CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 28 juillet 2020, n° 20/06689
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
EDF (SA)
Défendeur :
Total Direct Energie (SA), Association française indépendante de l'électricité et du gaz, RTE (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dellelis
Conseillers :
Mme Guillou, M. Rondeau
Avocats :
Me de Pouzilhac, Me Bergerot, Me Freget, Me Chartier, Me Glaser, Me Guerre, Me Deroux
Exposé du litige
La SA Total direct énergie (la société TDE) est un fournisseur d'énergie, dit 'alternatif', à destination des grands consommateurs et des sites industriels.
Dans le cadre du dispositif d' "accès régulé à l'électricité nucléaire historique" (l'ARENH) créé par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (la loi Nome), aujourd'hui codifiée aux articles L 336-1 et suivants du code de l'énergie, un accord-cadre, conforme à l'accord type adopté par arrêté du ministre en charge de l'énergie après avis de la CRE, a été conclu le 4 mai 2016 entre la société Electricité de France (EDF) et la société TDE par lequel cette dernière s'engage à acheter à EDF à un prix fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, actuellement de 42 euros le Mwh, un volume d'énergie déterminé en fonction des prévisions de consommation de ses clients.
L'ARENH prévoit que le fournisseur intéressé par ce dispositif, qui est optionnel, indique le volume prévisible de ses achats à la commission de régulation de l'énergie (la CRE) qui, selon l'article L. 336-9 du code de l'énergie a pour mission de proposer les prix, calculer les droits, contrôler l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, surveiller notamment les transactions effectuées par ces fournisseurs, s'assurer de la cohérence entre les volumes d'électricité nucléaire historique bénéficiant de l'accès régulé et la consommation des consommateurs finals desservis sur le territoire métropolitain continental.
La CRE ne communique pas les volumes achetés à EDF et ce pour des raisons de confidentialité, EDF étant en concurrence avec ces fournisseurs alternatifs.
D'autres entités interviennent également:
- la Caisse des dépôts et des consignations pour "l'intermédiation des paiements" qui conclut des contrats au nom et pour le compte d'EDF,
- RTE, en tant que gestionnaire du réseau de transport, qui se charge de la gestion des flux physiques, conformément à l'article 5.1 de l'Accord-cadre conclu entre EDF et les fournisseurs. Il procède notamment au transfert au fournisseur des volumes d'électricité acheté au titre de l'ARENH, selon les informations notifiées par la CRE.
L'objectif de ce dispositif légal, prévu pour prendre fin en 2025, est de mettre en oeuvre le processus d'ouverture des marchés de fourniture d'électricité à la concurrence et d'étendre le bénéfice de l'exploitation du parc nucléaire français historique à tous les fournisseurs d'électricité qui en font la demande.
Pour éviter les effets d'aubaine permettant d'acquérir de l'électricité à un prix régulé puis de le revendre sur le marché de gros de l'électricité à un prix supérieur, il comporte un mécanisme dit de 'complément de prix', au titre des articles L. 336-5, et R. 336-33 et suivants du code de l'énergie, consistant à faire payer un prix supplémentaire, calculé par la CRE, aux fournisseurs qui auraient acheté des volumes d'électricité supérieurs aux besoins de leurs clients.
En vertu de l'article R 336-10 du code de l'énergie "la transmission d'un dossier de demande d'ARENH à la CRE vaut engagement ferme de la part du fournisseur d'acheter les quantités totales de produit qui lui seront cédées au cours de la période de livraison à venir" soit pour une année.
Cet accord cadre comporte un article 13.1 prévoyant sa suspension ou sa résiliation dans 4 cas dont notamment, au point 3, "en cas de survenance d'un événement de force majeure", celle-ci étant définie par l'article 10 comme "un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l'exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables".
En raison de l'épidémie de coronavirus, des mesures de confinement ont été décrétées le 17 mars 2020, entraînant une diminution de la consommation d'électricité en France, particulièrement sur le segment industriel, ainsi qu'une baisse des prix de l'électricité sur les marchés de gros.
Evaluant à plus de 27% la baisse de consommation de ses clients professionnels et se prévalant de lourdes pertes, qu'elle évaluait à un montant minimum de 5M d'euros pour la période du 17 mars au 26 avril 2020, la société TDE a, par lettre recommandée du 27 mars 2020, notifié à EDF l'application de la clause de la force majeure de l'accord-cadre en faisant valoir l'impossibilité pour elle d'exécuter ses obligations dans des conditions économiques raisonnables et demandé la suspension de ses obligations 'à compter du 17 mars 2020" et 'pour plusieurs mois", indiquant néanmoins 'se tenir à disposition pour déterminer par le biais d'un avenant que l'interruption des livraisons commandées n'intervienne qu'à hauteur de la baisse de la consommation de ses consommateurs finals'.
Par lettre du 1er avril 2020 EDF a refusé de procéder à l'interruption, considérant que les critères de la force majeure n'étaient pas remplis puisque le fournisseur n'était pas dans l'impossibilité totale d'exécuter son obligation contractuelle soit le paiement des volumes notifiés par la CRE et contestant que la force majeure puisse être invoquée pour s'exonérer d'une obligation pécuniaire.
Elle a également fait valoir que la réduction de la consommation des clients ne saurait justifier une suspension totale de l'accord cadre et rappelé qu'elle-même demeurait tenue d'assurer les livraisons telles que notifiées par la CRE.
Le 2 avril 2020, EDF a envoyé à tous les titulaires d'un accord cadre ARENH un courrier proposant des délais de paiement en se référant à une délibération du 26 mars 2020 de la commission de régulation de l'énergie (la CRE) qui, saisie par l'AFIEG et l'ANODE, associations de fournisseurs d'énergie, a adopté une délibération:
- constatant le désaccord des parties sur l'activation de la clause de force majeure prévue à l'accord cadre ARENH,
- considérant que néanmoins la force majeure ne trouverait à s'appliquer que si l'acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l'exécution de l'obligation de paiement de l'ARENH, alors qu'en l'espèce les conséquences d'une suspension totale des contrats ARENH en raison de l'activation des clauses de force majeure seraient disproportionnées et créeraient un effet d'aubaine pour les fournisseurs au détriment d'EDF,qui irait à l'encontre des principes de fonctionnement du dispositif qui repose sur un engagement ferme des parties sur une période d'un an,
- décidant en conséquence de ne pas transmettre à RTE une évolution des volumes ARENH livrés par EDF aux fournisseurs concernés liée à une activation de la clause de force majeure,
- proposant néanmoins diverses mesures telles que la suppression des pénalités, de délais de paiement des factures ARENH, et de la recherche au cas par cas de délais de paiement supplémentaires entre EDF et les fournisseurs.
Par ordonnance du 17 avril 2020 le Conseil d'Etat a rejeté en référé la demande de suspension de cette délibération.
Par acte d'huissier en date du 24 avril 2020, la société TDE a assigné EDF en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Paris pour :
- voir déclarer acquise la clause de suspension stipulée à l'article 10 de l'accord cadre conclu le 4 mai 2016,
- dire que le refus d'EDF de prendre acte de la suspension 'de plein droit' de l'accord est constitutif d'un trouble manifestement illicite et expose la société TDE à un dommage imminent,
- dire qu'en tout état de cause l'obligation d'EDF d'exécuter la clause de force majeure n'est pas sérieusement contestable,
- ordonner la suspension du contrat et de notifier à la CRE, à RTE et à la CDC son absence d'opposition à la suspension de l'accord cadre et à l'interruption de la cession annuelle d'électricité,
- donner acte à TDE de son engagement formalisé par courrier du 27 mars 2020 que l'interruption des livraisons commandées au titre de l'ARENH n'intervienne qu'à hauteur de la baisse de la consommation de ses consommateurs finals et de continuer à régler à due proportion 42 euros par Mwh,
- ordonner que l'ordonnance à intervenir soit opposable à la société RTE,
- condamner EDF à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (l'AFIEG), qui regroupe des fournisseurs alternatifs d'électricité et de gaz naturel et a pour objet la défense des intérêts collectifs de ses membres, est intervenue volontairement au soutien des demandes de la société TDE.
Par ordonnance du 20 mai 2020, le président du tribunal de commerce de Paris a :
- dit l'AFIEG recevable en son intervention volontaire,
- ordonné à EDF:
- de ne plus s'opposer à l'application de l'accord cadre la liant à la société TDE et notamment aux dispositions relatives à la suspension de son exécution résultant des articles 10 et 13 de l'accord,
- de faire tout ce qu'il y a lieu en vue de parvenir à l'interruption de la cession annuelle visée au paragraphe relatif au point 3 de l'article 13-1 de l'accord cadre susvisé,
- dit que la présente ordonnance est opposable à la société RTE,
- condamné EDF à payer à la société TDE la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à l'AFIEG la somme de 5 000 euros,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné EDF aux dépens.
Le juge a dit recevable l'intervention de l'AFIEG compte tenu de la portée générale de ce litige qui repose sur un accord cadre s'imposant à tous les fournisseurs clients de l'ARENH.
Il a retenu que l'accord cadre a été élaboré par la CRE qui a pris l'avis des opérateurs, que ce contrat s'impose à tout acteur de l'ARENH et traduit la volonté commune des parties qui y adhèrent, que l'interprétation de la force majeure définie à l'article 10 du contrat liant les parties inclut l'exécution des obligations dans des conditions économiques raisonnables dont il a constaté qu'elles ne faisaient l'objet d'aucune définition, mais a considéré que 'son lien avec la force majeure permet de supposer un bouleversement des conditions économiques antérieures qui se traduit par la survenance de pertes significatives nées de l'exécution du contrat'.
Tout en relevant que la solidité intrinsèque du contractant qui appartient à un groupe réputé puissant n'était pas évoquée,pas plus que la durée de l'épisode, il a conclu que les conditions de la force majeure était remplies, l'impossibilité de stocker l'électricité qui conduit le fournisseur à devoir vendre à un prix inférieur au coût d'acquisition qui, lui, ne varie pas, entraînant des pertes significatives immédiates et définitives sur une durée dont elle n'a pas la maîtrise.
S'agissant des conséquences de cette force majeure, il a constaté que les dispositions de l'accord cadre étaient assez claires pour relever des pouvoirs du juge des référés et qu'en s'opposant à l'exécution d'un contrat dont les dispositions, s'agissant des articles 10 et 13, sont claires, qui trouvent au surplus à s'appliquer dans des périodes exceptionnelles impliquant des bouleversements économiques, EDF contribue à l'existence d'un trouble manifestement illicite.
Il a enfin dit l'ordonnance opposable à RTE estimant qu'il n'était pas sans intérêt que ce gestionnaire du réseau public de transport d'électricité soit informé des décisions prises.
Le 21 mai 2020 la société TDE a mis en demeure EDF de notifier à la CRE son absence d'opposition à l'interruption totale de la cession annuelle d'électricité pour le samedi 24 mai à 0H00, ce que EDF a fait par lettre du 22 mai, précisant toutefois le faire en exécution de l'ordonnance et sans acquiescement à la décision.
Le 26 mai 2020, la société TDE a proposé à EDF, à titre de solution amiable, de continuer à lui acheter de l'électricité au prix de l'ARENH pour un volume à déterminer en fonction de l'évolution de la consommation au prorata de ce que représente l'ARENH dans ses approvisionnement, tant qu'elle ne lui notifie pas la fin de l'événement de force majeure.
En réponse, la société EDF, dénonçant une fausse tentative de règlement amiable, a rappelé à la société TDE qu'il lui était interdit de remplacer un accord-cadre par un contrat ad hoc conclu exclusivement entre elles, de telles conditions de fournitures ne pouvant être proposées dans un cadre non réglementaire.
Par déclaration en date du 29 mai 2020, EDF a fait appel de cette décision, critiquant l'ordonnance en chacune de ses dispositions sauf celle recevant l'intervention volontaire de l'AFIEG. Puis EDF a sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe la société TDE, laquelle lui a été consentie le 10 juin 2020.
En application de l'article 13.2.1 de l'accord cadre qui stipule que la suspension de l'accord pendant plus de deux mois emporte droit à résiliation anticipée du contrat, EDF a notifié le 2 juin 2020 à la société TDE la résiliation du contrat-cadre, en rappelant cependant le faire à titre conservatoire dans l'attente de l'arrêt à intervenir.
La société TDE a contesté cette résiliation faisant valoir que la suspension n'avait pas duré plus de deux mois, puisqu'elle est intervenue le 22 mai 2020 et a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance du 1er juillet 2020, a ordonné la reprise de la cession d'électricité.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe par la voie électronique le 1er juillet 2020,
EDF demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a:
- ordonné à EDF de ne plus s'opposer à l'application de l'accord cadre la liant à la société TDE et notamment aux dispositions relatives à la suspension de son exécution résultant des articles 10 et 13 de l'accord,
- faire tout ce qu'il y a lieu en vue de parvenir à l'interruption de la cession annuelle visée au paragraphe relatif au point 3 de l'article 13-1 de l'accord cadre susvisé,
- dit que la présente ordonnance est opposable à la société RTE,
- condamné EDF à payer à la société TDE la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à l'AFIEG la somme de 5 000 euros,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné EDF aux dépens.
Et, statuant à nouveau de:
- dire n'y avoir lieu à référé,
- renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,
- condamner in solidum la société TDE et l'AFIEG à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,
- condamner in solidum la société TDE et l'AFIEG aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés directement par Maître C... H... conformément aux dispositions des articles 699 du code de procédure civile.
EDF expose en substance les éléments suivants :
- le dispositif, très réglementé s'impose à EDF tant en amont pour la détermination des volumes souscrits par les fournisseurs auprès de la CRE, la fixation du prix, le volume global maximal annuel d'électricité fournie au titre de l'ARENH, qu'en aval, seule la CRE pouvant suspendre les livraisons et surveiller les volumes souscrits par rapport à la consommation effective des clients finals,
- ce dispositif est au contraire optionnel pour les fournisseurs alternatifs qui peuvent choisir d'y souscrire ou non et ce chaque année, EDF étant ensuite tenue de livrer les volumes notifiés par la CRE,
- l'article R 336-10 du code de l'énergie dispose que "la transmission d'un dossier de demande d'ARENH à la CRE vaut engagement ferme de la part du fournisseur d'acheter les quantités totales de produit qui lui seront cédées au cours de la période de livraison à venir" soit pour une année,
- c'est dans ce contexte d'un rôle contraint et limité que doit être appréciée la mise en oeuvre de l'accord cadre et spécialement de la clause litigieuse relative à la force majeure,
- les mesures provisoires prises par les pouvoirs publics pendant la pandémie ont eu d'importantes incidences sur le marché de l'électricité, la baisse de consommation ayant été de 15 à 20 % en moyenne, par rapport aux niveaux habituellement constatés à cette période, mais tous les producteurs d'électricité, y compris EDF, ont été impactés,
- la baisse de la consommation d'électricité n'a finalement été que de l'ordre de 15 à 20 %, la reprise de la vie économique ayant par la suite atténué les effets de la crise sanitaire,
- les délibérations de la CRE des 26 mars et 9 avril 2020 excluent la mise en oeuvre de l'article 10 et cette commission qui est au centre du dispositif a refusé de notifier une évolution à la baisse des volumes ARENH, mais encouragé les facilités de paiement accordées aux fournisseurs,
- le Conseil d'Etat a reconnu que la reconnaissance de l'existence d'un cas de force majeure était un préalable à la suspension de l'accord, le juge devant apprécier au cas par cas si les conditions posées par l'article 10 sont réunies.
EDF sollicite l'infirmation de l'ordonnance en faisant valoir que:
- le juge des référés a excédé ses pouvoirs en interprétant la notion de 'impossibilité d'exécution dans des conditions économiques raisonnables' de l'article 10 du contrat-cadre, suffisamment discutée pour constituer une contestation sérieuse, et qu'il l'a de surcroît interprété de façon erronée, faisant de cette clause de force majeure une clause d'imprévision, qui supposerait l'obligation des parties de renégocier de bonne foi les termes du contrat en vue de son adaptation alors que l'article 15 du contrat cadre réserve expressément cette faculté au seul ministre de l'énergie sur proposition de la CRE,
- l'opposition d'EDF à la mise en oeuvre de l'article 13.1 ne peut être assimilée à un trouble manifestement illicite, l'expression 'de plein droit' signifiant que l'effet juridique se réalise sans qu'il soit au préalable nécessaire de le faire constater par un juge, mais non pas que le débiteur puisse le mettre en oeuvre de manière unilatérale et discrétionnaire, sans droit du créancier de s'y opposer, alors même qu'EDF conteste la survenance d'un événement de force majeure ; elle était bien fondée à s'opposer à la mise en oeuvre de l'accord cadre puisque la suspension ne peut s'opérer en l'absence de cas de force majeure qui doit donc être préalablement établi, interprétation que la délibération de la CRE, qui a rédigé l'accord cadre, confirme ; la force majeure ne peut être invoquée pour faire obstacle à une obligation de paiement et suppose tant un événement extérieur irrésistible et imprévisible qu'une impossibilité d'exécution, qui n'est pas démontrée par TDE avec l'évidence requise en référé ; en outre, cette interprétation méconnaît le caractère ferme de l'engagement sur une année et le fait que le prix du marché de gros est hors champ contractuel,
- les pertes alléguées ne constituent pas davantage un dommage imminent, au sens de l'article 873 du code de procédure civile, alors qu'en l'espèce les pertes sont déjà réalisées et que le niveau de consommation est désormais revenu à la normale, TDE réalisant par ailleurs des gains substantiels puisque les prix du marché de gros se sont mis à remonter pour atteindre 59 euros le MWh ; cette société dispose d'ailleurs de diverses sources d'approvisionnement, les données publiques évaluant l'ARENH à 55 % de l'approvisionnement total des fournisseurs alternatifs, de sorte qu'un excédent d'électricité ne signifie pas nécessairement un excédent d'ARENH et la stratégie de couverture mise en oeuvre par la société TDE n'est pas précisée ; il en résulte que le lien entre les pertes importantes immédiates et définitives et l'événement de force n'est donc pas établi.
- l'appréciation du juge des référés a donc été faite in abstracto et n'a pris en compte ni la faculté pour TDE de prendre en compte les livraisons, ni de payer les factures ou de mettre en place les garanties,
- la solution du juge des référés permettrait aux fournisseurs d'échapper à leurs obligations en invoquant la force majeure en se prévalant d'une simple absence partielle et temporaire de débouchés, alors que la notion de conditions économiques raisonnables ne peut viser qu'une situation de péril économique durable, ce que les fournisseurs ont d'ailleurs invoqué devant le Conseil d'Etat, et TDE ne montre pas que tel soit le cas pour elle,
- aucun effet d'aubaine n'en est résulté pour EDF qui supporte seule la responsabilité industrielle et se trouve exposée dans le cadre de ce dispositif.
Par conclusions remises au greffe le 2 juillet 2020 auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions, la société TDE demande à la cour, au visa de l'article 873 du code de procédure civile de:
- confirmer l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle a jugé que le comportement d'EDF constituait un trouble manifeste illicite,
- juger en tout état de cause que le comportement d'EDF constituait une violation de ses obligations non sérieusement contestables et causait un dommage imminent à Total Direct Energie,
en conséquence,
- confirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a fait injonction à EDF de "ne plus s'opposer à l'application de l'Accord-cadre la liant à la société TDE et notamment aux dispositions relatives à la suspension de son exécution résultant des articles 10 et 13 dudit accord" ; "en conséquence, faire tout ce qu'il y a lieu en vue de parvenir à l'interruption de la cession annuelle d'électricité visée au paragraphe relatif au point (3) de l'article 13-1 de l'accord-cadre susvisé".
En tout état de cause:
- débouter EDF de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouter RTE de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner EDF au paiement de la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner EDF aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
La société TDE soutient en substance que:
- si le dispositif de l'ARENH est d'origine légale, sa mise en oeuvre fait l'objet de contrats de droit privé,
- l'article 873 du code de procédure civile permet au juge de constater le trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance d'un contrat,
- l'accord-cadre signé entre les parties prévoit expressément un effet de plein droit de la clause de force majeure, à l'initiative de la partie qui l'invoque, sans que l'autre partie puisse y faire obstruction, et la CRE n'a aucune compétence pour interpréter ces dispositions, le contrat désignant le tribunal de commerce de Paris comme l'unique juridiction compétente pour régler tout différend,
- le refus d'EDF d'interrompre la cession d'électricité constitue donc un trouble manifestement illicite,
- l'article 873 alinéa 2 permet en toute hypothèse d'ordonner l'exécution d'une obligation dans les cas où son existence n'est pas sérieusement contestable, ce qui est le cas en l'espèce, les parties ayant donné à la force majeure une définition spécifique, dérogeant au droit commun, et la définissant comme l'impossibilité d'exécuter le contrat à des conditions économiquement raisonnables ; or elle démontre que tel est le cas en l'espèce, la consommation des professionnels ayant baissé de 27% par rapport aux prévisions, l'effondrement des prix liés à l'obligation de revendre immédiatement l'électricité qui ne peut être stockée entraînant des pertes importantes et définitives et sur une durée dont elle n'a pas la maîtrise, pertes qu'elle a évaluées à un montant minimum de 5M,
- le seul refus d'EDF de suspendre l'accord cadre a à lui seul fait basculer l'entreprise en pertes,
- TDE n'a pas demandé à être libérée de son obligation de paiement, mais démontre bien être dans l'impossibilité de prendre livraison de la totalité des volumes de l'ARENH dans la finalité de l'accord cadre, c'est-à-dire aux fins de répondre à la demande de ses clients,
- la force majeure n'a pas à s'apprécier sur le long terme comme le soutient EDF puisque le contrat prévoit une suspension immédiate et qu'au bout de 8 semaines d'interruption il y est mis fin,
- quand bien même TDE dispose d'autres sources d'approvisionnement, les autres contrats d'approvisionnement, qui ne représentent pas comme l'ARENH plus de 50 % de ses besoins, ne comportent pas de clause de force majeure, l'ARENH ayant justement pour objet d'assurer un équilibre concurrentiel avec la branche commerce d'EDF, alors que cette dernière peut seule adapter sa production à la baisse de la consommation,
- s'agissant de RTE, tout en admettant que cette société soit tenue à un devoir d'indépendance, elle rappelle qu'elle ne l'a pas mise en cause, ayant seulement demandé à ce que la décision lui soit rendue opposable puisqu'elle produit des effets à son égard et que, l'accord étant suspendu, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'accord cadre et s'abriter derrière un refus éventuel de la CRE de lui notifier l'interruption.
Par conclusions remises au greffe le 25 juin 2020, auxquelles la cour fait expressément
référence pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions, l'Association Française indépendante de l'électricité et du gaz (l'AFIEG) demande à la cour de:
- débouter la société EDF de son appel,
- confirmer dans son intégralité l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 20 mai 2020,
- condamner la société EDF à lui verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'AFIEG, après avoir rappelé la genèse et le fonctionnement du dispositif ARENH et rappelé qu'il a pour objectif de bénéficier exclusivement aux consommateurs et de garantir une ouverture effective du marché à la concurrence, soutient en substance que:
- la situation s'est avérée extrêmement grave pour les fournisseurs d'électricité alimentant les sites industriels et tertiaires qui ont subi une baisse de leur chiffre d'affaires du fait de la baisse de la consommation ayant atteint en moyenne entre 25 % et 30 % depuis le début des mesures de confinement, avec des baisses atteignant 57 % sur le secteur du transport ferroviaire et qui ont dû dans le même temps accorder des délais de paiement à certains de leurs clients, ce qui les a placés dans une impasse, les quantités d'électricité ayant été commandées au titre de l'accord-cadre ARENH, à un prix défini à l'avance, et les a contraints à demander l'application de la clause contractuelle de force majeure,
- après s'être opposée à l'interruption demandée, EDF a persisté dans sa pratique d'obstruction et résilié les accords-cadres conclus avec les fournisseurs en invoquant une disposition du contrat nécessitant une suspension de plus de deux mois, résiliation qu'il a fallu contester en saisissant à nouveau le juge des référés,
- les clauses dont l'application ont été demandées ne souffrent aucune interprétation et l'accord cadre ne distingue pas selon les obligations s'imposant aux fournisseurs,
- la clause de force majeure doit s'appliquer à la lettre sans que l'on cherche à en réduire la portée sous prétexte que l'ARENH serait réglementé,
- le dispositif est constitué de façon à empêcher tout effet d'aubaine pour les fournisseurs, alors qu'EDF, qui est producteur, a pu réduire sa production et a au contraire bénéficié d'un effet d'aubaine en vendant à 42 euros le KWh de l'électricité achetée beaucoup moins chère sur le marché de gros,
- la position soutenue par EDF tendant à dénier la compétence du juge des référés aboutirait à un déni de justice puisqu'elle considère qu'aucun juge des référés ne serait compétent pour statuer sur l'existence d'une situation de force majeure : ni le Conseil d'Etat dès lors que les différends de l'article 10 relèvent du juge judiciaire, ni le juge judiciaire statuant en référé puisque celui-ci devrait renvoyer au juge du fond,
- l'accord cadre reconnaît une faculté de résiliation aux fournisseurs en cas de variation du prix de l'ARENH de plus de 2 %, alors que l'événement de force majeure a eu une incidence bien plus importante sur les prix, la vente à perte n'étant pas économiquement raisonnable.
Par conclusions remises au greffe le 24 juin 2020, auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions, la société RTE demande à la cour de:
- infirmer l'ordonnance du 20 mai 2020 mais uniquement en ce qu'elle a rejeté la demande de mise hors de cause de Réseau de Transport d'Electricité,
Et, statuant à nouveau,
A titre principal dire que la mise en cause de Réseau de Transport d'Electricité par Total Direct Energie afin de lui rendre opposable l'ordonnance à intervenir est irrecevable,
En conséquence,
- rejeter la demande de Total Direct Energie en ce qu'elle vise à rendre l'ordonnance à intervenir opposable à Réseau de Transport d'Electricité,
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour d'appel de Paris viendrait à considérer que la mise en cause de Réseau de Transport d'Electricité aux fins de déclaration d'ordonnance commune est recevable,
- donner acte à Réseau de Transport d'Electricité qu'il ne peut intervenir sur la gestion des flux physiques d'électricité liés à l'Accès Régulé à l'Electricité Nucléaire Historique dans le cadre de sa mission d'exploitation du réseau public de transport d'électricité qu'en application d'une notification préalable de la Commission de Régulation de l'Energie.
La société RTE expose en substance qu'en sa qualité d'opérateur régulé elle est soumise à son autorité de régulation, la CRE, et ne peut donc procéder seule à l'interruption des livraisons d'électricité sans une notification préalable en ce sens émise par la CRE, conformément au dispositif institué pour l'ARENH et notamment l'article R 336-19 du code de l'énergie, et sauf à méconnaître ses obligations en matière d'indépendance, de non-discrimination et d'équité de traitement qui lui interdisent de prendre part au différend opposant la société TDE à EDF, que la société TDE ne démontre aucun intérêt à lui rendre opposable l'ordonnance à intervenir.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens respectifs.
MOTIFS:
Sur les demandes de la société TDE:
Il sera au préalable relevé que la disposition de la décision déclarant recevable l'intervention volontaire de l'AFIEG n'a pas l'objet d'un appel et est donc définitive.
Aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé à l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Le refus pour une partie d'exécuter une disposition du contrat ne souffrant d'aucune difficulté d'interprétation est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite dès lors que le comportement de cette partie remet en cause de manière flagrante le principe de la force obligatoire des contrats et est contraire au principe selon lequel nul ne peut se faire justice à soi-même.
Ce comportement ne peut perdre son caractère de trouble manifestement illicite que si le comportement de l'autre partie est susceptible de constituer lui-même un trouble manifestement illicite.
En l'espèce si l'accord cadre signé le 4 mai 2016, dont la violation est alléguée, est, comme le soutient EDF, une convention type réglementée par l'arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, il n'en a pas moins été signé entre les seules sociétés EDF et TDE.
Ainsi que le souligne la société TDE, bien que d'origine réglementaire, cet accord cadre est un contrat de droit privé relevant de la juridiction du tribunal de commerce de Paris.
Cet accord fixe les obligations des parties qui, pour la société EDF, consistent à livrer à l'acheteur, par demi-heure, les quantités déterminées par la CRE et, pour la société TDE, acheteur, consistent à "s'engager à prendre livraison de la totalité des produits cédés, objets de la notification de cession annuelle d'électricité" (article 4.2.2), à en payer le prix à la CDC agissant au nom et pour le compte d'EDF (article 8.3) et enfin à prendre une garantie couvrant ses défauts de paiement.
L'obligation principale de la société TDE est donc de prendre livraison des quantités cédées.
Cet accord comporte notamment deux dispositions dont l'application est au coeur du litige, d'une part l'article 10 qui définit la force majeure comme étant "un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l'exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables" et d'autre part l'article 13.1 qui permet de suspendre l'exécution de l'accord cadre dans 4 cas, et notamment, au point 3, "en cas de survenance d'un événement de force majeure défini à l'article 10 de l'accord cadre", stipulant que "la suspension prend effet dès la survenance de l'événement de force majeure et entraîne de plein droit l'interruption de la cession annuelle d'électricité" et prévoyant que la partie invoquant la force majeure doit la notifier à la CRE, à la CDC et à l'autre partie dans les conditions prévues à l'article 10 lequel dispose que "la partie souhaitant invoquer le bénéfice de la force majeure devra, dès connaissance de la survenance de l'événement de force majeure, informer l'autre partie, la CDC et la CRE, par lettre recommandée avec accusé de réception, de l'apparition de cet événement et, dans la mesure du possible, leur faire part d'une estimation, à titre indicatif, de l'étendue et de la durée probable de cet événement (...) Les obligations des parties sont suspendues pendant la durée de l'événement de force majeure".
La société TDE soutient que le refus d'EDF de faire application de plein droit de la clause de force majeure est constitutif d'un trouble manifestement illicite puisque la suspension de l'accord doit donc être immédiate dès la notification de la survenance d'un événement de force majeure, sans intervention du juge et sans que le co-contractant puisse s'y opposer, sauf à saisir ensuite le juge du contrat pour faire trancher le point de savoir si l'événement allégué revêtait ou non les caractères de la force majeure telle que définie au contrat.
La société EDF au contraire soutient être bien fondée à s'opposer à la mise en oeuvre de l'article 13.1 de l'accord cadre, l'expression 'de plein droit' ne signifiant pas que la disposition contractuelle puisse être mise en oeuvre de façon unilatérale et discrétionnaire par le débiteur sans possibilité pour le créancier de faire valoir les conditions contractuelles et que le préalable est la survenance d'un événement de force majeure dont elle conteste la réalité.
Elle soutient qu'aucune des dispositions ne prévoit qui doit saisir le juge en cas de désaccord.
Or les dispositions de l'article 13-1 ne font aucune référence à un quelconque accord préalable de la CRE ou de la CDC mais seulement à une notification qui leur est réalisée dans le même temps qu'elle l'est à EDF.
Ce dispositif est clairement, et sans qu'il y ait lieu à une quelconque interprétation, présenté comme ayant un effet automatique. Il ne contient que des affirmations:
- "la partie souhaitant invoquer le bénéfice de la force majeure devra (...), informer l'autre partie, la CDC et la CRE,
- les obligations des parties sont suspendues pendant la durée de l'événement de force majeure
- la suspension prend effet,
- elle entraîne de plein droit".
Cette temporalité est d'ailleurs adaptée à ce cadre de contrat, d'une durée seulement annuelle, et manifestement en lien avec l'impossibilité matérielle de stocker l'électricité livrée et qui ne pourrait être vendue, de sorte qu'aucun retard n'est envisageable.
Cette clause est en outre parfaitement bilatérale et ne réserve ni à l'une ni à l'autre partie la possibilité d'invoquer la force majeure, mais préserve les droits de chacune, puisque la partie qui subit l'interruption et qui en conteste le bien fondé peut, d'une part, saisir le juge des référés pour faire valoir que l'événement invoqué ne relève manifestement pas d'un cas de force majeure, ou encore le juge du fond en réparation de son préjudice éventuel si la clause a été mise en oeuvre à mauvais escient et, d'autre part, mettre fin au contrat au motif de cette interruption lorsque celle-ci a duré deux mois.
En l'espèce la société TDE a notifié le 27 mars 2020 un événement de force majeure à EDF, à la CRE et à la CDC en se prévalant de 'l'impossibilité d'exécuter ses obligations dans des conditions économiquement raisonnables' compte tenu de la baisse très importante des volumes consommés par ses clients, l'obligeant, faute de pouvoir les stocker, à les revendre sur les marchés de gros à un prix très inférieur au prix payé, et à faire face en outre à une hausse des impayés pour une période alors indéterminée.
Les formes requises par le contrat ont donc bien été respectées.
Il s'ensuit qu'alors que la société EDF fonde son refus d'interrompre la cession annuelle d'électricité sur la contestation de la caractérisation d'un cas de force majeure, elle ne peut être accueillie en ses moyens de défense qu'à charge pour elle de justifier que l'événement invoqué ne constitue manifestement pas un tel cas, et ce avec l'évidence requise en référé, de sorte que la seule solution ultérieure devant les juges du fond ne pourra qu'être la constatation que cette clause a été mise en oeuvre à tort.
Or la définition contractuelle de la force majeure par l'accord liant les parties est d'une acception manifestement plus large que la notion telle qu'elle était retenue en droit civil lors de la conclusion du contrat, puisqu'elle fait référence à l'impossibilité d'exécuter dans des conditions économiques raisonnables et en l'espèce, l'événement de force majeure invoqué est l'épidémie de Covid 19 et les mesures sanitaires et légales drastiques qui ont été prises pour la juguler et ont eu une incidence très importante sur la consommation d'électricité et le niveau du prix de celle-ci.
Il en ressort qu'au regard des éléments de la cause (définition contractuelle de la force majeure, nature de l'événement allégué) il n'apparaît pas que la réalité d'un cas de force majeure au sens du contrat puisse être écartée avec l'évidence requise en référé.
En conséquence, le trouble manifestement illicite visé à l'article 873, alinéa 1 du code de procédure civile est caractérisé par le refus d'EDF d'interrompre la cession d'électricité et l'ordonnance frappée d'appel sera confirmée en ce qu'elle a ordonné à EDF d'interrompre l'exécution du contrat depuis le 17 mars 2020, date de l'événement de force majeure invoqué.
Cette interruption n'est en revanche plus nécessaire pour l'avenir puisque la société TDE a notifié à EDF la fin de l'événement et, qu'après une procédure en référé, les livraisons d'ARENH ont repris le 17 juin 2020.
Sur les demandes de la société RTE:
Aux termes de l'article 331 du code de procédure civile 'un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement'.
S'il est incontestable que la société RTE n'intervient dans le dispositif ARENH que selon les notifications de la CRE, sa mise en cause n'en est pas moins nécessaire en ce qu'elle est chargée de l'acheminement de l'électricité qui est au coeur du présent litige et doit avoir connaissance de la décision prise qui lui sera opposable et que la société TDE a intérêt à ce que tel soit le cas.
La demande de la société TDE sur ce point est donc recevable et bien fondée et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit l'ordonnance opposable à RTE.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance du 20 mai 2020 sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et sauf à préciser qu'il est simplement ordonné à EDF d'interrompre la cession annuelle d'électricité entre le 17 mars et le 17 juin 2020,
Condamne EDF à payer à la société Total Direct Energie la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel,
Condamne EDF à payer à l'AFIEG la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes sur ce fondement,
Condamne la société Electricité de France aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.