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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 19 août 2020, n° 18/02046

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCJM (SARL)

Défendeur :

Kronenbourg (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, M. Frey

TGI Strasbourg, du 16 mars 2018

16 mars 2018

Suivant contrat de brasserie conclu pour une durée de 5 ans avec effets au 23 mars 2011, la SARL SCJM, exploitant sous enseigne « le café français » un débit de boisson à Saint-Jans-Cappel (59), s'est engagée, en contrepartie d'une prestation financière de 36 000 euros, à s'approvisionner exclusivement en bières auprès du distributeur agréé de la société brasseries Kronenbourg, devenue société Kronenbourg, en l'espèce auprès de la société brasserie Bedague sise à Roquetoire et pour un volume minimum de commande de 600 hl de bières en fûts.

Aux termes de plusieurs avenants contractuels en 2011 et 2012, la société Kronenbourg a mis à disposition de la SARL SCJM du matériel et mobilier.

Le contrat initial est arrivé à échéance le 22 mars 2016, et la société entrepositaire Brasserie Bedague a, par attestation délivrée le 10 mai 2016 à la société Kronenbourg, confirmé qu'un volume de 274,10 hl a été commandé par la SARL SCJM sur la durée du contrat. Cette dernière a été mise en demeure par la société Kronenbourg, par lettre recommandée avec avis de réception du 2 juin 2016, de payer la somme de 19 554 euros et de restituer le matériel mis à disposition d'une valeur estimée à 4 624,51 euros.

Par acte d'huissier du 12 octobre 2016, la SAS Kronenbourg a saisi la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg d'une action dirigée contre la société SCJM, tendant à obtenir sa condamnation, outre aux entiers frais et dépens, à lui payer la somme de 19 554 euros, au titre du solde non amorti d'investissement, ainsi qu'à défaut de restitution du matériel mis à disposition à lui verser la somme de 4 624,51 euros outre une indemnité de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 16 mars 2018, le tribunal de grande instance de Strasbourg a notamment et sans exécution provisoire :

- condamné la SARL SCJM à payer à la SAS Kronenbourg la somme de 19 554 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2016,

- condamné la SARL SCJM à restituer à la SAS Kronenbourg le matériel correspondant à deux installations tirage/pression, le mobilier extérieur et intérieur, et l'enseigne mise à disposition, dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement et à défaut à lui payer la somme de 4 624,51 euros,

- débouté la SARL SCJM de sa demande de dommages et intérêts,

- autorisé la SARL SCJM à se libérer du paiement de la somme de 19 554 euros par 23 mensualités de 820 euros et une ultime mensualité correspondant au solde de la dette,

- ordonné la déchéance du terme à défaut de paiement d'une des mensualités ainsi arrêtées,

- condamné la SARL SCJM outre aux dépens, à payer à la SAS Kronenbourg la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL SCJM a, par déclaration au greffe en date du 7 mai 2018, interjeté appel de cette décision ; la SAS Kronenbourg s'est constituée intimée le 15 mai 2018.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 mars 2019, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé de l'intégralité de ses moyens et prétentions, la SARL SCJM entend voir infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, voir rejeter l'intégralité des demandes fins et prétentions de la société Kronenbourg.

Elle réclame la condamnation de cette dernière à lui verser une indemnité de 25 000 euros, laquelle somme se compensera avec celles qu'elle pourrait rester lui devoir.

Subsidiairement elle entend voir réduire à 1 euro le montant qu'elle reste devoir à la société Kronenbourg et infiniment subsidiairement elle sollicite des délais de paiements avec étalement de sa dette par mensualités égales et constantes, sur une durée de 24 mois.

En tout état de cause, elle réclame la condamnation de la société Kronenbourg, outre aux entiers frais et dépens, à lui verser une indemnité de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle affirme que la société Kronenbourg n'apporte pas la preuve de sa défaillance quant aux objectifs contractuels de commandes sur 5 ans.

Soulignant avoir exécuté de bonne foi ses obligations contractuelles, en respectant notamment l'exclusivité accordée aux produits de la société Kronenbourg qu'elle commercialiserait encore à ce jour, elle affirme que cette dernière a manqué à ses obligations d'information et de conseil, lui causant un préjudice conséquent. Elle précise qu'à ce jour elle dégage un résultat financier de moins de dix mille euros annuels et que l'objectif d'écouler 600 hl sur cinq ans était clairement et dès l'origine irréaliste et inatteignable, ce que le brasseur ne pouvait ignorer.

En outre elle souligne qu'il était expressément convenu par l'article 3 du contrat qu' « un point annuel pourrait être réalisé entre le débitant de boissons et la brasserie, pour valider la bonne adéquation entre les volumes réalisés et les engagements souscrits ». Or et y compris à l'occasion de la signature des avenants au contrat, elle souligne qu'aucun bilan n'a jamais été réalisé quant à l'évolution de ses ventes. Elle soutient que le caractère facultatif de cette disposition ne peut dispenser le brasseur qui dispose de moyens d'évaluations considérables de s'assurer du bon déroulement possible du contrat. En tout état de cause et au visa combiné des articles 1134 et 1602 du code civil elle souligne n'avoir été destinataire d'aucune information en suite d'une analyse du marché qui aurait été faite par le brasseur, alors que le contrat en litige a été signé 4 mois seulement après le début de son activité, réfutant que son gérant puisse être considéré comme averti en l'espèce alors qu'il ne serait, contrairement à ce qu'allègue la société Kronenbourg, ni associé de la société SARL X et fils qui exploite un pub sous l'enseigne Wall Street ni de la société JCN qui exploite un autre fonds de commerce à Dunkerque.

Enfin elle affirme n'avoir pas eu à sa disposition le matériel commercial adapté lui permettant de promouvoir et de développer la vente de bière à laquelle elle s'est engagée.

Subsidiairement et soulignant l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice pour la société Kronenbourg, elle conclut à la réduction des pénalités qui lui sont réclamées.

Plus subsidiairement encore et au vu du bilan comptable qu'elle présente, elle entend obtenir les plus larges délais de paiement.

Dans ses dernières conclusions en date du 9 janvier 2019, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé de l'intégralité de ses moyens et prétentions, la SAS Kronenbourg entend voir confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a accordé à la SARL SCJM des délais de paiement. Statuant à nouveau sur ce point, elle entend voir débouter la SARL SCJM de ses demandes, subsidiaires, de délai de paiement et réclame sa condamnation, outre aux entiers frais et dépens des deux instances, à lui verser une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle souligne avoir en référence aux dispositions de l'article 11 du contrat de brasserie en litige, mis en demeure les 27 mai et 6 juillet 2016 la société SCJM de lui verser la somme correspondant au prorata des 325,90 hl sur 600 non commandés au solde non amorti des investissements dont elle a bénéficié, et rappelle que le matériel prêté et mis à disposition ne lui a jamais été restitué.

Rappelant la liberté de la preuve en matière commerciale, elle soutient la validité de l'attestation établie par l'entrepositaire grossiste « brasserie Bedague », soulignant qu'elle vaut à minima commencement de preuve pour démontrer que la société SCJM n'a pas réalisé les volumes de commandes qu'elle s'était engagée à effectuer, pour n'avoir commandé sur la période du contrat qu'un volume de 274,10 hl. En tout état de cause, elle souligne que la SARL SCJM ne justifie par aucune pièce du respect de ses obligations contractuelles.

Soulignant d'une part que ses marques et signes distinctifs de brasseur ne constituent pas l'élément de ralliement de la clientèle de la SARL débitante et d'autre part que le contrat de bière n'est pas conclu dans l'intérêt commun des parties entre lesquelles il n'existe aucune dépendance qui serait comparable à celle d'un franchisé ou d'un concessionnaire, elle entend faire valoir que les dispositions de l'article L 330-3 du code de commerce ne sont pas applicables. Elle soutient que la SARL SCJM a disposé d'informations suffisantes lors de la conclusion du contrat et de la définition des objectifs de commande et rappelle que le volume fixé à l'article 3 n'a pas été imposé par le brasseur mais est la conséquence de négociations précontractuelles entre les parties et qu'il appartenait à la SARL SCJM, en sa qualité de commerçant, d'apprécier par elle-même les perspectives attendues de l'exploitation de son point de vente.

Elle entend faire valoir que M. X, gérant de la société SCJM possède des parts dans plusieurs autres sociétés exploitant notamment d'autres établissements de débits de boissons et ce depuis plusieurs décennies ; il serait ainsi un professionnel averti ayant une parfaite connaissance des volumes pouvant être réalisés et parfaitement informé de la tendance à la baisse du marché de la bière et de ses perspectives. Elle estime que si l'attrait des prestations financières et matérielles qu'elle lui a consenties ont pu l'inciter à exagérer ses capacités de rendement, elle n'a pas à supporter les conséquences d'une déclaration erronée ou surévaluée.

En tout état de cause elle souligne que la société SCJM avait une parfaite connaissance des quantités qui lui restaient à acheter et ne pouvait raisonnablement ignorer que le volume de ses commandes était inférieur au minimum contractuellement fixé. Elle relève qu'elle n'a jamais envisagé ni sollicité une réduction de la quantité minimale d'achat y compris pour les motifs socio-économiques qu'elle évoque aujourd'hui, ni pris l'initiative d'une quelconque discussion ou renégociation de ces objectifs, ayant toutefois accepté, sans difficultés un apport financier initial de 36 000 euros et des aides matérielles successives. Elle souligne à ce titre que si le contrat prévoyait effectivement la possibilité d'une négociation annuelle quant au volume d'approvisionnement à réaliser par le débitant de boisson, il ne prévoyait aucune obligation à ce titre.

Elle entend faire valoir que les pénalités qu'elle réclame sont proportionnées aux manquements contractuels de la société SCJM, et partant au manque à gagner issus d'un volume de commande attendu mais non atteint. Elle soutient qu'elles ne peuvent être jugées manifestement excessives alors qu'elle répare justement le préjudice subi du fait de la non-réalisation des quotas de commandes contractuellement fixés et sur la base desquels elle a consenti d'importants avantages financiers et matériels au débitant qui ne peut, pour sa part, démontrer avoir subi le moindre préjudice dans le cadre de ses relations commerciales.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 24 mai 2019.

L'affaire, fixée à l'audience du 4 mars 2020 et renvoyée à l'audience du 17 juin 2020, a été mise en délibéré sans débat par application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés.

MOTIFS :

Conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer et de prouver les faits nécessaires au succès de leur prétention. L'article 1353 du code civil fait peser la charge de la preuve d'une obligation sur celui qui s'en prévaut. Réciproquement celui qui se prétend libéré de cette obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de cette obligation.

Sur les demandes formulées par la société Kronenbourg :

Aux termes de l'article 1134 du Code civil dans sa version applicable au jour de la signature du contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.

Le contrat conclu entre la SAS Kronenbourg (la brasserie) et la SARL SCJM (le débitant) à effets du 23 mars 2011 au 23 mars 2016 prévoyait, outre l'exclusivité d'un approvisionnement en bières de la brasserie, la commande de 600 hl de bières en fûts, en contrepartie d'une prestation financière de 36 000 euros. L'article 11 du contrat prévoyait qu'en cas de non-atteinte de cet objectif en volume à l'échéance du contrat, le débitant s'oblige à rembourser le solde non amorti de cet investissement au prorata des volumes non réalisés.

Par avenants successifs les conditions du contrat précitées ont été rappelées et à titre "d'offre consommateur" la brasserie s'est engagée à mettre à disposition du débitant :

- du matériel de tirage pression d'une valeur de 634,30 euros le 9 septembre 2011,

- du matériel d'une valeur de 3 564,08 euros le 20 octobre 2011,

- du mobilier extérieur et intérieur d'une valeur de 1 315,60 euros en date du 26 avril 2011,

- une enseigne d'une valeur de 3 000 euros, l'avenant en question n'étant pas daté.

Ces avenants dûment acceptés par la SARL SCJM précisaient qu'ils avaient été négociés et accordés en contrepartie des engagements contractuels du débitant, le matériel ainsi mis à disposition, l'étant à titre de prêt et demeurant la propriété de la brasserie.

Le débitant expose d'abord que la preuve que l'objectif de commande contractuel n'a pas été atteint n'est pas rapportée. La SAS Kronenbourg s'appuie sur ce point, sur l'attestation délivrée le 10 mai 2016 par la SAS BEDAGUE Distribution, fournisseur des bières au débitant désigné par le contrat. Elle reprend année par année les volumes commandés pour aboutir à un volume total de 274,10 hl.

Par lettre recommandée réceptionnée le 2 juin 2016 la SAS Kronenbourg a, rappelant les engagements contractuels, souligné que l'objectif de commande n'étant pas atteint, la somme de 19 554 euros devant lui être payée et le matériel prêté, restitué. Cette demande était réitérée par courrier du conseil de la brasserie réceptionné en date du 7 juillet 2016, à laquelle le débitant répondait le 28 juillet 2016 en affirmant d'une part qu'il ne disposait d'aucun matériel appartenant à la SAS Kronenbourg et d'autre part qu'il vendait encore de la bière provenant de la brasserie, sans contester le volume de bière non commandé.

La SARL SCJM ne produit aucun élément à même d'invalider l'attestation précitée, son caractère erroné ou complaisant n'étant établi par aucune pièce. Il était effectivement loisible au débitant, ce qu'il n'a pas fait, de produire ses bons de livraisons afin de démontrer qu'un volume de commande n'aurait pas été pris en compte.

Dès lors il sera retenu que la SARL SCJM n'a pas atteint l'objectif de commandes minimales sur cinq ans tel que déterminé dans son contrat. En application des dispositions de l'article 11 dudit contrat, elle se doit à rembourser le solde non amorti de l'investissement, au prorata des volumes non réalisés (600-274,10) /600, soit 54,32 % environ, ce qui représente eu égard à la somme de 36 000 euros investie, un montant de 19 554 euros.

En application des dispositions de l'article 1152 ancien du Code civil le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Seul le déséquilibre précité étant à prendre en compte il n'a pas à s'appuyer sur l'équité ni encore sur le comportement des parties ou leur bonne ou mauvaise foi. Ainsi le fait que nonobstant l'échéance du contrat la SARL SCJM ait continué à vendre de la bière est sans emport sur l'application de la pénalité prévue par l'article 11 du contrat, ce d'autant que les quantités de bières ainsi vendues ne sont pas connues et qu'il ressort des relevés de commandes qu'elle produit que dès juillet 2016, elle vendait des bières concurrentes.

La SARL SCJM ayant profité de l'investissement initial de la brasserie en connaissance de son obligation de le rembourser pour partie à défaut de réalisation de l'objectif de vente, aucun élément ne permet d'affirmer que, calculé au juste prorata de sa défaillance dans l'exécution du contrat, elle présente un caractère manifestement excessif. Il n'y a ainsi pas lieu à réduire le montant dû à ce titre et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL SCJM à verser à la SAS Kronenbourg la somme de 19 554 euros, qui sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2016, la confirmation de la décision étant sollicitée sur ce point par la brasserie.

Sur la restitution des matériels mis à disposition par la société Kronenbourg :

Il résulte des termes des avenants déjà mentionnés qu'à titre commercial et en cours de contrat, la brasserie a mis à disposition du débitant, du matériel professionnel et une enseigne.

Alors que la restitution de ce matériel lui est désormais réclamée, la SARL SCJM prétend ne l'avoir jamais reçu, à l'exception d'un "modeste parasol" prétendument griffé « Greenbergen » (ou Grimbergen si l'on se réfère à la marque de bière vendue) dont elle fustige la mauvaise qualité rendant sa restitution impossible.

Il est certain qu'aucun bon de livraison n'est produit à ce titre mais la cour observe que le débitant n'a jamais signalé l'absence de délivrance du matériel promis, ni mis en demeure la SAS Kronenbourg de le lui livrer comme convenu et ce tout en concluant successivement plusieurs autres avenants lui accordant encore le prêt de matériels supplémentaires dont elle n'aurait jamais bénéficié.

Cela étant, en application de l'article 1315 ancien ou 1353 actuel du Code civil, il appartient à la brasserie de prouver la mise à disposition du matériel, dont le détail n'est nullement communiqué et dont elle exige la restitution. Aucun élément en ce sens n'étant produit, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a ordonné la restitution de matériel ou à défaut le paiement de la somme de 4 524,51 euros, sauf toutefois en ce qu'il a condamné la SARL SCJM à restituer un dispositif de tirage pression d'une valeur de 634,30 euros mis à disposition en suite de l'avenant du 9 septembre 2011, le débitant ayant reconnu dans l'avenant suivant être en possession d'un "bec pression" supplémentaire.

Statuant à nouveau, la SARL SCJM sera condamnée à restituer à la SAS Kronenbourg le dispositif de tirage-pression fourni en suite de l'avenant du 9 septembre 2011 dans un délai d’un mois. A défaut elle sera condamnée au paiement de la somme de 634,30 euros correspondant à la valeur vénale du matériel prêté dont elle doit restitution.

Sur les dommages et intérêts réclamés par la SARL SCJM :

En application des dispositions de l'article 1147 du Code civil dans sa version applicable au contrat, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La SARL SCJM semble admettre, à juste titre, dans ses écritures que les dispositions de l'article L. 330-3 du code de commerce ne sont pas applicables, le contrat n'étant pas conclu dans un intérêt commun mais dans celui propre à chaque partie de "développer le volume et le chiffre d'affaire de la brasserie et du débitant", tel qu'indiqué en préambule du contrat.

Elle soutient néanmoins que la brasserie était tenue préalablement à la signature du contrat de lui fournir des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause, conférant à la brasserie un « rôle d'assistant technique et commercial » qui devait perdurer pendant toute la durée de l'exclusivité.

Ainsi elle estime que le volume contractualisé à 600 hl sur cinq ans était totalement irréaliste et irréalisable ; il est constant désormais qu'il ne sera pas atteint, pas même pour moitié.

Cependant et contrairement à ce que le débitant ne reconnaît pas, la brasserie justifie que son gérant, M. X était en 2005 également gérant de la SARL X et fils qui exploite le café restaurant le WALL STREET ; M. X pense que "de mémoire" il était seulement associé d'une holding familiale, la SARL HOLDING X qui détenait effectivement des parts dans des brasseries, cette société est cependant indépendante de la SARL X et fils précitée, deux numéros de RCS différents leur étant attribués.

Néanmoins il est ainsi démontré que M. X n'était pas profane en la matière lorsqu'il conclura, en qualité de débitant de boissons, le contrat en litige en 2011 et doit être considéré comme un gérant averti.

Ainsi que le contrat le précise c'est au terme de négociations que le volume de 600 hl a été arrêté et accepté ; un volume aussi conséquent était la contrepartie d'un financement également conséquent, arrêté et accepté à hauteur de 36 000 euros. Dès lors c'est en pleine connaissance de cause des obligations contractées mais également de leurs aléas que les volontés des parties se sont rencontrées ; le vendeur, en l'espèce la brasserie, ayant clairement expliqué ce à quoi il s'engageait conformément aux dispositions de l'article 1602 du Code civil, le débiteur étant et demeurant libre de ne pas accepter ou de négocier voire renégocier, y compris annuellement tel que le prévoyait le contrat, le volume minimal de bière à acheter.

Les développements sur la perte de vitesse du marché de la bière en France sont sans emport quand bien même ils étaient connus de la brasserie, M. X, à l'instar d'autres membres de sa famille, exerçant sa profession dans le domaine des "cafés restaurants" depuis plusieurs années, est réputé les connaître également.

En outre si l'article 3 du contrat initial prévoit qu'un "point annuel pourra être réalisé entre le débitant et la brasserie pour valider la bonne adéquation entre les volumes réalisés à date et les engagements", cette possibilité, laissée à la libre disposition des parties, n'a jamais été utilisée, alors même qu'à l'occasion de la signature des avenants précités, les conditions d'exécution du contrat étaient nécessairement rappelées et discutées. En tout état de cause la brasserie ne supportait contractuellement aucune obligation de prendre l'initiative d'un tel bilan annuel et le débitant ne justifie ni n’avoir remis en cause le réalisme initial de l'objectif de vente ni encore en avoir sollicité sa révision en cours de contrat ; il a cependant accepté, au terme de chaque avenant, une aide matérielle complémentaire de la brasserie.

Enfin si cette dernière ne démontre pas avoir remis effectivement le matériel visé dans les avenants, ainsi que déjà mentionné, la SARL SCJM n'explique et ne démontre pas en quoi le volume de vente initial en a été affecté.

En conséquence les demandes indemnitaires de la SARL SCJM ont à juste titre été rejetées par les premiers juges alors qu'aucune inexécution des obligations contractuelles de la brasserie n'était établie ; le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de délais de paiements :

Compte tenu du résultat net de la société en 2018, en l'espèce 37 748 euros, en forte hausse par rapport à l'année 2017, c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont accordé à la SARL SCJM des délais de paiements, le jugement entrepris méritant confirmation sur ce point ; la décision étant assortie d'une clause cassatoire en cas de non-respect de l'échéancier de paiement ainsi mis en place.

Compte tenu du décalage opéré de fait sur le calendrier de remboursement mis en place par le premier juge, celui-ci sera réformé comme visé au dispositif.

Sur les demandes accessoires :

La SARL SCJM succombant en la plupart de ses prétentions supportera l'intégralité des dépens de la présente procédure outre confirmation du jugement entrepris sur ce point. L'équité ne commande pas, en appel comme en première instance, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SARL SCJM.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la SAS Kronenbourg les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits, une somme de 1 500 euros lui sera accordée en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre confirmation du jugement entrepris sur ce point également.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg sauf en ce qu'il a :

- condamné la SARL SCJM à restituer à la SAS Kronenbourg le matériel tirage pression, le matériel et une seconde installation tirage/pression, le mobilier extérieur et intérieur, et l'enseigne mise à disposition, dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement et à défaut à lui payer la somme de 4 624,51 euros,

- autorisé la SARL SCJM à payer la somme de 19 554 euros avec intérêts en échéances mensuelles de 820 euros chacune et une dernière pour le solde payable le premier de chaque mois à compter du 1er mai 2018,

Statuant à nouveau sur ces seuls points,

Condamne la SARL SCJM à restituer à la SAS Kronenbourg le dispositif de tirage-pression fourni en suite de l'avenant du 9 septembre 2011 dans un délai d’un  mois à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne à défaut d'une telle restitution la SARL SCJM à verser à la SAS Kronenbourg la somme de 634,30 euros (six cent trente-quatre euros et 30 centimes),

Rejette les autres demandes de restitutions présentées par la SAS Kronenbourg, en nature comme en valeur,

Accorde à la SARL SCJM des délais de paiement sur une durée de 24 mois pour s'acquitter du paiement de la somme de 19 554 euros mise à sa charge,

Autorise la SARL SCJM à se libérer de sa dette par 23 mensualités de 820 euros et une dernière mensualité comprenant le solde de la dette en principal, intérêts, frais et accessoires,

Dit que chaque mensualité ainsi définie sera à verser au plus tard le 15 de chaque mois, la première avant le 15 du mois suivant celui de la signification des présentes,

Dit qu'en cas de défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, l'ensemble de la dette sera exigible immédiatement,

Y ajoutant :

Condamne la SARL SCJM aux entiers frais et dépens,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SARL SCJM,

Condamne la SARL SCJM à verser à la SAS Kronenbourg la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.