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Décisions

CJUE, 2e ch., 16 juillet 2020, n° C-606/18 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nexans France (SAS), Nexans (SA)

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Arabadjiev

Juges :

M. Lenaerts, M. Xuereb (rapporteur), M. von Danwitz , M. Kumin

Avocat général :

Mme Kokott

Avocats :

Me Forwood, Me Powell, Me Rogers

CJUE n° C-606/18 P

16 juillet 2020

LA COUR (deuxième chambre),

1 Par leur pourvoi, Nexans France SAS et Nexans SA demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, Nexans France et Nexans/Commission (T-449/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:456), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle les concerne, et, d’autre part, à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées dans la décision litigieuse.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) n° 1/2003

2 L’article 20, intitulé « Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection », du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit :

« 1. Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

2. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants :

a) accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises ;

b) contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support ;

c) prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ;

d) apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci ;

e) demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses.

[...]

4. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

[...] »

3 L’article 21 de ce règlement, intitulé « Inspection d’autres locaux », énonce :

« 1. S’il existe un soupçon raisonnable que des livres ou autres documents professionnels liés au domaine faisant l’objet de l’inspection qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article [101] ou [102 TFUE] sont conservés dans d’autres locaux, terrains et moyens de transport, y compris au domicile des chefs d’entreprises, des dirigeants et des autres membres du personnel des entreprises et associations d’entreprises concernées, la Commission peut ordonner par voie de décision qu’il soit procédé à une inspection dans ces autres locaux, terrains et moyens de transport.

[...]

4. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection ordonnée conformément au paragraphe 1 disposent des pouvoirs définis à l’article 20, paragraphe 2, points a), b) et c). [...] »

4 Aux termes de l’article 23, paragraphes 2 et 3, dudit règlement :

« 2. La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE] [...]

[...]

3. Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

5 L’article 31 du même règlement dispose :

« La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. »

Les lignes directrices de 2006

6 Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») précisent, à leurs points 2 et 4, que, en ce qui concerne la détermination des amendes, « la Commission doit prendre en considération la durée et la gravité de l’infraction » et qu’« [i]l y a lieu de fixer les amendes à un niveau suffisamment dissuasif ».

7 Il ressort des points 9 à 11 de ces lignes directrices que, sans préjudice de leur point 37, la méthode utilisée par la Commission pour la fixation des amendes comporte deux étapes, à savoir, en premier lieu, la détermination d’un montant de base et, en second lieu, des ajustements potentiels de ce montant, à la hausse ou à la baisse. Dans le cadre de la détermination du montant de base de l’amende, la Commission détermine tout d’abord, conformément aux points 13 à 18 desdites lignes directrices, la valeur des ventes à prendre en compte. Aux termes du point 19 des mêmes lignes directrices, le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur de ces ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

8 Aux termes du point 21 des lignes directrices de 2006 :

« En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %. »

9 Le point 22 de ces lignes directrices prévoit :

« Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction. »

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

10 Les antécédents du litige, qui figurent aux points 1 à 20 et 42 à 47 de l’arrêt attaqué peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

11 Les requérantes, Nexans France et sa société mère, Nexans, sont des sociétés françaises actives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

12 Par lettre du 17 octobre 2008, ABB AB, une société établie en Suède, a fourni à la Commission, dans le cadre d’une demande d’immunité au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17), une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans ce secteur.

13 Par la suite, la Commission a procédé à une enquête.

14 Le mercredi 28 janvier 2009, les inspecteurs de la Commission, accompagnés de représentants de l’autorité française de la concurrence, se sont rendus dans les locaux de Nexans France à Clichy (France) afin de procéder à une inspection au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 (ci-après l’« inspection en cause »), sur le fondement d’une décision du 9 janvier 2009 ordonnant à Nexans ainsi qu’à toutes les entreprises contrôlées par cette dernière de se soumettre à une telle inspection (ci-après la « décision d’inspection »). Selon l’article 1er, deuxième alinéa, de cette décision, « [l]’inspection [en cause pouvait] avoir lieu en tous lieux contrôl[és] par l’entreprise, et en particulier aux bureaux situés à l’adresse suivante : 4-10 Rue Mozart, 92110 Clichy, France ».

15 Après avoir notifié la décision d’inspection aux requérantes, les inspecteurs de la Commission (ci après les « inspecteurs ») ont exprimé leur souhait d’examiner les documents ainsi que les ordinateurs de certains employés de Nexans France, à savoir MM. B., J. et R. Ayant été informés que M. J. avait emporté son ordinateur en voyage et qu’il ne serait de retour que le vendredi 30 janvier 2009, les inspecteurs ont fait des copies-images des disques durs des ordinateurs de MM. B. et R. ainsi que de M. D., un autre employé de Nexans France. Afin de pouvoir effectuer une recherche par mots clés dans les données contenues dans ces ordinateurs, ils ont utilisé un logiciel d’investigation informatique qui a traité ces données pendant la nuit du 28 au 29 janvier 2009.

16 Le deuxième jour de l’inspection en cause, à savoir le jeudi 29 janvier 2009, les inspecteurs ont examiné les copies-images des disques durs des ordinateurs de MM. B., D. et R.

17 Le troisième jour de cette inspection, soit le vendredi 30 janvier 2009, les inspecteurs ont pu examiner l’ordinateur portable de M. J., qui était de retour au bureau. La mise en œuvre du logiciel d’investigation informatique leur a permis de récupérer plusieurs fichiers, documents et courriers électroniques qui avaient été supprimés du disque dur de cet ordinateur et de constater que ces documents étaient pertinents pour l’enquête. Les inspecteurs ont décidé de faire une copie-image de ce disque dur. Cependant, constatant qu’ils ne disposaient plus de temps suffisant pour réaliser une telle copie, ils ont décidé de réaliser une copie de données choisies et de les placer sur des supports informatiques d’enregistrement de données (ci-après les « SIED ») qui ont été mis dans des enveloppes scellées et rapportés dans les bureaux de la Commission à Bruxelles (Belgique). Il s’agissait de deux ensembles de courriers électroniques retrouvés dans l’ordinateur portable de M. J. et un ensemble de courriers électroniques trouvés dans l’ordinateur de M. R. L’ordinateur de M. J. ainsi qu’un SIED trouvé dans son bureau et contenant des documents protégés par un mot de passe ont été placés dans une armoire, laquelle a été mise sous scellés par les inspecteurs.

18 Les inspecteurs sont retournés dans les locaux de Nexans France le mardi 3 février 2009. Ils ont ouvert l’armoire sous scellés contenant le SIED trouvé dans le bureau de M. J. ainsi que l’ordinateur de celui-ci. Ils ont inspecté sur place le SIED, imprimé et gardé deux documents extraits de ce SIED et rendu celui-ci aux représentants des requérantes. Ils ont ensuite effectué trois copies-images du disque dur de l’ordinateur de M. J. qui ont chacune été enregistrées sur trois SIED distincts. Les inspecteurs ont remis l’un des trois SIED aux représentants des requérantes et ont placé les deux autres dans des enveloppes scellées qu’ils ont rapportées à Bruxelles après avoir pris acte du fait que les requérantes contestaient la légitimité de cette procédure. Ils ont indiqué que les enveloppes scellées seraient ouvertes uniquement dans les locaux de la Commission en présence des représentants des requérantes.

19 Les enveloppes scellées contenant les SIED, emportées par les inspecteurs, ont été ouvertes dans les bureaux de la Commission à Bruxelles le 2 mars 2009, en présence des avocats des requérantes. Les documents enregistrés sur ces SIED ont été examinés et les inspecteurs ont imprimé sur papier ceux qu’ils ont considéré comme étant pertinents pour l’enquête. Une deuxième copie papier de ces documents ainsi qu’une liste de ceux-ci ont été remises aux avocats des requérantes. L’examen de toutes les données enregistrées sur les SIED en cause a duré huit jours ouvrables et s’est achevé le 11 mars 2009. Le bureau dans lequel les documents et les SIED ont été examinés a été mis sous scellés à la fin de chaque journée de travail, en présence des avocats des requérantes, et rouvert le lendemain, toujours en leur présence. À la fin de ces opérations, les disques durs des ordinateurs sur lesquels les inspecteurs de la Commission avaient travaillé ont été effacés.

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2009 et enregistrée sous le numéro T-135/09, les requérantes ont introduit un recours visant notamment à ce que le Tribunal annule la décision d’inspection et déclare illégale la décision de la Commission de saisir des copies de certains fichiers informatiques et du disque dur de l’ordinateur de M. J. pour les contrôler ultérieurement dans ses bureaux à Bruxelles.

21 Par arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T-135/09, EU:T:2012:596), le Tribunal a partiellement annulé la décision d’inspection, pour autant qu’elle concernait des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces câbles, et a rejeté le recours pour le surplus. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C-37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté le pourvoi formé par les requérantes contre cet arrêt du Tribunal.

22 À l’article 1er de la décision litigieuse, la Commission a constaté que les requérantes et 24 autres sociétés avaient participé à une entente (ci-après l’« entente »), constitutive d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), dans le secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins (ci-après l’« infraction en cause »).

23 Dans ladite décision, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite, à savoir

– une configuration qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K », et qui permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clients entre les producteurs européens, japonais et sud-coréens (ci-après la « configuration A/R »). Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoire national », en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde, à l’exception, notamment, des États-Unis,

– une configuration qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser à l’intérieur du territoire « national » européen ou attribués à des producteurs européens (ci-après la « configuration européenne »).

24 Selon la décision litigieuse, Nexans France a participé à l’entente du 13 novembre 2000 au 28 janvier 2009. Nexans a été reconnue responsable de l’infraction en cause en tant que société mère de Nexans France pour la période comprise entre le 12 juin 2001 et le 28 janvier 2009.

25 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices de 2006.

26 En premier lieu, s’agissant du montant de base desdites amendes, la Commission a déterminé la valeur des ventes à prendre en compte. Elle a, ensuite, fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction en cause. À cet égard, la Commission a estimé que cette infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un « coefficient de gravité » de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires de la décision litigieuse en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, couvrant, notamment, l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE).

27 Par ailleurs, la Commission a considéré que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la configuration A/R, les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets portant sur des câbles dans le cadre de la configuration européenne. Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises. Le montant de base ainsi déterminé s’élevait, en ce qui concerne Nexans France, à 70 670 000 euros.

28 En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a constaté ni de circonstances aggravantes ni de circonstances atténuantes en ce qui concerne les requérantes.

29 Aux termes de l’article 2, sous c) et d), de la décision litigieuse, la Commission a infligé, d’une part, une amende d’un montant de 4 903 000 euros à Nexans France, pour la période allant du 13 novembre 2000 au 11 juin 2001, et, d’autre part, une amende d’un montant de 65 767 000 euros à Nexans France, conjointement et solidairement avec Nexans, pour la période allant du 12 juin 2001 au 28 janvier 2009.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

30 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2014, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en tant qu’elle les concernait, et à la réduction du montant des amendes qui leur avaient été infligées.

31 Au soutien de leurs conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse, les requérantes ont soulevé devant le Tribunal deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement n° 1/2003, de la décision d’inspection, des droits de la défense ainsi que de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, le second, d’une erreur d’appréciation quant à la détermination de la date du début de la participation de Nexans France à l’entente. À l’appui de leurs conclusions visant à la réduction du montant des amendes qui leur avaient été infligées, les requérantes ont invoqué, outre l’erreur de la Commission concernant la durée de l’infraction en cause, contestée dans le cadre du deuxième moyen du recours, un moyen spécifique, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation ainsi que du principe d’égalité de traitement dans la fixation du coefficient de gravité pour le calcul du montant des amendes.

32 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

33 Premièrement, s’agissant de la prétendue absence de base juridique des mesures d’inspection prises par la Commission, le Tribunal a considéré que, contrairement à ce qu’avaient soutenu les requérantes, il ne ressortait pas de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement n° 1/2003 que le pouvoir de la Commission de prendre ou d’obtenir copie ou extrait des livres et des documents professionnels d’une entreprise faisant l’objet d’une inspection se limitait aux livres et aux documents professionnels qu’elle avait déjà contrôlés. Une telle interprétation pourrait d’ailleurs nuire à l’effet utile de l’article 20, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, dans la mesure où, dans certaines circonstances, le contrôle des livres et des documents professionnels de l’entreprise peut nécessiter la réalisation préalable de copies desdits livres ou documents professionnels ou être simplifié, comme en l’espèce, par cette réalisation. Selon le Tribunal, dès lors que la réalisation de la copie-image du disque dur de l’ordinateur de M. J. et de copies d’ensembles de courriers électroniques retrouvés dans ledit ordinateur et celui de M. R. s’inscrivait dans le cadre de la mise en œuvre d’un logiciel d’investigation informatique par les inspecteurs, dont l’objet était de rechercher les informations pertinentes pour l’enquête, la réalisation de ces copies relevait des pouvoirs octroyés à la Commission par l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement n° 1/2003.

34 Le Tribunal a constaté que, contrairement à ce qu’avaient soutenu les requérantes, les inspecteurs n’avaient pas versé directement au dossier d’instruction les documents contenus dans les copies des ensembles de courriers électroniques trouvés dans l’ordinateur de M. R. et celui de M. J. ainsi que dans la copie-image du disque dur de ce dernier ordinateur sans avoir vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de l’inspection en cause.

35 En outre, le Tribunal a jugé que l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 n’établit pas que le contrôle des livres et des documents professionnels des entreprises soumises à l’inspection s’effectue exclusivement dans les locaux de celles-ci si, comme en l’espèce, ladite inspection n’a pas pu être achevée dans le laps de temps initialement prévu. Il obligerait uniquement la Commission à respecter, lors du contrôle des documents dans ses locaux, les mêmes garanties à l’égard de ces entreprises que celles qui s’imposent à elle lors d’un contrôle sur place, ce qui aurait été le cas en l’espèce.

36 Deuxièmement, la Commission n’aurait pas non plus violé la portée de la décision d’inspection, étant donné que cette dernière n’excluait pas la possibilité pour la Commission de poursuivre l’inspection en cause dans ses locaux, à Bruxelles, et que les requérantes n’avaient pas fait valoir que la durée de cette inspection aurait dépassé un délai raisonnable.

37 Troisièmement, le Tribunal a considéré que la Commission n’avait violé ni les droits de la défense des requérantes ni l’article 20, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 1/2003 ou l’article 7 de la charte des droits fondamentaux.

38 Quatrièmement, le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas commis d’erreur en retenant la date du 13 novembre 2000 comme marquant le début de la participation de Nexans France à l’infraction en cause.

39 Cinquièmement, s’agissant des demandes des requérantes visant à obtenir une réduction du montant des amendes qui leur avaient été infligées, le Tribunal a jugé que les arguments des requérantes n’étaient pas de nature à justifier une réduction de ce montant. S’agissant, plus particulièrement, de l’argumentation des requérantes selon laquelle la distinction effectuée par la Commission entre, d’une part, les entreprises européennes et, d’autre part, les entreprises japonaises en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes retenue afin de tenir compte de la gravité de l’infraction serait contraire au principe d’égalité de traitement, le Tribunal a considéré que la Commission était en droit de considérer que la répartition des projets au sein de la configuration européenne de l’entente, par les entreprises européennes, constituait un élément supplémentaire qui méritait d’être sanctionné par un pourcentage additionnel au titre de la gravité de l’infraction.

Les conclusions des parties devant la Cour

40 Les requérantes demandent à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il se prononce sur le recours en annulation de la décision litigieuse pour autant qu’elle les concerne ;

– de réduire les amendes qui leur ont été infligées d’un montant correspondant à un coefficient de gravité réduit, et

– de condamner la Commission aux dépens de la procédure de pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.

41 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant en partie irrecevable et, en tout état de cause, inopérant et/ou totalement dénué de fondement et

– de condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux de première instance.

Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

42 La phase orale de la procédure a été clôturée le 12 mars 2020 à la suite de la présentation des conclusions de Mme l’avocate générale.

43 Par lettre déposée au greffe de la Cour le 29 mai 2020, les requérantes ont demandé la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de cette demande, elles invoquent le fait que le Tribunal a procédé, par ordonnance adoptée le 4 mai 2020, à la rectification du point 156 de l’arrêt attaqué, dans sa version en langue anglaise.

44 Selon les requérantes, cette rectification constitue un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour s’agissant de leur quatrième moyen.

45 Il convient de rappeler que la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour.

46 En l’occurrence, il y a toutefois lieu de constater que la rectification du point 156 de l’arrêt attaqué n’est pas déterminant pour l’appréciation, par la Cour, du quatrième moyen des requérantes.

47 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour, l’avocate générale entendue, considère qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur le pourvoi

48 Au soutien de leur pourvoi, les requérantes invoquent cinq moyens. Les trois premiers moyens visent le rejet, par le Tribunal, de leurs arguments concernant le déroulement de l’inspection en cause et les deux derniers portent sur la décision du Tribunal à l’égard du calcul de l’amende qui leur a été infligée dans la décision litigieuse. Plus précisément, le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit sur les conséquences à tirer de la prétendue absence d’effets de l’infraction en cause. Le cinquième moyen est pris d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation quant à la hausse de 2 % du coefficient de gravité appliquée pour ce qui est de la configuration européenne de l’entente.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

49 Par leur premier moyen, les requérantes font valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit quant à l’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement n° 1/2003, en ce qu’il confirme que la Commission avait le droit de réaliser la copie-image d’un disque dur et de copies d’ensembles de courriers électroniques, sans avoir procédé au préalable à un examen sérieux de ces pièces. Ce moyen vise les points 53 à 56 et 97 de l’arrêt attaqué.

50 Premièrement, seuls les livres et les documents qui ont préalablement été contrôlés par un inspecteur conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous b), de ce règlement pourraient être copiés. Rien n’empêcherait la Commission de se limiter à copier les documents et les dossiers lui semblant pertinents pour l’enquête plutôt que de réaliser une copie intégrale d’un disque dur.

51 Deuxièmement, l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 prévoirait une certaine chronologie des différentes étapes décrites dans cette disposition. Tout d’abord, les inspecteurs de la Commission accéderaient aux locaux de l’entreprise concernée. Ensuite, ils contrôleraient les livres et autres documents qui leur semblent pertinents pour l’enquête. Enfin, ils pourraient prendre copie de ces pièces. Le contrôle effectué dans le cadre de ce processus serait essentiel, en ce qu’il permettrait à ce stade aux inspecteurs de la Commission de vérifier si les documents peuvent présenter un intérêt pour l’enquête. En copiant les données en masse sans que l’un de ses inspecteurs les examine au préalable, la Commission pourrait d’ailleurs copier des documents couverts par le principe de la protection de la confidentialité des communications entre un avocat et son client.

52 Troisièmement, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que les pouvoirs de vérification de la Commission doivent être interprétés de manière restrictive, dès lors qu’ils portent atteinte au droit de propriété de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection.

53 La Commission soutient que le premier moyen est irrecevable, puisqu’il viserait, à l’exception d’un argument, à amener la Cour à réexaminer les arguments que les requérantes ont soumis au Tribunal. L’argument supplémentaire des requérantes selon lequel l’approche suivie par la Commission, en l’espèce, pourrait avoir comme résultat que cette dernière prenne copie de documents couverts par le principe de la protection de la confidentialité des communications entre un avocat et son client serait irrecevable en raison du fait qu’il n’aurait pas été soulevé en première instance. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que ce moyen est inopérant, car il reposerait sur une lecture partielle de l’arrêt attaqué, qui ne tient pas compte des conclusions principales du Tribunal aux points 52, 58 et 59 de cet arrêt, ou non fondé.

Appréciation de la Cour

54 S’agissant de la recevabilité du premier moyen, il convient de relever que, par ce moyen, les requérantes contestent l’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement n° 1/2003 donnée par le Tribunal. Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C-265/17 P, EU:C:2019:23, point 15 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le premier moyen est recevable.

55 En ce qui concerne l’argument des requérantes visant le principe de la protection de la confidentialité des communications entre un avocat et son client, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un argument est recevable lorsqu’il constitue l’ampliation d’un argument énoncé antérieurement dans la requête introductive d’instance et présente un lien étroit avec celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Roca Sanitario/Commission, C-636/13 P, EU:C:2017:56, point 35 et jurisprudence citée). Or, tel est le cas en l’espèce, étant donné qu’il s’agit d’une considération mise en avant par les requérantes pour appuyer leur argument selon lequel la Commission ne saurait prendre copie que des livres et des documents qu’elle a déjà contrôlés.

56 Quant au fond, il convient de relever d’emblée que, certes, les requérantes ne contestent pas les constatations du Tribunal, figurant aux points 52, 58 et 59 de l’arrêt attaqué. Selon ces constatations, d’une part, la réalisation d’une copie-image d’un disque dur d’un ordinateur et d’une copie de données stockées sur un support de données numériques, dans le cadre de l’utilisation du logiciel d’investigation informatique de la Commission, constitue, en substance, une étape intermédiaire destinée à permettre aux inspecteurs de rechercher des documents pertinents pour l’inspection. D’autre part, il ressort de ces constatations que, en l’espèce, la Commission n’a pas versé directement au dossier d’instruction les documents contenus dans les copies d’ensembles de courriers électroniques trouvés dans l’ordinateur de M. R. et celui de M. J. ainsi que dans la copie-image du disque dur de ce dernier ordinateur sans avoir vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de l’inspection en cause. Cependant, le fait que les requérantes n’ont pas contesté ces constatations du Tribunal n’implique pas, contrairement à ce que la Commission fait valoir, que le premier moyen est inopérant. En effet, lesdites constatations ne suffisent pas, en tant que telles, à établir que la Commission avait le pouvoir d’effectuer de telles copies.

57 Il est donc nécessaire d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré qu’un tel pouvoir ressort de l’article 20, paragraphe 2, sous b) ou c), du règlement n° 1/2003.

58 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort tant du libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1/2003 que de son contexte que, en autorisant la Commission, par cette disposition, à « prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait » des livres ainsi que des autres documents professionnels mentionnés à l’article 20, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, le législateur de l’Union a visé les éléments de preuve que la Commission est en droit de se procurer afin de les verser au dossier et, le cas échéant, de les utiliser dans le cadre d’une procédure ayant pour objet de sanctionner des infractions au droit de la concurrence de l’Union. Il doit donc s’agir de documents couverts par l’objet de l’inspection, ce qui présuppose que la Commission a vérifié au préalable que tel était le cas.

59 Il s’ensuit que le Tribunal ne pouvait se fonder sur l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1/2003 pour juger que la Commission était en droit d’effectuer des copies des ensembles de courriers électroniques trouvés dans l’ordinateur de M. R. et celui de M. J. ainsi que la copie-image du disque dur de ce dernier ordinateur.

60 Toutefois, l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003, auquel le Tribunal se réfère également, et qui autorise la Commission à contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support, de l’entreprise ou de l’association d’entreprises visée par l’inspection, fournit une base juridique à la réalisation de telles copies.

61 En effet, il convient de relever, en premier lieu, que, en se limitant à cet égard à autoriser la Commission à procéder à un tel contrôle, sans spécifier plus en détail le pouvoir ainsi octroyé à la Commission, le législateur de l’Union a accordé une certaine marge d’appréciation à cette institution en ce qui concerne les modalités concrètes du contrôle auquel elle peut procéder.

62 La Commission peut donc, selon les circonstances, décider d’effectuer le contrôle des données contenues sur le support de données numériques de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection sur la base non pas de l’original, mais d’une copie de ces données. En effet, tant dans l’hypothèse où elle examine les données originales que dans celui où elle analyse la copie de ces données, il s’agit des mêmes données qui font l’objet du contrôle effectué par la Commission. Dans ces circonstances, est sans pertinence l’argument des requérantes selon lequel la possibilité de réaliser de telles copies n’est pas explicitement mentionnée à l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003.

63 Ainsi, contrairement à ce que les requérantes font valoir, le droit de la Commission de réaliser des copies d’ensembles de courriers électroniques et la copie-image d’un disque dur d’un ordinateur, en tant qu’étape intermédiaire dans le cadre de l’examen des données figurant dans ces ensembles et sur ce support, ne constitue pas une prérogative supplémentaire accordée à la Commission, mais, ainsi que le Tribunal l’a constaté à bon droit au point 56 de l’arrêt attaqué, fait partie du pouvoir de contrôle que l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 met à la disposition de cette institution.

64 En deuxième lieu, s’il est, certes, de jurisprudence constante que les pouvoirs de vérification dont la Commission est investie en matière de concurrence sont bien délimités (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission, C-583/13 P, EU:C:2015:404, point 31 ainsi que jurisprudence citée), cela ne signifie pas pour autant, comme Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, aux points 61 et 62 de ses conclusions, que les dispositions qui confèrent les pouvoirs de vérification à ladite institution doivent être interprétées de manière restrictive, même s’il y a lieu, dans cette perspective, de veiller à ce que lesdits pouvoirs ne violent pas les droits des entreprises concernées. Or, ces droits sont garantis lorsque, comme en l’espèce, la Commission copie des données, certes, sans examen préalable, mais vérifie ensuite, dans le strict respect des droits de la défense de l’entreprise concernée, si ces données sont pertinentes pour l’objet de l’inspection, avant de verser au dossier les documents jugés pertinents à cet égard et d’effacer les autres données copiées.

65 Partant, le droit de la Commission de procéder à la réalisation de telles copies n’affecte ni les garanties procédurales prévues par le règlement n° 1/2003 ni les autres droits de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection, à condition que la Commission, après avoir complété son examen, ne verse au dossier que des documents qui sont pertinents au regard de l’objet de l’inspection. Ainsi que le Tribunal l’a constaté, tel était le cas en l’espèce.

66 En troisième lieu, ainsi qu’il ressort des constatations factuelles du Tribunal au point 52 de l’arrêt attaqué, la Commission utilise un logiciel d’investigation informatique qui nécessite une étape préalable appelée « indexation », laquelle prend généralement un temps considérable. Il en va de même s’agissant de l’étape suivante de ce processus de traitement de l’information, au cours de laquelle la Commission procède à l’examen de ces données, comme le démontrent d’ailleurs les faits d’espèce. Il est donc dans l’intérêt non seulement de la Commission mais aussi de l’entreprise concernée que cette institution se fonde, pour effectuer son contrôle, sur une copie de ces données, permettant ainsi à cette entreprise de continuer d’utiliser les données originales ainsi que les supports sur lesquels elles se trouvent dès que cette copie a été réalisée et, partant, de réduire ainsi l’ingérence dans le fonctionnement de cette entreprise causée par l’inspection effectuée par la Commission.

67 Dans ces conditions, les arguments des requérantes fondés sur le libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1/2003 et sur l’économie générale de l’article 20, paragraphe 2, de ce règlement doivent être rejetés.

68 Il y a lieu, dès lors, de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

Sur les deuxième et troisième moyens

Argumentation des parties

69 Par leur deuxième moyen, qui vise les points 60 à 64 de l’arrêt attaqué, les requérantes allèguent que celui-ci est entaché d’une erreur de droit quant à l’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, en ce qu’il confirme que la Commission avait le droit de continuer l’inspection en cause dans ses locaux à Bruxelles. Selon les requérantes, il résulte d’une interprétation littérale et contextuelle de cette disposition qu’elle n’autorise pas la Commission à effectuer des inspections dans ses propres locaux et que celles-ci doivent être réalisées dans les locaux de l’entreprise ou de l’association d’entreprises concernée.

70 Premièrement, il ressortirait clairement de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 qu’il s’agirait d’inspections auprès d’« entreprises et associations d’entreprises ». L’article 20, paragraphe 2, de ce règlement préciserait les pouvoirs dont les inspecteurs seraient investis pour procéder à ces inspections, y compris le droit d’accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport « des entreprises et associations d’entreprises », conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous a), du même règlement. Les autres pouvoirs, à savoir contrôler les livres et autres documents, faire une copie des documents, apposer des scellés sur les locaux, les livres ou les documents, interroger les employés de l’entreprise, feraient partie intégrante de cette inspection et devraient donc être exercés dans les locaux de l’entreprise faisant l’objet de celle-ci.

71 Deuxièmement, si l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 devait être interprété en ce sens que le lieu du « contrôle » effectué au titre de cette disposition n’est pas ainsi circonscrit, la Commission aurait aussi le pouvoir, au titre de l’article 20, paragraphe 2, sous e), de ce règlement, d’interroger les représentants de l’entreprise concernée ailleurs que dans les locaux de cette dernière ou, au titre de l’article 20, paragraphe 2, sous b) ou c), dudit règlement, de contrôler et de copier des documents détenus par des tiers, tels que les fournisseurs de services de stockage de données à distance, sans même accéder aux locaux de l’entreprise. Il serait toutefois évident que, en adoptant le règlement n° 1/2003, le législateur de l’Union n’a pas entendu doter la Commission de pouvoirs de vérification aussi importants. Une telle interprétation restrictive serait confirmée par l’article 21 de ce règlement, selon lequel une décision spécifique est requise pour l’inspection d’autres locaux. Si l’article 20 du règlement n° 1/2003 permettait le contrôle des livres et d’autres documents en dehors des locaux de l’entreprise, l’article 21, paragraphe 4, de ce règlement n’aurait aucune utilité.

72 Troisièmement, il ne serait pas possible de considérer que l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 autorise la Commission, de manière implicite, à contrôler les documents en dehors des locaux de l’entreprise concernée, étant donné qu’un tel pouvoir n’est pas indispensable pour permettre à la Commission d’exercer de manière efficace ses fonctions au titre du règlement n° 1/2003 et qu’à défaut, l’inspection des locaux ne serait pas pour autant impossible, ni même sensiblement plus difficile. En effet, en l’espèce, les inspecteurs auraient pu prolonger de quelques jours la durée de l’inspection en cause, de manière à examiner tous les documents sur place et à ne saisir que ceux qui étaient pertinents. Tout au plus, le Tribunal se serait fondé sur des raisons de commodité et d’opportunité administrative à cet égard.

73 Quatrièmement, les garanties apparentes prises en compte par le Tribunal quant au déroulement de la procédure à Bruxelles seraient sans rapport avec la question de savoir si la Commission avait le pouvoir de poursuivre l’inspection en cause dans ses locaux.

74 Par leur troisième moyen, qui vise les points 67 et 72 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit quant au cadre géographique de la décision d’inspection. Selon une interprétation littérale et contextuelle, la référence, dans cette décision, aux lieux contrôlés par les requérantes imposerait, à l’évidence, une limite aux inspections autorisées au titre de ladite décision. Il en découlerait que, en l’espèce, la décision de la Commission de procéder à une inspection dans d’autres lieux que ceux de l’entreprise en question aurait dû être adoptée en vertu de l’article 21 du règlement n° 1/2003 et subordonnée à une autorisation judiciaire.

75 La Commission conteste cette argumentation.

Appréciation de la Cour

76 Par leurs deuxième et troisième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’il était licite pour la Commission de continuer l’inspection en cause dans ses locaux à Bruxelles.

77 À cet égard, il convient de relever que, certes, il ressort tant du libellé que de l’économie de l’article 20 du règlement n° 1/2003 qu’une inspection doit débuter et devrait, en principe, se poursuivre, comme l’énonce l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement, « auprès des entreprises et associations d’entreprises », et que c’est pour cette raison que, d’une part, l’article 20, paragraphe 2, sous a), dudit règlement autorise la Commission à « accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport » de ces dernières, et, d’autre part, l’article 20, paragraphe 3, du même règlement oblige la Commission à aviser, en temps utile avant l’inspection, l’autorité de concurrence de l’État membre « sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée ». C’est également pour cette raison que, en l’espèce, la décision d’inspection obligeait les requérantes à se soumettre à une inspection « en tous lieux contrôl[és] » par elles-mêmes.

78 Toutefois, comme le Tribunal l’a relevé, à bon droit, au point 60 de l’arrêt attaqué, l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 n’établit pas, comme les requérantes le prétendent, que le contrôle des livres et des documents professionnels des entreprises soumises à l’inspection s’effectue exclusivement dans leurs locaux, en toutes circonstances.

79 Il en va de même s’agissant de la décision d’inspection, qui s’est limitée à prévoir que l’inspection en cause pouvait avoir lieu en tous lieux contrôlés par les requérantes.

80 Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, au point 76 de ses conclusions, la poursuite d’un tel contrôle dans les locaux de la Commission ne constitue pas, en tant que tel, et par rapport à un contrôle effectué dans les locaux mêmes des entreprises faisant l’objet d’une inspection, une atteinte supplémentaire aux droits de ces dernières, qui nécessiterait qu’une telle possibilité, pour la Commission, soit expressément prévue, sans qu’elle puisse être implicitement déduite des pouvoirs conférés à cette institution par l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1/2003. Le fait que, dans certains cas, la possibilité de poursuivre le contrôle dans les locaux de la Commission ne serait pas indispensable pour permettre à la Commission d’effectuer celui-ci ne signifie pas qu’une telle possibilité soit exclue en toutes circonstances.

81 En effet, des raisons légitimes peuvent amener la Commission, également dans l’intérêt des entreprises concernées, à décider de poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, l’inspection des données qu’elle a récoltées au sein de l’entreprise concernée. À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 66 du présent arrêt, que le temps nécessaire pour le traitement de données électroniques peut s’avérer considérable. Or, contraindre la Commission à effectuer le traitement de telles données exclusivement sur les lieux de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection, lorsqu’il s’agit de données particulièrement volumineuses, pourrait avoir pour conséquence de prolonger de manière importante la durée de la présence des inspecteurs sur les lieux de cette entreprise, ce qui serait susceptible de nuire à l’efficacité de l’inspection et d’augmenter inutilement l’ingérence dans le fonctionnement de ladite entreprise en raison de l’inspection.

82 En outre, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 61 de l’arrêt attaqué, les requérantes ne reprochent pas à la Commission d’avoir, lors du contrôle de la copie-image du disque dur de l’ordinateur de M. J. et des copies des ensembles de courriels retrouvés dans ledit ordinateur ainsi que dans celui de M. R., effectué dans les locaux de cette dernière à Bruxelles, agi autrement que si ce contrôle s’était déroulé dans les locaux des requérantes. En effet, les requérantes ne contestent pas que le contrôle effectué par la Commission dans ses locaux à Bruxelles s’est déroulé dans le strict respect de leurs droits de la défense, la Commission ayant garanti, pendant toute la durée de l’inspection en cause, la protection des données concernées et n’ayant versé au dossier que les documents dont elle s’était auparavant assurée qu’ils étaient pertinents aux fins de cette inspection.

83 L’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 selon laquelle la Commission peut, le cas échéant, poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, le contrôle qu’elle a valablement entamé dans ceux de l’entreprise ou de l’association d’entreprises faisant l’objet de l’inspection n’est pas remis en cause par l’argument des requérantes selon lequel une telle interprétation signifierait que le pouvoir, prévu à l’article 20, paragraphe 2, sous e), de ce règlement, d’interroger les représentants de l’entreprise concernée pourrait également être exercé par la Commission ailleurs que dans les locaux de cette entreprise. Il convient de rappeler que le présent litige concerne la question de savoir si la Commission a commis une illégalité en poursuivant le contrôle des livres et des autres documents professionnels d’une entreprise, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003, dans ses locaux à Bruxelles, et non l’exercice des prérogatives de la Commission visées à l’article 20, paragraphe 2, sous e), de ce règlement.

84 L’argument des requérantes selon lequel une telle interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 donnerait à la Commission la possibilité de contrôler et de copier des documents détenus par des tiers, situés en dehors des locaux de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection, doit également être rejeté. En effet, la possibilité pour la Commission de poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, le contrôle qu’elle a entamé dans ceux de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection n’a aucune incidence sur la question de savoir si cette institution est en droit, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003, de contrôler et de copier des documents détenus par des tiers. Il convient de relever à cet égard que le fait que la Commission poursuive une inspection dans ses propres locaux signifie qu’il s’agit de la continuation d’une seule et même inspection, entameé dans les locaux d’une telle entreprise, et non d’un nouveau contrôle, auprès d’un tiers.

85 L’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003 livrée au point 83 du présent arrêt n’est pas non plus remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, qui renvoie, pour ce qui est de l’inspection de locaux autres que ceux de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection, aux prérogatives de la Commission visées à l’article 20, paragraphe 2, sous a) à c), du règlement n° 1/2003, serait vidé de son sens si l’on devait déduire de cet article 20 que ladite institution est autorisée à inspecter des documents en dehors des locaux de cette entreprise. En effet, l’article 21 du règlement n° 1/2003 concerne une situation totalement différente de celle visée à l’article 20 de ce règlement, à savoir la possibilité, pour la Commission, d’effectuer des inspections dans des locaux autres que les locaux professionnels de l’entreprise concernée, tels que le domicile ou les moyens de transport des membres du personnel de celle-ci, dès lors qu’il existe un soupçon raisonnable qu’y sont conservés des livres ou d’autres documents professionnels liés au domaine faisant l’objet de l’inspection qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article 101 ou 102 TFUE.

86 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les pouvoirs de vérification dont la Commission est investie en matière de concurrence sont bien délimités, ainsi qu’il ressort du point 64 du présent arrêt, cela ne signifie pas pour autant que ces pouvoirs doivent être interprétés de manière restrictive, ce qui pourrait porter atteinte à l’exercice effectif de ces pouvoirs, dans certaines circonstances, et priver ainsi les dispositions de l’article 20 du règlement n° 1/2003 de leur effet utile.

87 Il y a cependant lieu de préciser, à l’instar de Mme l’avocate générale aux points 67 et 78 de ses conclusions, que la Commission ne peut user de la possibilité, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003, de poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, son contrôle des livres et des autres documents professionnels de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection, que lorsqu’elle peut légitimement considérer qu’il est justifié de le faire dans l’intérêt de l’efficacité de l’inspection ou pour éviter une ingérence excessive dans le fonctionnement de l’entreprise concernée.

88 En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’exposé des faits constatés par le Tribunal, rappelé en substance aux points 14 à 19 du présent arrêt, les inspecteurs ont passé quatre jours au total dans les locaux de Nexans France, soit du 28 au 30 janvier 2009, puis le 3 février 2009. Ils ont réalisé une copie de certaines données et les ont placées sur des SIED qui ont été mis dans des enveloppes scellées et rapportés dans les bureaux de la Commission à Bruxelles. Par la suite, l’examen de toutes les données enregistrées sur les SIED rapportés à Bruxelles, en présence des représentants de Nexans, a duré huit jours ouvrables, du 2 au 11 mars 2009, ce qui implique que, au moment où la Commission a décidé de poursuivre l’inspection en cause dans ses locaux à Bruxelles, il restait un volume particulièrement important de données numériques à examiner.

89 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’illégalité en décidant de poursuivre l’inspection en cause dans ses locaux à Bruxelles. En effet, eu égard aux éléments factuels constatés par le Tribunal, la Commission pouvait légitimement considérer qu’il était justifié de poursuivre cette inspection dans ses locaux à Bruxelles, évitant ainsi de prolonger la durée de la présence des inspecteurs dans les locaux de Nexans, dans l’intérêt de l’efficacité de l’inspection et pour éviter une ingérence excessive dans le fonctionnement de cette entreprise.

90 Enfin, ainsi qu’il ressort du point 80 du présent arrêt, la possibilité, pour la Commission, de continuer son contrôle des livres et des autres documents professionnels d’une entreprise, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1/2003, dans ses locaux à Bruxelles est subordonnée au constat qu’une telle continuation n’entraîne aucune violation des droits de la défense et ne constitue pas une atteinte supplémentaire aux droits des entreprises concernées, par rapport à celle qui est inhérente à la réalisation d’une inspection dans les locaux de celles-ci. Or, une telle atteinte devrait être constatée si la poursuite de ce contrôle dans les locaux de la Commission à Bruxelles entraînait pour l’entreprise faisant l’objet de l’inspection des coûts supplémentaires nés du seul fait de cette poursuite. Il s’ensuit que, lorsque cette dernière est susceptible de donner lieu à de tels coûts supplémentaires, la Commission ne peut y procéder qu’à condition qu’elle accepte de rembourser ces coûts lorsqu’une demande dûment motivée lui est présentée en ce sens par l’entreprise concernée.

91 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième moyens comme étant non fondés.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

92 Par leur quatrième moyen, qui vise les points 156 et 157 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit quant aux conséquences à tirer de l’absence d’effets de l’infraction en cause. Les requérantes avancent que, dans la requête introductive d’instance, elles ont expliqué, en détail, la raison pour laquelle elles considéraient que la majorité des ventes visées par l’infraction en cause n’avait pas été affectée par cette infraction. Bien que le Tribunal n’ait pas contesté ces explications, il aurait refusé de considérer que l’absence d’effets était un facteur déterminant pour la fixation du coefficient de gravité de l’infraction en cause, et cela au seul motif que le point 22 des lignes directrices de 2006 n’exigerait pas que la Commission tienne compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché. Or, le Tribunal ne serait pas lié par ces lignes directrices lorsqu’il statue sur le fondement de sa compétence de pleine juridiction, dans le cadre de laquelle il devrait effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. La décision du Tribunal à cet égard serait donc viciée par le refus de celui-ci d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour apprécier le niveau de l’amende fixée par la Commission en vertu des dispositions combinées de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement n° 1/2003.

93 Dans leur mémoire en réplique, les requérantes font valoir que le raisonnement de la Cour dans l’arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C-99/17 P, EU:C:2018:773), qui a amené celle-ci à annuler l’arrêt ayant donné lieu à ce pourvoi, est transposable au cas d’espèce.

94 La Commission réfute cette argumentation.

Appréciation de la Cour

95 Il convient de rappeler, en premier lieu, que le Tribunal est seul compétent pour contrôler la façon dont la Commission a apprécié, dans chaque cas particulier, la gravité des comportements illicites. Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement déterminé à la lumière de l’article 101 TFUE ainsi que de l’article 23 du règlement n° 1/2003 et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués au soutien de la demande de suppression de l’amende ou de réduction du montant de celle-ci (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, EU:C:1998:608, point 128, et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C-99/17 P, EU:C:2018:773, point 192).

96 En deuxième lieu, selon la jurisprudence de la Cour, la compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE, habilite celui-ci, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C-99/17 P, EU:C:2018:773, point 193 et jurisprudence citée).

97 En troisième lieu, bien que l’exercice de cette compétence de pleine juridiction n’équivaille pas à un contrôle d’office et que la procédure soit contradictoire, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C-99/17 P, EU:C:2018:773, points 194 et 195 ainsi que jurisprudence citée).

98 Or, contrairement à ce que les requérantes font valoir, il ressort de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est acquitté de cette obligation.

99 Certes, le Tribunal n’a pas explicitement considéré que les arguments des requérantes visant la prétendue absence d’effets de l’infraction en cause n’étaient pas susceptibles de l’amener, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à réduire les amendes qui avaient été infligées à ces dernières dans la décision litigieuse. Or, s’agissant de l’exercice d’une compétence explicitement conférée au juge de l’Union par le législateur, il importe que la Cour puisse vérifier, dans le cadre d’une procédure sur pourvoi où la réalité d’un tel exercice est contestée par une partie, que le Tribunal a réellement exercé cette compétence, conformément à la jurisprudence rappelée au point 96 du présent arrêt.

100 Il ressort toutefois de l’arrêt attaqué, de manière implicite mais certaine, que le Tribunal a exercé sa compétence de pleine juridiction et qu’il est arrivé à la conclusion visée au point précédent.

101 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour en matière de pourvois, la motivation d’une décision du Tribunal peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission, C-519/15 P, EU:C:2016:682, point 41, ainsi que du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C-626/13 P, EU:C:2017:54, point 42 et jurisprudence citée).

102 En l’espèce, aux points 138 à 188 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les différentes demandes des requérantes visant à obtenir une réduction du montant des amendes qui leur avaient été infligées dans la décision litigieuse. Or, le Tribunal a, dès l’entame de cet examen, au point 138 de cet arrêt, rappelé que le contrôle de légalité qui lui incombe à cet égard est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE.

103 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en procédant à cet examen, le Tribunal a bien eu égard à sa compétence de pleine juridiction dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision litigieuse.

104 S’agissant des arguments des requérantes fondés sur la prétendue absence d’effets de l’infraction en cause, qui sont examinés aux points 156 et 157 de l’arrêt attaqué, il est vrai que, au point 156 de cet arrêt, le Tribunal a rappelé que, selon le libellé même du point 22 des lignes directrices de 2006, la Commission ne doit pas nécessairement tenir compte de l’impact, ou de l’absence d’impact, concret de l’infraction sur le marché en tant que facteur aggravant ou atténuant lors de l’appréciation de la gravité de cette infraction aux fins du calcul de l’amende. Cette considération pourrait laisser croire que le Tribunal s’est limité, à cet égard, à sa seule mission de contrôler la légalité de la décision litigieuse au regard, notamment, des lignes directrices de 2006. Or, si elles sont contraignantes pour la Commission elle-même, dans la mesure où celle-ci s’impose ainsi des restrictions dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, EU:C:2005:408, point 211), les lignes directrices de 2006 ne s’imposent en revanche pas au juge de l’Union, notamment dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction visé au point 96 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C-389/10 P, EU:C:2011:810, points 102 et 103), même s’il peut légitimement décider de s’en inspirer (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Aloys F. Dornbracht/Commission, C-604/13 P, EU:C:2017:45, point 75).

105 Toutefois, il convient de relever que, au même point de l’arrêt attaqué, le Tribunal a poursuivi son raisonnement en constatant qu’il suffit que le niveau de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération, fixé par la Commission, soit justifié par d’autres éléments susceptibles d’influer sur la détermination de la gravité en vertu du point 22 des lignes directrices de 2006, tels que la nature même de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées et son étendue géographique. Or, ce sont précisément les éléments sur lesquels la Commission s’était fondée, en l’espèce, pour déterminer la gravité de l’infraction en cause, comme le Tribunal l’a rappelé au point 145 de l’arrêt attaqué.

106 En faisant référence à ces éléments dans ce contexte, le Tribunal a donc décidé, implicitement mais nécessairement, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, que la prétendue absence d’effets de l’infraction en cause n’était pas susceptible, en raison de ces autres éléments, de l’amener à réduire les amendes qui avaient été infligées aux requérantes dans la décision litigieuse. Il s’ensuit, en outre, que c’est pour cette raison qu’il en a tiré la conséquence, au point 157 de l’arrêt attaqué, que les arguments relatifs à cette prétendue absence d’effets devaient être rejetés.

107 Il convient d’ajouter que cette lecture de l’arrêt attaqué s’impose que soit prise en compte la version initiale du point 156 de cet arrêt ou bien celle issue de l’ordonnance de rectification du 4 mai 2020.

108 Le cas d’espèce se distingue de celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C-99/17 P, EU:C:2018:773), dans laquelle le Tribunal avait omis de fournir une réponse quelconque à un argument de la requérante visant l’exercice de sa compétence de pleine juridiction.

109 Le fait que, en l’espèce, le Tribunal n’a pas omis de prendre en compte sa compétence de pleine juridiction est d’ailleurs confirmé par le fait que, au point 188 de l’arrêt attaqué, celui-ci est arrivé à la conclusion selon laquelle la demande des requérantes de réduire le montant des amendes qui leur avaient été imposées devait être rejetée en raison du fait, d’une part, que les moyens et les arguments soulevés par celles-ci à l’appui de cette demande avaient été rejetés et, d’autre part, qu’il n’existait pas d’éléments qui seraient, en l’espèce, de nature à justifier une réduction du montant de ces amendes.

110 Il y a lieu, dès lors, de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

111 Par leur cinquième moyen, qui vise les points 180 à 184 de l’arrêt attaqué, les requérantes avancent que la considération du Tribunal, selon laquelle, en raison de la participation des requérantes à la configuration européenne de l’entente, la Commission était en droit d’augmenter de 2 % le coefficient de gravité utilisé pour calculer le montant des amendes qui leur ont été infligées, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation quant à la mesure dans laquelle la configuration européenne pourrait causer un préjudice supplémentaire à la concurrence dans l’EEE. Selon les requérantes, le Tribunal ne saurait se limiter à considérer qu’il ne fait aucun doute que la configuration européenne a renforcé l’atteinte à la concurrence, d’autant plus que la configuration A/R de l’entente était dans l’ensemble pleinement mise en œuvre. En outre, la Commission et le Tribunal auraient reconnu que les requérantes avaient produit des preuves dont il ressortait que toutes les ventes européennes aux clients européens n’étaient pas affectées.

112 Selon la Commission, ce moyen est dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

113 Il convient de relever que ce moyen repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que les requérantes font valoir, le Tribunal n’a nullement considéré que ces dernières avaient démontré que l’infraction en cause n’avait pas eu d’impact sur l’ensemble des ventes européennes. Au contraire, le Tribunal a constaté, au point 181 de l’arrêt attaqué, que la configuration européenne de l’entente avait impliqué un engagement supplémentaire de répartition de projets qui allait au-delà des règles d’attribution existantes dans la configuration A/R de l’entente.

114 Dans ces circonstances, la considération du Tribunal, figurant au point 182 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ne faisait aucun doute que le partage des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins au sein de la configuration européenne de l’entente avait renforcé l’atteinte à la concurrence causée dans l’EEE par la configuration A/R de ladite entente, n’est entachée d’aucun défaut de motivation.

115 Il y a lieu également de constater que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en estimant que le partage des projets entre les entreprises européennes constituait une atteinte supplémentaire à la concurrence par rapport à celle qui résultait de la configuration A/R de l’entente. En effet, comme Mme l’avocate générale l’a relevé au point 126 de ses conclusions, le lien étroit qui existait entre ces deux configurations ne changeait rien au fait que la configuration européenne de l’entente constituait, par sa nature même, un engagement distinct de répartition de projets qui n’était pas inhérent à la configuration A/R de l’entente. La considération du Tribunal selon laquelle cette atteinte supplémentaire à la concurrence pouvait légitimement être sanctionnée par une amende majorée n’est donc pas entachée d’une erreur d’appréciation.

116 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé.

117 Aucun des moyens avancés par les requérantes à l’appui de leur pourvoi n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

Sur les dépens

118 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

119 La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR (deuxième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Nexans France SAS et Nexans SA sont condamnées aux dépens.