Livv
Décisions

Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

Lepante (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Graff-Daudret

Avocat général :

M. Sturlèse

Avocats :

Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Aix-en-Provence, 11e ch. B, du 23 avril …

23 avril 2015

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 avril 2015), que la SCI Lepante, représentée par la société Immobilière Parnasse, agent immobilier, a, le 29 octobre 2012, fait délivrer à Mme X..., locataire depuis le 15 mai 2007 d'un local à usage d'habitation lui appartenant, un congé avec offre de vente pour le 14 mai 2013 ; que Mme X... l'a assignée en nullité du congé ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité du congé pour vente et d'ordonner son expulsion alors, selon le moyen : 1°/ que le congé pour vente s'analysant en une offre de vente, l'agent immobilier doit être en possession d'un mandat spécial pour procéder à sa délivrance ; qu'en se bornant à énoncer que la société Parnasse immobilier avait été mandatée pour procéder à la vente du bien au motif qu'elle avait reçu un mandat de gestion et d'administration l'autorisant à délivrer « tous congés », sans relever l'existence d'un mandat spécial aux fins de délivrer un congé pour vendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ; 2°/ qu'un mandat pour vendre confié à un agent immobilier n'est valable que s'il est écrit et s'il mentionne une durée et un numéro d'inscription ; que pour débouter Mme X... de son action en nullité du congé et juger que la société Parnasse immobilier avait qualité pour faire délivrer un congé pour vendre, la cour d'appel s'est fondée sur une correspondance de la SCI Lepante adressée à la société Parnasse immobilier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette correspondance respectait les formalités obligatoires du mandat pour vendre confié à un agent immobilier, et notamment s'il mentionnait une durée et un numéro d'inscription sur le registre des mandats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la société Immobilière Parnasse, titulaire d'un mandat d'administration et de gestion, avec pouvoir de donner tous congés, et d'une lettre datée du 19 octobre 2012 la mandatant spécialement pour vendre le bien occupé par Mme X... au terme du bail moyennant un certain prix et pour lui délivrer congé, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ;

Et attendu, d'autre part, qu'il résulte des articles 1er, 6 et 7 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 que le mandat doit comprendre une limitation de ses effets dans le temps et que l'agent immobilier doit mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l'avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d'inscription sur l'exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant ; que la Cour de cassation jugeait jusqu'à présent que ces dispositions, qui sont d'ordre public, sont prescrites à peine de nullité absolue, pouvant être invoquée par toute partie qui y a intérêt (1re Civ., 25 février 2003, pourvoi n° 01-00. 461 ; 3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-21. 610, Bull. 2009, III, n° 80) ;

Que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé ;

Que par la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d'agent immobilier et protéger sa clientèle ; que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové, comme il ressort de son étude d'impact, et la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques répondent aux mêmes préoccupations ;

Que la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 encadre la délivrance d'un congé pour vendre au locataire d'un local à usage d'habitation qui constitue sa résidence principale, en posant notamment des conditions de délai, en ouvrant un droit de préemption et en imposant la délivrance d'une notice d'information avec le congé ;

Que l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment l'objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ;

Que l'existence de dispositions protectrices du locataire, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées par les articles 7, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative ;

Que, dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche inopérante relative à la mention de la durée du mandat et au report, sur le mandat resté en possession du mandant, d'un numéro d'inscription sur le registre des mandats ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCI Lepante la somme de 3 000 euros.