio, premier demandeur de clémence, a révélé l’existence de contacts fréquents avec ses concurrents, via des appels téléphoniques bilatéraux, dans le secteur de la vente de produits de charcuterie cuite. Il a, en outre, précisé savoir que les autres concurrents avaient également des contacts bilatéraux entre eux234.
258. À l’appui de sa demande de clémence, le groupe Campofrio a produit une copie certifiée conforme du Carnet, M. JLG intervenant, s’agissant des produits cuits, pour le compte de la société Jean Caby.
259. S’agissant des produits de charcuterie cuite, le Carnet mentionne 134 échanges bilatéraux entre M. JLG (Campofrio) et les représentants de six charcutiers salaisonniers concurrents235, comme synthétisé dans le schéma ci-après.
260. La méthode retenue pour présenter ces échanges est identique à celle utilisée pour le grief n° 2 (voir supra, paragraphes 222).
Figure
a) Échanges entre Jean Caby et les sociétés Paul Prédault et Madrange (FTL)236
261. Le Carnet révèle directement 49 échanges bilatéraux avec MM. JCP, GC et DR (groupe FTL).
262. Les premiers échanges remontent au 5 juillet 2010 et concernent les enseignes Carrefour, Provera/Cora et Aldi.
Tableau
263. Le dernier échange remonte au 7 septembre 2011 et concerne l’enseigne Carrefour.
Tableau
b) Échanges entre Jean Caby et Aubret237
264. Le Carnet révèle directement 29 échanges bilatéraux avec MM. PM et GG(Aubret).
265. Les premiers échanges remontent au 2 juillet 2010 et concernent l’enseigne Aldi.
Tableau
266. Le dernier échange remonte au 1er février 2012 et concerne l’enseigne Auchan.
Tableau
c) Échanges entre Jean Caby et Brocéliande -ALH (Cooperl Arc Atlantique)238
267. Le Carnet révèle directement 42échanges bilatéraux avec MM. AT, JLS et GC (Cooperl Arc Atlantique).
268. Les premiers échanges remontent au début du mois de juillet 2010 et concernent les enseignes du groupe Carrefour et Aldi.
Tableau
269. Le dernier échange remonte au 7 juin 2012 et concerne l’enseigne Lidl.
Tableau
270. Le Carnet révèle directement 5 échanges bilatéraux avec M. FF (Roullier).
271. Les échanges téléphoniques remontent au mois d’octobre 2010 et au 25 mars 2011et portent sur les enseignes du groupe Casino, ainsi que sur une hausse de prix de Charcuteries Gourmandes concernant l’ensemble des enseignes.
Tableau
272. Le dernier échange remonte au 30 septembre 2011 et concerne les enseignes du groupe Casino.
Tableau
e) Échanges entre Jean Caby et SCO-Monique Ranou (Les Mousquetaires)240
273. Le Carnet révèle directement 4 échanges bilatéraux avec M. EG (Les Mousquetaires).
274. Le premier échange remonte au 30 mars 2011 et porte sur la politique tarifaire de la société SCO-Monique Ranou concernant l’ensemble des enseignes.
Tableau
275. Le dernier échange remonte au 3 janvier 2012 et concerne les enseignes du groupe Casino.
Tableau
f) Échanges entre Jean Caby et Herta (Nestlé)241
276. Le Carnet révèle directement 5 échanges bilatéraux avec M. DV(Nestlé).
277. Le premier échange remonte au 29 octobre 2010 et porte sur une hausse de prix sur les produits cuits.
Tableau
278. Les derniers échanges remontent au 25 mars 2011 et concernent à la fois l’enseigne Aldi et des informations générales sur les tarifs d’Herta.
Tableau
E. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES
1. GRIEF N°1
279. Il est fait grief à :
- Aoste (RCS n° 388 818 726), Campofrio Food Group Holding S.L.U. (Espagne, B84658 202) et Jean Caby (RCS n° 440 372 043) en raison de leur participation directe, d’une part, et Campofrio Food Group S.A.U. (Espagne, A09 000 928) et Campofrio Food Group France Holding (RCS n° 420001 257) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés, d’autre part ;
- Établissements Germanaud et Cie (RCS n° 596120 204), Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765 500 608), Géo (RCS n° 334 281 938), Madrange (RCS n° 772 500 161), Montagne Noire (RCS n° 491 476 404) en son nom et pour La Maison du Jambon (RCS n° 432 439 008)242, et Paul Prédault (RCS n° 319 754 743) en raison de leur participation directe, d’une part, et Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765 500 608) et Agripole (RCS n° 480091 925) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés en 2011 et Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765 500 608) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur les mêmes sociétés en 2012-2013, d’autre part ;
- Charcuteries Cuisinées du Plélan (RCS n° 444 525 240), Fleury Michon Charcuteries (RCS n° 439 220 203) et Société d’Innovation Culinaire (RCS n° 489 625 111) en raison de leur participation directe, d’une part, et Fleury Michon (RCS n° 572 058 329) et Société holding de contrôle et de participations (RCS n° 347 638 538) en leur qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur ces dernières sociétés, d’autre part ;
- Salaisons Celtiques (RCS n° 862 500 279) en raison de sa participation directe, d’une part, et la Société Civile Les Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur cette société en 2011-2012 et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur cette même société en 2013, d’autre part ;
de s’être accordées et concertées, au travers d’échanges bilatéraux d’informations, du 14 janvier 2011 au 26 avril 2013, pour défendre une position commune sur la variation du prix hebdomadaire du JSM dans leurs négociations avec les abatteurs en vue, soit de maintenir le statu quo sur la variation du prix d’achat du JSM d’une semaine sur l’autre, soit, dans les périodes de tension avec les abatteurs, de résister à des hausses de prix ou de faire passer des baisses de prix.
Ces pratiques ont eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence.
Elles contreviennent donc aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
2. GRIEF N°2
280. Il est fait grief à :
- Grand Saloir Saint-Nicolas (RCS n° 709200 133), Les Monts de la Roche (RCS n° 390 618 890) et Sapresti Traiteur (RCS n° 316 431691) en raison de leur participation directe, d’une part, et CA Traiteur et Salaisons (RCS n° 422 619 023) et CA Animation (Luxembourg, n° B11 3856) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés, d’autre part ;
-Aoste (RCS n° 388 818 726) et Salaisons Moroni (RCS n° 395 299 100) en raison de leur participation directe, d’une part, et Campofrio Food Group S.A.U. (Espagne, A09 000 928) et Campofrio Food Group France Holding (RCS n° 420 001 257) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés, d’autre part ;
- Bell France Holding (anciennement dénommée Bell France) (RCS n° 504 981 945), Maison de Savoie (RCS n° 481 205 359), Le Saloir de Mirabel (RCS n° 448 066 811), Le Saloir de Virieu (RCS n° 499 035 640), Salaison Polette et Cie (RCS n° 396 580 102), Bell France (anciennement dénommée Salaison de Saint André) (RCS n° 761 200 013) et Val de Lyon (RCS n° 400 799 474) en raison de leur participation directe, d’une part, Bell France Holding (anciennement dénommée Bell France) (n° RCS 504981 945), Bell Food Group AG (anciennement dénommée Bell AG) (Suisse, CHE – 105 805 112) et Groupe Coop Société Coopérative (Suisse –CHE - 109 029 938) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés, d’autre part ;
- Établissements Rochebillard et Blein (RCS n° 405 880758) en son nom et pour Peguet Savoie Salaisons (RCS n° 342 024 635)243, La Financière du Haut Pays (RCS n° 487770 125), en raison de leur participation directe, d’une part, et La Financière du Haut Pays (RCS n° 487 770 125), en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés, d’autre part ;
- Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765500 608), Géo (RCS n° 334 281 938), Montagne Noire (RCS n° 491 476 404) en son nom et pour La Maison du Jambon (RCS n° 432 439 008)244 et Paul Prédault (RCS n° 319 754 743), en raison de leur participation directe, d’une part, et Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765 500 608) et Agripole (RCS n° 480091 925) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés en 2010-2011 et Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765 500 608) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur les mêmes sociétés en 2012-2013, d’autre part ;
- Salaisons du Mâconnais (RCS n° 300 747 029) en raison de sa participation directe ;
- Luissier Bordeau Chesnel (RCS n° 577 050 073) en son nom et pour Alliance Charcutière (RCS n° 483 403 010)245, Souchon d’Auvergne (RCS n° 389 758 731) en raison de leur participation directe, d’une part, et Savencia Holding SCA (anciennement dénommée Soparind SCA) (RCS n° 679808 147) et Eurospecialities Food BV (Pays-Bas –009095615) en leur qualité d’entités mères ayant exercé une influence déterminante sur ces dernières sociétés, d’autre part ;
-France Salaisons (RCS n° 968504 019) et Sonical (RCS n° 451 408 751), en raison de leur participation directe, d’une part, et Sonical (RCS n° 451 408 751), en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur France Salaisons, d’autre part ;
d’avoir participé à des réunions secrètes (à l’exception des sociétés du groupe CA Animation) et d’avoir échangé des informations, du 8 avril 2010 au 30 avril 2013, et ainsi de s’être accordées et concertées, pour la commercialisation de produits de charcuterie crue sous marque de distributeur ou sous premier prix, pour coordonner leurs demandes d’augmentation de prix auprès des enseignes de la grande distribution et pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution.
Ces pratiques ont eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence.
Elles contreviennent donc aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
3. GRIEF N°3
281. Il est fait grief à :
-Aubret (RCS n° 788182 954) en raison de sa participation directe ;
- Aoste (RCS n° 388818726) et Jean Caby (RCS n° 440372 043) en raison de leur participation directe, d’une part, et Campofrio Food Group S.A.U. (Espagne, A09 000 928) et Campofrio Food Group France Holding (RCS n° 420 001 257) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés, d’autre part ;
- Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383 986 874) et Brocéliande -ALH (RCS n° 412 082 224), en raison de leur participation directe, d’une part, et Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383 986 874), en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur Brocéliande -ALH (RCS n° 412082 224) ;
- Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765500 608), Établissements Germanaud et Cie (RCS n° 596 120 204), Géo (RCS n° 334 281 938), Madrange (RCS n° 772 500 161), Paul Prédault (RCS n° 319 754 743) et La Lampaulaise de Salaisons (anciennement dénommée Salaisons de l’Arrée) (RCS n° 338 547 482), en raison de leur participation directe, d’une part, et Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765 500 608) et Agripole (RCS n° 480 091 925) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés en 2010-2011 et Financière Turenne Lafayette (RCS n° 765 500 608) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur les mêmes sociétés en 2012, d’autre part ;
- Salaisons Celtiques (RCS n° 862500 279), Salaisons du Guéméné (RCS n° 388 199 143) et SCO (RCS n° 342048055) en raison de leur participation directe, d’une part, et la Société Civile Les Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés en 2010-2012 et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur ces mêmes sociétés en 2013, d’autre part ;
-Herta (RCS n° 311 043 194) en raison de sa participation directe, Nestlé SA (Suisse, CHE-105 909 036) et Nestlé Entreprises (RCS n° 345 019 863) en leur qualité de sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur Herta (RCS n° 542 014 428) ;
-Compagnie Financière et de Participations Roullier (RCS n° 313 642 548) et Charcuteries Gourmandes (RCS n° 318771 177) en raison de leur participation directe, d’une part, et Compagnie Financière et de Participations Roullier (RCS n° 313 642 548) en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur ces sociétés, d’autre part ;de s’être accordées et concertées, pour la commercialisation de produits de charcuterie cuits sous marque de distributeur ou sous premier prix, du 1er juillet 2010 au 19 septembre 2012, pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution, grâce à des échanges d’informations.
Ces pratiques ont eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence.
Elles contreviennent donc aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
II. Discussion
282. Seront successivement examinés la procédure (A), l’applicabilité du droit de l’Union (B), les marchés pertinents (C), le bien-fondé des griefs notifiés (D), l’imputabilité (E) et les sanctions (F).
A. SUR LA PROCEDURE
1. SUR LA DEMANDE DE SURSIS A STATUER
283. Le groupe Cooperl Arc Atlantique a, le 20 novembre 2019, formé une demande de sursis à statuer auprès de l’Autorité, sur le fondement de l’article 378 du Code de procédure civile246, dans l’attente de l’issue de la plainte avec constitution de partie civile déposée par ses soins pour faux, usage de faux, dénonciation calomnieuse et escroquerie au jugement devant le tribunal de grande instance de Paris (désormais « tribunal judiciaire de Paris »).
284. Dans cette plainte, comme au demeurant tout au long de l’instruction, le groupe Cooperl Arc Atlantique reproche en substance au groupe Campofrio, et à M. JLG (Campofrio) en particulier, d’avoir, pour les besoins d’une de ses deux demandes de clémence, fabriqué et rédigé le Carnet, en y alléguant à tort, faussement et frauduleusement, de prétendus échanges anticoncurrentiels entre les sociétés Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande -ALH et les sociétés Jean Caby et Campofrio, examinés au titre du grief n° 3.
285. Il estime, par conséquent, eu égard au rôle déterminant joué par le Carnet dans la démonstration des pratiques alléguées, qu’il serait de bonne « administration de la justice » d’ordonner le sursis à statuer.
286. Le groupe Savencia et la société Aubret ont, lors de la séance, soutenu cette demande. En revanche, les représentants des services d’instruction, le commissaire du gouvernement, ainsi que les conseils de la société Établissements Guy Harang et du groupe Campofrio s’y sont opposés, ce dernier arguant notamment à la fois de son irrecevabilité et de son caractère injustifié.
287. Cette demande appelle les observations suivantes.
288. En premier lieu, il convient de rappeler, en droit, que l’Autorité de la concurrence n’est nullement tenue d’attendre que le tribunal judiciaire de Paris ait statué pour qualifier et sanctionner, au regard des règles du droit de la concurrence, les comportements dénoncés devant elle. En tant qu’autorité administrative, aucune disposition ni aucun principe n’impose à l’Autorité de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue d’une procédure, y compris d’une procédure pénale pour faux, dénonciation calomnieuse et escroquerie au jugement, telle que celle en cause en l’espèce. Au surplus, on notera que s’agissant des procédures civiles, les textes prévoient expressément qu’il n’y a pas obligation de surseoir à statuer.
289. En second lieu, il doit être relevé qu’en l’espèce, l’Autorité non seulement a toute latitude pour apprécier, au regard du standard de preuve applicable devant elle, la valeur probante du Carnet - dont à la fois une copie conforme et l’original ont été versés au dossier – mais, au surplus, qu’elle dispose d’une pluralité d’éléments pour le faire, notamment, mais pas uniquement, en raison de l’expertise diligentée dans le cadre de l’instruction (voir paragraphes 330 à 350 de la présente décision).
290. Pour l’ensemble de ces motifs et alors même que le groupe Cooperl Arc Atlantique argue, par ailleurs, de la durée excessive de la procédure (voir ci-après, paragraphes 290 à 301) et a indiqué au surplus en séance qu’à ce jour aucun juge d’instruction n’avait été désigné à la suite de son dépôt de plainte, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer.
2. SUR LA DUREE DE LA PROCEDURE
291. Le groupe Cooperl Arc Atlantique affirme, sur le fondement du premier paragraphe de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après, «CESDH»), que la procédure diligentée en l’espèce encourrait la nullité, au regard de sa durée excessive, environ huit années s’étant écoulées entre les faits reprochés et la notification de griefs. Un tel délai porterait en effet, selon lui, une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, en rendant impossible la production d’éléments à décharge.
292. Selon une jurisprudence constante, la sanction qui s’attache à la violation par l’Autorité de l’obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n’est pas l’annulation de la procédure ou sa réformation, à moins qu’il soit démontré qu’une atteinte personnelle, effective et irrémédiable aux droits de la défense ait été causée à une partie, qui s’en prévaut, par le dépassement d’un délai raisonnable entre la date des comportements reprochés et le jour où elle a su qu’elle devrait en répondre247. Par ailleurs, et en tout état de cause, le délai raisonnable au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la CESDH s’apprécie au regard de l’ampleur et de la complexité de la procédure248.
293. La Cour de cassation considère en outre que les entreprises incriminées par l’Autorité de la concurrence « sont responsables de la déperdition éventuelle des preuves qu’elles entendaient faire valoir tant que la prescription (…) n’était pas acquise »249. À cet égard, elle a précisé que les motifs d’ordre interne à l’entreprise incriminée étaient indifférents et, qu’aucune violation des droits de la défense n’était démontrée lorsque « les difficultés alléguées [relatives à la conservation des preuves] dues à des causes internes aux deux sociétés tenant aux changements intervenus dans leurs directions respectives par suite de leur fusion, sont sans lien avec le déroulement de l’instruction et de la procédure suivie devant le Conseil »250.
294. Pour apprécier si le principe du délai raisonnable a été respecté en l’espèce, il convient donc d’examiner dans un premier temps si la durée de la procédure peut être considérée comme excessive compte tenu des circonstances de l’espèce, et, le cas échéant, dans un second temps, s’il est établi que la durée de la procédure a privé le groupe Cooperl Arc Atlantique de la possibilité de se défendre utilement contre les griefs qui lui étaient reprochés.
295. En l’espèce, les griefs, au nombre de trois, ont été notifiés à quatorze entreprises, regroupant cinquante-sept sociétés, dont deux demandeurs de clémence. Les services d’instruction ont procédé à des opérations de visites et de saisie auprès de treize entreprises, à l’envoi de très nombreuses demandes de renseignements ainsi qu’à la tenue d’un grand nombre d’auditions. Une notification de griefs rectificative a dû être adressée aux administrateurs et mandataires judiciaires de plusieurs entreprises ayant fait l’objet de procédures collectives. Plus de 45 000 cotes ont été versées au dossier et analysées par les services d’instruction.
296. La désignation d’un expert, à la demande notamment du groupe Cooperl Arc Atlantique ainsi que la saisine du conseiller auditeur par ce même groupe a, en outre, eu pour effet d’allonger la phase contradictoire de la procédure.
297. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la durée de la procédure n’est pas excessive au regard de l’ampleur et de la complexité du dossier.
298. Au surplus, la possibilité pour Cooperl Arc Atlantique de se défendre contre les faits qui lui étaient reprochés n’a pas été affectée par la durée de la procédure.
299. En premier lieu, et conformément à la jurisprudence précitée de la Cour de cassation, la prudence commandait au groupe Cooperl Arc Atlantique, dont les deux sociétés mises en cause ont fait l’objet d’opérations de visite et saisie, de conserver toute preuve de nature à établir la licéité de ses pratiques jusqu’à la fin de la période de prescription fixée par l’article L. 462-7 du Code de commerce.
300. En second lieu, Cooperl Arc Atlantique ne peut utilement invoquer la circonstance que MM. GC et JL S, personnes supposées avoir participé aux pratiques, n’étaient plus présents dans l’entreprise à la date à laquelle les griefs lui ont été communiqués, et qu’il lui était ainsi plus difficile – voire impossible – de recueillir leur témoignage et, partant, de produire des éléments à décharge. En effet, la circonstance qu’un salarié soit parti à la retraite ne rend, en soi, pas impossible, sauf circonstances particulières dont le groupe Cooperl Arc Atlantique ne justifie pas en l’espèce, de reprendre contact avec lui. Ainsi, le départ à la retraite de M. GC en janvier 2016 n’a pas empêché son audition par les services d’instruction le 14 février 2016251, audition au cours de laquelle il a d’ailleurs affirmé n’avoir jamais participé aux échanges anticoncurrentiels mentionnés dans le Carnet. Par ailleurs, M. AT, autre salarié du groupe Cooperl Arc Atlantique, a également été auditionné le 15 septembre 2016252 et a, de même, contesté toute implication de Cooperl Arc Atlantique dans les pratiques alléguées.
301. Il résulte de tout ce qui précède que la durée de la procédure, qui n’apparaît pas déraisonnable, n’a pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense du groupe Cooperl Arc Atlantique. Le moyen tiré de la violation du principe de délai raisonnable doit par conséquent être écarté.
3. SUR LE DELAI POUR REPONDRE A LA NOTIFICATION DE GRIEFS
302. Le groupe FTL soutient que le délai dont il a disposé pour répondre à la notification de griefs a été insuffisant pour rechercher les pièces factuelles qui auraient pu lui permettre de se défendre, compte tenu notamment du contexte de liquidation judiciaire du groupe.
303. À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que le premier alinéa de l’article L. 463-2 du Code de commerce dispose que les parties peuvent présenter des observations sur la notification de griefs dans un délai de deux mois. L’article L. 463-2 prévoit par ailleurs que, lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient, le Rapporteur général de l’Autorité peut, par une décision non susceptible de recours, accorder un délai supplémentaire d’un mois pour la consultation du dossier et la production des observations des parties.
304. Comme la Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 13 octobre 2009 : « L’octroi aux parties d’un délai supplémentaire d'au maximum un mois pour consulter le dossier et produire leurs observations, dépend (...) de la démonstration par chaque partie de l'existence de circonstances exceptionnelles le justifiant (…) ». Il appartient aux parties concernées de préciser la nature et l'intérêt des informations auxquelles le refus de leur accorder le délai supplémentaire sollicité les aurait empêchées d'avoir accès dans le délai de deux mois prévus par l'article L. 463-2 du Code de commerce, et en quoi ce refus aurait concrètement fait obstacle aux droits de la défense253.
305. En l’espèce, la notification de griefs du 12 février 2018 a été communiquée aux parties par lettres du 16 février 2018.
306. Faisant suite à des demandes d’octroi de délais supplémentaires formulées par certaines parties mises en cause, le Rapporteur général a, à titre exceptionnel, décidé de faire bénéficier l’ensemble des parties d’un délai supplémentaire d’un mois, soit jusqu’au 23 mai 2018 inclus254. Le groupe FTL a ainsi bénéficié de ce délai – délai maximum prévu par la loi - alors même qu’il n’en avait pas fait la demande.
307. En outre, compte tenu de l’ouverture de procédures collectives à leur égard, les sociétés du groupe FTL ont été destinataires de la notification de griefs rectificative du 6 avril 2018, communiquée par lettres du 13 avril 2018, et ont bénéficié, partant, d’un nouveau délai de deux mois pour présenter leurs observations. En prenant en compte ce délai, le groupe FTL a donc disposé d’un délai d’une durée totale de quatre mois pour présenter ses observations en réponse à la notification de griefs.
308. Les arguments tendant à démontrer que le délai accordé au groupe FTL pour présenter ses observations en réponse à la notification de griefs était insuffisant doivent donc être écartés.
4. SUR LA NOTIFICATION DE GRIEFS A UNE SOCIETE ABSORBEE PAR FUSION-ACQUISITION
309. La société Fleury Michon LS, société du groupe Fleury Michon, souligne que les services d’instruction, auxquels il incombe d’identifier les sociétés destinataires des griefs, ont adressé une notification de griefs à la société Fleury Michon Charcuterie le 16 février 2018, alors que cette société avait été radiée le 8 janvier 2018 à la suite de sa fusion-absorption le 31 décembre 2017 par la société Fleury Michon Traiteur, devenue Fleury Michon LS le 25 janvier 2018. En conséquence, Fleury Michon LS soutient qu’elle devrait être mise hors de cause, faute d’avoir été personnellement destinataire de la notification de griefs et d’avoir pu, de ce fait, exercer ses droits de la défense.
310. Toutefois, il résulte de la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence, devenu Autorité, qu’aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée s’il est démontré que la notification de griefs, bien qu’adressée à une société ayant été absorbée ou dont la dénomination sociale et/ou l’adresse a changé peu avant l’envoi de celle-ci, a été portée à la connaissance de la société mise en cause et que celle-ci a effectivement répondu aux griefs notifiés255.
311. Par ailleurs, dans l’affaire Arbed c/ Commission, l’avocat général a estimé qu’« une erreur de procédure de la Commission n’entraine pas la nullité de la décision lorsque les intérêts de la défense des personnes concernées ont été garantis par d’autres circonstances »256.
312. En l’espèce, la société Fleury Michon Charcuterie, détenue par les sociétés Fleury Michon et Société holding de contrôle et de participations (voir la partie « imputabilité » de la présente décision), mise en cause au titre du grief n° 1, a fait l’objet d’une fusion absorption peu avant l’envoi de la notification des griefs et a, en conséquence, été radiée le 8 janvier 2018.
313. Les services d’instruction, non avertis de cette modification malgré les nombreux échanges avec les conseils de ces entreprises préalablement à l’envoi de la notification de griefs, notamment le 16 janvier 2018, ont notifié les griefs le 16 février 2018 à la société Fleury Michon Charcuterie ainsi qu’aux autres sociétés du groupe Fleury Michon mises en cause, via le conseil chez qui elles avaient toutes élu domicile.
314. Le 23 mai 2018, le conseil du groupe Fleury Michon a adressé aux services d’instruction des observations communes aux sociétés Charcuteries Cuisinées du Plélan, Fleury Michon Charcuterie (société expressément mentionnée sous cette dénomination en-tête des observations), Société d’Innovation Culinaire, Fleury Michon et Société holding de contrôle et de participations257. Ces observations ne faisaient aucunement état de la radiation de la société Fleury Michon Charcuterie et de l’existence de la société Fleury Michon LS.
315. Le 26 juillet 2019, les services d’instruction ont notifié le Rapport à ce même conseil pour les sociétés du groupe Fleury Michon–à l’exception de Fleury Michon Charcuterie devenue Fleury Michon LS -, d’une part, et au président de Fleury Michon LS258, pour le compte de Fleury Michon Charcuterie, en application des règles en matière de continuité économique (voir les paragraphes 708et suivants, et 750et suivants de la présente décision), d’autre part.
316. Le 14 octobre 2019, le conseil du groupe Fleury Michon a adressé aux services d’instruction trois jeux d’observations en réponse au Rapport. Le premier était commun aux sociétés Charcuteries Cuisinées du Plélan, Fleury Michon Charcuterie, Société d’Innovation Culinaire et Fleury Michon ; le deuxième était spécifique à la Société holding de contrôle et de participations et le troisième à la société Fleury Michon LS259.
317. Il ressort ainsi des éléments du dossier que, contrairement à ses allégations, Fleury Michon LS, bien que non destinataire en son nom de la notification de griefs, a bien été en mesure d’exercer ses droits de la défense. En effet, d’une part, Fleury Michon Charcuterie a adressé, bien que radiée, des observations en son nomen réponse à la notification de griefs, témoignant ainsi de sa prise de connaissance, via la société Fleury Michon LS lui ayant succédé, des griefs notifiés et de sa capacité, toujours via Fleury Michon LS, d’y répondre. D’autre part, Fleury Michon LS, à qui le rapport a été adressé par les services d’instruction pour le compte de Fleury Michon Charcuterie, a pu également présenter ses observations dans le cadre de son mémoire en réponse. Fleury Michon LS, qui a été à l’évidence concrètement mise en mesure d’exercer ses droits, ne saurait, ainsi, arguer d’une quelconque atteinte au principe du contradictoire et, plus généralement, à ses droits de la défense.
318. Dès lors les arguments soutenant que les pratiques mises en œuvre par Fleury Michon Charcuterie ne peuvent être imputées à Fleury Michon LS, et visant ainsi à annuler la procédure à son encontre, doivent être écartés.
5. SUR LA PRECISION DU GRIEF N° 3
319. Il est reproché aux entreprises visées par le grief n° 3 «de s’être accordées et concertées, pour la commercialisation de produits de charcuterie cuits sous marque de distributeur ou sous premier prix (…) pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution, grâce à des échanges d’informations ».
320. Le groupe Les Mousquetaires soutient que les pratiques qui lui sont imputées au titre du grief n° 3 n’entrent pas dans le champ de ce grief, dès lors que celui-ci ne vise que les échanges portant sur des appels d’offres d’enseignes de la grande distribution et que les échanges concernant le groupe Les Mousquetaires cités dans la notification de griefs concernent des demandes de hausses tarifaires sur certains produits, sans lien avec des appels d’offres. De même, le groupe Nestlé avance que les éléments factuels relevés par les services d’instruction pour décrire les prétendus agissements anticoncurrentiels de la société Herta ne peuvent être assimilés à de « fréquents échanges d’informations », une «pratique multilatérale » ou encore «à un accord et à une pratique concertée ». Ces deux groupes en déduisent que leur responsabilité au titre du grief n° 3 ne saurait être retenue.
321. Cependant, comme le Conseil, devenu l’Autorité, l’a indiqué dans sa décision relative au secteur de la vente de voyages en ligne, « la notification des griefs est un document synthétique qui contient une description précise des faits reprochés, leur date, leur imputabilité et leur qualification, puis reprend, in fine, en les résumant, la rédaction des griefs eux-mêmes dans une formule concise. Elle constitue l’acte d’accusation et doit donc être précise (Cour d’appel de Paris, 29 mars 2005, Filmdis Cinésogar), cette exigence n’excluant pas que les juges d’appel et de cassation recherchent, dans le corps même de la notification des griefs, la portée de ces derniers (Cour de cassation, 6 avril 1999, ODA) »260.
322. En l’espèce, s’agissant du groupe Les Mousquetaires, le grief n° 3 doit être lu à l’aune de l’ensemble des éléments exposés dans la notification de griefs. Or, lesdits échanges sont visés par la notification de griefs, aux paragraphes 1444 à 1450, et certains des échanges se rattachent expressément aux prix facturés à certaines enseignes (EMC/Leader Price et Provera/Cora).Par ailleurs, comme il est rappelé aux paragraphes 382 et 1219 de la notification de griefs, M. JLG (Aoste/Jean Caby/Campofrio) a dénoncé, s’agissant des produits cuits, des pratiques d’échanges bilatéraux entre concurrents, en précisant que ces échanges avaient «généralement » lieu «en amont des soumissions d’appels d’offres de la GMS ». Il n’a, ainsi, pas exclu d’autres types d’échanges, tels ceux portant sur des hausses générales de prix, comme ceux décrits aux paragraphes 1444 et suivants de la notification de griefs entre les groupes Campofrio et Les Mousquetaires. Ces pratiques, telles que décrites dans le corps de la notification de griefs, font donc partie intégrante du grief n° 3.
323. S’agissant du groupe Nestlé, les arguments développés consistent, en réalité, à contester la qualification des pratiques retenues à l’encontre de la société Herta. Ces éléments sont étudiés aux points 694 à 697 de la présente décision.
324. Dès lors, les arguments visant à écarter le grief n° 3 au motif qu’il n’engloberait pas les pratiques reprochées au groupe Les Mousquetaires, d’une part, et au groupe Nestlé, d’autre part, doivent être écartés.
6. SUR L’OPPOSABILITE DES PIECES COMMUNIQUEES PAR LES DEMANDEURS DE CLEMENCE ET SAISIES CHEZ CERTAINES ENTREPRISES A D’AUTRES ENTREPRISES
325. Plusieurs entreprises261 contestent l’opposabilité de pièces retenues dans la notification de griefs comme éléments probants à leur encontre, soit parce qu’elles émanent pour l’essentiel du premier demandeur de clémence et ne seraient corroborées par aucun autre élément, soit parce qu’aucune de ces pièces n’a été saisie dans leurs locaux ou communiquée par leurs soins, soit enfin parce qu’elles n’ont pas fait l’objet d’opérations de visite et saisie et/ou qu’aucun de leurs représentants ou salariés présentés comme impliqués dans les pratiques n’a été entendu.
326. Cependant, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un document régulièrement recueilli est opposable à l’entreprise dont il provient, à celle qui l’a reçu et à celles qui y sont mentionnées et peut être utilisé comme preuve d’une concertation ou d’un échange d’informations entre entreprises, le cas échéant par rapprochement avec d’autres indices concordants et ce, peu important sa provenance262.
327. En conséquence, la circonstance que certains documents retenus pour établir l’existence des pratiques sont des documents internes au demandeur de clémence et n’ont pas été saisis chez les autres entreprises qu’ils mettent en cause, dont certaines n’ont pas fait l’objet d’opérations de visite et saisie, n’empêche pas de les leur opposer. De même, la circonstance que certaines pièces retenues pour établir l’existence des pratiques ont été saisies chez d’autres entreprises n’empêche pas de les opposer aux entreprises qui y sont mentionnées.
328. Ainsi, les entreprises concernées ne peuvent pas contester leur mise en cause au motif qu’elles n’ont pas fait l’objet d’opérations de visite et saisie. Elles ne peuvent pas davantage la contester au motif que certaines pièces qui leur sont opposées n’ont pas été saisies dans leurs locaux ou proviendraient d’une seule entreprise.
329. Dès lors, les arguments soulevés par ces entreprises doivent être écartés.
7. SUR LA CREDIBILITE DE LA DEMANDE DE CLEMENCE DE CAMPOFRIO
a) Sur la validité de la procédure d’expertise
Généralités
330. Aux termes des alinéas 1 et 2 de l’article L. 463-8 du Code de commerce :
« Le rapporteur général peut décider de faire appel à des experts en cas de demande formulée à tout moment de l'instruction par le rapporteur ou une partie. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours.
La mission et le délai imparti à l'expert sont précisés dans la décision qui le désigne. Le déroulement des opérations d'expertise se fait de façon contradictoire ».
331. En l’espèce, eu égard, d’une part, aux accusations formulées par les groupes Cooperl Arc Atlantique et Savencia, matérialisées par la plainte pénale pour faux, usage de faux et dénonciation calomnieuse déposée le 11 mai 2018 par le groupe Cooperl Arc Atlantique auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, puis du doyen des juges d’instruction auprès du même tribunal263, d’autre part, à la demande de désignation d’un expert formulée par le groupe Cooperl Arc Atlantique, le Rapporteur général a, par décision du 14 novembre 2018, confié à Mme CM, expert agréé auprès de la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation, une mission d’expertise définie en ces termes :
« Sur la base de l’examen du carnet de M. JLG (décrit par ce dernier comme relatant des discussions tenues avec les concurrents sur la période allant de juillet 2010 à septembre 2012), des autres écrits et documents examinés, le cas échéant, pour les besoins de la mission, l’expertise demandée consiste à déterminer s’il est manifeste, conformément à ce que soutiennent certaines entreprises mises en cause, que les notes manuscrites émanant de M. JLG et portées dans son carnet ont été fabriquées de toutes pièces, d’une seule traite, contrairement à ce que M. JLG a déclaré aux rapporteurs en audition : “Je n’avais pas tout le temps mon carnet sous la main. Parfois, je prenais des notes sur un Post-it ou sur une feuille volante, que je retranscrivais ensuite dans le carnet. Mais, le plus souvent, je notais directement l’information sur mon carnet au moment de l’appel téléphonique”».
332. Dans son rapport d’expertise, déposé le 16 avril 2019, Mme CM a procédé à un ensemble de constats qui lui ont permis de conclure en ces termes :
« Si on peut dire que les notes manuscrites (21 feuillets à petits carreaux) émanant de Mr JLG et portées dans son carnet sont des notes (informations) “retranscrites” et non des notes (informations) prises sur le vif, directement au moment de l’appel téléphonique, nous ne disposons parmi les observations recueillies et les constatations mises en évidence, d’aucun élément objectif qui soit “probant” pour déterminer qu’il est manifeste, conformément à ce que soutiennent certaines entreprises mises en cause, que ces mêmes notes manuscrites “retranscrites” ont été fabriquées de toutes pièces, d’une seule traite ».
333. Les groupes Cooperl Arc Atlantique, Savencia et Sonical demandent l’annulation de la procédure d’expertise, aux motifs notamment que :
- la mission confiée à l’expert aurait été définie de manière à la fois incohérente et restrictive ;
- les services d’instruction auraient violé le principe du contradictoire ;
- l’expertise aurait été conduite de manière critiquable.
334. Ces différentes critiques appellent les observations suivantes.
Sur la définition de la mission de l’expert
335. Le groupe Cooperl soutient, sur ce point, que la mission assignée à Mme CM ne pouvait être celle définie par le seul Rapporteur général, consistant à déterminer si le document avait été « fabriqué de toutes pièces » et « d’un seul trait ». Se prononcer sur ces questions aurait en effet, selon lui, respectivement impliqué que Mme CM procède à l’analyse au fond du contenu du Carnet -ce qui ne pouvait, à l’évidence, relever de sa compétence- et appelait, en toute hypothèse, une réponse ne pouvant être que négative, « car il est impossible de rédiger un carnet aussi long en entier sans faire des pauses et donc des interruptions dans la retranscription ne serait-ce que pour contenter des besoins naturels »264.
336. Il affirme, ainsi, que la mission de l’expert aurait dû être formulée d’une manière différente265 et confiée, par ailleurs, non à un expert en écritures mais à un expert du secteur des achats et ventes de la viande porcine agréé auprès des juridictions.
337. À cet égard, il convient en premier lieu de relever qu’il résulte des termes mêmes des observations présentées par les entreprises concernées et de la plainte pénale déposée par le groupe Cooperl que ceux-ci soutiennent que le Carnet est un faux aussi bien matériel qu’intellectuel, au sens de l’article 441-1 du Code pénal.
338. S’agissant du faux intellectuel, outre que, comme l’ont souligné les services d’instruction, sans être démentis sur ce point, il n’existe aucun expert du secteur des achats et ventes de la viande porcine agréé auprès des juridictions, il résulte des éléments versés aux débats que le contenu du Carnet est largement corroboré par des éléments extérieurs et qu’il n’y a donc pas lieu d’en contester la valeur probatoire (voir notamment paragraphe 381).
339. S’agissant du faux matériel, il résulte du libellé même des termes de la mission confiée à l’expert que celle-ci permettait parfaitement de vérifier si, comme le soutenaient certaines entreprises mises en cause, le Carnet avait été spécialement confectionné pour les seuls besoins de la demande de clémence et postérieurement aux échanges qu’il relatait.
340. Il n’y a donc pas lieu de faire droit aux arguments des parties sur ce point.
Sur la violation alléguée du principe du contradictoire
341. Il est soutenu par les groupes Cooperl et Sonical que le principe du contradictoire, posé notamment par les articles 15 et 16 du Code de procédure civile266, ainsi que par l’article L. 463-8 alinéa 2 du Code de commerce, n’aurait, en l’espèce, pas été respecté, dans la mesure où (i) l’experte aurait été désignée sans consultation préalable des parties, (ii) les services d’instruction auraient privé les parties de toute information sur la tenue de réunions préparatoires à l’expertise en vue du choix de l’expert et (iii) auraient refusé, avec l’assentiment de l’expert, la participation de Mme LN, expert en écritures dont le groupe Cooperl Arc Atlantique avait sollicité l’assistance, à la réunion organisée par l’expert en présence des parties le 13 décembre 2018.
342. Toutefois, comme le soulignent à juste titre tant les services d’instruction dans leur Rapport que le conseiller auditeur, saisi de ces différentes questions, la désignation d’un expert n’est soumise à aucun processus contradictoire.
343. Par ailleurs, la démarche consistant à consulter plusieurs experts avant de procéder à la désignation apparaît non seulement licite mais également légitime et aucun élément ne permet de corroborer l’affirmation selon laquelle la désignation de Mme CM aurait été « téléguidée » par le sens de la réponse qu’elle aurait entendu donner à la question posée par le Rapporteur général.
344. Enfin, s’agissant de l’impossibilité prétendue du groupe Cooperl Arc Atlantique d’être assisté de l’expert de son choix, il convient, en premier lieu, de rappeler que si, de fait, le conseiller auditeur a souligné qu’il pouvait paraître regrettable que le groupe Cooperl Arc Atlantique ait, en pratique, été privé de cette possibilité lors de la réunion d’expertise, il a également ajouté que le questionnement des rapporteurs paraissait légitime au regard des questions d’ordre déontologique que la présence de l’expert pressenti par le groupe Cooperl Arc Atlantique était susceptible de poser. En outre, il résulte des éléments versés au débat que, contrairement à ce que le groupe Cooperl Arc Atlantique affirme, cette situation ne résulte nullement d’une décision des services d’instruction. Ceux-ci se sont en effet contentés de solliciter par courriel Mme CM, afin de recueillir son avis sur la possibilité pour Mme LN de prêter son concours au groupe Cooperl Arc Atlantique, dès lors qu’elle faisait partie des experts préalablement consultés par leurs soins avant la désignation de Mme CM, et avait eu, de ce fait, accès à certaines pièces du dossier. Ainsi qu’elle le souligne dans sa réponse aux observations formulées par les parties sur son pré-rapport, Mme CM n’a, d’ailleurs, pas « refusé » la présence de Mme LN à la réunion susvisée, mais a simplement estimé que celle-ci n’était, de fait, pas opportune. De plus, en pratique, il apparaît qu’en définitive Mme LN ne s’est pas présentée à la réunion et que le groupe Cooperl Arc Atlantique n’a pas souhaité s’adjoindre les services d’un autre expert.
345. En second lieu, il doit être observé que l’absence de Mme LN, ou de tout autre expert choisi par les parties, ne peut, à elle seule, caractériser une violation du principe du contradictoire, dès lors que les parties ont eu la possibilité de formuler tant leurs dires avant la remise du pré-rapport que leurs observations après que ce document leur a été adressé et ont, s’agissant notamment du groupe Cooperl Arc Atlantique, pleinement usé de cette faculté.
346. Pour l’ensemble de ces motifs, aucune violation du principe du contradictoire ne peut être relevée en l’espèce.
Sur la conduite prétendument critiquable de l’expertise
347. Il ressort des observations des parties sur ce point que l’expertise aurait été conduite de manière critiquable en ce que (i) elle reposerait sur une pièce de comparaison267 contestable et que (ii) l’expert aurait refusé d’entendre M. JLG (Campofrio) et d’organiser une reconstitution de prise de notes par celui-ci.
348. Sur la validité de la «pièce de comparaison » (le «Carnet Vert », voir ci-après, paragraphe 356), il a, de fait, été déploré par l’experte elle-même que le document remis par le groupe Campofrio à cette fin ne puisse être totalement considéré comme une pièce de comparaison au sens d’une expertise en écritures, dès lors qu’il était postérieur, et non contemporain, au Carnet constituant la pièce de question et qu’il n’avait pas le même objet que celui-ci, étant essentiellement destiné à conserver trace de consignes internes et de réunions et non d’appels téléphoniques. Toutefois, en l’absence de document autre susceptible d’être fourni par le groupe Campofrio, Mme CM a relevé que le Carnet Vert présentait une utilité indéniable, compte tenu de son caractère de « recueil de notes manuscrites » et pouvait donc servir de référence, analyse qu’aucun élément au dossier ne permet d’infirmer.
349. Quant à l’absence de reconstitution «en direct » d’une prise de notes par M. JLG (Campofrio), il résulte tant des observations formulées par Mme CM – dont la crédibilité sur ce point ne saurait être remise en question, au regard à la fois de sa qualité d’expert agréé et de son expérience -, aux termes desquelles cet exercice aurait été à la fois impossible à organiser et dénué de toute pertinence, que du rapport du conseiller auditeur, selon lequel la décision de ne pas procéder à une telle reconstitution relevait de la seule responsabilité de l’expert et n’était de nature à entacher ni son impartialité, ni son indépendance, que cette critique, nullement étayée, ne saurait mettre en question la validité de la procédure d’expertise.
350. En définitive, au vu de l’ensemble des éléments exposés ci-avant, il y a lieu de rejeter la demande des parties visant à l’annulation de la procédure d’expertise.
b) Sur la valeur probante du Carnet
351. La quasi-totalité des entreprises mises en cause ont, à des stades divers de la procédure, contesté l’authenticité et la crédibilité du Carnet, aux motifs, d’une part, qu’ainsi que l’aurait confirmé l’expertise, ce document aurait été fabriqué a posteriori pour les besoins du demandeur de clémence et que, partant, M. JLG (Campofrio) aurait menti sur les circonstances de son élaboration, d’autre part, que l’analyse de son contenu et sa comparaison avec les autres éléments versés au dossier démontreraient que nombre de mentions y figurant seraient inexactes ou non corroborées. Elles demandent, par conséquent, que ce document soit écarté des débats.
Sur l’authenticité du Carnet
Les constats du rapport d’expertise et les observations des parties
352. Il ressort du rapport d’expertise que Mme CM a, tout d’abord, formulé diverses observations relatives à l’original du Carnet268, remis le 15 mars 2017 aux services d’instruction par le groupe Campofrio et sa comparaison avec sa copie certifiée conforme, versée par celui-ci à l’appui de sa demande de clémence le 4 septembre 2012.
353. Elle a, notamment, relevé que le Carnet était en réalité un document-classeur recomposé, comportant à la fois des feuillets d’origine et des documents insérés ; que la copie conforme ne correspondait pas exhaustivement au Carnet original, à l’exception des 21 feuillets manuscrits d’origine (le reste des 80 feuillets du Carnet, soit 59, étant vierge de toute mention), rigoureusement identiques ; qu’en effet, la spirale reliant les feuillets n’avait pas la même couleur (aspect « inox » dans le Carnet original, gris-noir dans la copie), que les documents insérés (tableaux, courriels, notes sur des Post-it etc.) n’étaient pas systématiquement dans le même ordre et que les intercalaires (feuillets cartonnés blanc dans la copie conforme, post-it dans le Carnet original) avaient parfois un emplacement différent.
354. Elle a, par ailleurs, souligné que toutes les notes manuscrites avaient été, d’une part, portées au crayon de papier, à une exception près, d’autre part, rédigées par le même scripteur, sans qu’il soit possible de les dater, les mines en graphite ne le permettant pas.
355. Elle a également mentionné que les 21 feuillets manuscrits présentaient tous «un même faciès » -des pages très remplies, un graphisme homogène et une présentation soignée -alors que les documents insérés et les Post-it présentaient deux rythmes d’écritures différents, correspondant selon elle respectivement à une prise de notes sur le vif ou à une retranscription a posteriori.
356. Elle a, enfin, noté, au regard notamment de la «pièce de comparaison » remise par le groupe Campofrio, à savoir le Carnet vert, utilisé par M. JLG (Campofrio) entre 2014 et 2016, que l’original du Carnet, pourtant plus ancien que le Carnet Vert, paraissait moins usé que ce dernier.
357. Ces différents constats l’ont conduite à la conclusion générale citée ci-avant (voir paragraphe 332).
358. Excipant de ces différentes constatations et de cette conclusion, plusieurs parties, dont, à titre principal, les groupes Cooperl Arc Atlantique et Savencia, soutiennent que le Carnet ne saurait être considéré comme un document authentique, voire serait un faux grossier, faisant partie «d’une mise en scène de nature à tromper l’Autorité » (groupe Les Mousquetaires).Le groupe Savencia estime, plus particulièrement, que le fait que M. JLG (Campofrio) ait fourni des éléments aux conseils externes du groupe Campofrio impliquerait qu’il était nécessairement au courant de la demande de clémence et qu’il aurait donc pu prêter son concours à la construction de cette demande. Plusieurs mis en cause, dont les groupes Cooperl Arc Atlantique et Roullier, tirent enfin argument du fait que M. JLG (Campofrio) aurait « menti » sur les circonstances de ses prises de note pour dénier toute crédibilité au Carnet.
359. Le groupe Campofrio a, de son côté, contesté aussi bien certains points de l’expertise que l’analyse effectuée par ses contradicteurs, en soulignant que les prétendues anomalies et incohérences exposées ci-avant n’étaient pas fondées.
360. Il a, à cet effet, indiqué que la présentation soignée du Carnet et son bon état de conservation s’expliquaient par le fait que (i) les fonctions de M. JLG (Campofrio) ne l’amenaient que rarement à se déplacer et qu’il prenait ses appels, et donc ses notes, à partir de son bureau,
(ii) le Carnet était dédié à un objet précis - garder trace des informations échangées avec les concurrents - et n’avait donc aucun motif d’être emporté lors des contacts avec les clients,
(iii) l’importance des informations échangées et la nécessité qu’elles puissent être exploitées commercialement justifiaient le soin particulier pris à les consigner, (iv) il est établi, notamment au vu des documents saisis lors des opérations de visite et saisie et du Carnet Vert, que M. JLG (Campofrio) utilisait systématiquement un crayon de papier et que, par conséquent l’usage d’un tel crayon ne présentait rien de « suspect », (v) enfin que M. JLG (Campofrio) était parfaitement capable de prendre des notes soignées sur le vif, eu égard (sic) à l’expérience acquise lors de son service militaire, accompli en qualité d’opérateur radiographiste, après une formation au Code Morse, dont certaines traces subsistent au demeurant dans sa prise de notes269.
361. Il a également expliqué, s’agissant du changement de spirale, que celui-ci provenait très vraisemblablement des manipulations effectuées lors des copies et scans du document, notamment en vue de la remise à l’Autorité de la copie certifiée conforme.
Appréciation de l’Autorité
362. À titre liminaire, il doit tout d’abord être rappelé que l’Autorité n’est pas liée par les conclusions du rapport d’expertise et conserve, par conséquent, toute latitude d’appréciation quant à la valeur probante du Carnet.
363. Il doit, par ailleurs, être souligné qu’en l’espèce, la charge de la preuve appartient aux entreprises arguant du caractère falsifié du Carnet.
364. C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il convient d’analyser dans quelle mesure les éléments versés au débat permettent de considérer que l’authenticité et la crédibilité du Carnet et, partant, sa valeur probante, seraient sujettes à caution. Sur ce point, il y a lieu de revenir sur certaines constatations du rapport d’expertise présentées par les entreprises mises en cause comme autant de preuves du caractère falsifié du Carnet.
365. S’agissant tout d’abord des différences constatées entre la copie certifiée conforme et l’original du Carnet, il doit tout d’abord être précisé que, comme l’a indiqué le groupe Campofrio, sans qu’aucun élément du dossier permette de mettre en cause ses déclarations, après que la copie conforme, certifiée par huissier le 4 septembre 2012, a été versée au dossier, l’original du Carnet a été restitué à M. JLG (Campofrio), puis récupéré par l’entreprise à l’issue des opérations de visite et saisie le 25 juin 2013 (et remis à l’Autorité le 15 mars 2017). Il n’est donc pas anormal, en soi, que ce document ait pu, entre la date de certification par huissier de justice et sa récupération par le groupe Campofrio, connaître des évolutions.
366. S’il faut souligner qu’au moment de la certification du document par constat d’huissier aucun changement de spirale n’a été relevé, l’Autorité relève en outre que l’explication apportée par le groupe Campofrio quant au changement de spirale lié aux manipulations successives du Carnet postérieurement à ce constat apparaît plausible.
367. Il en est de même des précisions apportées quant à l’utilisation d’un crayon de papier ou l’état d’usure différent de la pièce de comparaison, Mme CM précisant d’ailleurs sur ce dernier point dans sa réponse aux observations du groupe Roullier sur le pré-rapport qu’il convenait d’être prudent sur les conséquences à tirer de ce constat, eu égard à la finalité et au format différents des deux documents.
368. Enfin, et surtout, il importe de relever qu’en tout état de cause, les notes figurant sur les 21 feuillets d’origine sont strictement identiques sur les deux documents, comme le constate expressément le rapport d’expertise, ce point n’étant d’ailleurs contesté par aucune des parties.
369. Au vu de ces différents constats, il n’y a donc pas lieu de remettre en cause l’authenticité matérielle du Carnet.
Sur la crédibilité
370. Ainsi que l’ont souligné les services d’instruction, la Cour d’appel de Paris a, à plusieurs reprises, et notamment dans son arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, indiqué : « (…) quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité ; que selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et partant la valeur probante d’un document dépend de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (…) ».
371. En l’espèce, les modalités d’élaboration de ce document ont été décrites de la manière suivante par le groupe Campofrio :
« [M. JLG ] consign[ait] manuscritement dans un carnet de notes dédié (le Carnet) (…) la date et la nature de ses échanges avec les concurrents. Ce Carnet retrace l’historique de ces échanges depuis juin 2010 (et jusqu’à septembre 2012) et fournit des informations essentielles sur les pratiques en cause, les dates de réunions et d’appels téléphoniques, les concurrents concernés, les sujets abordés et informations échangées, les accords trouvés etc. Ce Carnet Oxford de format A4 est organisé en sections séparées par des onglets. Les onze premières sections sont chacune dédiée à un distributeur client différent, chaque section comprenant donc les notes d’appel avec des concurrents relatifs à une enseigne. Il contient également un onglet « N°TEL » répertoriant les coordonnées téléphoniques de la plupart des interlocuteurs (participant ou non aux Pratiques) de Monsieur JLG chez les concurrents du Demandeur. D’autres onglets (« Divers Infos », « Tarifs » et «Orga»)contiennent des informations et notes d’appels ou de réunions avec des concurrents concernant des sujets plus généraux ».
372. De son côté, M. JLG (Campofrio) a précisé :
« A partir de 2010, les pratiques se sont intensifiées. J’ai commencé à prendre des notes dans le carnet, ce qui me permettait de me rappeler de ce que je disais et de ce que me disaient les autres (…) Si je prenais beaucoup de notes, c’était pour me rappeler précisément ce que je disais et ce que les autres concurrents me disaient, dans un contexte où, parfois, il pouvait y avoir des situations de «bluff » (c’est-à-dire qu’il pouvait m’arriver d’indiquer un prix légèrement différent du prix réel et les autres pouvaient faire de même). Lors des appels téléphoniques, j’appelais mais j’étais appelé également et les informations communiquées étaient réciproques, portant en général sur une hausse de tarifs ou un appel d’offres (…) Je prenais toujours mes notes sous la même forme et elles avaient toujours la même signification : les initiales désignaient mon interlocuteur ; la date désignait le jour de notre appel téléphonique ».
373. Il a ajouté, par ailleurs :
« je n’avais pas tout le temps mon carnet sous la main. Parfois, je prenais des notes sur un post-it ou sur une feuille volante, que je retranscrivais ensuite dans le carnet. Mais, le plus souvent, je notais directement l’information sur mon carnet au moment de l’appel téléphonique ».
374. Ainsi que :
« (…) je peux affirmer avoir eu au téléphone la personne dont les initiales sont notées sur le carnet à la date que j’indique. Sur l’ensemble du carnet, il se peut toutefois qu’à la marge il puisse y avoir quelques erreurs d’un jour sur la date retranscrite ».
375. Selon ces déclarations, il apparaît que le contenu du Carnet est effectivement relatif à des pratiques anticoncurrentielles, qu’il leur est contemporain et qu’il a été rédigé par un des participants, autant d’éléments qui satisfont les critères fixés par l’arrêt Beauté Prestige International précité.
376. Par ailleurs, ce même arrêt prend soin de préciser : « (…) qu’en ce qui concerne la valeur probante des déclarations, une crédibilité particulièrement élevée peut être accordée à celles qui premièrement sont fiables, deuxièmement sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement proviennent d’une personne tenue de l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion».
377. Force est de constater qu’en l’espèce, l’ensemble des critères énumérés ci-dessus sont remplis et que, par conséquent, il convient, dès ce stade, de considérer que les déclarations du demandeur de clémence et de M. JLG (Campofrio) présentent, intrinsèquement, un degré élevé de crédibilité.
378. De plus, si les déclarations d’un demandeur de clémence doivent être appréciées avec prudence270, notamment lorsque, comme en l’occurrence, elles sont contestées par certaines entreprises mises en cause, leur crédibilité ne saurait être contestée par principe, et encore moins dès lors qu’elles sont étayées par d’autres éléments extrinsèques figurant au dossier.
379. Au cas particulier, l’Autorité relève d’abord que la crédibilité des notes de M. JLG (Campofrio) n’est pas remise en cause par les parties en ce qui concerne les 5 réunions multilatérales reportées dans le Carnet. Hormis deux sociétés contestant leur participation à la réunion du 25 octobre 2011, la totalité des parties mises en cause reconnaissent en effet avoir assisté aux réunions qui leur sont opposées. Il convient par ailleurs de noter que les services d’instruction ont pu réunir, pour chacune de ces 5 réunions, plusieurs documents externes de nature à corroborer leur existence et la teneur des échanges entre les participants (voir paragraphes 196 et suivants).
380. S’agissant des échanges bilatéraux, il est patent – comme cela sera démontré ci-après - que les notes prises par M. JLG (Campofrio) dans le Carnet, qu’il s’agisse de celles afférentes aux réunions multilatérales ou de celles relatives aux échanges bilatéraux sont, pour bonne part, recoupées par des éléments fournis par le second demandeur de clémence, et notamment les notes, les comptes rendus internes et le relevé téléphonique des appels de M. GP, directeur commercial de plusieurs sociétés appartenant au groupe Coop (voir, ci-après, paragraphe 95).
381. À titre d’exemples non-exhaustifs, outre ceux cités dans le Rapport par les services d’instruction271, les échanges suivants consignés dans le Carnet sont corroborés par les documents émanant du second demandeur de clémence :
Tableau
382. Outre les éléments émanant du second demandeur de clémence, les notes du Carnet sont corroborées par d’autres éléments, tels les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio), mais également des courriels, des télécopies, ainsi que des notes émanant des entreprises mises en cause. Il convient à cet égard de noter que la majorité des échanges bilatéraux consignés dans le Carnet (263272 échanges sur les 416 échanges273) sont corroborés par au moins un élément extérieur audit Carnet.
383. S’agissant des arguments avancés par le groupe Savencia quant à la supposée connaissance par M. JLG (Campofrio) de la demande de clémence, outre qu’aucun élément probant n’est fourni à l’appui de cette assertion, et que le groupe Campofrio s’est parfaitement expliqué à cet égard 274, un courriel - reproduit ci-dessous - envoyé le 23 mai 2013 par le rapporteur aux conseils du groupe Campofrio, à la suite des opérations de visite et saisie, confirme que, de fait, M. JLG (Campofrio) n’avait pas été informé de la demande de clémence :
« Bonjour Maître,
J’ai cherché à vous joindre pour faire un premier débriefing de notre opération pour envisager les suites de l'instruction,
(…)
je pense que les responsables achats et ventes pourraient être mis au courant à présent, même si cela eût été peut-être plus efficace qu'ils le fussent dès le jour de l'opération afin de solliciter leur concours plutôt que de les abandonner à leur éventuel stress, non ? » (cote 48181, soulignement ajouté).
384. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent certaines entreprises mises en cause au titre du seul grief n° 3, il ne saurait être question de mettre en cause la fiabilité du Carnet s’agissant de ce grief, au seul motif que les éléments corroboratifs externes sont moins nombreux que pour le grief n° 2. En effet, si, de fait, ce constat est exact, il ne résulte que de la seule circonstance, indifférente à l’appréciation de la crédibilité du Carnet, de l’absence de fourniture d’éléments probants par le second demandeur de clémence, celui-ci n’étant actif que sur le marché des produits crus. Par ailleurs, plusieurs éléments corroborant les informations figurant dans le Carnet ont été identifiés, même s’ils sont en nombre inférieur. De plus, et par définition même, dès lors que le Carnet peut être considéré comme crédible pour le grief n° 2 et que ce document constitue un tout indivisible, il n’y a pas lieu d’établir de distinguo entre les deux griefs quant à la valeur probante du Carnet.
385. Enfin, à titre purement subsidiaire, eu égard au faisceau d’éléments probants attestant de la crédibilité du Carnet, s’agissant de la conclusion du rapport d’expertise, qui prouverait, selon les entreprises concernées, que M. JLG (Campofrio) aurait «menti », dès lors que contrairement à ce qu’il a déclaré aux services d’instruction, ses notes n’auraient pas été prises sur le vif mais auraient été retranscrites, il convient de rappeler, d’une part, que M. JLG lui-même n’a pas écarté radicalement l’hypothèse d’une retranscription a posteriori du contenu des échanges - pour preuve, ses déclarations «Parfois, je prenais des notes sur un post-it ou sur une feuille volante, que je retranscrivais ensuite dans le carnet » -, d’autre part, que l’expression employée par ses soins, selon laquelle il prenait ses notes «au moment de l’appel téléphonique » n’exclut pas une prise de notes certes non parfaitement concomitante audit appel, mais immédiatement postérieure, enfin que les éléments d’information apportés par le groupe Campofrio quant à la dextérité acquise par M. JLG (Campofrio) dans la prise de notes peuvent également être pris en considération, quod non, pour relativiser la conclusion du rapport d’expertise.
386. Dans ces conditions, le Carnet doit être considéré comme un élément de preuve ne pouvant être écarté du faisceau d’indices permettant de démontrer l’existence des pratiques anticoncurrentielles alléguées et la demande des entreprises concernées en ce sens ne peut qu’être rejetée.
B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION
387. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE275, trois éléments doivent être établis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union : l’existence d’un courant d’échanges entre les États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
388. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »276.
389. S’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »277.
390. Par ailleurs, le point 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission européenne, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :
- la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l’accord n’excède pas 5 % ;
- et, dans le cas d’accords horizontaux, le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé dans l’Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l’accord n’excède pas 40 millions d’euros.
391. En l’espèce, les pratiques concernées sont des ententes horizontales entre concurrents relatives à des achats de pièces de jambon industriel et à des ventes de produits de charcuterie pour la grande distribution. Plusieurs des entreprises concernées sont des groupes de dimension internationale disposant d’unités de production et de filiales implantées dans différents États membres de l’Union.
392. En outre, les pratiques sont intervenues dans un secteur qui dépasse le seul cadre du marché national, en raison notamment de l’existence avérée d’un courant d’échanges intra-communautaires
393. Du reste, la première série de pratiques a été mise en œuvre par quatre entreprises qui représentent la grande majorité des fabricants de jambons cuits en France, pour un chiffre d’affaires réalisé avec les produits concernés par les pratiques dépassant largement40millions d’euros. De même, les deuxième et troisième séries de pratiques ont été respectivement mises en œuvre par huit et sept entreprises représentant la plus grande partie du marché de la charcuterie MDD en France, pour un chiffre d’affaires réalisé avec les produits concernés par les pratiques dépassant également largement 40 millions d’euros.
394. Il en résulte que les pratiques en cause sont susceptibles d’avoir affecté sensiblement le commerce entre les États membres, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties mises en cause. Ces pratiques doivent, en conséquence, être examinées tant au regard des règles de concurrence de l’Union que des règles internes.
C. SUR LA DEFINITION DES MARCHÉS PERTINENTS
1. RAPPEL DES PRINCIPES
395. Afin de définir le marché de produits ou de services, il convient de rechercher si les produits ou les services en cause sont considérés par les acheteurs « comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage »278.
396. Dans le même sens, la Commission européenne a rappelé, dans sa communication n° 97/C 372/03 du 9 décembre 1997 sur la définition du marché en cause, que le marché de produits « comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »279.
397. Le marché géographique, quant à lui, comprend : « le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable »280.
398. Il ressort de la jurisprudence que l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101 du TFUE s’impose uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun281.
399. De même en droit interne, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes horizontales, comme c’est le cas en l’espèce, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre282 2
2. APPLICATION DES PRINCIPES
400. Comme exposé préalablement, les pratiques relevées ont porté sur le secteur des achats de pièces de jambon industriel et des ventes de produits de charcuterie pour la grande distribution.
a) Délimitation des marchés de produits concernés
401. Il résulte des éléments exposés au titre des constatations qu’au cas d’espèce, les pratiques doivent être analysées en référence, d’une part, à un marché des achats en JSM destiné à la commercialisation des jambons cuits sous marque des charcutiers-salaisonniers ou sous MDD et 1er prix et, d’autre part, à un marché de la commercialisation de charcuterie ou salaisonnerie sous MDD et 1er prix.
Le marché des achats en JSM
402. La première série de pratiques se rapportant au grief n° 1 a concerné le marché des achats en JSM. Elle a porté sur la variation de prix hebdomadaire des achats de JSM par quatre des plus importantes entreprises de salaisonnerie en France283 auprès des plus importants fournisseurs français en JSM, au premier rang desquels les abatteurs Cooperl Arc Atlantique, Bigard/Socopa et Gad. La divulgation de cet élément était de nature à affecter l’ensemble des ventes de JSM en France, notamment en raison de sa cotation officielle, également hebdomadaire, sur le MIN de Rungis.
Le marché de la commercialisation de produits de charcuterie et salaisonnerie MDD
403. La deuxième et la troisième série de pratiques se rapportant aux griefs n° 2 et 3 ont porté sur le marché de la commercialisation de produits de charcuterie et salaisonnerie MDD et premier prix à base de viande de porc et de volaille, à la coupe ou à l’UVC, à destination des enseignes GMS et Hard Discount en France : Carrefour/Ed/Dia, Auchan, Leclerc, Casino, Système U, ITM, Cora, Aldi, Lidl, Francap, Metro.
404. L’Autorité a analysé le marché de la vente de produits de charcuterie salaison dans sa décision n° 17-DCC-169 et a envisagé une segmentation (i) par famille de produits284 et (ii) canal de distribution (GMS, industrie agroalimentaire et RHF).
405. Le canal des GMS a fait l’objet de sous-segmentations supplémentaires, selon notamment le positionnement commercial du produit avec une distinction entre les marques de fabricant («MDF ») et les marques de distributeur (« MDD »), lesquelles comprennent également les marques de premier prix (« MPP ») et les marques « hard discount » («MHD»).
406. À cet égard, l’Autorité a considéré dans sa décision n° 11-DCC-104 du 4 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société FIMA par la Société Financière Turenne Lafayette que « les fabricants de produits vendus sous MDD n’interviennent qu’en application d’un cahier des charges défini par l’enseigne et n’ont aucun rôle dans la définition des stratégies commerciales de ces marques (décisions de lancer de nouveaux produits, politique de communication etc.). L’identité de l’opérateur qui approvisionne une enseigne pour ses MDD reste inconnue du consommateur final. De plus, les achats auprès des fabricants des produits vendus sous MDD se font la plupart du temps par la voie d’appels d’offres et les contrats sont de courte durée (…) les mêmes fabricants fournissent souvent la grande distribution en produits sous MDD et en produits à leur marque. Leurs positions sur les deux segments de produits sont donc interdépendantes puisqu’elles déterminent l’utilisation de leurs capacités et leurs perspectives de développement » (paragraphes 12-14).
b) Dimension géographique du marché concerné
407. Dans la décision n° 11-DCC-104 précitée, l’Autorité a indiqué que : « Les autorités de concurrence nationales et communautaires ont retenu une dimension nationale pour les marchés de la charcuterie salaison » (paragraphe 16). De même, dans sa décision n° 09-DCC-52 du 12 octobre 2009 relative à la prise de contrôle de la société Brocéliande -ALH SA par le groupe Cooperl Arc Atlantique, l’Autorité a relevé que « les autorités de concurrence nationales et communautaires ont retenu une dimension nationale pour la plupart des marchés du secteur de la viande. En effet, hormis les marchés de la collecte d’animaux, qui sont de dimension locale, les autres marchés du secteur de la viande ont été considérés comme étant de dimension nationale par les autorités de concurrence en raison des habitudes de consommation qui diffèrent souvent d’un pays à l’autre ».
408. Aucun élément de nature à modifier les analyses exposées ci-dessus n’ayant été versé aux débats, il y a donc lieu de considérer que les marchés concernés par les pratiques constatées sont :
- le marché français des achats en JSM ;
- le marché français de la commercialisation de produits de charcuterie et salaisonnerie.
D. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
1. RAPPEL DES PRINCIPES
a) En ce qui concerne l’existence d’un accord anticoncurrentiel
409. L’article 101, paragraphe 1 du TFUE et l’article L. 420-1 du Code de commerce prohibent notamment les accords et les pratiques concertées entre entreprises qui ont pour objet ou effet de restreindre la concurrence.
Sur la notion d’accords et de pratiques concertées
410. L’existence d’un accord est établie dès lors que les entreprises ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée285. L’existence d’une pratique concertée peut être démontrée par des éléments convergents prouvant que des contacts ont eu lieu entre un certain nombre d’entreprises et qu’elles poursuivaient le but commun d’éliminer ou de réduire l’incertitude relative à leur comportement futur sur le marché286.
Sur la preuve des accords et des pratiques concertées
411. La cour de justice a indiqué, dans son arrêt Aalborg Portland c/ Commission, du 7 janvier 2004, que « l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre les opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence »287.
412. La preuve des accords et pratiques concertées peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant288.
413. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants289. Ainsi, « pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire que (l’Autorité de la concurrence) fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence »290.
414. La pratique décisionnelle et la jurisprudence ont, en outre, reconnu la valeur probante des déclarations des participants à des accords et pratiques concertées y compris dans le cas particulier où les déclarations émanent d’un demandeur de clémence.
415. À cet égard, il ressort de la jurisprudence européenne qu’« une valeur probante particulièrement élevée peut (…) être reconnue [aux déclarations] qui, premièrement, sont fiables (JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210), deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue de l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210). En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, invoquée par les requérantes, que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et de maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l’application de la communication sur la coopération en vue d’obtenir une immunité ou une réduction de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération »291.
Restriction par objet
416. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que « certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (arrêt CB/Commission, C ‑ 67/13 P, EU:C:2014:2204, point 49 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 50 et jurisprudence citée). Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 51 et jurisprudence citée) »292.
417. Dans son arrêt du 4 juin 2009, T-mobile Netherlands BV, la Cour de justice a précisé qu’en « ce qui concerne la possibilité de considérer une pratique concertée comme ayant un objet anticoncurrentiel bien que cette dernière n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation, il y a lieu de relever que le libellé de l’article [101], paragraphe 1, CE ne permet pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux. Au contraire, il ressort dudit article [101], paragraphe 1, sous a), CE qu’une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à “fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction”. (…) Dès lors, contrairement à ce que semble considérer la juridiction de renvoi, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation »293.
418. Dans ce sens, le Tribunal de l’Union a relevé, dans son arrêt du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV) et autres/Commission que « (…) l’article [101], paragraphe 1, sous a), CE prévoit expressément que constituent des restrictions de concurrence les mesures qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente. Selon une jurisprudence bien établie, la fixation des prix constitue en effet une restriction patente de la concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T 148/89, Rec. p. II 1063, point 109, et du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T 374/94, T 375/94, T 384/94 et T 388/94, Rec. p. II3141, point 136). En l’espèce, les requérantes se sont accordées sur une grille de prix d’achat à l’entrée de l’abattoir pour certaines catégories de bovins, qui prévoyait une liste de prix au kilogramme de carcasse pour certaines catégories de vaches et le mode de calcul du prix à appliquer pour d’autres catégories, en fonction notamment du prix fixé par les autorités communautaires dans le cadre du régime d’achat spécial. (…) Or, par sa nature même, un accord comme celui de l’espèce, conclu entre des fédérations représentant des exploitants agricoles et des fédérations représentant des abatteurs et fixant des prix minimaux pour certaines catégories de vaches, avec pour objectif de les rendre obligatoires pour l’ensemble des opérateurs économiques intervenant sur les marchés en cause, a pour objet de restreindre le libre jeu de la concurrence sur ces marchés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 janvier 1985, BNIC, 123/83, Rec. p. 391, point 22), notamment en limitant de façon artificielle la marge de négociation commerciale des éleveurs et des abatteurs et en faussant la formation des prix dans les marchés en cause »294.
419. De même, la Commission européenne, dans la décision n°C (2005) 4012 final du 20 octobre 2005, qualifiant d’anticoncurrentielle en raison de son objet une pratique de fixation des prix d’achat communs, a relevé que « le prix d’achat est un aspect fondamental du comportement concurrentiel de toute entreprise intervenant dans une filière de transformation et qu’il est également, par définition, susceptible d’affecter le comportement des mêmes entreprises sur tout autre marché sur lequel elles entrent en concurrence (…). Il en est particulièrement ainsi lorsque, comme dans le cas présent, le produit visé par l’entente (le tabac brut) constitue un intrant important des activités exercées par les participants »295.
420. En droit national, le 2° de l’article L. 420-1 du Code de commerce prohibe les pratiques qui tendent à : « Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ».
421. Faisant application de ces principes, l’Autorité, dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier, a considéré qu’un accord visant à « fixer un prix d’achat commun des porcs les 2 et 5 septembre 2005 en l’absence de cours moyen établi au MPB le 1er septembre » a un objet anticoncurrentiel, même s’il « poursuit également d’autres objectifs légitimes »296.
422. Par ailleurs, la Cour de justice considère également que « les accords qui visent la répartition des marchés ont un objet restrictif de la concurrence en eux-mêmes et relèvent d’une catégorie d’accords expressément interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un tel objet ne pouvant être justifié au moyen d’une analyse du contexte économique dans lequel le comportement anticoncurrentiel en cause s’inscrit » (arrêt Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, EU:C:2013:866, point 218) »297.
b) En ce qui concerne la participation individuelle des entreprises
423. De manière générale, une entreprise doit rigoureusement s’abstenir de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et notamment sur la politique de prix des biens ou des services qu’elle offre sur le marché.
424. Ces prises de contact peuvent revêtir plusieurs formes. S’agissant de celles formalisées par des réunions, il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité que deux situations doivent être distinguées : celles dans lesquelles la concertation anticoncurrentielle se déroule au cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d’une organisation professionnelle et celles dans lesquelles l’entente est mise au point au cours de réunions informelles, de nature le plus souvent occulte ou secrète, et auxquelles participent de leur propre initiative les entreprises concurrentes298.
425. L’Autorité a précisé, à cet égard, dans sa décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais, que « ce type de réunion n’appelle qu’une réponse de la part des entreprises : refuser d’y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions, même si elle est passive, suffit en effet à conforter le mécanisme de l’entente : d’une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d’adopter sur le marché, alors que l’autonomie qu’exige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernières restent dans l’incertitude sur la stratégie de leurs concurrents ; d’autre part, elle permet aux participants plus actifs d’escompter que l’absence d’opposition de l’entreprise en cause ne viendra pas perturber le jeu collusif (décision n° 07-D-48 du Conseil du 18 décembre 2007, précitée, paragraphe 180, confirmée par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 février 2009, précité, p. 9 ; voir également arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-04529, point 60) »299.
426. La responsabilité d’une entreprise déterminée est ainsi valablement retenue lorsqu’elle a participé à des réunions en ayant connaissance de leur objet anticoncurrentiel. Son assiduité plus ou moins grande à ces réunions, la durée de sa participation à l’entente ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction300.
427. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement de leur contenu, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle souscrit au résultat des réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré comme établi qu’elle participe à l’entente résultant de ces réunions301.
428. Plus particulièrement, dans son arrêt Sarrio, du 16 novembre 2000, la Cour de justice a jugé que « la circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats des réunions n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l’entente à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu »302.
429. Cette position a été confirmée par l’arrêt Dansk Rorindustri du 28 juin 2005 qui précise que « aux fins de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité [devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE], il suffit qu’un accord ait pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d’accords se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d’une entreprise déterminée du chef de l’infraction est valablement retenue lorsqu’elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci. L’assiduité plus ou moins grande de l’entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction »303.
430. S’agissant de la notion de distanciation publique, le Tribunal a jugé que : « (…) il convient de rappeler que la notion de distanciation publique en tant qu’élément d’exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive. Afin de se dissocier effectivement des discussions anticoncurrentielles, il incombe à l’entreprise concernée d’indiquer à ses concurrents qu’elle ne souhaite en aucun cas être considérée comme membre de l’entente et participer à des réunions anticoncurrentielles. En tout état de cause, le silence observé par un opérateur dans une réunion au cours de laquelle une discussion anticoncurrentielle illicite a lieu ne peut être assimilé à l’expression d’une désapprobation ferme et claire. En effet, l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. I-4567, points 103 et 124). »304.
2. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF N°1
431. Sera successivement abordée la question de la preuve des pratiques (a), de leur qualification juridique (b), de leur durée (c) et, enfin de la participation individuelle de chaque entreprise partie à l’entente (d).
a) Sur la preuve des pratiques
432. Il ressort des éléments exposés aux paragraphes 157 et suivants et à l’Annexe n° 1 au Rapport que si certains des indices exposés ci-avant sont susceptibles, même pris isolément, d’attester l’existence d’échanges entre les groupes Campofrio, Fleury Michon, Les Mousquetaires et FTL sur les variations du prix d’achat du JSM, la concordance fréquente de plusieurs de ces indices permet de confirmer que ces groupes, nonobstant les dénégations de certains d’entre eux, ont eu des échanges réguliers et continus sur les variations du cours du JSM, le plus souvent les jeudis et vendredis avant le début des échanges avec les abatteurs, mais parfois également les lundis et/ou mardis, voire le mercredi et le jeudi, lorsque les négociations avec les abatteurs étaient bloquées (voir les constatations opérées aux paragraphes 184 et suivants).
Arguments des parties
433. Il convient tout d’abord de préciser que le groupe Fleury Michon a reconnu l’existence de contacts avec les groupes Campofrio, FTL et Les Mousquetaires pour 18 dates sur les 85 retenues dans la notification de griefs. Le Groupe FTL a également concédé avoir procédé à quelques échanges avec ses concurrents lors de semaines « difficiles »305.
434. Pour le reste, les entreprises mises en cause, notamment Fleury Michon et Les Mousquetaires, contestent, dans un premier temps, l’existence d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, au motif que la plupart des échanges retranscrits aux paragraphes 157 et suivants ou dans l’Annexe n° 1 au Rapport, ne seraient pas - ou pas suffisamment - corroborés.
435. Elles reviennent, dans un second temps, sur chaque catégorie d’éléments constituant le faisceau d’indices, pour en conclure que les documents et pièces retenus à leur encontre ne sont, en tout état de cause, pas probants.
436. Les groupes Fleury Michon306 et Les Mousquetaires avancent, en premier lieu, que les informations figurant dans les notes de M. CD (Fleury Michon) auraient été obtenues auprès des abatteurs ou différents acteurs présents sur le marché de Rungis, et non auprès de leurs concurrents. Ils ajoutent en outre que ces notes étant trop imprécises, il n’est pas possible de savoir si elles se rapportent aux pratiques en cause.
437. Les groupes Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires, estiment, en deuxième lieu, que les informations portant sur les variations de prix du JSM figurant dans les courriels internes présents au dossier –dont aucun ne provient du groupe Les Mousquetaires, comme souligné par celui-ci307 – ne seraient que des remontées d’informations à leurs équipes respectives après la clôture des négociations ou, alternativement, des réflexions personnelles de leurs salariés. Ils insistent par ailleurs sur l’absence de courriels entre concurrents au dossier, malgré les opérations de visite et saisie, ce qui démontrerait là encore l’absence d’entente entre les concurrents.
438. Les mises en cause considèrent, en troisième lieu, que de simples relevés d’appels téléphoniques, au surplus partiels et ne reflétant que des appels sortants, ne suffisent pas à établir des échanges anticoncurrentiels entre concurrents. Les échanges concernés pourraient en effet être parfaitement licites, certains salariés impliqués dans les pratiques alléguées entretenant des relations amicales ou se contactant du fait de leurs mandats respectifs à la FICT (voir les paragraphes 176 et 177 de la présente décision). Les appels listés auraient, par ailleurs, été passés en dehors des jours des négociations avec les abatteurs.
439. Le groupe Les Mousquetaires conteste, en dernier lieu, la valeur probante des tableaux de M. JCN (Les Mousquetaires), ceux-ci n’étant, selon lui, que de simples projections personnelles à usage interne et nullement le fruit d’une concertation entre concurrents.
Analyse de l’Autorité
Sur l’existence d’un faisceau d’indices graves, précis, et concordants
440. Comme rappelé ci-avant, un faisceau d’indices est, par définition même, composé de différents éléments de preuve qui ne sont pas nécessairement suffisamment probants individuellement mais qui peuvent former, lorsqu’ils sont combinés, un ensemble de présomptions suffisamment graves et concordantes. Il est, en conséquence, tout à fait artificiel de vouloir en analyser séparément les différents éléments, comme le font les mises en cause dans leurs observations.
441. En l’espèce, l’existence d’échanges réguliers et continus sur les variations du cours du JSM entre les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires est démontrée par la combinaison des différentes catégories de preuves ou indices suivantes :
- les notes de M. CD (Fleury Michon) (voir les paragraphes 167 et suivants ainsi que l’Annexe n° 1 au Rapport) ;
- les courriels internes aux groupes Campofrio, Fleury Michon et, dans une moindre mesure, FTL (voir les paragraphes 170 et suivants ainsi que l’Annexe n° 1 au Rapport) ;
- les relevés téléphoniques des lignes fixe et portable de M. PP (Caby/Campofrio) (voir les paragraphes 172 et suivants ainsi que l’Annexe n° 1 au Rapport) ;
- l’analyse des synthèses hebdomadaires du MIN de Rungis (voir le paragraphe 181ainsi que l’Annexe n° 1 au Rapport).
442. Ces éléments forment, ensemble, un faisceau d’indices graves, précis et concordants.
443. En revanche, l’Autorité écartera de ce faisceau les tableaux de synthèse de M. JCN (Les Mousquetaires) présentés aux paragraphes 178 et suivants de la présente décision. De fait, comme relevé à juste titre par le groupe Les Mousquetaires dans ses observations, il apparaît, d’une part, que les variations de prix figurant sur ces tableaux se sont avérées inexactes dans environ la moitié des cas, d’autre part, que les arguments selon lesquels M. JCN (Les Mousquetaires) était en mesure, de par son expérience, d’établir des projections d’évolution du cours du JSM en fonction des variables habituelles du secteur concerné ne sont pas dénués de pertinence. Cette circonstance est toutefois sans incidence sur l’existence d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, au regard de la force probante des autres éléments.
444. Quelques illustrations de cette force probante sont exposées ci-après. Pour le reste, le tableau figurant à l’Annexe n° 1de la présente décision liste de manière exhaustive tous les échanges retenus ainsi que les éléments de corroboration.
Illustrations
445. Le vendredi 14 janvier 2011, les éléments suivants attestent, d’une part, de la volonté commune d’Aoste (Campofrio), de CCA et de Madrange (FTL) ainsi que de Salaisons Celtiques/Onno (Les Mousquetaires) d’une reconduction à l’identique du cours du JSM lors des négociations avec les abatteurs, d’autre part, du fait que la synthèse du MIN est effectivement conforme aux discussions entre ces entreprises :
Tableau
446. Il en est de même le vendredi 2 décembre 2011, où les notes de M. CD (Fleury Michon), un courriel interne à FMC et les relevés téléphoniques de M. PP (Jean Caby/Campofrio), ainsi que la synthèse du MIN se corroborent mutuellement pour établir la tenue ce jour d’échanges entre concurrents (FTL, Campofrio, FMC) sur leurs positions respectives :
Tableau
447. Les échanges entre concurrents étaient encore plus nombreux lors des situations de tensions entre abatteurs et charcutiers salaisonniers sur le marché de Rungis, conduisant au blocage et au prolongement des négociations entre les parties. Le groupe FTL a d’ailleurs concédé sur ce point que des échanges d’informations en vue de se coordonner ont pu être mis en œuvre mais qu’ils ont été peu nombreux et limités à des contextes particuliers, lors de quelques semaines « difficiles », au nombre d’environ 7 sur 52 par année314.
448. Ainsi, par exemple, du jeudi 13 octobre 2011 au mercredi 19 octobre 2011, les notes de M. CD (Fleury Michon), les relevés téléphoniques de M. PP montrant un grand nombre d’échanges téléphoniques entre concurrents, ainsi que les courriels internes au groupe Campofrio, se corroborent mutuellement pour établir l’existence de multiples échanges entre concurrents durant toute la durée du blocage des négociations pour faire face à cette situation et tenter d’obtenir une reconduction du cours du JSM, cet objectif n’ayant, certes, pas été atteint, mais la variation à la hausse ayant toutefois été moins importante que celle souhaitée par les abatteurs :
Tableau
Sur l’analyse des synthèses hebdomadaires du MIN de Rungis
449. Bien que ce point ne soit pas explicitement contesté par les parties, il convient de souligner que l’analyse des synthèses hebdomadaires du MIN de Rungis menée par les services d’instruction confirme l’existence d’échanges entre concurrents salaisonniers en amont des négociations sur le marché de Rungis pour s’accorder sur une position commune à tenir face aux abatteurs.
450. En effet, il ressort de cette analyse que dans la plupart des cas324 – comme illustré ci-avant -, la variation issue des négociations est identique ou proche (+/- 4 centimes)325 aux positions communiquées par les entreprises mises en cause et retranscrites dans les notes de M. CD (Fleury Michon) et/ou les différents courriels internes cités ci-avant pour une semaine donnée.
Sur les arguments des parties
S’agissant de l’origine des informations contenues dans le carnet de M. CD (Fleury Michon)
451. Les éléments constitutifs du faisceau d’indices, lus ensemble, conduisent à écarter les arguments des parties s’agissant de l’origine des informations contenues dans le carnet de M. CD (Fleury Michon).
452. Premièrement, pour établir l’existence d’une prétendue communication d’informations par les acteurs du marché de Rungis, abatteurs ou courtiers, et notamment la société VAC intervenant sur le MIN326, le groupe Fleury Michon s’appuie sur les déclarations de M. CD (Fleury Michon) selon lesquelles la mention « Rungis » apparaissant parfois dans ses notes manuscrites signifierait que les notes en question correspondent à des informations communiquées par cette société. Toutefois, cette mention n’apparaît pas systématiquement dans les notes de M. CD (Fleury Michon), d’une part, et lorsqu’elle apparaît, elle est distincte des mentions reprenant le nom des sociétés appartenant aux groupes Campofrio, Fleury Michon et FTL ayant pris part aux pratiques et en face desquelles sont retranscrites les informations concernant les variations de prix des concurrents, d’autre part. Par exemple, les notes du vendredi 2 septembre 2011 de M. CD (Fleury Michon) précisent :
« le 2/9/2011
->VAC/Rungis : - 10cts [gras ajouté]
->Onno : - 10 cts
->Aoste : - 10 cts
->(…)
->Madrange : (…) -10 cts »327.
453. En tout état de cause, si certaines informations peuvent effectivement provenir des abatteurs, cette circonstance n’est pas de nature à contredire le fait que les concurrents du groupe Fleury Michon aient, eux-mêmes, pu communiquer en parallèle ces informations à M. CD (Fleury Michon).
454. Deuxièmement, le groupe Fleury Michon soutient que les notes de M. CD (Fleury Michon) ne précisaient pas les pièces de viande concernées et pouvaient donc être relatives à d’autres morceaux. Cependant, il apparaît tout d’abord à la lecture de ces notes qu’elles font souvent expressément référence au JSM. Par exemple, le jeudi 13 octobre 2011 :
« le 13/10/11 (…)
Aoste [Campofrio] : Message
Onno [Les Mousquetaires] : 0 dans le jbs (…) [gras ajouté]
CCA [FTL] : Ne comprend pas Ne veut pas bouger
-> Rev demain matin
(…) »328.
455. Par ailleurs, si la référence au JSM ne figure pas systématiquement dans les notes de M. CD (Fleury Michon), il ressort de ces notes elles-mêmes que c’est lorsque le produit concerné n’était pas du JSM que M. CD (Fleury Michon) prenait le soin de le préciser Par exemple, le vendredi 20 mai 2011 :
« le 20/5/11
-Rungis : (…)
Jambon 5 à 7 -> 10?
Hachage 5
Longe idem
-Onno : longe :
Epaule :
Jambon :
-Madranges : - 10
-P[FTL]: -10
(…) »329.
456. En conséquence, il apparaît, par défaut, que les notes de M. CD (Fleury Michon) concernant les variations de prix de ses concurrents avaient pour objet le JSM. Et, en toute hypothèse, lues avec les autres éléments du faisceau d’indices, elles contribuent à établir que les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires échangeaient bien sur les variations du prix du JSM. Par exemple, le vendredi 13 janvier 2012, ces notes mentionnent :
« le 13/1/2012 (…)
Onno [Les Mousquetaires] : 0 travail (…)
P [FTL] : - 7cts »330.
457. Or, le même jour, à 17h34, M. CD a envoyé un courriel interne au service Achats de Fleury Michon dans lequel il a écrit : « jambon : baisse de 7 centimes. (…) »331 (soulignement ajouté).
458. Finalement, la synthèse du JSM à Rungis par le RNM a connu une baisse de 6 centimes le vendredi 20 janvier 2012332.
459. Troisièmement, le groupe FTL avance que plusieurs extraits du carnet de M. CD (Fleury Michon) mentionneraient seulement son nom ou celui d’un de ses employés mais sans aucune précision complémentaire, ce qui montrerait qu’il n’y a pas eu d’échanges impliquant ce groupe ce jour-là. Par exemple, le vendredi 2 mars 2012, M. CD a écrit :
« le 2/3/2012 (…)
Onno veut baisse – 5cts -5cts jbs
FB[FTL] : »333 .
460. Toutefois, ce même jour les relevés téléphoniques de M. PP (Campofrio) attestent de l’existence de plusieurs appels à M. FB (FTL), dont un à 11h35334 avant la fin des négociations. C’est également le cas pour d’autres exemples soulevés par le groupe FTL dans ses observations.
461. Aussi, lorsque les notes de M. CD (Fleury Michon) mentionnent FTL sans autre précision, il est parfaitement plausible, eu égard à l’ensemble des éléments démontrant l’existence d’échanges entre les quatre salaisonniers avant ou pendant les négociations avec les abatteurs, que ce groupe ait également participé aux discussions ce jour-là.
462. Quatrièmement, le groupe Fleury Michon avance que les notes ne précisent pas l’heure à laquelle elles ont été prises et que les informations retranscrites auraient été communiquées après la fin des négociations et non avant ou pendant. Toutefois, ces notes, là encore croisées avec les autres pièces du dossier constituant le faisceau d’indices, montrent que l’intéressé avait connaissance d’informations sur les variations de prix de ses concurrents avant la fin des négociations avec les abatteurs.
463. En effet, certaines notes ne datent pas du vendredi mais des jours précédant les négociations avec les abatteurs. Corroborées par d’autres éléments du faisceau d’indices, ces notes confirment l’existence d’échanges avec les concurrents avant le début des négociations335. Par exemple, le jeudi 2 février 2012, veille des négociations avec les abatteurs, M. CD (Fleury Michon) a noté :
« le 2/2/2012
Aoste : jb -> + 8cts/7cts (…)
Onno : jb : +8 arrondi (…)
P[FTL]: jb : 8
(….)336».
464. Le même jour, à 15h43, M. CD (Fleury Michon) a envoyé un courriel au service Achats de Fleury Michon ayant pour objet «Negos Aoste est pour un + 8 (… ) »337. Le lendemain, à 18h24, il a envoyé un autre courriel au service Achats précisant « Jambon : + 8 centimes »338. Finalement, la synthèse du JSM s’est avérée en hausse de 8 centimes le vendredi 10 février 2012339.
465. Aussi, lors des semaines où faute d’accord les négociations se sont poursuivies au-delà du vendredi (voir le paragraphe 188 de la présente décision)340, les notes de M. CD (Fleury Michon) datent majoritairement du jeudi ou vendredi, ce qui confirme également l’existence d’échanges avant ou pendant les négociations avec les abatteurs341.
466. Enfin, les notes de M. CD (Fleury Michon) datant du vendredi les semaines où les négociations ont abouti ce jour révèlent, par leur contenu, et par leur croisement avec d’autres indices, qu’elles sont issues d’échanges avec les concurrents qui ont nécessairement eu lieu avant la fin des négociations avec les abatteurs342.
467. Les arguments portant sur l’absence de valeur probante du carnet de M. CD (Fleury Michon) doivent donc être écartés.
Sur la valeur probante des courriels
S’agissant de l’origine et du contenu des informations
468. Les groupes Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires avancent, tout d’abord, que les courriels internes aux groupes Campofrio, Fleury Michon et FTL ne peuvent être pris en compte, dès lors qu’ils auraient été envoyés postérieurement aux négociations entre abatteurs et salaisonniers par les acheteurs, ces derniers faisant simplement remonter à leurs équipes respectives l’issue des négociations hebdomadaires.
469. Toutefois, compte tenu des modalités de l’entente, à savoir la tenue d’échanges entre concurrents avant le début des négociations afin de fixer une position commune à défendre face aux abatteurs, soit le jeudi ou vendredi matin, les courriels présents au dossier échangés le vendredi avant 13h doivent être considérés comme ayant été adressés avant la fin des négociations.
470. Il en est de même pour les courriels échangés le vendredi après-midi ou les jours suivants, lorsqu’il est établi que les négociations se sont prolongées après le vendredi (voir le paragraphe 188 de la présente décision).
471. Les autres courriels internes, bien que postérieurs à la fin des négociations, révèlent également, qu’ils soient pris isolément ou en combinaison avec d’autres éléments du faisceau d’indices, l’existence d’échanges entre charcutiers-salaisonniers sur les variations de prix d’achat du JSM avant la clôture des négociations.
472. Par exemple, dans un courriel interne du service Achat viande du groupe Campofrio, envoyé le lundi 28 mars 2011 à 10h27, il est indiqué « lors des discussions hebdomadaires du vendredi concernant la cotation de Rungis, FB (CCA/FTL) m’a informé (…) »343.
473. De même, un courriel de M. LP (FTL) à M. FB (FTL) envoyé le vendredi 5 août 2011 à 14h01 précise «Pour info, nous avons bloqué les HA Jai demandé à GM[FTL] et à Fleury [FMC] d’attendre après déjeuner mais je pense que certains ont déjà bouclé chez quelques frs »344.
474. Ce courriel, lu avec les autres courriels échangés ce même jour avant 13h en interne chez FTL, mentionnant que leur auteur a «eu PP/Jean Caby/Campofrio] qui demande la baisse du jambon »345 ou chez Campofrio « I just finish a Call with FB from P [FTL]/Madrange [FTL] (…). Same thing with Onno [Les Mouquetaires] (…) »346, est parfaitement révélateur de l’existence d’échanges entre concurrents lors des négociations avec les abatteurs.
475. Il en est de même d’un courriel interne du service Achat à la direction des Achats du groupe Campofrio à 18h06 ce même jour qui mentionne «une longue discussion avec le directeur achats du groupe CCA (Paul Prédault + Madrange [FTL]) (…) »347.
476. Les parties avancent, par ailleurs, que le contenu de certains courriels ne permet pas de démontrer l’existence d’échanges bilatéraux mais ne fait que refléter des réflexions personnelles de leurs auteurs.
477. Cependant, il ressort des éléments du dossier qu’un certain nombre de courriels internes, notamment ceux détaillés aux paragraphes 175 et suivants de la présente décision, ont un objet et/ou contenu suffisamment explicites - leurs auteurs écrivant, par exemple « faire le point avec Onno, F et Madrange » « je lui (à un concurrent) ai expliqué (très très vivement) notre position »349 ou «P[FTL]: je lui ai laissé un message »350 etc. - pour ne pouvoir, en aucune façon, être considérés comme de simples «réflexions personnelles ».
478. Il en résulte que l’ensemble des arguments visant à contester la valeur probante des courriels internes doit être écarté.
Sur l’absence de courriels entre concurrents
479. Les groupes Fleury Michon et Les Mousquetaires font observer qu’en dépit des opérations de visite et saisie effectuées dans toutes les entreprises poursuivies, le dossier d’instruction ne contient aucun courriel entre concurrents.
480. Sur ce point, il convient de rappeler qu’en droit de la concurrence, la preuve est libre et que, partant, les échanges entre concurrents peuvent être démontrés par tout moyen.
481. Par ailleurs, ainsi que précisé par le demandeur de clémence, les échanges entre concurrents ont essentiellement pris la forme d’appels téléphoniques et non de courriels. Il n’est donc pas surprenant que le dossier ne comporte pas d’échanges de courriels entre concurrents et que les seuls courriels présents au dossier soient des courriels internes remontant les informations échangées avec les concurrents par téléphone.
482. Dès lors, les arguments tendant à affirmer que l’absence de courriels entre concurrents démontrerait que les pratiques litigieuses n’ont pas existé doivent être écartés.
Sur la valeur probante des relevés téléphoniques
483. Les groupes Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires soutiennent que les appels téléphoniques identifiés par le demandeur de clémence comme ayant été passés aux concurrents, à partir des relevés des opérateurs, d’une part, n’apportent aucun élément sur le contenu des conversations et leur caractère anticoncurrentiel, d’autre part, ont été désignés, pour certains d’entre eux, comme pouvant avoir un objet légitime par le demandeur de clémence lui-même (voir paragraphes 176 et 177 de la présente décision).
484. Toutefois, s’il est vrai que de simples relevés d’appels téléphoniques à des concurrents ne permettent pas, à eux seuls, de démontrer que les parties mises en cause ont échangé des informations de nature anticoncurrentielle, leur combinaison avec les autres éléments du faisceau d’indices permet d’apporter la preuve de l’existence de tels échanges.
485. En l’espèce, les différents éléments exposés ci-avant et lus ensemble font apparaître, de manière explicite, que l’indice constitué des appels téléphoniques passés aux concurrents par M. PP (Campofrio) n’est pas isolé et est corroboré par d’autres indices qui viennent confirmer, d’une part, l’existence d’échanges entre concurrents et, d’autre part, la nature anticoncurrentielle de ces échanges. Les relevés téléphoniques de M. PP (Campofrio)montrent également que celui-ci échange souvent le même jour ou dans un laps de temps restreint avec plusieurs de ses concurrents. Par exemple, le vendredi 14 octobre 2011, M. PP(Campofrio) a appelé, successivement, M. CD (Fleury Michon) à 16h52, M. JCN (Les Mousquetaires) à 16h58 et M. FB (FTL) à 17h07351. De même, le vendredi 16 mars 2012, l’intéressé a appelé M. CD (Fleury Michon) à 16h47 et M. FB (FTL) à 16h48352.
486. S’agissant, par ailleurs, des appels qui auraient pu être passés de manière « légitime », soit qu’ils concernent des échanges intervenus dans le cadre des négociations de la FICT ou de négociations commerciales licites, soit qu’ils relèvent d’échanges purement amicaux, il convient de relever, d’une part, que le demandeur de clémence a, de lui-même, et précisément pour ces motifs, écarté d’office certains appels, dont ceux passés par Mme SM (Aoste/Campofrio) et M. JC (Aoste/Campofrio), d’autre part, qu’aucun élément concret complémentaire de nature à corroborer cette assertion n’a été fourni par les parties.
487. Les parties avancent également que la plupart des appels sont de courte durée et n’ont pas eu lieu le vendredi matin comme évoqué par le demandeur de clémence mais d’autres jours de la semaine.
488. Sur ce point, il sera observé que ne sont recensés que les appels émis par M. PP (Campofrio) à ses concurrents, à l’exclusion des appels qu’il a lui-même pu recevoir, dont l’existence ne fait pas de doute, eu égard à certains courriels internes ou certaines notes de M. CD (Fleury Michon) (voir ci-avant). En effet, les relevés téléphoniques fournis par les opérateurs indiquent uniquement les appels sortants, quel que soit l’opérateur concerné. En outre, les relevés téléphoniques communiqués par le groupe Campofrio ne portent pas sur l’intégralité de la période des pratiques. Il en résulte que, de fait, les appels recensés ne peuvent représenter l’ensemble des échanges téléphoniques ayant eu lieu entre M. PP (Campofrio) et ses concurrents.
489. Ensuite, si certains appels sont d’une durée courte voire très courte, cela n’exclut pas, par principe, des échanges anticoncurrentiels. Des échanges sur des variations de prix entre concurrents, dont certains se connaissent depuis longtemps, ne nécessitent pas, par principe, de longues conversations. La confirmation d’une simple variation de prix peut, ainsi, être très brève. Rien n’exclut, par ailleurs, que ces appels sortants très brefs, voire, quod non, infructueux, aient pu être suivis d’appels entrants de l’interlocuteur contacté.
490. En outre, comme rappelé supra, si les négociations entre les salaisonniers et les abatteurs se finalisaient, de manière générale, le vendredi après-midi, elles pouvaient n’aboutir que la semaine suivante. Dès lors, les échanges entre concurrents pouvaient débuter dès le vendredi matin et se prolonger jusqu’à la finalisation des négociations avec les abatteurs la semaine d’après, le cas échéant. Tel a été le cas à plusieurs reprises, comme indiqué au paragraphe 188 de la présente décision.
491. Il ressort de l’analyse du tableau figurant au paragraphe 174 de la présente décision que, compte tenu des modalités de l’entente, les appels passés avant 13h le vendredi ainsi que ceux passés les autres jours de la semaine lors des situations de blocage (voir constatations opérées au paragraphe 188) doivent être considérés comme ayant été passés de manière certaine avant la fin des négociations.
492. Il en résulte que sur les 142 appels téléphoniques de M. PP identifiés par le groupe Campofrio, au moins 40 (groupe FTL), 32 (groupe les Mousquetaires) et 9 (groupe Fleury Michon), soit 81 en tout, ont été passés de manière certaine avant la fin des négociations avec les abatteurs.
493. Enfin, en toute hypothèse, le nombre élevé d’échanges téléphoniques entre les concurrents, que ce soit durant ou en dehors de la période de négociation avec les abatteurs, révèle à lui seul l’existence d’une proximité certaine entre les quatre groupes mis en cause, de nature à permettre un flux soutenu d’informations entre eux et introduire un grand niveau de transparence sur ce marché.
494. Dès lors, les arguments relatifs à l’absence de valeur probante des relevés téléphoniques de M. PP (Campofrio) doivent être écartés.
b) Sur la qualification juridique de la pratique
Sur l’accord de volontés
Appréciation en l’espèce
495. Les parties avancent qu’un certain nombre de courriels démontreraient l’adoption de positions divergentes de certains charcutiers-salaisonniers sur les variations de prix d’achat du JSM. Elles en déduisent qu’il n’y aurait pas eu d’entente entre salaisonniers pour défendre une position commune. Les groupes Fleury Michon et Les Mousquetaires affirment en outre que les informations échangées seraient faussées par une part de « bluff » dans les relations entre les acteurs de Rungis.
496. Toutefois, comme cela a été indiqué ci-avant, les entreprises en cause ont régulièrement échangé sur leurs positions respectives s’agissant de la variation du prix d’achat du JSM afin d’aboutir à une position commune de négociation et ainsi de mieux résister aux hausses de prix souhaitées par les abatteurs ou à inciter à des baisses plus fortes. Ce faisant, elles ont bien exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée.
497. La circonstance, invoquée par les parties, de la communication d’informations erronées les concernant, de s’être « intoxiquées », en pratiquant la technique du « bluff », demeure, à considérer même qu’elle soit fondée, sans incidence sur l’appréciation de l’existence d’un accord de volontés. En effet, aux termes d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelleconstantes353, la communication, par une entreprise, d’informations inexactes lors d’échanges entre concurrents peut constituer une stratégie destinée à tirer un avantage maximum de l’entente.
498. De même, la circonstance, également invoquée par les mises en cause, que l’accord anticoncurrentiel conclu entre les parties n’ait pas toujours été appliqué et qu’il constitue, en ce sens, une simple tentative d’accord, est sans influence sur le principe même de l’adhésion à cet accord et, plus largement, de l’existence d’une infraction aux règles de concurrence354.
Sur les autres arguments invoqués par les parties
Fleury Michon
499. Le groupe Fleury Michon avance qu’il n’avait aucun intérêt à participer à l’entente puisqu’il n’achetait plus de jambons sur le marché de Rungis depuis 2009.
500. Toutefois, d’une part, comme expliqué par le groupe Campofrio355, la pratique d’entente a lieu entre les quatre principaux charcutiers-salaisonniers, dont le groupe Fleury Michon, pour arrêter une position commune portant sur la variation du prix pour les achats hebdomadaires de JSM avant le début des négociations avec les abatteurs, d’autre part, la variation hebdomadaire arrêtée dans le cadre de l’entente détermine la variation de la cotation du JSM au marché de Rungis.
501. Or, cette cotation est utilisée non seulement pour les achats de JSM par tous les charcutiers-salaisonniers, qu’ils soient ou non présents sur le marché de Rungis, mais aussi lors des négociations entre les charcutiers-salaisonniers et leurs clients distributeurs356.
502. Le groupe Fleury Michon avait donc bien, contrairement à ce qu’il soutient, un intérêt certain à participer à cette entente.
Les Mousquetaires
503. Le groupe Les Mousquetaires soutient également qu’il n’avait aucun intérêt à participer à cette entente entre charcutiers-salaisonniers, dès lors qu’il comprend en son sein un abatteur, la société Gatine Viandes, et que la pratique alléguée aurait nui aux intérêts de cette société, et, partant, du groupe lui-même.
504. Toutefois, les tableaux de M. JCN (voir les paragraphes 178 et suivants de la présente décision) –certes écartés du faisceau d’indices en raison de leur absence de valeur probante, mais faisant matériellement partie du dossier et non contestés sur ce point -, montrent que Salaisons Celtiques se fournissait pour une partie majoritaire de ses achats auprès d’autres abatteurs. Cet argument ne saurait donc prospérer.
Sur l’objet anticoncurrentiel
505. Les parties ne contestent pas l’objet anticoncurrentiel des pratiques en cause.
506. De fait, en échangeant des informations sur les variations du prix d’achat hebdomadaire du JSM et en s’accordant pour défendre une position commune dans la négociation avec les abatteurs, les quatre entreprises concernées ont imposé sur le marché français des achats en JSM un mode d’organisation substituant une collusion entre les principaux salaisonniers au libre jeu de la concurrence, notamment fondé sur l’autonomie des opérateurs et l’incertitude sur les positions des autres opérateurs.
507. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les prix qu’ils ont l’intention de proposer sur le marché, ou encore sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard de leurs fournisseurs.
508. Ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, l’article 101 du TFUE cite expressément comme contribuant à restreindre la concurrence les pratiques consistant à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat. De même, l’article L. 420-1 du Code de commerce prohibe expressément les pratiques tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.
509. En effet, le prix est un paramètre de concurrence essentiel, qu’il s’agisse du prix de vente ou du prix d’achat, et les pratiques qui tendent à fausser sa formation présentent, par nature, un objet anticoncurrentiel. En conséquence, les pratiques en cause, qui présentent un degré de nocivité réel pour la concurrence, constituent des infractions par objet au sens de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du Code de commerce.
Conclusion sur la qualification juridique
510. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires se sont accordés et concertés, au travers d’échanges bilatéraux d’informations, du 14 janvier 2011 au 26 avril 2013, pour défendre une position commune sur la variation du prix hebdomadaire du JSM dans leurs négociations avec les abatteurs. Cette entente visait à maintenir le statu quo sur la variation du prix d’achat du JSM d’une semaine sur l’autre ou, lors des périodes de tension avec les abatteurs, à résister à des hausses de prix ou à faire passer des baisses de prix.
511. Cette entente, qui présente un degré de nocivité réel pour la concurrence, constitue une infraction par objet au sens de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du Code de commerce.
c) Sur la durée des pratiques
512. À l’exception du groupe FTL, qui conteste le caractère continu des pratiques au motif que certains indices ne seraient pas pertinents et ne devraient donc pas être pris en compte, la durée des pratiques retenue par les services d’instruction n’est pas remise en cause par les groupes visés par le grief n° 1.
513. Il ressort de la jurisprudence de l’Union que la durée d’une infraction aux règles de la concurrence est déterminée au regard de la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord et la date à laquelle il y a été mis fin357.
514. Il est ainsi exigé « (…) en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, (…) au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises »358.
515. Une infraction continue peut ainsi être caractérisée sur une période donnée sans que soit démontrée l’existence d’actes matériels tout au long de cette période359. Les juridictions nationales précisent sur ce point « (…) qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu’elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu’elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps »360.
516. En l’espèce, le premier indice du faisceau date du 14 janvier 2011. Il s’agit des notes manuscrites de M. CD (Fleury Michon) dans lesquelles sont précisées les positions d’Aoste (Campofrio), de CCA et de Madrange (FTL), ainsi que de Salaisons Celtiques/Onno (Les Mousquetaires) concernant l’évolution du cours du JSM361.
517. Cette date correspond donc au point de départ de la pratique litigieuse pour l’ensemble des mises en cause.
518. Le dernier indice date du 26 avril 2013. Il s’agit, là encore, de notes manuscrites de M. CD (Fleury Michon) qui mentionnent les positions de CCA et de Madrange (FTL), ainsi que celle attendue des autres salaisonniers (« tout le monde »), concernant l’évolution du cours du JSM :
« P [FTL] : souhaite même cours pour que tout le monde se cale sur 7 cts Ha [achats] actuellement »362. (Soulignement ajouté)
519. Cette date correspond donc à la fin de la pratique litigieuse pour l’ensemble des mises en cause.
520. Entre ces deux dates, l’existence des pratiques est établie au vu d’un nombre important de preuves mettant en cause les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires et de leur caractère régulier, ainsi qu’il a été exposé supra. Ces éléments montrent que les pratiques ont présenté un caractère continu sur l’ensemble de la période pour les quatre entreprises en cause.
521. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la pratique en cause a été mise en œuvre sans discontinuité, par les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires du14 janvier 2011 au 26 avril 2013.
d) Sur la participation individuelle des entreprises au grief n° 1
522. Il résulte du faisceau d’indices graves, précis et concordants, établi ci-avant, que les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires se sont accordés et concertés à de multiples reprises afin de définir une position commune à tenir lors des négociations hebdomadaires de gré à gré avec les abatteurs sur le marché de Rungis, entre le vendredi 14 janvier 2011 et le vendredi 26 avril 2013.
523. Le tableau ci-après récapitule, pour chacun de ces groupes, l’ensemble des échanges auxquels ils ont participé ainsi que la nature des éléments prouvant l’existence de ces échanges :
Tableau
Lecture : ce tableau recense tous les éléments constituant le faisceau d’indices graves, précis et concordants. Voir sur ce point les développements aux paragraphes 440 et suivants.
3. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS N°2 ET 3
524. Les arguments soulevés par les parties mises en cause pour contester la matérialité des pratiques, leur qualification juridique et leur participation individuelle présentent à bien des égards des caractéristiques identiques pour les infractions poursuivies au titre des griefs n° 2 et 3. Il y sera par conséquent répondu de manière commune dans les développements qui suivent.
a) En ce qui concerne la matérialité des pratiques
En ce qui concerne les réunions multilatérales (grief n° 2)
Sur les réunions des 26 avril, 17 mai, 22 juin et 30 août 2011
525. Comme indiqué au paragraphe 197 de la décision, les entreprises mises en cause ne contestent pas leur participation aux réunions des 26 avril, 17 mai, 22 juin et 30 août 2011, laquelle est au demeurant établie sur la base de nombreuses pièces figurant au dossier.
Sur la réunion du 25 octobre 2011
526. Les sociétés Aoste, France Salaisons et Salaisons du Mâconnais reconnaissent avoir assisté à cette réunion, contrairement aux sociétés Souchon d’Auvergne (Savencia) et Établissements Rochebillard et Blein (La Financière du Haut Pays).
527. Le groupe Savencia, rejoint sur ce point par le commissaire du Gouvernement, estime que les notes manuscrites de MM. JLG (Campofrio) et EB (Sonical) se rapportant à cette réunion ne se recoupent pas s’agissant des informations concernant Souchon d’Auvergne. En outre, il observe que les services d’instruction ont considéré que M. GP (Coop) n’était pas présent à cette réunion, alors même qu’il est fait mention d’informations relatives à celui-ci dans les notes du Carnet.
528. Toutefois, le primo-demandeur de clémence a expressément identifié Souchon d’Auvergne comme l’un des participants à la réunion du 25 octobre 2011. En outre, les notes manuscrites du Carnet prises par M. JLG (Campofrio) au cours de la réunion indiquent de manière explicite la présence de M. OJ (Savencia) avec les initiales « OJ » et « AC» pour la société Souchon d’Auvergne/Alliance Océane et Charcutière (groupe Savencia) et les indications « - » à la ligne «CARREFOUR» et «3 % VF» à la ligne «SU»363 (voir les encadrés sous le paragraphe 216 de la décision). Enfin, le nom de la société Souchon d’Auvergne est mentionné à deux reprises sur les notes de M. EB (Sonical) sous les enseignes Scamark et Carrefour, ce qui est de nature à corroborer les déclarations et les notes prises par M. JLG (Campofrio) lors de cette réunion.
529. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient Savencia, le fait que le nom de Souchon d’Auvergne soit noté sans autre mention dans les notes de M. EB (Sonical) et avec une mention dans les notes de M. JLG (Campofrio) ne remet pas en cause la présence de M. OJ(Savencia) lors de cette réunion. En effet, il est patent que chaque participant à une réunion peut ne pas noter toutes les informations prises par les autres participants.
530. Enfin, le fait que la présence de Salaison Polette à cette réunion n’ait pas été retenue dans la notification de griefs est inopérant, dans la mesure où le motif de cette exclusion est lié à des considérations factuelles propres à cette société et non pertinentes pour Souchon d’Auvergne.
531. Au vu de l’ensemble de ces éléments, les arguments visant à remettre en cause la participation du groupe Savencia en la personne de M. OJ (Savencia) à la réunion du 25 octobre 2011 doivent être écartés.
532. Le groupe La Financière du Haut Pays considère, quant à lui, que les services d’instruction ne se fondent que sur les déclarations du premier demandeur de clémence et qu’une telle preuve n’est pas suffisante dans la mesure où l’exactitude de ces déclarations est contestée par plusieurs entreprises mises en cause. Il soutient également que l’agenda électronique de M. JC (La Financière du Haut Pays) mentionne, sur le même créneau horaire que celui de la réunion, la tenue d’une réunion « IGP » (= identification géographique protégée) à Annecy.
533. Bien que les initiales de M. JC et le nom de la société Établissements Rochebillard et Bleinsoient mentionnés dans les notes de M. JLG (Campofrio) et de M. EB (Sonical), le fait que l’agenda de M. JC (La Financière du Haut Pays) mentionne une réunion « IGP » durant le même créneau horaire que celui de la réunion anticoncurrentielle, est, de fait, de nature à introduire un doute sur sa présence à la réunion du 25 octobre 2011364.
534. Il résulte de ce qui précède que les arguments visant à remettre en cause la participation du groupe La Financière du Haut Pays en la personne de M. JC (La Financière du Haut Pays) à la réunion du 25 octobre 2011 doivent être accueillis.
Sur la réunion du 30 avril 2013
535. Les sociétés Aoste, France Salaisons, Salaison Polette et Salaisons du Mâconnais reconnaissent avoir été présentes à la réunion du 30 avril 2013, contrairement aux sociétés Souchon d’Auvergne (Savencia) et Établissements Rochebillard et Blein (La Financière du Haut Pays).
536. S’agissant de cette réunion qui s’est tenue à proximité de Lyon, le groupe Savencia soutient que M. OJ (Savencia) ne pouvait y assister, dès lors qu’il était en réunion chez un client en région parisienne dans la matinée et qu’il a ensuite pris un train à destination de Saint-Etienne dans l’après-midi. Il avance en outre que les notes manuscrites de MM. JLG (Campofrio) et EB (Sonical) comprennent des indications contradictoires ou inexactes qui démontreraient que M. OJ (Savencia) n’était pas présent à cette réunion.
537. En l’espèce, la preuve de la participation du représentant de la société Souchon d’Auvergne à la réunion du 30 avril 2013 repose sur plusieurs indices qui permettent de corroborer chaque élément pris isolément : d’une part, les déclarations de M. JLG (Campofrio) et ses notes manuscrites prises au cours de la réunion, qui indiquent de manière explicite la présence de M. OJ (Savencia), avec les initiales «OJ » pour Souchon d’Auvergne ; d’autre part, les notes manuscrites de M. EB (Sonical) sur une feuille à entête « Ibis Hôtel » correspondant à la réunion du 30 avril 2013, qui mentionnent le nom de la société Souchon d’Auvergne (voir les encadrés sous le paragraphe 220 de la décision).
538. En outre, les documents produits par Savencia pour démontrer que M. OJ (Savencia) ne pouvait être présent ne sont pas probants. D’une part, la tenue d’une réunion avec un de ses clients à 11h le même jour en région parisienne n’est pas incompatible avec une réunion qui a eu lieu à Lyon entre 16h et 18h30, comme l’indique l’agenda électronique de M. GP(Coop)365. D’autre part, le reçu SNCF et la facture de l’agence de voyages produits par Savencia ne peuvent démontrer l’absence de M. OJ (Savencia), dès lors qu’aucun de ces documents ne mentionne les heures de départ depuis Paris et Saint-Etienne-Chateaucreux et que, par ailleurs, l’hôtel Ibis de Lyon n’est situé qu’à une soixantaine de kilomètres de la gare de Saint-Etienne–Chateaucreux.
539. Enfin, les arguments de Savencia consistant à présenter les notes de MM. JLG (Campofrio) et EB (Sonical) comme contradictoires ou inexactes sont infondés. Au contraire, il convient de souligner que les indications portées par M. JLG (Campofrio) sur ses notes concernant le distributeur Dia (« Souchon 8,5 % demande »366) se recoupent parfaitement avec les mentions portées par M. EB (Sonical) («Dia=> OJ [Savencia] a redemandé 8,5 %»367).
540. Par conséquent, les arguments visant à remettre en cause la participation du groupe Savencia en la personne de M. OJ (Savencia) à la réunion du 30 avril 2013 doivent être écartés.
541. S’agissant du groupe La Financière du Haut Pays, aucun indice ne permet, de fait, de corroborer les notes manuscrites et les déclarations de M. JLG (Campofrio) pour établir la présence de la société Établissements Rochebillard et Blein à la réunion du 30 avril 2013. En particulier, les notes de M. EB (Sonical) ne comportent aucune mention sur ce point. Par ailleurs, s’il a été démontré que la matérialité des échanges reportés dans le Carnet était établie compte tenu du nombre important d’éléments extrinsèques les corroborant (voir paragraphes 351 et suivants), il convient de noter que les notes de M. JLG (Campofrio) se rapportant à la réunion du 30 avril 2013 sont extérieures audit Carnet et sont donc insuffisantes en elles-mêmes pour rapporter la preuve de la présence de la société Établissements Rochebillard et Blein à la réunion du 30 avril 2013.542. Il résulte de ce qui précède que les arguments visant à contester la participation du groupe La Financière du Haut Pays en la personne de M. JC (La Financière du Haut Pays) à la réunion du 30 avril 2013 doivent être accueillis.
Conclusion
543. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la participation aux six réunions relevées par les services d’instruction s’établit de la manière suivante :
Tableau
En ce qui concerne les échanges bilatéraux (griefs n° 2 et 3)
Sur les échanges bilatéraux entre Aoste et les concurrents (griefs n° 2 et 3)
Arguments des parties
544. La quasi-totalité des parties mises en cause soutiennent que le Carnet revêt une valeur probante très faible, voire nulle, compte tenu du manque de crédibilité du demandeur de clémence et des doutes subsistant sur l’authenticité du Carnet. Elles en concluent que les échanges bilatéraux qui y sont consignés doivent être écartés.
545. Plusieurs parties, analysant de manière isolée chacun des échanges bilatéraux les concernant, soulignent que certains ne sont corroborés par aucun élément de preuve et doivent être écartés, dans la mesure où le Carnet ne constitue pas une preuve se suffisant à elle-même.
546. Certaines parties avancent, par ailleurs, que les éléments de corroboration retenus par les services d’instruction ne permettraient pas de confirmer l’existence de ces échanges, voire seraient de nature à les contredire pour certains d’entre eux.
547. Elles relèvent ainsi des incohérences entre certains échanges reportés dans le Carnet et les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio), et ce en contradiction avec les déclarations du demandeur de clémence selon lesquelles ce Carnet retracerait fidèlement l’historique des échanges anticoncurrentiels. Selon elles, en effet, un grand nombre d’échanges figurant dans le Carnet ne serait pas corroboré par les relevés téléphoniques, tandis qu’à l’inverse un grand nombre d’appels figurant dans les relevés ne correspondrait à aucun échange reporté dans le Carnet. Plusieurs parties soutiennent également qu’il ne serait pas possible d'affirmer avec certitude que les échanges téléphoniques figurant sur le relevé téléphonique aient véritablement porté sur les différents sujets mentionnés dans le Carnet, dans la mesure où un relevé téléphonique permet seulement de démontrer l’existence d’un appel téléphonique et non le contenu d’une conversation.
548. S’agissant, enfin, des courriers adressés à leurs distributeurs, plusieurs parties soutiennent que les prix qui y sont mentionnés sont différents de ceux qui sont consignés dans le Carnet et que, partant, ces documents ôteraient toute valeur probante aux mentions figurant dans le Carnet.
Appréciation
549. Comme exposé ci-avant, il n’y a pas lieu de remettre en cause la crédibilité de M. JLG (Campofrio), ni l’authenticité du Carnet, qui peut donc être valablement retenu dans le cadre d’un faisceau d’indices pour démontrer l’existence des pratiques anticoncurrentielles (voir paragraphes 330 à 386 ci-avant).
550. En outre, le Carnet forme un seul et même document, dont la valeur probante doit s’apprécier de manière globale. Il n’est donc pas nécessaire que chacun des échanges bilatéraux consignés dans le Carnet soit corroboré par des éléments extérieurs pour être opposé aux parties concernées, l’Autorité étant fondée à prendre cette preuve documentaire dans son ensemble et l'apprécier en conséquence.
551. Au cas présent, au surplus, le Carnet est corroboré par un nombre important d’éléments extrinsèques, en particulier les déclarations du second demandeur de clémence et les documents produits à son soutien (carnet de notes et relevés téléphoniques de M. GP (Coop), courriels internes, courriers adressés aux enseignes de la distribution), les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio), les documents saisis chez les entreprises concurrentes et les courriers adressés par les mises en cause aux distributeurs qui confirment les prix mentionnés dans le Carnet. Il convient d’ailleurs, sur ce point, de souligner que la grande majorité des échanges bilatéraux mentionnés dans le Carnet est corroborée par au moins un élément de preuve extérieur (voir tableaux en Annexe n° 2 à la présente décision).
552. Les arguments des mises en cause consistant à présenter les éléments de corroboration retenus par les services d’instruction comme étant de nature à contredire les déclarations du demandeur de clémence apparaissent quant à eux infondés.
553. Ainsi, le fait que les relevés téléphoniques ne retracent pas l’intégralité des échanges consignés dans le Carnet s’explique par la politique commerciale des opérateurs de téléphonie. En dehors des cas de réquisition judiciaire, ces derniers fournissent en effet le détail des appels de leurs clients uniquement pour les appels sortants sur une durée d’un an s’agissant des mobiles et sur une durée de deux ans s’agissant des téléphones fixes. Compte tenu de ces contraintes, et ainsi que l’a expliqué le groupe Campofrio dans le cadre de sa demande de clémence, les relevés des appels de M. JLG (Campofrio) retracent les seuls appels sortants du téléphone fixe de M. JLG (Campofrio) sur la période d’août 2010 à septembre 2012 et ceux du portable de M. JLG (Campofrio) sur la période de novembre 2011 à octobre 2012. Ces relevés ne font en revanche apparaître ni les appels entrants, ni les appels sortants au-delà des périodes mentionnées ci-dessus. Le second demandeur de clémence, qui a également produit des relevés téléphoniques pour établir l’existence d’échanges bilatéraux avec ses concurrents, a d’ailleurs rencontré les mêmes restrictions de la part de son opérateur de téléphonie mobile (voir paragraphe 254).
554. Inversement, le fait que des appels apparaissant dans les relevés de M. JLG (Campofrio) ne soient pas consignés dans le Carnet n’apparaît pas contradictoire avec les déclarations du demandeur de clémence. Au contraire, s’agissant des relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio), le primo-demandeur a souligné qu’au-delà des appels dont l’existence était rapportée par le Carnet, les relevés détaillés faisaient apparaître un nombre considérable d’appels supplémentaires passés par M. JLG (Campofrio) à des concurrents (environ 335), ce qui donnait une mesure plus juste de l’intensité des échanges370.
555. Enfin, les relevés téléphoniques ne constituent pas les seuls éléments de corroboration retenus par la décision. Ainsi, il a été relevé un nombre significatif de documents émanant des concurrents de Campofrio (courriels, notes manuscrites, courriers) qui permettent de confirmer les informations consignées dans le Carnet et de corroborer le contenu anticoncurrentiel des échanges qui y sont rapportés. En l’espèce, aucun élément ne remet en cause les nombreux indices démontrant l’existence d’une entente.
556. La circonstance, invoquée par plusieurs parties, de la présence d’informations erronées les concernant dans le Carnet demeure quant à elle sans incidence sur l’appréciation de l’existence des pratiques en cause. En effet, la jurisprudence et la pratique décisionnelle estiment, de manière constante, que la communication, par une entreprise, d’informations inexactes au cours de réunions ou d’échanges entre concurrents peut constituer une stratégie destinée à tirer un avantage maximum de l’entente371.
557. Au regard des éléments qui précèdent, le Carnet peut être valablement retenu pour établir l’existence de chacun des échanges bilatéraux qui y sont consignés. La question de savoir si ces échanges peuvent être retenus à l’encontre des parties pour établir leur participation individuelle à des pratiques anticoncurrentielles sera examinée ci-après (voir paragraphes 607 et suivants), au regard du contenu de ces échanges, de la possibilité de les dater précisément et de la source des informations qui y sont consignées.
Sur les échanges bilatéraux entre Salaison Polette et les concurrents (grief n° 2)
Arguments des parties
558. Dans le cadre de sa demande de clémence, le groupe Coop a fourni des éléments de nature à établir l’existence d’au moins 40 échanges bilatéraux avec des entreprises concurrentes qui sont listés à l’Annexe n° 3 de la présente décision. À l’exception du groupe Savencia et du groupe FTL, les entreprises mises en cause ne contestent pas l’existence de ces échanges.
559. Pour remettre en cause les 4 échanges le concernant, le groupe Savencia soutient que : (i) les deux premiers échanges relatifs à un appel d’offres Carrefour/Ed/Dia (se situant entre avril et mai 2011 et à la fin du mois de juin) sont établis sur la base du seul carnet de M. GP (Coop), qui ne constituerait pas une preuve suffisantepour établir leur existence ; (ii) les deux derniers échanges des 7 janvier et 2 mai 2013 sont établis sur la base de mails internes de Salaison Polette qui ne permettent pas, non plus, de prouver à eux seuls l’existence d’une conversation entre MM. OJ (Savencia) et GP (Coop).
560. Le groupe FTL conteste l’existence de deux échanges sur les quatre qui lui sont opposés, au motif qu’il n’existerait pas d’élément permettant d’établir que les appels mentionnés dans les documents produits par le groupe Coop aient eu lieu : (i) le premier échange de mai 2011 se rapportant à un appel d’offres de Carrefour/Ed/Dia : « AO Carrefour appeler DR »372 ; (ii) un deuxième échange du 2 novembre 2012 : « je dois appeler lundi Aoste et Montagne Noire »373.
Appréciation
561. Les échanges bilatéraux identifiés par le groupe Coop dans le cadre de sa demande de clémence, dont la grande majorité n’est pas contestée par les parties, sont établis sur la base de nombreuses pièces figurant au dossier :
- les notes manuscrites de M. GP (Coop) dans lesquelles celui-ci a retranscrit le contenu des conversations téléphoniques avec ses concurrents ;
- les relevés des appels sortants de la ligne portable de M. GP (Coop), établissant l’existence de contacts téléphoniques avec ses concurrents sur la période octobre 2012-avril 2013 ;
- le compte rendu interne d’avril 2011 sur l’appel d’offres saucissons Carrefour/Ed/Dia saisi dans le cadre des opérations de visite et saisie, intitulé « compte-rendu étude appel d’offre CARREFOUR avril 2011 », établi par M. GP (Coop) à la suite de conversations bilatérales téléphoniques avec plusieurs concurrents au cours du mois d’avril 2011, recensant leur position pour chaque produit concerné ;
- un tableau Excel figurant dans l’ordinateur de M. Ph. P intitulé « dossier étude appel d’offres avril 2011 avec prix à proposer le 2 mai 2011 », saisi dans le cadre des opérations de visite et saisie ;
- des courriels internes à la société Salaison Polette de MM. Ph. P et GP (Coop) ;
- les correspondances des entreprises mises en cause avec différents distributeurs, montrant que les prix retranscrits dans les notes de M. GP (Coop) ont effectivement été proposés aux distributeurs ;
- les éléments fournis par le premier demandeur de clémence, le groupe Campofrio.
562. Les arguments des groupes Savencia et FTL pour tenter de remettre en cause ce constat apparaissent infondés.
563. Il apparaît, tout d’abord, que le carnet de notes de M. GP (Coop), qui forme un document unique et indivisible, est corroboré par plusieurs éléments extrinsèques, notamment les relevés téléphoniques de l’intéressé, les notes et courriels internes de Salaison Polette ou le Carnet. Ainsi, les notes de M. GP (Coop) confirment parfaitement l’existence et la teneur des réunions multilatérales entre concurrents dénoncées par le groupe Campofrio, dès lors qu’elles comportent les mêmes informations, concernant l’identité des interlocuteurs et les sujets abordés, que celles notées dans le Carnet par M. JLG (Campofrio). Il n’est, au demeurant, versé au dossier aucun élément permettant de considérer que le caractère sensé et fiable des notes prises par M. GP (Coop) sur les réunions ne s’applique pas aux échanges bilatéraux figurant dans ce même carnet.
564. S’agissant des exemples isolés cités par Savencia, l’Autorité relève que les deux premiers échanges bilatéraux opposés à Souchon d’Auvergne qui sont reportés dans le carnet de M. GP (Coop) concernent un appel d’offres lancé par le groupe Carrefour pour ses principales enseignes (Carrefour/Ed/Dia). Or, ces deux échanges sont corroborés à la fois par le Carnet374 et le compte rendu interne d’avril 2011 de Salaison Polette sur l’appel d’offres saucissons Carrefour/Ed/Dia saisi dans le cadre des opérations de visite et saisie, qui montrent que Savencia a pris part à des échanges anticoncurrentiels dans le cadre de cet appel d’offres375.
565. S’agissant des échanges des 7 janvier et 2 mai 2013, la démonstration de leur existence repose sur des courriels internes particulièrement explicites remis par le groupe Coop dans le cadre de sa demande de clémence :
- « J’ai eu OJ de chez Souchon qui m’a confirmé ces PA [prix d’achat] »376.
- « (…) Appel d’Offre aujourd’hui on s’appelle. Souchon a la courbe et ne veut pas la perdre »377.
566. Les arguments soulevés par le groupe FTL doivent également être écartés. L’échange de mai 2011 se rapporte à l’appel d’offres de Carrefour/Ed/Dia sur les saucissons. Cet appel d’offres a donné lieu à de nombreux échanges anticoncurrentiels qui sont corroborés par un grand nombre d’éléments (voir paragraphe 247 ci-avant). L’échange du 2 novembre 2012, qui se rapporte à un appel d’offres d’Aldi, doit être rapproché des notes de M. GP (Coop) du 26 novembre 2012 relatives à ce même appel d’offres et qui permettent d’établir l’existence d’échanges entre Salaison Polette et FTL.
b) En ce qui concerne la qualification juridique des pratiques
Arguments des parties
567. Les groupes CA Animation, La Financière du Haut Pays, FTL et Savencia contestent l’objet et les effets anticoncurrentiels des échanges, en soutenant que ceux-ci ne consistent qu’en de simples échanges d’informations ne présentant pas de caractère stratégique ou sensible au regard du caractère passé des hausses de prix évoquées, de leur rareté, de leur imprécision et de la transparence du marché.
568. Le groupe Nestlé affirme, de son côté, que les pratiques constatées ne peuvent pas être considérées comme une infraction unique car il n’est pas démontré que les entreprises ont participé à un plan d’ensemble poursuivant un objectif commun.
569. Le groupe CA Animation relève, enfin, que les demandeurs de clémence ne l’ont pas cité comme faisant partie des entreprises ayant participé à l’entente alléguée, qu’il n’a pas participé aux réunions et qu’il n’est pas démontré qu’il a participé à une infraction unique et continue.
Appréciation
570. Il ressort des constatations exposées aux paragraphes 190 et suivants de la décision que :
- s’agissant des produits de charcuterie crue (grief n° 2), huit entreprises (les groupes CA Animation, Campofrio, Coop, La Financière du Haut Pays, FTL, Savencia, Sonical, ainsi que la société Salaisons du Mâconnais), ont mis en œuvre des accords et pratiques concertées au cours de réunions secrètes et d’échanges bilatéraux, d’une part, pour faire passer des demandes de hausses de prix de vente auprès des enseignes de la grande distribution et, d’autre part, pour se concerter, sur les offres de prix à proposer en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution ;
- s’agissant des produits de charcuterie cuite (grief n° 3), sept entreprises (les groupes Campofrio, Cooperl Arc Atlantique, FTL, Les Mousquetaires, Nestlé et Roullier, ainsi que la société Aubret), ont mis en œuvre des accords et pratiques concertées, dans le cadre d’échanges bilatéraux, pour se concerter sur les offres de prix à proposer, notamment en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution.
571. S’agissant des produits de charcuterie crue, les parties mises en cause ont, dès la première réunion du 26 avril 2011, manifesté leur volonté d’adopter une position commune en matière de hausse de tarifs, comme l’indiquent de manière explicite les notes prises par le directeur commercial de Salaison Polette lors de cette réunion : « Ordre du jour, hausse de tarif. Il faut essayer d’avoir une position commune. Il faut se battre sur le taux et la date »378.
572. Les 5 réunions suivantes ont donné lieu à une intensification des échanges, plus détaillés et chiffrés que lors de la première réunion. Ainsi, lors de ces réunions, la situation des hausses de tarifs en cours ou souhaitées a été abordée client par client, les participants fournissant des éléments d’information utiles sur l’état de leur réflexion et de leur négociation avec les clients :
- description des initiatives prises (niveau de hausse demandé, calendrier, prix cible, argumentaire de hausse) ;
- réaction des clients et état de la négociation avec eux (refus, accords sur certains niveaux de hausses, dénonciation de contrats et remise en appel d’offres, menaces, prises de rendez-vous) ;
- contre-réaction de l’industriel face aux clients réfractaires à la hausse (dénonciation de contrats, menaces d’arrêts de livraisons, argumentaires).
573. Pour chaque réunion, la décision met en exergue la concordance entre les informations échangées lors des réunions physiques et les échanges téléphoniques bilatéraux entre les concurrents.
574. S’agissant des produits de charcuterie crue et cuite, les notes prises lors des nombreux échanges bilatéraux par M. JLG (Campofrio), ainsi que l’ensemble des éléments retenus à leur soutien permettent d’établir qu’un volet des pratiques a consisté pour les concurrents du secteur MDD à coordonner leurs réponses aux appels d’offres des clients de la grande distribution afin :
- d’une part, de protéger, autant que faire se pouvait la position du ou des fournisseurs sortants en assurant le renouvellement de leur contrat et le maintien de leurs volumes de fourniture, et
- d’autre part, lorsque les circonstances le permettaient, d’éventuellement profiter du renouvellement du marché pour tenter d’améliorer les conditions économiques de fourniture des produits concernés par l’appel d’offres.
575. Au-delà de cette coordination entre concurrents sur des appels d’offres spécifiques, le grand nombre d’appels téléphoniques entre concurrents consigné dans de multiples notes du Carnet traduit l’existence d’un flot continu d’échange d’informations, intrinsèquement propice à un grand niveau de transparence dans ce marché, permettant un suivi des pratiques et la coordination des comportements des acteurs.
576. Ces échanges ont permis aux participants, dans un marché sous tension du fait des hausses de prix des matières premières, d’obtenir une meilleure visibilité sur les actions de leurs concurrents et, le cas échant, de coordonner leurs actions auprès de certains clients ou, à tout le moins, forts de ces informations et du confort que les échanges ont pu créer, d’ajuster leur approche commerciale lors de la négociation avec leurs clients respectifs.
577. S’agissant de l’argument relatif au caractère passé des informations échangées, il apparaît, tout d’abord que, si certains échanges entre salaisonniers ont pu, de fait, porter sur des hausses de prix passées, de nombreux autres ont, sans conteste, porté sur des hausses de prix futures auprès des distributeurs et se sont situés en amont des soumissions aux appels d’offres des distributeurs. Ces échanges d’informations sont par objet anticoncurrentiels. Par ailleurs, et en tout état de cause, les informations sur les hausses de prix passées, qui ne sont pas publiquement disponibles et qui présentent un caractère récent, sont sensibles d’un point de vue de la concurrence et ne sauraient faire l’objet d’échanges entre concurrents379.
578. S’agissant de l’origine des informations contenues dans les échanges bilatéraux, le groupe Savencia avance, d’une part, que ces informations étaient fréquemment communiquées par les distributeurs eux-mêmes et, d’autre part, que les industriels pouvaient facilement connaître les prix des produits fournis par leurs concurrents en partant du prix de vente aux consommateurs.
579. Cependant, le fait, quod non, que les distributeurs puissent, ponctuellement, communiquer à une entreprise des informations sur les prix de ses concurrents ou qu’il puisse être possible d’estimer les prix des concurrents à partir du prix de vente aux consommateurs finals ne saurait en aucune façon justifier l’existence d’échanges directs sur les prix entre concurrents.
c) En ce qui concerne les arguments soulevés par les parties pour justifier les pratiques
Arguments des parties
580. Pour convaincre les services d’instruction d’abandonner les griefs n° 2 et 3, les groupes La Financière du Haut Pays, FTL, Savencia et Sonical avancent, à titre subsidiaire, un certain nombre d’arguments, visant essentiellement à démontrer que les pratiques décrites dans la notification de griefs seraient justifiées par le caractère sinistré du secteur de la charcuterie en France et, le cas échéant, par l’ampleur de leurs propres difficultés économiques.
581. Le groupe La Financière du Haut Pays rappelle ainsi son positionnement marginal au sein du secteur de la charcuterie-salaison et du canal de distribution MDD, ainsi que le contexte spécifique de très forte hausse des coûts de matières premières. Il affirme que, lors des réunions, M. JC (La Financière du Haut Pays) n’avait comme objectif que d’obtenir « des retours d’impressions » des autres industriels confrontés au même problème.
582. De son côté, le groupe FTL met en avant les difficultés économiques auxquelles ses sociétés, toutes depuis placées en liquidation judiciaire, faisaient face et qui seraient précisément liées au rapport de force défavorable aux charcutiers-salaisonniers existant dans le secteur.
583. Dans le même sens, le groupe Savencia explique que les industriels mis en cause étaient « pris en étau » entre, en amont, la flambée du prix du porc et, en aval, un rapport de force déséquilibré favorable aux acheteurs, les grandes surfaces alimentaires.
584. Enfin, le groupe Sonical relève que les industriels ne se sont pas concertés sans raison pour réclamer des hausses. Selon lui, en effet, la hausse brutale et importante du coût des matières premières et l’absence d’un indice fiable permettant de quantifier et contrôler l’évolution du prix du porc jusqu’à la fin de 2012 ont contraint les industriels à réclamer individuellement des hausses de prix aux distributeurs, qui ont été refusées unanimement. Ce ne serait donc qu’en raison de ce refus systématique que les industriels n’auraient eu d’autre choix, pour sauver leur entreprise, que d’engager des discussions entre eux sur les hausses de prix.
Appréciation
585. À titre liminaire, il faut souligner qu’il est de pratique décisionnelle et de jurisprudence constantes que l’anticipation d’éventuelles difficultés entre opérateurs économiques ne peut justifier la conclusion d’accords anticoncurrentiels. Dans son rapport de 1984, la Commission de la concurrence avait déjà indiqué que les ententes étaient une mauvaise réponse à une situation de crise car « loin d’apporter des remèdes aux problèmes de récession, elles [étaient] de nature à les aggraver ne serait-ce qu’en dispensant les entreprises de réactions plus dynamiques ».
586. De même, la Commission européenne dans une décision du 9 décembre 2004 (décision n° 2005/566/CE) a considéré que « (…) dans une économie de marché, les risques que prennent les entreprises englobent le risque de pertes éventuelles, voire de faillite. Le fait qu’une entreprise puisse ne pas réaliser de profits avec une activité commerciale donnée ne l’autorise pas à conclure une entente secrète avec les concurrents en vue de tromper les clients et les autres concurrents. D’une manière générale, les ententes risquent de se produire non pas lorsque les entreprises font de gros profits, mais précisément lorsqu’un secteur connaît des problèmes ». Ainsi, bien que l’Autorité n’ignore pas les modes de fonctionnement spécifiques au secteur et les difficultés rencontrées par certains acteurs, ceux-ci ne sont pas de nature à remettre en cause la qualification de pratiques anticoncurrentielles retenue par la décision.
587. Par ailleurs, le pouvoir de négociation très puissant de la clientèle, s’il peut, sous certaines conditions, être pris en compte dans l’évaluation du dommage à l’économie et, partant, dans les modalités de détermination de la sanction, ne peut conduire à remettre en cause la qualification de restriction par objet de la pratique poursuivie.
588. Cet argument confirme au contraire que le but même des accords était d’empêcher les clients de faire jouer la concurrence par les prix entre les charcutiers salaisonniers et revêtait donc, par sa nature même, un caractère anticoncurrentiel.
589. Le Conseil de la concurrence rappelait ainsi dans une décision n° 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques : « Ainsi, l’existence éventuelle d’un pouvoir de marché susceptible d’être exercé par les clients victimes des pratiques ne saurait justifier la pratique d’entente. Le Conseil s’est déjà prononcé sur ce point dans la décision n° 02-D-57 du 19 septembre 2002 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des roulements à billes et assimilés : « (…) quand bien même elle serait avérée, la puissance d’achat des distributeurs ne peut justifier que les fabricants se concertent pour aligner les hausses de leurs tarifs ».
590. Aucun des arguments invoqués par les parties à titre de justification des pratiques ne saurait, partant, être accueilli.
Conclusion sur la qualification juridique des pratiques
591. L’article 101 TFUE cite expressément comme contribuant à restreindre la concurrence, les pratiques consistant à fixer de façon directe ou indirecte les prix ou d’autres conditions de transaction, à limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ou encore à répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.
592. De même, l’article L. 420-1 du Code de commerce prohibe expressément les pratiques tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, à limiter ou à contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ou encore à répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.
593. En l’espèce, les entreprises concernées ont mis en œuvre des pratiques, en matière de produits crus et/ou cuits, tendant, d’une part, à faire passer des demandes de hausses de prix de vente auprès des enseignes de la grande distribution, d’autre part, à se concerter et à s’accorder sur les offres, notamment en prix, à proposer en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution. Ces pratiques présentent donc un objet anticoncurrentiel.
594. En outre, ces pratiques ont diminué l’incertitude devant normalement peser sur chaque opérateur. Elles ont pu concourir, soit directement soit indirectement, à la fixation de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une situation normale de concurrence. Elles sont donc également susceptibles d’avoir produit des effets anticoncurrentiels.
595. Par leur objet et par leurs effets, les pratiques en cause contreviennent donc aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
d) En ce qui concerne la participation individuelle des entreprises aux pratiques
En ce qui concerne les arguments communs soulevés par les parties
En ce qui concerne la participation prétendument passive aux réunions multilatérales (grief n° 2)
596. Les groupes Savencia et La Financière du Haut Pays invoquent la participation purement passive aux réunions multilatérales de leurs employés respectifs, MM. OJ (Savencia) et JC (La Financière du Haut Pays), pour soutenir qu’il ne saurait leur être reproché d’avoir participé à une entente.
597. Toutefois, ainsi qu’il l’a déjà été rappelé ci-avant, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement de leur contenu, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle souscrit à leur résultat et qu’elle s’y conformera, la jurisprudence retient sa participation à l’entente (voir paragraphes 427 et suivants).
598. Par conséquent, les entreprises susmentionnées ne peuvent remettre en cause de ce chef leur participation aux pratiques visées par le grief n° 2.
En ce qui concerne l’existence de comportements prétendument pro-concurrentiels (grief n° 3)
599. Les groupes CA Animation, FTL, Nestlé et Sonical avancent que plusieurs échanges les concernant mettent en évidence, a contrario de la thèse défendue par les services d’instruction, leur volonté d’adopter un comportement pro-concurrentiel, autonome, voire antinomique par rapport aux autres concurrents.
600. Toutefois, il suffit, sur ce point, de rappeler la jurisprudence de l’Union selon laquelle ni le non-respect de l’entente par ses participants, ni le fait que certains participants tendent à utiliser l’entente à leur profit380, ne remettent en cause l’existence de l’infraction381.
601. Ainsi, à supposer que l’existence des comportements pro-concurrentiels allégués par les groupes CA Animation, FTL, Nestlé et Sonical soit avérée, elle ne serait pas de nature à remettre en cause l’existence des échanges ayant conduit ces entreprises à partager des informations sensibles, notamment sur leurs prix, avec le groupe Campofrio, ni le fait que ces échanges leur ont permis d’adapter leurs stratégies respectives à celle annoncée par leur concurrent et ainsi de fausser le libre jeu de la concurrence.
En ce qui concerne le bluff
602. Les groupes CA Animation, FTL et Savencia avancent que les informations les concernant sur les prix ou hausses de prix contenues dans les échanges bilatéraux et notées dans le Carnet seraient inexactes ou imprécises, soit parce que les éléments corroboratifs n’indiquent pas strictement le même prix ou la même hausse de prix que ceux indiqués sur le Carnet, soit parce que les informations échangées ne reflèteraient pas la réalité car elles seraient faussées par une part de «bluff » dans les relations entre concurrents.
603. Toutefois, conformément à une jurisprudence constante, le fait que certains participants à l’entente tendent à tromper d’autres participants en communiquant de fausses informations ne change rien à l’existence même de l’entente382.
604. En l’espèce, comme l’a exposé dans sa demande de clémence, puis confirmé à plusieurs reprises le groupe Campofrio, les écarts de prix, parfois très faibles, peuvent en effet s’expliquer, par plusieurs raisons objectives, notamment des situations de « bluff » - dont le principe même est d’ailleurs confirmé par plusieurs parties (FTL, Les Mousquetaires) -consistant pour les concurrents à se communiquer des prix légèrement différents de ceux auxquels ils soumissionneront effectivement.
605. Ainsi, le fait que l’information qui a été donnée par un concurrent sur les prix ou hausses de prix qu’il souhaitait pratiquer ne corresponde pas exactement au prix réel ne remet pas en cause l’existence même de l’échange et de son objet anticoncurrentiel : les concurrents ont échangé sur les prix des biens qu’ils envisageaient d’offrir sur le marché et ont ainsi influencé le comportement des autres entreprises sur le marché.
En ce qui concerne la participation des entreprises au grief n° 2
606. À titre liminaire, il convient de rappeler que le Carnet produit par le primo-demandeur de clémence consigne 282 échanges bilatéraux relatifs aux produits de charcuterie crue, la majorité d’entre eux sont corroborés par des éléments extérieurs au Carnet. Les échanges « corroborés » sont listés à l’Annexe n° 2 de la présente décision383. Le second demandeur de clémence a également apporté des éléments complémentaires permettant d’établir 40 échanges bilatéraux384 qui sont listés à l’Annexe n° 3 de la présente décision385.Aoste (Campofrio)
607. Aoste a participé à l’ensemble des réunions multilatérales identifiées aux paragraphes 196 à 220 ci-dessus.
608. Il ressort également des constatations effectuées aux paragraphes 224 à 245 et 251 qu’elle a échangé à 302 reprises par téléphone avec les sociétés Salaison Polette, Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Sapresti Traiteur, Souchon d’Auvergne, Établissements Rochebillard et Blein, CCA (FTL). La majorité de ces échanges sont corroborés (voir les tableaux 2.1 à 2.7 de l’Annexe n° 2 et le tableau 3.1 de l’Annexe n° 3 à la présente décision).
609. Les dates de sa première et dernière participation à un échange anticoncurrentiel remontent respectivement au 8 avril 2010 (échange bilatéral avec Salaisons du Mâconnais) et au 30 avril 2013 (dernière réunion multilatérale).
Salaison Polette (Coop)
610. Salaison Polette a participé à 5 des 6 réunions multilatérales, en l’occurrence les réunions des 26 avril, 17 mai, 22 juin, 30 août 2011 et du 30 avril 2013.
611. Il ressort également des constatations effectuées aux paragraphes 225 à 227 et 251ci-dessus qu’elle a échangé par téléphone à 104 reprises avec les sociétés Aoste, Salaisons du Mâconnais, France Salaisons, Sapresti Traiteur, Souchon d’Auvergne, Établissements Rochebillard et Blein, CCA (FTL). La majorité de ces échanges sont corroborés (voir le tableau 2.1 de l’Annexe n° 2 et les tableaux 3.1 à 3.5 de l’Annexe n° 3 à la présente décision).
612. Les dates de sa première et de sa dernière participation à un échange anticoncurrentiel dont l’existence a été établie remontent respectivement en février 2010 (échange bilatéral avec FTL) et au 30 avril 2013 (dernière réunion multilatérale).613. La participation de Salaison Polette est donc établie du 8 avril 2010386 au 30 avril 2013.CCA ex-Montagne Noire (FTL)
614. FTL a participé aux deux premières réunions multilatérales des 26 avril et 17 mai 2011.
615. Il ressort également des constatations effectuées aux paragraphes 228à 0qu’il a échangé par téléphone au moins à 17 reprises avec les sociétés Aoste (13 échanges) et Salaison Polette (4 échanges).
616. Les 13 échanges avec Aoste sont tous corroborés par des relevés téléphoniques et/ou des documents montrant que les prix renseignés dans le Carnet ont effectivement été proposés aux distributeurs (voir tableau n° 2.2 en Annexe n° 2 à la présente décision).
617. Le groupe FTL soutient que certains appels avec Aoste ne contiennent aucune donnée sur les prix (échanges du 2 et 6 mai 2011) ou ne font référence à aucun échange d’informations (échange du 27 avril 2011). Il avance, en outre, que certains échanges démontrent sa volonté d’adopter un comportement pro-concurrentiel (27 mai 2011) ou un recours au bluff, par la fourniture délibérée d’informations erronées à Aoste.
618. Toutefois, il apparaît en réalité que l’ensemble des échanges bilatéraux le concernant comportent des informations sensibles, en particulier ceux du 27 avril 2011387 et du 2 mai 2011388, qui contiennent des indications détaillées sur ses prix en réponse aux appels d’offres des groupes Carrefour et Casino. En outre, ainsi qu’il a été démontré ci-avant, le recours au bluff ou le fait que FTL n’ait pas appliqué les accords anti-concurrentiels est sans incidence sur sa participation aux pratiques (voir paragraphes 602 à 605 ci-avant).
619. Les dates de la première et de la dernière participation de FTL à un échange anticoncurrentiel se rapportant au grief n° 2 remontent respectivement au 15 mars 2011 (échange bilatéral avec Aoste) et au 5 mars 2013 (échange bilatéral avec Salaison Polette).
France Salaisons (Sonical)
620. France Salaisons a participé à l’ensemble des réunions multilatérales.
621. Il ressort également des constatations effectuées aux paragraphes 231à 233ci-dessus qu’elle a échangé par téléphone à 62 reprises avec les sociétés Aoste (56 échanges) et Salaison Polette (6 échanges).
622. Parmi les 56 échanges avec Aoste, 22 sont corroborés par les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par les courriers émanant de France Salaisons montrant que les prix consignés dans le Carnet ont effectivement été proposés aux distributeurs (voir tableau n° 2.3 en Annexe n° 2 à la présente décision).
623. France Salaisons ne conteste pas sa participation aux réunions multilatérales et n’apporte aucune explication de nature à écarter les échanges bilatéraux qui sont retenus contre elle. Ces échanges comprennent des données confidentielles sur sa politique tarifaire, en particulier sur les offres de prix qu’elle envisage de proposer à certaines enseignes de la grande distribution (voir tableau n° 2.3 en Annexe n° 2 à la présente décision). Ces informations sont sensibles du point de vue du droit de la concurrence et ne peuvent pas être échangées entre concurrents.
624. L’Autorité considère toutefois que l’échange du 8 avril 2010 entre Salaisons du Mâconnais et France Salaisons mentionné au paragraphe 1614 de la notification de griefs doit être écarté. Selon la notification de griefs, cet échange serait révélé indirectement par un autre échange du même jour entre Aoste et Salaisons du Mâconnais, retranscrit dans le Carnet, qui mentionne des prix appliqués par France Salaisons sur certains produits vis-à-vis de l’enseigne Leclerc. Toutefois, il n’est pas possible d’affirmer que les informations communiquées à Aoste par Salaisons du Mâconnais sur les tarifs de France Salaisons proviennent nécessairement d’un échange anticoncurrentiel entre ces deux dernières sociétés.
625. Les dates de la première et de la dernière participation de France Salaisons à un échange anticoncurrentiel doivent donc être respectivement fixées au 26 avril 2011 (première réunion multilatérale) et au 30 avril 2013 (dernière réunion multilatérale).
Établissements Rochebillard et Blein (La Financière du Haut Pays)
626. Établissements Rochebillard et Blein a participé aux réunions multilatérales du 22 juin et 30 août 2011.
627. Il ressort également des constatations effectuées aux paragraphes 234 à 236 qu’elle a échangé à 8 reprises avec la société Aoste par téléphone et à plusieurs reprises avec Salaison Polette s’agissant d’un appel d’offres du groupe Carrefour sur les saucissons.
628. Parmi les 8 échanges avec Aoste, 4 sont corroborés par les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par un courrier émanant des Établissements Rochebillard et Bleinmontrant que les prix consignés dans le Carnet ont effectivement été proposés aux distributeurs (voir tableau 2.4 en Annexe n° 2 à la présente décision).
629. Le groupe La Financière du Haut Pays affirme qu’il n’a pas adhéré à l’entente et n’a pas échangé d’informations sur ses prix futurs. Il soutient à cet égard qu’il n’a participé qu’à deux réunions, les 22 juin et 30 août 2011, et que celles-ci n’ont porté que sur le résultat préalablement obtenu par les participants, à la suite des dernières hausses tarifaires demandées aux enseignes, et non sur des prix futurs.
630. Toutefois, le 28 avril 2011, il y a trace d’un échange entre M. JLG (Campofrio) et M. JC (La Financière du Haut Pays), sur l’appel d’offres Carrefour/Ed/Dia389), dont le contenu permet d’établir la participation des Établissements Rochebillard et Blein à des échanges d’informations sur ses prix futurs :
« Tel JC le 28/04 [Établissements Rochebillard et Blein]
- Son prix en allégé 220g => 1,706/ en Bio Ssson et Sse 2,60
- Va répondre sur court 250 > 1,63 et cbe 300 > 1,67 (gras ajouté)
- Pensait répondre sur Rosette et Jésus (Polette) »390.
631. De même, le document intitulé « compte-rendu étude appel d’offre Carrefour avril 2011 »391, établi par M. GP (Coop) pour M. Ph. P du groupe Coop, relate des conversations téléphoniques bilatérales que M. GP (Coop) a eues avec les autres salaisonniers au cours du mois d’avril 2011, recensant leur position par produit concerné, dans le cadre de l’appel d’offres lancé par Carrefour/dia/ED fin mars 2011 sur les « saucissons secs pièces entière en rayon libre-service ». Ces échanges sont intervenus avant que le groupe Coop adresse ses cotations à Carrefour le 11 mai 2011392. Ainsi, par exemple, la mention « Saucisson allégé en matière grasse 220g CRF, Rochebillard offre 1,717 € » figurant sur le compte-rendu précité indique qu’il y a eu un échange d’informations sur les prix futurs entre le groupe Coop et les Établissements Rochebillard et Blein, comme le confirme la note manuscrite saisie chez le groupe Coop qui indique sur ce produit : « Rochebillard demande 1,717, Ns [Nous] à 1,65 (1,45 en 220g) »393.
632. Le groupe La Financière du Haut Pays conteste par ailleurs le caractère continu de sa participation à l’entente.
633. À titre liminaire, l’Autorité relève que le premier échange «vers le 7 février 2011 »394 retenu à l’encontre des Établissements Rochebillard et Blein par la notification de griefs n’est pas daté avec suffisamment de précision pour établir le début de la participation de cette société aux pratiques.
634. L’Autorité retiendra donc la date du 14 avril 2011 (premier échange bilatéral avec Aoste) et celle du 24 juillet 2012 (dernier échange bilatéral avec Aoste) pour établir, respectivement, sa première et sa dernière participation à un échange anticoncurrentiel.
635. Entre ces deux dates, les Établissements Rochebillard et Blein ont participé à 5 échanges bilatéraux avec le groupe Campofrio au cours des mois d’avril 2011, mars et juillet 2012 et l’échange bilatéral avec le groupe Coop au cours des mois d’avril 2011 et 2 réunions multilatérales les 22 juin et 30 août 2011. Les différents contacts anticoncurrentiels auxquels les Établissements Rochebillard et Blein ont pris part, pour peu nombreux qu’ils soient, sont trop peu espacés pour caractériser une interruption de sa participation aux pratiques.
636. La participation des Établissements Rochebillard et Blein est donc établie du 14 avril 2011 au 24 juillet 2012.
Salaisons du Mâconnais
637. Salaisons du Mâconnais a participé à l’ensemble des réunions multilatérales.
638. Il ressort également des constatations effectuées aux paragraphes 237 à 239 qu’elle a échangé à 96 reprises par téléphone avec les sociétés Aoste (90 échanges) et Salaison Polette (6 échanges).
639. Parmi les 90 échanges avec Aoste, 65 sont corroborés par les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par des notes internes ou des courriers émanant de Salaisons du Mâconnais montrant que les prix consignés dans le Carnet ont effectivement été proposés aux distributeurs (voir tableau 2.5 en Annexe n° 2 à la présente décision).
640. Salaisons du Mâconnais ne conteste pas sa participation aux réunions multilatérales et n’apporte aucune explication de nature à écarter les échanges bilatéraux qui sont retenus contre elle.
641. Les dates de sa première et de sa dernière participation à un échange anticoncurrentiel dont l’existence a été établie remontent respectivement au 8 avril 2010 (premier échange bilatéral avec Aoste) et au 30 avril 2013 (dernière réunion multilatérale).
Sapresti Traiteur (CA Animation)
642. Sapresti Traiteur a échangé à 8 reprises avec la société Aoste par téléphone, comme cela ressort des paragraphes 240 à 242 ci-dessus.
643. Parmi ces 8 échanges, 6 sont corroborés par les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par des courriers émanant de Sapresti Traiteur/Loste montrant que les prix consignés dans le Carnet ont effectivement été proposés aux distributeurs (voir tableau 2.6en Annexe n° 2 à la présente décision).
644. Le groupe CA Animation conteste l’existence de ces échanges en soutenant qu’il n’existe pas d’indices de nature à les corroborer. En outre, il relève qu’il n’a pas été présenté par les demandeurs de clémence comme une entreprise ayant participé à l’entente alléguée, qu’il n’a pas participé aux réunions secrètes et qu’il n’est pas démontré qu’il a participé à une infraction unique et continue.
645. S’agissant tout d’abord de l’existence des échanges, il a été démontré ci-avant que la valeur probante du Carnet, qui forme un document unique et indivisible, ne saurait être remise en cause, compte tenu des nombreux éléments externes le corroborant (voir paragraphes 380 à 382 et 550 à 557 ci-avant). L’Autorité relève en outre que la majorité des échanges impliquant CA Animation sont corroborés par un élément extérieur au Carnet.
646. Ensuite, s’agissant de la qualification des pratiques, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient le groupe CA Animation, les services d’instruction n’ont pas retenu la qualification juridique d’infraction complexe et continue et n’ont donc, dès lors, pas soutenu la thèse de l’existence d’un plan d’ensemble auquel les entreprises auraient adhéré. Ensuite, s’il n’a pas participé aux réunions entre concurrents, il est établi que CA Animation a échangé des informations de nature commerciale avec le groupe Campofrio, permettant à ces deux groupes de se coordonner et d’atténuer ou de supprimer toute incertitude quant au caractère prévisible du comportement de l’autre concurrent.
647. Ainsi, par exemple, l’échange téléphonique bilatéral en date du 26 janvier 2012 portant sur les produits de snacking, pour lesquels CA Animation et Campofrio étaient fournisseurs respectivement pour Leader Price et Casino, a permis au groupe Campofrio « d’obtenir des informations sur leurs offres respectives afin de se coordonner et de continuer à assurer une certaine stabilité sur ces marchés »395.
648. En outre, l’échange noté sur le Carnet le 12 septembre 2011 entre MM. JLG (Campofrio) et LA (CA Animation) porte sur les prix futurs de Sapresti Traiteur dans le cadre d’un appel d’offres du groupe Casino. A cet égard, le courriel adressé le 23 septembre 2011 par la société Loste/Sapresti au distributeur EMC/Casino, qui propose à ce dernier une offre à [1-1,5] € l’UVC sur le stick 100 g est de nature à confirmer que l’information sur les prix a été échangée avec le groupe Campofrio en amont de l’offre qui a été faite par le groupe CA Animation au distributeur EMC/Casino.
649. Les dates de sa première et de sa dernière participation à un échange anticoncurrentiel dont l’existence a été établie remontent respectivement au 12 septembre 2011 (premier échange bilatéral avec Aoste) et au 24 juillet 2012 (dernier échange bilatéral avec Aoste).
Souchon d’Auvergne (Savencia)
650. Souchon d’Auvergne a participé à l’ensemble des réunions multilatérales.
651. Il ressort également des constatations effectuées aux paragraphes 243 à 245 que Souchon d’Auvergne a échangé par téléphone à 48 reprises avec les sociétés Aoste (44 échanges) et Salaison Polette (4 échanges) ci-dessus.
652. Parmi les 44 échanges avec Aoste, 31 sont corroborés par des relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par des courriers adressés par Souchon d’Auvergne à ses distributeurs (voir tableau n° 2.7 en Annexe n° 2 à la présente décision).
653. Souchon d’Auvergne conteste chacun des échanges qui lui est opposé en soutenant que leur matérialité n’est pas établie. Elle ajoute qu’en tout état de cause, les échanges bilatéraux retenus contre elles ne présentent pas un objet anticoncurrentiel, dans la mesure où la quasi-totalité consiste en de simples échanges d'informations relatifs à des demandes de hausses de prix de vente auprès des enseignes de la grande distribution, portent sur des informations passées ou non-stratégiques, et, de plus, inexactes et imprécises.
654. Toutefois, comme indiqué ci-avant, la valeur probante du Carnet, qui forme un document unique et indivisible, ne saurait être remise en cause, compte tenu des nombreux éléments externes le corroborant (voir paragraphes 380 à 382 et 550 à 557 ci-avant). S’agissant de Souchon d’Auvergne, l’Autorité relève en outre que la majorité des échanges la concernant sont corroborés par au moins un élément extérieur au Carnet.
655. L’Autorité relève néanmoins que le groupe Campofrio a écarté de lui-même trois échanges bilatéraux dans le cadre de ses observations au rapport, en soulignant qu’il n’était pas certain que les informations consignées dans le Carnet aient été communiquées par Souchon d’Auvergne :
- l’échange du 8 juillet 2010 mentionné au paragraphe 1026 de la notification de griefs ;
- l’échange situé « vers le 7 février 2011 » mentionné au paragraphe 1062 de la notification de griefs ;
- l’échange situé début2012 mentionné au paragraphe 1005 de la notification de griefs.
656. Ces trois échanges ne sauraient, de fait, être opposés à Souchon d’Auvergne.
657. En revanche, il n’y a pas lieu d’écarter les autres échanges bilatéraux opposés à Souchon d’Auvergne dont la matérialité et l’objet anticoncurrentiel sont établis.
658. En outre, certains échanges bilatéraux ayant eu lieu entre Aoste et d’autres sociétés permettent de révéler indirectement des échanges anticoncurrentiels auxquels la société Souchon d’Auvergne a pris part.
659. C’est notamment le cas d’un échange daté du 8 juillet 2010 entre Salaisons du Mâconnais et Aoste, mentionné au paragraphe 915 de la notification de griefs, qui indique : «Tel Ph. H le 08/07 [Ph H Mâconnais] Souchon serait à 1,33/ 1,34 sur la courbe OJ [Savencia] avait indiqué à JLG [Campofrio] 1,39 »396. La dernière partie de la phrase indique de manière explicite l’existence d’un échange sur les prix de la saucisse courbe entre OJ (Savencia) et JLG (Campofrio).
660. Tel est également le cas d’un échange bilatéral daté du 28 février 2011 entre Aoste et Salaison Polette mentionné au paragraphe 476 de la notification de griefs qui révèle indirectement des échanges anticoncurrentiels entre Salaison Polette et Souchon d’Auvergne concernant un possible conflit entre ces deux sociétés pour obtenir la saucisse sèche droite Ed/Dia et une offre de couverture de Salaison Polette sur le saucisson 3x50g au bénéfice de Souchon d’Auvergne :
« GP [Coop] va essayer de conserver le 250 g Dia – 1,63 à voir
GP [Coop] ne fera pas d’offre sur CRF [pour la saucisse sèche droite 250g]
OJ [Savencia] voudrait le reprendre mais GP [Coop] n’est pas OK
Rosette 400 => GP [Coop] demande 2,18 Ssse 3x50 => a demandé 1,03 mais va refaire à 1,08 pour OJ [Savencia] »397.
661. Il convient d’observer que la note interne de Salaison Polette concernant l’appel d’offres des enseignes du groupe Carrefour confirme l’existence d’un possible conflit entre Salaison Polette et Souchon d’Auvergne pour récupérer le marché des saucisses 250g Dia : « Souchon me demande de faire l’offre à 1,63€ car il souhaiterait récupérer ce marché »398.
662. Les dates de la première et de la dernière participation de Souchon d’Auvergne à un échange anticoncurrentiel dont l’existence a été établie remontent respectivement au 8 juillet 2010 (premier échange bilatéral avec Aoste) et au 30 avril 2013 (dernière réunion multilatérale).
En ce qui concerne le grief n° 3
663. À titre liminaire, l’Autorité écartera la réunion du FICT du 19 septembre 2012 qui avait été retenue par les services d’instruction comme date de fin du grief n° 3. Comme en atteste la feuille de présence fournie par le groupe Nestlé399, il n’est en effet pas établi, sauf pour les groupes Campofrio et Cooperl Arc Atlantique, que les parties mises en cause au titre du grief n° 3 aient assisté à cette réunion. En outre, il n’est pas démontré que les discussions qui ont eu lieu lors de cette réunion aient concerné les produits de charcuterie cuite.
664. S’agissant des échanges bilatéraux, il convient de rappeler que le Carnet apporté par le primo-demandeur de clémence consigne 134 échanges bilatéraux relatifs aux produits de charcuterie cuite, la majorité d’entre eux étant corroborés par des éléments extérieurs au Carnet. Ces échanges corroborés sont listés à l’Annexe n° 4 de la présente décision400.
Jean Caby (Campofrio)
665. Jean Cabya échangé à 134 reprises par téléphone avec les sociétés Madrange/Paul Prédault, Aubret, Brocéliande - ALH, Herta, SCO-Monique Ranou et Charcuteries Gourmandes, comme cela ressort des paragraphes 259 à 278 ci-dessus. La majorité de ces échanges sont corroborés par des éléments extérieurs au Carnet (voir les tableaux 4.1 à 4.6 de l’Annexe n° 4).
666. Les dates de la première et de la dernière participation de Jean Caby à un échange anticoncurrentiel remontent respectivement au 2 juillet 2010 et au 6 juin 2012.Madrange et Paul Prédault (FTL)
667. Les sociétés Madrange et Paul Prédault du groupe FTL ont échangé par téléphone à 49 reprises avec la société Jean Caby, comme cela ressort des paragraphes 261 à 263 ci-dessus.
668. Parmi ces 49 échanges, 33 sont corroborés par des relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et 5 par des courriers adressés par FTL à ses distributeurs qui confirment les informations consignées dans le Carnet (voir tableau n° 4.1 en Annexe n° 4 à la présente décision).
669. Le groupe FTL soutient que la plupart des informations échangées sont imprécises, non stratégiques et, en particulier, ne contiennent pas d’informations détaillées relatives aux prix. Tel serait le cas de 4 échanges ayant eu lieu le 5 juillet 2010, le 3 août 2010, le 27 mai 2011 et le 30 mai 2011 concernant des appels d’offres de Carrefour. Le groupe FTL explique encore que, pour un certain nombre d’échanges, il a eu recours au «bluff » et que les informations communiquées n’étaient donc pas sincères. Tel serait le cas des échanges du 3 août 2010 et du 25 mars 2011 concernant Lidl.
670. Toutefois, contrairement à ce que soutient le groupe FTL, les informations échangées avec Jean Caby transcrites dans le Carnet sont sensibles d’un point de vue de la concurrence, puisqu’elles concernent la stratégie commerciale et les prix du groupe FTL dans le cadre des réponses aux appels d’offres de la grande distribution. L’Autorité relève, par ailleurs, que le groupe FTL se réfère uniquement à 4 échanges pour contester le caractère sensible et stratégique des informations échangées avec Jean Caby, alors que 49 échanges lui sont opposés. Au demeurant, les échanges des 5 juillet 2010, 3 août 2010, 27 mai 2011 et 30 mai 2011 concernant les appels d’offres de Carrefour contiennent bien des informations confidentielles, fussent-elles imprécises, portant sur les prix et la stratégie commerciale du groupe FTL :
- échange du 5 juillet 2010 : « Tel JCP le 5/7/10 [FTL] AO Cpe/Fe [Coupe/Frais emballé] a eu BD [BD Cooperl avant le 30 novembre 2010] au tel qui lui aurait indiqué VOL=, voire en baisse, a eu VM[Carrefour] au tel => demande baisse prix sur DD [découenné et dégraissé]. VM [Carrefour] indique être étonnée que JCP [FTL] annonce perte volume et ne veuille pas baisser prix. VM [Carrefour] propose à JCP [FTL] de le revoir après ses vacances S 29 [29éme semaine de l’année]. JCP [FTL] récupère marché BIO (~50 T [Tonne]) ». (cote 59 - 12/0083AC) ;
- échange du 3 août 2010 : «Tel JCP le 03/08/10 [FTL] Perd marchés lardons LS [Libre Service] (prix marché => env -1€/kg MCV [marge sur coût variable]). Perd marché chorizo PE [pièce entière] (Berni [55100 Verdun], FS [France Salaisons/Sonical]??). JLG [Campofrio] informe JCP [FTL]que ce n’est pas Moroni [groupe Campofrio]. Marché Jbs [jambons] cuit FE [frais emballé] JCP [FTL] pense finalement garder tout le DD [Découenné et Dégraissé] HM [hypermarché] et SM [supermarché] (devrait compenser -2 entrepôts HM [Hypermarché] en AC [jambon avec couenne]) » (cote 59 - 12/0083AC) ;
- échange du 27 mai 2011 : « JCP [FTL] AO jambons cuit LS [libre-service] 27/05. Ont la pression de CRF [Carrefour] pour avancer vite sur le dossier (CRF annonce -5 à -11 % versus offre Madrange). JCP [FTL] pense qu’il ne faut pas se presser sur le dossier et que CCA n’a pas intérêt à faire baisser les prix dans le contexte. Demande chgt pack CRF : pas au courant, demande à son DNE [Directeur National d’Enseigne] et me rappelle. AO JBs secs : pas interrogés » (cote 60 - 12/0083AC) ;
- échange du 30 mai 2011 « Tel de JCP le 30/05 modif Pack Jbs cuit PT [prétranché]: ont accepté le changement sur toute la gamme. Mais demande à CRF de ne pas prendre en charge les frais d’agence + engagement CRF sur un périmètre actuel jusqu’à fin 2011 minimum. AO Jbs cuit : n’ont pas encore envoyé de contreproposition » (cote 60 - 12/0083AC).
671. En outre, le fait que le groupe FTL ait pu avoir recours au bluff vis-à-vis de Jean Caby à certaines reprises en lui communiquant des informations erronées n’est pas de nature à remettre en cause sa participation à l’entente (voir paragraphes 602 à 605 ci-avant).
672. Les dates de la première et de la dernière participation du groupe FTL à un échange anticoncurrentiel se rapportant au grief n° 3 doivent être respectivement fixées au 5 juillet 2010 et au 7 septembre 2011.
Aubret
673. Aubret a échangé à 29 reprises avec la société Jean Caby par téléphone, comme cela ressort des paragraphes 264 à 266 ci-dessus.
674. Parmi ces 29 échanges, 19 sont corroborés par les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par les courriers adressés par Aubret aux distributeurs qui confirment les informations consignées dans le Carnet (voir tableau n° 4.2 en Annexe n° 4 à la présente décision).
675. La société Aubret conteste l’existence de ces échanges en affirmant que ceux-ci ont été établis sur la base des seuls Carnet et déclarations de M. JLG (Campofrio), sans autres éléments de corroboration. Elle reproche également aux services d’instruction de s’être contentés d’expliquer les écarts parfois constatés entre les informations retranscrites dans le Carnet et les prix effectivement proposés aux distributeurs par le recours au « bluff », elle-même estimant que ces écarts démontreraient que les échanges n’ont, en fait, jamais existé.
676. Toutefois, comme indiqué ci-avant, la valeur probante du Carnet, qui forme un document unique et indivisible, ne saurait être remise en cause, compte tenu des nombreux éléments externes le corroborant (voir paragraphes 380 à 382 et 550 à 557 ci-avant). La circonstance que les courriers adressés par Aubret à ses clients contiennent des prix différents de ceux qui sont mentionnés dans le Carnet ne remet pas en cause l’existence même des échanges concernés ni leur objet anticoncurrentiel. Il est en effet de jurisprudence constante que le fait que certains participants à l’entente tendent à tromper d’autres participants en communiquant de fausses informations ne change rien à l’existence même de l’entente401 (voir paragraphes 602 à 605 ci-avant). En outre, l’existence de stratégies de « bluff » a été corroborée par d’autres participants à l’entente (voir ci-avant, paragraphe 495).
677. Les dates de la première et de la dernière participation d’Aubret à un échange anticoncurrentiel dont l’existence a été établie remontent respectivement au 2 juillet 2010 et au 1er février 2012.Brocéliande - AHL (Cooperl Arc Atlantique)
678. Le groupe Cooperl Arc Atlantique a échangé à 42 reprises par téléphone avec la société Jean Caby, comme cela ressort des paragraphes 267 à 269 ci-dessus.
679. Parmi ces 42 échanges, 30 sont corroborés par les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par des documents internes et des correspondances du groupe Cooperl Arc Atlantique avec différents distributeurs (voir tableau n° 4.3 en Annexe n° 4).
680. Le groupe Cooperl Arc Atlantique conteste l’existence de chacun des échanges qui lui sont opposés et soutient qu’il n’a pas dévoilé à ses concurrents le comportement qu’il envisageait de tenir sur le marché. Il relève, notamment, qu’il n’existe aucune écoute ni enregistrement des conversations entre M. JLG (Campofrio) et ses concurrents permettant de prouver que les échanges reportés dans le Carnet ont effectivement eu lieu. Il conteste également le caractère anticoncurrentiel de certains des échanges reportés dans le Carnet, en indiquant que les informations qui y sont consignées sont non-stratégiques et connues de tous sur le marché.
681. Toutefois, comme indiqué ci-avant, la valeur probante du Carnet, qui forme un document unique et indivisible, ne saurait être remise en cause, compte tenu des nombreux éléments externes le corroborant (voir paragraphes 380 à 382 et 550 à 557 ci-avant). L’Autorité relève au demeurant, s’agissant de Brocéliande, que la grande majorité de ses échanges avec Jean Caby sont corroborés par des éléments extérieurs au Carnet, dont des relevés téléphoniques mais également des notes manuscrites, des courriels et des télécopies saisies chez Cooperl Arc Atlantique qui sont de nature à confirmer les informations consignées dans le Carnet. La matérialité des 42 échanges bilatéraux impliquant le groupe Cooperl Arc Atlantique est donc établie.
682. L’Autorité considère par ailleurs que les explications apportées par le groupe Cooperl Arc Atlantique sur le caractère non-stratégique des échanges consignés dans le Carnet doivent être écartées, à l’exception de celles concernant l’échange du 1er juillet 2010, trop imprécis, de fait, pour être qualifié d’anticoncurrentiel.
683. En revanche, les autres échanges, qui se rapportent à la stratégie commerciale et la politique tarifaire de Cooperl Arc Atlantique ou de Jean Caby, sont suffisamment explicites pour conclure à leur caractère anticoncurrentiel.
684. À titre d’exemple, l’échange du 7 juillet 2010 révèle directement la stratégie commerciale future de Cooperl Arc Atlantique et d’Aoste pour répondre à un appel d’offres d’Aldi sur le marché des lardons : «Tel AT le 07/07 [Cooperl] va coter sur marché lardons. JLG annonce prix actuel 0,68 demande hausse 0,695~»402.
685. Tel est également le cas d’un échange du 9 mai 2011 qui comporte des indications sur la politique de prix futur de Cooperl Arc Atlantique pour répondre à un appel d’offres de Carrefour : « Tel AT/ JLS/ GC 09/05 [AT / JLS / GC Cooperl Arc Atlantique] AO Jbs cuit CRF LS => ne répondent pas sur UE [viande origine Union européenne] sauf sur le BIO. Vont demander hausse entre 0,10 et 0,15€/kg. Veulent garder leur volume sans +»403.
686. Les dates de la première et de la dernière participation de Cooperl Arc Atlantique à un échange anticoncurrentiel doivent être respectivement fixées au 7 juillet 2010 et au 6 juin 2012.
Charcuteries Gourmandes (Roullier)
687. Charcuteries Gourmandes a échangé à 5 reprises avec la société Jean Caby par téléphone, comme cela ressort des paragraphes 270 à 272 ci-dessus.
688. Parmi ces 5 échanges, 2 sont corroborés par des courriers de Charcuterie Gourmandes montrant que les prix retranscrits dans le Carnet ont effectivement été proposés aux distributeurs (voir tableau n° 4.4 en Annexe n° 3 à la présente décision).
689. Le groupe Roullier souligne que l’échange du mois d’octobre 2010 au sujet de l’appel d’offres organisé par EMC/Leader Price404montre que Charcuteries Gourmandes a répondu de manière négative aux sollicitations de Jean Caby. L’Autorité considère, de fait, qu’il existe un doute raisonnable sur la volonté de Charcuteries Gourmandes d’adhérer à un comportement anticoncurrentiel au regard du contenu de ce premier échange.
690. En revanche, le contenu des quatre autres échanges bilatéraux impliquant Charcuteries Gourmandes permet d’établir de manière explicite la participation de cette société aux pratiques visées par le grief n° 3 :
- l’échange du 25 mars 2011 porte sur les demandes de hausses de prix effectuées par Charcuteries Gourmandes en janvier 2011 ;
- l’échange situé entre le 25 mars 2011 et le 1er avril 2011 porte sur le prix proposé par Charcuteries Gourmandes sur le jambon 4 tranches DD en réponse à l’appel d’offres lancé par Aldi ;
- l’échange à la fin du mois de juin porte sur les offres qui vont être présentées par Charcuteries Gourmandes pour répondre à l’appel d’offres du groupe Casino ;
- l’échange du 30 septembre 2011 porte sur le prix du rôti de porc cuit proposé par Charcuteries Gourmandes en réponse à l’appel d’offres lancé par le groupe Casino.
691. Au regard des éléments qui précèdent, les dates de la première et de la dernière participation de Charcuteries Gourmandes à un échange anticoncurrentiel doivent être respectivement fixées au 25 mars 2011 et au 30 septembre 2011.
Herta (Nestlé)
692. Herta a échangé à 5 reprises avec la société Jean Caby par téléphone, comme cela ressort des paragraphes 276 à 278 ci-dessus.
693. Parmi ces 5 échanges, 3 sont corroborés par des correspondances montrant que les prix reportés dans le Carnet ont été effectivement proposés aux distributeurs (voir tableau n° 4.5en Annexe n° 4).
694. Herta ne conteste pas l’existence des échanges bilatéraux le concernant, mais considère que ceux-ci s’analysent en des échanges d’informations d’une sensibilité réduite et ne permettent pas d’établir son adhésion à des pratiques d’accords.
695. Toutefois, le contenu de 4 échanges bilatéraux impliquant Herta retranscrits dans le Carnet permet d’établir la participation de cette société aux pratiques visées par le grief n° 3 :
«Tel FFCA (environ) 20 Meuros. RDV avec Devillele (EMC) position NON» (cote 244 - 12/0083AC).
- l’échange du 29 octobre 2010 indique qu’Herta n’a pas prévu de hausse de prix, mais « serait OK pour en passer », ce qui traduit l’accord d’Herta de proposer des hausses de prix en commun avec ses concurrents ;
- les échanges du 23 et 24 février 2011 portent sur les prix qu’Herta a finalement proposés sur les knacks le 24 février 2011 en réponse à un appel d’offres de Lidl, ce qui montre qu’Herta a échangé des informations sur ses prix futurs avec Jean Caby dans le cadre de réponse à des appels d’offres ;
- l’échange du 25 mars 2011 dans l’onglet « Divers Tarifs » porte sur les demandes de hausse « en cours » de certains de ses produits, ce qui constitue également une information particulièrement sensible au regard du droit de la concurrence
696. L’Autorité considère en revanche qu’il convient de faire droit à la demande d’Herta d’exclure des échanges à caractère anticoncurrentiel le second échange intervenu le 25 mars 2011, afférent à une coordination d’ordre purement logistique entre Herta et Jean Caby à la demande d’Aldi pour éviter des problèmes d’approvisionnement.
697. Les dates de la première et de la dernière participation d’Herta à un échange anticoncurrentiel doivent être respectivement fixées au 29 octobre 2010 et au 25 mars 2011.
SCO-Monique Ranou (Les Mousquetaires)
698. SCO-Monique Ranou a échangé à 4 reprises avec la société Jean Caby par téléphone, comme cela ressort des paragraphes 273 à 275 ci-dessus.
699. Parmi ces 4 échanges, deux sont corroborés par un courriel du 9 décembre 2011 adressé à Casino qui confirme les informations consignées dans le Carnet (voir tableau n° 4.6 en Annexe n° 4 à la présente décision).
700. SCO-Monique Ranou conteste l’existence des échanges bilatéraux la concernant, en soutenant que ceux-ci auraient dû figurer dans les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) s’ils avaient eu réellement lieu.
701. Comme indiqué ci-avant, la valeur probante du Carnet, qui forme un document unique et indivisible, ne saurait être remise en cause, compte tenu des nombreux éléments externes le corroborant (voir paragraphes 380 à 382 et 550 à 557 ci-avant). L’Autorité relève en outre, s’agissant de SCO-Monique Ranou, que deux des quatre échanges la concernant sont corroborés par un document extérieur au Carnet. Enfin, comme expliqué ci-dessus, les relevés téléphoniques ne permettent pas de retracer tous les échanges auxquels M. JLG (Campofrio) a participé (notamment les appels entrants reçus par M. JLG - Jean Caby).
702. Les dates de la première et de la dernière participation de SCO-Monique Ranou à un échange anticoncurrentiel doivent être respectivement fixées au 30 mars 2011 et au 3 janvier 2012.
E. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES
1. LE RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
a) Sur l’imputabilité au sein d’un groupe de sociétés
703. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises, comprises comme désignant des entités exerçant une activité économique. Le juge de l’Union a précisé que la notion d’entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.
704. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Ces solutions jurisprudentielles sont fondées sur le fait qu’en l’absence d’autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.
705. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ce cas, l’autorité de concurrence sera en mesure de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché405.
706. À cet égard, il n’est pas exigé, pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale, de prouver que la société mère ait été directement impliquée dans les pratiques, ou ait eu connaissance des comportements incriminés. Ainsi que le relève le juge de l’Union, « (…) ce n’est donc pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE qui permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère »406.
707. Si une société mère ne détient pas, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il est nécessaire de vérifier que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et en particulier, un pouvoir de direction sur celle-ci407. Dans un tel cas, afin d’établir si une filiale détermine ou non de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents propres aux circonstances de l’espèce, relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère408, tels que les liens capitalistiques, l’identité des dirigeants, l’existence d’un pouvoir de décision de la société mère sur sa filiale, les instructions, directives ou sujétions imposées à la filiale ou encore la définition de la stratégie commerciale par la société mère.
b) Sur l’imputabilité en cas de transformation des entreprises
708. Il ressort d’une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit en être tenue responsable.
709. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n’en continue pas moins à répondre de l’infraction commise.
710. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a commis les pratiques a cessé d’exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a juridiquement été transmise, c’est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l’infraction, et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle409.
711. Dès lors qu’elle n’a pas cessé d’exister juridiquement, la mise en redressement ou liquidation judiciaire d’une entreprise auteure de pratiques anticoncurrentielles ne la fait pas échapper à la responsabilité des pratiques dont elle doit répondre, même si ses actifs ont été cédés410.
2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe d’Aucy
712. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 3, la responsabilité de la société Aubret en tant qu’auteure des pratiques, ce qui n’est pas contesté par l’intéressée.
b) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe CA Animation
713. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 2, la responsabilité des sociétés Grand Saloir Saint-Nicolas, Les Monts de la Roche et Sapresti Traiteur en tant qu’auteures des pratiques et celle de la société CA Traiteur et Salaisons en sa qualité de société mère française qui, détenant l’intégralité du capital de la société Les Monts de la Roche et de la société Grand Saloir Saint-Nicolas, cette dernière détenant quant à elle l’intégralité du capital de la société Sapresti Traiteur, est présumée avoir exercée une influence déterminante sur le comportement de ses filiales auteures pendant la période de commission des pratiques. De même, la responsabilité de la société CA Animation, en sa qualité de société mère faîtière de la société CA Traiteur et Salaisons, doit être retenue à compter du mois de mars 2011. En effet, la société CA Animation détenait la société CA Traiteur et Salaisons à 77,7 %et était représentée par M. Antoine d’Espous411, mandataire de CA Animation, également président de CA Traiteur et Salaisons, qui détenait, quant à lui, une participation minoritaire dans le capital de CA Traiteur et Salaisons, le solde de l’actionnariat, 13,8 % des parts de CA Traiteur et Salaisons, ayant consisté en un accompagnement financier ayant pour objet de permettre des opérations de croissance externe.
714. Aucune contestation n’a été formulée sur ces points par les parties.
c) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Campofrio
715. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 1, la responsabilité des sociétés Aoste, Campofrio Food Group Holding S.L.U. et Jean Caby en tant qu’auteures des pratiques.
716. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 2, la responsabilité des sociétés Aoste et Salaisons Moroni en tant qu’auteures des pratiques. La fusion-absorption de la société Salaisons Moroni par la société Aoste intervenue le 30 juillet 2018 avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 a pour conséquence, en application du critère de la continuité économique, de rendre les pratiques imputées à la société Salaisons Moroni au titre du grief n° 2 imputables à la société Aoste.
717. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 3, la responsabilité des sociétés Aoste et Jean Caby en tant qu’auteures des pratiques.
718. De même, la responsabilité de la société Campofrio Food Group France Holding doit être retenue au titre des griefs n° 1, 2 et 3, en sa qualité de société mère, présumée avoir exercée une influence déterminante sur le comportement de ses filiales auteures pendant la période de commission des pratiques412.
719. En outre, la responsabilité de la société Campofrio Food Group S.A.U. doit également être retenue au titre des griefs n° 1, 2 et 3 en sa qualité de société mère faîtière, dès lors que, détenant 100 % du capital de la société Campofrio Food Group Holding S.L.U., qui détenait elle-même 100 % de la société Campofrio Food Group France Holding, elle est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales pendant la période de commission des pratiques.
720. Le groupe Campofrio n’a émis aucune contestation sur ces points.
d) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Coop
721. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 2, la responsabilité des sociétés Bell France, devenue Bell France Holding le 1er décembre 2014, Maison de Savoie, Salaison Polette et Cie, Salaison de Saint André, devenue Bell France le 18 novembre 2014, Saloir de Mirabel, Saloir de Virieu et Val de Lyon en tant qu’auteures des pratiques.
722. De même, la responsabilité de la société Bell France, devenue Bell France Holding le 1er décembre 2014, doit être retenue au titre du grief n° 2 en tant que société mère française qui, détenant 100 % du capital de chaque société auteure, à l’exception de Bell France elle-même, est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales pendant la période de commission des pratiques.
723. En outre, la responsabilité de la société Bell Holding AG, devenue Bell AG le 7 avril 2011 puis Bell Food Group AG en avril 2017, doit également être retenue au titre du grief n° 2, en tant que société mère faîtière détenant 100 % du capital de Bell France, et ainsi présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales auteures pendant la période de commission des pratiques.
724. Enfin, la responsabilité de la société Coop Société Coopérative devenue Groupe Coop Société Coopérative le 6 mai 2013, actionnaire historique et principal, à hauteur de 66,29 % du capital, du groupe Bell, partageant avec la société Bell Holding AG certains administrateurs et dirigeants, et demandeur de clémence413, doit également être retenue.
725. Lors de la séance, les représentants du groupe Coop ont confirmé ne contester aucun de ces points.
e) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Cooperl Arc Atlantique
726. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 3, la responsabilité des sociétés Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande - ALH en tant qu’auteures des pratiques et celle de la société Cooperl Arc Atlantique, détentrice de 100 % du capital de la société Brocéliande – ALH et qui, en sa qualité de société mère faîtière, est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques, ce qui n’est pas contesté par les parties.
f) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe La Financière du Haut Pays
727. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 2, la responsabilité de la société Établissements Rochebillard et Blein, en son nomet pour Peguet Savoie Salaisons, cette société ayant été fusionnée par transmission universelle de patrimoine avec la société Établissements Rochebillard et Blein le 31 décembre 2015, et de la société La Financière du Haut Pays, en tant qu’auteures des pratiques, ainsi que celle de la société La Financière du Haut Pays, détentrice de 100 % du capital de la société Établissements Rochebillard et Blein, d’une part, et d’autre part, de 100 % de la société Holding Macheret, détenant quant à elle 100 % du capital de la société Peguet Savoie Salaisons, et qui, en sa qualité de société mère faîtière, est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales pendant la période de commission des pratiques, ce qui n’est pas contesté par les parties.
g) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Financière Turenne Lafayette
Sur l’imputabilité des pratiques à des sociétés auteures du groupe FTL au titre du grief n° 1
728. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 1, la responsabilité des sociétés Établissements Germanaud et Cie, Financière Turenne Lafayette SA, radiée le 25 janvier 2013 et remplacée par Financière Turenne Lafayette SAS (n° RCS 765 500 608), Géo, Montagne Noire, pour le compte de la Maison du Jambon, Madrange et Paul Prédault en tant qu’auteures des pratiques, ce que les parties ne contestent pas.
729. Il ressort en effet des pièces du dossier que les sociétés précitées ont toutes participé aux pratiques pendant la période courant de janvier à juin 2011 et que, s’agissant plus particulièrement des sociétés du groupe Madrange, elles ont continué à participer aux pratiques après le rachat de ce groupe par le groupe FTL en juillet 2011.
730. La responsabilité de l’ensemble de ces sociétés pour l’intégralité de la période de mise en œuvre des pratiques doit donc être retenue.
Sur l’imputabilité des pratiques à des sociétés auteures du groupe FTL au titre du grief n° 2
731. Le groupe FTL conteste l’imputabilité des pratiques visées au titre du grief n° 2 aux sociétés Géo et Paul Prédault en tant qu’auteures. Il soutient que, d’une part, seule la société Financière Turenne Lafayette est mentionnée comme ayant participé aux réunions du 26 avril 2011 et du 17 mai 2011 et que, d’autre part, seules les sociétés FTL et Montagne Noire sont visées dans les échanges bilatéraux mentionnés dans la notification de griefs. Il précise que la société Paul Prédault est spécialisée dans la commercialisation de produits de charcuterie cuits et qu’elle ne peut donc être impliquée dans des échanges concernant la commercialisation de produits de charcuterie crus. Il en conclut que le grief n° 2 n’aurait pas dû être notifié aux sociétés Géo et Paul Prédault.
732. Cependant, la responsabilité, tant des sociétés Financière Turenne Lafayette SA, radiée le 25 janvier 2013 et remplacée par Financière Turenne Lafayette SAS, Montagne Noire, en son nom et pour le compte de la Maison du Jambon, anciennement dénommée Salaisons du Terradou, que de la société Géo, en tant qu’auteures des pratiques, doit être retenue au titre du grief n° 2.
733. En effet, la mise en cause de la société Géo résulte du constat selon lequel les pratiques ont été mises en œuvre par MM. JCP et DR.
734. M. P était salarié de la société Madrange en qualité de Directeur commercial du groupe Madrange, qui comprenait, notamment, la société Géo, jusqu’en juillet 2011. Si, à partir de juillet 2011, s’est ouverte une période de transition d’une durée de six mois, au cours de laquelle il a cédé son activité MDD à M. DR, à la fin de l’année 2011, il est devenu Directeur commercial marques nationales, tout en restant salarié de la société Madrange414.
735. M. DR était, quant à lui, employé de la société Paul Prédault en tant que directeur commercial des produits MDD et premiers prix de charcuterie crue et cuite pour les sociétés du groupe FTL de 2010 à 2013. Il a, par ailleurs, exercé cette fonction pour le compte de la société Géo à compter du mois de juillet 2011, dans le cadre de prestations de service facturées415.
736. Ainsi, MM. JC Pet DR, employés respectivement par les sociétés Madrange et Paul Prédault et représentant, notamment, les intérêts de la société Géo, ont mis en œuvre les pratiques visées au titre du grief n° 2.
737. La responsabilité de l’ensemble de ces sociétés sur l’intégralité de la période de mise en œuvre des pratiques doit dès lors être retenue.
738. En revanche, il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de la société Paul Prédault au titre du grief n° 2 en tant qu’auteure des pratiques. En effet, ce grief concerne la commercialisation de produits crus, et Paul Prédault ne commercialise, de fait, que des produits cuits, ainsi qu’il résulte du tableau valeur des ventes416 et des précisions apportées par FTL417.
Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés auteures du groupe FTL au titre du grief n° 3
739. Le groupe FTL estime que les pratiques retenues au titre du grief n° 3 ont impliqué la société Madrange et non les sociétés Géo, Salaisons de l’Arrée, devenue La Lampaulaise de Salaisons en 2016, et Établissements Germanaud et Cie.
740. Cependant, il y a bien lieu de retenir, au titre du grief n° 3, la responsabilité de ces sociétés, ainsi que celle des sociétés Financière Turenne Lafayette SA, radiée le 25 janvier 2013 et remplacée par Financière Turenne Lafayette SAS, Madrange et Paul Prédault en tant qu’auteures des pratiques.
741. En effet, la mise en cause des sociétés Géo, La Lampaulaise de Salaisons et Établissements Germanaud et Cie résulte du constat selon lequel les pratiques ont été mises en œuvre par MM. JCP et DR dans les conditions rappelées ci-avant aux paragraphes 733 et suivants. S’agissant plus particulièrement de ce dernier, il a exercé les fonctions de directeur commercial des produits MDD et premiers prix de charcuterie crue et cuite notamment, pour les sociétés Établissements Germanaud et Salaisons de l’Arrée (devenue La Lampaulaise de Salaisons en 2016) depuis septembre 2010 et pour les sociétés Géo et Madrange à partir de juillet 2011418, dans le cadre de prestations de service facturées aux sociétés concernées, pour toutes les sociétés autres que Paul Prédault.
742. Dès lors, MM. JCP et DR, employés respectivement par les sociétés Madrange et Paul Prédault et représentant, notamment, les intérêts de la société Géo et, s’agissant de M. DR, ceux des sociétés Établissements Germanaud et Salaisons de l’Arrée (devenue La Lampaulaise de Salaisons en 2016) ont mis en œuvre les pratiques visées au titre du grief n° 3.
743. La responsabilité de l’ensemble de ces sociétés pour l’intégralité de la période de mise en œuvre des pratiques doit donc être retenue.
Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés mères du groupe FTL
744. Le groupe FTL soutient que les sociétés FTL et Agripole n’auraient pas dû se voir imputer de grief en tant que sociétés mères ayant exercé une influence déterminante sur la société Madrange, dès lors que cette dernière a pris part aux pratiques entre le 5 juillet 2010 et le 30 mai 2011, période durant laquelle elle n’appartenait pas au groupe FTL.
745. Or, la responsabilité de la société Financière Turenne Lafayette en tant que société mère doit bien être retenue dès lors que cette société, objet d’une fusion-absorption avec Latronche Madrangeas, renommée Financière Turenne Lafayette SAS, a détenu, pendant toute la période concernée, directement ou indirectement la totalité ou quasi-totalité du capital des sociétés auteures419 et est ainsi présumée avoir exercé une influence déterminante sur leur comportement pendant la période de commission des pratiques.
746. Il ressort en effet des éléments du dossier que la société Madrange, qui a pris part aux pratiques entre le 5 juillet 2010 et le 30 mai 2011appartenait, durant cette période, au groupe Madrange. La société Madrange était alors détenue à 100 % par la société Latronche Madrangeas, elle-même détenue par la société Fima.
747. En juin 2011, la société Financière Turenne Lafayette SA a acquis l’intégralité des titres de la société Fima, ceux de la société Latronche Madrangeas ayant été préalablement transférés à cette dernière dans leur totalité420. La société Financière Turenne Lafayette SA a ainsi fait l’objet d’une fusion-absorption avec la société Latronche Madrangeas et a été renommée Financière Turenne Lafayette SAS le 31 décembre 2012. Elle était elle-même détenue à 74,9 % et consolidée par la société Agripole421.
748. Ainsi, pour la période allant de janvier 2010 à juin 2011 (comprenant donc la période de participation aux pratiques allant du 5 juillet 2010 au 31 mai 2011) précédant l’acquisition du groupe Madrange par le groupe FTL, il y a bien lieu de retenir, sur le fondement du critère de la continuité économique, la responsabilité de la société Financière Turenne Lafayette SA, renommée Financière Turenne Lafayette SAS le 31 décembre 2012.
749. Il en est de même s’agissant de la responsabilité de la société Agripole en tant que société mère faitière, présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales auteures pendant la période de juillet 2011 à décembre 2012422.
h) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Fleury Michon
750. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 1, la responsabilité des sociétés Charcuteries Cuisinées du Plélan, Fleury Michon LS et Société d’Innovation Culinaire en tant qu’auteures des pratiques, ce qui n’est pas contesté par les parties, à l’exception de Fleury Michon LS, pour les motifs développés ci-avant aux paragraphes 309 et suivants. La fusion-absorption de la société Fleury Michon Charcuterie par la société Fleury Michon Traiteur, devenue Fleury Michon LS intervenue par un traité de fusion daté du 22 novembre 2017 a pour conséquence, en application du critère de la continuité économique, de rendre les pratiques imputées à la société Fleury Michon Charcuterie au titre du grief n° 1 imputables à la société Fleury Michon LS.
751. De même, la responsabilité de la société Fleury Michon, en sa qualité de société mère faîtière des sociétés auteures dont elle détenait directement ou indirectement l’intégralité du capital, doit être retenue, ce qui n’est pas non plus contesté par les parties, dès lors qu’elle est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales auteures pendant la période de commission des pratiques.
752. La Société holding de contrôle et de participations SAS (ci-après « SHCP ») conteste, en revanche, l’imputabilité en sa qualité de société mère faîtière ayant exercé une influence déterminante sur les sociétés Charcuteries Cuisinées du Plélan, Fleury Michon Charcuterie et Société d’Innovation Culinaire, auteures des pratiques. Selon elle, la présomption capitalistique d’une influence déterminante ne peut lui être appliquée dès lors qu’elle détenait, au moment des pratiques, indirectement, moins de 50 % du capital de ces sociétés. Elle ajoute que la notification de griefs ne démontre pas qu’elle a effectivement exercé une influence déterminante sur ces sociétés.
753. Il ressort effectivement du dossier que la société SHCP ne détenait pas la totalité ou la quasi-totalité du capital de la société Fleury Michon SA, qui détient elle-même, directement ou indirectement, 100 % des parts des sociétés auteures des pratiques. Fleury Michon SA est majoritairement détenue par la société SHCP : « [l]e capital de la Société [était] détenu à plus de 50 % directement ou indirectement par les familles G et C, lesquelles [détenaient] 65,05 % des droits de vote théorique au 31 décembre 2014 »423. S’agissant de sa relation avec la société Fleury Michon SA, la présomption n’a donc pas lieu de s’appliquer et il convient d’examiner, sur le fondement d’éléments d’ordre économique, organisationnel et juridique si la société SHCP exerçait effectivement une influence déterminante sur la société Fleury Michon SA.
754. À cet égard, les services d’instruction ont relevé, outre la participation majoritaire de la société SHCP, que les deux sociétés avaient en commun des administrateurs appartenant aux familles G et C. Il en est ainsi de M. GG, fils d’Y et G G, directeur général de la société SHCP et également président du conseil d’administration de la société Fleury Michon SA depuis 2009, en sa qualité de « [r]eprésentant de l’actionnaire familial de référence ». Le document de référence du groupe Fleury Michon pour l’année 2013 précisait par ailleurs que Mme GG était, quant à elle, membre du conseil d’administration de la société Fleury Michon SA424. En outre, M. YG, président de la société SHCP, était également vice-président et président d’honneur de la société Fleury Michon SA, au sein de laquelle il représentait l’« actionnaire familial de référence »425.
755. Il ressort également des éléments du dossier qu’un accord entre actionnaires, aux termes desquels la société SHCP et les membres de la famille G ont déclaré agir, à partir du 3 septembre 2002, de concert dans le cadre de l’exercice des droits de vote de la société Fleury Michon SA426, avait été conclu au sein de la société Fleury Michon SA par lettre du 10 juin 2002. Le Comité de direction du groupe Fleury Michon, constitué au niveau de la société Fleury Michon SA, était également doté d’un Comité stratégique « rattaché à la holding animatrice SHCP »427 et la société SHCP réalisait, de plus, une mission de conseil en stratégie et développement des activités de la société Fleury Michon SA en vertu d’un contrat de prestations de services liant les deux sociétés428.
756. Néanmoins, ces éléments paraissent trop parcellaires et disparates, et donc insuffisants, pour permettre d’établir l’effectivité de l’exercice d’une influence déterminante sur ces filiales auteures sur la base d’un ensemble d’éléments factuels au sens de la jurisprudence pertinente, et en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de l’une de ces entreprises vis-à-vis des autres429. Le Tribunal de l’Union a en effet rappelé que « la Commission ne saurait se contenter de constater qu’une entreprise peut exercer une influence déterminante sur une autre entreprise, sans qu’il soit besoin de vérifier si cette influence a effectivement été exercée. Au contraire, il incombe, en principe, à la Commission de démontrer une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, dont, en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de l’une de ces entreprises vis-à-vis de l’autre (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C-196/99P, Rec. p. I-11005, points 96 à 99, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 56 supra, points 118 à 122 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314/01, Rec. p. II-3085, point 136) ». La responsabilité de la société SHCP en sa qualité de société mère doit, par conséquent, être écartée.
i) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Les Mousquetaires
757. Il y a lieu de retenir la responsabilité de la société Salaisons Celtiques en tant qu’auteure au titre du grief n° 1. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté.
758. Le groupe Les Mousquetaires conteste, en revanche, l’imputabilité des pratiques en tant que sociétés mères à la Société Civile des Mousquetaires pour la période 2011-2012 et à la société Les Mousquetaires pour 2013, au motif qu’il serait «démontré…que le Groupement des Mousquetaires, loin d’avoir eu la volonté de s’entendre de quelque manière que ce soit au détriment des abatteurs, a toujours eu une politique de soutien de la filière porcine »430 et que «M. Nedelec avait notamment pour mission d’œuvrer au sein de la FICT à la mise en place d’un nouvel indice du jambon sans mouille qui aurait été de nature à éluder les risques de pratiques anticoncurrentielles »431. Ces arguments, pour les motifs exposés ci-avant (voir paragraphes 705 et suivants) ne sauraient prospérer. Par ailleurs, il apparaît que la Société Civile des Mousquetaires détenait directement ou indirectement par l’intermédiaire de la société ITM, la totalité ou quasi-totalité du capital des filiales auteures. S’agissant de la Société Les Mousquetaires, qui détient depuis 2013 100 % de la Société Civile des Mousquetaires, il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire annuelle du 27mai 2014 que « La Société, constituée le 30 octobre 2012, s’est vue apporter 92,70 % du capital de la Société Civile des Mousquetaires (ci-après la “SCM”432) par l’Union des Mousquetaires (ci-après “l’UDM”) ainsi que par une large majorité des adhérents, par voie d’échange de titres de la Société.
La Société est ainsi devenue en 2013 la société mère du Groupe en lieu et place de la SCM.
L’opération de restructuration n’a eu aucun impact sur le contrôle effectif du Groupe, la constitution de la Société ayant seulement eu pour effet de rajouter un échelon supplémentaire dans l’exercice du contrôle, sans le modifier.
Dans ce contexte de continuité du contrôle, l’exercice 2013 est le premier exercice d’établissement des comptes consolidés de la Société. Ces comptes sont établis selon les mêmes méthodes que ceux de la SCM »433.
759. Il résulte de l’ensemble de ces constats que ces deux sociétés sont présumées avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de leurs filiales auteures pendant la période de commission des pratiques, et aucun des arguments avancés par le groupe Les Mousquetaires n’est de nature à renverser cette présomption.
760. S’agissant du grief n° 3, le groupe Les Mousquetaires conteste l’imputabilité des pratiques en tant qu’auteures aux sociétés Salaisons Celtiques, Salaisons du Guéméné et S.C.O.. Il soutient, à cet effet, soit que le demandeur de clémence n’a pas mentionné ces sociétés dans la liste des participants aux pratiques, soit, pour ce qui concerne la société Salaisons Celtiques, que celle-ci n’est mentionnée que dans une liste complémentaire de concurrents ayant fait l’objet uniquement de contacts occasionnels et que deux autres salaisonniers dont les noms figuraient pourtant dans cette seconde liste n’ont pas été mis en cause.
761. Ces arguments ne sauraient toutefois prospérer.
762. En effet, comme l’ont rappelé les services d’instruction, M. EG était, de 2010 à 2012, employé de la société Salaisons du Guéméné en qualité de directeur du pôle carné du groupe ITM. Par ailleurs, il ressort des déclarations des représentants des sociétés Salaisons du Guéméné et S.C.O. qu’en application de contrats de prestation de services passés au sein du groupe, M. EG était chargé, pour les sociétés S.C.O. et Salaisons Celtiques, de la commercialisation des produits de charcuterie transformés, hors groupement Les Mousquetaires434.
763. En outre, il ressort des constatations que M. EG a eu des échanges avec M. JLG (groupe Campofrio) concernant la commercialisation de produits de charcuterie cuits.
764. Enfin, la circonstance que des entreprises dont le nom figurait sur la même liste que la société Salaisons Celtiques n’ont pas été mises en cause dans la notification de griefs est, à l’évidence, indifférente, dans la mesure où la mise en cause des sociétés du groupe Les Mousquetaires repose sur des éléments concrets qui leur sont spécifiques, de même que pour d’autres entreprises figurant sur cette liste, comme Charcuteries Gourmandes, Herta ou encore Aoste.
765. Il convient d’ajouter, s’agissant de la société Salaisons du Guéméné que sa dissolution-confusion avec la société Salaisons Celtiques, intervenue le 21 novembre 2018, a pour conséquence, en application du critère de la continuité économique, de rendre les pratiques imputées à la société Salaisons du Guéméné au titre du grief n° 3 imputables à la société Salaisons Celtiques435.
766. Au titre du grief n° 3, il convient enfin, pour les mêmes motifs et dans les mêmes conditions que ceux exposés ci-avant au titre du grief n° 1, de retenir la responsabilité de la Société Civile des Mousquetaires et de la SAS Les Mousquetaires en tant que sociétés mères faîtières.
j) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Nestlé
767. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 3, la responsabilité de la société Herta en tant qu’auteure des pratiques et celle de la société Nestlé Entreprises, détentrice de 100 % du capital de la société Nestlé France, elle-même détentrice de 100 % de la société Herta et qui, en sa qualité de société mère, est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques.
768. De même, la responsabilité de la société Nestlé SA, en sa qualité de société mère faîtière doit être retenue dès lors qu’elle détenait indirectement 100 % du capital de la société Nestlé Entreprises et dès lors, est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales auteures pendant la période de commission des pratiques.
769. Le groupe Nestlé n’a pas contesté cette analyse.
k) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Roullier
770. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 3, la responsabilité de la société Charcuteries Gourmandes en tant qu’auteure des pratiques. Ce point n’est pas contesté par le groupe Roullier.
771. Celui-ci formule toutefois différentes observations sur l’imputabilité des pratiques visées au titre du grief n° 3 à la société Compagnie financière et de participations Roullier (ci-après «CFPR »), aussi bien en tant qu’auteure qu’en tant que mère.
772. S’agissant de l’imputabilité des pratiques à la société CFPR en tant qu’auteure, le groupe Roullier la conteste, au motif que les services d’instruction se seraient appuyés à tort sur les déclarations du dirigeant du groupe Cosnelle, repreneur de la société Charcuteries Gourmandes, alors que celui-ci, dont les intérêts seraient au demeurant contraires à ceux du groupe Roullier436, n’a eu aucun contact avec M. FF, l’employé qui aurait mis en œuvre les pratiques, et que ce dernier ne figurerait pas dans le registre du personnel de la société CFPR pour la période incriminée437.
773. De fait, il ressort du dossier que la société CFPR est une société de portefeuille, ne commercialisant pas les produits visés par le grief n° 3 et, plus généralement, dépourvue de toute activité sur le marché concerné par ce grief. Son implication en tant qu’auteure est dès lors exclue, nonobstant les déclarations, par ailleurs incertaines et non étayées, quant aux fonctions éventuelles de M. FF au sein de cette société, recueillies le 25 novembre 2016 auprès de M. C, représentant actuel de Charcuteries Gourmandes438, ou encore le fait que M. FF aurait pu être mentionné comme représentant de CFPR lors des assemblées générales de la société Charcuteries Gourmandes439.
774. En revanche, la responsabilité de la société CFPR doit être retenue, en sa qualité de société mère faîtière de Charcuteries Gourmandes, dont le capital est détenu à 99,9 % par la société Interaliment, elle-même détenue à 99,9 % par la société CFPR, dès lors qu’elle est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales auteures pendant la période de commission des pratiques et qu’aucun élément ne permet de renverser cette présomption.
l) Sur l’imputabilité des pratiques à la société Salaisons du Mâconnais
775. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 2, la responsabilité, non contestée par celle-ci, de la société Salaisons du Mâconnais en tant qu’auteure des pratiques.
m) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Savencia
Sur l’imputabilité des pratiques à Souchon d’Auvergne
776. Il y a lieu de retenir, au titre du grief n° 2, la responsabilité de la société Souchon d’Auvergne en tant qu’auteure des pratiques, ce qui n’est pas contesté par les parties.
Sur l’imputabilité des pratiques à Alliance Charcutière
777. Le groupe Savencia considère que les services d’instruction n’étaient pas fondés à imputer les pratiques visées au titre du grief n° 2 en tant qu’auteure à la société Alliance Charcutière (qui a fusionné avec la société Luissier Bordeau Chesnel), en sa qualité d’employeur de M. OJ. Il soutient en effet que ce dernier ne représentait que les intérêts de la société Souchon d’Auvergne. Il avance également que la présomption selon laquelle une personne physique qui participe à des pratiques anticoncurrentielles intervient dans l’intérêt de la société dont elle est le salarié ne vaut que pour autant que sa participation à la pratique concerne les activités de la société qui l’emploie et qu’il est admis qu’une personne physique puisse agir dans l’intérêt d’une autre société dont elle n’est pas salariée440.
778. Or, selon lui, M. OJ, bien que salarié de la société Alliance Charcutière jusqu’au 31 décembre 2011 n’exerçait aucune fonction effective au sein de cette société et était détaché auprès de la société Souchon d’Auvergne pour assurer la commercialisation des produits de 438 M. SC, président de la société Charcuteries Gourmandes, selon lesquelles : « Monsieur FF n’était pas salarié des Charcuteries Gourmandes, mais a priori de CFPR. Il a exercé la fonction de directeur général de Charcuteries Gourmandes d’avant 2010 à environ avril 2012 (PV de CE). C’est à ce titre qu’il est intervenu dans la commercialisation de la charcuterie MDD et 1er prix » (cote 20225). charcuterie crus ou sèches. Devenu salarié de la société Luissier Bordeau Chesnel, où il exerçait une activité de commercialisation de produits de charcuterie cuits sous MDD ou premiers prix à compter du 1er janvier 2012, il aurait par ailleurs été détaché par cette société auprès de la société Souchon d’Auvergne, à temps partiel, pour exercer une activité de commercialisation de produits de charcuterie crus sous MDD ou premiers prix pour le compte exclusif de la société Souchon d’Auvergne.
779. Il ressort toutefois des éléments du dossier que, pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le groupe Savencia a indiqué, dans une réponse du 29 novembre 2016 à une demande d’information, que M.OJ était salarié de la société Alliance Charcutière et y exerçait la fonction de directeur des ventes MDD441.
780. Dès lors, les affirmations postérieures du groupe Savencia sur l’absence d’activité effective de M. J au sein de la société Alliance Charcutière contredisent les éléments que ce même groupe a communiqués précédemment aux services d’instruction.
781. Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la pratique décisionnelle, « un cadre d’entreprise qui participe à une réunion concernant les activités de l’entreprise qui l’emploie est réputé représenter ou engager cette entreprise. Pour établir la participation d’une entreprise à une entente conclue lors de réunions secrètes, il n’est pas nécessaire de déterminer si la personne qui la représentait à ces réunions détenait un mandat ou une autorité particulière à cet effet, mais seulement d’établir, en se fondant sur un faisceau d’indices suffisamment graves, précis et concordants, que l’entreprise a effectivement été présente à ces réunions (Cour d’appel de Paris, Sté Colgate-Palmolive Services, 30 janvier 2014, p. 26) » (paragraphe 1108)442. La jurisprudence confirme qu’il « ne saurait être exclu qu’une même personne physique agisse simultanément dans l’intérêt de différentes sociétés impliquées dans une entente. Il incombe au Tribunal de déterminer dans chaque situation particulière, lors de son appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve, si tel est le cas » (paragraphe 35)443. Or, pendant toute la durée des pratiques, M. OJ a exercé la même activité, celle de directeur commercial MDD et 1er prix, dans les sociétés successives dont il était salarié (Alliance Charcutière jusqu’en 2011 puis Luissier Bordeau Chesnel à partir de 2012) et dans celles auprès desquelles il était détaché (Luissier Bordeau Chesnel, jusqu’en 2011, et Souchon d’Auvergne à partir de 2010). Ces éléments permettent de considérer, que, lors de la mise en œuvre des pratiques, M. OJ représentait les intérêts commerciaux non seulement des sociétés auprès desquelles il a été détaché mais aussi des sociétés dont il a successivement été le salarié.
782. Dès lors, il y a lieu de retenir la responsabilité de la société Alliance Charcutière, en tant qu’auteure, qui a fusionné avec Luissier Bordeau Chesnel en novembre 2011 et qui a été radiée le 26 janvier 2012 avec effet au 31 décembre 2011. La fusion d’Alliance Charcutière avec Luissier Bordeau Chesnel ainsi intervenue a pour conséquence, en application du critère de la continuité économique, de rendre les pratiques imputées à la société Alliance Charcutière au titre du grief n° 2 imputables à la société Luissier Bordeau Chesnel.
Sur l’imputabilité des pratiques à Luissier Bordeau Chesnel
783. En revanche, il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de Luissier Bordeau Chesnel au titre du grief n° 2 en tant qu’auteure des pratiques, agissant pour son propre compte. En effet, le tableau de valeur des ventes de cette société ne mentionne aucune vente de produits crus444.
Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés mères
784. Il y a lieu de retenir la responsabilité de la société Soparind SCA, dénommée Savencia Holding à compter du 30 juin 2017, en tant que société mère française, qui détenait indirectement la totalité du capital des auteures, et est dès lors présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales pendant la période de commission des pratiques. Ce point n’est pas contesté par le groupe Savencia.
785. Celui-ci estime, en revanche, que les services d’instruction n’ont pas apporté la preuve de ce que la société Eurospecialities Food BV exerçait une influence déterminante sur le comportement de ses filiales et que, partant, les pratiques pouvaient lui être imputées en tant que société mère du groupe Savencia. Il précise, à cet effet, que la présomption d’influence déterminante ne peut s’appliquer dès lors qu’il a été constaté que la société intermédiaire Ségur Développement ne contrôlait que 88,84 %445 de la société intermédiaire Savencia Holding et ne détenait donc pas la totalité ou la quasi-totalité de cette dernière.
786. Il ressort du dossier que, pendant la durée des pratiques, la société Soparind SCA, dénommée Savencia Holding à compter du 30 juin 2017, était détenue par deux actionnaires, dont la société Ségur Développement SAS à hauteur de [85-95 %], elle-même détenue à 100 % par la société Eurospecialities Food SA, elle-même détenue à 100 % par la société Eurospecialities Food BV.
787. Ainsi, dans la mesure où la société Eurospecialities Food BV ne détenait pas la totalité ou la quasi-totalité - de manière indirecte - de la société de la holding intermédiaire Savencia Holding, qui détenait directement ou indirectement 100 % du capital des sociétés auteures des pratiques, la présomption n’a effectivement pas lieu de s’appliquer et il convient d’examiner sur la base d’éléments d’ordre économique, organisationnel et juridique si la société Eurospecialities Food BV exerçait effectivement une influence déterminante sur la holding intermédiaire Savencia Holding.
788. En l’espèce, il est exact que, comme l’ont relevé les services d’instruction, d’une part Eurospecialities Food BV détient une participation majoritaire dans les filiales concernées par les pratiques, d’autre part des dirigeants et/ou administrateurs communs aux différentes sociétés du groupe Savencia, allant des sociétés auteures des pratiques jusqu’à la société Eurospecialities Food BV ont pu être identifiés, tels MM. Alex et Armand Bongrain ou les sociétés Eufipar et Société de Développement et de Gestion446.
789. Néanmoins, ces éléments, là encore parcellaires, ne permettent pas, à eux seuls, d’établir l’effectivité de l’exercice d’une influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels au sens de la jurisprudence pertinente et, en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de l’une de ces entreprises vis-à-vis des autres, ainsi que rappelé ci-avant au paragraphe 756447. La responsabilité d’Eurospecialities Food BV en sa qualité de société mère ne saurait, partant, être retenue.
n) Sur l’imputabilité des pratiques aux sociétés du groupe Sonical
790. Le groupe Sonical critique l’imputabilité des pratiques en contestant son degré d’implication dans les pratiques et l’incidence de son comportement sur le marché.
791. Ce faisant, le groupe Sonical ne conteste pas l’imputabilité des pratiques mais leur existence et qualification juridique, au titre desquels il convient de la renvoyer aux paragraphes 524 et suivants.
792. Il y a lieu dès lors de retenir, au titre du grief n° 2, la responsabilité des sociétés Sonical et France Salaisons en tant qu’auteures des pratiques.
793. De même, il convient de retenir la responsabilité de la société Sonical en tant que société mère faîtière, qui détenait 100 % du capital de sa filiale auteure pendant la durée des pratiques, et est dès lors présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales pendant cette période, aucun élément de nature à renverser cette présomption n’ayant été versé aux débats.
F. SUR LES SANCTIONS
794. Seront successivement abordés :
- les principes relatifs à la détermination des sanctions (1) ;
- la détermination du montant de base des sanctions (2) ;
- la prise en compte des circonstances propres aux entreprises concernées (3) ;
- les ajustements finaux (4) ;
- enfin le montant des sanctions infligées (5).
1. SUR LES PRINCIPES RELATIFS A LA DETERMINATION DES SANCTIONS
795. Le I de l’article L. 464-2 du Code de commerce habilite l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.
447 Arrêt de la Cour de justice Elf Aquitaine SA /Commission, précité, point 58 : « À cet égard, il y a lieu de préciser que la Commission ne saurait se contenter de constater qu’une entreprise peut exercer une influence déterminante sur une autre entreprise, sans qu’il soit besoin de vérifier si cette influence a effectivement été exercée. Au contraire, il incombe, en principe, à la Commission de démontrer une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels, dont, en particulier, l’éventuel pouvoir de direction de l’une de ces entreprises vis-à-vis de l’autre (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C-196/99P, Rec. p. I-11005, points 96 à 99, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 56 supra, points 118 à 122 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314/01, Rec. p. II-3085, point 136) ».
796. Aux termes du troisième alinéa du I dudit article, « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le (titre VI du livre IV du Code de commerce). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
797. Par ailleurs, le quatrième alinéa du I du même article prévoit que « Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
798. En l’espèce, l’Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après le « communiqué sanctions »).
2. SUR LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE DES SANCTIONS
a) La valeur des ventes
799. Comme l’Autorité l’a indiqué dans le communiqué sanctions, au paragraphe 23, « pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, l’Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l’infraction ou, s’il y a lieu, les infractions en cause. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d’en proportionner au cas par cas l’assiette à l’ampleur économique de l’infraction ou des infractions en cause, d’une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d’autre part ».
800. La valeur des ventes est donc retenue par l’Autorité, à l’instar d’autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d’affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, lequel peut ne pas être en rapport avec l’ampleur des infractions et le poids relatif de chaque participant sur les secteurs ou marchés concernés448.
801. Par ailleurs, selon le communiqué sanctions, la valeur des ventes est déterminée par référence au dernier exercice comptable complet de mise en œuvre des pratiques, mais si celui-ci «ne constitue manifestement pas une référence représentative, l’Autorité retient un exercice qu’elle estime plus approprié ou une moyenne d’exercices, en motivant ce choix » (paragraphe 37).
Grief n° 1
802. En l’espèce, les pratiques sanctionnées au titre du grief n° 1 concernent les achats de JSM réalisés en France. Il y a donc lieu de retenir le montant des achats liés à cette activité au titre de la valeur des ventes.
803. S’agissant du groupe Fleury Michon, et compte tenu des flux intra-groupe qui existent entre cette entité et Charcuteries Cuisinées du Plélan et Société d’Innovation Culinaire, les achats internes de Fleury Michon Charcuterie auprès de ces deux sociétés sont exclus de la valeur retenue.
804. En l’espèce, le dernier exercice comptable complet de participation à la pratique est l’exercice 2012 pour l’ensemble des mis en cause. Aucun élément versé au dossier ne permet de considérer que cet exercice ne serait pas une référence représentative.
805. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous, établi sur la base des données communiquées par les entreprises concernées, récapitule les montants servant d’assiette à la sanction individuelle de chacune d’entre elles :
Tableau
Source : cotes 36569, 36 570, 36 623, 32 803, 32 808, 32 811, 32 814, 32 817, 32 822, 37 568, 37 569, 37 570 et 52 212
Grief n° 2
806. En l’espèce, les pratiques sanctionnées au titre du grief n° 2 portent sur les produits de salaisonnerie et charcuterie crus MDD et 1er prix. Il y a donc lieu de retenir le chiffre d’affaires lié à cette activité au titre de la valeur des ventes.
807. Selon le groupe Fleury Michon, les valeurs des ventes de Fleury Michon Charcuterie ne sauraient être prises en considération dès lors que cette société était radiée à la date de la notification de griefs. Il suffit, pour écarter cet argument, de renvoyer aux développements pertinents figurant aux paragraphes 309 et suivants.
808. S’agissant du groupe CA Animation, dont la période infractionnelle court du 12 septembre 2011 au 24 juillet 2012 et est inférieure à 1 an, l’Autorité tiendra compte de la moyenne de la valeur des ventes sur les exercices civils (selon les données communiquées) 2011 et 2012.
809. S’agissant du groupe La Financière du Haut Pays, dont la période infractionnelle court du 14 avril 2011 au 24 juillet 2012, l’Autorité retiendra comme assiette de valeur des ventes une moyenne des valeurs des ventes pour les exercices comptables 2011 et 2012.
810. S’agissant de Saloir de Virieu, l’Autorité retiendra comme assiette la valeur des ventes de l’exercice 2011, en l’absence de chiffre d’affaires sur l’exercice 2012.
811. Pour les autres entreprises mises en cause, le dernier exercice comptable complet de participation à la pratique est l’exercice 2012. Aucun élément versé au dossier ne permet de considérer que cet exercice ne serait pas une référence représentative.
812. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous, établi sur la base des données communiquées par les entreprises concernées, récapitule les valeurs des ventes servant d’assiette à la sanction individuelle de chacune d’entre elles :
Tableau
Source : cotes 50991, 50 992, 50 993, 29 592, 29593, 29 594, 29 595, 29596, 29 597, 29 598, 35 744, 35 745, 28 835, 36 912, 36 588, 36 589, 36 544, 36 567, 36 568, 32 802, 32 807, 32 810, 32 813, 32 819, 32 821
Grief n° 3
813. En l’espèce, les pratiques sanctionnées au titre du grief n° 3 portent sur les produits de salaisonnerie et charcuterie cuits MDD et 1er prix. Il y a donc lieu de retenir le chiffre d’affaires lié à cette activité au titre de la valeur des ventes.
814. S’agissant du groupe Les Mousquetaires, compte tenu des flux intra-groupe existant entre les auteurs des pratiques et du niveau de précision des informations communiquées, les ventes internes entre ces sociétés ont été exclues de la valeur retenue pour chaque auteur.
815. S’agissant du groupe Herta, dont la période infractionnelle court du 29 octobre 2010 au 25 mars 2011 et est inférieure à 1 an, l’Autorité tiendra compte de la moyenne des valeurs des ventes pour l’année 2010 et 2011.
816. S’agissant du groupe FTL, dont la période infractionnelle court du 5 juillet 2010 au 7 septembre 2011, l’Autorité retiendra comme assiette de valeur des ventes une moyenne des valeurs des ventes pour les années 2010 et 2011.
817. Pour les autres entreprises mises en cause, le dernier exercice comptable complet de participation à la pratique est l’exercice 2011. Aucun élément versé au dossier ne permet de considérer que cet exercice ne serait pas une référence représentative.
818. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous, établi sur la base des données communiquées par les entreprises concernées, récapitule les valeurs des ventes servant d’assiette à la sanction individuelle de chacune d’entre elles :
Tableau
Source : cotes 36578, 36 610, 36611, 52203, 52205, 52206, 35756, 35749, 32802, 32 805, 32 807, 32 810, 32 816, 32 821, 36 567 et 36 619.
b) La proportion de la valeur des ventes
819. Ainsi que le communiqué sanctions le précise au paragraphe 40, l’Autorité retient la proportion de la valeur des ventes réalisées durant l’exercice comptable de référence au cas par cas, en considération de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie.
La gravité des pratiques
820. Lorsqu’elle apprécie la gravité d’une infraction, l’Autorité tient compte notamment de la nature des pratiques sanctionnées, des personnes susceptibles d’être affectées et des caractéristiques objectives de l’infraction, telles que son caractère secret ou non, son degré de sophistication, l’existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, le détournement d’une législation, etc. (paragraphe 26 du communiqué sanctions).
821. La pratique décisionnelle de l’Autorité considère les ententes horizontales entre concurrents sur un même marché comme les pratiques anticoncurrentielles les plus graves449, tout comme la Cour d’appel de Paris450 et les juridictions de l’Union, en particulier s’agissant d’entente sur les prix451 constituant, par nature, une infraction « très grave »452.
822. En l’espèce, l’Autorité a retenu que :
- quatre entreprises s’étaient accordées et concertées, au travers d’échanges bilatéraux, pour défendre une position commune sur les variations de prix d’achat hebdomadaire du JSM dans leurs négociations avec les abatteurs (grief n° 1) ;
- huit entreprises s’étaient accordées et concertées pour la commercialisation de produits crus de charcuterie sous MDD ou 1er prix, d’une part, pour coordonner leurs demandes d’augmentation de prix auprès des enseignes de la grande distribution, d’autre part, pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution (grief n° 2) ;
- sept entreprises s’étaient accordées et concertées pour la commercialisation de produits de charcuterie cuits sous MDD ou 1er prix pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution (grief n° 3).
823. Il convient d’examiner successivement la gravité de chacune de ces pratiques.
Grief n° 1
824. En l’espèce, l’ensemble des entreprises en cause tente de minorer la gravité des pratiques en faisant valoir, d’une part, que les échanges portaient non pas sur les prix de vente, mais sur les prix d’achat, et non pas sur les prix, mais sur leur variation, d’autre part, qu’aucun mécanisme de surveillance n’était véritablement mis en place, enfin que la situation économique particulière du secteur doit être prise en compte, comme l’Autorité a pu le faire dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier453.
825. Or, les pratiques visées au titre du grief n° 1, ayant porté sur la variation du prix d’achat, élément déterminant du prix, constituent un accord horizontal entre concurrents, dont l’objet même était de permettre une baisse ou un statu quo des variations du prix d’achat hebdomadaire du JSM payé aux abatteurs par les charcutiers-salaisonniers, au lieu de laisser ce paramètre à la libre appréciation de chacune des entreprises, dans le cadre d’une détermination autonome de leur politique commerciale et de leur comportement sur le marché.
826. Ces pratiques sont susceptibles d’avoir influencé les cotations du MIN de Rungis et ainsi d’avoir faussé les relations commerciales entre les clients (les salaisonniers) et les fournisseurs (les abatteurs).
827. En effet, si cette cotation est fondée sur un nombre de transactions limité ne concernant que les achats réalisés auprès de six découpeurs établis sur le MIN de Rungis et si sa représentativité est, partant, contestée, elle n’en constituait pas moins, à l’époque des faits, une référence pour l’ensemble des acteurs de la salaisonnerie. Elle était, en outre, également utilisée par ces opérateurs dans les contrats régissant les relations commerciales avec les GMS pour les jambons vendus sous MDD.
828. Enfin, en l’espèce, les infractions ont revêtu un caractère secret les rendant particulièrement difficiles à détecter et susceptible, en lui-même, de traduire leur caractère délibéré.
829. Les pratiques sont donc particulièrement graves par nature, selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence rappelées au paragraphe 821.
830. La circonstance, invoquée par les parties mises en cause, selon laquelle l’infraction précitée serait justifiée par le fonctionnement du secteur, compte tenu notamment de la double pression sur les prix exercée en aval par la GMS, et en amont par les éleveurs et les abatteurs, demeure sans influence sur l’appréciation de sa gravité454. Une approche contraire reviendrait, en effet, à admettre qu’il est, dans de telles circonstances, légitime pour les opérateurs économiques de violer les règles les plus fondamentales du droit de la concurrence455.
Grief n° 2
831. En l’espèce, l’ensemble des entreprises en cause tente encore de minorer la gravité des pratiques en faisant valoir, d’une part, que les échanges portaient non pas sur les prix, mais sur leur variation, d’autre part, qu’aucun mécanisme de surveillance n’était véritablement mis en place et, enfin, que la situation économique particulière du secteur doit être prise en compte.
832. Toutefois, en se concertant et en s’accordant, en matière de produits crus, sur les demandes de hausses de prix auprès des enseignes de la grande distribution et sur les offres, notamment en prix, à proposer en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution, les huit entreprises concernées ont imposé, sur le marché français de la commercialisation de produits de charcuterie et salaisonnerie sous MDD ou 1er prix, un mode d’organisation substituant au libre jeu de la concurrence, à l’autonomie et à l’incertitude des opérateurs, une collusion généralisée entre les principaux charcutiers-salaisonniers.
833. En l’occurrence, les contacts, sous forme de réunions multilatérales ou d’échanges bilatéraux, peuvent être assimilés à des pratiques concertées ayant concouru, soit directement, soit indirectement, à la fixation de hausses tarifaires à un niveau supérieur à celui qui aurait résulté d’une situation de concurrence non faussée, en diminuant significativement l’incertitude lors de chaque appel d’offre. Les pratiques ont pu permettre aux participants d’améliorer leur position de négociation individuelle en substituant au jeu de la concurrence une fixation concertée, directe ou indirecte, des revalorisations tarifaires. La gravité de telles pratiques est, en outre, renforcée par la nature des échanges qui, en plus de porter sur des hausses tarifaires, visaient à maintenir la répartition des volumes entre fournisseurs.
834. D’autres caractéristiques objectives de l’infraction, telles que la nature des personnes susceptibles d’être affectées - en l’occurrence le consommateur final individuel en France, dont la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence et de bénéficier du meilleur prix est limitée456- son caractère secret, sa sophistication, en raison notamment du niveau de détail des informations échangées et des concertations, renforcent encore sa gravité.
835. Les pratiques sont donc particulièrement graves par nature, selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence rappelées au paragraphe 821.
836. La circonstance, invoquée par les parties mises en cause, que l’infraction précitée serait justifiée par le fonctionnement du secteur, compte tenu notamment de la double pression sur les prix exercée en aval par la GMS, et en amont par les éleveurs et les abatteurs, demeure sans influence sur l’appréciation de sa gravité457, pour les motifs explicités ci-avant au paragraphe 830.
Grief n° 3
837. En l’espèce, les sept entreprises concernées ont mis en œuvre des pratiques, en matière de produits cuits, tendant à se concerter et à s’accorder sur les offres, notamment en prix, à proposer en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution.
838. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-avant pour le grief n° 2, mais à un moindre titre, dès lors que les pratiques relevant du grief n° 3 apparaissent moins sophistiquées que celles relevant du grief n° 2, ces pratiques sont particulièrement graves par nature, selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence rappelées au paragraphe 821, et la circonstance, invoquée par les parties mises en cause, que l’infraction précitée serait justifiée par le fonctionnement du secteur, demeure sans influence sur l’appréciation de sa gravité458.
L’importance du dommage à l’économie
839. Il est de jurisprudence constante que l’importance du dommage causé à l’économie s’apprécie de façon globale pour les pratiques en cause, c’est-à-dire au regard de l’action cumulée de tous les participants, sans qu’il soit besoin d’identifier la part imputable à chacun d’entre eux pris séparément459.
840. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s’apprécie en fonction de la perturbation générale que ces pratiques sont de nature à engendrer pour l’économie460. Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent également être pris en considération461.
841. L’Autorité, qui n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l’économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l’économie engendrée par les pratiques en cause462. L’existence du dommage à l’économie ne saurait donc être présumée.
842. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 32 du communiqué sanctions, pour apprécier l’importance du dommage causé à l’économie, l’Autorité tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence et dans la mesure où elle en dispose :
- l’ampleur de l’infraction ou des infractions (couverture géographique, nombre, importance et parts de marché cumulées des entreprises en cause, etc.) ;
- les caractéristiques économiques des activités, des secteurs ou des marchés en cause (barrières à l’entrée, degré de concentration, élasticité-prix de la demande, marge, etc.) ;
- les conséquences conjoncturelles de l’infraction ou des infractions (surprix escompté, absence d’une baisse de prix attendue, impact indirect sur des secteurs ou des marchés connexes, en amont ou en aval, etc.) ;
- leurs conséquences structurelles (création de barrières à l’entrée, effets d’éviction, de discipline ou de découragement vis-à-vis des concurrents, baisse de la qualité ou de l’innovation, entrave au progrès technique, impact sur la compétitivité du secteur en cause ou d’autres secteurs, etc.), et leur incidence plus générale sur l’économie, sur les opérateurs économiques en amont, sur les utilisateurs en aval et sur les consommateurs finals.
Grief n° 1
843. Les pratiques mises en œuvre par les quatre charcutiers salaisonniers ont visé à ce qu’ils présentent une position commune de négociation sur la variation hebdomadaire du prix d’achat du JSM auprès des abatteurs. Le groupe Les Mousquetaires relève qu’il restait sur le marché un grand nombre d’acheteurs tant en France qu’à l’étranger, qui ne participaient pas à l’entente et pouvaient donc en limiter les effets. Pour autant, si la part de marché cumulée de l’entente visée par le grief n° 1 n’est pas connue et si l’entente reprochée n’a effectivement regroupé que quatre opérateurs, les trois opérateurs les plus importants du secteur de la charcuterie en France463 (Campofrio, Fleury Michon, FTL) y ont participé. De plus, le quatrième opérateur le plus important du secteur, Nestlé (pour sa marque Herta), ne s’approvisionne presque plus en France464. En outre, les messages échangés entre les participants ne font que très rarement référence à une déstabilisation de l’entente du fait d’opérateurs extérieurs à celle-ci, excepté, dans certains cas, au travers des exportations réalisées par les abatteurs. Les messages échangés montrent d’ailleurs qu’au moins pour certaines semaines de négociation, la pratique a effectivement pu conduire les acheteurs mis en cause à adopter une position de négociation différente de celle qui aurait prévalu en l’absence des pratiques465, les participants à la pratique cherchant activement à aligner leurs comportements mutuels sur une position commune466, ou, à tout le moins, a contribué à ce que les acheteurs soutiennent une position de négociation qui leur était plus favorable qu’elle ne l’était aux abatteurs467. Ainsi, l’entente a conduit, au moins durant les semaines concernées, à modifier le rapport de force entre acheteurs et vendeurs, au bénéfice des premiers et au détriment des seconds.
844. L’impact potentiel de cette entente sur les variations des prix d’achat du JSM est alors d’autant plus marqué que les variations arrêtées dans ce cadre vont déterminer la variation de la cotation du JSM sur le MIN de Rungis. Or, cette cotation est un indicateur important puisqu’elle impacte les transactions d’achat et de vente réalisées hors de ce marché : en particulier, les autres acheteurs et vendeurs de JSM de plus petite taille l’utilisent dans la négociation de leurs propres transactions468.
845. Pour autant, il doit être relevé que la mise en œuvre de l’entente à l’achat s’est à plusieurs reprises heurtée à des obstacles. En particulier, la nécessité pour les participants à la pratique de disposer de volumes de jambon suffisants pour répondre aux commandes des GMS469 a pu entraîner des divergences entre les acheteurs mis en cause, certains adoptant des positions de négociation moins exigeantes que d’autres470, ne respectant pas ponctuellement les instructions471 ou concluant parfois leurs achats avant la communication de ces instructions472. En outre, même si la capacité des abatteurs français à exporter leur production pouvait être limitée par une moindre compétitivité, elle a pu restreindre la capacité des acheteurs à s’opposer aux tendances du marché473.
846. Par ailleurs, comme l’indique la notification de griefs474, les importations, notamment d’Espagne et d’Allemagne, représentaient pour les acheteurs une alternative de plus en plus utilisée, si bien que, indépendamment des pratiques mises en œuvre la pression qui s’exerçait sur les abatteurs était de toute façon très forte475. De même, la décongélation de pièces de jambon constituait aussi pour les acheteurs un recours possible en cas de hausse trop forte des cours476. Cette pression à laquelle étaient déjà soumis les abatteurs et les divergences entre acheteurs quant aux comportements à adopter ont limité l’effet potentiel de la pratique.
847. De ce fait, les fluctuations naturelles de l’offre et de la demande ont pu fréquemment continuer d’exercer une influence déterminante sur les cours477, ce que tendent à confirmer les résultats de l’analyse économétrique produite par Fleury-Michon, selon lesquels la relation entre le cours du MPB et la cotation du JSM à Rungis n’est pas fondamentalement différente pendant la période des pratiques reprochées et en dehors de celles-ci. Si l’analyse proposée considère les variations de la cotation du JSM uniquement à partir du cours du MPB et de l’existence ou non de l’entente, sans tenir compte d’autres déterminants de cette cotation (comme, par exemple, l’importance de la demande des grandes surfaces à dominante alimentaire ou le niveau des prix des importations), elle tend néanmoins à confirmer que les effets de la pratique ont été très limités. Plus largement, la situation économique du secteur de la charcuterie-salaison à l’époque des pratiques se caractérise par une dégradation continue des résultats d’exploitation et des résultats nets jusqu’à un niveau considéré comme « trop faible » dans un document de la Banque de France478, du fait d’une hausse des coûts des intrants que les acheteurs ne sont donc pas parvenus à tempérer de façon significative en dépit des pratiques.
848. Enfin, une entente entre acheteurs portant sur les prix d’achat pourrait à terme nuire aux consommateurs en réduisant les investissements des offreurs et ainsi les quantités ou la qualité des produits mis sur le marché. Au cas d’espèce, cependant, compte tenu de son objet (qui ne concernait que les prix d’achat et non les quantités achetées), de ses effets réels très limités en amont et, ainsi que le souligne le groupe Les Mousquetaires, du pouvoir de négociation de la GMS, la pratique n’a pu impacter négativement les consommateurs.
Griefs n° 2 et 3
849. Tant l’entente visée par le grief n° 2 que celle visée par le grief n° 3 rassemblent des fabricants importants, comme, notamment, Aoste et Jean Caby (groupe Campofrio), Madrange, Montagne Noire, Établissements Germanaud et Cie et Paul Prédault (groupe FTL), Salaisons Celtiques et S.C.O. (groupe Les Mousquetaires), Aubret (groupe d’Aucy), Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande - ALH (groupe Cooperl Arc Atlantique). Pour les produits cuits vendus sous MDD, la décision n° 11-DCC-104 relative à la prise de contrôle exclusif de la société FIMA par la Société Financière de Turenne Lafayette indiquait ainsi qu’à l’époque de cette opération, les trois leaders du secteur, tous impliqués dans la pratique visée par le grief n° 3, représentaient entre 60 et 90 % du marché479. Une estimation des parts de marché réalisée par Aoste pour l’année 2011 indique également que la pratique visée par le grief n° 2 a rassemblé les opérateurs les plus importants480.
850. Pour autant, comme le relèvent plusieurs mis en cause, des fabricants non participants aux pratiques, qu’il s’agisse de grands groupes, comme Fleury Michon, ou de PME, nombreuses dans ce secteur, auraient pu relativement aisément répondre à la demande des distributeurs si les prix des produits vendus sous MDD des participants aux pratiques avaient été trop élevés. Selon les produits à base de porc considérés, la pertinence de la segmentation entre produits MDD et produits sous marque de fabricants (MDF) a d’ailleurs parfois été remise en cause481.
851. De plus, comme l’ont rappelé plusieurs mis en cause, de même que les décisions n° 13-D-03 relatives à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier et n° 17-DCC-169 relative à la prise de contrôle exclusif de l’activité charcuterie salaison de la société Financière Turenne Lafayette par la société Cooperl Arc Atlantique, les enseignes de GMS alimentaires, notamment les plus importantes d’entre elles, disposent vis-à-vis de leurs fournisseurs en MDD de ces familles de produits d’un pouvoir de négociation important du fait de la concentration de leurs achats, de l’absence d’attachement des consommateurs à une image de marque, de la flexibilité des contrats et du caractère peu sophistiqué des produits. En l’espèce, le fonctionnement des ententes visées aux griefs n° 2 et 3, notamment caractérisé par une absence de mécanismes de police et de représailles, n’était pas de nature à contrer ce pouvoir de négociation. Ces différents facteurs sont, dans ces conditions, de nature à limiter l’effet des pratiques482.
852. À cet égard, il convient à nouveau de relever que la situation économique des opérateurs du secteur de la charcuterie-salaison à l’époque des pratiques s’est continuellement dégradée.
853. Enfin, les groupes Savencia et Sonical ont tous deux produit des éléments ou des études d’ordre quantitatif visant à démontrer l’absence de surprix. Ces études s’appuient cependant soit sur des prix de détail (dans le cas du groupe Sonical), soit sur leurs seuls prix de gros respectifs. Or, les variations des prix de détail ne renseignent que peu sur celles des prix de gros, les détaillants pouvant absorber une partie des variations de tarifs de gros. De plus, s’agissant des études basées sur les prix de gros de ces entreprises, les parts de marché de ces entreprises sont, même prises ensemble, très faibles. Selon les données de valeurs des ventes communiquées à l’Autorité, Souchon (groupe Savencia) et France Salaisons (groupe Sonical) représentent une part de marché cumulée faible des ventes des participants à la pratique, et donc une part encore moindre des ventes totales de MDD sur les marchés concernés. Or, comme l’a relevé la Cour d’appel de Paris dans son arrêt précité du 23 mai 2017, le dommage causé à l’économie s’apprécie de façon globale et les prix pratiqués par une société en particulier ne peuvent être considérés comme représentatifs des prix pratiqués sur l’ensemble du marché483. Par ailleurs, contrairement à ce qu’avance le groupe Savencia à cet égard, le fait que le marché soit organisé par appel d’offres, comme l’était d’ailleurs le marché des produits laitiers vendus sous MDD pris en considération par la Cour d’appel dans son arrêt précité, ne modifie pas ce constat : les prix proposés par le groupe Savencia pour les marchés qu’elle n’a pas remportés ne sont pas étudiés, pas plus que, plus largement, les prix proposés par les participants aux pratiques sur les marchés auxquels Savencia n’a pas participé. De ce fait, la seule étude des prix de Savencia ne peut permettre d’apprécier le dommage à l’économie de façon globale. En tout état de cause, indépendamment de la portée de ces deux études, les éléments précédemment mentionnés conduisent à considérer que le dommage causé par les deux ententes visées respectivement par les griefs n° 2 et 3 est très limité.
c) La prise en compte de la durée de participation des entreprises aux pratiques
854. La durée de l’infraction est un facteur pertinent qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de l’appréciation tant de la gravité des faits que de l’importance du dommage à l’économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l’atteinte qu’elle porte au libre jeu de la concurrence et la perturbation qu’elle entraîne pour le fonctionnement du secteur en cause, et plus généralement pour l’économie, sont susceptibles d’être substantielles.
855. Dans le cas d’infractions qui se sont prolongées plus d’une année, l’Autorité s’est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l’importance du dommage à l’économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l’exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes suivantes ; au-delà de la dernière année complète de participation à l’infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
856. Dans chaque cas d’espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur. Afin de garantir l’individualisation et la proportionnalité des sanctions, ce coefficient est défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chaque entreprise à l’infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d’entre elles pendant l’exercice comptable retenu comme référence.
857. Les tableaux ci-dessous illustrent l’application de la méthode décrite ci-avant au cas d’espèce :
Tableau
Tableau
Tableau
Conclusion sur la détermination du montant de base
858. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’eu égard à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie par les pratiques en cause, les montants de base des sanctions déterminés en proportion des ventes liées à la commercialisation des produits en relation avec les infractions commises par les sociétés en cause, d’une part, et de la durée des pratiques, d’autre part, sont les suivants :
Tableau
Tableau
Tableau
3. SUR L’INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS
a) Les circonstances propres à chaque entreprise
859. L’Autorité adapte les montants de base retenus au regard du critère légal tenant à la prise en compte de la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu’il s’agisse d’organismes ou d’entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.
860. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l’infraction, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle, précisés aux paragraphes 47 et 48 du communiqué sanctions : « [a]fin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, l’Autorité peut ensuite adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise ou de l’organisme concerné.
En particulier, elle peut l’adapter à la baisse pour tenir compte du fait que :
– l’entreprise concernée mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction (entreprise « mono-produit ») ; (…).
Elle peut aussi l’adapter à la hausse pour tenir compte du fait que :
– l’entreprise concernée dispose d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de l’infraction ;
– le groupe auquel appartient l’entreprise concernée dispose lui-même d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l’infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe ».
861. L’Autorité tient enfin compte de l’éventuelle réitération, circonstance aggravante dont la loi prévoit, compte tenu de son importance particulière, qu’elle doit faire l’objet d’une appréciation autonome, de manière à permettre à l’Autorité d’apporter une réponse proportionnée, en termes de répression et de dissuasion, à la propension de l’entreprise ou de l’organisme concerné à s’affranchir des règles de concurrence (paragraphe 50 du communiqué sanctions).
862. Chacun de ces éléments, dont la prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse, est examiné ci-après.
La participation individuelle de chaque entreprise
863. Il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, du fait qu’une entreprise n’est pas tenue responsable de toutes les pratiques concertées constitutives d’une entente unique, et de moduler à la baisse la sanction qui lui est infligée. Cette méthode permet de refléter de manière effective, dans l’amende imposée aux mises en cause, les différences de responsabilité de chaque entreprise sanctionnée.
864. Ainsi, même si la sanction d’une infraction, surtout si les faits sont répréhensibles par leur objet même, revêt nécessairement un certain caractère forfaitaire et si l’Autorité a déjà tenu compte de la durée des pratiques pour chaque entreprise, il est accordé une réduction supplémentaire du montant de la sanction aux entreprises dont la participation aux pratiques est moins intense.
865. Cette réduction, qui prend la forme d’un abattement forfaitaire sur le montant de base, tient compte, pour chaque entreprise, de la nature (réunions multilatérales, bilatérales, échanges par courriel ou téléphone) et de la fréquence des échanges entretenus avec ses concurrents.
866. En l’espèce, si le dossier fait apparaître une intensité de participation homogène entre les différents mis en cause s’agissant du grief n° 1, ce n’est pas le cas pour les griefs n° 2 et n° 3, qu’il convient d’examiner ci-après.
Grief n° 2
CA Animation
867. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 642 et suivants, CA Animation n’a participé à aucune réunion multilatérale et a eu moins de 10 échanges bilatéraux avec Campofrio.
868. L’intensité de sa participation aux pratiques est très modérée. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 30 % sur le montant de base de sa sanction.
Campofrio
869. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 607et suivants, Campofrio a reconnu avoir participé aux 6 réunions multilatérales et à 300 échanges bilatéraux.
870. Il n’y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l’intensité de sa participation.
La Financière du Haut Pays
871. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 626 et suivants, La Financière du Haut Pays a participé à 2 réunions multilatérales et a eu moins d’une dizaine d’échanges bilatéraux.
872. L’intensité de sa participation aux pratiques est moyenne. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 16 % sur le montant de base de sa sanction.
FTL
873. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 614 et suivants, FTL n’a participé qu’à deux réunions multilatérales et a eu moins d’une quinzaine d’échanges bilatéraux avec Campofrio.
874. L’intensité de sa participation aux pratiques est relativement modérée. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 25 % sur le montant de base de sa sanction.
France Salaisons
875. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 620 et suivants, la participation de France Salaisons aux 6 réunions multilatérales et à 50 échanges bilatéraux est établie.
876. Il n’y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l’intensité de sa participation.
Salaisons du Mâconnais
877. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 637 et suivants, la participation de Salaisons du Mâconnais aux 6 réunions multilatérales et à 90 échanges bilatéraux est établie.
878. Il n’y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l’intensité de sa participation.
Savencia
879. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 650 et suivants, la participation de Savencia aux 6 réunions multilatérales et à 44 échanges bilatéraux est établie.
880. Il n’y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l’intensité de sa participation.
Grief n° 3
Aubret
881. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 673 et suivants, s’agissant d’Aubret, 29 échanges sont retenus.
882. L’intensité de sa participation aux pratiques est moyenne. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 15 % sur le montant de base de sa sanction.
Cooperl Arc Atlantique
883. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 678 et suivants, la participation de Cooperl Arc Atlantique à 42 échanges est établie.
884. Il n’y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l’intensité de sa participation.
FTL
885. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 667 et suivants, la participation de FTL à 49 échanges est établie.
886. Il n’y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l’intensité de sa participation.
Les Mousquetaires
887. Ainsi qu’il résulte des paragraphes698et suivants, s’agissant des Mousquetaires, 4 échanges sont retenus.
888. L’intensité de sa participation aux pratiques est très modérée. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 30 % sur le montant de base de sa sanction.
Nestlé
889. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 692 et suivants, s’agissant de Nestlé, 5 échanges sont retenus.
890. L’intensité de sa participation aux pratiques est modérée. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 25 % sur le montant de base de sa sanction.
Roullier
891. Ainsi qu’il résulte des paragraphes 687 et suivants, s’agissant de Roullier, 5 échanges sont retenus.
892. L’intensité de sa participation aux pratiques est modérée. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 25 % sur le montant de base de sa sanction.
Les circonstances atténuantes ou aggravantes
893. L’Autorité peut, notamment, tenir compte de circonstances atténuantes susceptibles de conduire à une réduction de la sanction. Ces circonstances sont précisées au paragraphe 45 du communiqué sanctions qui vise les cas où :
« – l’entreprise ou l’organisme apporte la preuve qu’il a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ;
– l’entreprise ou l’organisme apporte la preuve qu’il a été contraint à participer à l’infraction ;
– l’infraction a été autorisée ou encouragée par les autorités publiques ».
894. Parmi les circonstances atténuantes pouvant être prises en considération par l’Autorité dans le cadre de l’individualisation de la sanction figure le fait, pour une entreprise ou un organisme, d’adopter durablement un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits en cause, au point de perturber, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique484. La jurisprudence de l’Union considère également qu’un tel comportement peut constituer une circonstance atténuante485.
895. Pour pouvoir être prise en considération, cette circonstance atténuante doit être démontrée par l’entreprise ou l’organisme qui l’allègue. S’il n’est pas exigé que l’intéressé se soit publiquement distancié de l’infraction, il n’est néanmoins pas suffisant qu’il ait violé, de façon ponctuelle ou partielle, la discipline commune : l’entreprise qui l’invoque doit démontrer qu’elle « a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause » (paragraphe 45 du communiqué sanctions).
896. En l’espèce, le groupe FTL, seul mis en cause revendiquant le bénéfice de circonstances atténuantes, soutient s’être distancié des pratiques mises en œuvre au titre du grief n° 1. Il ne démontre toutefois en rien en quoi ses agissements ont, au sens du communiqué, perturbé le fonctionnement des pratiques. Il n’y a donc pas lieu de retenir une circonstance atténuante à ce titre.
Le caractère mono-produit
897. L’Autorité peut adapter la sanction à la baisse pour tenir compte du fait que « l’entreprise concernée mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction (entreprise « mono-produit ») » (paragraphe 48 du communiqué sanctions).
898. Ainsi que la Cour de cassation l’a récemment rappelé dans un arrêt du 8 novembre 2017486, l’appréciation du caractère « mono-produit » d’une entreprise repose sur la comparaison entre l’assiette de la sanction – la valeur des ventes en lien avec l’infraction réalisées en France, c'est-à-dire, en général, les ventes réalisées par l’auteur de l’infraction, et le chiffre d’affaires de l’entreprise supportant la charge de l’amende ou de l’unité économique à qui est imputée la sanction, laquelle comprend son auteur et, le cas échéant, sa société mère.
899. En l’espèce, les éléments communiqués par Salaisons du Mâconnais, Jean Caby et Charcuteries Gourmandes témoignent d’une activité majoritairement tournée vers les marchés en lien avec les pratiques et donc susceptible de permettre de considérer ces entreprises comme « mono-produit » au sens du communiqué.
900. Il ressort des pièces du dossier que, s’agissant de Salaisons du Mâconnais, les ventes réalisées en relation avec l’infraction représentent 63 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Dans ces conditions, l’entreprise Salaisons du Mâconnais constitue une entreprise mono-produit au sens du paragraphe 48 du communiqué sanctions. Il y a lieu de lui accorder une réduction du montant de la sanction de 50 %.
901. S’agissant de Charcuteries Gourmandes, les ventes réalisées en relation avec l’infraction représentent la totalité du chiffre d’affaires de l’entreprise. Dans ces conditions, l’entreprise Charcuteries Gourmandes constitue une entreprise mono-produit au sens du paragraphe 48 du communiqué sanctions. Il y a lieu de lui accorder une réduction du montant de la sanction de 90 %.
902. Enfin, s’agissant de Jean Caby, les ventes réalisées en relation avec l’infraction représentent la totalité du chiffre d’affaires de l’entreprise. Dans ces conditions, l’entreprise Jean Caby constitue une entreprise mono-produit au sens du paragraphe 48 du communiqué sanctions. Il y a lieu de lui accorder une réduction du montant de la sanction de 90 %.
L’appartenance à un groupe
903. En ce qui concerne l’adaptation à la hausse du montant de la sanction, il est de jurisprudence constante que l’appréciation de la situation individuelle peut conduire à prendre en considération l’envergure de l’entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient487.
904. Ainsi, la Cour de justice, tout en indiquant que le recours à la valeur des ventes de l’entreprise en cause permet de proportionner l’assiette de la sanction à l’ampleur économique de l’infraction et au poids relatif de l’intéressée sur le secteur ou marché en cause, rappelle qu’il est légitime de tenir compte, dans le même temps, du chiffre d’affaires global de cette entreprise, en ce que celui-ci est de nature à donner une indication de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources488.
905. De fait, la circonstance qu’une entreprise dispose d’une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d’une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n’était pas le cas, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire489.
906. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive – objectif également mis en exergue, s’agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence par la Cour européenne des droits de l’Homme490, au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée491.
907. La Cour d’appel de Paris l’a récemment rappelé dans un arrêt du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag SAS492. Elle a, en effet, précisé que la majoration du montant de base de la sanction en raison de l’appartenance à un groupe dépendait des circonstances de fait et du contexte propre à chaque espèce. Par ailleurs, elle a admis que cette puissance pouvait être révélée par le faible ratio entre la valeur des ventes retenues pour le calcul de l’assiette de la sanction et le chiffre d’affaires du groupe auquel appartient l’auteur de l’infraction.
En ce qui concerne Coop
908. Dans son mémoire en réponse au rapport, le groupe Coop demande au Collège d’écarter l’application de cette circonstance aggravante au titre du grief n° 2, dès lors qu’il estime que l’appartenance au groupe Coop, via la détention doublement indirecte des filiales françaises de Polette par le groupe Coop, et à l’échelon inférieur pour Bell Food Group, n’a joué strictement aucun rôle dans la mise en œuvre des pratiques ou n’a nullement été de nature à influer sur l’appréciation de la gravité des pratiques.
909. Or, cet argument, à le supposer avéré, ne fait pas obstacle à ce que l’Autorité tienne compte du fait que l’entreprise à laquelle elle impute l’infraction appartient à un groupe jouissant d’un périmètre d’activité et d’une puissance financière significatifs, voire considérables493.
910. En effet, ce n’est que lorsque l’autonomie d’une filiale a été constatée qu’il convient de tenir compte du rôle joué par l’appartenance à un grand groupe dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou de son influence sur la gravité de ces pratiques494.
911. En l’espèce, les infractions en cause ont été imputées aux sociétés Bell France Holding, Maison de Savoie, Le Saloir de Mirabel, Le Saloir de Virieu, Salaisons Polette et Cie, Bell France anciennement Salaisons de Saint André et Val de Lyon, en tant qu’auteures et aux sociétés Groupe Coop Société Coopérative, Bell Food Group, Bell France Holding, en tant que sociétés mères. Toutes ces sociétés constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l’imputabilité des pratiques aux paragraphes 703 et suivants.
912. Les ressources financières globales du groupe Coop sont très importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2018 s’élevant à 26,5milliards d’euros.
913. La valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction au titre du grief n° 2 ne représente ainsi que 0,1 % du chiffre d’affaires total du groupe.
914. Compte tenu de ces éléments et de l’impératif de dissuasion particulière et générale, au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée495, les montants de base des sanctions pécuniaires infligées aux sociétés Bell France Holding, Maison de Savoie, Le Saloir de Mirabel, Le Saloir de Virieu, Salaisons Polette et Cie, Bell France anciennement Salaisons de Saint André et Val de Lyon, solidairement avec leurs sociétés mères Groupe Coop Société Coopérative, Bell Food Group, Bell France Holding, doivent être augmentés de 20 %.
En ce qui concerne Campofrio
915. En l’espèce, l’infraction en cause a été imputée aux sociétés Aoste SNC, Campofrio Food Group Holding S.L.U., Jean Caby et Salaisons Moroni, en tant qu’auteures et aux sociétés Campofrio Food Group et Campofrio Food Group France Holding, en tant que sociétés mères. Toutes ces sociétés constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l’imputabilité des pratiques aux paragraphes 703 et suivants.
916. Les ressources financières globales du groupe Campofrio sont très importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2018 s’élevant à 14,9milliards d’euros.
917. Les valeurs des ventes retenues comme assiette de la sanction au titre des trois griefs ne représentent ainsi que 1,1 % du chiffre d’affaires total du groupe.
918. Compte tenu de ces éléments et de l’impératif de dissuasion particulière et générale, au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée496, les montants de base des sanctions pécuniaires infligées aux sociétés Aoste SNC, Campofrio Food Group Holding S.L.U., Jean Caby et Salaisons Moroni, solidairement avec leurs sociétés mères Campofrio Food Group et Campofrio Food Group France Holding, doivent être augmentés de 10 %.
En ce qui concerne Nestlé
919. Selon Nestlé, l’application à son égard de cette circonstance aggravante, qui ne présente aucun caractère automatique, devrait être écartée, en raison de son absence totale d’implication dans la pratique reprochée.
920. Il convient de renvoyer aux développements figurant au paragraphe 909 en réponse à cet argument.
921. En l’espèce, l’infraction en cause a été imputée à la société Herta, en tant qu’auteure et aux sociétés Nestlé SA et Nestlé Entreprises, en tant que sociétés mères, qui constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l’imputabilité des pratiques aux paragraphes 703 et suivants.
922. Les ressources financières globales du groupe Nestlé sont très importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2018 atteignant 79,1 milliards d’euros.
923. Il est par ailleurs substantiellement supérieur à celui des autres groupes en cause pour la même année. En effet, il est 2,6 fois supérieur à celui du groupe Les Mousquetaires, 3 fois à celui de Coop et 5,3 fois à celui de Campofrio.
924. La valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction au titre du grief n° 3 représente moins de 0,002 % du chiffre d’affaires total du groupe.
925. Compte tenu de ces éléments et de l’impératif de dissuasion particulière et générale, au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée497, le montant de base de la sanction pécuniaire infligée à la société Herta, solidairement avec ses sociétés mères Nestlé SA et Nestlé Entreprises, doit être augmenté de 70 %.
En ce qui concerne Les Mousquetaires
926. En l’espèce, l’infraction en cause a été imputée aux sociétés Salaisons Celtiques, Salaisons de Guéméné et S.C.O., en tant qu’auteures et aux sociétés Les Mousquetaires et Société Civile Les Mousquetaires, en tant que sociétés mères. Toutes ces sociétés constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l’imputabilité des pratiques aux paragraphes 703 et suivants.
927. Les ressources financières globales du groupe Les Mousquetaires sont très importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2018 étant de 29,4milliards d’euros.
928. Les valeurs des ventes retenues comme assiette de la sanction au titre des griefs n° 1 et 3 ne représentent ainsi que 1 % du chiffre d’affaires total du groupe.
929. Compte tenu de ces éléments et de l’impératif de dissuasion particulière et générale, au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée498, le montant de base de la sanction pécuniaire infligée aux sociétés Salaisons Celtiques, Salaisons de Guéméné et S.C.O., solidairement avec leurs sociétés mères Les Mousquetaires et Société Civile Les Mousquetaires, doit être augmenté de 10 %.
La réitération
Rappel des principes applicables
930. La réitération, visée de façon autonome par le I de l’article L. 464-2 du Code de commerce, constitue une circonstance aggravante dont l’Autorité peut tenir compte en augmentant le montant de la sanction de manière à lui permettre d’apporter une réponse proportionnée, en termes de répression et de dissuasion, à la propension de l’entreprise ou de l’organisme de s’affranchir des règles de concurrence499. La jurisprudence de l’Union adopte la même approche500.
931. Il est possible de retenir l’existence d’une réitération lorsque quatre conditions sont réunies (paragraphe 51 du communiqué sanctions) :
- une précédente infraction au droit de la concurrence doit avoir été constatée avant la fin de la commission de la nouvelle pratique ;
- la nouvelle pratique doit être identique ou similaire, par son objet ou ses effets, à celle ayant donné lieu au précédent constat d’infraction ;
- ce dernier doit avoir acquis un caractère définitif à la date à laquelle l’Autorité statue sur la nouvelle pratique ; et
- le délai écoulé entre le précédent constat d’infraction et le début de la nouvelle pratique est pris en compte pour apporter une réponse proportionnée à la propension de l’entreprise à s’affranchir des règles de concurrence, étant indiqué que la réitération ne sera pas retenue lorsque le délai en question est supérieur à quinze ans.
932. En outre, en cas de réitération, le montant individualisé peut être « augmenté dans une proportion comprise entre 15 et 50 %, en fonction notamment du délai séparant le début de la nouvelle pratique du précédent constat d’infraction, et de la nature des différentes infractions en cause » (voir paragraphe 52 du communiqué susvisé).
933. Dans sa décision n° 12-D-08 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, l’Autorité a rappelé les termes de sa décision n° 07-D-33, selon laquelle « les pratiques peuvent être identiques ou similaires par leur même objet anticoncurrentiel, critère qui renvoie pour l’essentiel à la base légale utilisé[sic]pour les qualifier : ententes horizontales entre concurrents, restrictions verticales entre entreprises participant à une même chaîne économique, abus de position dominante peuvent ainsi être regardés comme relevant, a priori, de catégories différentes. Mais elles peuvent aussi être identiques ou similaires par leur même effet anticoncurrentiel (…) : des pratiques d’entente ou des comportements unilatéraux peuvent ainsi rechercher le même effet d’éviction à l’égard de concurrents sur un marché, sans pour autant relever du même régime de prohibition »501 (soulignements ajoutés – paragraphe 728).
934. Ces principes ont été réaffirmés récemment par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 27 septembre 2018, qui rappelle que « la réitération peut être retenue pour de nouvelles pratiques identiques ou similaires, par leur objet ou leur effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d’infraction, sans que cette qualification exige une identité quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné » (soulignement ajouté), et qui indique que « [l]es deux constats d’infractions présentent au contraire des similitudes marquée, tant par leur objet que par leurs effets. Dans les deux cas, la société EDF a été sanctionnée pour avoir mis en œuvre des pratiques d’abus de position dominante, en violation d’un même fondement légal, à savoir les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE»502 (soulignements ajoutés).
Application au cas d’espèce
935. En l’espèce, il convient de relever que le groupe Roullier a été sanctionné, d’une part, par la décision de l’Autorité n° 08-D-20 du 1er octobre 2008 relative à des pratiques d’entente verticale, en l'occurrence des prix minimum de revente, mises en œuvre par des filiales de la société Compagnie Financière et de Participations Roullier et, d’autre part, par la décision de la Commission européenne n°COMP/38866 du 20 juillet 2010503 relative à une entente horizontale sur les prix sur le marché des phosphates destinés à l’alimentation à laquelle la société Compagnie Financière et de Participations Roullier a participé.
936. Les pratiques visées au titre du grief n° 3 constituent également une entente et relèvent ainsi du même fondement légal que celui sur la base duquel le groupe Roullier a déjà été sanctionné. Ils sont dès lors, au sens de la jurisprudence précitée relative à la réitération, similaires.
937. Par ailleurs, tant la décision de la Commission européenne du 20 juillet 2010 que celle de l’Autorité du 1er octobre 2008 ont été adoptées avant la date de fin des pratiques imputées dans la présente affaire, soit le 30 septembre 2011.
938. En outre, ces deux décisions sont définitives au jour où l’Autorité statue sur la présente infraction.
939. Enfin, le délai écoulé entre les constats de première infraction, respectivement les 1er octobre 2008 et 20 juillet 2010, d’une part, et le début des pratiques infractionnelles visées dans la présente affaire, soit le 23 mars 2011, d’autre part, est inférieur à 15 ans pour les pratiques imputées.
940. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de considérer que Roullier se trouve dans une situation de réitération justifiant, dans les circonstances de l’espèce, une majoration de 20 % de la sanction.
b) Le montant intermédiaire des sanctions
941. Au vu de l’ensemble des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, le montant des sanctions infligées aux entreprises mises en cause est fixé, à ce stade de l’analyse, aux sommes suivantes :
Tableau
Tableau
Tableau
4. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX
a) La vérification du respect du maximum légal
Rappel des principes applicables
942. Conformément à l’alinéa 4 du I de l’article L. 464-2 du Code de commerce, lorsque le contrevenant est une entreprise, le montant maximum de la sanction pécuniaire est «de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
943. Le tableau ci-dessous mentionne, pour chacune des entreprises concernées en l’espèce, le plafond légal de sanction applicable.
Tableau
944. Les montants intermédiaires retenus pour chaque entreprise étant inférieurs à 10 % des plafonds applicables à chacune d’entre elles, il n’y a pas lieu de les modifier.
b) La prise en considération de la clémence
945. Dans le cadre de la présente procédure :
- le groupe Campofrio (1er demandeur de clémence) a obtenu un avis de clémence conditionnel sur le marché de l’approvisionnement du JSM des salaisonniers (grief n° 1) ;
- les groupes Campofrio (griefs n° 2 et 3) et Coop (grief n° 2) ont obtenu des avis de clémence conditionnels sur le marché de la vente des produits de salaisonnerie et charcuterie.
946. Il convient de rappeler les principes applicables en la matière avant d’apprécier en l’espèce la situation de ces demandeurs de clémence.
Rappel des principes applicables
947. Le IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que : « [u]ne exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ou l'administration ne disposaient pas antérieurement. À la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, l'Autorité de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre, et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, l'Autorité peut, après avoir entendu le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné sans établissement préalable d'un rapport, et, si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction ».
948. Le communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence français (ci-après, le «communiqué clémence »), applicable en l’espèce au regard de la date du 2 octobre 2012 de la première demande de clémence, précise par ailleurs : «Le législateur a considéré qu’il est de l’intérêt de l’économie française, et notamment des consommateurs, de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui informent l’Autorité de la concurrence de l’existence d’ententes illicites et qui coopèrent avec elles afin d’y mettre fin. En effet, ces ententes sont néfastes pour les économies nationales: elles portent une atteinte grave aux intérêts des consommateurs, en particulier quand elles conduisent à un accroissement artificiel des prix ou à une limitation de l’offre sur le marché, et elles soustraient les entreprises à la pression qui, normalement, les incite à innover. Le bénéfice que tirent les consommateurs et les citoyens de l’assurance de voir les ententes plus sûrement et plus fréquemment détectées et interdites est plus important que l’intérêt qu’il peut y avoir à sanctionner pécuniairement toutes les entreprises ayant participé à l’entente, y compris celle-là même qui, en la révélant, permet à l’Autorité de découvrir et de sanctionner de telles pratiques » (paragraphe 11).
949. Le IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce subordonne ainsi la mise en œuvre de la procédure de clémence à deux conditions.
950. En premier lieu, le demandeur de clémence doit, d’une part, avoir, avec d’autres, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article L. 420-1 du Code de commerce. Il est nécessaire, d’autre part, qu’il ait contribué à établir la réalité de cette pratique et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement. C’est en considération de ces éléments que, lorsqu’elle adopte une décision constatant l’existence d’une infraction et imposant une sanction à ses auteurs, l’Autorité peut accorder une exonération de sanction pécuniaire proportionnée à la contribution apportée par le demandeur de clémence à l’établissement de l’infraction.
951. En second lieu, l’Autorité peut soumettre, au cas par cas, c’est-à-dire dans chaque affaire dont elle a à connaître et pour chaque demande de clémence faite dans ce cadre, l’octroi de la clémence à des conditions particulières. Ces conditions figurent dans l’avis de clémence, qui est transmis au demandeur. L’exonération de sanction pouvant être accordée à l’issue de la procédure dépend donc aussi du respect des conditions précisées dans l’avis de clémence.
952. En application de ces dispositions, l’Autorité accorde une exonération totale à l’entreprise qui, la première, formule une demande de clémence et qui satisfait aux conditions énoncées dans le communiqué clémence. Elle accorde une exonération partielle à toute entreprise autre que la première demanderesse de clémence qui formule une demande de clémence et satisfait aux conditions énoncées dans le communiqué clémence.
953. L’Autorité subordonne ainsi l’octroi effectif des exonérations envisagées dans ses avis de clémence à la condition que le demandeur respecte les conditions fixées dans ces avis et, notamment, apporte «une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction » (paragraphe 21 du communiqué clémence).
954. À cet égard, il ressort de la décision n° 11-D-17du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, que « [l]e IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce appréhende en effet la procédure de clémence comme une contribution active et volontaire d’entreprises ou d’organismes ayant participé à des ententes, non seulement à leur détection par l’Autorité, par le biais de la production d’éléments de preuve, mais également, en aval, à l’instruction de l’affaire par les services d’instruction et, en définitive, au constat, par le collège, de la réalité de la pratique prohibée. En pratique, l’obligation de “contribuer à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement” signifie donc que, dans les procédures d’ententes, qui comprennent plusieurs étapes, d’une part, et qui peuvent porter sur des faits complexes à établir et généralement occultes, d’autre part, la coopération attendue du demandeur n’est pas épuisée par le seul fait de présenter sa demande de clémence : elle reste nécessaire tout au long de la période séparant le dépôt de cette demande de la tenue de la séance du collège, en passant par les différentes étapes de la phase préliminaire d’enquête et de la procédure d’instruction » (paragraphe 716).
955. Enfin, les entreprises qui peuvent prétendre au bénéfice d’une exonération partielle sont susceptibles de bénéficier d’une exonération supplémentaire dans certains cas. Le communiqué clémence précise ainsi que « si l’entreprise qui présente la demande fournit des preuves incontestables permettant à l’Autorité d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente, cette contribution supplémentaire sera prise en compte dans la détermination individuelle de la sanction qui pourra faire l’objet d’une exonération partielle » (paragraphe 19).
956. Trois conditions doivent être satisfaites pour qu’une exonération complémentaire à l’exonération partielle soit appliquée au demandeur de clémence :
- l’entreprise doit fournir des preuves incontestables ;
- l’entreprise doit fournir des éléments de fait supplémentaires ;
- les éléments supplémentaires doivent avoir une incidence directe sur le montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente.
Application à l’espèce, s’agissant de Campofrio
957. Par procès-verbaux du 2 octobre 2012, enregistrés sous les numéros 12/0083 AC et 12/0084AC, la rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence a réceptionné deux demandes de mise en œuvre du IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce formulées pour le compte de la société de droit espagnol Campofrio Food Group S.A.U., de ses filiales et sociétés affiliées directement ou indirectement détenues, en particulier les sociétés Aoste SNC et Jean Caby SASU dans le secteur de l’approvisionnement en pièce de JSM par les salaisonniers auprès des abatteurs découpeurs, d’une part, et, d’autre part, dans le secteur de la vente des produits de salaisonnerie et charcuterie, commercialisés sous MDD ou sous 1erprix (ou «PPX») en France.
958. Ces deux demandes sont examinées ci-après successivement.
Sur les pratiques dénoncées dans le secteur de l’approvisionnement en pièces de JSM (grief n° 1)
959. Dans son avis précité n° 13-AC-01 du 29 janvier 2013, l’Autorité a relevé :
« 11. Les modalités de fonctionnement, la période concernée, les participants aux pratiques dénoncées ont fait l'objet de descriptions détaillées par le Demandeur. À l'appui des déclarations produites par le Demandeur, les pièces suivantes ont notamment été fournies :
a) Copie certifiée conforme par un constat d'huissier, d'un document dit « le Carnet » sur lequel le directeur commercial d'Aoste SNC, relate de manière manuscrite, la date et la nature de ses échanges avec ses concurrents depuis juin 2010, et jusqu'à septembre 2012, de nature à fournir des informations essentielles sur les pratiques en cause, les dates de réunions et d'appels téléphoniques, les concurrents concernés, les sujets abordés et les informations échangées, les accords trouvés, etc. L'essentiel des contacts du directeur commercial d'Aoste SNC avec ses homologues chez les concurrents du Demandeur se ferait par le biais de conversations téléphoniques bilatérales intensives effectuées depuis son téléphone mobile et, plus rarement, depuis sa ligne téléphonique fixe professionnelle ;
b) Des factures détaillées correspondant aux appels émis par le salarié du Demandeur depuis son téléphone mobile et son téléphone fixe utilisés pour la commission des pratiques, permettant d'identifier les appels sortants, par le téléphone mobile, pour la période allant d'octobre 2011 à septembre 2012, ainsi qu'une version annotée de ces relevés d'appels pour la même période comportant l'identité du concurrent destinataire de l'appel et la page du Carnet à laquelle l'appel semble se rapporter le cas échéant, ainsi qu'une copie des relevés d'appels du téléphone fixe professionnel de M. JLG (Campofrio) pour la période allant d'août 2010 à septembre 2012 annotés de manière à permettre l'identification du concurrent destinataire de l'appel et la page du Carnet pour laquelle l'appel semble se rapporter le cas échéant ;
c) Des notes de frais du salarié du Demandeur ayant pris part à la commission des pratiques lors de trois réunions physiques identifiées et s'étant tenues à Lyon.
12. Prises ensemble, par recoupement et combinaison, les pièces apportées par le Demandeur permettent, à suffisance, de présumer la vraisemblance des pratiques dénoncées. S'agissant des seuls contacts et réunions entre sociétés concurrentes, le rapprochement des constatations effectuées à partir des factures détaillées de l'opérateur de téléphonie, des annotations manuscrites faisant mention de contacts de personnes physiques et des factures correspondant aux frais engagés par le salarié ayant pris part aux échanges, est de nature à créer un faisceau concordant.
13. Dès lors, le dossier révèle un ensemble de présomptions suffisantes pour procéder à des mesures d'instruction et d'enquête, en particulier pour permettre de motiver une demande de mise en œuvre des pouvoirs prévus à l'article L. 450-4 du Code de commerce, d'autant que, s'agissant de pratiques en train de se commettre, l'article L. 450-4 du Code de commerce permet qu'il ne soit fait référence, dans la demande d'autorisation d'une opération de visite et saisie, qu'à des indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée. Cette condition, en l'espèce, est remplie, considérant le caractère récent des pièces portées à la connaissance de l'Autorité de la concurrence.
14. Le Demandeur de clémence est le premier et le seul à ce stade de la procédure, à avoir dénoncé ces pratiques à l'Autorité de la concurrence qui ne disposait pas, lors du dépôt de la demande de clémence, d'indices suffisants pour procéder de sa propre initiative à des mesures d'investigation ciblées au titre de l'article L. 450-4 du Code de commerce ».
960. L’Autorité a accordé à la société Campofrio Food Group SA, ses filiales et sociétés affiliées directement ou indirectement détenues, en particulier Aoste SNC, GIE JCA Achat, Aoste Libre Service Prétranché SNC, SEC SNC, Salaisons Moroni SASU, GIE G-SEC et Jean Caby SASU:
« le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération totale des sanctions éventuellement encourues en France pour les pratiques dénoncées par elles dans le secteur dans le secteur des produits de charcuterie, incluant en particulier le saucisson et le chorizo, le jambon cuit, le jambon sec (toutes variétés), les lardons, les saucisses cocktail et de Strasbourg et le pâté, vendus sous marque de distributeur (MDD) en subordonnant l'exonération envisagée aux conditions suivantes :
1. Le Demandeur devra apporter à l'Autorité de la concurrence une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'instruction, soit :
- fournir sans délai à l'Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuves qui viendraient en sa possession ou dont elle peut disposer sur l'entente présumée ;
- se tenir à sa disposition pour répondre rapidement à toute demande visant à contribuer à l'établissement des faits en cause ;
- mettre à la disposition de l'Autorité, pour les interroger, ses représentants légaux et ses salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, ses anciens représentants légaux et salariés.
2. Le Demandeur ne devra pas avoir pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions.
3. Le Demandeur ne devra pas avoir détruit ou falsifié de preuves de l'entente présumée, ni avoir divulgué son intention de présenter une demande de clémence, ni l'existence ou la teneur de celle-ci, sauf à d'autres autorités de concurrence. Il ne devra pas non plus avoir fait état de la saisine enregistrée sous le numéro 12/0080F, y compris à ses filiales, susceptibles d'être impliquées dans les pratiques décrites dans cette saisine.
A la requête du Demandeur et compte tenu de sa qualité d'actionnaire à 49 % de la société Jean Caby SASU, le Demandeur aura le droit, après l'opération de visite et saisie des services d'instruction de l'Autorité, de communiquer sur sa demande de clémence avec la société Foxlease Food dont M. Steiner est le représentant, laquelle contrôle 51 % de Jean Caby SASU, sans faire état de la saisine 12/0080F précitée de l'Autorité du 21 septembre 2012 tant qu'une éventuelle notification de griefs ne lui aura pas été adressée.
4. Le Demandeur devra mettre fin à sa participation aux activités illégales présumées, sans délai, et au plus tard à compter de la réalisation des opérations de visite et saisie diligentées par l'Autorité de la concurrence » (paragraphe 16).
961. Le groupe Campofrio a ainsi obtenu le bénéfice conditionnel d’une exonération totale de sanction au titre des pratiques dénoncées dans le secteur des produits de charcuterie, incluant en particulier les achats de JSM par les industriels auprès des abatteurs/découpeurs.
962. Cette demande de clémence a permis la mise à jour de l’entente mise en œuvre par les charcutiers-salaisonniers dans le cadre de leur approvisionnement en pièces de JSM. Avec la saisine des Établissements Guy Harang, elle a constitué le fait générateur de l’intervention de l’Autorité en permettant l’organisation des opérations de visite et saisie qui ont eu lieu chez les participants aux pratiques, soit les groupes Campofrio, Fleury Michon, FTL et Les Mousquetaires. Elle a également permis de compléter la compréhension de l’architecture et du contenu précis de l’infraction constatée.
963. Le groupe Campofrio a par ailleurs respecté l’ensemble des obligations figurant dans son avis de clémence. Plus particulièrement, tout au long de l’instruction, le demandeur a répondu de manière précise et complète aux demandes de communication des services d’instruction. Ces informations ont permis de vérifier les pratiques qui avaient été préalablement dénoncées par le primo-demandeur de clémence.
964. Par ailleurs, si, à la suite de l’envoi de la notification de griefs, le groupe Campofrio a adressé aux services d’instruction des observations visant à contester la mise en cause de la société Campofrio Food Group Holding S.L.U. en tant qu’auteure des pratiques au titre du grief n° 1, il a indiqué en séance renoncer à cette contestation.
965. Au vu des circonstances de l’espèce, l’Autorité accordera une exonération totale de sanction pour le grief n° 1.
Sur les pratiques dénoncées dans le secteur de la vente de produits de salaisonnerie et charcuterie commercialisés sous marque de distributeur (griefs n° 2 et 3)
966. Dans son avis précité n° 13-AC-02 du 29 janvier 2013, l’Autorité a relevé :
« 12. Les modalités de fonctionnement, la période concernée et les participants aux pratiques dénoncées ont fait l'objet de descriptions détaillées par le Demandeur de clémence. À l'appui des déclarations produites par le Demandeur, les pièces suivantes ont notamment été fournies :
a) courriels internes au Demandeur révélant des échanges entre concurrents lors des négociations avec les abatteurs/découpeurs pour l'achat des jambons chaque vendredi, pour fixer une position commune de négociation sur la variation du prix ;
b) un certain nombre d'éléments afin de faire constater l'existence d'appels réguliers entre concurrents de nature à confirmer la réalité des pratiques dénoncées : relevés téléphoniques détaillés et identification des appels passés à des concurrents par des employés du
Demandeur participant aux pratiques :
- factures détaillées des appels passés à partir de téléphones mobiles pour l'année écoulée ;
- factures détaillées des appels passés à partir de téléphones fixes pour les deux dernières années.
13. Pris ensemble, par recoupement et combinaison, les courriels internes et autres pièces apportés par le Demandeur permettent, à suffisance, de présumer la vraisemblance des pratiques dénoncées.
14. Dès lors, le dossier révèle un ensemble de présomptions suffisantes pour procéder à des mesures d'instruction et d'enquête, et en particulier pour permettre de motiver une demande de mise en œuvre des pouvoirs prévus à l'article L. 450-4 du Code de commerce, d'autant que, s'agissant de pratiques en train de se commettre, l'article L. 450-4 du Code de commerce permet qu'il ne soit fait référence, dans la demande d'autorisation d'une opération de visite et saisie, qu'à des indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée. Cette condition, en l'espèce, est remplie, considérant le caractère récent des pièces portées à la connaissance de l'Autorité de la concurrence. »
967. L’Autorité a ajouté, dans ce même avis :
« 22. En dépit de la saisine de l'Autorité de la concurrence du 21 septembre 2012, le Demandeur de clémence est le premier, et le seul à ce stade de la procédure, à avoir dénoncé les pratiques décrites aux paragraphes 3 à 14 du présent avis à l'Autorité de la concurrence, laquelle ne disposait pas, lors du dépôt de la demande de clémence, d'informations et d'éléments de preuves suffisants pour procéder ou faire procéder de sa propre initiative à des mesures d'investigation ciblées au titre de l'article L. 450-4 du Code de commerce.
23. Les conditions prévues par le IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce pour l'octroi d'une mesure de clémence sont donc réunies en l'espèce : le Demandeur semble contribuer à établir la réalité de pratiques potentiellement prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce et potentiellement par l'article 101 TFUE et à identifier leurs auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité de la concurrence ou l'administration ne disposaient pas antérieurement ».
968. L’Autorité a accordé à la société Campofrio Food Group SA, ses filiales et sociétés affiliées directement ou indirectement détenues, en particulier Aoste SNC, GIE JCA Achat, Aoste Libre Service Prétranché SNC, SEC SNC, Salaisons Moroni SASU, GIE G-SEC et Jean Caby SASU:
« le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération totale des sanctions éventuellement encourues en France pour les pratiques dénoncées par elles dans le secteur des produits de charcuterie, incluant en particulier les achats par les industriels auprès des abatteurs/découpeurs, de jambon sans mouille, en subordonnant l'exonération envisagée aux conditions suivantes :
1. Le Demandeur devra apporter à l'Autorité de la concurrence une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'instruction, soit :
- fournir sans délai à l'Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuves qui viendraient en sa possession ou dont elle peut disposer sur l'entente présumée ;
- se tenir à sa disposition pour répondre rapidement à toute demande visant à contribuer à l'établissement des faits en cause ;
- mettre à la disposition de l'Autorité, pour les interroger, ses représentants légaux et ses salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, ses anciens représentants légaux et salariés.
2. Le Demandeur ne devra pas avoir pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions.
3. Le Demandeur ne devra pas avoir détruit ou falsifié de preuves de l'entente présumée, ni avoir divulgué son intention de présenter une demande de clémence, ni l'existence ou la teneur de celle-ci, sauf à d'autres autorités de concurrence. Il ne devra pas non plus avoir fait état de la saisine enregistrée sous le numéro 12/0080F, y compris à ses filiales, susceptibles d'être impliquées dans les pratiques décrites dans cette saisine. A la requête du Demandeur et compte tenu de sa qualité d'actionnaire à 49 % de la société Jean Caby SASU, le Demandeur aura le droit, après l'opération de visite et saisie des services d'instruction de l'Autorité, de communiquer sur sa demande de clémence avec la société Foxlease Food dont M. S est le représentant, laquelle contrôle 51 % de Jean Caby SASU, sans faire état de la saisine 12/0080F précitée de l'Autorité du 21 septembre 2012 tant qu'une éventuelle notification de griefs ne lui aura pas été adressée.
4. Le Demandeur devra mettre fin à sa participation aux activités illégales présumées, sans délai, et au plus tard à compter de la réalisation des opérations de visites et saisies diligentées par l'Autorité de la concurrence » (paragraphe 24).
969. Le groupe Campofrio a ainsi obtenu le bénéfice conditionnel d’une exonération totale de sanction au titre des pratiques dénoncées dans le secteur des produits de charcuterie, incluant en particulier le saucisson et le chorizo, le jambon cuit, le jambon sec (toutes variétés), les lardons, les saucisses cocktail et de Strasbourg et le pâté, vendus sous MDD.
970. Aucun élément ne permet d’établir que le groupe Campofrio n’a pas satisfait aux conditions visées aux points 2, 3 et 4 exposés ci-dessus. En ce qui concerne la première condition, qui combine une exigence de coopération totale, permanente et rapide de la part du demandeur et une obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l’infraction suspectée, il convient d’en examiner le respect au regard des éléments factuels figurant au dossier.
971. Il est, tout d’abord, établi que le groupe Campofrio a repris, postérieurement à l’avis de clémence, sa participation à l’infraction suspectée dans le cadre du grief n° 2 qu’il avait dénoncée dans sa demande de clémence. De fait, d’une part des échanges bilatéraux anticoncurrentiels entre le groupe Coop et le groupe Campofrio ont continué à avoir lieu entre octobre 2012 et avril 2013, d’autre part, M. JLG (Campofrio) a organisé la dernière réunion entre concurrents portant sur les produits de charcuterie crus, le 30 avril 2013, après l’avis de clémence notifié le 15 février 2013 et avant l’opération de visite et saisie organisée le 15 mai 2013.
972. Or, le groupe Campofrio n’a informé spontanément l’Autoriténi de ces échanges bilatéraux, ni de l’existence de cette réunion, de sa teneur, et de sa propre participation à cette réunion dans le cadre du grief n° 2.
973. C’est le groupe Coop qui a, le premier, informé l’Autorité de ces différents éléments, dans le cadre de sa demande de clémence déposée le 25 septembre 2013 et complétée le 28 octobre 2013507.
974. Ce n’est ainsi qu’à la suite d’une demande d’information des services d’instruction du 14 avril 2014 que, le 10 juin 2014, le groupe Campofrio a confirmé l’existence de cette réunion ainsi que la poursuite de contacts par téléphone sur des hausses de tarifs et sur certains appels d’offres508et fourni des explications et des éléments complémentaires sur ces différents points.
975. Le groupe Campofrio ne conteste pas avoir continué les pratiques litigieuses durant cette période. Il soutient toutefois que le bénéfice de l’exonération totale de sanctions ne saurait lui être retiré, et s’appuie à cette fin sur les arguments de fait, de procédure et de fond suivants.
976. Au titre des arguments factuels, le groupe Campofrio soutient, tout d’abord, que c’est afin de préserver la confidentialité de la demande de clémence conditionnant l’immunité qu’il n’a pu interroger à nouveau M. JLG (Campofrio) ou se faire communiquer par lui des informations sur les éventuels échanges en cours avec ses concurrents entre la demande de clémence et les opérations de visite et saisie509. Or, un tel argument est inopérant au regard de la coopération totale, permanente et rapide imposée de manière inconditionnelle et absolue, au titre de la première condition, au demandeur de clémence, auquel il incombe de s’organiser en interne afin de respecter les exigences posées par l’avis de clémence.
977. Le groupe Campofrio ajoute, par ailleurs, que les premiers éléments saisis relatifs à la réunion du 30 avril 2013, soit les notes de M. JLG (Campofrio), provenaient du groupe Campofrio et que ces notes, combinées à celles de M. EB du groupe Sonical, laissaient apparaitre qu’elles se rapportaient à une réunion entre concurrents. Cet argument ne saurait non plus prospérer, dès lors qu’aucun élément ne permettait de relier les notes de M. JLG (Campofrio), qui n’étaient pas datées, à la réunion précitée. De même, s’agissant des échanges bilatéraux, aucun des éléments saisis ne permettait d’avoir connaissance de la poursuite des échanges bilatéraux entre les groupes Coop et Campofrio.
978. Enfin, le groupe Campofrio considère que les révélations de Coop, s’agissant de la réunion du 30 avril 2013, sont postérieures aux notes saisies de M. JLG (Campofrio) sur cette même réunion et sont insuffisantes pour établir l’existence de cette même réunion. Selon lui, seules la déclaration de M. JLG (Campofrio) de 2014 et la facture de réservation de salle fournie à la suite de la demande d’information des services d’instruction auraient permis d’établir l’existence de la réunion. Cet argument est également inopérant, dès lors qu’il ressort du dossier que les déclarations de M. GP, employé de la société Polette, et son agenda électronique étaient parfaitement explicites quant au lieu, à la date, aux participants et à l’objet de la réunion510.
979. Au titre des arguments procéduraux, le groupe Campofrio reproche en premier lieu aux services d’instruction de ne l’avoir informé d’un défaut de coopération qu’au stade du rapport, le 29 juillet 2019, soit plus de cinq ans après le manquement supposé, alors que le point 21 du modèle de clémence de la Commission de septembre 2006, réitéré en 2012,précise que, si toutes les conditions requises pour obtenir la clémence ne sont pas remplies, l’autorité de concurrence informe l’entreprise en cause sans délai. Il suffit toutefois sur ce point de souligner que les règles applicables à la présente affaire résultent du IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce et du communiqué clémence, qui ne comportent pas l’obligation d’information visée par le modèle de la Commission. En tout état de cause, cette circonstance est sans effet sur la caractérisation de l’omission du groupe Campofrio.
980. Le groupe Campofrio conteste, en second lieu, que le possible manquement à son devoir de coopération puisse être considéré comme un simple déterminant de la sanction pouvant n’être évoqué qu’au stade du rapport. Selon lui, la violation d’une obligation de coopération, susceptible de donner lieu à une sanction pécuniaire, devrait bénéficier des mêmes garanties procédurales que les griefs notifiés et être portée à la connaissance de l’entreprise au plus tard au stade de la notification de griefs. Cet argument est également inopérant dès lors, d’une part, que ce manquement ne peut, à l’évidence, être assimilé à un grief et être, partant, assujetti au même régime procédural, d’autre part, que le groupe Campofrio a été en mesure de faire valoir ses arguments tant dans son mémoire en réponse au rapport que lors de la séance.
981. Au titre de ses arguments de fond, le groupe Campofrio soutient, tout d’abord, avoir fait preuve, tout au long des sept années d’instruction, d’un véritable esprit de coopération au sens où la Commission européenne l’entend. Il relève, en outre, que la Commission reconnaît une importance spécifique au premier demandeur de clémence, procède à une analyse qualitative du manquement concerné et vérifie si une communication tardive d’informations a retardé l’instruction. Il souligne, à cet égard, que le rapport des services d’instruction lui-même considère que sa coopération tout au long de la procédure a été tout à fait appropriée et de nature à justifier le bénéfice d’une exonération totale de sanction511. Il fait valoir, enfin, qu’il résulte tant de la pratique décisionnelle de la Commission que de la jurisprudence communautaire que ce n’est qu’en présence d’une réticence intentionnelle à coopérer pleinement qu’un manquement du demandeur de clémence à ses obligations pourrait être retenu.
982. Le groupe Campofrio allègue ensuite, en réponse à un argument soulevé par les services d’instruction, que sa demande de clémence et celle du groupe Coop doivent être appréciées individuellement et que l'octroi éventuel d'une exonération de sanction au groupe Coop au titre de la dénonciation des éléments de fait supplémentaires, examiné ci-après aux paragraphes 998 et suivants n'a pas lieu d’avoir des répercussions sur sa propre immunité.
983. Le groupe Campofrio considère enfin que la décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express ne constituerait pas un précédent pertinent dès lors qu’à la différence du groupe Campofrio, la société Schenker-Joyau, qui s’était vu retirer le bénéfice de l’exonération totale, avait déclaré à l’Autorité que les pratiques avaient eu cours jusqu’en septembre 2008 puis avaient cessé, alors qu’elle avait participé, postérieurement à l’avis de clémence, à pas moins de trois réunions sans en informer l’Autorité. De plus, Schenker-Joyau contestait avoir continué à prendre part à l’infraction, alors que le groupe Campofrio a non seulement reconnu ce point, mais fourni les preuves principales permettant d’établir l’existence de la réunion du 30 avril 2013. Par ailleurs, à l’inverse de l’affaire ayant donné lieu à la décision n° 15-D-19, les services d’instruction se sont, en l’occurrence, principalement appuyés sur les notes prises par M. JLG (Campofrio) et sa déclaration pour établir la participation des entreprises présentes à la réunion.
984. Il suffit de rappeler en réponse à l’ensemble de ces arguments que la première condition imposée au groupe Campofrio l’obligeait à fournir tout élément de preuve en relation avec l’infraction suspectée, dont il viendrait à disposer au cours de la procédure. Dès lors, il importe peu, contrairement à ce que soutient le groupe Campofrio, de savoir si un éventuel manquement à cette obligation serait intentionnel ou dû à une négligence de la part de l’entreprise. De même, les circonstances et le contexte d’un tel manquement sont sans influence sur sa caractérisation : un demandeur de clémence doit, pour conserver le bénéfice de l’exonération totale qui lui est accordé à titre conditionnel s’assurer, en toute circonstance, du respect strict des conditions de l’avis de clémence.
985. Il s’ensuit que le groupe Campofrio n’a pas intégralement respecté la première condition qui s’imposait à lui. Or, ainsi que l’Autorité l’a souligné dans la décision n° 15-D-19 précitée, la pratique de l’Autorité, comme celle du Conseil avant elle, subordonne l’octroi effectif de l’exonération de sanction pécuniaire envisagée dans ses avis de clémence à la condition que le demandeur coopère activement à l’ensemble de la procédure d’enquête et d’instruction, y compris en fournissant à l’Autorité tout élément de preuve en relation avec l’infraction suspectée qui viendrait en sa possession au cours de l’instruction. Le IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce appréhende en effet la procédure de clémence comme une contribution active et volontaire d’entreprises ou d’organismes ayant participé à des ententes, non seulement à leur détection par l’Autorité, par le biais de la production d’éléments de preuve, mais également, en aval, à l’instruction de l’affaire et, en définitive, au constat, par le collège, de la réalité de la pratique prohibée. En pratique, l’obligation de « contribuer à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement » impose au demandeur de coopérer avec l’Autorité jusqu’à la séance et, notamment, de lui fournir tout élément de preuve en relation avec l’infraction suspectée, dont il viendrait à disposer, y compris après la délivrance de l’avis de clémence.
986. Cette obligation de coopération totale, permanente et rapide, qui figure également dans le programme modèle du Réseau européen de la concurrence en matière de clémence et est reconnue par la jurisprudence de l’Union512, est rappelée par le communiqué de procédure du 3 avril 2015, qui souligne que cette obligation doit être respectée « dans tous les cas » pour «ouvrir droit à l’exonération totale ou partielle » de sanction pécuniaire (paragraphe 23).
987. La Cour d’appel de Paris a confirmé en tous points l’approche retenue par l’Autorité en la matière : « ainsi que le fait justement valoir l’Autorité, il est indifférent que le manquement des requérantes aux engagements qu’elles avaient pris aux fins de l’octroi du bénéfice conditionnel de la clémence procède, ainsi qu’il est vraisemblable, davantage d’une négligence que d’une volonté de se soustraire auxdits engagements. À cet égard, la cour rappelle que le bénéfice de la clémence, en particulier pour le demandeur de clémence de premier rang, confère à son bénéficiaire l’avantage exorbitant d’échapper aux lourdes sanctions qu’il encourt et fait donc peser sur lui une obligation de vigilance particulièrement forte. Dans ce contexte, toute négligence de l’intéressé apparaît fautive »513. La cour a ajouté : «Dès l’instant où elle a constaté le manquement des requérantes à la première des conditions auxquelles était subordonné le bénéfice de la clémence, à savoir une obligation de coopération totale, permanente et rapide, l’Autorité ne pouvait, conformément à l’article L. 464-2 IV du Code de commerce, leur accorder une exonération totale de sanction »514.
988. La Cour d’appel a également validé l’approche objective et concrète retenue par l’Autorité dans son appréciation du manquement, au vu de la position exprimée, le cas échéant, par les services d’instruction et des observations subséquentes de l’entreprise en cause. Se conformant à cette pratique validée par la cour, l’Autorité relève qu’en l’espèce, le manquement constaté à l’obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l’infraction suspectée, pour avérer qu’il soit, n’a pas empêché, retardé ou rendu plus difficile l’établissement et la caractérisation des faits et des responsabilités par les services d’instruction.
989. Il apparaît ainsi que le groupe Campofrio, quelle que soit, par ailleurs, la qualité, réelle, de sa coopération et des très nombreux éléments probants fournis par ses soins tout au long de la procédure, a partiellement failli à ses obligations et ne peut, partant, bénéficier de l’exonération totale de sanction s’agissant des pratiques visées par le grief n° 2. Il sera par conséquent infligé, solidairement avec Campofrio Food Group France Holding et Campofrio Food Group S.A.U., une sanction de 892 000 euros à Aoste SNC et de 108 000 euros à Salaisons Moroni.
Application à l’espèce, s’agissant de Coop
990. Par procès-verbaux des 25 septembre 2013 et 28 octobre 2014, le rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence a réceptionné une demande de mise en œuvre du IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce formulées pour le compte de la société de droit suisse Bell AG, actionnaire de Bell France SAS, Salaison Polette et Cie SAS et leurs filiales ainsi que toutes autres entités légales qui font partie du groupe auquel Salaison Polette et Cie appartient, dans le secteur de la fourniture sur le marché français de produis de charcuterie vendus sous MDD.
991. Par son avis précité n° 14-AC-02 du 27 mai 2014, l’Autorité a accordé à Bell AG, Salaisons Polette & Cie SAS et leurs filiales :
« un avis de clémence comportant une exonération partielle de sanction de l'ordre de 35 % à 50 % concernant les pratiques relatives aux produits de charcuterie commercialisés sous MDD, ceci compte tenu du rang et de la date à laquelle la demande a été présentée ainsi que du degré de valeur ajoutée apportée par les pièces, en considération de ce dont l'instruction dispose déjà aux sociétés, en la subordonnant aux conditions suivantes :
« 1. Bell AG, Salaisons Polette & Cie SAS et leurs filiales doivent apporter à l'Autorité de la concurrence une coopération véritable, totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'instruction, ce qui signifie en particulier :
- fournir sans délai à l'Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuves qui viendraient en leur possession ou dont elles peuvent disposer sur l'entente présumée,
- se tenir à sa disposition pour répondre rapidement à toute demande visant à contribuer à l'établissement des faits en cause,
-mettre à la disposition de l'Autorité, pour les interroger, leurs représentants légaux et leurs salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, leurs anciens représentants légaux et salariés,
- s'abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des éléments de preuves utiles se rapportant à l'entente présumée,
et
- s'abstenir de divulguer l'existence ou la teneur de sa demande de clémence avant que l'Autorité n'ait communiqué ses griefs aux parties, sauf si l'Autorité y donne son accord.
2. Bell AG, Salaisons Polette & Cie SAS et leurs filiales ne doivent pas avoir détruit ou falsifié de preuves de l'entente présumée, ni avoir divulgué leur intention de présenter une demande ni la teneur de celle-ci, sauf à d'autres autorités de concurrence.
3. Bell AG, Salaisons Polette & Cie SAS et leurs filiales doivent avoir mis fin à leur participation aux activités illégales présumées, sans délai et au plus tard à compter de la notification de l'avis conditionnel de clémence » (cote 742 - 13/0069AC).
992. Le groupe Coop a ainsi obtenu le bénéfice conditionnel d’une exonération partielle d’amende comprise entre 35 et 50 % au titre de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de produits de charcuterie, commercialisés principalement sous MDD.
Sur les pratiques dénoncées
993. Il convient de distinguer deux périodes, s’agissant des pratiques dénoncées par le groupe Coop.
Sur les pratiques ayant eu lieu du 8 avril 2010 au 28 septembre 2012
994. Les sociétés Bell Food Group, Salaison Polette et Cie, Val de Lyon, Maison de Savoie, Saloir de Virieu, Saloir de Mirabel, Bell France, Bell France Holding (dénommées ensemble ci-après « Bell Food Group ») estiment que leur contribution a été déterminante pour l’établissement des pratiques, au regard des éléments probants qu’elles ont fournis tant pour les réunions multilatérales entre concurrents que pour les échanges bilatéraux dans le cadre des appels d’offres de la grande distribution sur la durée totale du grief (2010-2013) et sollicitent le bénéfice d’une exonération partielle de sanction très significative de 50 % pour l’ensemble de la période visée.
995. De fait, à l’occasion de sa demande de clémence déposée le 25 septembre 2013, le groupe Coop a confirmé l’existence des pratiques s’étant déroulées à l’occasion de réunions multilatérales et de contacts bilatéraux, dénoncées par le premier demandeur de clémence entre avril 2010 et août 2012.
996. Par ailleurs, les éléments apportés par le groupe Coop ont permis de préciser l’architecture même de l’infraction, notamment grâce aux déclarations du président et du directeur commercial de la société Salaisons Polette et Cie et à la fourniture de plusieurs pièces probantes déterminantes, telles qu’un compte rendu sur l’appel d’offres Carrefour d’avril 2011, des notes manuscrites prises lors de réunions multilatérales ou d’échanges bilatéraux, un tableau des appels d’offres et des demandes de cotation, etc.
997. Il convient enfin de noter que le groupe Coop a apporté des éléments permettant d’allonger la durée de sa propre participation à l’infraction de plus d’un an, en établissant sa propre participation au grief à compter du 8 avril 2010, alors que le premier échange anticoncurrentiel impliquant le groupe Coop mentionné dans le carnet de M. JLG (Campofrio) datait du 26 avril 2011.
Sur les pratiques ayant eu lieu du 29 septembre 2012 au 30 avril 2013
998. À l’occasion de la même demande de clémence, le groupe Coop a porté à la connaissance des services d’instruction des informations qui n’avaient pas été communiquées par le groupe Campofrio et dont les services d’instruction n’avaient pas connaissance. Partant, dès ses observations du 30 avril 2014 en réponse au rapport de clémence, et jusqu’en séance, le groupe Bell (groupe Coop) a estimé qu’une réduction de sanction supplémentaire devait lui être accordée, au regard des éléments de faits nouveaux communiqués au soutien de sa demande et susceptibles d’avoir une incidence sur le montant de la sanction encourue515.
999. Le groupe Coop a, effectivement, révélé la tenue d’une réunion entre six concurrents en date du 30 avril 2013, ainsi que l’existence d’échanges bilatéraux avec des concurrents et notamment avec le groupe Campofrio, de la fin du mois de septembre 2012 jusqu’au mois d’avril 2013. Il s’est appuyé sur les déclarations du président et du directeur commercial de Salaisons Polette et Cie, ainsi que sur de nombreux éléments matériels tels que des notes manuscrites, des courriels internes et des relevés téléphoniques.
1000. Ainsi qu’il a été rappelé ci-avant au paragraphe 955, de telles circonstances peuvent donner lieu à une exonération supplémentaire dès lors que :
- l’entreprise doit fournir des preuves incontestables ;
- l’entreprise doit fournir des éléments de fait supplémentaires ;
- les éléments supplémentaires doivent avoir une incidence directe sur le montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente.
1001. En l’espèce, s’agissant de la première condition, M. GP, du groupe Coop, a précisé les conditions d’organisation de la réunion du 30 avril 2013, l’objet de cette réunion et a fourni un extrait de son agenda électronique sur lequel figurait cette réunion516. En outre, ses échanges bilatéraux avec ses concurrents sont le plus souvent corroborés par différents indices517. M. GPa également produit des relevés téléphoniques recensant les appels sortants aux concurrents depuis son téléphone portable entre octobre 2012 et avril 2013. Les preuves fournies par le groupe Coop sont donc incontestables.
1002. S’agissant de la deuxième condition, les éléments dont disposaient les services d’instruction se limitaient à la période allant du 8 avril 2010 au 28 septembre 2012. Le groupe Coop a fourni des éléments de preuve supplémentaires sur la période courant d’octobre 2012 à avril 2013, relatifs à la tenue de la réunion du 30 avril 2013 et à l’existence d’échanges bilatéraux entre le groupe Coop et ses concurrents, qui n’avaient pas été communiqués auparavant aux services d’instruction et dont ceux-ci ne pouvaient avoir connaissance, y compris à la suite de l’opération de visite et saisie.
1003. S’agissant de la troisième condition, ces éléments supplémentaires ont une incidence directe sur le montant des sanctions pécuniaires puisqu’ils permettent d’allonger de sept mois (d’octobre 2012 à avril 2013) la durée des pratiques pour certaines entreprises.
Sur la coopération du groupe Coop
1004. La demande de clémence du groupe Coop a permis d’expliciter le contenu et l’architecture de l’infraction, de fournir de nouvelles pièces et d’allonger la durée de l’infraction.
1005. Toutefois, la coopération de l’entreprise s’apprécie également, une fois l’avis de clémence rendu, tout au long de la procédure d’instruction.
1006. Le groupe Coop a collaboré de manière satisfaisante jusqu’à l’envoi de la notification de griefs.
1007. Si, à la suite de l’envoi de la notification de griefs, plusieurs sociétés du groupe Coop ont adressé aux services d’instruction des observations visant à contester l’imputabilité des pratiques, le groupe Coop a indiqué en séance renoncer à de telles contestations.
1008. L’Autorité estime dès lors qu’il convient de tenir compte, pour la détermination de la sanction du groupe Coop, de la qualité toute particulière de sa contribution à l’instruction, au titre de sa demande de clémence, des éléments apportés à son soutien, de sa coopération active tout au long de l’instruction de l’affaire et du degré de valeur ajoutée des pièces apportées. Il lui est ainsi accordé une réduction de 50 %sur la sanction pécuniaire encourue pour la première période courant du 8 avril 2010 au 28 septembre 2012.
1009. Il convient par ailleurs de tenir compte du fait que l’existence de certains faits, qui ont eu une incidence sur la sanction prononcée, ont pu être établis sur le seul fondement des éléments transmis par le groupe Coop, permettant ainsi d’étendre la durée de l’infraction visée par le grief n° 2 et d’aggraver la sanction en conséquence. Il lui est ainsi accordé une exonération totale d’amende sur la sanction pécuniaire encourue pour la deuxième période courant du 29 septembre 2012 au 30 avril 2013.
c) La situation financière des entreprises
1010. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, il convient d’apprécier les difficultés financières particulières qu’elles rencontrent et qui seraient de nature à diminuer leur capacité contributive.
1011. S’agissant de Cooperl Arc Atlantique, l’analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l’Autorité à considérer qu’ils n’attestent pas de difficultés financières particulières empêchant cette entreprise de s’acquitter de la sanction envisagée dans le tableau n° 67 au paragraphe 941.
1012. S’agissant en revanche d’Aubret, Charcuteries Gourmandes, La Financière du Haut Pays, Financière Turenne Lafayette SAS, Jean Caby, Salaisons du Mâconnais et Sonical, l’examen des éléments financiers et comptables qu’elles ont communiqués conduit l’Autorité à constater l’existence de difficultés financières particulières affectant leur capacité à s’acquitter des sanctions que l’Autorité envisage de leur imposer.
1013. Dans ces conditions, il convient, pour chacune de ces entreprises, de réduire les sanctions envisagées de la manière suivante :
- à Aubret (grief n° 3) de 9 898 165 euros à 750 000 euros.
- à Charcuteries Gourmandes, solidairement avec sa société mère, (grief n° 3) de 170 736 euros à 0 euro ;
- aux Établissements Rochebillard et Blein de 660119 euros à 286000 euros et de 101 011 euros pour Établissements Rochebillard et Blein (pour le compte de Péguet Savoie) à 44 000 euros (grief n° 2), solidairement avec leur société mère ;
- aux Établissements Germanaud et Cie, Financière Turenne Lafayette SAS, Géo, Montagne Noire (pour le compte de Maison du Jambon), Madrange et Paul Prédault, de 26 888 001 euros à 0 euro (grief n° 1), aux sociétés Financière Turenne Lafayette SAS, Montagne Noire (pour le compte de Maison du Jambon), Montagne Noire et Géo de 13592 605 euros à 0 euro (grief n° 2), et aux sociétés Madrange, Géo, La Lampaulaise de Salaisons, Établissements Germanaud et Cie, Financière Turenne Lafayette SAS et Paul Prédault de 34 060 990 euros à 0 euro (grief n° 3), solidairement avec leurs sociétés mères ;
- à Salaisons du Mâconnais (grief n° 2) de 2 697 600 euros à 1 000 euros ;
- à France Salaisons (grief n° 2) de 5 580 547 euros à 350 000 euros, solidairement avec sa société mère.
5. SUR LE MONTANT DES SANCTIONS
1014. Selon la méthode de détermination des sanctions exposée ci-dessus, le montant final de sanctions encourues par les mises en cause s’établit ainsi :
Tableau
B. SURLES AUTRES SANCTIONS
1015. Aux termes de l’article L. 464-2 du Code de commerce, l’Autorité peut également ordonner « la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise (…). Les frais sont supportés par la personne intéressée ». Afin d’appeler l’attention des acteurs économiques présents dans la filière porcine en France et, plus généralement, des consommateurs, il y a lieu d’ordonner la publication, à frais partagés des entités sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans l’édition papier et sur le site Internet des journaux « Le Monde », « Les Échos » et de la revue « PorcMag », du résumé de la présente décision figurant ci-après :
Résumé de la décision :
«Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne plusieurs sociétés actives dans le secteur des achats et ventes des pièces de porcs et de produits de charcuterie pour avoir mis en œuvre trois pratiques anticoncurrentielles constituées, pour la première, par une entente entre concurrents sur le prix du jambon sans mouille (ci-après « JSM»), utilisé pour fabriquer des jambons cuits, et pour les deuxième et troisième, par des ententes entre concurrents sur le marché de la commercialisation de produits de charcuterie crus, d’une part, cuits, d’autre part, sous marque de distributeurs (ci-après «MDD») et premiers prix.
Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à la procédure de clémence, qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire.
En effet, le groupe Campofrio a sollicité en octobre 2012 le bénéfice de la clémence dans le secteur de l’approvisionnement en JSM par les charcutiers-salaisonniers auprès des abatteurs et découpeurs (grief n° 1), d’une part, et dans le secteur des produits de charcuterie vendus par les charcutiers-salaisonniers sous MDD (griefs n° 2 et 3), d’autre part.
Les opérations de visite et saisie réalisées en France en mai 2013 ont permis de réunir de nombreuses preuves qui ont complété celles apportées par le premier demandeur de clémence.
Par ailleurs, à la suite de ces opérations, le groupe Coop a également sollicité, en septembre 2013, la mise en œuvre du programme de clémence dans le secteur de la fourniture de produits de charcuterie crus vendus sous MDD (grief n° 2).
L’exploitation des milliers de pièces reçues et saisies par les services d’instruction, complétée par de nombreuses auditions ainsi que par une expertise en écritures visant à analyser la valeur probante d’une pièce versée par le primo-demandeur de clémence, a permis de sanctionner les trois ententes suivantes :
Entente sur la variation du prix hebdomadaire du jambon sans mouille
Les groupes Campofrio, Fleury Michon, Financière Turenne Lafayette (ci-après «FTL») et Les Mousquetaires se sont entendus, entre le 14 janvier 2011 et le 26 avril 2013 pour défendre une position commune sur la variation du prix hebdomadaire du jambon sans mouille dans leurs négociations avec les abatteurs (grief n° 1).
En effet, il ressort des éléments du dossier que les charcutiers-salaisonniers se contactaient via des appels téléphoniques bilatéraux avant le début des négociations, généralement le vendredi matin, afin d’aboutir à une position commune de négociation.
Ce consensus, qui portait sur la variation de prix du JSM sur le marché d’intérêt national de Rungis (ci-après «MIN») et non le prix lui-même, leur permettait de présenter un « front commun» face aux abatteurs, de manière à mieux résister aux hausses de prix ou à obtenir des baisses de prix.
Cette entente a modifié le rapport de force entre charcutiers-salaisonniers et abatteurs, au bénéfice des premiers et au détriment des seconds. Elle a par ailleurs impacté la variation de la cotation du JSM sur le MIN, qui sert de référence pour les transactions réalisées hors de ce marché. Elle présente, par conséquent, un caractère particulièrement grave, qui justifie le prononcé de sanctions d’un montant global de 21 428 000 euros, qui se répartissent comme suit entre les entreprises concernées :
Tableau
Ententes sur les prix des produits de charcuterie crue et cuite
S’agissant des produits de charcuterie crue (grief n° 2), huit entreprises (appartenant aux groupes CA Animation, Campofrio, Coop, La Financière du Haut Pays, FTL, Savencia, Sonical, ainsi que la société Salaisons du Mâconnais) ont mis en œuvre entre le 8 avril 2010 et le 30 avril 2013 des accords et pratiques concertées, via des réunions secrètes et des échanges bilatéraux, d’une part, pour faire passer des demandes de hausses de prix de vente auprès des enseignes de la grande distribution et, d’autre part, pour se concerter sur les offres en prix à proposer en réponse aux appels d’offres de ces enseignes.
Eu égard à la gravité intrinsèque de cette pratique, l’Autorité inflige des sanctions d’un montant global de 10150 000 euros qui se répartissent comme suit :
Tableau
S’agissant des produits de charcuterie cuite (grief n° 3), sept entreprises (appartenant aux groupes Campofrio, Cooperl Arc Atlantique, FTL, Les Mousquetaires, Nestlé et Roullier, ainsi que la société Aubret) ont mis en œuvre des accords et pratiques concertées, dans le cadre d’échanges bilatéraux entre le 2 juillet 2010 et le 7 juin 2012, pour se concerter sur les offres en prix à proposer, notamment en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution.
Cette pratique a diminué l’incertitude devant normalement peser sur chaque opérateur. Elle a pu concourir, soit directement soit indirectement, à la fixation de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une situation normale de concurrence.
Les sanctions infligées à ce titre, d’un montant total de 61 459 000 euros, sont les suivantes :
Tableau
La sanction des manquements du premier demandeur de clémence
Pour la deuxième fois dans sa pratique décisionnelle après l’affaire des messageries (décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express), l’Autorité refuse d’accorder au premier demandeur de clémence le bénéfice de l’exonération totale de sanctions. Après avoir constaté, en effet, que le groupe Campofrio avait omis d’informer les services d’instruction de la tenue d’une réunion anticoncurrentielle à laquelle il avait participé en avril 2013, et, partant, manqué à son obligation de coopération, elle lui inflige une sanction de 1 million d’euros au titre du deuxième grief.
L’octroi de la « clémence Plus » au second demandeur de clémence
S’agissant du second demandeur de clémence, l’Autorité, également pour la deuxième fois dans sa pratique décisionnelle après l’affaire des produits blancs (décision n° 18-D-24 du 5 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers), fait application de la possibilité, dite « clémence Plus », prévue au paragraphe 19 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence français, d’accorder une exonération supplémentaire aux entreprises pouvant prétendre à une exonération partielle. Elle accorde donc, en l’espèce, au groupe Coop, second demandeur de clémence, une exonération totale de sanctions pour la période des pratiques que seuls les éléments fournis par ce groupe ont permis de révéler.
En sus des sanctions pécuniaires infligées, l’Autorité enjoint aux entreprises sanctionnées de publier un résumé de la décision dans l’édition papier et dans l’édition en ligne des journaux Le Monde, Les Échos et de la Revue Porc Mag. Par ailleurs, les frais de l’expertise sont mis à la charge des entreprises concernées. »
1016. Elles adresseront sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
C. SUR LES FRAIS D’EXPERTISE
1017. Le troisième alinéa de l’article L. 463-8 du Code de commerce dispose :
« Le financement de l’expertise est à la charge de la partie qui la demande ou à celle du conseil [l’Autorité] dans le cas où elle est ordonnée à la demande du rapporteur. Toutefois, le conseil [l’Autorité] peut, dans sa décision sur le fond, faire peser la charge définitive sur la ou les parties sanctionnées dans des proportions qu’il [elle] détermine ».
1018. En l’espèce, les frais de l’expertise prescrite, dans les conditions exposées aux paragraphes 17 et suivants, par le rapporteur général, par décision du 5 novembre 2018, complétée par un avenant du 13 mai 2019, et acquittés par l’Autorité de la concurrence, seront mis solidairement, et au prorata des sanctions infligées, à la charge des sociétés visées aux articles 2, 4 et 6 ci-après.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés Aoste SNC(RCS n° 388818 726), Campofrio Food Group Holding S.L.U. (Espagne, B84 658 202), Charcuteries Cuisinées du Plélan (RCS n° 444 525 240), Financière Turenne Lafayette SAS (RCS n° 765 500608), Fleury Michon LS (RCS n° 340 545 441), Géo (RCS n° 334 281 938), Établissements Germanaud et Cie (RCS n° 596 120 204), Jean Caby (RCS n° 440372 043), Madrange (RCS n° 772 500 161), Montagne Noire (pour le compte de Maison du Jambon) (RCS n° 491 476 404), Paul Prédault (RCS n° 319 754 743), Salaisons Celtiques (RCS n° 862 500 279) et Société d'Innovation Culinaire (RCS n° 489 625 111) ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en s’accordant et se concertant, au travers d’échanges bilatéraux, pour défendre une position commune sur les variations de prix d’achat hebdomadaire du jambon sans mouille dans leurs négociations avec les abatteurs (grief n° 1).
Article 2 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :
- à la société Charcuteries Cuisinées du Plélan (RCS n° 444 525 240), solidairement avec la société Fleury Michon (RCS n° 572058 329), une sanction de 6 731 000 euros ;
- à la société Fleury Michon LS (RCS n° 340 545441), solidairement avec la société Fleury Michon (RCS n° 572 058 329), une sanction de 8 030 000 euros ;
- à la société Salaisons Celtiques (RCS n° 862500 279), solidairement avec la Société Civile des Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323), une sanction de 6 667 000 euros.
Article 3 : Il est établi que les sociétés Aoste SNC (RCS n° 388 818 726), Bell France Holding (RCS n° 504 981 945), Bell France (RCS n° 761 200 013), La Financière du Haut Pays (RCS n° 487 770125), Financière Turenne Lafayette SAS (RCS n° 765 500 608), France Salaisons (RCS n° 968504 019), Géo (RCS n° 334281 938), Grand Saloir Saint-Nicolas (RCS n° 709 200 133), Les Monts de la Roche(RCS n° 390 618890), Luissier Bordeau Chesnel (pour le compte d'Alliance Charcutière) (RCS n° 577050 073), Maison de Savoie (RCS n° 481 205359), Montagne Noire (en son nom et pour le compte de Maison du Jambon) (RCS n° 491 476404), Établissements Rochebillard et Blein (en son nom et pour le compte de Péguet Savoie) (RCS n° 405 880 758), Salaison Polette et Cie (RCS n° 396 580 102), Salaisons du Mâconnais (RCS n° 300747 029), Salaisons Moroni (RCS n° 395 299 100), Saloir de Mirabel (RCS n° 448 066 811), Saloir de Virieu (RCS n° 499 035 640), Sapresti Traiteur (RCS n° 316 431691), Sonical (RCS n° 451 408 751), Souchon d'Auvergne (RCS n° 389 758 731) et Val de Lyon (RCS n° 400 799 474) ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en s’accordant et se concertant pour la commercialisation de produits crus de charcuterie sous marques de distributeurs ou 1er prix, d’une part, pour coordonner leurs demandes d’augmentation de prix auprès des enseignes de la grande distribution, d’autre part, pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution (grief n° 2).
Article 4 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 3, les sanctions pécuniaires suivantes :
- à la société Aoste SNC (RCS n° 388818 726), solidairement avec les sociétés Campofrio Food Group France Holding (RCS n° 420 001 257) et Campofrio Food Group S.A.U. (Espagne, A09 000 928), une sanction de 892 000 euros ;
- à la société Bell France (RCS n° 761 200 013), solidairement avec les sociétés Bell France Holding (RCS n° 504 981 945), Bell Food Group AG (Suisse, CHE –105 805 112) et Groupe Coop Société Coopérative (Suisse, CHE – 109 029 938), une sanction de 1 125 000 euros ;
- à la société France Salaisons (RCS n° 968 504 019), solidairement avec la société Sonical (RCS n° 451 408751), une sanction de 350 000 euros ;
- à la société Les Monts de la Roche (RCS n° 390 618 890), solidairement avec les sociétés CA Traiteur et Salaisons (RCS n° 422 619 023) et CA Animation (Luxembourg, n° B11 3856), une sanction de 116 000 euros ;
- à la société Maison de Savoie (RCS n° 481 205 359), solidairement avec la société les sociétés Bell France Holding (RCS n° 504 981 945), Bell Food Group AG (Suisse, CHE – 105 805 112) et Groupe Coop Société Coopérative (Suisse, CHE –109 029 938), une sanction de 689 000 euros ;
- à la société Établissements Rochebillard et Blein (RCS n° 405 880758), au nom de Peguet Savoie, solidairement avec la société La Financière du Haut Pays (RCS n° 487 770 125), une sanction de 44 000 euros ;
- à la société Établissements Rochebillard et Blein (RCS n° 405 880758), solidairement avec la société La Financière du Haut Pays (RCS n° 487770125), une sanction de 286 000 euros ;
- à la société Salaisons du Mâconnais (RCS n° 300747 029) une sanction de 1 000 euros ;
- à la société Salaisons Moroni (RCS n° 395299 100), solidairement avec les sociétés Campofrio Food Group France Holding (RCS n° 420 001 257) et Campofrio Food Group S.A.U. (Espagne, A09 000 928), une sanction de 108 000 euros ;
- à la société Salaisons Polette et Cie (RCS n° 396 580 102), solidairement avec la société les sociétés Bell France Holding (RCS n° 504 981 945), Bell Food Group AG (Suisse, CHE – 105 805 112) et Groupe Coop Société Coopérative (Suisse, CHE –109 029 938), une sanction de 3 367 000 euros ;
- à la société Saloir de Virieu (RCS n° 499 035 640), solidairement avec les sociétés Bell France Holding (RCS n° 504981 945), Bell Food Group AG (Suisse, CHE –105 805 112) et Groupe Coop Société Coopérative (Suisse, CHE – 109 029 938), une sanction de 14 000 euros ;
- à la société Sapresti Traiteur (RCS n° 316 431691), solidairement avec les sociétés CA Traiteur et Salaisons (RCS n° 422 619 023) et CA Animation (Luxembourg, n°B11 3856), une sanction de 87 000 euros ;
- à la société Souchon d'Auvergne (RCS n°389 758 731), solidairement avec la société Savencia Holding (RCS n° 679 808 147), une sanction de 2 257 000 euros ;
- à la société Val de Lyon (RCS n° 400 799 474), solidairement avec les sociétés Bell France Holding (RCS n° 504 981 945), Bell Food Group AG (Suisse, CHE –105 805 112) et Groupe Coop Société Coopérative (Suisse, CHE – 109 029 938), une sanction de 814 000 euros.
Article 5 : Il est établi que les sociétés Aoste SNC (RCS n° 388 818 726), Aubret(RCS n° 788 182 954), Brocéliande -ALH (RCS n° 412 082 224), Charcuteries Gourmandes (RCS n° 318771 177), Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383986 874), Financière Turenne Lafayette SAS (RCS n° 765 500608), Géo (RCS n° 334 281 938), Établissements Germanaud et Cie (RCS n° 596 120 204), Herta (RCS n° 311 043 194), Jean Caby (RCS n° 440 372 043), Lampaulaise de Salaisons (RCS n° 338547 482), Madrange (RCS n° 772 500 161), Paul Prédault (RCS n° 319754 743), Salaisons Celtiques(RCS n° 862 500 279), Salaisons du Guéméné (RCS n° 388 199143) et S.C.O.(RCS n° 342 048 055) ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en s’accordant et se concertant pour la commercialisation de produits de charcuterie cuits sous marques de distributeurs ou 1er prix pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution (grief n° 3).
Article 6 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 5, les sanctions pécuniaires suivantes :
- à la société Aubret (RCS n° 788 182 954) une sanction de 750 000 euros ;
- à la société Brocéliande -ALH (RCS n° 412082 224), solidairement avec la société Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383 986 874), une sanction de 25 763 000 euros ;
- à la société Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383986 874) une sanction de 9 767 000 euros ;
- à la société Herta (RCS n° 311 043 194), solidairement avec les sociétés Nestlé SA (Suisse, CHE – 105 909 036) et Nestlé Entreprises (RCS n° 345 019 863), une sanction de 96 000 euros ;
- à la société Salaisons Celtiques (RCS n° 862500 279), solidairement avec la Société Civile des Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323), une sanction de 7 338 000 euros ;
- à la société Salaisons du Guéméné, solidairement avec la Société Civile des Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323), une sanction de 2 320 000 euros ;
- à la société S.C.O., solidairement avec la Société Civile des Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) et Les Mousquetaires (RCS n° 789169 323), une sanction de 15 425 000 euros.
Article 7 : Il est enjoint aux entreprises sanctionnées visées aux articles 2, 4 et 6d’insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, le texte figurant au paragraphe 1015 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l’édition papier et sur le site Internet des journaux Le Monde, Les Échos et de la revue Porc Mag. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 20-D-09du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la Cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Elles adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
Article 8 : En vertu des dispositions de l’article L. 463-8, troisième alinéa, du Code de commerce, les frais de l’expertise décidée par le rapporteur général par décision du 5 novembre 2018, complétée par un avenant en date du 13 mai 2019, sont mis solidairement, et au prorata des sanctions infligées, à la charge des entreprises sanctionnées visées aux articles 2, 4 et 6.
NOTES :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cotes 1 à 53 –12/0080 F.
3 Voir paragraphe 53 pour la définition.
4 Cote 5 – 12/0080 F.
5 Cotes 2 et 4 – 12/0084 AC, cote 5571.
6 Cotes 2 et 4 – 12/0083 AC, cote 5023.
7 Cotes 10 à 456 – 12/0083 AC, cotes 10 à 482 – 12/0084 AC.
8 Cotes 1 et 2.
9 Cotes 1 à 3 – 13/0069 AC.
10 Cotes 12 à 22 – 13/0069 AC, cotes 9386 à 9388.
11 L’ensemble des constats et données figurant dans cette partie concernent la période des pratiques.
12 Étude Powernet du 21 juillet 2011 réalisée par l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et l’Interprofession Nationale Porcine (Inaporc), intitulée « Etude sur les mécanismes de formation du prix du porc en France », cote 3030.
13 Cote 2999.
14 Rapport « Formation des prix alimentaires » d’Éric Besson au Premier ministre de décembre 2008, La Documentation Française.
15 Cote 3231.
16 Cote 8869.
17 Cote 2995.
18 Cotes 8898 et 8905.
19 Cotes 8909 et 2995.
20 Cote 2997.
21 Cote 3255.
22 Cotes 2995 et 3219.
23 Ci-après «AIM», en règlement judiciaire depuis le 6mars 2015.
24 Cote 3222.
25 Cote 2995.
26 Cote 2998.
27 Cote 3222.
28 Cote 8917.
29 Cote 3221.
30 Cotes 9890 à 9892.
31 Cote 15435.
32 Cote 15438.
33 Cote 3225.
34 En 2009, 33 entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros réalisent 60 %du chiffre d’affaires du secteur, parmi lesquelles 10 ont un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros et réalisent 35 %du chiffre d’affaires du secteur (cote 3225).
35 Anciennement Comptoir Commercial Alimentaire («CCA»).
36 Le groupe Aubret appartient aujourd’hui au groupe d’Aucy, voir à ce titre les paragraphes 96 et suivants.
37 Ces achats s’effectuent traditionnellement le vendredi, après le marché au cadran du jeudi en France (le MPB à Plérin), et après la publication des cotations des autres marchés européens (cote 3227).
38 Cote 3225 à 3227.
39 C’est-à-dire sans le gras dit «de mouille », qui se trouve sur la face interne du jambon ; cotes 3128, 8936 et 8937.
40 Cote 645 –12/0080 F.
41 Cotes 8913 et 8860.
42 Cote 16781.
43 Cotes 3002, 3049 et 8323.
44 Cotes 3220, 8298 à 8324.
45 Cote 3002.
46 Cotes 8364 et 8365.
47 Cotes 3002, 3009 et 3049.
48 Cote 3002.
49 Cote 3002.
50 Cotes 3308 et 3311.
51 Cotes 3139 à 3143, 14024, 14965, 17025.
52 Cote 4 – 12/0080F.
53 Cotes 17567 et 17718.
54 Cote 21789.
55 Cote 21309.
56 Cote 21138.
57 Cote 21139.
58 Cotes 45682 à 45688.
59 Cote VNC 5037.
60 Cote 21135.
61 Cotes VNC 5036 et 5037.
62 Cote 20144.
63 Cote 20143.
64 Cote 20145.
65 Cotes 20142 et 20143.
66 Cote 20147.
67 Cote VNC 22964.
68 Cote 15 –13/0069 AC.
69 Cote 15 –13/0069AC.
70 Cote 15 –13/0069AC.
71 Cotes 20294 et 20295.
72 Cote 20295.
73 Décision n° 11-DCC-154 du 24 octobre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Financière du Forest, holding du groupe Gad, par la société Centrale Coopérative Agricole Bretonne.
74 Cote 21548.
75 Cotes 12215, 12217, 20335-20337, 20341-20343, 21028 à 21031 et 37611.
76 Cote 20331.
77 Cote 20332.
78 Cotes VNC 37821, 37822 à 37828.
79 Cotes VNC 21065 à 21071.
80 Cote 20304.
81 Cote 20304.
82 Cote 8642.
83 Cotes 543 – 12/00084AC, 8647 et 8648 ; Voir la décision n° 09-DCC-52 du 12 octobre 2009 relative à la prise de contrôle de la société Brocéliande -ALH SA par le groupe Cooperl Arc Atlantique.
84 Cote 21301.
85 Cotes 20542, 20393.
86 Cotes 20393, VC 20394, VNC 37661.
87 Cotes 20274 à 20277.
88 Cote 20274.
89 Cote 20533.
90 Cotes 20273 et 20274.
91 Cote 21898.
92 Cote 21115.
93 Cote 21115.
94 Cote 50907.
95 Cote 20565.
96 Cote 21114.
97Géo commercialisait des produits de charcuterie crue en faible quantité.
98 Cote 20566.
99 Cotes 20567 et 20568.
100 Cote 21304.
101 Cotes 20212 à 20215.
102 Cote 8979.
103 Cote 21305.
104 Cote 21305.
105 Cote VNC 20970.
106 Cote 20971.
107 Cote 20604.
108 Cote 21128.
109 Cote 21310.
110 Cotes 48234 à 48236.
111 Cote 8946.
112 Cotes 16808 et 20602.
113 Cotes 15063 et 20606.
114 Cote 21927.
115 Cote 21285.
116 Cote 21925.
117 Cote 21307.
118 Le 20 décembre 2019, Nestlé a annoncé la cession de 60 % du capital de la société Herta au groupe espagnol Casa Tarradellas et la création d’une entreprise commune avec ses parts restantes.
119 Cotes 20546, 20549 à 20551.
120 Cote 20157.
121 Bodacc A n° 20180083 publié le 30/04/2018.
122 Cote 20225.
123 Cote 20137.
124 Cote 20136.
125 Cotes 21934 et 21935.
126 Cotes 20241 et 20249.
127 Cote VNC 37851.
128 Cote 20354.
129 Cote 20354.
130 Cote 20355.
131 Cote 20355.
132 Cote 16976.
133 Dans certains cas, le salarié qui a agi pour le compte du groupe mentionné lors des échanges ci-après a pu intervenir pour le compte de plusieurs sociétés de ce même groupe, voir à ce titre les paragraphes 88 à 91, 123 et 124, 130 à 132 et 136. Voir également la partie imputabilité aux paragraphes 703 et suivants.
134 Aucun grief n’a été notifié à Brocéliande - ALH ni au groupe Cooperl Arc Atlantique au titre de cette pratique.
140 Cote 382 –12/0084AC.
141 Cote 16134.
142 Cotes 16185 et 16186.
143 Cotes 16185 et 16186.
144 Cotes 16185 et 16186.
145 Cote 14157.
146 Cote 16355.
147 Cotes 239 et 240, 377 et 378 – 12/0084 AC.
148 Cotes 46921 et 46922.
149 Les opérateurs de téléphonie n’étant pas en mesure de produire la liste des appels reçus par leurs clients, voir paragraphe 488 ci-après.
150 Cote 46921.
151 Cote 46922.
152 Cotes 46921 et 46922.
153 Cote 3596.
154 Cote 17037.
155 Cote 451 –12/0084 AC.
156 Cote 14117.
157 Cote 16036.
158 Cote 16171.
159 Cote 382 –12/0084 AC.
160 Cote 451 –12/0084 AC.
161 Cotes 389, 390 et 391 –12/0084 AC.
162 Cotes 16113 et 16683.
163 Cote 16159.
164 Cotes 14117, 16036 et 16171.
165 Cote 16191.
166 Cotes 16206 et 14157.
167 Cote 16355.
168 Cote 14411.
169 Cote 46922.
170 Cote 46922.
171 Cote 46922.
172 Cotes 46923 ; voir également cotes 47331 à 47333 et 47334à 47337.
173 Cotes 17638 à 17644.
174 Dans certains cas, le salarié qui a agi pour le compte de la société mentionnée lors des réunions mentionnées ci-après a pu également agir pour le compte d’autres sociétés du même groupe.
175 Précisions sur les initiales utilisées dans le tableau : « JLG », «GP » et «PP » (GP et Ph. P), «DR» et «DH» (DR et DM), «EB» et «CC», «PH» et « JF» (Ph. H et JF), « JC» (JC) et «OJ ».
176 La Financière du Haut Pays.
177 Paragraphes 357 à 400 de la notification de griefs.
178 Cotes 8342 et 8343.
179 Cote 271 –12/0083AC.
180 Cote 8353.
181 Cotes VNC 9688 et 14624.
182 Cote VNC 9636.
183 Cotes 16976 à 16977.
184 Cotes 16781, 16782 et 16786.
185 Cotes 17092 et 17093.
186 Cote 8343 pour Campofrio et cote VNC 9605 pour Salaison Polette.
187 La réunion se tiendra finalement à l’hôtel Ibis de Lyon Est Bron (cote 24 –12/0083AC).
188 Paragraphes 401 à 412 de la notification de griefs.
189 Cote 8344.
190 Cote 424 –12/0083 AC.
191 Cotes 265 et 266 –12/0083 AC.
192 Cote VNC 9605.
193 Cotes VNC 9690 à 9692.
194 Cote 1981.
195 Cote 2845 et 2846.
196 Cote 1959.
197 Cotes 16976 et 16978.
198 Cote 20136.
199 Cotes 17093 et 17094.
200 Cote 17005.
201 Cotes 8344 et 8345.
202 Paragraphes 413 à 430 de la notification de griefs.
203 Cote 10593.
204 Cote VNC 9651.
205 Cote 20136.
206 Cote 17094.
207 Paragraphes 431 à 447 de la notification de griefs.
208 Cote VNC 9651.
209 Cotes 17094 et 17095.
210 Cotes 16784 et 16785.
211 Cote 8346.
212 Paragraphes 448 à 467 de la notification de griefs.
213 Cote 8347.
214 Paragraphes 468 à 472 de la notification de griefs.
215 Cotes 8350 et 8351.
216 Cote 8354.
217 Cote 1149.
218 Cotes 217 et 218 –13/0069AC.
219 Cote VNC 9582.
220 Cote 16786.
221 Dans certains cas, le salarié qui a agi pour le compte de la société mentionnée lors des échanges bilatéraux mentionnés ci-après a pu également agir pour le compte d’autres sociétés du même groupe, voir à ce titre les paragraphes 91, 95, 102, 111, 119 et suivants, 147, 151, 153 et suivants. Voir également la partie imputabilité aux paragraphes 703 et suivants.
222 Paragraphes 476 à 631 de la notification de griefs et Annexe n° 2 au Rapport.
223 Paragraphes 632 à 664de la notification de griefs et Annexe n° 2 au Rapport.
224 Paragraphes 665 à 670 de la notification de griefs et Annexe n° 2 au Rapport.
225 Paragraphes 771 à 780 de la notification de griefs et Annexe n° 2 au Rapport.
226 Paragraphes 781 à 960 de la notification de griefs et Annexe n° 2 au Rapport.
227 Paragraphes 961 à 978 de la notification de griefs et Annexe n° 2 au Rapport.
228 Paragraphes 979 à 1065 de la notification de griefs et Annexe n° 2 au Rapport.
229 Cote 218 –13/0069AC.
230 Cotes 9898 et 10960.
231 Cotes 203 à 205, 255 – 13/0069AC.
232 Cotes 43 et 44, 255 – 13/0069AC.
233 Cotes 40195 à 40197.
234 Cotes 17496 et 17497.
235 Dans certains cas, le salarié qui a agi pour le compte de la société mentionnée lors des échanges bilatéraux mentionnés ci-après a pu également agir pour le compte d’autres sociétés du même groupe, voir à ce titre les paragraphes 91, 98, 106 et suivants, 119 et suivants, 137, 141, 144. Voir également la partie imputabilité aux paragraphes 703 et suivants.
236 Paragraphes 1224 à 1307 de la notification de griefs et Annexe n° 4 au Rapport.
237 Paragraphes 1306 à 1360 de la notification de griefs et Annexe n° 4 au Rapport.
238 Paragraphes 1361 à 1436 de la notification de griefs et Annexe n° 4 au Rapport.
239 Paragraphes 1436 à 1443 de la notification de griefs et Annexe n° 4 au Rapport.
240 Paragraphes 1444 à 1450 de la notification de griefs et Annexe n° 4 au Rapport
241 Paragraphes 1451 à 1462 de la notification de griefs et Annexe n° 4 au Rapport
242 La Maison du Jambon a fusionné avec Montagne Noire en janvier 2013.
243 Peguet Savoie Salaisons (RCS n° 342 024635) a été fusionnée par transmission universelle de patrimoine avec la société Rochebillard et Blein au 31 décembre 2015.
244 La Maison du Jambon a fusionné avec Montagne Noire en janvier 2013.
245 Alliance Charcutière (RCS n° 483403 010) a été fusionnée par transmission universelle de patrimoine avec Luissier Bordeau Chesnel en novembre 2011.
246 Article 378 du Code de procédure civile selon lequel «La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine ».
247 Arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2010, société Beauté prestige international, pourvoi n° 09-72031.
248 Arrêts de la Cour d’appel de Paris du 15 mai 2014, Cerafel, RG n° 2012/06498 ; du 29 janvier 2008, Le Goff Confort SAS, RG n° 2006/07820 ; du 8 avril 2008 GlaxoSmithKline, RG n° 2007/07008 et du 6 mai 2008 Lafarge Ciments, RG n° 2007/06172.
249 Arrêt de la Cour de cassation, 12 janvier 1999, pourvoi n° 97-13125, Bull. IV n° 9.
250 Arrêt de la Cour de cassation, 28 janvier 2003, pourvoi n° 01-00528, Bull. IV n° 12.
251 Cotes 17098 à 17102.
252 Cotes 17282 à 17293.
253 Arrêt de la Cour d’appel de Paris, 28 janvier 2009, RG n° 2008/00255.
254 Cotes 41169 à 41267.
255 Voir décision n° 99-D-50 du 13 juillet 1999 relative aux pratiques anticoncurrentielles concernant le déménagement des militaires dans la région de Vannes ; voir également décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d’optique sur le marché de l’agglomération lyonnaise.
256 Conclusions de l’Avocat général Mme Christine Stix-Hackl, présentées le 26 septembre 2002, aff. C-176/99P, points 81 et suivants.
257 Cotes 42897 à 43168.
258 Cote 48825.
259 Cotes 51083 à 51104 et 53808 à 53840.
260 Décision n° 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne, paragraphe 73 ; décision n° 19-D-24 du 17 décembre 2019relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, paragraphe 342.
261 Le groupe Les Mousquetaires (griefs n° 1 et 3), les groupes CA Animation et Savencia (grief n° 2) et les groupes Cooperl Arc Atlantique, Nestlé ainsi que la société Aubret (grief n° 3).
262 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 décembre 2001, SA Bajus Transports, RG n° 2001/09043 ; du 26 novembre 2003, société Préfall et plus récemment du 28 mars 2013, société Allez et Cie, RG n° 2011/20125.
263 Cote 42655.
264 Observations en réponse au Rapport, page 14 (sic).
265 Par exemple de la manière suivante : «dans la pièce de question (le Carnet), l’écriture présente-t-elle les caractéristiques d’un écrit effectué au fur et à mesure des appels téléphoniques ou bien celles d’un écrit effectué dans le calme imposées par un échange sur le vif » (ibidem).
266 Article 15 : «Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. »
Article 16 : «Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
267 En matière d’expertise en écriture, la pièce de question est le document indiciaire soumis à expertise. La pièce de comparaison est le document comparé avec la pièce de question.
268 Qui constitue, avec la copie certifiée conforme du carnet, la « pièce de question ».
269 À titre d’exemple, le fait d’écrire la lettre «e » en majuscules non «E» mais « ε ».
270 Décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, paragraphe 616 ; arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, aff. T-112/07, points 69 et suivants.
271 Paragraphes 102 à 106.
272 Voir Annexes n° 2 à 4 de la présente décision.
273 282 échanges bilatéraux retenus au titre du grief n° 2 et 134 échanges retenus au titre du grief n° (voir Annexes n° 2 à 4 au rapport).
274 Mémoire en réponse au rapport : cotes 51128 à 51131 et dires : cotes 47279 à 47281.
275 Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, Journal officiel n°C 101 du 27/04/2004, pages 0081 – 0096.
276 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., pourvoi n° 10-25.772, page 6.
277 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe précité, page 6 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e.a., RG n° 2011/18 245 et arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., pourvoi n° 13-16.745.
278 Voir par exemple arrêt de la Cour de cassation, 13 juillet 2010, Vedettes inter-îles vendéennes, pourvoi n° 09-67439, page 5.
279 JOCE C 372 du 9 décembre 1997, page 5, point 7.
280 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause précitée, point 8.
281 Arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, aff. T-30/05, Rec. p. II107, point 86.
282 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 et décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques paragraphe 575 ; voir également arrêt de la Cour d’appel deParis, 26 septembre 2013, société Roland Vlaemynck, RG n° 2012/08948, page 6.
283 Campofrio ; Financière Turenne Lafayette ; Fleury Michon ; Les Mousquetaires.
284 Le ministère de l’Agriculture et la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (FICT) utilisent une nomenclature qui distingue vingt-trois familles de produits regroupés selon leur mode de préparation (crus ou cuits), la technologie employée (salage, séchage, fumage, cuisson, conserve, surgelés) et la nature de la viande employée (porc, volaille, boeuf gibier, etc.).
285 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, aff. C-49/92, point 40.
286 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a, aff. C-40/73, points 175 et 179.
287 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg e.a./Commission, aff. C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. P. 1-123, points 55 à 57.
288 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, précité,points 55 à 57.
289 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, pourvoi n° 09-11853.
290 Arrêt de la Cour de justice du 26 janvier 2017, Commission européene/Keramag Keramische Werke GmbH e.a., aff. C-613/13, points 50 à 52 ; voir également arrêt de la Cour de justice du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, aff. C-407/08 P, point 47.
291 Arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, aff. T-112/07, points 71 et 72 ; voir également arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Perôxidos Orgânicos/Commission, aff. T-120/04, point 70 ; arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord,RG n° 2011/03298, page 44 et décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, paragraphe 399.
292 Arrêt de la Cour de justice du 19 mars 2015, Dole Food Company Inc. e.a /Commission, aff. C-286/13, points 113 à 115.
293 Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-mobile Netherlands BV, aff. C-8/08, points 36 à 39.
294 Arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV) et autres/Commission, aff. T-217/03 et T-245/03, points 81 à 85.
295 Affaire dite « tabac brut – Italie », JO L 353, page 45 du 13 décembre 2006, point 280.
296 Voir paragraphes 236 à 238 de la décision ; voir également l’avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution, qui a rappelé qu’«en règle générale, les accords qui consistent à fixer les prix d’achat ont un objet anticoncurrentiel » (paragraphe 76).
297 Arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation /Commission, aff. C-373/14, point 28.
298 Décision n° 07-D-48 du Conseil du 18 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international, paragraphes 178 et suivants, confirmée par les arrêts de la Cour d’appel de Paris du 25 février 2009, société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations SAS, et de la Cour de cassation du 7 avril 2010.
299 Décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais, paragraphe 203.
300 Arrêt de la Cour de justice, Dansk Rørindustri e.a./Commission, aff. C-189/02P, EU:C:2005:408 point 145.
301 Arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, aff. T-7/89, Rec.p. II-1711, point 232 ; du 10 mars 1992, Solvay/Commission, aff. T-12/89, Rec. p. II-907, point 98 ; du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, aff. T-141/89, Rec. p. II-791, points 85 et 86 ; et du 20 mars 2002, Dansk Rorindustri/Commission, aff. T-21/99, Rec. 2002, p.II-1681, points 41 à 56).
302 Arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2000, Sarrio SA, aff. C-291/98 P, point 50.
303 Arrêt de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri e.a./Commission, aff. C-189/02P, EU:C:2005:408, point 145.
304 Arrêt de Tribunal du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo Kabushiki Kaisha e.a./Commission, aff. T-83/08, EU:T:2012:48, point 53.
305 Cote 45050.
306 Voir l’audition de M. CD par les services d’instruction, cotes 17130 à 17135.
307 Il a été répondu sur ce point auxparagraphes 325 et suivants de la présente décision.
308 Cotes 3887 et 1344.
309 Cote 17027.
310 Cote 1612.
311Cotes 14053 et 16105.
312Cote 15948.
313 Cote 17057.
314 Cote 45050.
315 Cotes 1573 et 1575.
316 Cote 15843.
317 Cote 15943.
318 Cote 389 – 12/0084 AC. Interrogé sur ce courriel, M. PP (Caby/Campofrio) a précisé que
« la négociation est bloquée depuis le vendredi [14 octobre 2011] et ce lundi, le gros abattoir Socopa tente de faire passer une hausse à +0,08 euro/kg, FLT/CCA nous apprend que Gatine tente une hausse de son côté à +0,07 euro/kg », cote 8330.
319 Cote 390 –12/0084 AC. Interrogé sur ce courriel, M. PP (Caby/Campofrio) a précisé que «La négociation est toujours bloquée, les salaisonniers veulent cours inchangé alors que les principaux abattoirs veulent + 0,08 euro/kg. Il me manque l’information sur Cooperl », cote 8330.
320 Cotes 15943 et 15944.
321 Cote 391 –12/0084 AC. Sur ce point, M. PP a précisé que «Ce courriel suit le précédent et il suggère que la négociation n’a toujours pas abouti et qu’un échange téléphonique a eu lieu à ce sujet avec FLT/Madrange, Fleury Michon et Onno », cote 8330.
322 Cote 46922.
323 Cote 46922.
324 Plus de 85 % des cas : la synthèse est considérée comme de nature à confirmer la tenue d’échanges entre concurrents salaisonniers lorsque (i) la position des concurrents est connue (notes de M. CD (Fleury Michon)et/ou courriels internes) et (ii) la synthèse du MIN de Rungis est identique ou proche (à +/-4 centimes près) de la position commune fixée par les charcutiers salaisonniers, ou, si les positions se sont avérées divergentes, lorsque la synthèse est identique ou proche de la position d’au moins un concurrent salaisonnier (en raison du fonctionnement du marché où l’acceptation d’une variation de prix par un concurrent auprès dedeux abatteurs impose cette variation aux autres acheteurs, voir notamment sur ce point cote14126).
325 Cette variation s’explique notamment par le pouvoir de négociation des abatteurs lors des négociations portant sur le JSM sur le marché de Rungis.
326 Cote 51382.
327 Cote 1540.
328 Cotes 1573 et 1575.
329 Cote 1461.
330 Cote 1642.
331 Cotes 14007 et 16129.
332 Cote 17061.
333 Cote 1692.
334 Cote 46922.
335 Voir pour exemple, ensemble, les cotes 1661, 14091, 16684, 3545 et 17063.
336 Cote 1661.
337 Cote 14091.
338 Cote 16684.
339 Cote 17063.
340 Voir pour exemple, ensemble, les cotes 1422, 4065, 451 – 12/0084 AC, 8327, 1423, 17035.
341 Par exemple, lors du blocage des négociatons du vendredi 27 avril au lundi 30 avril, les notes suivantes ont été prises le vendredi par M. CD (Fleury Michon), cote 1729 ; voir également, cotes 1422 et 1779.
342 Voir pour exemple, ensemble, les cotes 3987, 1344 et 17027.
343 Cote 384 –12/0084 AC.
344 Cote 15467.
345 Cote 15467.
346 Cote 386 – 12/0084 AC ; traduction libre : « je viens de raccrocher avec FB de P/Madrange (FTL) (…). Même chose avec Onno (Les Mousquetaires) ».
347 Cote 387 –12/0084 AC.
348 Cote 382 –12/0084 AC.
349 Cote 16134.
350 Cotes 16185 et 16186.
351 Cote 46922.
352 Cote 46922.
353 Voir notamment sur ce point : arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Knauf Gips KG/Commission, aff. T-52/03, point 201 ; décision n° 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques, paragraphe 255.
354 Arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, aff. T-141/94, point 269 ; du 16 juin 2011, Bavaria NV/Commission, aff. T-235/07, point 71 ; décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, paragraphe 768.
355 Cote 21 –12/0084 AC.
356 Cotes 32 et 33 –12/0084 AC.
357 Voir notamment les arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, aff. T-213/00, point 280 ; du 27 juillet 2005, Brasserie nationale SA e.a./Commission, aff. T-49/02 à T-51/02, point 185 ; et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland BV/Commission, aff. T-303/02, point 138.
358 Voir notamment les arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission,aff. T-120/04, point 51, du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger International Ltd/Commission, aff. T-43/92, point 79 et du 5 avril 2006, Degussa AG/Commission, aff. T-279/02, point 153.
359 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 258 : « Une violation de l’article [101], paragraphe 1 du traité peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 81) (...) ».
360 Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique du 15 mars 2011, pourvoi n° Z 09-17.055, confirmant l’arrêt de la Cour d’appel du 29 septembre 2009 sur la décision n° 08-D-12 rendue le 21 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production du contreplaqué, pages 8 à 9.
361 Cotes 3987 et 1344.
362 Cote 1912.
363 Cote 270 –12/0083AC.
364 Les réunions pouvaient se tenir dans l’après-midi. Par exemple, l’Agenda électronique de M. GP (Salaison Polette) indiquant le 30 avril 2013 : «Réunion Ibis Lyon », «Début : mar. 30/04/2013 16 :00 – Fin : mar. 30/04/2013 18 :30 ».
365 Cote VNC 9582.
366 Cote 1980.
367 Cote 1149.
368 Précision sur les initiales utilisées dans le tableau : « JLG », «GP » et «PP » (GP et Ph. P), «DR» et «DH» (DR et DM), «EB» et «CC», «PH» et « JF» (Ph. H et JF), « JC» (JC) et «OJ ».
369 La Financière du Haut Pays.
370 Cotes 17587 à 17591, 17638 à 17644.
371 Voir notamment sur ce point l’arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Knauf Gips KG/Commission, aff. T-52/03, point 201 ; décision n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, paragraphe 458.
372 Cote VC 357 – 13/0069AC, VNC 9640.
373 Cote VC 223 – 13/0069AC, VNC 9587.
374 L’extrait du Carnet relatif à un échange du 28 février 2011 entre Aoste et Salaison Polette qui révèle des échanges anticoncurrentiels entre Salaison Polette et Souchon d’Auvergne concernant l’obtention de la saucisse sèche droite Ed/Dia et une offre de couverture de Salaison Polette sur le saucisson3x50g au bénéfice de Souchon d’Auvergne (cote VC 61 – 12/0083 AC).
375 La note interne de Salaison Polette confirme l’existence d’un possible conflit entre Salaison Polette et Souchon d’Auvergne pour récupérer le marché des saucisses 250g Dia : «Souchon me demande de faire l’offre à 1,63€ car il souhaiterait récupérer ce marché » (cotes VC 2054 et 2055).
376 Cote VC 225 – 13/0069AC, VNC 9589.
377 Cote VC 226 – 13/0069AC, VNC 9590.
378 VNC 9636.
379 Décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d’entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d’hygiène et de soins pour le corps, paragraphes 687 et suivants.
380 Arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, aff. T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, point 74.
381 Arrêt du Tribunal du11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, aff. T-141/94, points 233, 255, 256 et 341.
382 Voir notamment arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Knauf Gips KG/Commission, aff. T-52/03, point 201.
383 L’Annexe n° 2 contient un résumé du contenu de l’échange anticoncurrentiel consigné dans le Carnet et les éléments extérieurs au Carnet qui permettent d’attester de l’existence de l’échange. L’Annexe n° 2 se décline en sept tableaux, un tableau spécifique étant dédié aux échanges corroborés entre Aoste et chacun des sept charcutiers salaisonniers concernés.
384 Ces 40 échanges recoupent partiellement les échanges entre Salaison Polette et Aoste consignés dans le Carnet qui sont listés à l’Annexe 2.1. L’Annexe n° 2 se décline en sept tableaux, un tableau spécifique est dédié aux échanges bilatéraux corroborés entre Aoste et chacun des charcutiers salaisonniers concernés.
385 L’Annexe n° 3 se décline en 5 tableaux, un tableau spécifique est dédié aux échanges bilatéraux entre Salaison Polette et chacun des 5 charcutiers salaisonniers concerné.
386 La date du 8 avril 2010 correspond au début des pratiques tel que retenu par la notification de griefs et lie par conséquent le collège, même si le groupe Coop a fait état d’éléments antérieurs.
387 Voir notamment la notification de griefs, paragraphe 632 et la cote 61 – 12/0083 AC.
388 Voir notamment la notification de griefs, paragraphes 640 et 660 et les cotes 132 et 209 – 12/0083 AC.
389 Qui ne sera clos qu’en septembre 2011 (cotes 9926 à 9930, 10986 à 10990).
390 Cote 61 – 12/0083AC, caractères gras ajoutés.
391 Cotes 2054 et 2055.
392 Cotes VC 9899, 9952, VNC 10961, 14634.
393 Cote VC 2058, VNC 8815.
394 Voir notamment le paragraphe 778 de la notification de griefs et la cote VC 274 – 12/0083 AC.
395 Cote 46896.
396 Cote VC 209 – 12/0083 AC.
397 Cote VC 61 – 12/0083 AC.
398 Cotes VC 2054 et 2055.
399 Cote 50639.
400 L’Annexe n° 4 contient un résumé du contenu de l’échange anticoncurrentiel consigné dans le Carnet et les éléments extérieurs au Carnet qui permettent d’attester de l’existence de l’échange. . L’Annexe n° 4 se décline en six tableaux, un tableau spécifique étant dédié aux échanges corroborés entre Jean Caby et chacun des six charcutiers salaisonniers concernés.
401 Voir notamment arrêt du Tribunal du8 juillet 2008, Knauf Gips KG/Commission, aff. T-52/03, point 201.
402 Cote 184 –12/0083AC.
403 Cote 60 –12/0083AC.
405 Arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, points 60 et 61, et arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, page 19.
406 Arrêt du Tribunal du 27 octobre 2010, aff. T-24/05, Alliance One International Inc. e.a./Commission, point 169 ; voir également l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel NV e.a./Commission, aff. T-112/05, point 58.
407 Arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, aff. T-141/07, General Technic-Otis Sarl, point 58.
408 Arrêt du Tribunal, Alliance One International Inc. e.a./Commission, précité, points 126 et 171 ; également les arrêts de la Cour de justice Akzo Nobel NV e.a./Commission, précité, point 74 et du 29 septembre 2011, aff. C‑521/09 P, Elf Aquitaine SA /Commission, point 58.
409 Arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., n° 01-17896 et 02-10066et arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008/01095, page 5.
410 Notamment décision n° 06-D-03 bis du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation, point 1382, en partie réformée par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 janvier 2008, n° 2006/07820, pages 27, 28 et 35 ; décision n° 10-D-35 du 15 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture d’électrodes de soudure pour les constructeurs automobiles, point 206.
411 Cote 15373.
412 Cotes 40277 et 40278.
413 Cotes 2 et 3, 8 et 9 - 13/0069 AC.
414 Cote 20566.
415 Cote 20565.
416 Cotes 32800 et 32821.
417 Cote 20571.
418 Cote 20565.
419 Cotes 40284 à 40287.
420 Cotes 20575 à 20576.
421 Cote 20575.
422 Cotes 40285 à 40287.
423 Cotes 20219 et 20220.
424 Cote 47446.
425 Cote 47446.
426 Cote 47530.
427 Cote 47459.
428 Cote 47540.
429 Arrêt de la Cour de justice Elf Aquitaine SA /Commission, précité, point 58.
430 Cote 50835.
431 Ibidem.
432 RCS n° 344 092093.
433 Cote 21176.
434 Cotes 40266 et 48687.
435 Cotes 48229 à 48233.
436 L’acquisition de Charcuteries Gourmandes par le groupe Cosnelle n’a pas permis à ce dernier de redresser la situation financière de la société acquise, d’où des relations tendues avec CFPR, son vendeur, cotes 43181 et 43182.
437 Cote 51024.
439 Cotes 47357 à 47369.
440 Arrêt de la Cour de justice du 16 février 2017, aff. C-95/15 P, H&R Chem Pharm GmbH c/ Commission, point 35 et décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d’hygiène et d’entretien, point 1108.
441 Cotes 20237 et 20238.
442 Décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d’hygiène et d’entretien, point 1108.
443 Arrêt de la Cour de justice du 16 février 2017, aff. C-95/15 P, H&R ChemPharm GmbH c/ Commission, point 35.
444 Cote 24905.
445 Par courrier en date du 6 février 2017, le groupe Savencia a rappelé aux services d’instruction que la société Soparind SCA (devenue Savencia Holding) était détenue à hauteur de 89 % par la société Ségur Développement (cote 21567).
446 Cotes 40292 et 48690 et s.
448 Arrêts de la Cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, p. 72 et du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 37 à 38 ; arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, points 119 à 121 et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, point 114.
449 Décision n° 13-D-03.
450 Arrêts de la Cour d’appel de Paris du 25 février 2009, Transeuro Desbordes Worlwide Relocations, n° 2008/02003 et du 24 avril 2007, JH Industrie, n° 2006/06912.
451 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 05/08224, points 216 et s.
452 Arrêt de la Cour de justice du 24 septembre 2009, Erste Groupe Bank e.a./Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, point 103.
453 Décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier, paragraphe 328.
454 Décisions n° 15-D-03du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais et n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.
455 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 2015/08224, point 225.
456 Décisions n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, point 350 et n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, point 307.
457 Décisions n° 15-D-03du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais et n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.
458 Décisions n° 15-D-03du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais et n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.
459 Décision n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, point 162, arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a., n° 02-11754 et du 21 octobre 2014, Spie Sud-Ouest e.a, n° 13-16602, et arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole l’Ardéchoise, n° 2007/10371, p. 6
460 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18040, p. 4.
461 Arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma.
462 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, p. 5, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, Orange France, n° 11-22.144, et arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2012/23945, p. 89.
463 Etude Xerfi sur la fabrication de charcuterie 2012, cote 643 à 645 - 12/0084 AC.
464 Cote 23 - 12/0084AC.
465 Paragraphe 337 de la notification de griefs («Nous obtenons la reconduction malgré une hausse du Cadran de 3,2 ct. »).
466 Paragraphe 357 de la notification de griefs (« seul Prédault est encore une fois fragile sur ses positions : je leur ai rappelé « énergiquement » notre position et qu’il n’était pas question pour Fleury de revenir sur la négo de vendredi »).
467 Paragraphes 241 («grosse pression des abattoirs mais nous avons maintenu les cours de toutes les pièces de découpes même si le bras de fer continue entre nous »), 243 et 246de la notification de griefs (« les abattoirs voulaient une hausse importante de +0,05€/kg uniquement pour le jambon VPF. Ils n’ont rien obtenu ») et 251 de la notification de griefs (« le blocage des négos est généralisé par les salaisonniers »).
468 Cote 32, 12/0084AC.
469 Paragraphes 245, 317, 323, 333, 352, 354 et 356 de la notification de griefs.
470 Paragraphes 277, 278, 325, 349, 352 et 359 de la notification de griefs.
471 Paragraphes 317 et 343 de la notification de griefs.
472 Paragraphes 323 de la notification de griefs.
473 Paragraphes 275, 278, 286 et 307 de la notification de griefs.
474 Paragraphes 66, 72 et 73 de la notification de griefs.
475 Paragraphes 305, 318 et 356 de la notification de griefs.
476 Paragraphe 339de la notification de griefs.
477 Paragraphes 296, 330 et 347 de la notification de griefs.
478 «Résultats financiers 2012 de l’industrie de la charcuterie-salaison et historique 2008-2012 », Banque de France –Direction des entreprises (cote 43317).
479 Paragraphe 93 de la notification de griefs.
480 Paragraphe 91 de la notification de griefs.
481 Décision n° 17-DCC-169 relative à la prise de contrôle exclusif de l’activité charcuterie salaison de la société Financière Turenne Lafayette par la société Cooperl Arc Atlantique, paragraphe 24 et suivants.
482 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 2015/08224, points 263 et 388.
483 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 2015/08224, point 314 ; voir également l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 juillet 2018, n° 16/01270, points 1036 et 1037.
484 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 32, et décision n° 07-D-50 du Conseil du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, points 730 et 769, confirmée par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club e.a., n° 2008/00255, pp. 20 et 21.
485 Arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T-50/00, point 291, et du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26/02, point 113.
486 Arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2017, société Graham & Brown e.a, 16-17226.
487 Arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a. n° 02-15203.
488 Arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique Diffusion Française/Commission, aff. jtes. 100 à 103/80, points 119 à 121, et du 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, aff. C-289/04 P, points 16 et 17 et du 4 septembre 2014, YKK Corporation, C-408/12, point 86.
489 Arrêt de la Cour d’appel de Paris, 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a. précité, p. 71, et du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Service, précité, p. 41.
490 Arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie, Req. n° 43509/08, point 41.
491 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Séphora e.a, n° 12-14401.
492 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag S.A.S e.a, n° 18/01945, points 581 et suivants.
493 Décisions n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 699 et s. et n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, paragraphe 432 et s.
494 Arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2014, Pateu et Morin, n° 12-27643.
495 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Sephora e.a., n° 12.14401 e.a.
496 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Sephora e.a., n° 12.14401 e.a.
497 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Sephora e.a., n° 12.14401 e.a.
498 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Sephora e.a., n° 12.14401 e.a. ; arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, T-217/06, Arkema ; arrêt de la Cour d’appel de Paris, 4 juillet 2019, n° 16/23609, point 683.
499 Décision n° 15-D-10 du 11 juin 2015 relative à des pratiques mises en œuvre par TDF sur le site de la Tour Eiffel.
500 Arrêt de la Cour de justice du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3/06 P, point 47.
501 Décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, paragraphe 728.
502 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 septembre 2018, n° 17/22720, points 33 et 41.
503 Décision confirmée par un arrêt de la cour de justice de l’Union européenne le 12 janvier 2017, C-411/15 P.
504 Le groupe Financière du Haut Pays ne consolide pas ses comptes.
505 Le groupe Financière du Haut Pays ne consolide pas ses comptes.
506 Le groupe Sonical ne consolide pas ses comptes.
507 Cotes 1 à 3 et 17 - 13/0069AC.
508 Cotes 8341, 8349 et s.
509 Cotes 51130 et 51131.
510 Cotes 217 et 218 - 13/0069 AC.
511 Cote 51127.
512 Arrêts du Tribunal du 29 septembre 2011, aff. C‑521/09 P, Elf Aquitaine SA /Commission, point 342 et du9 septembre 2011, Deltafina/Commission, aff. T-12/06, points 123 à 134.
513 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 juillet 2018, n° 16/01270, point 1291, soulignements ajoutés.
514 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 juillet 2018, n° 16/01270, point 1293.
515 Cote 722 - 13/0069AC.
516 Cote 218 - 13/0069AC.
517 Voir le tableau des échanges en annexe n° 3 du rapport.