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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 27 février 2020, n° 18-03340

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Select Auto Négoces (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Berthiau-Jezequel

Conseillers :

M. Maimone, Mme Piedagnel

TGI Senlis, du 17 juill. 2018

17 juillet 2018

Mme Isabelle C. a commandé à l'EURL SELECT AUTO NEGOCES un véhicule d'occasion PEUGEOT 207 CC immatriculé 1EPY 373 le 17 juin.2017.

La livraison est intervenue le 24 juin 2017.

A la demande de Mme Isabelle C., l'EURL SELECT AUTO NEGOCES lui a adressé le 24 août 2017 le procès-verbal de contrôle technique et les factures des réparations effectuées dont elle n'a pris connaissance que le 1er septembre 2017.

Estimant que le procès-verbal faisait état de plusieurs défauts majeurs sur le véhicule, Mme Isabelle C. a signalé la difficulté à l'EURL SELECT AUTO NEGOCES le 3 septembre 2017 puis l'a mise en demeure de trouver une issue amiable, par l'intermédiaire de son conseil, le 23 octobre 2017.

Par acte d'huissier du 6 décembre 2017, Mme Isabelle C. a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Senlis, l'EURL SELECT AUTO NEGOCES pour entendre :

- Prononcer la nullité du contrat de vente du véhicule ;

- Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui payer :

. 11 460,06 € en restitution du prix de vente en contrepartie de la restitution du véhicule,

. 539,31 € en remboursement des frais d'assurance,

. 12,80 € en remboursement des frais de pose des plaques d'immatriculation définitives,

. 3 000 € à titre de dommages et intérêts,

. 202,52 € au titre des intérêts au taux légal, somme à parfaire au jour du jugement,

. 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par jugement du 17 juillet 2018, le Tribunal de Grande Instance de Senlis a :

- Prononcé l'annulation du contrat de vente du 17 juin 2017 portant sur le véhicule d'occasion de marque PEUGEOT 207 CC immatriculé 1EPY 373 ;

- Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à payer à Mme Isabelle C. la somme de 11 460,06 € en restitution du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2017 et jusqu'au complet paiement ;

- Ordonné la restitution du véhicule aux frais de l'EURL la SARL SELECT AUTO NEGOCES;

- Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à récupérer à ses frais le véhicule à l'endroit où il se trouve, en prenant à sa charge les éventuels frais de remorquage ;

- Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à verser à Mme Isabelle C. la somme de 539,31 € en remboursement des frais d'assurance et de 12,80 € en remboursement des frais de pose des plaques d'immatriculation définitives ;

- Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à verser à Mme Isabelle C. la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de jouissance ;

- Débouté Mme Isabelle C. du surplus de ses demandes ;

- Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à verser la somme de 1 200€ à Mme Isabelle C. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté Mme Isabelle C. du surplus de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 30 août 2018, l'EURL SELECT AUTO NEGOCES a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 21 mai 2019, l'EURL SELECT AUTO NEGOCES demande à la Cour de :

- Dire et juger qu'elle n'a dissimulé aucune information déterminante à Mme Isabelle C. constitutif d'un dol.

- Infirmer, par voie de conséquence, le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule litigieux et fait droit à la majorité des demandes indemnitaires de la requérante.

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que le consentement de Mme Isabelle C. n'a pas été vicié.

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la Cour devait à tort retenir qu'elle a dissimulé le procès-verbal de contrôle technique,

- Dire et juger que les prétendus désordres affectant le véhicule, à savoir un réglage trop haut des feux antibrouillards avants et une légère usure des disques de frein avant, sont en l'espèce insuffisants à caractériser une réticence dolosive.

- Infirmer, par voie de conséquence, le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule litigieux et fait droit à la majorité des demandes indemnitaires

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que le consentement de Mme Isabelle C. n'a pas été vicié.

En tout état de cause :

- Constater la particulière mauvaise foi dont fait preuve Mme Isabelle C..

- Débouter Mme Isabelle C. de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner Mme Isabelle C. à payer à la société SELECT AUTO NEGOCES une somme de 130,60 € au titre du reliquat des frais de carte-grise de son véhicule.

- Condamner Mme Isabelle C. à payer à la société SELECT AUTO NEGOCES une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nicolas S..

Par conclusions transmises par la voie électronique le 26 février 2019, Mme Isabelle C. demande à la Cour de :

Au titre de l'appel principal :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. Prononcé l'annulation du contrat de vente du 17 juin 2017 portant sur le véhicule d'occasion de marque PEUGEOT 207 CC immatriculé 1EPY 373 ;

. Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui payer la somme de 11 460,06 € en restitution du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2017 et jusqu'au complet paiement ;

. Ordonné la restitution du véhicule aux frais de l'EURL SELECT AUTO NEGOCES ;

. Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à récupérer à ses frais le véhicule à l'endroit où il se trouve, en prenant à sa charge les éventuels frais de remorquage ;

. Condamné l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui verser la somme 539,31 € en remboursement des frais d'assurance et de 12,80 € en remboursement des frais de pose des plaques d'immatriculation définitives ;

.Condamné la SARL SELECT AUTO NEGOCES aux dépens.

En conséquence :

o Déclarer son action de recevable et bien-fondée ;

o dire et juger que l'EURL SELECT AUTO NEGOCES a dissimulé volontairement des informations déterminantes constitutives d'un dol ;

o Dire et juger que son consentement a été vicié par l'EURL SELECT AUTO NEGOCES ;

o Prononcer la nullité du contrat de vente du véhicule ;

o Ordonner la restitution du véhicule aux frais de l'EURL SELECT AUTO NEGOCES ;

o Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui verser la somme de 11 460,06 € en restitution du prix de vente du véhicule en contrepartie de la restitution du véhicule ;

o Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui payer la somme de 539,31 € en remboursement des frais d'assurance pour l'année 2017 ;

o Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui payer la somme de 12,80 € en remboursement des frais de pose de plaques d'immatriculations définitives ;

o Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à récupérer à ses frais le véhicule à l'endroit où il se trouve, en prenant à sa charge les éventuels frais de remorquage ;

Au titre de l'appel incident :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. Limité à la somme de 1 000 € les dommages et intérêts pour préjudice de jouissance dus par l'EURL SELECT AUTO NEGOCES ;

. Limité à la somme de 1 200 € sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

En conséquence :

o Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui verser à la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance ;

o Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui verser la somme de 1 246,44 € en remboursement des frais d'assurance pour les années 2018 et 2019 ;

o Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui verser la somme de 718,65 € au titre des intérêts au taux légal, somme à parfaire au jour de l'arrêt ;

En tout état de cause :

- Débouter l'EURL SELECT AUTO NEGOCES de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner l'EURL SELECT AUTO NEGOCES à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société SELECT AUTO NEGOCES aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 4 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 13 décembre 2019.

L'action en justice opposant les parties ayant été introduite après le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci est applicable au présent litige ; il sera donc fait référence aux articles du code civil selon leur numérotation postérieure à cette entrée en vigueur.

CECI EXPOSE, LA COUR,

Sur la nullité du contrat de vente :

Selon l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer des lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à son devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil.

Aux termes de ce dernier article, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En vertu de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Il résulte de l'article 1137 du code civil que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

L'article 5 bis alinéa 1 du décret n°78-993 du 4 octobre 1978 dispose que tout vendeur professionnel ou non professionnel d'un véhicule soumis à la visite technique prévue par les dispositions des articles R. 323~22 et R. 323-26 du code de la route remet à l'acheteur non professionnel, avant la conclusion du contrat de vente, le procès-verbal de la visite technique établi depuis moins de six mois, ainsi que les procès-verbaux des éventuelles contre-visites.

Selon l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En outre, il ressort de l'article 1178 du code civil, que le contrat qui ne remplit pas l'une des conditions requises pour sa validité est nul.

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause :

- que Mme Isabelle C. a acquis le véhicule litigieux auprès de l'EURL SELECT AUTO en vertu d'un bon de commande en date du 17 juin 2017 qui mentionne à l'article 5 des conditions générales que 'dans le cas où la réglementation l'impose, le vendeur remet au client le certificat attestant que le véhicule d'occasion a subi le contrôle technique dans les délais prescrits ainsi que le rapport correspondant' ;

- que l'attestation sur l'honneur de Mme Marie-Christine DE C. directrice commerciale de l'EURL SELECT AUTO qui n'est corroborée par aucun autre élément objectif du dossier est impropre à démontrer que le contrôle technique a bien été montré avant la vente à Mme Isabelle C. ;

- que ce témoin qui d'après ses déclarations a procédé à la vente du véhicule a un lien de subordination avec l'EURL SELECT AUTO NEGOCES, a intérêt à prendre fait et cause pour son employeur et ne peut apparaître comme objectif ;

- que Mme Isabelle C. justifie de l'envoi de deux courriers électroniques en date des 6 et 14 août 2017 par lesquels elle a sollicité la communication du procès-verbal de contrôle technique ;

- qu'en réponse, la société SELECT AUTO NEGOCES manifestement peu empressée de satisfaire à cette demande lui a répondu le 16 août 2017 que le procès-verbal « a dû être classé dans votre dossier » ;

- que l'EURL SELECT AUTO NEGOCES a finalement adressé le procès-verbal de contrôle technique à Mme Isabelle C. le 24 août 2017, deux mois après la livraison du véhicule ;

- que ce procès-verbal de contrôle technique daté du 6 juin 2017 et antérieur à la vente a conduit Mme Isabelle C. à découvrir que le véhicule présentait une usure prononcée des disques de frein, usure irrégulière du pneumatique avant gauche, une détérioration importante du silencieux d'échappement et un réglage trop haut des antibrouillards ;

- que l'EURL SELECT AUTO NEGOCES justifie par une facture postérieure à la vente avoir changé les pneumatiques et changé la sangle d'échappement ;

- qu'en revanche, aucune facture ne permet de justifier du changement des disques de frein et de la réparation complète du silencieux d'échappement, rien ne pouvant établir que le seul changement de la sangle a suffi à réparer le silencieux ;

- que l'attestation dactylographiée de Mr Grégory G., contrôleur technique qui tente de minimiser la gravité des défauts repris sur le procès-verbal de contrôle technique en expliquant qu'il faut notamment comprendre qu' 'usure prononcée pneumatique' signifie usure légère, que le défaut de réglage des antibrouillards était dû à l'impossibilité de régler les antibrouillards sur ce type de véhicule et que ' détérioration importante de l'échappement' signifie simplement que la sangle de fixation est corrodée, n'est pas sérieuse et est insuffisante pour établir que les défauts du véhicule étaient insignifiants ;

- qu'il en résulte qu'il n'est pas démontré que Mme Isabelle C. a pu disposer des informations nécessaires à son consentement éclairé avant la signature du bon de commande alors que l'EURL SELECT AUTO disposait du contrôle technique à cette date,

- que l'EURL SELECT AUTO a dissimulé l'existence d'un document essentiel à l'expression du consentement de l'acquéreur ;

- que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente, ordonné la restitution du véhicule aux frais du vendeur et condamné l'EURL SELECT AUTO à payer à Mme Isabelle C. la somme de 11460,06 € au titre de la restitution du prix de vente ;

- que cette somme doit produire intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2017 jour de la vente ;

- qu'en cause d'appel, Mme Isabelle C. fournit le décompte des intérêts échus du 17 juin 2017 au 25 février 2019 et réclame à ce titre la somme de 718,55 €, sauf à parfaire au jour de la décision ;

- qu'en l'absence de production d'un décompte d'intérêts actualisé au jour de la date prévue pour le prononcé de la présente décision, il convient de rejeter cette demande et de confirmer le jugement en ce qu'il dit que la somme de 11460,06 € portera intérêt au taux légal à compter du 17 juin 2017.

Sur les demandes au titre du remboursement des frais :

Conformément à l'article 1352-5 du code civil, pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose.

En application de cet article :

-le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'EURL SELECT AUTO à payer à Mme Isabelle C. la somme de 539,31 € en remboursement des frais d'assurances pour l'année 2017 et celle de 12,80 € en remboursement des frais de pose des plaques d'immatriculation définitives ;

- il convient de condamner l'EURL SELECT AUTO à payer à Mme Isabelle C. la somme de 1246,44 € en remboursement des frais d'assurance pour les années 2018 et 2019;

- l'EURL SELECT AUTO qui doit supporter les conséquences de la nullité de la vente doit être déboutée de sa demande au titre du remboursement de la somme de 130,60 € au titre du reliquat des frais de carte grise du véhicule.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance :

En l'absence de preuve que le véhicule devait être utilisé notamment pour des besoins professionnels, le jugement qui sera confirmé sur ce point a justement indemnisé ce chef de préjudice en allouant à Mme Isabelle C. la somme de 1000 €.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'EURL SELECT AUTO succombant, il convient :

- de la condamner aux dépens d'appel ;

- de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme Isabelle C., il convient de lui allouer de ce chef la somme de 1800 € pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il lui a accordé à ce titre la somme de 1200 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Confirme le jugement rendu entre les parties le 17 juillet 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Senlis en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne l'EURL SELECT AUTO à payer à Mme Isabelle C. la somme de 1246,44 € en remboursement des frais d'assurance pour les années 2018 et 2019 ;

Condamne l'EURL SELECT AUTO à payer à Mme Isabelle C. la somme de 1800 € par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Condamne l'EURL SELECT AUTO aux dépens d'appel.