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Décisions

CJUE, 1re ch., 3 septembre 2020, n° C-84/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Profi Credit Polska SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Bonichot

Juges :

M. Safjan, M. Bay Larsen, Mme Toader (rapporteure), M. Jääskinen

Avocat général :

M. Hogan

Avocat :

Mme Tomczyk

CJUE n° C-84/19

3 septembre 2020

LA COUR (première chambre),

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011 (JO 2011, L 304, p. 64) (ci-après la « directive 93/13 »), ainsi que de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14, JO 2010, L 199, p. 40, JO 2011, L 234, p. 46, JO 2015, L 36, p. 15).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de trois litiges opposant Profi Credit Polska, BW et QL, trois établissements de crédit, à, respectivement, QJ, DR et CG, trois consommateurs, au sujet du recouvrement, auprès de ces derniers, de sommes réclamées par ces établissements de crédit au titre de contrats de crédit à la consommation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 93/13

3 Les douzième, treizième, seizième et vingtième considérants de la directive 93/13 sont libellés comme suit :

« considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable ; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive ; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive ;

considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ; 

[...]

considérant [...] que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ;

[...]

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ».

4 L’article 1er de cette directive prévoit :

« 1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives [...] ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

6 L’article 4 de la même directive dispose :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. 

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

7 L’article 5 de la directive 93/13 prévoit :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7, paragraphe 2. »

8 Selon l’article 6, paragraphe 1, de cette directive :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

9 L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive est libellé dans les termes suivants :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

10 L’article 8 de la même directive prévoit :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

11 L’article 8 bis, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :

« Lorsqu’un État membre adopte des dispositions conformément à l’article 8, il informe la Commission de l’adoption desdites dispositions ainsi que de toutes modifications ultérieures [...] »

La directive 2008/48

12 Les considérants 7, 9 et 20 de la directive 2008/48 sont libellés comme suit :

« (7) Afin de faciliter l’émergence d’un marché intérieur performant en matière de crédit aux consommateurs, il est nécessaire de prévoir un cadre communautaire harmonisé dans un certain nombre de domaines clés. Compte tenu du développement constant du marché du crédit aux consommateurs et de la mobilité croissante des citoyens européens, une législation communautaire tournée vers l’avenir, capable de s’adapter aux futures formes du crédit et offrant aux États membres un degré de souplesse approprié dans la transposition de ses dispositions, devrait permettre d’établir un ensemble moderne de règles sur le crédit aux consommateurs.

[...]

(9) Une harmonisation complète est nécessaire pour assurer à tous les consommateurs de la Communauté un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts et pour créer un véritable marché intérieur. [...]

[...]

(20) Le coût total du crédit pour le consommateur devrait inclure tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, la rémunération des intermédiaires de crédit et les autres frais éventuels que le consommateur est tenu de payer dans le cadre du contrat de crédit, à l’exception des frais de notaire. La connaissance réelle que le prêteur a des coûts devrait être évaluée objectivement en tenant compte des règles de diligence professionnelle. »

13 Selon l’article 3 de cette directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “consommateur” : toute personne physique qui, pour les transactions régies par la présente directive, agit dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ;

[...]

g) “coût total du crédit pour le consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire ; ces coûts comprennent également les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit, notamment les primes d’assurance, si, en outre, la conclusion du contrat de service est obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales ;

h) “montant total dû par le consommateur”: la somme du montant total du crédit et du coût total du crédit pour le consommateur ;

[...] »

14 L’article 8 de ladite directive, intitulé « Obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur évalue la solvabilité du consommateur, à partir d’un nombre suffisant d’informations, fournies, le cas échéant, par ce dernier et, si nécessaire, en consultant la base de données appropriée. Les États membres dont la législation prévoit l’évaluation obligatoire par le prêteur de la solvabilité du consommateur sur la base d’une consultation de la base de données appropriée peuvent maintenir cette obligation. »

15 L’article 10 de la même directive, intitulé « Information à mentionner dans les contrats de crédit », prévoit :

« 1. Les contrats de crédit sont établis sur un support papier ou sur un autre support durable.

Toutes les parties contractantes reçoivent un exemplaire du contrat de crédit. Le présent article s’applique sans préjudice de toutes les règles nationales relatives à la validité de la conclusion des contrats de crédit qui sont conformes au droit communautaire.

2. Le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise :

[...]

d) le montant total du crédit et les conditions de prélèvement ;

[...]

g) le taux annuel effectif global et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit ; toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;

[...]

u) le cas échéant, les autres clauses et conditions contractuelles ;

[...] »

16 L’article 21 de la directive 2008/48 dispose :

« Les États membres veillent à ce que :

[...]

b) tout frais éventuel dû par le consommateur à l'intermédiaire de crédit pour ses services est communiqué au consommateur et convenu entre celui-ci et l'intermédiaire de crédit sur support papier ou autre support durable avant la conclusion du contrat de crédit ;

[...] »

17 Aux termes de l’article 22 de cette directive, intitulé « Harmonisation et caractère impératif de la présente directive » :

« 1. Dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent maintenir ou introduire dans leur droit national d’autres dispositions que celles établies par la présente directive.

[...]

3. Les États membres veillent, en outre, à ce que les dispositions qu’ils adoptent pour la mise en œuvre de la présente directive ne puissent être contournées par le biais du libellé des contrats, notamment en intégrant des prélèvements ou des contrats de crédit relevant du champ d’application de la présente directive dans des contrats de crédit dont le caractère ou le but permettrait d’éviter l’application de celle-ci.

[...] »

Le droit polonais

Le code civil

18 Aux termes de l’article 3851, paragraphe 1, du kodeks cywilny (code civil), dans sa version en vigueur à la date des faits des litiges au principal (ci-après le « code civil ») :

« Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant manifestement atteinte à ses intérêts (clauses illicites). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui définissent les obligations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non équivoque. »

19 L’article 720, paragraphe 1, de ce code dispose :

« En vertu du contrat de prêt, le prêteur s’engage à transmettre à l’emprunteur la propriété d’une quantité définie d’argent ou de choses déterminées uniquement quant à leur espèce et l’emprunteur s’engage à restituer la même quantité d’argent ou la même quantité de choses de la même espèce et de la même qualité. »

La loi relative au crédit à la consommation

20 L’ustawa o kredycie konsumenckim (loi relative au crédit à la consommation), du 12 mai 2011 (Dz. U. n° 126, position 715), dans sa version en vigueur à la date des faits des litiges au principal (ci-après la « loi relative au crédit à la consommation »), transpose la directive 2008/48 dans l’ordre juridique polonais.

21 L’article 5, paragraphe 1, de cette loi définit les termes suivants :

« [...]

6) coût total du crédit – tous les coûts obligatoires pour le consommateur en vertu du contrat de crédit, notamment :

a) les intérêts, les frais, les commissions, les taxes et les marges, s’ils sont connus du prêteur et

b) les coûts de prestations supplémentaires, notamment des assurances, si leur prise en charge est nécessaire pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions offertes, sauf en ce qui concerne les frais de notaire à la charge du consommateur ;

6-a) coût du crédit hors intérêts – tous les coûts qui pèsent sur le consommateur en vertu du contrat de crédit à la consommation, à l’exception des intérêts ;

7) montant total du crédit – montant maximal de toutes les sommes, hors coûts du crédit, versées par le prêteur au consommateur en vertu du contrat de crédit, et, pour les contrats qui ne prévoient pas ce montant maximal, le total des sommes, hors coûts du crédit, versées par le prêteur au consommateur en vertu du contrat de crédit ;

8) montant total à payer par le consommateur – somme du coût total du crédit et du montant total du crédit.

[...] »

22 L’article 36a de ladite loi dispose :

« 1. Le montant maximal des coûts du crédit hors intérêts est calculé selon la formule suivante :

MPKK ≤ (K × 25 %) + (K × N/R × 30 %)

dans laquelle chacun des symboles signifie comme suit :

MPKK – montant maximal des coûts du crédit hors intérêts,

K – montant total du crédit,

n – durée de remboursement exprimée en jours,

R – nombre de jours dans l’année.

2. Les coûts du crédit hors intérêts pour toute la durée du crédit ne peuvent pas dépasser le montant total du crédit.

3. Les coûts du crédit hors intérêts découlant du contrat de crédit à la consommation ne sont pas dus pour la part qui dépasse le montant maximal des coûts du crédit hors intérêts calculé conformément au paragraphe 1, ou le montant total du crédit. »

Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

L’affaire C84/19

23 Le 19 septembre 2016, Profi Credit Polska a consenti, par le biais d’un intermédiaire, un crédit à la consommation à QJ. Ce contrat portait sur une somme de 9000 zlotys polonais (PLN) (environ 2090 euros) et le remboursement devait s’échelonner sur une période de 36 mois. Ledit contrat prévoyait un taux d’intérêt de 9,83 % par an, ainsi que le paiement préalable d’une somme de 129 PLN (environ 30 euros), d’une commission de 7 771 PLN (environ 1 804 euros) et d’une somme de 1 100 PLN (environ 255 euros) au titre d’un produit financier dénommé « Ton Paquet – Paquet Extra ».

24 Profi Credit Polska a sollicité, devant la juridiction de renvoi, le Sąd Rejonowy Szczecin – Prawobrzeże i Zachód w Szczecinie (tribunal d’arrondissement de Szczecin, responsable des zones de la rive droite et de l’Ouest, Pologne), une injonction de paiement fondée sur un billet à ordre émis par QJ. Cette juridiction a rendu un jugement par défaut, contre lequel QJ a formé opposition et dans le cadre de laquelle il a argué du caractère abusif des dispositions du contrat de prêt.

25 La juridiction de renvoi a constaté que ce contrat ne définissait pas les notions de « paiement préalable » ou de « commission » ni ne précisait à quelles prestations concrètes elles correspondaient. Quant au produit dénommé « Ton Paquet – Paquet Extra », celui-ci permettrait au consommateur de bénéficier d’un report unique du paiement de deux mensualités ou d’un abaissement du niveau de quatre mensualités, avec, en cas de report, une prolongation en conséquence de la durée du contrat ou, en cas d’abaissement du montant de la mensualité, avec l’obligation, pour le consommateur, de s’acquitter d’un versement ultérieur.

26 Ce ne serait qu’au cours de la procédure devant la juridiction de renvoi que Profi Credit Polska aurait précisé que la « commission » constituait la contrepartie de l’octroi du prêt et que le « paiement préalable » correspondait aux coûts supportés par le professionnel au titre de la conclusion du contrat. Les intérêts formeraient, quant à eux, la contrepartie de l’utilisation, par l’emprunteur, des fonds prêtés.

27 Selon cette juridiction, les coûts du crédit hors intérêts prévus par le contrat souscrit par QJ ont été fixés à hauteur du plafond prévu à l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation. Tout d’abord, cette juridiction éprouve des doutes quant au fait que le contrôle de l’éventuel caractère abusif des clauses contractuelles relatives au paiement de ces différentes sommes au titre du coût du crédit est ou non exclu du champ d’application de la directive 93/13, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.

28 Ensuite, si de telles clauses contractuelles devaient relever du champ d’application de la directive 93/13, la juridiction de renvoi se pose la question de savoir si une appréciation du caractère abusif de celles-ci est possible à la lumière du libellé de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive. En particulier, selon cette juridiction, la question du montant des paiements pourrait relever de l’exception d’« objet principal du contrat » ou d’« adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part », au sens de ladite disposition.

29 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que des différences importantes existent entre le libellé de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et celui de l’article 3851, paragraphe 1, du code civil, qui a transposé la première de ces dispositions en droit interne. Il résulterait en effet de cet article du code civil que l’appréciation du caractère abusif par le juge national n’est exclue qu’en ce qui concerne l’adéquation entre le prix et la rémunération de la prestation principale des parties.

30 Enfin, concernant l’exigence de transparence établie par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la possibilité de considérer comme étant rédigé de façon compréhensible un contrat qui institue des intérêts, un paiement et une commission, sans expliquer les différences entre ces éléments et les services auxquels ces paiements correspondent. De plus, la manière dont les clauses sont formulées pourrait donner l’impression que certains prélèvements découleraient d’une obligation légale. En outre, l’utilisation de la notion de « commission » pourrait suggérer qu’il s’agit de rémunérer l’intermédiaire, dont la relation avec le préteur n’était pas précisée.

31 Dans ces circonstances, le Sąd Rejonowy Szczecin – Prawobrzeże i Zachód w Szczecinie (tribunal d’arrondissement de Szczecin, responsable des zones de la rive droite et de l’Ouest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1) L’article 1er, paragraphe 2, de la [directive 93/13] doit-il être interprété en ce sens qu’il exclut l’application des dispositions de ladite directive en matière d’appréciation du caractère abusif des différentes clauses relatives aux coûts du crédit hors intérêts, lorsque des dispositions législatives impératives d’un État membre instaurent un plafond pour ces coûts, en prévoyant que les coûts du crédit hors intérêts qui résultent d’un contrat de crédit à la consommation ne sont pas dus, pour la partie dépassant les coûts maximaux du crédit hors intérêts, calculés de la manière prévue par la loi, ou le montant total du crédit ?

2) L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que le coût hors intérêts, qui est supporté et payé par l’emprunteur parallèlement à l’emprunt, en sus des intérêts, et lié à la conclusion du contrat et à l’octroi du prêt, en tant que tels (ce coût revêtant la forme d’un paiement, d’une commission ou une autre nature), en tant que clause dudit contrat, n’est pas soumis à l’appréciation visée par cette disposition, dans le contexte de son caractère abusif, si cette même clause a été rédigée de façon claire et compréhensible ?

3) L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que les clauses contractuelles instaurant divers types de coûts liés à l’octroi du prêt ne sont pas “rédigées de façon claire et compréhensible” si elles ne précisent pas quels sont concrètement les services réciproques en échange desquels lesdits coûts sont prélevés et si elles ne permettent pas au consommateur de déterminer les différences entre ces coûts ? »

L’affaire C222/19

32 BW et DR ont conclu, le 8 mars 2018, un contrat de crédit à la consommation portant sur une somme totale de 9 225 PLN (environ 2 148 euros) et une durée de deux ans, remboursable en 24 mensualités. Ce contrat était garanti par un billet à ordre, signé en blanc par DR.

33 Cette somme se composait d’un montant en capital de 4 500 PLN (environ 1 048 euros), d’intérêts rémunératoires contractuels d’un montant de 900 PLN (environ 210 euros), de frais d’octroi du prêt de 1 125 PLN (environ 262 euros) et de frais de gestion du prêt pour toute la durée de celui-ci de 2 700 PLN (environ 628 euros). Les intérêts rémunératoires contractuels étaient calculés selon un taux variable qui s’élevait à 10 % par an au moment de la conclusion du contrat. Le taux annuel effectif global a été fixé à 119,42 %.

34 Les coûts maximaux du crédit hors intérêts, composés des frais d’octroi du prêt et des frais de gestion, calculés selon la formule prévue à l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation, s’élevaient à 3 825 PLN (environ 867 euros). La juridiction de renvoi précise que ce montant n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et que le contrat a été rédigé suivant un modèle préétabli.

35 DR a reçu le montant du prêt et a effectué des paiements à hauteur de 1913,10 PLN (environ 445 euros), qui ont été pris en compte en déduction des sommes dues au titre du remboursement de celui-ci, en capital et intérêts moratoires contractuels. À la suite du défaut de paiement de DR, BW a dénoncé le contrat et a introduit, devant la juridiction de renvoi, le Sąd Rejonowy w Opatowie (tribunal d’arrondissement d’Opatów, 1re division civile, Pologne), une demande d’injonction de paiement fondée sur le billet à ordre en blanc préalablement signé par DR.

36 Dans le cadre de la procédure devant cette juridiction, BW a précisé que la commission pour l’octroi du prêt était composée, entre autres, d’une rémunération versée à un intermédiaire financier, représentant 12 % du montant total du crédit, des coûts d’accès au système en vue de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, des coûts de rémunération des travailleurs en charge de l’octroi des prêts, des coûts de vérification de documents, incluant de coûts d’appel pour vérifier les revenus déclarés. La somme revenait à un total de 25 % du montant total du prêt au sens de l’article 5, point 7, de la loi relative au crédit à la consommation.

37 Quant aux coûts de gestion du prêt, s’élevant à 30 % du montant de crédit pour chaque année de gestion, ceux-ci seraient composés des coûts de rémunération du personnel en charge des encaissements mensuels, d’entretien de bureaux, de maintien des lignes de communication, de la comptabilité, de la gestion des comptes individuels, des systèmes informatiques pour la gestion de la dette, de la correspondance incluant des SMS de rappel de paiement, des matériaux de bureau et d’accès aux bases de données.

38 En ce qui concerne, en l’occurrence, les coûts liés à la conclusion et à la gestion du contrat de crédit à la consommation de DR, BW a refusé d’en indiquer les montants exacts au motif que cela nécessiterait la mobilisation de moyens importants, qui dépasseraient les montants prétendument dus, et pourrait violer, en outre, le secret bancaire et les règles de protection des données à caractère personnel.

39 La juridiction de renvoi précise que, selon la méthode de calcul de l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation, le « coût total du crédit hors intérêts » peut s’élever à des sommes représentant entre 25 et 100 % du montant total du crédit en fonction de la durée de remboursement : 55 % à l’échelle d’une année, 85 % à l’échelle de deux ans, et 100 % au-delà de deux ans.

40 La juridiction de renvoi émet des doutes quant à la compatibilité de cette disposition de droit national avec la directive 93/13. Elle relève notamment que le plafond établi par le législateur national est calculé en prenant en compte les coûts réellement liés non seulement à la conclusion et à la gestion d’un contrat de crédit concret, mais également à l’activité économique générale du prêteur. Par conséquent, ce plafond impératif permettrait la répercussion sur le consommateur des coûts liés à l’activité économique générale du préteur.

41 Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy w Opatowie (tribunal d’arrondissement d’Opatów, 1re division civile) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de la directive [93/13] et en particulier l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ainsi que les principes de droit de l’Union relatifs à la protection du consommateur et à l’équilibre contractuel, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à l’instauration, dans l’ordre [juridique] national, de l’institution des “coûts maximaux du crédit hors intérêts” et du modèle mathématique de calcul du montant de ces coûts, prévus à l’article 5, point 6-a, lu conjointement avec l’article 36-a de la [loi relative au crédit à la consommation], ces mécanismes juridiques permettant d’inclure également, dans les coûts afférents au contrat de crédit qui sont supportés par le consommateur (coût total du crédit), les coûts de l’activité économique exercée par l’entreprise ? »

L’affaire C252/19

42 QL et CG ont conclu, le 31 août 2016, un contrat de crédit à la consommation portant sur une somme totale de 10 764 PLN (environ 2 474 euros), y compris des intérêts de 9,81 % par an, et une durée de trois ans, le remboursement devant s’effectuer en 36 mensualités. Le taux effectif global du crédit s’élevait à 77,77 %. En garantie du remboursement de celui-ci, CG a signé un billet à ordre en blanc.

43 La somme totale de 10 764 PLN (environ 2 474 euros) était composée du capital mis à la disposition de CG par QL, soit 5 000 PLN (environ 1 149 euros), de frais de dossier à concurrence de 129 PLN (environ 29 euros), de frais relatifs à un produit dénommé « Ton Paquet » représentant un montant de 3 939 PLN (environ 905 euros) et des intérêts rémunératoires de 796 PLN (environ 182 euros). Par conséquent, le coût total du crédit hors intérêts s’élevait à 4968 PLN (environ 1 142 euros). Ce dernier aurait été calculé en faisant application de la formule mathématique visée à l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation et n’aurait pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

44 CG a effectué des paiements à hauteur de 5 783 PLN (environ 1 347 euros). QL a introduit une procédure d’injonction de paiement devant la juridiction de renvoi, le Sąd Rejonowy w Opatowie (tribunal d’arrondissement d’Opatów, 1re division civile, Pologne), sur le fondement du billet à ordre complété à son profit.

45 Cette juridiction éprouve des doutes quant à la conformité d’une disposition nationale telle que l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation à la directive 2008/48. Ces doutes sont notamment liés à la façon dont le législateur polonais aurait calculé ce plafond supérieur, en incluant dans son calcul non seulement des coûts du crédit habituellement liés à la conclusion et à la gestion d’un contrat de crédit à la consommation en particulier, mais également des coûts liés à l’activité économique des prêteurs, en général.

46 Eu égard à l’harmonisation complète réalisée par la directive 2008/48 dans certains domaines du crédit à la consommation, les États membres ne pourraient inclure des nouvelles catégories de coûts qui ne seraient pas compatibles avec les domaines harmonisés par cette directive. Or, par la méthode de calcul du montant maximal du « coût total du contrat hors intérêts », le législateur polonais aurait permis aux prêteurs d’imposer aux consommateurs des charges financières supérieures à celles envisagées à l’article 3, sous g), de ladite directive. Cette législation s’avérerait, partant, de nature à porter atteinte à la protection du consommateur, contrairement aux intentions du législateur national.

47 Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy w Opatowie (tribunal d’arrondissement d’Opatów, 1re division civile) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de la directive [2008/48] et, en particulier, l’article 3, sous g), et l’article 22, paragraphe 1, de ladite directive doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à l’instauration, dans l’ordre [juridique] national, de l’institution des “coûts maximaux du crédit hors intérêts” et du modèle mathématique de calcul du montant de ces coûts, prévus à l’article 5, point 6-a, lu conjointement avec l’article 36-a de la [loi relative au crédit à la consommation], ces mécanismes juridiques permettant d’inclure également, dans les coûts afférents au contrat de crédit qui sont supportés par le consommateur (coût total du crédit), les coûts de l’activité économique exercée par l’entreprise ? »

48 Par décision du président de la Cour du 14 mai 2019, les affaires C‑222/19 et C‑252/19 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et de l’arrêt.

49 Par décision du président de la Cour du 10 décembre 2019, les affaires C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19 ont été jointes aux fins de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur la question dans l’affaire C252/19

50 Par sa question dans l’affaire C‑252/19, qu’il convient d’analyser en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous g), et l’article 22 de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale relative au crédit à la consommation qui établit un mode de calcul du montant maximal du coût du crédit hors intérêts pouvant être mis à charge du consommateur, dès lors que ce mode de calcul permet au professionnel de faire supporter à ce consommateur une quote-part des frais généraux liés à l’exercice de son activité économique.

51 Il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon son article 1er, la directive 2008/48 a pour objet d’harmoniser certains aspects des règles des États membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs.

52 Ensuite, il résulte de l’article 22, paragraphe 1, de cette directive que, dans la mesure où celle-ci contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent pas maintenir ou introduire des dispositions nationales autres que celles qui sont prévues par ladite directive.

53 Enfin, afin d’assurer une protection étendue des consommateurs, le législateur de l’Union retient, à l’article 3, sous g), de ladite directive, une définition large de la notion de « coût total du crédit pour le consommateur », comme visant tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire (arrêt du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C‑779/18, EU:C:2020:236, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

54 Or, il convient de constater que cette définition ne contient aucune limitation concernant le type ou la justification des frais pouvant être imposés au consommateur dans le cadre d’un tel contrat de crédit (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C‑779/18, EU:C:2020:236, points 40 et 42). Il ne peut, partant, être déduit des termes de ladite définition qu’il est exclu de mettre à charge du consommateur des frais liés à l’activité économique du prêteur, tels que des frais d’infrastructure ou de personnel.

55 Par conséquent, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 118 de ses conclusions, la directive 2008/48 ne vise pas à harmoniser la répartition des frais dans le cadre d’un contrat de crédit, de sorte que les États membres demeurent compétents pour prévoir des mécanismes de réglementation de ces frais, pour autant que ceux-ci ne soient pas contraires aux règles harmonisées par ladite directive.

56 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il revient à la juridiction nationale compétente de vérifier qu’une telle réglementation nationale n’impose pas des obligations d’information autres que celles énumérées à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, qui procède à une harmonisation complète en ce qui concerne les informations qui doivent être incluses dans le contrat de crédit (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C‑779/18, EU:C:2020:236, points 45 et 47). 

57 Il résulte de ce qui précède que l’article 3, sous g), et l’article 22 de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale relative au crédit à la consommation qui établit un mode de calcul du montant maximal du coût du crédit hors intérêts pouvant être mis à charge du consommateur, même si ce mode de calcul permet au professionnel de faire supporter à ce consommateur une quote-part des frais généraux liés à l’exercice de son activité économique, pour autant que, par le biais de ses dispositions relatives à ce montant maximal, ladite législation ne contrevient pas aux règles harmonisées par cette directive.

Sur la première question dans l’affaire C84/19

58 Par la première question dans l’affaire C‑84/19, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’est exclue du champ d’application de cette directive une clause contractuelle qui fixe le coût du crédit hors intérêts conformément au plafond maximal instauré par une législation nationale relative au crédit à la consommation, lorsque cette législation prévoit que les coûts du crédit hors intérêts ne sont pas dus pour la partie dépassant ce plafond ou le montant total du crédit.

59 L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty (C‑779/18, EU:C:2020:236), concernait notamment l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation. Au point 50 de cet arrêt, la Cour a, tout d’abord, rappelé que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, qui vise les clauses reflétant les dispositions législatives ou réglementaires impératives, institue une exclusion du champ d’application de celle-ci, soumise, selon la jurisprudence de la Cour, à deux conditions. D’une part, la clause contractuelle doit refléter une disposition législative ou réglementaire et, d’autre part, cette disposition doit être impérative.

60 Ensuite, il ressort du point 55 de l’arrêt visé au point précédent que, si la Cour a, dans sa jurisprudence, dégagé les critères d’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, c’est néanmoins à la juridiction nationale compétente qu’il revient d’appliquer les dispositions de droit national aux circonstances de l’affaire dont elle est saisie et d’en tirer les conséquences concrètes.

61 Enfin, au point 57 du même arrêt, la Cour a jugé, sous réserve de vérifications par la juridiction de renvoi dans cette affaire, qu’une disposition nationale, telle que l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation ne paraît pas, en elle-même, déterminer les droits et les obligations des parties au contrat, mais se limite à restreindre leur liberté de fixer le coût du crédit hors intérêts au-dessus d’un certain niveau et n’empêche nullement le juge national de contrôler le caractère éventuellement abusif d’une telle fixation, même en-dessous du plafond légal.

62 Or, ces considérations sont transposables à l’affaire C-84/19, qui concerne la même législation nationale, et sont pertinentes en vue d’apporter une réponse à la présente question préjudicielle. Ainsi, la circonstance que, en vertu de l’article 36a de la loi relative au crédit à la consommation, les coûts du crédit hors intérêts ne sont pas dus pour la partie dépassant le plafond légal ou le montant total du crédit, n’a pas pour effet d’exclure ladite clause contractuelle du champ d’application de la directive 93/13.

63 Eu égard aux considérations qui précèdent, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que n’est pas exclue du champ d’application de cette directive une clause contractuelle qui fixe le coût du crédit hors intérêts conformément au plafond prévu par une législation nationale relative au crédit à la consommation, lorsque cette législation prévoit que les coûts du crédit hors intérêts ne sont pas dus pour la partie dépassant ce plafond ou le montant total du crédit.

Sur les deuxième et troisième questions dans l’affaire C84/19

64 Par ses deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑84/19, qu’il convient d’examiner ensemble et en troisième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de crédit à la consommation, qui mettent à charge du consommateur des frais autres que le paiement des intérêts contractuels, relèvent de l’exception prévue à cette disposition, lorsque ces clauses ne spécifient ni la nature de ces frais ni les services qu’elles visent à rémunérer.

65 Il convient de rappeler à cet égard que, selon l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

66 Or, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 édictant une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives tel que prévu dans le cadre du système de protection des consommateurs mis en œuvre par cette directive, la Cour a jugé qu’il convient de donner une interprétation stricte à cette disposition (arrêt du 23 avril 2015, Van Hove, C‑96/14, EU:C:2015:262, point 31 et jurisprudence citée).

67 En ce qui concerne, en premier lieu, la notion d’« objet principal du contrat », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, la Cour a déjà indiqué que celle-ci vise uniquement à établir les modalités et l’étendue du contrôle de fond des clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui décrivent les prestations essentielles des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur et qui caractérisent celui-ci. Par contre, les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient relever de ladite notion (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 32). 

68 À cet égard, dans le cadre d’un contrat de crédit, le prêteur s’engage, principalement, à mettre à la disposition de l’emprunteur une certaine somme d’argent, ce dernier s’engageant, pour sa part, principalement à rembourser, en règle générale avec intérêts, cette somme selon les échéances prévues. Les prestations essentielles d’un tel contrat se rapportent, dès lors, à une somme d’argent qui doit être définie par rapport à la monnaie de paiement et de remboursement stipulée (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 38).

69 Or, la portée exacte des notions d’« objet principal » et de « prix », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, ne saurait être déterminée par la notion de « coût total du crédit pour le consommateur », au sens de l’article 3, sous g), de la directive 2008/48 (arrêt du 26 février 2015, Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 47). Ainsi, le fait que différents types de frais ou une « commission » sont compris dans le coût total d’un crédit à la consommation n’est pas déterminant aux fins d’établir que ces frais relèvent des prestations essentielles du contrat de crédit.

70 En l’occurrence, les clauses contractuelles qui n’ont, selon la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑84/19, pas fait l’objet d’une négociation individuelle, concernent des paiements dus par le consommateur, autres que le remboursement du prêt en capital et en intérêts. Il s’agirait en effet notamment de clauses visant un service supplémentaire intitulé « Ton paquet – paquet spécial », une commission et un paiement préalable.

71 Il appartient à la juridiction de renvoi dans cette affaire d’apprécier, eu égard à la nature, aux stipulations et à l’économie générale du contrat de crédit en cause au principal ainsi qu’au contexte factuel et juridique dans lequel ce dernier s’inscrit, si les clauses en question se rapportent à des prestations qui constituent un élément essentiel de ce contrat, et plus particulièrement à l’obligation, pour le débiteur, de procéder au remboursement du montant mis à sa disposition par le prêteur.

72 En particulier, peuvent être qualifiés comme relevant de l’objet principal du contrat les clauses claires et compréhensibles, étant donné que la même exigence de transparence que celle visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 figure également à l’article 5 de celle-ci, qui prévoit que les clauses contractuelles écrites doivent « toujours » être rédigées de façon claire et compréhensible. L’exigence de transparence telle que figurant à la première de ces dispositions revêt la même portée que celle visée à la seconde de celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 36, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 46).

73 À cet égard, dans la mesure où le système de protection mis en œuvre par cette directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité par rapport au professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive, c’est-à-dire comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais que ce consommateur soit également mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 50).

74 Dès lors, afin d’apprécier si les clauses en question portant sur le coûts mis à charge du consommateur relèvent ou non de l’objet principal du contrat il appartient, en l’occurrence, à la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑84/19 de déterminer si, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents soumis à son appréciation, dont la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation du contrat de prêt ainsi que, plus généralement, de l’ensemble des clauses du contrat de crédit à la consommation signé par QJ, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé pouvait non seulement connaître les montant dus au titre du « paiement préalable », de la « commission » et du produit financier dénommé « Ton paquet – paquet spécial », mais également évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives pour lui (voir, par analogie, arrêt du 23 avril 2015, Van Hove, C‑96/14, EU:C:2015:262, point 47).

75 Certes, le professionnel n’est pas obligé de détailler la nature de chaque service fourni en contrepartie des frais mis à charge du consommateur par les clauses du contrat, telle que la « commission » ou le « paiement préalable ». Toutefois, afin de répondre à l’obligation de transparence, il importe que la nature des services effectivement fournis puisse être raisonnablement comprise ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité. En outre, le consommateur doit être en mesure de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement de ces différents frais ou des services que ces derniers rémunèrent (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 43).

76 En l’occurrence, et sous réserve des vérifications de la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑84/19, s’agissant des frais intitulés « paiement préalable » et « commission », QJ pouvait légitimement s’interroger tant en ce qui concerne les prestations que ces frais visaient à rémunérer que quant à un éventuel chevauchement de ceux-ci. En effet, d’une part, le contrat comportait deux clauses prévoyant des frais administratifs, intitulées respectivement « paiement préalable » et « commission », qui suggèrent, toutes les deux, qu’il s’agit de sommes à acquitter pour l’octroi du crédit.

77 D’autre part, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si un poste de frais intitulé « commission » pouvait, selon son acception habituelle en droit polonais, suggérer qu’il s’agissait de la rémunération d’un intermédiaire de crédit, tel que celui qui serait intervenu lors de la conclusion du contrat signé par QJ, et si, dans une telle situation, le consommateur n’était pas en mesure, contrairement d’ailleurs ce que prévoit l’article 21, sous b), de la directive 2008/48, d’évaluer s’il rémunère les services du professionnel avec lequel il conclut le contrat ou ceux de l’intermédiaire.

78 Dans de telles circonstances, une compréhension globale, par le consommateur, de ses obligations de paiement et des conséquences économiques des clauses prévoyant ces frais ne serait pas assurée.

79 En second lieu, s’agissant du contrôle de l’« adéquation entre prix et rémunération, d’une part, et bien et prestation, d’autre part », il est de jurisprudence constante que cette catégorie de clauses, dont le caractère éventuellement abusif ne saurait faire l’objet d’une appréciation, a une portée réduite, dès lors qu’elle ne concerne que l’adéquation entre le prix ou la rémunération prévus et les services ou les biens à fournir en contrepartie, cette exclusion s’expliquant par le fait qu’il n’existe aucun barème ou critère juridique objectif pouvant encadrer et guider le contrôle de cette adéquation (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 55, ainsi que du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 34).

80 Eu égard à cette interprétation stricte, la Cour a précisé que les clauses relatives à la contrepartie due par le consommateur au prêteur ou ayant une incidence sur le prix effectif devant être payé à ce dernier par le consommateur ne relèvent pas, en principe, de cette seconde catégorie de clauses, sauf en ce qui concerne la question de savoir si le montant de la contrepartie ou du prix tel que stipulé dans le contrat est en adéquation avec le service fourni en contrepartie par le prêteur (arrêts du 26 février 2015, Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 56, et du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 35). 

81 En ce qui concerne l’appréciation de l’« adéquation » des clauses contractuelles en cause dans l’affaire C-84/19, c’est-à-dire du rapport entre les paiements requis et la prestation à laquelle ils correspondent, il ressort de la décision de renvoi que lesdites clauses ne précisaient pas sur quelle prestation portaient les frais dénommés « paiement préalable » et « commission ».

82 De plus, la juridiction de renvoi indique que le texte de l’article 3851, paragraphe 1, du code civil, qui a transposé en droit polonais l’exception concernant la vérification de l’adéquation du prix et de sa contrepartie, établie par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, ne viserait que les seules clauses qui se rattachent à l’objet principal du contrat.

83 Or, comme l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 62 de ses conclusions, dans la mesure où l’article 3851, paragraphe 1, du code civil, qui a transposé l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 en droit polonais, confère une portée plus stricte à l’exception établie par cette disposition de droit de l’Union, en assurant une protection plus élevée au consommateur, ce qu’il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, il permet un contrôle plus étendu du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui relèvent du champ d’application de cette directive.

84 À cet égard, l’article 8 de la directive 93/13 prévoit que les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par cette directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité FUE, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. Cela reflète l’idée énoncée au douzième considérant de ladite directive, selon lequel celle-ci ne procède qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives.

85 Or, dans sa jurisprudence, la Cour a jugé qu’une disposition de droit national, qui confère une portée plus stricte à l’exception établie par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, participe de l’objectif de protection des consommateurs poursuivi par cette directive (voir, par analogie, arrêt du 2 avril 2020, Condominio di Milano, via Meda, C‑329/19, EU:C:2020:263, point 36).

86 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑84/19 que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de crédit à la consommation qui mettent à charge du consommateur des frais autres que le remboursement du crédit en principal et en intérêts ne relèvent pas de l’exception prévue à cette disposition, lorsque ces clauses ne spécifient ni la nature de ces frais ni les services qu’elles visent à rémunérer et qu’elles sont formulées de manière à créer une confusion dans l’esprit du consommateur quant à ses obligations et aux conséquences économiques de ces clauses, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur la question dans l’affaire C222/19

87 Par sa question, à laquelle il convient de répondre en dernier lieu, la juridiction de renvoi dans l’affaire C-222/19 demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale qui fixe un plafond maximal pour le coût total du crédit pouvant être imposé au consommateur, dans lequel peuvent être incluses des dépenses liées à l’activité économique générale du prêteur.

88 À titre liminaire, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/13 que celle-ci a pour objet de rapprocher les dispositions nationales des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats avec les consommateurs. Or, ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, lu à la lumière de son treizième considérant, ainsi que de son article 3, paragraphe 1, ladite directive ne vise pas à instaurer un contrôle des dispositions nationales quant à leur caractère potentiellement désavantageux pour le consommateur, mais uniquement un contrôle des clauses figurant dans des contrats avec les consommateurs sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2019, Aqua Med, C‑266/18, EU:C:2019:282, point 28).

89 Dans ces conditions, en vue de répondre utilement à la juridiction de renvoi dans l’affaire C-222/19, il convient de reformuler la question préjudicielle comme visant, en substance, à savoir si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et qui met à charge du consommateur des coûts du crédit hors intérêts incluant des coûts de l’activité économique du prêteur, en dessous d’un plafond maximal légal, peut être considérée comme abusive, au sens de cette disposition.

90 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause non négociée d’un contrat est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

91 À cet égard, il importe de préciser que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence de cette dernière en la matière porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de cette directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée).

92 En ce qui concerne l’examen du déséquilibre significatif créé par des clauses prévoyant, à charge du consommateur, des frais autres que les intérêts, un tel examen ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à charge du consommateur par cette clause, d’autre part. En effet, la Cour a déjà jugé qu’un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 51).

93 S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi », eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, la Cour a indiqué, dans sa jurisprudence, aux juridictions nationales de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation (arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C-419/18 et C 483/18, EU:C:2019:930, point 55 et jurisprudence citée).

94 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu du droit national, dans les coûts liés à l’octroi du crédit, ceux liés à l’exercice de l’activité économique du professionnel sont déjà inclus.

95 Ainsi, le coût du crédit hors intérêts pour le consommateur, qui est, en vertu de la législation nationale, plafonné, pourrait néanmoins donner lieu à un déséquilibre significatif au sens de la jurisprudence de la Cour, bien qu’il soit fixé en-dessous de ce plafond, si les services fournis en contrepartie ne relevaient pas raisonnablement des prestations effectuées dans le cadre de la conclusion ou de la gestion du contrat de crédit, ou que les montants mis à charge du consommateur au titre des frais d’octroi et de gestion de prêt apparaissent clairement disproportionnés par rapport au montant du prêt. Il appartient à la juridiction de renvoi de tenir compte, à cet égard, de l’effet des autres clauses contractuelles afin de déterminer si lesdites clauses créent un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur.

96 Dans de telles circonstances, compte tenu de l’exigence de transparence qui découle de l’article 5 de la directive 93/13, il ne pourrait être considéré que le professionnel pouvait raisonnablement s’attendre, en traitant de façon transparente avec le consommateur, à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation.

97 Il résulte de ce qui précède que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle relative à des coûts du crédit hors intérêts, qui fixe ce coût en-dessous d’un plafond légal et qui répercute, sur le consommateur, des coûts de l’activité économique du prêteur, est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur, lorsqu’elle met à la charge de ce dernier des frais disproportionnés par rapport aux prestations et au montant de prêt reçus, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

98 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1) L’article 3, sous g), et l’article 22 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale relative au crédit à la consommation qui établit un mode de calcul du montant maximal du coût du crédit hors intérêts pouvant être mis à charge du consommateur, même si ce mode de calcul permet au professionnel de faire supporter à ce consommateur une quote-part des frais généraux liés à l’exercice de son activité économique, pour autant que, par le biais de ses dispositions relatives à ce montant maximal, ladite législation ne contrevient pas aux règles harmonisées par cette directive.

2) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, doit être interprété en ce sens que n’est pas exclue du champ d’application de cette directive une clause contractuelle qui fixe le coût du crédit hors intérêts conformément au plafond prévu par une législation nationale relative au crédit à la consommation, lorsque cette législation prévoit que les coûts du crédit hors intérêts ne sont pas dus pour la partie dépassant ce plafond ou le montant total du crédit.

3) L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de crédit à la consommation qui mettent à charge du consommateur des frais autres que le remboursement du crédit en principal et en intérêts ne relèvent pas de l’exception prévue à cette disposition, lorsque ces clauses ne spécifient ni la nature de ces frais ni les services qu’elles visent à rémunérer et qu’elles sont formulées de manière à créer une confusion dans l’esprit du consommateur quant à ses obligations et aux conséquences économiques de ces clauses, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

4) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13,telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle relative à des coûts du crédit hors intérêts, qui fixe ce coût en-dessous d’un plafond légal et qui répercute, sur le consommateur, des coûts de l’activité économique du prêteur, est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat au détriment du consommateur, lorsqu’elle met à la charge de ce dernier des frais disproportionnés par rapport aux prestations et au montant de prêt reçus, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.