Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.207
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Tape à l'oeil (SAS)
Défendeur :
Besnard (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Kass-Danno
Avocats :
Me Le Prado, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 octobre 2018), la société [...] a vendu dix-neuf mille cinq cent cinquante neuf paires de chaussures à la société Tape à l'oeil (la société TAO), laquelle les a réceptionnées le 12 février 2014, sans réserve, et les a commercialisées. Le 14 avril 2014, elle a informé la société [...] que des articles lui étaient retournés. Et elle a refusé de payer les factures émises par cette dernière.
2. Assignée en paiement, la société TAO a demandé la résolution du contrat de vente pour défaut de conformité et sur le fondement de la garantie des vices cachés ainsi que le paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncè du moyen
3. La société TAO fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente pour manquement de la société [...] à son obligation de délivrance conforme de la marchandise livrée ainsi que ses demandes d'indemnisation et de la condamner à verser à la société [...] la somme de 147 866,04 euros avec intérêts de retard alors :
« 1°) que les juges du fond sont tenus de respecter les limites du litige que tracent les parties aux termes de leurs écritures ; qu'au cas d'espèce, les juges d'appel ont constaté que cent cinquante paires de chaussures avaient été retournées ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un taux de retour supérieur à 1 %, que la société TAO n'établissait pas avoir vendu quatre mille huit cent vingt-neuf paires de chaussures quand la société [...], qui contestait ce nombre, affirmait que dix mille neuf cent soixante-trois paires avaient été vendues, de sorte qu'aucune contestation n'existait, quant à la vente de dix mille neuf cent soixante-trois paires au maximum, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) qu'à tout le moins, en s'abstenant de rechercher si, eu égard à la circonstance que cent cinquante paires de chaussures avaient fait l'objet d'un retour et au vu des chiffres invoqués par les parties, le taux de retour n'excédait pas 1 %, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du code civil, devenus les articles 1103 et 1194 du code civil, ensemble l'article 1604 du même code. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir constaté que la société TAO soutenait avoir vendu quatre mille huit cent vingt-neuf paires de chaussures cependant que la société [...] estimait à dix mille neuf cent soixante le nombre de ventes réalisées, ce dont il résulte que ce fait était contesté par les parties, l'arrêt retient que la société TAO ne verse aucune pièce comptable pour corroborer les chiffres qu'elle mentionne dans un tableau sur papier libre et que, cependant qu'elle soutient avoir cessé la commercialisation de ces articles, elle ne justifie pas ni même n'allègue avoir en stock les paires de chaussures restantes. Il en déduit que, faute pour la société TAO de justifier du nombre de ventes réellement réalisées, il est impossible de retenir que seules quatre mille huit cent vingt-neuf paires de chaussures ont été vendues et, par conséquent, d'évaluer avec exactitude le taux de retour des marchandises.
5. Par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige et n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la seconde branche, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
7. La société TAO fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ainsi que ses demandes d'indemnisation et de la condamner à verser à la société [...] la somme de 147 866,04 euros avec intérêts de retard alors que « constitue un vice donnant lieu à garantie de la part du vendeur le défaut inhérent à la chose vendue rendant celle-ci impropre à l'usage auquel on la destine ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un délai de deux mois a séparé la vente des chaussures à la société TAO et les retours par les clients et que les chaussures ont été utilisées conformément à leur destination ; qu'en écartant l'existence d'un vice caché au motif impropre qu'il s'agissait de chaussures « enfant de bas de gamme où l'aspect marketing prédomine sur la qualité de fabrication », la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil. »
Réponse au moyen
Vu l'article 1641 du code civil :
8. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
9. Pour rejeter les demandes de la société TAO en résolution du contrat de vente sur le fondement des vices cachés et en paiement de dommages-intérêts et pour la condamner à payer à la société [...] une certaine somme avec intérêts de retard, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré l'existence d'un vice caché rendant les chaussures impropres à l'usage auquel elles étaient destinées, « soit un usage limité dans le temps d'une chaussure enfant de bas de gamme où l'aspect marketing prédomine sur la qualité de fabrication » et qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un défaut intrinsèque de la chaussure la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée mais une usure conforme à l'usage qui devait en être attendu.
10. En statuant ainsi, après avoir constaté, d'un côté, que bien que les chaussures ne fussent pas vendues comme des chaussures de sport, celles-ci étaient destinées à des enfants, lesquels peuvent être amenés à pratiquer des sports dans le cadre de leurs activités et, de l'autre, que deux mois après la commercialisation des chaussures, certaines d'entre elles, présentaient un décollement de la semelle à l'avant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : casse et annule, sauf en ce qu'il déboute la société TAO de sa demande en résolution de la vente pour manquement de la société [...] à son obligation de délivrance conforme de la marchandise livrée, l'arrêt rendu le 11 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.