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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 9 juillet 2020, n° 17-18660

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Davyco (SAS)

Défendeur :

Coopérative U Enseigne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseiller :

Lignières

Avocats :

Me Delplanque-Bataille , Me de Mandelo, Me Baechlin, Me Ayrole

T. com. Paris, du 2 oct. 2017

2 octobre 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Davyco est spécialisée dans la conception d'articles de bonneterie et sous-vêtements pour hommes et enfants qu'elle importe d'Asie et qu'elle vend en France à la grande distribution.

Le groupement U Enseigne est un groupement coopératif de commerçants indépendants, qui exploitent des magasins aux enseignes « Hyper U », « Super U », « Marché U », « U express » et « Utile ».

Les Magasins U sont regroupés au sein de quatre Centrales Régionales Système U (Ouest, Nord-Ouest, Est et Sud), organisées sous forme de sociétés anonymes coopératives dont ils sont associés. Les quatre Centrales Régionales Système U sont elles-mêmes regroupées au sein de la Coopérative U Enseigne, dont elles sont associées, qui est organisée sous forme de société anonyme, union de coopératives. La Coopérative U Enseigne est la centrale de services et de référencement du groupement Système U.

Davyco a été sélectionnée par Coopérative U Enseigne pour lui fournir des produits soit sans marque soit portant une marque de Coopérative U Enseigne.

Par courrier du 10 mars 2015, la société Davyco reproche à la Coopérative U Enseigne (anciennement dénommée Système U Centrale Nationale) d'avoir rompu brutalement les relations commerciales avec elle et de l'avoir soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif.

La Coopérative U Enseigne a réfuté les reproches qui lui étaient adressés et a refusé de donner suite à la réparation demandée.

Par acte d'huissier de justice en date du 24 juin 2015, la société Davyco a fait assigner la Coopérative U Enseigne devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée à l'indemniser au titre de la rupture brutale des relations commerciales et au titre du déséquilibre significatif et de la captation de ses fournisseurs.

Par jugement du 2 octobre 2017, le Tribunal de commerce de Paris a :

-dit que l'action en responsabilité en application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce est prescrite pour les approvisionnements réalisés antérieurement au 25 juin 2010 et recevable pour les opérations réalisées postérieurement à cette date ;

-dit que la société Système U Centrale Nationale a imposé à la SAS Davyco un cadre contractuel dépourvu d'une négociation préalable ayant mené à des concessions réciproques équilibrées qui contenait des obligations créant un déséquilibre significatif qui engage sa responsabilité ;

-condamné la société Système U Centrale Nationale à verser à la SAS Davyco la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice créé par le déséquilibre significatif, plus les intérêts au taux légal sur ce montant et la capitalisation des intérêts à partir de la date de prononcé du présent jugement ;

-dit que les parties se trouvaient en situation de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

-dit que la société Système U Centrale Nationale a brutalement rompu partiellement des relations commerciales établies ayant duré 5 ans en 2011 ;

-dit que la société Système U Centrale Nationale aurait dû accorder un préavis de 3 mois, doublé pour les produits à marque de distributeur, soit 64% du chiffre d'affaires ;

-condamné la société Système U Centrale Nationale à verser à la SAS Davyco la somme de 110.940 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'absence de préavis, plus les intérêts au taux légal sur ce montant et la capitalisation des intérêts à partir de la date de prononcé du présent jugement ;

-débouté la SAS Davyco de sa demande au titre de la captation de fournisseurs ;

-débouté la société Système U Centrale Nationale de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive ;

-condamné la société Système U Centrale Nationale à verser à la SAS Davyco la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-débouté les parties de toute demande autre, complémentaire ou contraire ;

-ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie ;

-condamné la société Système U Centrale Nationale aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 216,36 euros dont 35,62 euros de TVA.

Par déclaration du 10 octobre 2017, la société Davyco a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 23 octobre 2019, la société Davyco demande à la cour de :

Vu l'article 860-2 du Code de procédure civile,

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Vu l'article L. 441-7 du Code de commerce,

Vu l'article L. 441-6 du Code de commerce,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu l'article 1154 du Code civil,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence susvisée,

Vu les pièces versées aux débats,

-confirmer que la société Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U a rompu de manière brutale les relations commerciales établies avec la société Davyco ;

-dire et juger que la société Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U engage sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de la société Davyco et devra en indemniser le préjudice subi, conformément aux dispositions des articles L. 442-6 du Code de commerce et 1382 du Code civil ;

-dire et juger que le préjudice de la brutalité de la rupture correspond à la perte de marge brute, sous déduction des coûts variables, subie pendant le préavis pour la rupture partielle en 2011 et totale en 2014 ;

-condamner la société Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U à payer à la société Davyco 338.262 Euros au titre de la rupture partielle en 2011, et 99 375 Euros au titre de la rupture totale en 2014, soit une somme totale de 437 637 € en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait de la brutalité de la rupture ;

-dire et juger que les clauses et conditions imposées par la société Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U à Davyco sont abusives et créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de Davyco ;

-dire et juger que Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U a capté les fournisseurs de Davyco ;

-ordonner à la société Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U de communiquer le chiffre d'affaires ainsi réalisé par la société Nafisa International ;

-condamner la société Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U à payer à la société Davyco une somme de 495 915 euros correspondant à l'indemnisation de la marge captée pendant 4 ans ainsi qu'aux baisses des prix imposés pendant la même période du fait du déséquilibre significatif et des agissements déloyaux ;

-dire que ces sommes seront assorties des intérêts légaux à compter de l'assignation, avec anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

-condamner la société Cooperative U Enseigne anciennement dénommée Systeme U au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître E. en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 28 octobre 2019, la société Coopérative U Enseigne (anciennement dénommée Système U Centrale Nationale) demande à la cour de :

-constater que la société Davyco a assigné tous ses clients à la même période pour leur reprocher à chacun d'avoir rompu brutalement les relations commerciales avec elle ;

-constater que Davyco a dans ce cadre monté un dossier judiciaire de toutes pièces à l'encontre de Coopérative U Enseigne ;

Sur les reproches de Davyco au titre du prétendu déséquilibre significatif :

-constater que Davyco invoque des conventions commerciales au titre des années 2007 à 2010 alors que la prescription quinquennale est acquise ;

-confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit que l'action fondée sur l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce est prescrite pour les approvisionnements réalisés antérieurement au 25 juin 2010 ;

-constater que Davyco ne démontre pas que Coopérative U Enseigne l'aurait soumise ou aurait tenté de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif ;

-constater que Davyco se contente d'énumérer des clauses qui seraient selon elle déséquilibrées sans avoir aucun reproche concret à formuler contre Coopérative U Enseigne ;

-constater que Coopérative U Enseigne n'a commis aucune faute au regard de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce devenu L. 442-1 I 2° du Code de commerce ;

-infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que Coopérative U Enseigne avait soumis Davyco à des obligations créant un déséquilibre significatif et en ce qu'il a condamné Coopérative U Enseigne à payer à Davyco une somme de 10 000 euros ;

Sur les reproches de Davyco au titre d'une prétendue captation de fournisseurs,

-constater que Coopérative U Enseigne n'a ni imposé à Davyco de lui présenter ses fabricants, ni imposé à Davyco de devenir commissionnaire à l'import et ni imposé à Davyco d'être rémunéré par une commission fixée à 5% ;

-constater que Coopérative U Enseigne n'a commis aucune faute au regard de l'article 1382 du Code civil ;

-confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a constaté que Coopérative U Enseigne n'avait pas capté le fournisseur de Davyco ;

Sur les reproches de Davyco au titre de la prétendue rupture brutale d'une relation commerciale établie,

-constater que les achats par Coopérative U Enseigne résultent d'une sélection après mise en compétition soit lors des appels d'offres soit lors des salons organisés par Coopérative U Enseigne ;

-constater, par conséquent, l'absence de caractère établi des relations commerciales entre Coopérative U Enseigne et Davyco ;

-dire et juger que l'absence de caractère établi des relations commerciales entre Coopérative U Enseigne et Davyco fait obstacle à l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, devenu L. 442-1 II du Code de commerce ;

-infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que les relations commerciales entre Coopérative U Enseigne et Davyco étaient établies ;

-constater que la baisse de chiffre d'affaires en 2011 résulte de la crise du textile et des décisions prises par Davyco en réaction à cette crise, à savoir l'arrêt des collections et le licenciement de son personnel ;

-constater que les produits de Davyco sont devenus moins attractifs et à des prix supérieurs à ceux de ses concurrents ;

-constater que la baisse de chiffre d'affaires en 2011 résulte également des défaillances répétées de Davyco en termes de conformité et de délais de livraison ;

-constater, par ailleurs, que Coopérative U Enseigne n'a jamais rompu ni manifesté son intention de rompre ses relations avec Davyco ;

-constater que Coopérative U Enseigne n'a commis aucune faute au regard de l'article

L. 442-6-I-5° du Code de commerce devenu L. 442-1 I 2° du Code de commerce ;

-infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que Coopérative U Enseigne avait rompu partiellement et brutalement en 2011 la relation commerciale avec Davyco ;

-constater que la demande d'indemnisation au titre d'une prétendue rupture totale brutale en 2014 est une demande nouvelle en cause d'appel ;

Par conséquent,

-déclarer irrecevable la demande d'indemnisation au titre d'une prétendue rupture totale brutale des relations commerciales en 2014 ;

-constater le caractère artificiel et fantaisiste des demandes d'indemnité de Davyco ;

-infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Coopérative U Enseigne à payer à Davyco une somme de 110 940 euros au titre d'une prétendue rupture brutale partielle des relations commerciales ;

En conséquence de l'infirmation du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 octobre 2017,

-condamner Davyco à restituer à Coopérative U Enseigne la somme de 130 940 euros versée en application du jugement du 2 octobre 2017 ;

-débouter, en conséquence, Davyco de l'intégralité de ses demandes ;

A titre reconventionnel,

-condamner Davyco à payer à Coopérative U Enseigne la somme de 100 000 euros pour procédure abusive ;

En tout état de cause,

-condamner Davyco à payer à Coopérative U Enseigne la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-condamner Davyco aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 octobre 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Davyco, appelante, fait valoir :

-l'existence d'un flux continu d'affaires entre les parties depuis au moins 2004 ;

-l'existence de ces relations reconnue par les conventions rédigées par Système U et signées entre les parties à compter de 2007 ;

-l'encadrement de la fourniture par une procédure de sélection sur échantillons sur modèles requis ;

-l'absence d'appels d'offres allégués par Système U, à défaut de remplir des conditions (le prix, le produit et les conditions de commercialisation) ;

-la nécessité d'une notification de préavis lors d'un appel d'offres accompagnant une rupture ;

-la chute brutale des commandes intervenue dès 2011 sans aucun préavis ni explications de la part de U Enseigne ;

-l'absence de toute inexécution de Davyco et de tout cas de force majeure prévue par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

-les saisons de six mois (automne hiver ou printemps été ) dans le textile / habillement, et non pas de 3 mois retenu par le Tribunal de commerce ;

-le caractère erroné de la prise en considération du chiffre d'affaires de 2011 à 2013 alléguée par Système U pour le calcul de la marge brute moyenne, concernant le préjudice découlant de la rupture partielle survenue en 2011) ;

-le doublement du préavis (16 mois ) applicable à 54% du CA qui concerne les produits sous marque de distributeur (MDD) ;

U Enseigne invoque :

-la liberté pour un opérateur économique de mettre fin s'il le souhaite à ses relations avec son partenaire ;

-la véritable mise en concurrence par les appels d'offres et les sélections sur salon faites par Coopérative U Enseigne ;

-l'absence de relation commerciale établie au sens de la jurisprudence, la conclusion d'une convention écrite annuelle avant le 1er mars de chaque année résultant seulement du respect de l'obligation imposée par la loi Châtel, modifiée par la loi LME et la loi Hamon du 17 mars 2014 ;

-l'absence de changement survenu en 2011 alléguée par Davyco ;

-la répercussion de la baisse du marché du textile supportée par les distributeurs sur la baisse du courant d'affaires entre Davyco et Coopérative U Enseigne ;

-le défaut d'attractivité des offres de Davyco en termes de produits et de prix à compter de 2011 ;

-plusieurs problèmes sur la non conformité des produits de Davyco et sur le respect des délais de livraison ;

-La conclusion de conventions commerciales annuelles et l'existence de commandes à Davyco après 2011 ;

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné [...]. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

U Enseigne date le début des relations en 2006 et Davyco en 2004. Cette dernière verse aux débats une attestation en date du 20 juin 2016 de son expert-comptable établissant les chiffres d'affaires suivants entre Davyco et U Enseigne :

2004 : 291 589 euros

2005 : 774 485 euros

2006 : 1 202 016 euros

2007 : 1 249 993 euros

2008 : 1 562 006 euros

2009 : 1 277 854 euros

2010 : 1 345 882 euros

2011 : 496 067,96 euros

2012 : 275 567,72 euros

2013 : 190 067,90 euros

U Enseigne conteste le caractère établie des relations commerciales en invoquant l'existence d'appels d'offres annuels et Davyco réplique que les conditions de l'appel d'offre n'étaient pas remplies et qu'il s'agissait d'un « processus de présélection et d'échantillonnage » avec obligation de trouver un fournisseur avec un prix imposé puis à compter de 2011, la pratique imposée de demande de cotation après référencement des échantillons.

Il ne peut exister de relations commerciales établies lorsque plusieurs sociétés sont mises en concurrence par le biais d'appels d'offres qui présentent de par leur nature un caractère de précarité.

Un appel d'offres est une procédure par laquelle un responsable de marché choisi parmi plusieurs offres proposées, celle qui est la plus avantageuse selon les critères qu'il a préalablement établis.

U Enseigne se fonde sur le fait que Davyco ait mentionné dans le courriel adressé par son conseil, dans l'assignation ou dans ses conclusions le recours à l'appel d'offres pour choisir ses fournisseurs.

Il appartient cependant à U Enseigne de rapporter la preuve de l'existence d'appels d'offres, procédure qui répond à un formalisme facilement démontrable. Davyco contestant la réalité de celles-ci et prétendant au recours à un simulacre d'appels d'offres organisés sur les échantillons conçus par elle pour obtenir des baisses de prix auprès de ses concurrents.

Or, si U Enseigne produit les appels d'offre adressés à Davyco et à ses concurrents pour les années 2014 à 2016 pour une sélection de produits, aucune pièce ne démontre le recours à cette procédure pour la période antérieure.

Davyco verse aux débats un contrat d'application au contrat-cadre 2007 et 2008, des accords commerciaux pour les années 2009 à 2012. U Enseigne sollicite que soient écartées des débats les conventions commerciales de 2007 à 2010, du fait de la prescription de l'action pour les faits antérieurs au 25 juin 2010. Si le Tribunal de commerce a retenu à juste titre que « l'action en responsabilité en application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce est prescrite pour les approvisionnements réalisés antérieurement au 25 juin 2010 », l'assignation ayant été délivrée le 24 juin 2015, il n'en demeure pas moins que pour établir l'existence de relations commerciales établies, Davyco est autorisée à produire tout moyen de preuve comme il est admis en matière commerciale, et donc des conventions passées antérieures à 2010.

En page 2 des accords commerciaux, il est précisé qu'ils définissent l'ensemble des relations que les parties ont souhaité établir entre elles. Cet accord est complété par des annexes et constitue avec celles-ci l'ensemble des dispositions contractuelles régissant les relations entre les parties.

Si la conclusion d'une convention écrite annuelle avant le 1er mars de chaque année a été imposée, par la loi Châtel, et n'établit donc pas à elle seule l'existence d'une relation commerciale, elle corrobore l'existence d'un courant d'affaires.

Davyco établit l'existence de relations commerciales établies avec U Enseigne entre 2004 et 2013 notamment par la démonstration d'un chiffre d'affaires régulier et conséquent durant plusieurs années corroborées par la signature d'accords commerciaux formalisant les relations. La nature des articles vendus nécessitait des demandes de cotation qui ne peuvent caractériser, au sens de la loi, des appels d'offres dont la preuve n'est rapportée qu'à compter de 2014.

Or, alors que pour les trois dernières années de 2008 à 2010, Davyco a justifié d'un chiffre d'affaires de 1 395 247 euros, celui-ci a diminué à compter de 2011 à 496 067,96 euros pour atteindre de 2011 à 2013, la somme moyenne annuelle de 320 567 euros.

U Enseigne invoque pour justifier la diminution du courant d'affaires entre Davyco et elle-même la répercussion de la baisse du marché du textile, supportée par les distributeurs. U Enseigne communique des décisions de la cour d'appel de Paris qui ont retenu ce motif pour justifier des baisses d'activité ou de commandes. Ces décisions, outre qu'elles ne peuvent s'appliquer au présent litige font état d'une crise pour la période antérieure à 2010 ce qui permettait à U Enseigne d'anticiper la rupture puisque le flux d'affaires n'a diminué qu'en 2011.

U Enseigne ne démontre pas qu'elle a connu une baisse de son chiffre d'affaire sur ce plan justifiant qu'elle soit répercutée sur les commandes passées avec Davyco.

En revanche, il résulte du rapport d'activité annuel de U Enseigne de 2011, que « l'enseigne privilégie l'import dit direct qui consiste à travailler en direct avec les usines, plutôt que les circuits faisant appel à des intermédiaires. En étant à la source, nous avons davantage de visibilité et de moyens d'action. (')

L'une des illustrations de cette stratégie de sécurisation et de traçabilité est l'ouverture d'une plateforme logistique dans la région de Shangaï, d'où provient la majorité de notre grand import. Cette plateforme permet d'optimiser le remplissage des conteneurs qui arrivent directement sur nos entrepôts régionaux, et donc de réduire les coûts.»

Cette modification de stratégie commerciale est possible à la condition d'aviser son cocontractant de la rupture des relations commerciales et de lui accorder un préavis afin d'éviter que celle-ci soit brutale.

U Enseigne explique la baisse du courant d'affaires sur 5 années par les défaillances répétées de Davyco en termes de conformité et de délais de livraison.

Il est ainsi relevé :

-Une erreur sur le coloris du produit (pièce n°23, courriel de Coopérative U Enseigne du 28 septembre 2009) ;

-Une erreur sur la composition de la doublure dans l'étiquetage (pièce n°24, courriel de Coopérative U Enseigne du 19 juillet 2010) ;

-Une erreur sur la composition du produit (pièce n°25, courriel de Coopérative U Enseigne du 18 octobre 2010) ;

-Des écarts de mensuration (pièce n°26, courriel de Coopérative U Enseigne du 22 février 2011). Dans ce courriel, Coopérative U Enseigne précisait « Depuis 2 saisons nous rencontrons beaucoup de problèmes de conformité avec votre société. Nous vous demandons de faire le nécessaire afin de pallier à ces problèmes » ;

-Non-conformité des emballages (pièce n°27, courriel de Coopérative U Enseigne du 15 septembre 2011)« le cintre ne convient pas. Les magasins se plaignent que les produits ne tiennent pas, je vous avais déjà remonté l'info. Il faut des cintres crystal et pas plastique » (Pièce n°32, courriel du 20 août 2014) ;

- avoir « refusé ce matin la livraison des commandes (') car vous ne respectez pas la charte logistique : le camion n'avait pas de hayon pour décharger la palette, la charte logistique stipule que pour les livraisons sur palettes, les véhicules doivent impérativement être adaptés à des quais niveleurs de 1.3 mètres » (Pièce n°33, courriel de Coopérative U Enseigne du 28 août 2014) ;

-« une étiquette a été collée et dépasse sur le devant de l'étiquette + les sachets sont parfois ouverts avec du gros scotch (') nous sommes en rupture sur les produits depuis longtemps car la marchandise n'a pas été livré en temps et en heure, on la reçoit enfin mais avec des problèmes de gencod, vous la remettez en conformité et le travail n'est ni fait ni à faire » (Pièce n°34, courriel de Coopérative U Enseigne du 29 août 2014).

-Non-conformité de la vignette de traçabilité (pièce n°35, courriel de Coopérative U Enseigne du 18 septembre 2014) ;

-Une erreur sur le Gencod (pièce n°35, courriel de Coopérative U Enseigne du 18 septembre 2014) ;

- Vignette U non-conforme (pièce n°35, courriel de Coopérative U Enseigne du 18 septembre 2014) ;

U Enseigne verse également trois courriers justifiant de difficultés liés à des retards de livraison.

Si U Enseigne a reçu de la marchandise non conforme, il n'est pas démontré qu'elle a signifié la rupture des relations commerciales pour ce motif. De plus, pour caractériser un motif grave justifiant la résiliation, ces non conformités doivent être évaluées par rapport au volume d'affaires traitées.

L'inventaire des observations formulées démontrent qu'elles sont ponctuelles et inhérentes à la vente de ce type de marchandises, que si elles ont donné lieu à des courriers de mécontentements, aucune mise en demeure n'a été adressée à Davyco de mise en garde par rapport à une éventuelle résiliation du contrat. Au contraire, alors que Davyco se plaint de la rupture des relations commerciales, U Enseigne indique qu'elle a souhaité maintenir les relations avec sa cocontractante en lui adressant les appels d'offre au moins jusqu'en 2016 et que Davyco y répondait ce qui est incompatible avec une résiliation pour faute grave ou renouvelée.

Les observations formulées ne sont donc pas suffisamment graves pour justifier une résiliation des relations commerciales sans préavis.

Il n'est pas contradictoire pour Davyco d'avoir tout mis en oeuvre pour conserver des relations avec U Enseigne qui lui apportait 30% de son chiffre d'affaires et d'intenter une action en justice pour rupture brutale des relations commerciales face à l'échec des mesures prises.

Aucune rupture n'a été formalisée. Le chiffre d'affaires a diminué de moitié en 2011 puis encore de moitié en 2012, aucune commande n'ayant été passée en 2014.

Une première rupture partielle entraînant une perte de chiffre d'affaires de 63 % est intervenue en 2011.

La relation commerciale ayant duré de 2004 à 2011, Davyco pouvait prétendre obtenir un préavis de quatre mois, la nature des prestations consistant en la fourniture de vêtements ne justifiant pas contrairement à ce que soutient Davyco un allongement du préavis.

Davyco invoque le fait que les commandes de U Enseigne représentait 28% de son chiffre d'affaires global en 2008, 25 % en 2009 et 37% en 2010 ce qui ne peut caractériser un état de dépendance justifiant une augmentation du préavis.

Davyco invoque la fourniture de produits sous marque de distributeur pour obtenir un doublement du délai de préavis ce que conteste U Enseigne.

Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis doit être le double de celle qui serait applicable si le produit n'est pas fourni sous cette marque en application de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce ; un produit est considéré comme vendu sous marque de distributeur lorsque ses caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprise qui en assure la vente au détail et est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ».

U Enseigne est propriétaire des marques Bien Vu, U Essentiel et Collection sous lesquelles les produits sont vendus. Davyco produit aux débats les conditions générales de fourniture des produits, relatives aux modalités de fourniture et d'approvisionnement des articles mais non à la fabrication de l'article lui-même.

Davyco ne verse aux débats une charte graphique pour les produits Bien Vu que pour la collection automne-hiver 2012 à une période où les modalités contractuelles avaient été modifiées et au moment de la rupture. Davyco ne justifie pas avoir adhéré à cette charte graphique pour les produits concernés durant l'année 2012. Le seul conditionnement personnalisé des produits est insuffisant à en faire des produits sous marque de distributeur. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu qu'une partie des ventes avait été réalisée sous marque de distributeur.

L'indemnisation du préjudice sera calculée sur la marge brute.

Pour la rupture partielle intervenu en 2011, il sera tenu compte des trois derniers chiffres d'affaires précédant l'année 2011 :

2008 : 1 562 006 euros

2009 : 1 277 854 euros

2010 : 1 345 882 euros

moyenne annuelle sur trois ans : 1 395 247 euros

Il sera déduit de ce chiffre d'affaires celui réalisé en 2011 soit la somme de 496 067 euros, s'agissant d'une rupture partielle ce qui donne pour la perte de chiffre d'affaires un solde de 899.180 euros.

Au vu des bilans antérieurs à l'année 2011 produits, il sera retenu une marge brute de 30 % soit : 899 180 euros X 30% = 269 754 euros /12 = 22 479,50 euros X 4 mois (préavis) = 89 918 euros

La rupture brutale définitive des relations commerciales est intervenue en 2014 sans être formalisée par U Enseigne.

Le préjudice subi sera calculé sur la base des chiffres d'affaires réalisées de 2011 à 2013 :

2011 : 496 067,96 euros

2012 : 275 567,72 euros

2013 : 190 067,90 euros

soit une moyenne annuelle de 320 367 euros à laquelle il sera appliqué une marge brute de 30 % ce qui donne un résultat de 96 110 euros.

La relation commerciale ayant à cette date duré 11 ans, il sera alloué un préavis de 5 mois soit : 96 110 euros/12 = 8 009 euros X 5 mois (préavis) = 40 045 euros

U Enseigne versera à Davyco au titre de la rupture brutale des relations commerciales la somme de 89 918 euros + 40 045 euros = 129 963 euros

Sur les demandes au titre du déséquilibre significatif

Davyco fait valoir que les conventions de référencement annuelles imposées par Système U étaient des contrats d'adhésion prérédigés, sans aucune négociation entre les parties pour déterminer les conditions commerciales applicables à leur relation, l'absence de référence aux conditions générales de vente de Davyco dans les conditions générales de fourniture de produits MDD de 2010 ;

Système U réplique que le fait de proposer un contrat type (un contrat d'adhésion) ne constitue pas, en soi, un déséquilibre significatif, que la preuve n'est pas rapportée que Davyco n'aurait pas disposée d'un réel pouvoir de négociation ;

L'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.

Le déséquilibre significatif est le plus souvent caractérisé par une absence de réciprocité des prérogatives contractuelles ou par une disproportion entre les droits et obligations des parties.

Le déséquilibre significatif, doit être examiné au regard de l'analyse des clauses imposées dans la convention en tenant compte des contreparties accordées, et de l'équilibre économique de l'opération.

L'existence d'un contrat d'adhésion ne suffit pas à caractériser la preuve de l'absence de pouvoir réel de négociation de celui qui se prétend victime d'une soumission ou d'une tentative de soumission à un déséquilibre significatif mais il doit le prouver, par exemple en démontrant l'exclusion de toute possibilité de négociation.

S'il n'est pas justifié d'échanges entre les sociétés cocontractantes quant à l'élaboration des accords commerciaux, à plusieurs reprises dans les conventions, il est mentionné les dispositions suivantes :

« Le titre II, complété par le plan d'affaires (annexe II) résultant de la négociation commerciale menée entre le fournisseur et Système U dans le respect des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce, précise les dispositions applicables aux conditions de vente et aux conditions tarifaires.

Aux termes du plan d'affaires, il est mentionné que celui-ci « a été convenu après analyse, à la date de sa signature, de la situation du marché des biens de consommation, de la concurrence existant sur le marché sur lequel les parties interviennent tant en termes d'opérateurs que de produits, des ambitions commerciales de chacune des parties. Les parties conviennent de se rencontrer régulièrement au cours de l'exécution du présent plan d'affaires, afin de vérifier que les engagements pris par chacune d'elles permettent la réalisation de leurs objectifs commerciaux et d'apporter au plan d'affaires les aménagements qui leur paraîtraient éventuellement nécessaires. »

Contrairement à ce que soutient Davyco, la convention commerciale conclue pour l'année 2011 (titre I, page 2 de la convention du 20 janvier 2011 et du 15 février 2012 en préambule des conditions générales logistiques et d'approvisionnement mentionne que « les conditions de référencement (') font partie intégrante de la relation commerciale nouée entre les parties et complètent les conditions générales de vente du fournisseur » étant précisé qu'il a été retenu que les actions pour les conventions antérieures au 25 juin 2010 étaient prescrites.

Si les différentes conventions portent la mention « système U centrale nationale » et sont prérédigées, les mentions relatives aux marchandises sont nécessairement adaptées au marché, et caractérisent l'aboutissement d'un accord entre les parties. De plus, les conventions sont renouvelées annuellement ce qui laisse place à la négociation ou à l'évolution des clauses. Le plan d'affaires impose au paragraphe 5 « avenant » 'des rencontres régulières afin de décider des éventuelles adaptations à y apporter notamment pour permettre au fournisseur de saisir d'éventuelles opportunités de croissance conjoncturelles et s'obligent à s'informer régulièrement de tout événement qui serait de nature à rompre l'équilibre de leur relation. '' Les modifications effectuées du fait de cette révision seront formalisées par l'établissement d'un avenant daté et signé par chacune des parties.'

Ces clauses démontrent l'existence de discussions entre les parties en ce qu'elles doivent être adaptées au marché en cause et différentes selon chaque situation économique.

Les conventions étant renouvelées annuellement, Davyco avait également la possibilité de se saisir de ces dispositions pour renégocier des clauses, l'ancienneté et le volume d'activité réalisés permettant de peser dans la négociation. Elle ne démontre avoir effectué aucune démarche en ce sens.

Dès lors, le premier élément caractéristique de la pratique restrictive de déséquilibre significatif n'est pas constitué étant précisé que la convention signée est relative à tous les aspects commerciaux de la relation notamment les tarifs et pénalités contestés par Davyco.

La demande de la société appelante fondée sur l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce n'est donc pas caractérisée et sera rejetée.

Les agissements déloyaux ayant pour finalité de capter la marge fournisseur

Davyco fait valoir qu'à compter de 2012, U Enseigne, afin de réduire les parts de marché de ses fournisseurs historiques, s'est approvisionnée directement auprès des fournisseurs de Davyco en Asie, que par des manoeuvres déloyales, notamment en copiant ses modèles, U Enseigne a capté sa marge et sa relation commerciale avec ses fournisseurs, qu'elle a été contrainte de limiter son intervention à un simple rôle d'agent, U Enseigne lui imposant de travailler en direct avec ses fournisseurs contre versement d'une simple commission.

U Enseigne invoque l'absence de paternité de Davyco sur les produits et les visuels des produits qui sont basiques et que toutes les usines fabriquent et contestent avoir voulu courcircuiter Davyco.

Davyco fonde son action sur l'article 1382 ancien du Code civil ce qui suppose que celle-ci démontre de la part de U Enseigne une attitude fautive eu égard aux usages commerciaux.

Il est versé plusieurs courriels de ce type adressés en février 2013 par U Enseigne à des fournisseurs soit au moment de la rupture des relations commerciales avec Davyco : « Nous relançons un appel d'offres pour l'année 2014 sur tous les produits Bien vu tous rayons :

exemple les pockets de slips seront en 2 print + 1 uni.

-Idem pour les bodies en lot de 3, je souhaiterais maintenant 1 uni + 1 print + 1 print.

Je pense que vous aurez compris, nous recherchons du prix.

Pouvez vous nous confirmer la bonne réception de ce mail SVP.

-Demande de retour de prix pour le 22 février.

Nous ne vous envoyons pas d'échantillon, vous les connaissez. nous ne changeons pas de matériaux.»

Davyco produit deux dessins l'un d'un 'modèle enfant'de T-shirt avec un dessin représentant une planche de surf avec la mention « California SURF CO » à appliquer en transfert sur le vêtement ; la seule production de ce dessein par Davyco ne démontre pas qu'elle en est l'auteur.

Il est fourni un second dessin destiné à un ensemble layette datant du 28/09/2009 avec pour Objet : pour info N° 1051 Evénement V.1 HU Ensemble deux pièces ; Fournisseur : DAVYCO aux termes d'un courriel de Samia G. du service qualité à Layette ; ce mail a pour objet de comparer le modèle commandé et le modèle livré.

Ce modèle aurait été commandé de nouveau par U enseigne après la rupture des relations commerciales directement auprès du fournisseur asiatique ; cependant, la seule production de ce modèle et sans que l'on identifie l'auteur du courriel ni le destinataire n'établit pas l'auteur du dessin et notamment le titulaire des droits sur celui-ci. Il ne peut davantage être retenu que U enseigne ne conteste pas les desseins produits alors que compte tenu de la masse de marchandises commandées et du nombre de fournisseurs, elle indique ne pas être en mesure d'identifier ces modèles compte tenu de leur banalité.

Enfin, les pièces produites (pièces 18 à 21 U enseigne) ne permettent pas d'identifier les visuels litigieux figurant sur les articles commandés par U enseigne.

Postérieurement à la rupture, U Enseigne était autorisée à s'adresser directement à ces fournisseurs pour commander la marchandise, aucune clause de non concurrence n'étant invoquée

Les pièces versées aux débats sont donc insuffisantes pour établir des actes fautifs de captation de la marge commerciale sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Davyco reproche à U Enseigne d'avoir adressé directement à ses fournisseurs des demandes de consultations sur les prix concernant des échantillons conçus par l'un de ses fournisseurs et déjà référencés, cela dans le seul but d'obtenir une baisse de prix imposée. Davyco se fonde sur des mails adressés par U Enseigne à ses fournisseurs le 4 février 2013 avec pour objet : « appel d'offres Bien Vu 2014 ».

Ces commandes ont eu lieu dans le cadre d'un appel d'offres postérieur à la rupture des relations commerciales avec Davyco et non plus au cours de l'exécution du contrat ce qui implique qu'il ne peut-être reproché à U enseigne une baisse des prix imposés.

Sur la demande de U enseigne pour procédure abusive

Il résulte de l'article 1240 du Code civil, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.

En l'espèce, Davyco ayant été partiellement reçue en ses demandes, U Enseigne sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l'issue du litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel et de ses dépens.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en ce que le Tribunal a : -dit que l'action en responsabilité en application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce est prescrite pour les approvisionnements réalisés antérieurement au 25 juin 2010 et recevable pour les opérations réalisées postérieurement à cette date, -dit que les parties se trouvaient en situation de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, -débouté la SAS Davyco de sa demande au titre de la captation de fournisseurs; -débouté la société Système U Centrale Nationale de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, -sur les frais irrépétibles et les dépens, L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Dit que la société Davyco a subi une rupture brutale partielle des relations commerciales en 2011 et une rupture brutale totale en 2014, Condamne la coopérative U Enseigne anciennement Sytème U Centrale Nationale à payer à la société Davyco la somme de 89 918 euros au titre de la rupture brutale partielle et celle de 40 045 euros au titre de la rupture brutale totale, Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du Code civil, Dit que la société Davyco ne démontre pas que la coopérative U Enseigne anciennement Sytème U Centrale Nationale ait tenté de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif, Déboute la société Davyco de sa demande d'indemnisation au titre du déséquilibre significatif, Dit que les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles, Rejette toute autre demande, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.