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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 23 janvier 2020, n° 19/01718

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Flers Aménagements (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bolteau-Serre

Conseillers :

Mme Tuffreau, M. Le Pouliquen

T. com. Lille, du 28 févr. 2019

28 février 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société Flers aménagement a entrepris en qualité de maître d'ouvrage, la réhabilitation de l'ancien site logistique de la société 3 Suisses et la création d'un ensemble immobilier de 90 000m2 situé [...] et [...].

La société Bouygues bâtiment nord-est a été désignée comme assistant au maître d'ouvrage. La mission de contrôle technique a été confiée à la société Apave.

Les travaux ont été entrepris sous la maîtrise d'œuvre de :

- la société Agence Nicolas M., architecte urbaniste,

- la société Projex, maître d'œuvre des espaces publics,

- la société Théra, maître d'œuvre de désamiantage et démolition,

- la société Néo éco, maître d'œuvre recyclage des matériaux,

- M. P., maître d'œuvre de conception,

- la société Exe-co, maître d'œuvre d'exécution.

Suivant contrat du 7 juin 2017, la société V. s'est vue confier l'exécution des travaux de désamiantage, de curage et de démolition. Le montant du marché initial s'élevait à la somme de 938 510 euros hors taxes.

La société V. et la société Flers aménagements ont successivement régularisé quatre avenants. Le marché s'est ainsi établi à la somme totale de 1 393 546 euros HT à la date du dernier avenant.

L'ordre de service n°1 du 19 juin 2017 a fixé le démarrage des travaux au 3 juillet 2017 pour une durée de 6,5 mois.

Selon l'avenant n° 4 du 5 juillet 2018 ; la fin des travaux de la société V. a été arrêtée à fin juillet 2018 majorée de 15 jours de finitions au mois d'août pour un repli de chantier et libération du site mi-août 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 septembre 2018 adressée à la société Flers aménagements, la société V. a sollicité qu'il soit procédé à la réception du chantier pour ses travaux achevés au 7 septembre 2018.

Par lettre recommandée du 18 décembre 2018, la société Flers a invité la société V. à procéder à la réception le 20 septembre 2018.

Le 20 septembre 2018, un procès-verbal de réception avec réserves a été dressé. La société V. n'a pas signé le document.

Un suivi de levée de réserves a été établi par la société Flers aménagements le 30 novembre 2018 mentionnant les réserves levées et les réserves non levées.

Le 20 décembre 2018, la société Flers a notifié à la société V. un projet de décompte général aux termes duquel elle estimait être créancière de la somme de 154 340,84 euros HT.

Le même jour, la société V. a contesté ce décompte considérant être créancière d'une somme de 922 558,05 euros HT.

Le 10 janvier 2019, la société Flers aménagements a contesté les demandes de la société V..

Par acte du 4 février 2019, la société V. a fait assigner en référé d'heure à heure la société Flers pour solliciter du président du tribunal de commerce de Lille métropole, notamment la désignation d'un expert, la suspension des travaux du bâtiment Compact et la condamnation à titre provisionnel de la société Flers aménagements à lui verser la somme 60 897,17 euros HT.

Par ordonnance du 28 février 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille métropole a, au principal, renvoyé les parties à mieux se pourvoir et, au provisoire, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile :

- rejeté la demande d'expertise formulée par la société V. ;

- dit et jugé que par conséquent, la demande de suspension des travaux y afférente ne saurait davantage prospérer ;

- dit n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne la demande de condamnation d'une somme provisionnelle ;

- renvoyé les parties à se pourvoir devant les juges du fond sur ce point ;

- condamné la société V. à payer à la société Flers la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société V. aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 42,80 euros en ce qui concerne les frais de greffe.

Par déclaration régularisée le 20 mars 2019, la société V. a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses conclusions déposées le 31 octobre 2019, la société V. demande à la cour, au visa des articles 873 et 145 du code de procédure civile, d'infirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- désigner un expert avec pour mission notamment de :

- donner tous éléments permettant d'apprécier si les travaux confiés à la société V. ont été exécutés conformément au contrat lui ayant été confié et si les réserves émises par le maître de l'ouvrage y sont ou non techniquement liées,

- donner tous les éléments permettant d'apprécier l'existence de circonstances imprévisibles rendant l'exécution du contrat de la société V. excessivement onéreuse au sens des dispositions de l'article 1195 du code civil,

- donner tous les éléments permettant d'apprécier les préjudices directs et indirects, matériels et immatériels subis par la société V. dans le cadre de l'exécution des travaux lui ayant été confiés par la société Flers aménagements,

- donner tous éléments permettant d'établir le compte entre les parties et les responsabilités éventuellement encourues.

- condamner à titre provisionnel la société Flers aménagements à payer à la société V. la somme de 60 897,17 euros HT ;

- prendre acte que la société V. de ce qu'elle sollicite auprès de la société Flers aménagement la renégociation de son contrat ;

- débouter la société Flers aménagement de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Flers aménagements à payer à la société V. une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens avec droit pour la société D. et F. de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait notamment valoir que :

- sur la demande d'expertise, celle-ci est fondée sur l'article 145 du code de procédure civile.

- elle entend solliciter du juge du fond la condamnation de la société Flers aménagements au visa de l'article 1195 du code civil.

- le procès-verbal de réception a été dûment contesté par la société V., les moins-values appliquées par la société Flers aménagement sont injustifiées car elles concernent des prestations hors marché.

- l'intérêt légitime d'une demande de désignation d'un expert est caractérisé en l’espèce : soit les travaux ont été exécutés correctement et intégralement et alors les réserves opposées sont illégitimes puisque hors marché, soit les travaux ont été achevés mais non exécutés correctement et intégralement est le maître de l'ouvrage est légitime à déduire du décompte général définitif les moins-values correspondantes;

- la théorie de l'imprévision peut être invoquée devant le juge des référés, l'article 1195 du code civil ayant été créé pour permettre aux entreprises de revendiquer une renégociation des marchés forfaitaires en cas de bouleversement de l'économie des contrats ;

- elle revendique un surcoût supérieur à 800 000 euros dans le cadre d'un marché forfaitaire de 1 368 345,56 euros HT ; la somme n'est pas comprise dans les avenants régularisés par les parties, ayant déjà abouti à une augmentation du prix du marché de 45,8 % ;

- si l'application des dispositions de l'article 1195 du code civil relève de la compétence du juge du fond, un expert judiciaire doit être désigné afin d'identifier les circonstances imprévisibles susceptibles de rendre l'exécution du contrat plus onéreuse ;

- sur l'appréciation du préjudice subi ou non par la société V., celle-ci a contesté les réserves estimant qu'elles étaient sans lien avec les travaux confiés; des découvertes sont survenues en cours de chantier sans qu'elles donnent lieu à l'établissement d'avenants; elle a détaillé les différents postes de préjudices et chiffré leur quantum au travers de sa demande de condamnation provisionnelle et de son décompte général définitif, préjudices accrédités par des pièces techniques que seul un expert judiciaire techniquement compétent est susceptible d'analyser ;

- sur le compte entre les parties, l'opposition des parties se porte également sur le bien-fondé technique des réserves formulées afin de permettre au tribunal de statuer sur le bien-fondé ou non des retenues opérées sur le solde de marché restant dû à la société V. ;

- concernant la demande de condamnation provisionnelle, la société V. liste les déductions opérées par le maître de l'ouvrage non justifiées par des factures ;

- seules les pénalités de retard contestées par la société V. pouvaient donner lieu à un débat arbitré par l'expert ;

- le premier juge a à tort considéré que la demande de la société V. était la reprise de son décompte sous déduction des pénalités de retard ;

- la société Flers aménagements s'est contentée d'une contestation de principe et est incapable de justifier de la réalité des surcoûts correspondant aux moins-values appliquées ;

- la société V. a quant à elle exécuté ses travaux et justifie de son droit à paiement qui n'est pas sérieusement contestable.

Aux termes de ses conclusions déposées le 30 août 2019, la société Flers aménagements demande à la cour, au visa des articles 873 et 145 du code de procédure civile et des articles 1195 et 1793 du code civil de :

- confirmer l'ordonnance dont appel ;

- constater que le marché signé entre les parties est un marché à forfait ;

- dire et juger que les conditions de l'article 1195 du code civil ne sont pas réunies et que cette question échappe au juge des référés ;

- débouter la société V. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En toute hypothèses,

- constater que les conditions de l'article 145 du code de procédure civile ne sont pas réunies,

- débouter la société V. de sa demande de désignation d'expert.

Vu l'article 873 du code de procédure civile,

- constater l'existence d'une contestation sérieuse et se déclarer incompétent au profit des juges du fond ;

- débouter la société V. de sa demande de suspension des travaux concernant le bâtiment Compact, en l'absence de dommages imminents ou de troubles manifestement illicites ;

- débouter la société V. de sa demande de condamnation provisionnelle.

A titre reconventionnel,

- condamner la société V. à payer à la société Flers la somme de 7 000 euros complémentaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que :

- il ne relève pas de la compétence du juge des référés de donner acte d'une demande de renégociation d'un contrat ; l'application de l'article 1195 du code civil n'entre pas dans la mission de l'expert et relève de la compétence exclusive des juges du fond ;

- il ressort de l'article 11 du marché que le prix est global et forfaitaire, il s'agit par conséquent d'un marché forfaitaire au sens de l'article 1793 du code civil ; le prix du marché étant forfaitaire, il est devenu définitif lors de la conclusion du contrat, de sorte que l'entrepreneur ne peut pas demander de modification ultérieure et qu'il n'y a pas de place à l'imprévision ;

- l'article 1195 du code civil ne s'applique pas en l'espèce en raison de l'absence de changement de circonstances imprévisible car les prestations que la société V. estime imprévisibles ont donné lieu à des avenants prévoyant une rémunération supplémentaire;

- les réserves sont établies dans un document complet étayé de photographies de telle sorte que la désignation d'un expert ne permettrait pas d'apporter des éléments nouveaux ; en raison de multiples interventions par d'autres entreprises, l'expert ne pourrait établir aucun constat sur le bâtiment ; il n'existe pas de motif légitime d'ordonner des mesures d'instruction avant dire droit ;

- la mission d'expertise sollicitée par la société V. porte sur différents points, notamment celui d'apporter au tribunal les éléments permettant d'apprécier si les travaux qui lui ont été confiés, ont été exécutés; or, les travaux ont été achevés et les débats portent uniquement sur les réserves contestées par la société V. ; l'expert ne peut être désigné que pour des considérations techniques et il ne relève pas de son champ de compétence de se prononcer sur 'des circonstances imprévisibles d'une exécution de contrat excessivement onéreuse' ; la société V. ne fournit aucun élément permettant d'apprécier les préjudices directs, indirects, matériels et immatériels qu'elle subit ; il n'est pas nécessaire de désigner un expert pour établir le compte entre les parties et les responsabilités éventuellement encourues ;

- il n'y a pas lieu d'ordonner la suspension des travaux du bâtiment Compact ni de désigner un expert ; la société V. ne justifie pas le fondement juridique de cette demande ; la demande de suspension des travaux est maintenue dix mois après la réception des travaux ; la société V. n'a pas qualité pour demander la suspension des travaux confiés à d'autres entreprises ; elle n'apporte pas la preuve d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite ;

- la société V. n'est pas fondée à statuer sur sa demande de condamnation de la société Flers aménagements au paiement de la somme de 60 897, 17 euros HT correspondant à la reprise de la proposition de décompte définitif déduction faite des pénalités de retard ; les conditions posées par l'articles 873 du code de procédure civile ne sont pas réunies ; cette demande ne relève pas de la compétence du juge des référés mais des juges du fond.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera observé préalablement que la société V. ne soutient plus dans ses dernières écritures sa demande de suspension des travaux concernant le bâtiment Compact, au motif que des entreprises étaient intervenues depuis plusieurs mois modifiant l'état du bâtiment ;

De même, sur la demande de donner acte de la société V., il sera rappelé que, en application des articles 12 et 22 du code de procédure civile, le juge qui a pour mission de trancher un litige ou de concilier les parties n'exerce aucun contrôle de légalité ou d'opportunité sur les donner acte ou les constats qui n'ont pas force exécutoire; il n'appartient donc pas à la juridiction d'examiner ou de répondre à cette demande;

Sur la demande d'expertise judiciaire

En vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;

L'existence du motif légitime de nature à justifier une mesure d'instruction sollicitée par application de l'article 145 précité relève du pouvoir souverain du juge ;

En l'espèce, revendiquant l'application de l'article 1195 du code civil, la société V. sollicite une expertise au motif que l'expert désigné fournira ainsi les éléments permettant d'apprécier l'existence de circonstances imprévisibles rendant l'exécution du contrat excessivement onéreuse ;

L'article 1195 du code civil issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 dispose que 'si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe' ;

Or, les circonstances imprévisibles ne sont pas de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat conformément aux dispositions de l'article 1793 du code civil lequel dispose que « lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire » ;

L'article 1793 qui édicte des règles spéciales déroge aux règles générales de l'article 1195 précité ;

En l'état, la demande d'expertise ne se justifie pas ;

S'agissant de la demande d'expertise aux fins de fournir les éléments permettant d'apprécier si les travaux confiés à la société V. ont été 'exécutés conformément au contrat et si les réserves émises par le maître de l'ouvrage y sont ou non techniquement liés' ;

Il résulte de la lettre de la société V. du 13 septembre 2018, demandant la réception des travaux, que cette dernière estimait que ses travaux étaient achevés depuis le 7 septembre 2018 ;

Le procès-verbal de réception du 20 septembre 2018, dont il est établi par ses écritures que la société V. a refusé de signer, fait état des réserves à lever et des désordres à reprendre ; il est accompagné de nombreuses photographies illustrant chaque réserve ou désordre ;

De même, le document intitulé 'suivi de levée des réserves' du 30 novembre 2018 mentionne les réserves levées et celles qui ne le sont pas, avec des photographies à l'appui et l'indication sur certains désordres ou réserves de la mention 'hors responsabilité V.' ;

Il résulte de la lettre de M. El K., responsable de la maîtrise d'ouvrage d'exécution en date du 8 octobre 2018 (pièce n°13 Flers) qu'injonction a été donnée à la société V. de procéder à la mise en sécurité du bâtiment, poursuivre les travaux de démolition et lever les réserves encore restantes dans un délai de 15 jours, sous peine de résiliation du contrat ;

Par courrier du 20 décembre 2018, la société V. a contesté le décompte général définitif adressé par le maître de l'ouvrage au motif que des travaux complémentaires avaient été exécutés non prévus au marché et à ses avenants et que des travaux qui ne leur avaient pas été confiés faisaient à tort l'objet de moins-value (pièce n° 6 V.) ;

En réponse à ce courrier, le responsable de la maîtrise d'ouvrage d'exécution a repris, par lettre du 10 janvier 2019 (pièce n° 7 V.), les différents postes de moins-value contestés et indiqué que les travaux inachevés par la société V. ont été confiés notamment à l'entreprise LBS Démolition ;

Le tableau des réclamations du maître de l'ouvrage à l'encontre de la société V. annexé à ce dernier courrier, liste les travaux de reprise réalisés par la société LBS Démolition et ceux réalisés ou en cours de l'entreprise BBNE ;

Des contrats ont été effectivement conclus avec de nouvelles entreprises, notamment l'entreprise LBS Démolition le 25 novembre 2018 pour le désamiantage, le curage et la démolition (pièces Flers n° 5 et 15, contrat et annexe 1) ;

Les photographies produites (pièce n° 20) non datées, comparées à celles annexées au procès-verbal de réception et au suivi des levées de réserves démontrent que des travaux ont été effectivement réalisés ;

De même, le contrat conclu avec la société Bouygues Bâtiment nord-est le 17 juin 2019 et les ordres de services n° 1 et 2 des 17 juin 2019 et 1er juillet 2019 justifient de la poursuite des travaux de réaménagement du site dans le cadre d'une opération de lotissement à usage mixte ;

En conséquence, si un expert ne peut plus faire aucune constatation matérielle s'agissant des travaux exécutés par la société V., sur les lieux modifiés par l'intervention des entreprises et la poursuite des travaux, il peut donner un avis sur pièces pour dire si les travaux ayant fait l'objet de réserves, portent ou non sur des travaux prévus au marché initial complété par les quatre avenants et si des travaux supplémentaires étaient nécessaires à la réalisation des travaux contractuellement prévus ;

Pour ce motif, l'expertise judiciaire se justifie, les éléments fournis par l'expert pouvant permettre au juge éventuellement saisi de se prononcer sur le compte entre les parties ;

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef ;

Sur la demande de provision

Aux termes de l'article 873 second alinéa du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

En l'espèce, au regard du décompte général définitif au 18 décembre 2018, la société Flers aménagements se prétend créancière à l'égard de la société V. d'une somme de 152 827,38 euros, en raison notamment des pénalités de retard appliquées, des travaux réalisés par les entreprises BBNE et LBS Démolition en lieu et place de la société V. et de coûts assumés par le maître de l'ouvrage au titre des plaintes des riverains, des honoraires en supplément CSPS et Théra, soit un total de 247 658,43 euros, réclamations contestées par la société V. ;

Cette dernière se considère quant à elle créancière d'une somme de 922 558,05 euros HT, en raison notamment des prestations supplémentaires exécutées sur le chantier pour un montant de 807 727 euros HT et d'un solde du marché (situations d'août et septembre 2018 non réglées) de 114 831,05 euros HT ;

La provision réclamée, soit 60 897,17 euros HT, correspond au solde du marché ci-dessus (114 831,05 euros) moins les pénalités de retard également contestées (53 933,83 euros HT) ;

En l'état, au regard du texte susvisé, l'obligation de régler cette somme est sérieusement contestée par la société Flers aménagements laquelle produit le procès-verbal de réception, le suivi des levées des réserves, certes des devis et non des factures de l'entreprise LBS démolition, mais pour des travaux correspondants à ceux pour lesquels des réserves avaient été faites à la société V. et ce, en vertu d'un contrat de désamiantage, curage et démolition, conclu dès après la mise en demeure faite à la société V. d'exécuter les travaux et de lever les réserves ;

Les conditions de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ne sont donc pas réunies pour accorder une provision ;

L'ordonnance sera confirmée de ce chef ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'ordonnance entreprise sera confirmée sur les dépens et infirmée sur les frais irrépétibles ;

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre ;

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la société V. ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à la disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance entreprise sur le rejet de la demande provisionnelle et les dépens,

Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Ordonne une mesure d'expertise et désigne pour y procéder :

M. Fabien M.

[...]

[...]

tél: [...]

avec mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles, et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de :

- prendre connaissance des pièces contractuelles, du procès-verbal de réception et du document intitulé 'suivi de levée des réserves' et de tous documents utiles, concernant la réhabilitation de l'ancien site logistique de la société 3 Suisses et la création d'un ensemble immobilier de 90 000m2 situé [...],

- dire, au vu des documents produits, si les travaux ayant fait l'objet de réserves portent ou non sur des travaux prévus au contrat de désamiantage, curage et démolition et aux avenants audit contrat conclus entre la société V. et la société Flers aménagements,

- dire, en présence de travaux supplémentaires, ayant fait l'objet de réserves, si ces derniers étaient nécessaires à la réalisation des travaux contractuellement prévus,

- le cas échéant, chiffrer le coût des travaux de reprise des réserves,

- donner tous éléments permettant d'apprécier l'existence d'un retard dans la réalisation des travaux à la charge de la société V. et chiffrer le cas échéant le montant des pénalités de retard,

- se rendre si nécessaire sur les lieux situés [...], après y avoir convoqué les parties,

- faire toutes observations utiles au règlement du litige,

Dit que pour procéder à sa mission l'expert devra :

- convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

- se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- à l'issue de la première réunion d'expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations, l'actualiser ensuite dans le meilleur délai :

- en les informant de l'évolution de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du magistrat compétent au tribunal de commerce de Lille métropole, des demandes de consignation complémentaire qui s'en déduisent, sur le fondement de l'article 280 du code de procédure civile, et dont l'affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l'article 269 du même code ;

- en informant les parties, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse,

- au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés,

- fixant la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,

- rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai,

Fixe à la somme de 1 500 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par la société V. à la régie d'avances et de recettes du tribunal de commerce de Lille métropole pour le 24 février 2020,

Dit que faute de consignation de la présente provision initiale dans ces délais impératifs, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque, conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile,

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal de commerce de Lille métropole avant le 24 juin 2020 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du magistrat compétent du tribunal de commerce de Lille métropole,

Dit que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par ce dernier,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société V. aux dépens d'appel.